Les autistes intéressent les entreprises

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Les autistes intéressent les entreprises
Le Soir Samedi 6 et dimanche 7 juillet 2013
10 L'ÉCONOMIE
Les autistes intéressent les entreprises
EMPLOI
Le monde du travail commence à découvrir leurs compétences particulières
Le géant informatique
SAP en recrutera 650
d’ici à 2020.
La société danoise
Specialisterne entend
leur ouvrir un million
d’emplois dans le monde.
F
in mai, SAP, le géant informatique allemand, faisait part de son intention
de recruter d’ici à 2020 quelque
650 personnes atteintes d’autisme pour les affecter à des
postes de programmateurs et de
testeurs de logiciels. A cette
échéance, 1 % des 65.000 employés de la multinationale, leader mondial sur le marché du logiciel d’entreprise, seront des
personnes autistes dont SAP a
pu évaluer les compétences particulières – le groupe parle
même de « talents uniques » – à
la faveur de projets pilotes menés en Inde et en Irlande.
Ces compétences-là feraient
singulièrement merveille dans
certains secteurs d’activité. Au
premier rang desquels l’informatique : on cite souvent, à ce propos, l’exemple du célèbre hacker
britannique Gary McKinnon,
alias « Solo » – il fut accusé de
s’être introduit dans les réseaux
de la Nasa et du Pentagone –, atteint du syndrome d’Asperger,
une forme d’autisme attachée à
la partie haute du spectre des
troubles autistiques.
« Les autistes ont une capacité
très particulière à se concentrer,
une disposition unique pour
trouver des erreurs dans un code
de programmation », expliquait
Tilman Höffken, le porte-parole
de SAP. Cinzia Agoni-Tolfo, la
présidente de l’ASBL Inforautisme, confirme : « Ils ont une re-
La Stib emploie des personnes autistes pour tester les logiciels des portillons d’accès au métro.© BELGA
marquable mémoire photographique, une véritable faculté de
percevoir les détails servie par
une grande acuité visuelle. Ils
voient d’emblée ce qui cloche. »
Malgré quoi, les autistes
peinent à trouver de l’emploi sur
le marché du travail : « Selon des
études menées aux Etats-Unis, le
taux de personnes autistes qui
n’ont pas d’emploi régulier est de
90 %. On estime que les chiffres
sont comparables en Europe »,
explique Aurélie Baranger, directrice de l’association Autisme-Europe. Le problème ? « Les
entreprises répugnent encore à
recruter des personnes autistes,
dit Cinzia Agoni-Tolfo. L’autisme
reste souvent perçu comme une
maladie mentale. »
Les études épidémiologiques
s’accordent à considérer que les
troubles du spectre autistique
(TSA) concernent une personne
sur cent. Et que 60 % des gens
avec autisme ne présentent pas
de déficience intellectuelle – toutes celles-là ne sont pas pour autant des « autistes de haut niveau » dont les capacités cognitives peuvent être remarquablement élevées.
Leur insertion dans la vie professionnelle ne bute pas seulement sur des préjugés. Elle est
pas », résume Cinzia Agoni-Tolfo. Ils sont sans équivoque. Avec
eux, pas de sous-entendu : il n’y
a qu’un ou zéro. Sur le lieu de
travail, leur relation aux autres
est problématique. Le travail en
équipe, ce n’est pas leur fort.
Depuis quelques années, toutefois, des entreprises ont mis au
point des procédures de recrutement spécifiques et engagent des
personnes autistes auxquelles
« Ils ont une remarquable mémoire photographique.
Ils ont l’œil pour le détail qui cloche »
aussi compromise par ces difficultés qu’éprouvent les autistes
dans l’interaction sociale : l’autisme est un trouble du développement neurologique qui affecte
les aptitudes à la communication. « Les codes sociaux, l’hypocrisie sociale, ils ne connaissent
elles offrent un environnement
de travail adapté. L’entreprise
danoise Specialisterne a ouvert
la voie en 2003 : aujourd’hui,
cette ex-start-up, implantée
dans plusieurs pays d’Europe,
ambitionne de fournir du travail
à un million de personnes au-
tistes dans le monde.
En Belgique, son expérience a
inspiré la coopérative à finalité
sociale Passwerk, implantée à
Berchem (Anvers) depuis 2008.
Cette entreprise occupe aujourd’hui 40 autistes qui, une fois
formés, sont devenus autant
d’ingénieurs testeurs de logiciels
pour le compte d’une clientèle
très diversifiée. Depuis 2011,
quatre d’entre eux travaillent
ainsi pour la Stib où ils testent
les logiciels des portillons d’accès
au métro et les puces électroniques des titres de transport :
« Notre contrat avec Passwerk sera très probablement renouvelé
en septembre prochain, explique
An Van Hamme (Stib). Nous
sommes très satisfaits de cette
collaboration. Ces gens ont la capacité de rester incroyablement
concentrés lors de tests très répétitifs qui, dans la durée, émousseraient la concentration de
n’importe qui d’autre. »
Passwerk ne recrute pas des
personnes atteintes de TSA dans
le but de se gagner on ne sait
trop quelle sympathie. « Nous
sommes simplement convaincus
des capacités de ces travailleurslà, singulièrement dans le domaine des technologies de l’information », explique Dirk Rombaut, cofondateur et directeur
commercial de Passwerk. L’entreprise a donc conçu un environnement qui permet à ses employés d’exprimer au mieux leurs
compétences (lire ci-contre). Et
ça marche : Passwerk, qui ne
perçoit aucune subvention –
hors celles versées à n’importe
quelle entreprise qui embauche
des personnes handicapées – a
été très vite rentable. « Au début,
dit Dirk Rombaut, il a fallu
convaincre la clientèle. Aujourd’hui, elle est enthousiaste. » ■
STÉPHANE DETAILLE
CHEZ NOUS
Passwerk a ouvert
la voie
Chez Passwerk, le processus
de recrutement est sévère :
entretiens, batteries de
tests, évaluations (niveau
intellectuel, impact du TSA
sur le comportement, réactions à différents types de
stimuli…). Et la formation
sérieuse : « Nos employés
doivent être capables de rédiger des scénarios de tests, de
les exécuter et d’en enregistrer
les résultats », explique Dirk
Rombaut, directeur commercial de Passwerk. Chaque
employé est jugé selon ses
capacités, à charge pour
l’employeur de s’y adapter
en personnalisant communication et formations. Le
personnel est encadré par
des coachs – des orthopédagogues – qui sont les premières personnes de contact
à la fois pour les employés
et les clients : « Leur travail,
explique Dirk Rombaut, c’est
de résoudre les difficultés
associées à l’autisme en épaulant les personnes atteintes de
TSA dans leur job. Ce sont les
coachs qui préparent le terrain. Et qui préparent aussi les
futurs collègues de nos collaborateurs en se rendant dans
les entreprises qui sollicitent
nos services. »
Dirk Rombaut, directeur commercial de Passwerk. © D.R.
L’infirmière meurtrière de ses deux enfants libérée
JUSTICE La Chambre du conseil de Liège élargit Rita Henkinet. Le parquet devrait interjeter appel ce lundi
ita Henkinet, une infirmière liégeoise de 54 ans
R
qui a reconnu avoir assassiné ses
deux enfants le 2 mars dernier, a
été libérée sous conditions par la
chambre du conseil ce vendredi.
Le parquet de Liège a jusqu’à
lundi pour interjeter appel.
Audrey avait 25 ans et était atteinte d’infirmité motrice cérébrale (IMC) et d’autisme. Rien
n’aurait pu indiquer à Rita Henkinet, sa maman, que l’enfant
qu’elle allait avoir un an plus
tard, un garçon prénommé Arnaud, serait lui aussi atteint
d’IMC. Le papa avait quitté le
domicile conjugal peu après
cette seconde naissance.
Depuis, l’infirmière liégeoise
n’avait jamais « refait sa vie » :
« Tous les jours, elle travaillait
pour faire face à leurs besoins et
mettait ses sous de côté dans une
fondation au nom d’Audrey et
Arnaud pour qu’ils ne manquent
de rien quand elle ne serait plus
là, nous avait confié le frère de
l’infirmière peu après les faits. Le
mardi, elle se rendait à l’institution où ils séjournaient pour
manger avec eux. Le week-end,
elle allait les rechercher pour
Les enfants handicapés
avaient 24 et 25 ans.
Elle les avait endormis
avant de les étouffer
qu’ils reviennent à la maison.
C’est elle qui préparait leurs médicaments pour la semaine, c’est
elle qui les conduisait chez les
nombreux médecins… » Mais
l’état de santé d’Audrey avait
commencé à décliner il y a
quatre ans et, par mimétisme car
les enfants vivaient en symbiose,
l’état de santé d’Arnaud se serait
aussi, selon les proches de la
quinquagénaire, détérioré.
Le samedi 2 mars, dans la maison familiale de Rocourt, Rita
Henkinet leur avait fait avaler
des somnifères, les avait couchés
puis avait attendu qu’ils dorment
profondément pour les étouffer
avec un oreiller. Elle avait ensuite ingurgité à son tour un
grand nombre de médicaments,
« pour partir avec eux », avaient
expliqué ses conseils, Mes Wilmotte et Gilissen. Mais son frère
était passé saluer la famille et
l’avait sauvée. Au sortir du coma,
la maman avait confié avoir vécu
ces dernières années comme une
« torture ».
Rita Henkinet avait déjà solli-
cité sa remise en liberté lors de
sa précédente comparution devant la chambre du conseil, mais
elle ne lui avait pas été accordée.
« Au stade actuel, la maintenir
en détention correspond à l’application anticipée d’une peine,
réagit Me Alexandre Wilmotte.
La gravité des faits n’est pas
contestée et elle devra comparaître devant une juridiction de
fond qui statuera sur la peine à
appliquer. Mais nous sommes ici
dans un dossier particulier, un
dossier profondément humain.
Plus rien ne justifie le maintien
en détention. »
La décision prise ce vendredi
par la chambre du conseil de
Liège est qualifiée de « courageuse » par la défense. Le parquet a jusqu’à lundi après-midi
pour interjeter appel. L’instance
naturelle de jugement pour l’in-
firmière, double meurtrière de
ses enfants, devrait être la cour
d’assises.
Les juridictions d’instruction
en décideront au terme de l’enquête, qui doit encore établir
toutes les circonstances de ce
drame, ainsi que l’état psychologique de cette mère en désespérance, confrontée à deux enfants
lourdement handicapés. ■
LAURENCE WAUTERS (avec M.M.)
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