K:\Articles\ESaucier_Chronique - Les clauses de

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K:\Articles\ESaucier_Chronique - Les clauses de
EYB2007REP651
Décembre 2007
Emmanuelle SAUCIER et Voula NEOFOTISTOS
Chronique - Les clauses de résiliation ipso facto dans les baux commerciaux : Une revue de la jurisprudence depuis 2003
et quelques considérations pratiques
Indexation
LOUAGE ; BAIL COMMERCIAL ; CLAUSE ; RÉSILIATION DU BAIL
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
I- LES JUGEMENTS EN MATIÈRE DE RÉSILIATION IPSO FACTO DE BAUX COMMERCIAUX
A. Un bref retour sur les affaires Place Fleur de Lys et 9051-5909 Québec Inc.
B. Les jugements rendus après 2003
II- LES CONSIDÉRATIONS PRATIQUES D'EXERCICE D'UNE CLAUSE DE RÉSOLUTION IPSO FACTO D'UN BAIL
A. Les dispositions à insérer dans les baux du point du vue du locateur
B. Les difficultés concrètes auxquelles est confronté le locateur lors de l'exercice d'une clause de résiliation ipso facto
CONCLUSION
Résumé
Les auteures* traitent des clauses de résiliation ipso facto contenues dans certains baux commerciaux et brossent un tableau des
jugements rendus en la matière. Elles abordent ensuite quelques questions d'ordre pratique relatives à la rédaction et à l'exercice
de ces clauses.
INTRODUCTION
La liberté contractuelle permet aux parties à un bail commercial de négocier et de conclure un bail adapté à leur besoins. Comme
les baux font l'objet de négociations, les clauses qu'ils contiennent, bien qu'elles soient souvent similaires d'un bail à l'autre,
peuvent comporter certaines différences, notamment quant à l'étendue du droit de résilier le bail en cas de défaut du locataire de
payer le loyer.
Dans la première partie du présent article, nous brosserons le tableau des jugements rendus en la matière. Dans un premier
temps, nous effectuerons un bref retour sur les principes édictés par les importants jugements de la Cour d'appel Place Fleur de
Lys 1 et 9051-5909 Québec Inc . 2 . Dans un deuxième temps, nous examinerons les décisions rendues depuis ces deux
jugements.
Dans la seconde partie, nous traiterons de questions d'ordre pratique. Nous aborderons d'abord le bail proprement dit, un modèle
de clause de résiliation susceptible d'exécution ainsi que les autres clauses à insérer dans les baux pour en faciliter l'exercice.
Nous traiterons ensuite des considérations pratiques lorsqu'un locateur entend se prévaloir de la clause de résiliation ipso facto.
I- LES JUGEMENTS EN MATIÈRE DE RÉSILIATION IPSO FACTO DE BAUX COMMERCIAUX
Les clauses de résiliation ipso facto contenues dans certains baux commerciaux permettent la résolution du bail sans intervention
judiciaire en cas de défaut du locataire.
Cette possibilité est permise par l' article 1605 C.c.Q. , qui énonce ce qui suit :
La résolution ou la résiliation du contrat peut avoir lieu sans poursuite judiciaire lorsque le débiteur est en demeure de
plein droit d'exécuter son obligation ou qu'il ne l'a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure.
Ce concept semble toutefois aller à l'encontre du vieux principe selon lequel « nul ne peut se faire justice soi-même 3 ». En effet,
l' article 1605 C.c.Q. modifie le droit antérieur puisque l' article 1065 C.c.B.C. rendait en principe nécessaire l'intervention du
tribunal. Ce n'était qu'exceptionnellement, par exemple en présence d'une clause résolutoire expresse, que le droit antérieur
dispensait d'une telle intervention 4 .
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A. Un bref retour sur les affaires Place Fleur de Lys et 9051-5909 Québec Inc.
Dans Place Fleur de Lys 5 , la Cour d'appel se prononce sur le droit à la résolution de plein droit dans le cadre d'un bail
commercial qui ne comporte pas de clause de résiliation automatique ou de plein droit. C'est donc dans ce contexte que,
confrontée à la règle générale énoncée à l' article 1605 C.c.Q. et aux règles propres au louage, notamment celle énoncée à l'
article 1883 C.c.Q. , la Cour conclut, sous la plume du juge Baudouin, que le législateur a voulu reconnaître la résolution judiciaire
comme règle générale en matière de contrat de louage 6 . Il nous apparaît important de rappeler que l' article 1863 du C.c.Q.
permet à une des parties de demander la résiliation du bail si l'autre partie fait défaut d'exécuter ses obligations. Le juge
Baudouin s'exprime :
Pour sa part, l' article 1883 C.c.Q. permet au locataire « poursuivi » en résiliation pour défaut de paiement du loyer
d'éviter la résiliation en payant « avant jugement ». La lecture combinée de ces articles me permet de penser que le
législateur en matière de contrat de louage, a voulu reconnaître la résolution judiciaire comme règle générale. En effet, si
comme le prétend l'appelante, la résiliation de plein droit constituait cette règle générale, la faculté donnée par l' article
1883 C.c.Q. pour favoriser la stabilité des conventions serait illusoire. 7
Ce jugement a fait couler beaucoup d'encre et a suscité la controverse dans le milieu des bailleurs commerciaux en ce qui
concerne les conditions d'exercice d'une telle clause. En effet, l'interprétation de l' article 1863 C.c.Q. qu'a faite la Cour d'appel était
en effet vue comme incompatible avec l'esprit de l' article 1605 C.c.Q.
Toutefois, dans 9051-5909 Québec inc. c. 9067-8665 Québec inc. 8 , la Cour d'appel est à nouveau invitée à se pencher sur cette
question, mais cette fois dans un dossier comportant des faits différents de l'affaire Place Fleur de Lys . Les parties au bail
commercial ont en effet expressément prévu la résiliation de plein droit du bail en cas d'inexécution des engagements contractuels
pris par le locataire. Le juge Chamberland précise ce qui suit :
J'ai d'autant moins d'hésitations à connaître la validité et la portée d'une clause prévoyant expressément la résiliation de
plein droit d'un bail commercial au cas d'inexécution des engagements contractuels pris par l'une ou l'autre des parties
que cela me semble aller dans le sens de ce que le législateur a voulu favoriser en adoptant la règle posée par l' article
1605 C.c.Q. au titre « Des obligations en général ». Si le créancier d'une obligation inexécutée se trompe en soutenant
que le bail est résilié de plein droit sans poursuite judiciaire, il risque de se faire dire plus tard par le tribunal qu'il n'avait
pas droit à cette résolution, et d'avoir à payer le prix de son erreur. Le contrôle judiciaire a posteriori vaut bien, dans ce
contexte, le contrôle judiciaire a priori 9 .
La Cour reconnaît donc le droit à la résiliation du bail lorsque les parties en ont convenu ainsi, mais elle invite à la prudence quant
à la façon d'exercer cette résiliation étant donné le contrôle judiciaire a posteriori .
Ces deux jugements établissent donc le principe suivant :
Pour les baux commerciaux où la liberté contractuelle est prépondérante, une telle clause est légale et parfaitement
efficace, pourvu qu'elle soit expresse et non équivoque. 10
À la lumière des commentaires du juge Chamberland, il est clair que le locateur commercial doit agir avec beaucoup de précaution
et doit s'assurer de l'existence d'une clause expresse de résiliation de bail afin de pouvoir demander la résolution du bail sans
intervention judiciaire. Sinon, il s'expose en effet à un recours en dommage-intérêts en cas d'abus de droit ou de mauvaise foi, ce
qui constitue une fin de non-recevoir à la résiliation du bail.
Dans la décision 9051-5909 Québec inc. , il existe un caveat important au droit d'exiger la résiliation de plein droit d'un bail. En
effet, si le locateur exerce un recours en résiliation judiciaire du bail après avoir envoyé l'avis mettant fin de plein droit au bail, ce
recours permet au locataire poursuivi d'éviter la résiliation en payant ce qu'il doit au locateur en tout temps avant jugement, ce que
ne permet pas l'exercice de la clause de résiliation de plein droit.
B. Les jugements rendus après 2003
Les jugements postérieurs à l'affaire 9051-5909 Québec Inc. c. 9047-8665 Québec Inc. 11 sont conformes aux principes édictés par
celle-ci. Ils viennent toutefois préciser certaines conditions d'exercice du droit de résiliation et réitérer la nécessité d'une clause
claire et non équivoque. Pour les fins de notre présentation, nous avons choisi de regrouper par thèmes les jugements rendus
depuis 2003.
La conduite des parties confirme la résiliation conventionnelle du bail
L'affaire Tour Scotia ltée c. Sproule & Pollack inc . 12 est un parfait exemple d'exercice d'une clause de résolution dans un contexte
de résiliation conventionnelle du bail. Il s'agit d'une demande de résiliation de bail et de paiement d'indemnités découlant de
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clauses pénales. Le tribunal interprète d'abord les dispositions du bail afin de déterminer quelles sommes le locateur a le droit de
réclamer à son locataire en raison de la résiliation. Dans cette affaire, l'intimée est une société d'avocats qui a signé un bail avec
la requérante. Les affaires de l'intimée périclitent et cette dernière quitte les lieux. Elle remet les clefs à la requérante sans qu'une
entente intervienne entre elles à propos des sommes qui doivent être versées par les cautions. Dans sa requête, la requérante
réclame les arrérages de loyers jusqu'à la date du prononcé du jugement de résiliation.
Le tribunal est d'avis que c'est au moment du dépôt des procédures que la résiliation conventionnelle du bail s'est opérée. Il serait
par ailleurs paradoxal et antinomique de retenir qu'en procédant par la voie judiciaire, la requérante exerçait son droit de résiliation
de plein droit prévu au bail 13 . L' article 1883 C.c.Q. rend d'ailleurs cette hypothèse impossible, puisqu'il permet au locataire
d'éviter la résiliation en tout temps avant jugement en payant le loyer et les frais dus. Mais il en est autrement pour une résiliation
conventionnelle. En effet, la conduite des parties indique que c'est lors du dépôt des procédures de résiliation qu'il y a accord de
volonté entre les parties au sujet d'une résiliation conventionnelle.
La clause de résiliation de plein droit doit être claire
Les tribunaux se sont penchés sur différentes clauses de résiliation et se sont prononcés sur leur clarté à plusieurs reprises.
Ainsi, dans Restaurants Fiorentino inc. (Proposition de) 14 , la Cour se penche sur la demande du locateur de résilier un bail dans
un contexte d'avis d'intention du locataire de présenter une proposition à ses créanciers. Dans cette affaire, Restaurants Fiorentino
inc. s'est engagé envers Place Desjardins aux termes de deux conventions de bail, la première pour 240 mois et la deuxième pour
120 mois. En juin 2003, Place Desjardins dépose contre Fiorentino une requête en résiliation des baux et en paiement d'arrérages
de loyer. En juillet 2003, les parties signent une transaction pour le règlement des arrérages de loyer. Cette transaction inclut une
clause stipulant que tout défaut supplémentaire relatif au paiement du loyer entraînera la résiliation immédiate du bail, sans
préjudice aux recours du locateur en recouvrement des sommes dues et en compensation des dommages subis, le cas échéant.
Cette entente est homologuée par le tribunal. Par la suite, Fiorentino est de nouveau en défaut de payer son loyer, cette fois pour
les mois de décembre et de janvier. Place Desjardins met alors Fiorentino en demeure de quitter les lieux. Ce dernier dépose un
avis d'intention de soumettre une proposition à ses créanciers. Le syndic dépose alors un avis de surseoir à la requête en
résiliation et en paiement d'arrérages de loyer.
Le tribunal rejette la requête en prorogation. Il conclut que la résiliation des baux a eu lieu dès le nouveau défaut de paiement du
loyer, comme les parties l'ont prévu dans leur transaction. Au moment où Fiorentino dépose son avis d'intention de faire une
proposition, les baux sont déjà résiliés. Par conséquent, les dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne trouvent pas
application et Place Desjardins peut continuer ses procédures d'expulsion sans devoir obtenir l'autorisation de la Cour de faillite.
Il est intéressant de constater que la transaction, qui comportait une clause claire et non équivoque de défaut entraînant la
résiliation immédiate du bail, est considérée par le tribunal comme provoquant la résiliation automatique du bail. Ainsi, lorsqu'un bail
ne comporte pas de clause de résiliation ipso facto et que les parties tentent d'arriver à un règlement plutôt que de se présenter
devant les tribunaux, il y aurait peut-être lieu d'insister pour qu'une telle clause soit insérée dans le règlement. Ainsi, si le locataire
omet de nouveau de respecter ses obligations, il sera possible de mettre fin au bail sans qu'une autorisation judiciaire soit
nécessaire. La situation du bailleur se trouvera ainsi améliorée.
L'affaire Mayer-Leblanc c. 3617718 Canada inc . 15 offre un autre exemple d'application des principes édictés par la Cour d'appel.
Dans cette affaire, le bail intervenu en mai 1999 indique que la demanderesse loue à la défenderesse un local commercial à StJérôme. Le défendeur se porte caution conjointe et solidaire des obligations de la défenderesse. Le bail, d'une durée de cinq ans,
contient une clause intitulée « Fin du bail ». La question en litige consiste à déterminer si ce bail a été résilié de plein droit par le
défaut des défendeurs de remplir leurs obligations et par la signification de la mise en demeure. Se basant sur la décision 90515909 Québec Inc. c. 9067-8665 Québec Inc. , le tribunal déclare la clause « Fin du Bail » valide et le bail résilié 10 jours après la
signification de la mise en demeure. Il condamne la défenderesse, solidairement, à payer le loyer dû et échu au moment de la
résiliation du bail et les arrérages de la surtaxe sur les immeubles non résidentiels. Il la condamne également à compenser la perte
subie par la demanderesse, soit la différence entre le loyer perçu en vertu du nouveau bail et celui perçu en vertu du premier.
Dans 9112-1384 Québec inc. (Syndic de) c. Aberback Lapointe et associés inc . 16 , la Cour supérieure réitère l'importance de
prévoir une clause claire de résiliation ipso facto afin que le bailleur puisse s'en prévaloir. Dans cette affaire, la requérante est
propriétaire d'un immeuble commercial situé à Beauport et dans lequel la débitrice exploite un restaurant en vertu d'une convention
de bail. La débitrice ayant omis d'acquitter le loyer pour les mois de décembre 2004 et janvier 2005, la requérante lui fait signifier
un avis d'annulation du bail en invoquant la clause 8.1 du bail, qui se lit comme suit :
Le Locataire convient et accepte qu'en ce cas le Bail s'éteint du simple fait de cet avis sans qu'il soit besoin d'une autre
mise en demeure et/ou procédure juridique, quel qu'elle soit, et aucun paiement ni acceptation du loyer après ce défaut
n'aura pour effet de justifier le Locataire de continuer à occuper les lieux loués, ni ne portera atteinte aux droits du Bailleur
prévu par les présentes ou par la convention de location.
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Le tribunal est d'avis qu'il peut y avoir résiliation de plein droit d'un bail commercial pour non-paiement du loyer lorsque le bail le
prévoit expressément. En l'espèce, l'avis d'annulation du bail adressé à la débitrice par les procureurs de la requérante satisfait
aux prescriptions de la clause 8 du bail et est suffisant pour mettre fin au bail liant les parties. Il est aussi intéressant de noter que
la Cour a indiqué que le fait de ne pas mentionner la date de terminaison du bail dans l'avis ne remet pas en cause la ferme
intention de la requérante de mettre fin à celui-ci. En effet, la débitrice en a été informée dès signification de l'avis et elle se devait
d'agir en conséquence 17 .
Dans Studio Grafiksismik inc. (Proposition de) 18 , la Cour du Québec analyse le libellé d'une clause qui contient elle-même une
clause de résiliation ipso facto. Elle conclut que celle-ci est claire et peut être valablement exercée par le locateur. Cette décision
s'inscrit dans le contexte d'une requête en inapplication de la suspension des procédures que prévoit l' article 69.4 de la Loi sur la
faillite et l'insolvabilité . Essentiellement, le litige soulève la question de la résiliation du sous-bail d'un espace commercial intervenu
en juin 2004 entre Technologies Nexxlink inc. et l'intimée, Studio Grafiksismik Inc. (Grafiksismik). Cette résiliation est survenue
avant que Grafiksismik dépose un avis d'intention de faire une proposition à ses créanciers. La clause 7.13 du sous-bail prévoit
qu'en cas de défaut par le sous-locataire de respecter l'une ou l'autre des obligations qui y sont stipulées, le sous-bailleur a le
droit d'exiger, à son gré, la résiliation immédiate du sous-bail.
Le tribunal confirme que la Cour supérieure a à plusieurs reprises reconnu la possibilité de résilier le bail de plein droit. Or, en
l'espèce, le sous-bail permet la résiliation de plein droit. L'utilisation des mots « à son gré », dans la clause 7.13, confirme d'ailleurs
cette possibilité. C'est le seul sens que l'on peut d'ailleurs donner à cette expression. Interpréter celle-ci autrement aurait pour effet
de rendre ces mots inutiles, car le créancier peut toujours exiger par voie judiciaire que son débiteur exécute ses obligations ou
que soit constaté le défaut de celui-ci.
L'affaire Crosston Rubber (Québec) Inc. c. Société en commandite Place St-Germain 19 illustre encore une fois le principe selon
lequel une clause de résolution doit être claire. Dans cette affaire, le tribunal est saisi d'une action en injonction permanente et
d'une requête en injonction interlocutoire visant à obtenir la jouissance des lieux loués.
Le 12 mars 2002, la demanderesse loue un local dans l'immeuble de la défenderesse aux termes d'un bail d'une durée de 10 ans.
La clause 5.04 du bail permet au locateur de reprendre possession des lieux loués et d'exercer tout droit prévu par la loi en cas de
défaut de la locataire. Pour se prévaloir de ce droit, la locataire doit d'abord donner les avis prévus au paragraphe 2 de la clause.
La locataire étant en défaut, le locateur lui donne de nombreux avis la sommant de payer le loyer dû. Le 1 er mars 2004, le
locateur met sa locataire en demeure de payer les arrérages de 89 559 $ dans les 15 jours suivants, à défaut de quoi le bail
prendra fin le 16 mars 2004. Le 8 avril 2004, la locataire n'ayant toujours pas obtempéré, le locateur informe cette dernière qu'il
reprendra possession du local le lendemain s'il ne reçoit pas les sommes dues. Le même jour, la locataire dépose un avis de son
intention de faire une proposition à ses créanciers. Les recours contre elle sont donc suspendus. De plus, le délai accordé à la
locataire pour faire une telle proposition a été prorogé. La locataire demande au tribunal de déclarer que le bail n'a pas été résilié
de plein droit avant le dépôt de son avis d'intention. Elle soutient que la suspension des procédures résultant de cet avis empêche
maintenant le locateur d'exercer un recours en résiliation du bail et en réclamation des arrérages de loyer.
La Cour est d'avis que si le bail a déjà été résilié de plein droit au moment du dépôt de l'avis d'intention du locataire, le locateur
peut demander l'éviction de celui-ci et reprendre possession des lieux loués. Elle réitère qu'en matière commerciale, la résiliation
judiciaire demeure la règle générale. Toutefois, les parties peuvent ajouter au bail une clause prévoyant la résiliation de plein droit
en cas d'inexécution de leurs engagements contractuels. Leur volonté à cet égard doit cependant être indiquée clairement. En
l'espèce, le bail n'a pas été résilié de plein droit avant le dépôt de l'avis d'intention. D'une part, la clause 5.04 ne prévoit pas
clairement la résiliation de plein droit. En effet, la phrase énonçant que le locateur aura le droit d'exercer tout droit prévu par la loi
en cas de défaut n'est pas suffisamment claire pour entraîner la résiliation. D'autre part, le locateur n'a pas démontré qu'il avait
rempli les formalités prévues au paragraphe 2 de cette clause. Il devra donc s'abstenir d'entreprendre des mesures d'expulsion
contre la locataire et de lui limiter l'accès aux lieux loués.
Dans Pineiro c. Goldverg 20 , la Cour conclut que la clause n'est pas suffisamment claire et explicite. Dans cette affaire, les
demandeurs réclament des arrérages de loyer. En 2003, la défenderesse signe un bail commercial venant à échéance en 2007
pour un local abritant un restaurant acheté aux intervenants. En février 2004, les demandeurs achètent l'immeuble et s'engagent à
respecter les baux en vigueur. En mars 2004, la défenderesse revend le restaurant à l'intervenant et lui sous-loue les locaux. Les
demandeurs allèguent ne pas avoir été informés du transfert du bail. Ils ont expulsé l'intervenant et ont changé les serrures. Ils
mettent la défenderesse en demeure de payer les arrérages de loyer. Ils exercent ensuite leur recours contre elle en alléguant que
le bail est résilié de plein droit et en lui réclamant des dommages-intérêts pour résiliation anticipée du bail. L'intervenante réclame
la somme investie pour rénover les locaux et acheter des équipements jetés aux rebuts par les demandeurs. La défenderesse
prétend que les demandeurs ont abusé de leurs droits en refusant que l'intervenante exploite le restaurant.
Le tribunal rejette l'action et accueille en partie la demande d'intervention. La défenderesse doit démontrer que les demandeurs ont
consenti à la sous-location, conformément à une clause du bail. Or, les demandeurs nient avoir reçu un avis de sous-location.
L'avis prévu à l' article 1870 C.c.Q. n'a donc pas été donné. De plus, le bail ne stipule pas clairement la résiliation de plein droit du
bail en cas de défaut. La résiliation judiciaire étant la règle, le tribunal doit intervenir pour prononcer la résiliation. La défenderesse
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a quitté les lieux sous les pressions et les menaces des demandeurs, qui ont profité de la situation vulnérable dans laquelle elle se
trouvait. Ils ont de plus fait obstacle à l'intervenante, qui voulait récupérer les équipements, ce qui constitue un abus de droit. En
conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à la réclamation pour arrérages et dommages-intérêts en raison de la résiliation
anticipée du bail. Les demandeurs ont laissé croire à l'intervenante qu'ils ne s'opposeraient pas à la cession et ils savaient que les
équipements lui appartenaient. Ils sont donc condamnés à payer des dommages-intérêts à l'intervenante.
Ainsi, lorsqu'il rédige un bail, le locateur commercial doit s'efforcer d'énoncer clairement les droits du locateur et le mécanisme
d'exercice d'une clause de résiliation de plein droit, comme nous allons l'expliquer ci-après dans la seconde partie de notre article.
L'abandon des locaux
De prime abord, les cas d'abandon des lieux par le locataire sont certainement les plus faciles à traiter en matière d'exercice de
clause de résiliation ipso facto , puisque les risques de poursuite du locataire contre le bailleur sont généralement plus limités. Il
arrive toutefois que le locataire expulsé dépose des procédures en dommages contre le locateur.
L'arrêt 9047-2002 Québec inc. c. Piazza 21 illustre bien le contexte classique d'un déguerpissement du locataire. Il s'agit d'un bon
exemple du type de preuve que le bailleur doit présenter pour démontrer le déguerpissement. Dans cette affaire, une action en
réclamation de dommages-intérêts a été rejetée, et la demande reconventionnelle en réclamation d'arrérages de loyer et de
dommages-intérêts, accueillie en partie.
Les parties sont liées par un bail commercial signé en 1997. En novembre 2000, les arrérages de loyer s'élèvent à 14 000 $ et les
locateurs demandent aux locataires de redresser la situation. Le 12 janvier 2001, les locataires font une fête pour leurs clients
avant de fermer, pour une période de deux semaines, le bar exploité dans les lieux loués. Le 24 janvier 2001, le système d'alarme
du bar se déclenche et les locataires ne sont joints que le lendemain. Un de leurs employés remet donc les clés du local à un des
locateurs et lui divulgue le code du système d'alarme. Le 27 février, les locataires font parvenir une mise en demeure aux
locateurs. Ils leur reprochent d'être intervenus de manière intempestive et d'avoir démoli les améliorations locatives effectuées en
1997. Ils leur réclament 100 000 $ pour les biens, l'équipement et les stocks dont ils se seraient emparés sans droit. Ils réclament
également 60 000 $ à titre de dommages exemplaires et punitifs, qualifiant la saisie d'abusive. Prétendant que les locataires
avaient cessé leurs activités et abandonné les lieux, les locateurs soutiennent qu'ils étaient en droit de considérer le bail comme
résilié.
Selon le tribunal, l'article 12 du bail liant les parties énumère les cas où le locateur est en droit d'exiger la résiliation de plein droit.
Il y est en effet prévu qu'en cas de non-paiement du loyer ou, encore, d'abandon des lieux loués pendant plus de cinq jours, le
loyer du mois en cours et ceux des 12 mois suivants deviennent dus et exigibles à titre de dommages-intérêts. Il y est également
indiqué que le locateur pourra alors, sans autre avis ou formalité, prendre possession des lieux loués et y saisir les biens et effets
laissés par les locataires.
Les circonstances en l'espèce autorisaient les locateurs à se prévaloir de cette clause. En effet, les locataires ont admis des
arrérages de loyer s'élevant à 14 000 $. De plus, le rapport d'activité du centre de télésurveillance de Microtec démontre qu'en
janvier 2001, il n'y a eu aucune activité dans les lieux loués pendant plus de cinq jours. Selon le tribunal, ce sont plutôt les
locataires qui ont abusé de leur droit d'ester en justice.
II- LES CONSIDÉRATIONS PRATIQUES D'EXERCICE D'UNE CLAUSE DE RÉSOLUTION IPSO FACTO D'UN BAIL
La négociation des baux est souvent une étape déterminante dans la relation qu'entretiendront le locateur et le locataire. Nous
allons donc d'abord aborder les dispositions à insérer du point de vue du locateur dans les baux. Nous traiterons ensuite des
difficultés concrètes auxquelles fait face le locateur lorsqu'il désire exercer ses droits prévus dans la clause de résiliation ipso facto
qu'il a négociée.
A. Les dispositions à insérer dans les baux du point du vue du locateur
Comme nous l'avons déjà mentionné, la résiliation de plein droit n'est pas une panacée. Elle représente plutôt une possibilité qui
s'offre au bailleur en cas de défaut du locataire de respecter ses obligations. La réalité commerciale et économique de la relation
entre les parties, la qualité de la rédaction de la clause de résiliation de plein droit et un ensemble d'autres facteurs, tels le risque
de poursuite par le locataire, la relation avec d'autres locataires ou, encore, la possibilité de négocier une entente, sont autant des
facteurs à considérer pour que le locateur n'exerce pas aveuglément ses droits.
Ce choix du locateur d'exercer la résiliation de plein droit plutôt que de procéder par voie judiciaire n'est donc généralement pas
animé par une volonté de se faire justice « lui-même ». Les coûts associés aux procédures judiciaires qui engendrent très souvent
des délais importants, de même que l'occupation illégale des lieux loués par un locataire en défaut après l'exercice de cette
résiliation de plein droit, peuvent avoir des conséquences sérieuses pour un locateur, d'où l'importance d'insérer une clause de
résiliation de plein droit bien rédigée, claire et non équivoque dans les baux commerciaux.
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Au Québec, les baux commerciaux contiennent souvent des clauses de résiliation de plein droit qui se présentent comme suit :
DÉFAUT DU LOCATAIRE
Dans chacun des cas suivants, à savoir :
(a) [...] ;
(b) [...] ;
(c) [...] ;
(d) [...] ;
(e) [...] ;
(f) [...] ;
(g) si le locataire est en défaut de se conformer à toute condition ou obligation du présent bail, s'il néglige de payer toute
somme exigible donnant ainsi ouverture à la création d'une charge, d'un droit de rétention ou tout autre droit sur
l'immeuble, les lieux loués ou sur les biens qui s'y trouvent, s'il enfreint les règles ou règlements définis par le locateur et
si le défaut du locataire perdure pour une période de cinq (5) jours après la réception d'un avis écrit à ce sujet,
alors, nonobstant toute disposition de la loi à l'effet contraire [incluant, sans limitation, les articles 1863 et 1883 du Code
civil du Québec (si ces articles s'appliquent)], le présent bail pourra être résilié de ce fait au gré du locateur moyennant un
préavis écrit au locataire en ce sens, le manquement du locataire étant constaté par le simple écoulement du temps
imparti pour l'exécution de ses obligations. Il est expressément convenu que ce droit de résiliation s'ajoute à l'ensemble
des autres droits et recours du bailleur, prévu par la loi ou le présent bail, et s'exerce sans préjudice de ceux-ci, sans
diminution ou extinction de la responsabilité de toute caution des obligations du locataire aux termes des présentes.
Quelques remarques s'imposent. Dans la plupart des clauses de résiliation, l'exercice du droit de résiliation de plein droit relève de
la discrétion du locateur. Le locataire a le droit de remédier au défaut dans un délai précis prévu dans la clause. Nous
recommandons que les locateurs s'assurent que ces deux éléments soient inclus dans leur clause de résiliation. En effet, en
présence de ces deux éléments, les tribunaux seront moins enclins à qualifier d'abusif le comportement du locateur puisqu'une
telle clause permet au locataire de remédier à son défaut. Il y a lieu de penser également qu'une telle clause pourrait satisfaire aux
exigences de clarté et d'équilibre de la jurisprudence actuelle en permettant au locateur de mettre fin à la relation contractuelle
entre les parties sans l'intervention du tribunal.
Par ailleurs, lors de la négociation de tout bail, le locateur commercial devrait porter attention aux articles 1863 et 1883 C.c.Q. , qui
ne lui sont pas favorables.
L' article 1863 C.c.Q. se lit comme suit :
L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts,
l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail
immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre au locataire le droit de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une
telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.
Lorsque l'on représente un bailleur, il nous apparaît extrêmement important de s'assurer que le bail comporte une clause de
renonciation à cet article afin d'éviter que le locateur soit obligé de faire la preuve d'un « préjudice sérieux ». Cette notion est très
diffuse et entraîne l'exercice des pouvoirs discrétionnaires du juge, ce qui, sans aucun doute, ajoute de l'incertitude pour le
locateur.
Quant à l' article 1883 C.c.Q. , il se lit comme suit :
Le locataire poursuivi en résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer peut éviter la résiliation en payant, avant
jugement, outre le loyer dû et les frais, les intérêts au taux fixé en application de l' article 28 de la Loi sur le ministère du
Revenu ou à un autre taux convenu avec le locateur si ce taux est moins élevé.
Ainsi que nous l'avons expliqué précédemment, la jurisprudence reconnaît le droit du locataire d'éviter la résiliation en tout temps
avant un jugement en payant le loyer et les frais dus. Il est donc important d'obtenir que le locataire renonce à cet article lors des
négociations.
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Soulignons que les articles 1863 et 1883 C.c.Q. ne sont pas d'ordre public ; le locateur peut donc insister pour que le locataire y
renonce.
Certains auteurs sont toutefois d'avis que le locataire ne peut invoquer l' article 1883 C.c.Q. pour contrer la résiliation de plein droit,
si celle-ci est déjà acquise. Dans un tel cas, il est tout simplement trop tard, et ce, même si le locataire n'a pas renoncé
explicitement et textuellement aux droits conférés par l' article 1883 C.c.Q. 22
B. Les difficultés concrètes auxquelles est confronté le locateur lors de l'exercice d'une clause de résiliation ipso facto
L'intérêt, pour le locateur commercial, d'exercer une clause de résiliation de plein droit du bail réside dans le fait qu'il peut agir
sans l'intervention du tribunal. Il y a cependant lieu de se demander si l'expression « sans l'intervention du tribunal », que l'on
retrouve d'ailleurs dans de nombreux jugements, est bien réelle. Ce droit se bute en effet trop souvent à des difficultés réelles de
mise en application qui, pour différentes raison, rendent illusoire l'exercice de ce droit.
Les résultats escomptés par le locateur ne sont pas obtenus
Le fait qu'aucune intervention de la Cour n'est nécessaire pour mettre fin à la relation entre les parties ne veut pas dire que tous
les résultats escomptés par un locateur sont obtenus sans recours au tribunal.
D'abord, même si le locateur réussit à résilier le bail de plein droit, les obligations non respectées demeurent toujours inexécutées.
En cas de non-paiement du loyer, le locateur sera donc obligé d'exercer un recours judiciaire afin d'obtenir une condamnation pour
les loyers impayés, et ce, nonobstant le fait qu'il aura déjà mis fin au bail. De plus, si le locataire n'a toujours pas quitté les locaux,
le locateur devra entreprendre d'autres procédures afin de donner effet à la résiliation de plein droit. Demander le départ du
locataire sans avoir préalablement obtenu un jugement comporte en effet de sérieux risques de poursuite en dommages par le
locataire (nous discutons de cet aspect dans les sections suivantes).
C'est pour toutes ces raisons qu'il est toujours préférable pour le locateur d'insérer au bail une clause prévoyant que le locataire
sera responsable de payer les frais d'avocats et les déboursés. Une telle clause pourrait se lire comme suit : « Dans l'éventualité
où le locateur devrait faire appel aux services d'un avocat afin d'obliger le locataire à se conformer aux dispositions du bail, le
locataire devrait payer sur demande tous les coûts, débours et honoraires engagés par le locateur à ces fins. »
La difficulté d'expulser le locataire
En l'absence d'un jugement du tribunal, il est très difficile pour un locateur de reprendre possession des lieux loués, et ce, même
après l'exercice d'une clause de résiliation de plein droit. En effet, même si les tribunaux ont reconnu le droit du locateur de mettre
ainsi fin au bail en présence d'une clause de résiliation claire et non équivoque, l'expulsion d'un locataire qui refuse de reconnaître
une telle résiliation ne peut avoir lieu qu'avec l'intervention de la Cour.
Procéder à l'éviction autrement, même en présence d'une clause permettant au locateur de reprendre possession des lieux loués
et d'évincer le locataire et ses biens, exposera le locateur à un recours en dommages-intérêts ou à la contestation judiciaire de la
résiliation de plein droit sous prétexte que les conditions nécessaires ne sont pas réunies.
C'est justement parce que la résiliation de plein droit ne requiert pas un processus judiciaire que le locateur doit être conscient
qu'un contrôle des tribunaux après l'exercice de son droit amènera souvent ces derniers à examiner s'il y a eu abus de droit ou
mauvaise foi emportant une fin de non-recevoir au droit à la résiliation du bail 23 .
L' article 1889 C.c.Q. , qui autorise l'éviction du locataire, se lit comme suit :
Le locateur d'un immeuble peut obtenir l'expulsion du locataire qui continue d'occuper les lieux loués après la fin du bail
ou après la date convenue au cours du bail pour la remise des lieux ; le locateur de l'immeuble peut dans les mêmes
circonstances, obtenir la remise du bien.
Après avoir exercé son droit de résiliation et après que le locataire aura refusé de reconnaître ce droit, le locateur devra donc
entreprendre des procédures afin d'ordonner le délaissement forcé des lieux loués et d'obtenir un bref d'expulsion ( art. 565 C.p.c.
).
L' article 565 C.p.c. prévoit ce qui suit :
Lorsque la partie condamnée à livrer ou à délaisser un bien, meuble ou immeuble, ne s'exécute pas dans le délai imparti,
le demandeur peut être mis en possession en vertu d'un bref ordonnant d'expulser le défendeur ou de lui enlever les
biens, selon le cas.
Un bref d'expulsion ne peut être exécuté le samedi ni un jour non juridique et doit, avant d'être exécuté, avoir été précédé
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d'un préavis d'au moins deux (2) jours juridiques francs signifié au défendeur. Un juge peut toutefois, sur autorisation
écrite et signée de sa main, permettre de passer outre à une condition prévue au présent alinéa.
À la lecture de cet article, nous constatons que le bref d'expulsion est la procédure appropriée pour donner effet au jugement
rendu en vertu de l' article 1889 C.c.Q. Il est important de souligner qu'un bref d'expulsion ne peut être obtenu sans jugement
ordonnant l'expulsion du locataire. Par conséquent, les bailleurs se retrouvent encore une fois devant les tribunaux. Un locateur ne
peut donc pas se permettre de croire qu'il réussira à éviter les procédures judiciaires en exerçant une clause de résiliation de plein
droit si son locataire refuse de quitter les lieux loués. Au contraire, cela demeurera la seule façon de reprendre possession de
ceux-ci.
Risque de recours
L'affaire 2751-9818 Québec inc. c. 2150-1069 Québec inc. 24 illustre bien notre propos quant à la nécessité d'entreprendre des
procédures judiciaires et quant à l'obligation du locateur d'agir de bonne foi. Dans cette affaire, les parties sont liées par un bail
commercial intervenu en 1990 pour des locaux situés dans un centre commercial. Le bail prévoit qu'en cas de non-paiement d'un
loyer, le locateur pourra résilier le bail sans préavis et expulser le locataire sans devoir exercer de recours en justice.
Depuis 1992, le locataire a payé plusieurs fois son loyer en retard. En 1993 et 1994, le locateur lui envoie donc des mises en
demeure afin qu'il s'acquitte de ses obligations. En avril 1994, le locateur demande à un huissier de procéder à l'expulsion du
locataire et de procéder au changement des serrures des locaux. L'huissier expulse donc le locataire, qui réagit en poursuivant le
locateur et l'huissier en dommages-intérêts. Il poursuit également l'administrateur du bailleur.
La Cour conclut qu'en vertu de l' article 1889 C.c.Q. , le locateur ne pouvait expulser le locataire sans autre formalité. Une telle
conduite constitue de l'abus de droit contraire à l'exigence de la bonne foi édictée aux articles 6 et 7 C.c.Q. Le locateur a agi de
façon téméraire, déraisonnable, excessive et il a commis un abus de droit. De plus, l'huissier a également commis une faute. À ce
sujet, le juge Claude Rioux précise ce qui suit :
[53] L'huissier n'avait cependant en main aucune décision de justice lui ordonnant d'expulser les demandeurs du
commerce qu'ils exploitaient et de changer les serrures de l'établissement. Il n'avait non plus en main aucun acte de
procédure au même effet émanant d'un tribunal. Aucune loi ne l'autorisait à poser de tels actes.
[54] En plus d'avoir posé des actes non autorisés par la loi ou par une cour de justice, l'huissier Landry a commis une
faute en procédant d'une façon téméraire, déraisonnable et excessive. Le fait d'avoir reçu des instructions de la
défenderesse, par la voie de son président, ou des procureurs de la défenderesse, ne peut l'excuser de ses actes illégaux
et des fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions d'officier de justice.
À la lumière de cette décision, il est clair que l'huissier n'a pas le droit d'expulser un locataire sans avoir en main un bref
d'expulsion. Il pourrait même être tenu solidairement responsable avec le locateur poursuivi en dommages-intérêts par le locataire
victime.
L'huissier peut toutefois jouer un rôle important dans la constitution de la preuve. Il peut en effet rédiger un constat de l'état des
lieux loués et préparer un inventaire des biens qui s'y trouvent.
Nous invitons néanmoins le locateur à la prudence et à agir de bonne foi. Il est souvent souhaitable de laisser une copie du
constat au locataire et de l'aviser de venir chercher ses biens dans un délai imparti plutôt que de se départir immédiatement des
biens laissés dans le local. Ceux-ci pourraient notamment appartenir à des tiers. Il est également préférable d'informer le locataire
qu'à défaut de venir prendre possession de ses biens, le locateur pourra récupérer ceux-ci dans le délai imparti et procéder au
changement des serrures ainsi qu'à l'enlèvement des biens.
Bien que de telles démarches puissent paraître laborieuses, elles permettront au locateur de démontrer qu'il a agi de bonne foi et
de manière non abusive. De cette façon, il pourra limiter les risques d'être condamné à payer des dommages-intérêts à son
locataire.
CONCLUSION
Le survol des jugements rendus après les jugements de la Cour d'appel Place Fleur de Lys 25 et 9051-5209 Québec Inc . 26 et qui
traitent de la force exécutoire des clauses de résiliation de plein droit contenues dans les baux commerciaux confirme que les
tribunaux ont accepté la résiliation de plein droit, sans intervention judiciaire, lorsqu'une clause du bail le prévoit expressément.
Cela constitue un avantage certain pour les bailleurs qui ne sont alors pas tenus de s'adresser aux tribunaux lorsqu'il est clair que
le locataire a abandonné les lieux loués ou qu'il ne fait que profiter de la situation pour continuer d'occuper un local sans payer le
loyer.
Néanmoins, bien que le locateur puisse valablement invoquer la résiliation de plein droit, la partie victime de l'inexécution de son
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cocontractant peut malgré tout se présenter devant le tribunal et réclamer des dommages-intérêts en alléguant que les conditions
de résiliation de plein droit ne sont pas réunies. De plus, même si le locataire ne poursuit pas le locateur mais refuse de délaisser
les locaux, le seul moyen pour le locateur de donner effet à cette résiliation est d'intenter un processus judiciaire afin d'obtenir une
ordonnance d'expulsion.
Ainsi, malgré la reconnaissance de la résiliation de plein droit par les tribunaux, les locateurs ne sont pas vraiment plus avancés
dans de nombreux cas ; ils continuent de subir des délais et des coûts importants pour reprendre les locaux d'un locataire fautif.
Il ne reste plus, pour les personnes impliquées du milieu du louage commercial, qu'à espérer qu'un jour les tribunaux aborderont
l'aspect pratique de ce droit de résiliation de plein droit en traitant des moyens de donner effet à ce droit dans un temps opportun.
. * M e Voula Neofotistos est avocate au sein du cabinet McMillan Binch Mendelsohn S.E.N.C.R.L., s.r.l. EIle pratique dans le
domaine du droit immobilier et corporatif. M e Emmanuelle Saucier est une associée du même cabinet et sous-directrice du groupe
de litige commercial. Elle pratique notamment en litige commercial, incluant les recours en matière immobilière. Les auteures
tiennent à remercier M e Clifton Jarin, qui a collaboré à la recherche relative au présent article.
1. Place Fleur de Lys c. Tag's Kiosque inc. , EYB 1995-29010 (C.A.) .
2. 9051-5909 Québec inc. c. 9067-8665 Québec inc. , REJB 2003-39652 (C.A.) .
3. Richard ROSENSWEIG, « Unilateral Resolution, the State of the Law and the Civil Code of Québec », (1994) 97 Revue du
Notariat , p. 4.
4. Id. , p. 16-17.
5. Précitée, note 1.
6. Ibid. , par. 30.
7. Ibid. , p. 9.
8. Précitée, note 2.
9. Ibid. , par. 32.
10. Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations , Montréal, Éditions Thémis, 2006, par. 2925, p. 1754.
11. Précitée, note 2.
12. EYB 2003-51914 (C.S.) .
13. Ibid. , par. 37.
14. REJB 2004-55535 (C.S.) .
15. EYB 2004-82211 (C.Q.) .
16. EYB 2005-86701 (C.S.) .
17. Ibid. , par. 15.
18. EYB 2005-91745 (C.S.) .
19. EYB 2004-66458 (C.S.) .
20. EYB 2005-97197 (C.Q.) .
21. EYB 2005-89364 (C.S.) .
22. Pierre AUDET, « La résiliation de plein droit du bail commercial par le locateur : Discussions et réflexions sur un thème
connu » dans Développements récents en droit immobilier (2004) , Service de la formation permanente du Barreau du Québec,
2004, Droit civil en ligne (DCL), p. 176, EYB2004DEV649 .
23. Précitée, note 1, p. 182.
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24. EYB 1996-30495 (C.S.) .
25. Précitée, note 1.
26. Précitée, note 2.
Date de dépôt : 7 décembre 2007
Copyright © Les Éditions Yvon Blais Inc. et leurs concédants de licence.
Tous droits réservés.
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