cet amour qui n`en finit pas

Transcription

cet amour qui n`en finit pas
_}DPUE0
WP [111 7 M
CET
AMOUR QUI
N'EN FINIT
PAS
UN ENTRETIEN
AVEC LE DOCTEUR
HENRI-PIERRE GHIGHI*
« Le troisième âge
devrait être l'âge d'or
de la sexualité »
• LE NOUVEL OBSERVATEUR. — On
pense généralement que les gens du troisième
âge n'ont pas de sexualité. Pourquoi ?
HENRI PIERRE GHIGHI.
A cause de certains tabous encore très vivaces. Le premier est
d'ordre religieux : on ne fait l'amour que pour
procréer. Jusqu'au début du xlx< siècle, la durée
de la vie et la durée de la période de fécondité
étaient identiques. Avec les progrès de la médecine, la durée de la vie s'est allongée d'environ
vingt ans, mais pas celle de la fécondité. Or la
grande majorité des femmes mettent un terme à
leur vie sexuelle à la fin de cette période, alors
qu'elles ont encore au moins vingt ans pour
faire l'amour, si elles en ont envie.
Deuxième tabou la sexualité est liée à la
beauté. Or la beauté va souvent de pair avec la
jeunesse. On aboutit donc à une sorte de loi,
sexualité = jeunesse.
Le troisième tabou est l'apanage des jeunes.
Dans leur inconscient, l'homme ou la femme
âgés représentent toujours le père ou la mère.
Un enfant, c'est connu, rejette la sexualité de
ses parents, qu'il veut purs et asexués. Par glissement, les jeunes acceptent donc très mal la
sexualité du troisième âge en général.
Le quatrième tabou, enfin, vient des personnes âgées. Il y a un phénomène d'autodévalorisation corporelle de leur part. Elles ne se considèrent plus comme objet de désir.
N. O.
Tout de même, n'y a-t-il pas aussi des
facteurs purement physiques qui expliquent une
baisse de la sexualité du troisième âge ?
GHIGHI.
Bien sûr. Il est certain que
la femme a plus de mal à avoir un orgasme
après la ménopause puisque, du fait d'une
baisse de la sécrétion hormonale, le vagin est
moins lubrifié.
Chez l'homme, le vieillissement des vaisseaux
-
—
—
—
* Gériatre à l'hôpital Purpan de Toulouse (service du professeur Albarède).
64 Vendredi 29 avril 1983
sanguins provoque une diminution de volume
du pénis et une érection plus difficile. En outre,
la phase réfractaire — c'est-à-dire la période de
ternes minimale entre une éjaculation et l'érection suivante — augmente avec l'âge. Enfin, les
hommes sont souvent confrontés après soixante
ans à deux types d'affection : la tumeur bénigne
de la prostate et les maladies coronariennes
(infarctus, angine de poitrine). Dans le cas
d'une affection de la prostate, l'ablation est très
fréquente. Tout cela est vrai, mais auctin,de ces
phénomènes ne devrait provoquer de troubles de
l'activité sexuelle. Le problème, c'est qu'ils sont
fréquemment assortis de blocages
psychologiques.
N. O.
C'est pourquoi vous avez créé en 1976
une « structure d'écoute orientée vers les troubles de la sexualité au troisième âge »...
GHIGHI.
Je devais, au départ;
m'occuper de psychologie du troisième âge. Et
j'ai découvert peu à peu que les problèmes
psychologiques de cette population étaient très
souvent liés à la sexualité. Par exemple, des
hommes ou des femmes soignés depuis longtemps pour spasmophilie ou petits syndromes
dépressifs avouaient être veufs et seuls, et finissaient par prendre conscience eux-mêmes de la
vraie origine du mal.
N. O.
Qui vient vous consulter ?
—
—
—
GHIGHI.
Le plus souvent des couples
ou des hommes. Plus rarement des femmes seules. Nous consacrons beaucoup de temps à chaque consultation. Car les gens de cette génération ont du mal à parler de leurs besoins
sexuels.
Les femmes pensent que la sclérose de leurs
organes génitaux après la ménopause leur interdit de faire l'amour. C'est faux. Le dessèchement de la paroi vaginale est parfaitement curable par des traitements locaux (crème) ou hormonaux. De même, l'homme s'imagine qu'après
une ablation de la prostate il est impuissant. Du
coup, il n'essaie plus d'avoir des relations
sexuelles. En fait, il finit par se rendre impuissant. Or il est simplement stérile, pas impuissant. Une seule chose est modifiée : c'est l'éjaculation, qui se fait par voie rétrograde, vers la
vessie, et non plus vers l'extérieur. C'est du
reste ce qui se produit quelquefois lorsque les
hommes retiennent longtemps leur jouissance.
Cela n'a donc rien d'exceptionnel, et en tout cas
cela ne modifie pas le plaisir.
Pour ce qui est des blocages psychologiques
fréquents chez les malades coronariens — qui
sont légion à partir d'un certain âge —, les cardiologues ont une part de responsabilité. Pendant longtemps on a soigné ces malades en leur
interdisant tout effort physique, et particulière—

Documents pareils