Hikaru no gay – éléments pour une lecture qui s`assume

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Hikaru no gay – éléments pour une lecture qui s`assume
Hikaru no gay – éléments pour une lecture qui s'assume
Qui ne s'est jamais posé de questions, en lisant ou en regardant Hikaru no go, sur la nature des
relations entre les différents personnages, sur le fait que ce soit uniquement la rivalité qui les pousse
les uns vers les autres, à commencer par Akira et Hikaru ? A en croire les fanfics (voir par exemple
http://www.hikarunogoworld.com/hngw_fanfics.php), le caractère homosexuel que revêt la relation
principale du manga est évidente. Une simple recherche google suffit à se rendre compte que
l'écrasante majorité des réécritures par les fans sont des yaoi (histoires d'amour entre garçons, aussi
appelées littéralement shônen ai 少年愛 ou encore « boys love »).
Un environnement majoritairement masculin, l'absence chez la plupart des personnages d'une vie
amoureuse, le jeu de la rivalité et du désir compétitif, tout pousse à voir dans ce rapprochement une
analogie somme toute banale, qu'on pourrait plaquer sur à peu près n'importe quel shônen (manga à
destination de jeunes garçons). Les plus âgés de mes lecteurs auront sans doute pensé, pour rire, à
un amour refoulé de Végéta pour Sangoku... les plus jeunes peut-être à Naruto et Sasuke... Pourtant,
il m'a semblé que, s'il y a dans ces deux exemples (et d'autres) un léger abus de l'interprète, on
trouvait dans Hikaru no go bien plus qu'un simple reflet, qu'une ressemblance de surface qui
permettrait tout autant une symbolique de l'amour que de la guerre, ou autre type de rapport
humain. C'est ce que je me propose d'explorer aujourd'hui avec vous, en m'appuyant surtout sur la
série animée, ainsi que sur les cinq premiers tomes du manga (je n'ai fait que parcourir le reste pour
vérifier les éléments entrevus dans la série).
Cette lecture comporte de nombreux risques que je préfère, à défaut de pouvoir les éviter, signaler
pour ne pas trop faire mal en tombant. Le premier serait de partir d'une conception simpliste et
caricaturale de l'homosexualité, par exemple de dire que ce sont là de bien grandes « tafiolles » qui
passent leur temps à pleurer pour un oui ou pour un non, ou encore que Sai ou Akira sont dessinés
comme des femmes (on trouve ce genre de propos sur internet)... Pour ce qui est de Sai, d'autres
indices poussent à donner son genre comme ambigu (sa coiffure n'est pas exactement masculine
pour un courtisan de Heian – même très féminine), mais dans tous les cas l'important est qu'ils
soient considérés dans l'histoire comme personnages masculins. Par ailleurs, si j'adopte parfois
certaines positions discutables sur le genre et l'orientation sexuelle, comme le fait que le club de go
s'oppose aux clubs de sports, ou plus important la masculinité marquée du monde du go, c'est à titre
de clichés actuels, donc de code reconnu et partagé, même par ceux qui le critiquent.
Second écueil, le choix de mon public et de l'attitude à adopter face aux spoilers. Je me suis trouvé
devant un certain nombre de cas où il m'a fallu révéler des éléments de l'histoire dans le but de la
démonstration. C'est regrettable, car le plaisir de la découverte n'est pas négligeable, notamment
dans HnG, et c'est bien parce qu'il m'était nécessaire d'avancer dans le développement de la série
pour mettre en valeur certaines pistes que je me suis résolu à le faire. Pour ne pas alourdir le propos,
j'ai essayé d'harmoniser le degré d'informations introductives pour que tout le monde puisse profiter
de mon analyse, mais il restera toujours à lire ou relire le manga.
Enfin, une difficulté qui menace très vite quand on commence à chercher des indices
d'homosexualité dans le manga, c'est la sur-interprétation. Qu'est-ce que ça veut dire, surinterprétation ? J'entends par là, plaquer de force, sans assise dans le texte même (« texte » est à
comprendre comme une figure de l'objet de la lecture). Je pense que toute lecture est déjà une
interprétation – chacun a des connaissances et des attentes différentes en arrivant sur un texte, et en
retient des choses différentes (cf Yves Citton). A partir du moment où on est capable de montrer
quels indices soutiennent une interprêtation, elle est acceptable, plus ou moins importante mais elle
peut constituer une façon de lire l'oeuvre. Ce que je fais ici n'est certainement pas de dire que
Hikaru no go est l'histoire d'un amour homosexuel déguisée par un surcodage de « rivalité au go ».
Au contraire, j'essaie de montrer que, parmi les différentes couches de sens que contient le manga, il
y en a une qui concerne l'amour entre garçons (et plus légèrement entre filles), qui ne soumet pas
toutes les autres à elle-même, mais qui peut coexister avec elles. Une fois que j'aurai établi quelques
pilliers suffisamment stables, par contre, rien ne nous empêchera d'avancer plus loin dans la forêt et
de formuler d'autres hypothèses de lectures homosexuelles...
I. Le jeu de l'amour... et du désir
Hng fait intervenir de nombreux personnages dont un certain nombre pourraient donner lieu à des
relations homosexuelles. J'ai choisi de me limiter à ceux que je considère être les trois personnages
principaux par souci de clarté, mais aussi et surtout parce qu'il me semble crucial que ce soient eux
précisément qui donnent le meilleur terrain à notre lecture.
1. Sai et Akira : le désir triangulaire
Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard développe une théorie du désir qui
introduit entre le sujet et l'objet un modèle, troisième point du désir qui sert à le motiver. On ne
désire pas un objet pour lui-même, mais parce que quelqu'un nous en fait sentir le manque, et dont
on cherche alors à se rapprocher – voire qu'on cherche à devenir, à remplacer. Ce régime du désir
marque par-dessus tout dans les romans étudiés par Girard la relation amoureuse (chez Proust par
exemple l'être aimé est un « être de fuite »).
Après avoir rencontré Sai, fantôme d'un professeur de go de la Cour de Heian (804-1189 après JC),
Hikaru se trouve à jouer une partie avec Tôya Akira, fils (prodigieux) du meilleur joueur de go
actuel du Japon. Bien entendu, c'est Sai (qui entretemps avait hanté et joué sous l'identité du
meilleur joueur de go de tous les temps) qui lui dicte ses coups... Akira, enfant plus fort que bien
des professionnels, est abasourdi par sa rencontre, et se met à poursuivre Sai à travers Hikaru. De la
même façon, de nombreuses personnes vont se retrouver dans ce genre de triangle ; Hikaru le
premier, qui va se mettre à vouloir rattraper Akira, mais aussi une quantité de personnages
secondaires, médiatisés soit par le jeu de Sai, soit par l'intérêt que porte Akira à Hikaru.
2. Hikaru et Sai : la paix conjugale
Une relation qui me semble avoir été sous-estimée par les parodistes et autres fans, d'après ce que
j'ai vu, est celle qui lie Sai à Hikaru. Pourtant, le motif de l'attirance (il faudrait vérifier dans
diverses traductions et dans le texte en japonais pour faire la part d'interprêtation du traducteur
français) revient par deux fois dans les premiers chapitres (autour de la question du « pourquoi Sai
est-il apparu à Hikaru »). Leur complicité est totale : Sai accompagne Hikaru partout, c'est lui qui
initie Hikaru à la pratique du Go, c'est lui qui le rend si exceptionnel aux yeux de tous, enfin c'est
avec lui que Hikaru passe toutes ses nuits à jouer... Ils semblent vivre une sorte de vie conjugale,
harmonieuse jusqu'à un certain point, avec des moments de jalousie, dans les deux sens, et surtout
une dépendance mutuelle indiscutable.
Lorsque Sai finit par disparaître, Hikaru tombe dans une dépression accablante ; il nie la disparition
du fantôme ; voyage dans tout le Japon à sa recherche ; veut abandonner le Go ; la vie sans Sai
vaut-elle la peine d'être vécue ? C'est en se rendant compte que Sai continue de vivre en lui quand il
joue que Hikaru va finalement se réconcilier avec le Go...
3. Hikaru et Akira : les affres de la passion
D'une intensité bien autre sont les sentiments qui lient
Hikaru à Akira. Dans les premiers temps, Hikaru ne cède
qu'à contrecoeur (ou plutôt parce qu'il y est forcé sous
peine de nausées) à l'envie de go qui brûle en Sai. C'est la
rencontre avec Akira, la passion de celui-ci, et le jeu des
espoirs et déceptions qui l'amènent à vouloir, lui aussi,
devenir un joueur de go professionnel. Tout au long de la
série, les deux personnages (à vrai dire, surtout Akira),
vont être obsédés l'un par l'autre, ce qui sera rendu entre
autres par de nombreuses représentations du rivalamoureux en arrière plan. Du côté d'Akira, on notera de
nombreuses cases (ou scènes) où, lorsqu'est mentionné
Hikaru, son regard se brouille, où il rougit, transpire, perd
sa concentration... On pourrait s'amuser à répertorier tous
ces moments, mais à vrai dire cela serait fastidieux et
n'apporterait rien de plus à notre argumentation. 読めば
分 か る Yomeba wakaru, pourrait-on dire (« Lisez, et
vous comprendrez »).
Par contre, j'aimerais attirer votre attention sur certaines
scènes-clef de l'évolution de leur relation, pour en relever
les éléments qui indiquent assez clairement le registre de
la scène amoureuse.
Lorsqu'Akira, sous le choc depuis sa première partie contre Sai, cours chercher Hikaru qui sort du
tournoi de go pour enfants, la scène se cristallise sur le moment où il lui prend la main. Certes
l'histoire le justifie par la curiosité chez Akira de vérifier si Hikaru est peu expérimenté (les doigts
ne sont pas usés par le maniement des pierres), mais l'intensité des sentiments qu'il éprouve se
révèle dans ce geste (la page suivant le geste débute par un gros plan sur les deux mains), qui peut
être notre premier indice élémentaire de la relation amoureuse, en particulier dans une société
comme celle du Japon ou le contact physique est très peu développé hors de l'intimité (pas de bises
ni de poignées de main – ça évite la gastro d'ailleurs). La réaction de Hikaru semble indiquer qu'il
est conscient du caractère ambigu du geste : il retire sa main brusquement et rougit... Curieusement,
cette « poignée » de main est soulignée par la suite de la scène, puisqu'après un échange de paroles
où Hikaru choque Akira par sa désinvolture à l'égard du go, ce dernier, lui demandant une revanche,
l'entraine à sa suite vers le club de go... en lui prenant la main.
Arrivé au collège, Hikaru participe au club de go et veut développer ses capacités pour pouvoir un
jour, sans l'intermédiaire de Sai, affronter Akira. Aussi, lorsque ce dernier vient le voir pour lui
demander de jouer, Hikaru refuse, annonce qu'il ne veut plus jouer contre lui, et tire les rideaux de
la salle de classe sans lui laisser le temps de répondre. Cette rupture provoque chez Akira un désir
tenace de retrouver Hikaru, le poussant jusqu'à rejoindre le club de son collège, où il n'est pas à sa
place, doublement par sa présence (il est rejeté par les élèves) et par sa requête de n'être que le
troisième membre de l'équipe devant participer au tournoi (alors qu'il est le plus fort et devrait jouer
premier). Cette double « humiliation » (se rendre humble) aboutit à une troisième humiliation, celle
de jouer lors du tournoi des collèges contre le vrai Hikaru, ridiculement faible encore par rapport à
Sai : Akira est trahi, pleure, s'en prend à Hikaru, et s'en va totalement meurtri et frustré. Ce passage
n'est à vrai dire pas particulièrement explicite, et pourrait dénoter dans cet exposé qui se veut un
relevé du registre amoureux ; mais il m'a semblé important de le noter, puisqu'il marque un moment
important de la relation. On notera le jeu de la déception qui ne fait finalement qu'encourager les
sentiments, la jalousie, le sentiment d'être trahi étant un témoin en creux de la confiance et des
espoirs portés par Akira.
Durant l'été suivant, Hikaru trouve le moyen de laisser jouer Sai en se connectant à internet. Petit à
petit, la réputation de ce « sai » grandit, jusqu'à susciter l'attention d'Akira... Une revanche se joue
enfin, que Sai remporte, mais lorsqu'Akira apprend qu'on a vu Hikaru dans un cybercafé, il s'y
précipite. La scène qui s'ensuit entre les deux est sans doute l'une des plus marquante pour
l'évolution de la relation, et elle est abondamment reprise en flash-back dans la série animée. Cette
scène ressemble à une dispute : Hikaru joue l'ignorant pour ne pas être découvert, alors qu'Akira
s'emporte au sujet de Sai. Abandonnant son idée, il annonce à Hikaru qu'il « ne
réapparaitr[a] jamais devant [lui] ». C'est désormais Akira qui est calme, et Hikaru qui panique, et
fait sa déclaration: il met en garde Akira qu'à force de poursuivre « une ombre » (Sai), il va un jour
être « surpassé » par le vrai Hikaru... Akira répond avec mépris, et leurs chemins se séparent. Il va
ensuite devenir joueur professionnel, et entrainer Hikaru à sa suite. La scène se construit sur des
mouvements corporels, les deux personnages se tournant alternativement le dos, les moments de
face à face étant accentués par des traits d'arrière plan et des cases à la composition dramatique.
Cela ne suffit pas à créer explicitement une scène d'amour – j'en conviens. Mais reconnaissez que
les bulles semblent s'effacer d'elles-mêmes...
Par la suite Akira, tout en étant obsédé par les progrès de Hikaru (qui entre en « prépa » de go, les
classes insei, fait des progrès stupéfiants grace à l'enseignement de Sai, et devient professionnel à
son tour), va ignorer celui-ci lorsqu'ils se retrouveront réunis (au centre de prépa, au tournoi prépaprofessionnels, à la cérémonie d'admission des nouveaux joueurs, lors de la première partie de
Hikaru – quoiqu'involontairement : son père a eu une attaque -, etc.).
Quand Sai, conscient d'avoir joué son rôle sur terre en transmettant son savoir à Hikaru, disparaît,
Hikaru fait une dépression et arrête de venir aux matchs professionnels. Akira, frustré de ne l'avoir
pas encore vu jouer, va le voir au collège, et le trouve dans la bibliothèque. S'ensuit un échange où
Hikaru se renferme totalement sur le souvenir de Sai, et oublie que si au début c'était ce dernier qui
avait surpris Akira, par la suite, c'est sa propre force qui l'a ramené vers lui. Hikaru s'enfuit en
courant, et Akira le poursuit en lui criant : « Pourquoi es-tu devenu professionnel ? N'était-ce pas
pour jouer contre moi ? » (je traduis dans un style un peu formel, mais après tout c'est Akira...) Mais
Hikaru n'entend, ou n'écoute pas. Encore une fois l'échange fait penser à une dispute amoureuse.
Quand à leur premier match en tant que professionnels, il est si intense qu'il est parfois difficile de
ne pas y voir une scène assez intime...
II.Où sont les femmes ?
1. This is a man's world
Dans Hng, comme dans la plupart des shônen, les personnages sont en grande majorité masculins,
et les seuls rôles féminins sont cantonnés à de la figuration à peine dialoguée. Les tournois de
collège se font, comme on s'y attend, séparement selon le sexe (faudra quand même m'expliquer la
légitimité d'un tel partage, surtout que chez les professionnels les matchs sont mixtes), et le club a
beaucoup de mal à recruter des filles. Les sessions avec les insei sont mixtes, mais, hormis Nase (le
tome 18, composé de hors séries, présente une histoire sur elle), aucun personnage féminin ne sera
développé. De même dans le monde des professionnels. Ogata, joueur prometteur et membre du
cénacle du père d'Akira, est montré à un moment avec sa femme, ou petite amie, qui se plaint qu'il
accorde plus d'importance au go qu'à elle ; il confirme : rien n'a plus d'importance que le go. Alors
même qu'elle essaie de se rattrapper en l'encourageant, il la rabaisse : « tu ne sais même pas pour
quel titre je suis en compétition »... (Je profite de l'occasion pour repréciser quelque chose qui vaut
pour tout cet article : il importe peu ici que ceci soit
un reflet de l'état réel du go au japon, ou qu'il soit
pure fiction de Hotta et Obata. Ce qui importe c'est
que ça existe en tant que fait du texte). Le go semble
donc être un mode de vie incompatible avec les
femmes (ou plutôt : l'autre sexe), ce qui apparaît
comme d'autant plus curieux (j'entends, non pas
« bizarre » mais « intéressant ») que l'auteur du
manga en est une, ainsi que la consultante
professionnelle en go et présentatrice des brèves
d'initiation concluant chaque épisode de la série
animée.
2. Deux modèles opposés
Si Sai est un personnage plus ou moins ambigu à sa
manière (reconnu comme un homme, et pourtant
cette coiffure de Dame de la cour...), les deux autres
personnages principaux, Akira et Hikaru, montrent
deux façons d'interagir avec les femmes qui me
semblent radicalement opposées.
Akira est à l'aise vis-à-vis des femmes, et
notamment les plus âgées. Dès le début, il nous est
introduit par le personnage de Mlle Ichikawa,
caissière du salon de go, mais qui semble avoir des
liens plus ténus, comme un rôle de grande soeur voir de baby-sitter au début (elle vient le chercher
ou l'amène en voiture). De même, lors de la séance de « bizutage » (ou plutôt d'ijime) au collège,
c'est l'intervention d'une fille, plus âgée, qui met fin aux parties en aveugle qui commencent à
déstabiliser Akira. Cette importance de l'âge me paraît appuyée par la scène où Akira se rend au
collège de Hikaru pour lui demander de revenir jouer contre lui, il rencontre d'abord deux
collégiennes, à qui il fait peur (par sa provenance – le meilleur collège privé du coin – et par sa
conversation trop polie) ; l'une des deux a une véritable réaction d'effroi, se jetant dans les bras de
sa camarade lorsqu'il leur adresse la parole. Certes il y a de la gêne sociale dans ce geste,
puisqu'elles parlaient de lui avant qu'il ne se tourne vers elle, mais le signe demeure. Par la suite,
leur conversation va échouer : elles ne savent même pas s'il y a un club de go dans leur
établissement, encore moins où il se trouve (ce que voudrais savoir Akira). C'est en s'adressant à
une adulte, qui se trouve être le professeur principal de Hikaru, qu'il va obtenir un sourire et une
réponse...
Hikaru quant à lui est à l'exact opposé. Il ne comprend pas que des filles puissent s'y intéresser
(Tome 2, page 189, case milieu gauche : « Le go c'est pas fait pour les filles ») – et se fait reprendre
par son aîné Tsutsui qui lui apprend que les femmes jouent aussi au go (heureusement qu'il était là,
parce que sans ça l'examen du manga aurait pu nous amener à douter...). Lorsqu'il ramène la
joueuse de volley-ball dans le club, et qu'il apprend la séparation des équipes de tournoi selon le
sexe, il propose de la faire passer pour un garçon, précisant que ce ne sera pas difficile... De là à
dire que c'est pour ça que c'est elle et pas une autre qu'il a ramenée... Et ne cesse de malmener son
amie d'enfance Akari – dont je réserve l'analyse au point suivant.
Avant cela, j'aimerais juste poser quelques éléments d'analyse familiale. Jusqu'à ce que son père soit
hospitalisé, Akira semble n'avoir pas de mère : elle n'est jamais mentionnée ni montrée avant les
deux tiers de la série, et encore parle-t-elle à son fils avec le suffixe -san, qui s'il est éventuellement
envisageable dans le cadre d'une famille aussi conservatrice que les Tôya (le père ne s'habille qu'en
tenue ancienne avec hakama et cie, Akira lui-même parle un langage trop châtié pour un enfant de
son âge, etc.), n'en est pas moins un marqueur de distance. Hikaru au contraire semble longtemps
n'avoir que sa mère ; c'est une discussion entre elle et le grand père qui nous révèle l'existence d'un
« Masao » (on notera avec légèreté que c'est le prénom du professeur de la conseillère en go
Umezawa Yukari), existence vaporeuse solidifiée ensuite par la discussion de la mère avec le
professeur principal... Reste qu'il ne sera jamais montré. J'avais donc d'abord pensé à un rajout
d'indice sur la différence entre Akira et Hikaru, l'un n'ayant pas de mère et l'autre pas de père ; cette
opposition est un peu bancale, mais on retiendra l'étonnante et écrasante importance du père
d'Akira, dans un contexte social (ou en tout cas fictionnel) où c'est le modèle de Hikaru qui est la
norme.
3. Akari ou le reflet inattendu
Dans ce monde sans fille, un personnage semble parvenir
à faire exception : Fujisaki Akari, amie d'enfance de
Hikaru.
Certes; elle apparaît d'abord au contraire comme le résumé
de toute les femmes du manga, radicalement opposée au
principe du go. Dès le départ, elle se montre inquiète et
effrayée d'aller dans le grenier où Sai fera son entrée en
scène – un Sai que d'ailleurs elle est incapable de voir.
Hikaru, durant toute la série, se montre assez dur envers
elle ; il la rejette, considère qu'elle n'a rien à faire au club
de go, et quand il l'y accepte, ne cesse de la mépriser. Elle
vient le voir chez lui et le trouve absent : il est allé jouer
au go. Il rejette son invitation à venir à la kermesse, et
alors qu'il y va malgré tout, elle n'est pas là ; plus tard dans la journée, lorsqu'il joue contre Kaga,
c'est la soudaine irruption d'Akari qui lui fait commettre une erreur et qui lui coûte la partie... Elle
semble avoir toujours du retard sur les autres et doit tout se faire expliquer (le tournoi, le niveau de
Hikaru, etc.), être toujours à l'arrière plan (Tome 2 p119 : «mais pourquoi tu nous suis ? », p.189
« mais on s'en moque qu'elle vienne ou non ») et n'être dessinée souriante que lorsqu'elle se moque
de Hikaru, qui lui-même passe son temps à la taper, comme lorsqu'Akira vient le voir au collège.
Le système phonétique du japonais repose certes sur des syllabes et les signes syllabaires ne se
ressemblent guère entre eux (dans le sens où, mettons pour la ligne du i, on a des signes aussi
différents que いきしちにひみり). Pourtant on pourra difficilement ne pas remarquer la proximité
des deux personnes « vivantes » qui ne cessent de graviter autour de Hikaru : Akari, Akira dont la
proximité va jusqu'à la notation en kanji (et donc la connotation de sens) : 明, la lumière, qui fait en
outre écho au 光 de Hikaru (également « lumière, briller »). Si Akari a donc pu espérer être un
équivalent d'Akira, elle semble finir par se résigner devant l'évidence du choix de son ami.
C'est là que le personnage acquiert un certain relief et va être sauvé de la disparition qui menace ses
consoeurs. Malgré toutes les brimades de Hikaru, elle continue de s'accrocher au go, à vouloir
progresser (avec les résutlats mitigés qu'on connait mais avec beaucoup de bonne volonté). Bientôt
c'est elle qui ramène des membres au club de go... des filles. Elle prend en quelque sorte le relai de
Hikaru au sein du collège. Lorsque Hikaru refuse en apparence son rendez-vous à la fête du collège,
elle s'y rend... avec des filles. Sa survivance jusqu'aux derniers cycles de la série (elle vient
demander à Hikaru de jouer une partie avec elle puisque tous les membres du club de go avaient
autre chose à faire) ne pourrait-elle s'expliquer par le relai qu'elle fait aux progrès de Hikaru dans le
monde du féminin (oui, je m'avance déjà un peu dans ma troisième partie) ?
Interlude : si on chantait ?
Les génériques de début (3 en tout) et de fin (5) de l'animé nous semblent être un indice de plus de
l'ambiguité amoureuse du manga. En effet, ces chansons alternent (et parfois font alterner en leur
propre sein) entre rivalité-émulation et amour. Si le premier générique de début (GET OVER, qui
commence par « Toi, aujourd'hui, tu me soutiens / Moi, aujourd'hui, je te soutiens » et contient à un
moment 僕達はきっと / 一人じゃないと思うよ / 君がいる soit « Je suis sûr que nous ne sommes pas
tout seuls – Tu es là, toi ») reste sobre, dès le second (I'll be the one) on tombe dans un peu plus
d'explicite : 今 愛 す る 愛 す べ き 君 が い る « Maintenant, tu es là, toi que j'aime et que je ne peux
qu'aimer » (plus tout un jeu sur le regard qui reflète l'autre). Le troisième (Fantasy) bien que plus
centré sur la rivalité et l'émulation, est ponctué d'expressions anglaises telles que « my heart »,
« baby for you », « it's destiny »... Les génériques de fin ne sont pas en reste, et je ne résiste pas à
l'envie de vous livrer la quasi-totalité du second (Hitomi no chikara – « Le pouvoir de tes yeux »1.
Je dis « quasi » parce que je vous épargne la répétition de l'avant dernier couplet) :
Anata no hitomi no chikara de watashi wa kawatte yukou
Kinou no yuraida kimochi wo nugisuteru tame ni
Je changerai grâce au pouvoir de tes yeux
Pour me débarasser des sentiments fébriles d'hier.
Yume ni miteita shiawase nara dareka ga hakonde kureru Je pensais que quelqu'un m'apporterait le bonheur dont j'ai
to omotteta
rêvé,
Isogi ashi no machi de iiwake bakari minna mo onaji to
Tout le monde faisait l'innocent avec les mêmes excuses
usobuiteta
dans la ville pressée.
Hontou ni kimi wa ima manzokushiteru no?
Kokoro no mannaka minukaretayoude
Es-tu vraiment satisfait de ta vie maintenant?
C'est comme si quelqu'un avait vu l'intérieur de mon coeur.
Anata to deaenakattara itsuwatta egao no mama
Uwabe no taido ya kotoba wo kurikaeshita ne
Si je ne t'avais pas rencontré, je garderais encore ce faux
sourire,
Répétant les mêmes attitudes et les mêmes mots de façade.
Anata no hitomi no chikara de watashi wa kawatte yukou
Kinou no yuraida kimochi wo nugisuteru tame ni
Je changerai grâce au pouvoir de tes yeux
Pour me débarasser des sentiments fébriles d'hier.
Hitogomi wa kyou mo mawari nagara ai mo kibou mo
suiageteku
Aujourd'hui encore, perdu dans la foule, mon amour et mon
espoir s'envolent.
Kizukazu ni tebanashita taisetsuna mono wo
Mou ichido kono te ni dakishimetemitai
Les choses importantes que j'ai laissées tomber sans m'en
rendre compte,
Je voudrais à nouveau les étreindre dans ces bras.
Anata to deaenakattara kitto semai sora no shita
Tekitou na seikatsu no naka de nagasareteita
Anata no watashi no mirai wo isshoni kizuite yukou
Donna ni kizutsuku koto ni mo mou osorenaide
Si je ne t'avais pas rencontré, [sous ce ciel si bas
Je me laisserais emporter par une vie sans but.
Construisons ton avenir et le mien ensemble,
Sans avoir jamais peur de nous blesser.
Yakusoku tsuyoku naru kara sono me wo sorasanaide
Je te promets que je deviendrai plus fort alors ne détourne
pas tes yeux.
Les autres sont dans le même goût, parlant de l'importance de la rencontre, de l'avenir commun, du
soutient mutuel... Le tout dans des mélodies on ne peut plus mielleuses. Nous voilà donc confortés
dans notre idée qu'il y a plus qu'un simple shônen derrière ces cheveux blonds sur noir.
III.Pour un nouveau manga
Nous voici arrivés au point où je pense n'avoir plus besoin de coller à tout prix à la lettre du manga,
et où nous allons pouvoir peut-être décoller un peu. C'était laborieux – et encore, il resterait des
points à éclaircir- mais je ne crois pas que ç'ait été inutile. Je vous propose donc maintenant deux
façons de nous envoler, l'une en considérant l'histoire du manga et les phénomènes textuels, l'autre
1 Je m'appuie sur la traduction du site : http://www.animekaillou.com/hikarunogo/hitominochikara.htm que j'ai pris la
liberté de modifier quand cela m'a paru nécessaire.
en plongeant dans une lecture presque allégorique, mais pas trop non plus, qui fait de ce manga
l'histoire de la conquête de soi par un jeune homosexuel.
1. La synthèse de différents modèles de manga : shônen, shôjo, yaoi
Empruntant des éléments aux grands genres de mangas pour la jeunesse, Hikaru no Go nous semble
être une oeuvre de la synthèse, et par là-même fonder une postérité qui dépasse la revalorisation du
jeu qu'il présente.
A première vue, Hikaru no go est un shônen parmi tant
d'autres, avec un héros masculin et jeune (11 ans au
début de la série, comme Harry Potter ^^), reprenant
les codes de la compétition, de la poursuite d'un
objectif, avec pour unité narrative l'affrontementcombat (ici la partie de go), alternant des périodes
d'aventure-découverte avec des épreuves-tournois...
On est dans l'héritage de Dragon Ball.
Pourtant, la série n'est pas exempte des caractéristiques
du shôjo. Ce genre de manga, destiné aux jeunes filles,
met généralement en scène des histoires d'amour,
souvent non réalisés pendant toute la série (on est dans
l'éthique amoureuse du romantisme, comme l'analyse
par exemple Broch dans les Somnanbules, ou Kundera
dans l'Immortalité). La particularité narrative du shôjo, ce sont à mon avis de long passages
introspectifs où les protagonistes ne font rien, hésitent simplement et se posent des questions sur les
sentiments de l'être aimé. A ce titre, et en admettant un déplacement amour-go, Hikaru regorge de
ces scènes. J'irais même jusqu'à dire, mais là on tombe dans la critique impressioniste un peu, que le
trait du dessinateur Obata rappelle par certains côté (notamment les personnages de Ogata, Isumi,
Hikaru et Akira lorsqu'ils sont grands) plutôt le shôjo que le shônen.
Un dérivé du shôjo manga, maintenant peut-être genre à part entière, le yaoi représente des amours
homosexuelles, la plupart du temps masculines. Le terme vient d'une contraction toute japonaise de
l'expression ternaire 山 な し 、 落 ち な し 、 意 味 な し (YA-ma nashi, O-chi nashi, I-mi nashi)
désignant (en la critiquant ?) l'esthétique de ces manga : pas de climax, pas de chûte, pas de sens
(donc pas d'histoire). Il est écrit et dessiné principalement par et pour des femmes ; le thème de
l'amour homosexuel masculin serait, selon Etienne Barral (qui se base sur des entretiens avec des
dessinatrices lors d'une convention de manga amateur au Japon), un moyen pour les jeunes
japonaises de rêver un amour idéal, impossible pour elles à réaliser, et donc qui ne peut pas être
récupéré par un modèle familial (« ils se marièrent et eurent un enfant, et le prince passa ses
weekends à boire de la bière devant le baseball à la télé ») qu'elles rejettent (rappelons au passage
les inquiétudes des démographes japonais... voir Un pays en mal d'enfants. Crise de la maternité au
japon de Muriel Jolivet). Les schémas relationnels reprennent souvent une idéologie de domination
un peu machiste, comme en témoignent les rôles du seme et du uke qui régissent les rapports
(respectivement attaquant – semeru, c'est attaquer, mener une offensive – et « récepteur » - ukeru,
c'est « recevoir... les judoka auront reconnu le début de ukemi). Deux situations types se retrouvent :
une domination par l'âge, dans un rapport de type grand frère – petit frère, et une domination par
l'initiation ou la force, dans le cas de partenaires de même âge. On voit que Hng présente ces deux
relations dans les figures de Sai et d'Akira.
Ainsi, Hikaru no go me semble réaliser une synthèse du manga pour la jeunesse, qui se superposent
et s'imbriquent sans s'annuler, permettant peut-être d'atteindre une polyvalence qui n'est pas sans
rappeler par exemple les romans de Chrétien de Troie. A ceux qui s'écrieraient maintenant que non,
décidément, trop c'est trop, et me taxeraient d'élucubration, je ne ferai qu'indiquer deux choses
intéressantes. Dans le Chevalier au lion, au moment du roman où Yvain est sur le point de
reconquérir son identité, de se refaire une réputation pour enfin retrouver sa Dame, il s'évanouit –
comme Hikaru lorsqu'il découvre Sai. Le deuxième fait est une observation graphique ; le choix du
lion comme allié est fait par Yvain lorsqu'il découvre dans une clairière un serpent et un lion en
train de lutter ; après une hésitation, Yvain tue le serpent (coupant par là-même un bout de la queue
du lion). Regardons maintenant à la page 128 du premier tome : juste avant sa deuxième partie
contre Akira, le fantôme se demande : « Quand il sera grand, en quoi se transformera-t-il ? En lion,
ou en dragon ? » Encore une fois, je ne fais
qu'indiquer (indice-r), et m'étonne de la pertinence
que cet intertexte revêt après mon analyse des
phénomènes génériques du manga...
2. Hikaru no gay, ou comment j'ai appris
à ne plus m'en faire et à aimer les
hommes
Ce que je vais tenter à présent, c'est de résumer
l'histoire de Hikaru no go, en évacuant la
thématique du go au profit de l'amour et de
l'homosexualité. Comme si le manga était en fait
l'histoire de la découverte de soi du héros – comme
s'il s'agissait d'un manga intitulé Hikaru no gay.
Bien sûr, et c'est ce qui fait la richesse et la force
du manga, tout ne peut pas se résumer à cette
lecture ; comme je l'ai dit, elle ne constitue qu'une couche de sens parmi d'autres ; qu'on ne vienne
pas ensuite me reprocher qu'il y ait des scènes, des personnages, des paroles qui s'en accommodent
mal.
Hikaru a onze ans lorsqu'il est abordé, en compagnie de sa meilleure ami Akari, par un jeune
homme étrange nommé Sai, qui semble s'intéresser à lui. Akari, elle, ne le remarque pas. Sai est
déterminé, et continue de fréquenter Hikaru – mais secrètement. Personne ne doit savoir, sous peine
de scandale. Hikaru n'est d'abord pas très intéressé par les propositions de Sai (les premières fois
l'idée le fait même s'évanouir puis vomir), mais il ne le rejette pas longtemps. Dans ce premier
temps, il laisse faire Sai. Le hasard va leur faire rencontrer un autre garçon de l'âge de Hikaru,
Akira, jeune garçon habile, qui s'accepte, et qui est d'abord très impressionné par Hikaru – celui-ci
le prend à la légère et ne fait qu'appliquer les conseils de Sai. Mais bientôt il commence à ressentir
quelque chose pour le garçon, et va, avec la bénédiction et les conseils de Sai, tout faire pour
conquérir son coeur.
Entretemps, il est arrivé au collège, et s'entoure d'amis qui semblent partager sa sensiblité 2. Akari
elle-même, après une période de doute et de relations difficiles avec Hikaru qui la méprise, semble
se rendre compte qu'elle est attirée par les filles. Hikaru aide Mitani, qui se prostitue (comme les
lycéennes pratiquant l'enjô kôsai, c'est à dire se faisant payer des verres et des accessoires de mode
par des hommes mûrs en échange de leur compagnie) dans des bars pour se payer ce que ses parents
ne peuvent lui offrir...
Akira veut le revoir – et à travers lui, Sai – mais Hikaru refuse, car il ne se sent pas prêt. Les
sentiments d'Akira ne font que s'accentuer, et lorsqu'ils se retrouvent enfin, il est déçu par Hikaru,
qui, agissant seul, est encore trop malhabile et trop enfermé sur lui-même. Frustré, Akira le quitte et
coupe les ponts.
A la suite de cette rupture, Hikaru se rapproche à nouveau de Sai, qui ne peut avoir de vie publique
que sur internet, où son âge est inconnu. C'est là justement qu'Akira le rencontre, directement, et est
2 Le club de go devient une figure de l'homosexualité au collège. Minoritaires, maltraités par les clubs de sportifs et
de shôgi... Mais devenant des soutiens les uns pour les autres, heureux car acceptés. Voir, à la fin, le résumé du club
par Akari au petit Koike qui va bientôt se retrouver seul (vu que tous les autres partent au lycée : ) au début il n'y
avait que tsutsui, rejoint par Hikaru, puis par elle, enfin Mitani et les autres... L'idée étant qu'une fois qu'une
première personne a fait le pas de s'affirmer homosexuelle, c'est plus facile pour les autres de le faire.
subjugué par lui. Pris d'un doute, il croit reconnaître le Hikaru des débuts derrière le nom de Sai, et
se précipite à sa recherche lorsqu'on lui dit l'avoir vu. Hikaru, qui doit toujours garder le secret pour
ne pas compromettre Sai, se montre distant et nonchalant, ce qui achève de décevoir Akira, qui lui
fait ses adieux définitifs. Hikaru se rend compte alors de ce que son attitude va lui coûter ; il
comprend qu'il doit entrer dans un monde où sa sexualité est révélée et connue de tous, pour
pouvoir être accepté par Akira. Il va, toujours guidé par Sai, mais aussi par des amis qu'il rencontre
au sein d'une association d'aide aux jeunes qui ne s'assument pas, notamment Isumi et Waya, couple
qui va servir de modèle à Hikaru pour devenir un jeune homme tout à fait séduisant, habile, et
parvenir à s'accepter pleinement. Nombreux sont ceux qui s'intéressent à lui ; mais peu lui importe,
c'est Akira qu'il aime. Celui-ci s'assume pourtant déjà et rencontre beaucoup de succès. Hikaru doit
reconquérir son coeur. Alors qu'il est sur le point d'y parvenir, Sai meurt. Hikaru se rend compte de
l'amour qu'il ressentait pour le disparu ; il passe par une période de déni, puis, lorsqu'il finit par
reconnaître la mort de son ami, décide de se détourner des hommes ; à quoi bon, puisque le seul qui
ait toujours été là pour lui a disparu ? Akira, qui entretemps s'était repris d'amour pour Hikaru, vient
le confronter au collège : n'est-ce pas pour lui qu'il a entrepris tout ce travail sur soi et fait son
coming out à tout le monde ?
C'est Isumi, de retour après un voyage en Chine, qui va réussir à convaincre Hikaru que le
refoulement n'est pas une solution, et que c'est en continuant à vivre heureux, en retrouvant
quelqu'un, qu'il pourra continuer à faire vivre
Sai en lui. Hikaru se dépèche de retrouver Akira
pour lui avouer son amour. Ils vont dès lors
avoir une relation équilibrée, et heureuse...
Voilà, nous sommes tous un peu fatigués après
ces dix pages (en format A4), aussi ne vais-je
pas vous accabler trop longtemps par une
conclusion fastidieuse. Je tiens à préciser que
j'ai réalisé cet article à mes temps perdus,
pendant une semaine de vacances, ce qui
expliquera certaines légèretés, d'une part, et qui
coupera court à ceux qui voudraient voir dans
mon texte une « prise de tête » : je me suis fait plaisir. Il reste néanmoins beaucoup de choses à
dire ; je n'ai que trop peu abordé par exemple les relations hors du triangle Akira-Sai-Hikaru, et
encore même dans ce triangle, pas assez celles entre les deux garçons et le fantôme. Je ne voulais
pas trop appuyer sur des morceaux du ballon qui me semblaient plus fragiles ; le père d'Akira,
Ogata, Isumi et bien d'autres pourraient donner d'autres éclairages encore sur l'homo-émotivité du
manga ; mais je passe le flambeau.
L'important est de rappeler (« la pédagogie, c'est de rappeler trois fois les choses ») que je n'ai pas
prétendu révéler le « vrai » sens de Hng, ni de l'expliquer à tout jamais. Bien d'autres lectures
peuvent en être faites, au dernier rang desquelles ne serait sans doute pas une lecture identitaire et
nationaliste (Sai, le japon « traditionnel » fantasmé, permet à la jeunesse japonaise de se surpasser,
au point de dépasser les joueurs de tous les pays...). Frappé au revisionnage par certains aspects qui
me semblaient indiquer plus qu'un simple réflexe allégorique, j'ai trouvé intéressant de gratter un
peu le vernis et de partager ce que je pouvais trouver dessous. Il vous reste à regarder vous même
par le trou que j'ai creusé.
Pour toute remarque, question, suggestion vous pouvez m'écrire à [email protected]