Le sexe et ses limites

Dossier
Adolescents et sexualité
Le sexe et ses limites
Philippe Brenot
La sexualité humaine se construit dans un paradoxe : elle se vit en aparté tout en
nécessitant un apprentissage. Elle est aujourd’hui confrontée à la profusion d’images
pornographiques, qui tout en repoussant les limites du caché, ne contribue pas à sa
connaissance.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Sex and its limits. Human sexuality is built on a paradox: it is something which is
experienced in private, while at the same time being something which has to be learned.
Nowadays, it is confronted with a profusion of pornographic images which, while
removing some of the secrecy surrounding human sexuality does nothing to contribute
to its knowledge.
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Mots clés
8
•
•
•
Apprentissage
Limite
Sexualité humaine
Keywords
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•
•
Learning
Limit
Human sexuality
Référence
[1] Spira A, Bajos N. Analyse des
comportements sexuels en France
(ACSF). Paris: ANRS; 1992.
Pour en savoir plus
• Blog : www.sexologie.blog.
lemonde.fr
• Site : www.couple.asso.fr
Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir
de de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
L'auteur Philippe Brenot
Écrivain, psychiatre et
anthropologue, président de
l’Observatoire international
du couple, directeur littéraire
aux Éditions L’Esprit du
Temps/PUF, directeur des
enseignements de sexologie et
de sexualité humaine à
l’université Paris-Descartes,
54 rue de Prony,
75017 Paris, France
[email protected]
I
l nous faut partir d’une définition quelque peu
oubliée de la sexualité humaine : à l’aube de
l’humanité, ce qui caractérise le sexe des
humains, c’est son caractère “caché”.
Une pratique privée
Si la sexualité animale se fait au su et au vu de tous,
le sexe des humains se vit en aparté. Dans toutes les
sociétés humaines, les individus se retirent du
groupe pour vivre leur intimité. D’où la nécessité de
bien comprendre l’articulation et les limites de trois
domaines : l’intime, le privé et le public.
Une construction
et un apprentissage
Une deuxième évidence, quelque peu contradictoire
avec la première, est nécessaire pour notre réflexion.
Nos connaissances les plus récentes nous montrent
que la sexualité humaine est une construction et un
apprentissage.
  La sexualité est en effet socialement construite,
selon les images que nous propose la société et
émotionnellement apprise, c’est-à-dire qu’elle nécessite des modèles et un apprentissage.
  Le grand paradoxe du passage “de la nature à
la culture” est de nous avoir privé des modèles
nécessaires à cet apprentissage tout en instaurant
des limites propres à chaque culture.
  Des systèmes traditionnels compensatoires avaient
cependant été mis en place pour parler de sexualité en
présence de modèle (on “menait la vache au taureau”)
ou pour initier les jeunes mâles (prostitution).
En 1992 [1], 21 % des hommes nés entre 1922 et 1925
avaient eu leur premier rapport avec une prostituée,
mais aucun parmi ceux nés entre 1972 et 1973.
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http://dx.doi.org/10.1016/j.revssu.2013.02.010
L’explosion de la pornographie
  Aux maisons closes, fermées en 1946, ont succédé la libération sexuelle des années 1970, l’irruption
de l’érotisme dans le couple et l’explosion de la pornographie, d’abord dans des salles spécialisées (cinéma X),
puis sur des supports vidéo et enfin sur la toile mondiale du net, mêlant la gratuité à la profusion des
images.
  Dans cette très rapide évolution, les limites du
sexe n’ont pas toujours été respectées, la pornographie
d’accès libre et public sur Internet en étant le meilleur
exemple. D’ailleurs la seule façon aujourd’hui de
définir la pornographie, est d’en préciser les limites
par les interdits qui la frappent (accès restreint,
interdiction aux mineurs, condamnation de certaines mises en scène, notamment pédophiles).
L’atténuation des limites apparaît également par
l’effacement récent de la distinction érotisme/
pornographie.
Conclusion
Le sexe reste encore profondément “caché” en ce qui
concerne sa connaissance (peu ou pas d’éducation à
la sexualité, pas de formation spécifique auprès des
enseignants, aucun enseignement de la sexualité
auprès des professionnels susceptibles de prendre en
charge les individus en difficulté, médecins ou
psychologues).
Si le sexe est aujourd’hui partout montré, ce qu’est la
sexualité est rarement expliqué.
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La revue de santé scolaire & universitaire ● Mars-Avril 2013 ● n° 20