pratique quotidienne Diagnostic biochimique et moléculaire de la

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pratique quotidienne Diagnostic biochimique et moléculaire de la
abc
pratique quotidienne
Ann Biol Clin 2007 ; 65 (6) : 647-52
Diagnostic biochimique et moléculaire
de la maladie de Gaucher en Tunisie
Biochemical and molecular diagnosis of Gaucher disease in Tunisia
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017.
A. Dandana1
S. Ferchichi1
S. Khedhiri1
L. Chkioua1
Z. Jaidane1
K. Monastiri1
S. Ben Khelifa1
R. Ben Mansour1
I. Maire2
R. Froissart2
V. Bonnet2
S. Laradi1
A. Miled1
1
Laboratoire de biochimie,
CHU Farhat Hached,
Sousse, Tunisie
<[email protected]>
<[email protected]>
2
Centre de référence des maladies
héréditaires du métabolisme de Lyon,
Hospices civils, Hôpital Debrousse,
Lyon, France
doi: 10.1684/abc.2007.0171
Article reçu le 26 juin 2007,
accepté le 27 août 2007
Résumé. Nous rapportons dans notre étude une stratégie diagnostique de la
maladie de Gaucher au Sahel (Tunisie). Elle comprend une étude biochimique
suivie par une étude moléculaire chez un patient âgé de 50 ans (le cas index) et
ses deux enfants. Les résultats de diagnostic biochimique ont montré que le cas
index est déficitaire. L’analyse moléculaire a porté sur la recherche de deux
mutations, la p.Asn 370 Ser et la p.Leu 444 Pro. Le cas index était homozygote
pour la mutation p.Asn 370 Ser. Ses enfants étaient hétérozygotes pour cette
mutation. On a signalé également l’absence de la délétion de 55 pb au niveau
du nucléotide 1263. Ces résultats ont été confirmés par le séquençage. L’homozygotie pour p.Asn 370 Ser est associée en général au phénotype peu sévère et
à l’absence totale de manifestations neurologiques, ce qui est en accord avec le
diagnostic clinique de notre patient.
Mots clés : maladie de Gaucher, b-glucocérébrosidase, mutation, p.Asn 370
Ser, diagnostic
Abstract. Our study was carried out at a family from the Sahel (Tunisia). The
father (index case) and his two children (son and daughter). The father
b-glucocerebrosidase (GCB) activity showing a deficit. These biochemical
analyses are supplemented by molecular studies: enzymatic digestion and the
direct sequencing. Two mutations were analysed, the p.Asn 370 Ser and the
p.Leu 444 Pro. The DNA sequencing confirmed the presence of the homozygous genotype of this p.Asn 370 Ser in the father DNA and the heterozygous
one in the two children DNA. It has no detection of the 55 pb deletion in exon 9
among all the specimens of DNA treated. The mutation p.Asn 370 Ser is
associated with Gaucher disease type 1 correlated of a total absence of neurological involvements.
Key words: Gaucher disease, b-glucocerebrosidase, mutation, p.Asn 370 Ser,
diagnosis
La maladie de Gaucher est une sphingolipidose de surcharge lysosomale. C’est une maladie génétique à transmission autosomique récessive. Elle présente une très
grande hétérogénéité phénotypique. Elle est subdivisée en
trois types (Type 1 : MIM 230800 ; Type 2 : MIM
230900 ; Type 3 : MIM 231000) selon l’absence ou la
présence de manifestations neurologiques [1]. Le type 1
est la forme non neurologique. Il est le plus fréquent avec
une incidence de 1/40 000 dans la population générale et
1/500 chez les juifs ashkénazes [2]. Le type 2 est la forme
neurologique aiguë. Il est le plus sévère et le plus rare avec
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une fréquence de 1/100 000 dans la population générale. Il
est caractérisé par une détérioration neurologique progressive. Le type 3 est la forme neurologique subaiguë et
chronique. Il est subdivisé en trois sous-types (3-a, 3-b et
3-c) [1].
À cette variabilité phénotypique de la maladie de Gaucher,
s’ajoute une très grande hétérogénéité génétique. En effet,
la maladie de Gaucher est due à un déficit en une enzyme
lysosomale, la b-glucocérébrosidase (GCB) (E.C
3.2.1.45) [3] ou plus rarement son cofacteur la saposine C
[4]. La GCB est codée par un gène localisé à la position
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1q21. Il compte 11 exons et 10 introns répartis sur 7,6 kb.
Un pseudogène de 5,7 kb est situé à 16 kb en aval du gène
de la GCB et présente 97 % d’homologies avec ce gène
[1]. Avant la découverte de l’enzymothérapie substitutive,
certaines mesures thérapeutiques d’ordre médical ou chirurgical sont proposées pour atténuer la sévérité de la
maladie de Gaucher. Le traitement enzymatique substitutif
est désormais au centre de la prise en charge thérapeutique
de la maladie de Gaucher.
D’autres études sont menées pour la recherche d’une thérapie génique de cette maladie. Elle demeure l’un des
modèles les plus intéressants de transfert de gènes dans les
cellules hématopoïétiques, mais les formes neurologiques
restent inaccessibles à l’enzymothérapie. D’où la poursuite des travaux de la thérapie génique qui est en cours de
recherche [5].
Actuellement, plus de 200 mutations sont décrites [6]. On
trouve des mutations ponctuelles, des délétions, des insertions, des mutations d’épissage et de nombreux réarrangements [7]. Chez les Juifs ashkénazes, 4 mutations sont
responsables de 90 % des cas identifiés : p.Asn 370 Ser
(AAC→AGC), p.Leu 444 Pro (CTG→CCG), c.84insG,
et la IVS2+1 G→A. Dans la population non juive, cette
maladie a une faible prévalence et les mutations communément identifiées sont p.Asn 370 Ser, p.Asp 409 His
(GAC→CAC), p.Arg 463 Cys (CGC→TGC), p.Leu 444
Pro et la IVS2+1 [1].
L’objectif de ce travail est de mettre en œuvre une stratégie diagnostique de la maladie de Gaucher en Tunisie. Elle
comprend une étude biochimique suivie par une étude
moléculaire de la maladie de Gaucher chez 3 individus
apparentés (père et ses deux enfants).
Patients
Dans cette étude, nous avons recruté trois individus apparentés : le père (P1) qui représente le cas index et est âgé
de 50 ans, son fils (P2) et sa fille (P3) d’âge respectivement
18 et 26 ans. La mère a refusé d’adhérer à notre étude. Ces
deux enfants étaient cliniquement sains. Le père a présenté une hépatosplénomégalie associée à une anémie
(hémoglobine 90 g/L) et une thrombopénie (80 G/L).
Méthodes
Diagnostic biochimique
L’activité enzymatique de la GCB a été déterminée dans
les lymphocytes par la méthode fluorimétrique en utilisant
un substrat synthétique, le 4-méthylumbelliféryl-ßglucoside (Sigma Aldrich). L’acide taurocholique a été
utilisé comme activateur et à pH 5,5 pour optimiser les
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conditions expérimentales. Parallèlement, une activité
témoin, la N-acétyl-b-D-glucosaminidase, a été pratiquée
en utilisant un substrat fluorogénique, le 4-méthyl
umbelliféryl-N-acétyl-b-D-glucopyranoside
(Sigma
Aldrich) pour valider la qualité du prélèvement [8]. Le
dosage des protéines est réalisé par la méthode de Lowry
modifiée par Hartree [9].
Diagnostic moléculaire
L’analyse moléculaire a porté sur la recherche des deux
mutations les plus fréquentes qui sont la p.Asn 370 Ser et
la p.Leu 444 Pro. Les ADN ont été extraits au phénol
chloroforme à partir des cellules sanguines du père (cas
index) et de ses deux enfants, puis précipités par l’alcool
saturé et solubilisés dans de l’eau bidistillée stérile.
Amplification
La réaction d’amplification par PCR (polymerase chain
reaction) des exons 9 [10] et 10 [11] a été réalisée en
utilisant la Go Taq polymérase [Promega, Madison, WI].
Le tableau 1 regroupe les amorces et les conditions de
PCR qui ont été appliquées. L’amplification de l’exon 9 a
été faite par PCR mismatchée [10]. Le mismatch ou
mésappariement est le non appariement entre un ou plusieurs couples de bases non complémentaires au sein
d’une double hélice. Il a été introduit dans l’amorce sens
(p.Asn 370 Ser) afin de créer un site de restriction pour
l’enzyme de restriction correspondante. L’amplification
de la p.Leu 444 Pro a été réalisée par une PCR. Les
réactions de PCR commencent par une dénaturation de 10
minutes à 94 °C (1 cycle) suivie de 30 cycles comprenant
une étape de dénaturation pendant 30 secondes à 94 °C,
une étape d’hybridation dont les températures correspondantes ont varié selon le couple d’amorces choisi
(tableau 1), puis une étape d’extension pendant 45 secondes à 72 °C. Enfin, l’élongation finale de 2 minutes à
72 °C est réalisée en un cycle.
Digestion enzymatique
Les produits PCR ont été digérés par les enzymes de restriction suivantes : XhoI (p.Asn 370 Ser) et MspI (p.Leu
444 Pro) (Promega, Madison, WI). Les fragments d’ADN
obtenus après digestion ont été analysés par électrophorèse sur gel d’acrylamide, puis visualisés sous UV après
addition du bromure d’éthidium. Les enzymes de restriction et les fragments de PCR obtenus avant et après digestion figurent dans le tableau 1.
Amplification de la mutation c.1263 del 55
Dans la littérature, il a été suggéré qu’une délétion de 55
pb au niveau du nucléotide 1263 (exon 9) peut accompagner les deux mutations p.Asn 370 Ser et p.Leu 444 Pro
[11]. Cette délétion est présente dans le gène et le pseudogène. De ce fait, nous avons utilisé deux amorces : une
amorce sens, spécifique du gène et une amorce antisens
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Maladie de Gaucher
Résultats
qui est commune au gène et au pseudogène [11]
(tableau 2). En absence de la délétion, la taille du fragment amplifié est de 504 pb. Si la délétion était présente,
la taille est égale à 449 pb. La réaction de PCR commence
par une dénaturation de 10 minutes à 94 °C (1 cycle) suivie de 30 cycles comprenant une étape de dénaturation
pendant 30 secondes à 94 °C, une étape d’hybridation
pendant 30 secondes à 56 °C et une étape d’extension
pendant 45 secondes à 72 °C. L’étape d’élongation finale
a été réalisée en un seul cycle de 2 minutes à 72 °C. La
PCR a été contrôlée sur gel d’agarose 2 % en présence du
bleu de bromophénol après addition de bromure d’éthidium.
Diagnostic biochimique
Le tableau 3 regroupe les résultats des activités enzymatiques : le père P1 était déficitaire, les deux enfants (P2 et
P3) ont présenté des activités légèrement diminuées. Ce
diagnostic biochimique est complété par le diagnostic
moléculaire afin de définir la mutation responsable de ce
déficit enzymatique.
Diagnostic moléculaire
Digestion enzymatique
Aucun allèle muté p.Leu 444 Pro n’a été détecté dans les
fragments d’ADN amplifiés traités. Ce résultat est objectivé par la présence d’un seul fragment de 638 pb
(figure 1). Concernant la mutation p.Asn 370 Ser, les
résultats obtenus par PCR mismatchée associée à la digestion enzymatique en utilisant l’enzyme XhoI ont montré la
présence de l’allèle muté p.Asn 370 Ser. En effet, le cas
index (P1) était homozygote pour cette mutation (deux
Séquençage
Le produit de PCR obtenu en présence du couple d’amorces GCB 9-10 (+) et GCB 9-10 (-) (tableau 2) est purifié
par un Kit Quiaquik gel-extraction (Qiagen Inc, Valencia,
CA, États-Unis). Le séquençage a été assuré grâce à un
séquenceur automatique (ABI Prism 3700 Capillary Array
Sequencer, PE Biosystems) en utilisant un kit de séquençage (Perkin-Elmer-Cetus Norwalk, CT, États-Unis).
Tableau 1. Couples d’amorces et enzymes de restriction utilisés.
Exon
Mutation
Amorces
9
p.Asn 370 Ser
10
p.Leu 444 Pro
Séquences
•
GCB 9 (+)
GCB 9 (-)•
GCB 10 (+)°
GCB 10 (-)°
5
3’
’GCCTTTGTCCTTACCCTC*GA
5’
GACAAAGTTACGCACCCA3
5’
GGAGGACCCAATTGGGTGCGT3’
5’
GCTGTCTTCAGCCCACTTC3’
Position
des
nucléotides
Taille
en pb
Tm
6708-6727
6813-6796
6784-6804
7418-7400
105
57 °C
638
60 °C
Enzymes
de
restriction
Taille des fragments
en pb
N
M
XhoI (+)
105
89 + 16
MspI (+)
638
536 + 102
+ : création du site de restriction ; N : normal ; M : muté ; * : nucléotide mismatché ; • : Beutler et al. [10] ; ° : Aharon-Peretz et al. [12]. Les amorces ont été
choisies selon les données du Genbank database entry J03059 [13].
Tableau 2. Séquences des amorces de la mutation c.1263 del 55 et du séquençage.
Exon
Amorces
9
GCB 9 Ia (+)•
GCB 9 Ia (-)•
La mutation
1263 del 55
Le séquençage
9-10
N : normal ; M : muté.
•
GCB 9-10 (+)
GCB 9-10 (-)
Séquences
Position des
nucléotides
Tm
AACCATGAT TCCCTATCTTC3’
GCTCCCTCGTGGTGTAGAGT3’
6454-6474
6978-6959
56 °C
5’
CAGCTTTCCCCAGCTAG3‘
CTGAGAGTGTGATCCTGCCAA3
6413-6429
7449-7429
55 °C
5’
5’
5’
Taille
en pb
N
M
504
449
1 036
Tayebi et al. [11]. Les amorces ont été choisies selon les données du Genbank database entry J03059 [13].
Tableau 3. Résultats de l’activité enzymatique.
P1
P2
P3
T
Protéines
(g/L)
β-glucocérébrosidase-H2O
(µkat/kg)
β-glucocérésidase-acide
taurocholique
(µkat/kg)
Hexosaminidases totales
(µkat/kg)
3
3,2
3,5
4
1,05
2,10
2,48
3,10
0,1
3,3
4,1
5,2
349
355
286
296
P1 : le père ; P2 : le fils ; P3 : la fille ; T : témoin normal.
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fragments de 89 et de 16 pb) ; P2 et P3 étaient hétérozygotes (trois fragments de 105, 89 et 16 pb) (figure 2).
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Amplification de la mutation c.1263 del 55
La mutation c.1263 del 55 était absente chez les trois
individus. Ceci est objectivé par la présence d’un fragment
de 504 pb (figure 3).
Le séquençage
Le séquençage confirme le résultat obtenu par la digestion
enzymatique. Le profil de séquençage (figure 4A) a
confirmé l’état d’homozygotie chez le père (p.Asn 370
Ser/p.Asn 370 Ser), ce qui se traduit par la présence d’un
seul pic. Par contre, l’état d’hétérozygotie chez les deux
enfants (P2 et P3) (figure 4B) s’est traduit sur le profil de
séquençage par la superposition de deux pics qui correspondent à un allèle normal et un allèle muté (p.Asn 370
Ser/normal).
Discussion
La maladie de Gaucher est une sphingolipidose décrite par
Philippe Gaucher en 1882. Elle est héréditaire, à transmission autosomique récessive. Elle résulte d’un déficit en
b-glucocérébrosidase ou plus rarement de son cofacteur la
saposine C (SAP-C pour sphingolipid activator
protein-C) [4]. Le déficit ou l’inactivation du gène de la
saposine C engendre l’apparition d’une forme clinique qui
ressemble au type 3 de la maladie de Gaucher et qui est
caractérisée par des atteintes viscérales et des manifestations neurologiques bien que l’enzyme soit normalement
synthétisée [4].
Devant l’hétérogénéité symptomatique de la maladie de
Gaucher et les difficultés pronostiques, le diagnostic associe l’étude clinique à des moyens analytiques qui permettent un diagnostic de certitude [5].
Le diagnostic biologique comprend un diagnostic d’orientation qui repose sur la réalisation d’une ponction médullaire qui permet la détection des cellules de Gaucher. Mais
des pseudocellules de Gaucher ont été rencontrées dans
d’autres affections génétiques (la maladie de NiemannPick, la leucémie myéloïde chronique, la maladie de Hodgkin et le myélome multiple). Elles ont la même morphologie que la cellule de Gaucher [5] et de plus la ponction
médullaire reste un examen invasif. Plusieurs marqueurs
sériques (l’enzyme de conversion de l’angiotensine A
(ECA), la ferritinémie, la phosphatase acide tartrate résistante (PATR), la chitotriosidase, les chémokines, la LDL
(low-density lipoprotein), la HDL (high-density lipoprotein), les transaminases, la 5’-nucléotidase...) peuvent être
mesurés afin d’apporter d’autres éléments diagnostiques.
La mesure de l’activité enzymatique est le diagnostic de
certitude de la maladie de Gaucher et repose sur la mise en
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évidence du déficit en GCB. La b-glucocérébrosidase est
ubiquitaire et la mesure de l’activité enzymatique est réalisée sur un prélèvement sanguin après isolement des lymphocytes mais également sur des fibroblastes. Plusieurs
auteurs utilisent également un substrat radioactif pour
déterminer l’activité résiduelle de la GCB. Selon Beutler
M
P1
P2
P3
T
638 pb
Figure 1. Amplification de l’exon 10 et digestion par MspI :
absence de la mutation p.Leu 444 Pro. P1 : le père ; P2 : le fils ;
P3 : la fille; T : témoin normal ; M : marqueur de taille.
M
P2
P1
P3
105 pb
89 pb
Figure 2. Digestion par XhoI. Le produit PCR amplifié de l’exon 9
est digéré par l’enzyme XhoI. Présence de la mutation p.Asn 370
Ser. P1 : le père ; P2 : le fils ; P3 : la fille ; M : marqueur de taille.
M
P1
P2
P3
504 pb
Figure 3. Amplification de l’exon 9 (c.1263 del 55) : absence de
la délétion de 55 pb. P1 : le père ; P2 : le fils ; P3 : la fille ; M :
marqueur de taille.
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Maladie de Gaucher
et Kull [15], l’activité glucosidasique lymphocytaire est
maximale à pH 4 et à pH 5,5. En effet, le pH optimal varie
en fonction des tampons, des détergents, de la nature du
substrat et de la lyse ou non des membranes cellulaires.
Peters et al. déterminent l’activité résiduelle de la GCB au
niveau des lymphocytes à la seule valeur de pH de 5,5
[16]. Le taurocholate de sodium présente parfois des problèmes de reproductibilité et il est remplacé dans d’autres
études par l’acide taurocholique pur [15]. La méthode
fluorimétrique reste la technique la plus utilisée en pratique car elle est reproductible, facile à pratiquer et moins
coûteuse malgré sa moindre sensibilité et spécificité par
rapport à la méthode radioactive. L’étude de l’activité
enzymatique ne permet pas de diagnostiquer l’état hétérozygote, ni de distinguer et de différencier les trois phénotypes de la maladie de Gaucher. Par conséquent, il n’existe
pas de corrélation entre l’activité résiduelle de la
b-glucocérébrosidase et l’ensemble des phénotypes cliniques de la maladie de Gaucher [5]. Chez les patients
atteints par la maladie de Gaucher, les valeurs habituelles
de l’activité enzymatique varient entre 0 et 30 % de la
valeur de référence [2]. L’activité enzymatique peut diminuer de 50 % dans les lymphocytes circulants et les cultures de fibroblastes cutanés des sujets hétérozygotes [17].
Plusieurs laboratoires ont développé des méthodes de biologie moléculaire pour détecter les mutations qui affectent
le gène de la b-glucocérébrosidase [7]. Ces mutations
résultent de deux mécanismes, soit la présence d’une nouvelle mutation ponctuelle ou de phénomènes de recombinaison (crossing-over) entre le gène et le pseudogène [17].
L’analyse de la structure du pseudogène est importante
dans la compréhension de certaines mutations qu’on rencontre aussi bien dans la séquence du gène que du pseudogène [18]. En effet, plusieurs modifications nucléotidiques
sont distribuées le long de la séquence du pseudogène et
qui ont été identifiées au niveau de l’allèle muté du gène
[5] ce qui complique le diagnostic. L’identification des
mutations spécifiques du gène dépend alors du choix judicieux des amorces. En conséquence, certaines séquences
sont spécifiques du gène uniquement et n’amplifient pas le
pseudogène. D’autres stratégies moléculaires sont adoptées pour valider les résultats de la PCR dans notre étude.
Le séquençage utilise des amorces spécifiques du gène et
permettent la vérification de la mutation.
En Tunisie, on est amené à utiliser les moyens de diagnostic de base (PCR et digestion enzymatique) afin d’assurer
l’analyse moléculaire de la maladie de Gaucher. Le
séquençage s’avère dans notre laboratoire plus coûteux.
Seules trois d’entre elles, la mutation p.Asn 370 Ser, la
p.Leu 444 Pro et la c.84insG qui représentent respectivement 55, 20 et 8 % des allèles sont étudiées dans la maladie de Gaucher [1]. Mais la fréquence et la distribution de
ces mutations varient selon les populations étudiées. En
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Tunisie, et selon une étude menée par Châabouni et al. en
2004 [19], la maladie de Gaucher ne paraît pas exceptionnelle. Sur 27 cas étudiés, 20 cas sont de type 1 (74 %)
tandis que le type 2 et le type 3 sont présents chacun avec
3 cas (11 %) et un seul cas de type non déterminé.
Dans notre étude, le sujet index P1 est homozygote pour la
p.Asn370 Ser. Ce patient manifeste le type 1 de la maladie
de Gaucher avec une hépatosplénomégalie, et aucune
atteinte neurologique n’a été signalée. En effet, plusieurs
études ont montré que les patients de type 1 de la maladie
de Gaucher et ayant au moins un allèle p.Asn 370 Ser ne
présentent aucune manifestation neurologique [5].
Certains auteurs confirment qu’il y a une corrélation entre
la présence d’au moins un allèle p.Asn 370 Ser et le type 1
de la maladie de Gaucher [5]. L’allèle p.Asn 370 Ser peut
A
B
N:
M:
A AC
Asn 370
A GC
Ser 370
CTC
Leu 371
CTC
Leu 371
CTG
Leu 372
CTG
Leu 372
Figure 4. Profil de la séquence au niveau de l’exon 9 et 10 du
gène de la GCB montrant la mutation p.Asn 370 Ser (A → G) à
la position 1226 de l’ADNca. A : chez le malade (P1) (p.Asn 370
Ser/p.Asn 370 Ser). B : chez les deux enfants (p.Asn 370
Ser/Normal). a : séquence d’ADNc selon NCBI (GCB AH006907)
avec -10 correspond au codon initiateur ATG (nt 52) [14].
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pratique quotidienne
atténuer la sévérité de la maladie. Par contre, la mutation
p.Leu 444 Pro est généralement associée au type sévère de
la maladie [20], avec l’apparition de manifestations neurologiques. Elle est fréquemment trouvée chez des patients
qui manifestent le type 2 et 3 de la maladie de Gaucher.
Elle est commune au gène et au pseudogène. La présence
d’une délétion de 55 pb au niveau de l’exon 9 pourrait
induire des erreurs dans l’interprétation des résultats des
deux mutations, la p.Asn 370 Ser et la p.Leu 444 Pro, par
la formation des mutations faussement homozygotes [11].
La mutation c.1263 del 55 est due soit au phénomène de
recombinaison entre le gène de la b-glucocérébrosidase et
son pseudogène, soit à une conversion du gène fonctionnel, du fait de la grande homologie entre les deux gènes.
Toutefois, cette mutation est fréquente surtout dans la
population non juive [11]. En outre, la corrélation phénotype - génotype demeure ainsi imparfaite en raison des
variations phénotypiques inter et intrafamiliales [5]. Plusieurs facteurs sont responsables de ces variations tels que
les gènes modificateurs et les facteurs environnementaux,
ce qui affecterait l’expression phénotypique de la maladie
[7].
Conclusion
Du fait de la grande hétérogénéité phénotypique, le diagnostic de la maladie de Gaucher doit faire appel à la
clinique, la biologie et l’étude moléculaire. Dans notre
laboratoire, la détermination de l’activité enzymatique
permet le diagnostic de certitude. Par ailleurs, le diagnostic moléculaire est possible par la recherche des mutations
les plus fréquentes. Par contre, le diagnostic antinatal n’est
proposé que dans le cas de la maladie de Gaucher de type
2 et 3. Le suivi de l’évolution de la maladie de Gaucher
avant et après traitement se fait par la mesure des différents marqueurs biologiques (chitotriosidase, hémoglobines, plaquettes, enzyme de conversion...). Actuellement, la
maladie de Gaucher bénéficie de l’enzymothérapie substitutive mais elle reste très coûteuse. Les avancées de la
génétique moléculaire ont aussi permis d’explorer
d’autres options thérapeutiques potentielles telles que les
molécules chaperonnes.
2. Klein M, Kaminsky P, Duc M. La maladie de Gaucher : aspects
actuels. Rev Med Interne 1995 ; 16 : 447-56.
3. Brady RO, Kanfer JN, Bradley RM, Shapiro D. Demontration of a
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