Le syndrome de Cushing en 2016

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Le syndrome de Cushing en 2016
ARTICLE DE REVUE MIG
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Une vue d’ensemble
Le syndrome de Cushing en 2016
Matthias Gasser a , Christoph A. Meier b
a
Departement Innere Medizin und Spezialdisziplinen, Stadtspital Triemli, Zürich; b CMO Office, Universitätsspital Basel
Obésité, diabète et hypertension, des comorbidités fréquentes mais non spécifiques
du syndrome de Cushing, sont très répandus dans la population globale. Il est donc
d’autant plus pertinent d’établir un diagnostic ciblé afin d’éviter les faux positifs et
les examens inutiles.
Introduction
Le syndrome de Cushing est une maladie rare mais
sévère, causée par une exposition pathologique et pro­
longée de l’organisme à des glucocorticoïdes d’origine
endogène. En l’absence de traitement, la maladie est as­
sociée à une morbidité et une mortalité élevées, princi­
palement provoquées par des pathologies cardiovascu­
laires (hypertension, diabète) et des infections. Il est
possible de traiter l’origine causale de la plupart des
complications par un traitement chirurgical ou médi­
camenteux adapté, après la pose d’un diagnostic ciblé
et l’établissement d’une localisation précise. Les com­
plications sont en partie réversibles.
Dans une étude danoise publiée récemment qui a ana­
lysé, au sein de la population globale, la morbidité et la
mortalité des patients avec syndrome de Cushing entre
1980 et 2010, la mortalité était plus que doublée chez
ces derniers par rapport à la population normale [1].
D’une part, les facteurs de risque cardiovasculaires
(obésité, hypertension, diabète sucré, dyslipidémie)
augmentent avec la maladie, et donc la prédisposition
bolisme osseux est également perturbé et induit une
à l’infarctus myocardique, à la dysfonction ventri­
ostéoporose, accompagnée de la morbidité et de la
culaire gauche et aux maladies cérébrovasculaires.
mortalité qui lui sont propres.
D’autre part, la coagulation activée et la fibrinolyse ré­
duite provoquent un état d’hypercoagulabilité, ce qui
explique la multiplication par dix du risque de maladie
Matthias Gasser
Epidémiologie
thromboembolique veineuse chez les patients atteints
Le syndrome de Cushing a une incidence de 0,2–
du syndrome de Cushing ne recevant aucun traite­
5/1 000 000 et une prévalence de 39–79/1 000 000.
ment.
Le diagnostic est généralement posé à un âge moyen, la
L’excès de glucocorticoïdes entraîne fréquemment des
médiane étant de 40 ans; la condition prédomine chez les
dépressions, des troubles anxieux, des troubles du
femmes avec un rapport de 3:1 vis­à­vis des hommes [2].
sommeil ou des déficits neuropsychologiques tels que
En ce qui concerne l’étiologie, le syndrome de Cushing
des altérations de la mémoire et des fonctions exécu­
d’origine endogène se classe en deux groupes: une
tives (par ex. pensées non focalisées, manque de
forme dépendante de l’hormone corticotrope (ACTH)
contrôle des impulsions, attention réduite). En re­
(75% des cas) et une forme indépendante de l’ACTH (25%
vanche, les psychoses aiguës sont rares. Les propriétés
des cas) (tab. 1). Quant aux tumeurs ectopiques produc­
immunosuppressives du syndrome de Cushing aug­
trices d’ACTH, les lésions bénignes et malignes ont une
mentent la susceptibilité aux infections opportunistes,
fréquence comparable, avec d’importantes variations
pouvant être mortelles, ainsi qu’au sepsis [2]. Le méta­
en fonction de la population étudiée.
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Présentation clinique et symptômes
Les manifestations initiales du syndrome de Cushing
sont très variables, mais certains signes cliniques se
sont avérés caractéristiques permettant de faire la dis­
tinction entre un syndrome de Cushing et une simple
obésité (fig. 1). Parmi ces signes, on compte: faiblesse et
atrophie musculaire proximale, ecchymoses, pléthore
faciale, vergetures (de couleur rougeâtre et >1 cm), prise
de poids avec cinétique rapide et ostéoporose [3]. L’hy­
pertension artérielle, les irrégularités menstruelles,
l’acné et l’hirsutisme sont également fréquents. Pen­
dant l’enfance, la présentation clinique dominante est
un retard de croissance s’accompagnant d’une prise de
poids. Les analyses de laboratoire peuvent révéler
une alcalose hypokaliémique et une hyperglycémie. La
probabilité d’être atteint d’un syndrome de Cushing
Tableau 1: Causes du syndrome de Cushing (adapté de [2]).
Proportion
augmente considérablement lorsque plusieurs mar­
queurs cliniques sont présents en association; en cas
d’association d’ostéoporose et d’adiposité, cette pro­
ACTH-dépendantes
75%
Maladie de Cushing
65%
babilité est ainsi multipliée par plus de 50 [4].
Production ectopique d’ACTH
10%
En présence du tableau clinique complet d’un syn­
drome de Cushing, le diagnostic de suspicion est relati­
ACTH-indépendantes
Adénomes surrénaliens, carcinomes,
hyperplasie
vement simple. Toutefois, dans les cas de faible sévé­
25%
rité, la pose du diagnostic relève du défi. En raison de
l’augmentation de l’obésité, du diabète sucré et de l’hy­
pertension, les internistes généraux et les médecins de
famille sont de plus en plus confrontés à cette problé­
matique. Les signes présentés en rouge dans la figure 1
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sont des éléments essentiels pour l’identification des
patients nécessitant des examens complémentaires [3].
Les manifestations d’un syndrome de Cushing aug­
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mentent avec le temps; il est donc utile de consulter
des photos anciennes (surtout des portraits). Une étude
récente a montré qu’un logiciel de reconnaissance
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faciale a été capable de classifier correctement la plu­
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part des patients (85%) et des membres du groupe de
contrôle (95%) [5].
A qui s’adresse le dépistage?
En raison de la faible prévalence au sein de la popula­
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tion globale, la valeur prédictive positive (VPP) des
tests de laboratoire (même très spécifiques) est mal­
heureusement très faible. Par conséquent, seuls des pa­
tients sélectionnés présentant une haute probabilité
clinique a priori de syndrome de Cushing devraient
être testés. Des pathologies répandues telles que l’obé­
sité, le diabète sucré ou l’hypertension artérielle ne jus­
tifient pas à elles seules le recours au dépistage. Si l’on
considère que la spécificité des tests de laboratoire est
de 95%, il y a donc 5% de résultats faux positifs. Si l’on
suppose que le syndrome de Cushing est à l’origine
d’une hypertension secondaire chez un maximum de
Figure 1: Présentation clinique du syndrome de Cushing.
En rouge: signes cliniques relativement spécifiques tels
que l’atrophie cutanée avec ecchymoses, atrophie et faiblesse
musculaires proximales, pléthore faciale, vergetures et
ostéoporose [3].
En noir: manifestations souvent présentes en cas de
syndrome de Cushing, mais non spécifiques.
Illustré par Martin Heynen.
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1 patient sur 1000, une spécificité de 95% signifie que
50 patients sont faussement positifs au test, alors que
seul 1 patient sur les 1000 est réellement atteint d’un
syndrome de Cushing (VPP de 2%!). Ce qui complique
davantage la tâche est le fait qu’il n’existe aucun test de
référence pour le diagnostic du syndrome de Cushing
et que l’anamnèse et les signes cliniques restent des
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Tableau 2: Exemples de valeurs de cortisol plasmatique
élevées sans syndrome de Cushing (adapté de [3]).
Tableau 3: Difficultés d’interprétation du test de suppression
à la dexaméthasone 1 mg (adapté de [3]).
Stress physique
Effort sportif excessif, intensif et chronique
Operations, traumatismes
Malnutrition
Grossesse
Tests faux positifs (pas de suppression adéquate)
Hypercortisolémie sans rapport avec le syndrome de Cushing
Obésité
Stress
Alcoolisme
Pathologies psychiatriques
Transcortine élevée (œstrogènes, grossesse,
hyperthyroïdie)
Résistance aux glucocorticoïdes
Stress psychique
Drogues, alcool, sevrage
Dépression majeure sévère
Anorexie mentale
Hospitalisations
Anomalies métaboliques
Transcortine élevée, cortisol sérique élevé, CLU normal
Résistance aux glucocorticoïdes
Diabète sucré mal contrôlé
Aménorrhée hypothalamique
Obésité sévère, obésité viscérale ou SOPK
Abréviations: CLU = cortisol libre urinaire,
SOPK = syndrome des ovaires polykystiques.
Artefacts spécifiques au test
Erreurs de laboratoire
Répartition insuffisante de la dexaméthasone dans
la circulation
Défaut d’observance
Absorption réduite
Induction du métabolisme (inducteurs des CYP P450)
Tests faux négatifs
Insuffisance rénale chronique (eGFR <15 ml/min)
Hypométabolisme de la dexaméthasone
(insuffisance hépatique)
Abréviations: CYP P450 = cytochrome P450, eGFR = estimated
glomerular filtration rate (taux de filtration glomérulaire estimé).
composantes inévitables de l’évaluation diagnostique
asiatique. Les patients atteints du VIH (virus de l’im­
finale. Le problème que représente la faible VPP ne peut
munodéficience humaine) et recevant un traitement
être résolu que par une élévation de la probabilité pré­
par ritonavir (inhibiteur de la protéase) peuvent déve­
test, c’est­à­dire que seuls devraient être dépistés les
lopper un syndrome de Cushing dès l’administration
patients présentant une probabilité clinique accrue
d’une faible dose de corticoïdes inhalés, de corticoïdes
de syndrome de Cushing (voir les critères mentionnés
intranasaux ou de corticoïdes intra­articulaires, et ce
plus haut).
en raison de l’inhibition hépatique de l’isoenzyme
commune P450 3A4.
Lors du choix du test de dépistage adapté en cas de
Diagnostic
maladie rare, il convient de faire preuve d’une exigence
Les examens se composent d’une part de l’établissement
particulière vis­à­vis des caractéristiques du test diag­
du diagnostic, suivi de la localisation de la surproduc­
nostique et des valeurs seuil choisies. Au fil du temps,
tion hormonale. Avant la réalisation des premières
les valeurs seuil ont été redéfinies afin d’atteindre la
analyses de laboratoire, d’autres causes potentielle­
plus haute sensibilité possible, au prix toutefois d’une
ment responsables des valeurs élevées de cortisol plas­
spécificité réduite. Selon les directives américaines de
matique doivent être vérifiées (tab. 2). Ces causes
2008, un des trois tests disponibles pourrait être uti­
peuvent être liées à des pathologies psychiatriques
lisé pour confirmer le diagnostic supposé de syndrome
(dépression, troubles anxieux, troubles compulsifs,
de Cushing: le dosage du cortisol libre urinaire (CLU)
alcoolisme, anorexie mentale), à une obésité morbide
des 24 heures (urinary­free cortisol), le test de suppres­
ou à un diabète sucré mal contrôlé. En particulier, il est
sion à la dexaméthasone faible dose (dexamethasone
recommandé de ne pas réaliser de tests de dépistage
suppression test, DST) ou le dosage du cortisol salivaire
dans les situations de stress physique ou psychique in­
à minuit (late-night salivary cortisol, LNSC) [6]. Toute­
tense (par ex. en soins intensifs). Les patients ayant
fois, dans la pratique, il convient de privilégier le CLU,
une consommation excessive d’alcool peuvent présen­
car celui­ci engendre moins de problèmes analytiques.
ter les signes physiques d’un syndrome de Cushing
Le CLU à lui seul présente un rapport de vraisemblance
mais devraient toutefois être abstinents pendant une
positif plus élevé et négatif plus faible que tous les
longue période avant le test, sans être en sevrage alcoo­
autres tests courants réunis [7]. Le CLU reste donc le
lique. Avant d’avoir recours au diagnostic de labora­
test le plus efficace pour la détection du syndrome de
toire, il est impératif d’exclure un apport exogène de
Cushing. Pour sa part, le LNSC représente une bonne
cortisone, y compris les sources oubliées telles que les
alternative, de valeur égale, et plus facilement réali­
injections intra­articulaires, les crèmes, les médica­
sable (pour autant qu’il soit réalisé correctement et que
ments d’origine végétale et les médicaments en vente
l’analyse soit minutieuse) [8]. Le DST à 1 mg est très
libre, en particulier ceux en provenance du marché
répandu, facile à réaliser et présente une sensibilité
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élevée (env. 98%); néanmoins, sa spécificité est insatis­
Si le résultat du CLU s’avère négatif, un syndrome de
faisante (voir tab. 3 concernant les causes des faux
Cushing est très improbable (fig. 2); en revanche, si ce
positifs).
résultat est positif, le test doit alors être répété, ou bien
un autre test est à réaliser (par ex. le LNSC) afin de
confirmer le diagnostic [9].
Suspicion clinique
Localisation
Exclure l’apport exogène / Pseudo-Cushing
(vérifier les autres causes potentielles d’hypercortisolisme)
Une fois que le diagnostic d’un syndrome de Cushing a
été cliniquement et biochimiquement validé, il s’ensuit,
dans un premier temps, un diagnostic de localisation
CLU LNSC DST
par le biais d’analyses de laboratoire, puis par examen
Normal
Anormal
Syndrome de Cushing
improbable
radiologique.
La première étape de localisation consiste à mesurer la
Adresser à un
endocrinologue
concentration sérique d’ACTH (fig. 2). Un taux d’ACTH
faible indique une production ACTH­indépendante
Confirmation du diagnostic
Nouvelle réalisation du test
Anormal
Normal
d’imagerie complet des glandes surrénales est indiqué.
Incohérent
Syndrome
de Cushing
Syndrome de Cushing
improbable
dans les glandes surrénales, auquel cas un examen
Syndrome de
Cushing cyclique?
haute résolution est réalisée. En présence d’une néopla­
Elevé/normal
Bas/non mesurable
ACTH-dépendant
ACTH-indépendant
Etiologie hypophysaire / ectopique
TDM surrénalienne
Maladie de Cushing
CSPI
CLU
LNSC
DST
CSPI
maladie de Cushing hypophysaire peut être posé.
aucune néoplasie ou une néoplasie de moins de 6 mm,
la référence en matière de diagnostic de localisation
de la source d’ACTH reste la cathétérisation du sinus
pétreux inférieur (opération appelée cathétérisme du
sinus pétreux inférieur, CSPI) après stimulation de la
Gradient centro-périphérique
Microchirurgie
hypophysaire par voie
transsphénoïdale
sie hypophysaire de plus de 6 mm, le diagnostic d’une
Si ce n’est pas le cas, c’est­à­dire si l’IRM ne présente
IRM hypophysaire
< 6 mm
tion hypophysaire ou ectopique. Dans ces cas, une IRM
(imagerie par résonance magnétique) hypophysaire
Mesure de l’ACTH
> 6 mm
Un taux d’ACTH élevé ou normal indique une produc­
Gradient
significatif
CRH (corticolibérine). Cependant, il existe également
Pas de gradient
significatif
Chercher des causes ectopiques
d’autres tests biochimiques non invasifs qui permettent
une localisation, avec toutefois moins de fiabilité. Si un
gradient centro­périphérique significatif est présent
lors du CSPI, cela est indicatif d’une maladie de Cushing.
En l’absence de gradient, il convient alors de réaliser
Dosage du cortisol libre urinaire des 24 heures
Dosage du cortisol salivaire à minuit
Test de suppression à la dexaméthasone (1 mg)
cathétérisme des sinus pétreux inférieurs
différents examens d’imagerie à la recherche d’une
source ectopique [9]. Si la tomodensitométrie (TDM) et
l’IRM ne permettent pas de localiser la tumeur produc­
Figure 2: Algorithme d’examen en cas de suspicion clinique
de syndrome de Cushing.
trice de CRH ou d’ACTH (qui se trouve souvent au
niveau thoracique), il convient de recourir à des procé­
Tableau 4: Aperçu des médicaments pour le traitement d’un syndrome de Cushing. Toutes les substances présentent le risque
d’induire une insuffisance cortico-surrénalienne.
Principe d’action
Substance
Classe de substances
Effets indésirables
Inhibiteur de la 11-bêta-hydroxylase
Hirsutisme, hypertension, nausée
Mitotane
Cytostatique
Effets gastro-intestinaux, effets
sur le système nerveux central
Etomidate
Hypnotique
Effet sédatif
Inhibiteurs de la genèse stéroïdienne Métyrapone
Kétoconazole Antimycosique
Inhibiteur du récepteur des glucocorticoïdes
Mifépristone
Antagoniste du récepteur
de la progestérone
Préparations à action centrale
Pasiréotide
Analogue de la somatostatine
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Hépatotoxicité
Hyperglycémie
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dés de médecine nucléaire tels que la scintigraphie à
Pour ce qui est des tumeurs surrénaliennes sécrétrices
Christoph A. Meier
l’octréotide ou la tomographie par émission de posi­
de cortisol et ACTH­indépendantes, la surrénalectomie
CMO Office
tons (TEP) au fluorodéoxyglucose (FDG). La TEP/TDM
laparoscopique constitue l’intervention de choix.
au 68Gallium des récepteurs de la somatostatine affiche
En cas de guérison biochimique, les patients jeunes et
Correspondance:
Universitätsspital Basel
Fäsch­Haus, Spitalstrasse 22
CH­4031 Basel
ChristophAndreas.Meier
la sensibilité la plus élevée (82%) [11].
adolescents redeviennent complètement normoten­
dus au cours de l’année suivant l’opération, alors qu’env.
[at]usb.ch
60% des patients plus âgés restent hypertendus [9]. La
Traitement
durée de l’exposition aux glucocorticoïdes s’avère être
L’ablation chirurgicale d’une tumeur hypophysaire
en corrélation avec l’issue postopératoire.
productrice d’ACTH ou d’une tumeur ectopique repré­
Chez les patients inopérables et surtout chez ceux pré­
sente le traitement de choix. La résection transsphé­
sentant une tumeur ectopique maligne, les traitements
noïdale d’un adénome hypophysaire s’accompagne de
pharmacologiques sont indiqués afin de faire baisser le
taux de guérison allant de 80 à 95%. Si la tumeur ne
taux de cortisone. A cette fin, nous disposons actuelle­
peut être localisée, il est possible, dans des cas soigneu­
ment de substances réduisant la libération d’ACTH
sement sélectionnés, d’envisager une ablation bilaté­
(agonistes de la somatostatine tels que le pasiréotide),
rale des glandes surrénales.
d’inhibiteurs de la stéroïdogenèse (métyrapone, kéto­
conazole et mitotane) ou d’inhibiteurs des récepteurs
des glucocorticoïdes (mifépristone). Toutefois, leur dis­
L’essentiel pour la pratique
ponibilité en Suisse est problématique (tab. 4).
• Le syndrome de Cushing est une maladie rare provoquée par un excès
endogène de glucocorticoïdes, le plus souvent en raison d’une tumeur
hypophysaire productrice d’ACTH, d’une tumeur ectopique ou bien d’une
production de cortisol ACTH-indépendante par les glandes surrénales.
• Le complexe de symptômes que représentent l’obésité, l’hypertension
et le diabète est fréquent au sein de la population globale, c’est la raison
pour laquelle seul un diagnostic ciblé chez des patients présentant des
signes cliniques spécifiques est judicieux; une telle approche constitue
la seule façon d’éviter les résultats faux positifs et les examens inutiles.
• Les signes spécifiques à un syndrome de Cushing sont une faiblesse
musculaire proximale, une atrophie cutanée avec ecchymoses, une prise
de poids avec cinétique rapide, des vergetures (de couleur rougeâtre et
>1 cm), une pléthore faciale et une ostéoporose. Chez les adultes, l’hypertension artérielle, les irrégularités menstruelles, l’acné et l’hirsutisme
sont fréquents alors que chez les enfants, les signes courants sont un
retard de croissance associé à une prise de poids.
• En tant que diagnostic initial, le dosage du cortisol libre urinaire des
24 heures se présente comme le test le plus fiable avec la plus grande
sensibilité et spécificité. A l’inverse, le test de suppression à la dexaméthasone 1 mg, fréquemment réalisé, est sujet à des erreurs.
• Il est possible de traiter l’étiologie du syndrome de Cushing après la
pose d’un diagnostic biochimique et radiologique ciblé et une localisation précise.
• L’ablation chirurgicale d’une tumeur hypophysaire, surrénalienne ou
ectopique solitaire reste le traitement de choix.
• Chez les patients inopérables, les options médicamenteuses se sont
Afin d’obtenir un début d’action rapide, il est possible
de recourir à des inhibiteurs de la stéroïdogenèse tels
que le kétoconazole, tout en gardant toujours à l’esprit
que ce traitement peut induire une insuffisance corti­
co­surrénalienne.
Si un début d’action rapide s’avère nécessaire en soins
intensifs, il est possible d’administrer par voie intravei­
neuse l’hypnotique étomidate, qui inhibe de manière
réversible l’enzyme 11­bêta­hydroxylase dans la corti­
cosurrénale.
Depuis 2010, le pasiréotide, développé à partir de l’ana­
logue de la somatostatine octréotide, est disponible en
Suisse pour le traitement des patients atteints de la
maladie de Cushing, mais inopérables ou non guéris
par intervention chirurgicale. Ce médicament, qui sti­
mule quatre des cinq récepteurs de la somatostatine,
inhibe la libération d’ACTH et entraîne une réduction
de 75% du CLU. Environ un tiers des patients traités ont
développé une hyperglycémie en raison des effets du
produit sur le pancréas endocrine [10].
Alternativement, il est possible d’envisager une radio­
thérapie hypophysaire chez les patients chez qui l’opé­
ration n’a pas permis d’obtenir la guérison.
Disclosure statement
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport
avec cet article.
améliorées au cours des dernières années, comme en atteste le pasiréotide, analogue de la somatostatine, en cas de maladie de Cushing hypophysaire. Les inhibiteurs de la stéroïdogenèse métyrapone et kétoconazole, ainsi que l’inhibiteur du récepteur des glucocorticoïdes
mifépristone peuvent être employés pour le contrôle médicamenteux
d’un syndrome de Cushing réfractaire au traitement.
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Références
La liste complète et numérotée des références est disponible
en annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch.
LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix
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