Impôt sur les revenus - Avantage octroyé à un proche du dirigeant
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Impôt sur les revenus - Avantage octroyé à un proche du dirigeant
27 janvier 2014 Impôt sur les revenus - Avantage octroyé à un proche du dirigeant : nouvelles instructions administratives Bernard Mariscal, Benefits Expert, Deloitte Belgium Publié dans : Lettre d'Info Actualités Fiscales n° 3, 27.01.2014, Kluwer Lorsqu’un avantage (une voiture par exemple) est octroyé par une société à un proche du dirigeant n’ayant aucun lien professionnel avec ladite société, le dirigeant sera-t-il imposé sur un avantage de toute nature en raison de l’avantage octroyé à ce proche? Telle est la question à laquelle a tenté de répondre une récente circulaire administrative (Circulaire n° Ci.RH.241/621.406 (AGFisc 44/2013) du 5 novembre 2013) Rétroactes Il y a quelque temps, la Cour de cassation avait pris une décision importante dans le cas de l’octroi d’une avantage à l’épouse d’un dirigeant d’entreprise (Cassation 17 mars 2011, www.monKEY.be) Une société avait pris un véhicule en leasing pour lequel elle avait payé des redevances périodiques importantes. Au terme du contrat, l’option d’achat fut levée par l’épouse de l’administrateur, pour un prix très inférieur à sa valeur résiduaire réelle. L’Administration imposa le dirigeant d’entreprise lui-même en considérant qu’il avait obtenu un avantage de toute nature. Dans un arrêt du 4 janvier 2006, la Cour d’appel de Liège confirma la taxation estimant que le fait de pouvoir permettre à son épouse de bénéficier de l’option et d’acheter le véhicule à un prix dérisoire par rapport à sa valeur réelle constituait un avantage de toute nature qui a été octroyé à l’administrateur, «en raison ou à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle en cette qualité au sein de la société concernée». La Cour de cassation ne l’a toutefois pas entendu de cette oreille en constatant que l’administrateur n’avait pas bénéficié personnellement de la levée de l’option. Elle en a déduit que l’arrêt de la Cour n’était pas légalement justifié, un supplément de cotisation ne pouvant être enrôlé dans le chef de l’administrateur sur la base d’une différence entre la valeur réelle du véhicule et le prix d’achat par son épouse. Interrogé sur la portée à reconnaître à cet arrêt du 17 mars 2011, le ministre des Finances avait répondu qu’à ses yeux, il était relatif à une situation très spécifique et que, par conséquent, aucune portée générale ne pouvait lui être donnée (Q. et R. Parl., session 2010-2011, n° 53-41 du 19 septembre 2011 – Q. n°467de Mme V. WOUTERS du 14 juillet 2011). Selon le ministre, eu égard aux circonstances très spécifiques dans lesquelles l’avantage a été reçu (à savoir l’achat à un prix dérisoire d’une voiture de leasing par l’épouse du dirigeant après que ni la société ni le dirigeant d’entreprise n’aient souhaité levée l’option), le point de vue de la Cour de cassation ne pouvait sans plus être étendu à tous les avantages octroyés aux enfants, petits-enfants ou conjoint des travailleurs ou dirigeants d’entreprise. La doctrine estime toutefois que cette arrêt est de nature à renverser la charge de la preuve : il appartient à l’Administration d’apporter la preuve de ce que le dirigeant a personnellement bénéficié de l’avantage. Une nouvelle circulaire a) La position originelle de l’Administration L’Administration a toujours considéré que pour qu’un avantage obtenu par un dirigeant d’entreprise constitue un revenu imposable dans son chef, il est nécessaire mais suffisant que cet avantage provienne de l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire ou y trouve sa source, c’est-à-dire qu’il se rattache à cette activité ou qu’il en constitue un produit direct ou indirect, principal ou accessoire. En d’autres termes, il faut un lien causal entre l’exercice de l’activité professionnelle et l’obtention de l’avantage. Pour l’Administration, le fait qu’un avantage soit ou non imposable dans le chef d’un dirigeant d’entreprise (comme d’un travailleur d’ailleurs), doit toujours être évalué en tenant compte des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas. b) Les nouvelles instructions administratives Dans sa nouvelle circulaire administrative du 5 novembre 2013, l’Administration affirme que lorsqu'un avantage de toute nature n'est pas attribué à un travailleur ou à un dirigeant d'entreprise mais est attribué à une tierce personne qui est un proche du travailleur ou du dirigeant d'entreprise (époux-épouse, cohabitant(e) légal(e), cohabitant(e) de fait, fils-fille, ami(e), etc.), sans lien causal avec l'exercice d'une activité professionnelle, cet avantage de toute nature ne constitue pas un revenu professionnel imposable dans le chef de cette tierce personne. On peut s’étonner de l’utilisation du terme avantage de toute nature puisqu’il n’y a justement pas de lien causal entre octroi de l’avantage et obtention de celui-ci, condition obligatoire pour l’existence d’un avantage de toute nature. L’Administration précise ensuite que l’avantage octroyé peut donner lieu à une rémunération imposable dans le chef du dirigeant d’entreprise (ou du travailleur) si ce dernier en tire également personnellement avantage, directement ou indirectement. Chose importante et cela conforte la position doctrinale émise suite à l’arrêt de la Cour de cassation, il faut pour imposer un avantage de toute nature dans le chef du dirigeant ou du travailleur, que le fisc démontre formellement que le dirigeant ou le travailleur a quand même bénéficié personnellement de l’avantage, directement ou indirectement. L’Administration énumère un certain nombre de cas dans lesquels le dirigeant d’entreprise ou le travailleur bénéficie personnellement d’un avantage attribué directement ou indirectement à une tierce personne : il utilise personnellement, seul ou conjointement avec la tierce personne, un bien mis à disposition de celle-ci; un bien attribué à la tierce personne enrichit dans les faits, en totalité ou en partie, sa situation patrimoniale (par exemple lorsque la tierce personne lui cède ultérieurement ce bien à titre gratuit ou lorsqu'un bien attribué à l'épouse entre dans le patrimoine commun des conjoints); la mise à disposition d'un bien ou l'attribution de ce bien à la tierce personne lui permet de ne pas devoir réaliser des dépenses qu'il aurait dû supporter sans l'intervention de l'employeur/société, en raison de la dépendance financière effective de cette personne à son égard (par exemple, la mise à disposition d'un véhicule à l'épouse ou à un autre membre du ménage d'un dirigeant d'entreprise, qui permet à ce dernier de ne pas devoir supporter les dépenses liées à l'achat ou à la location d'un véhicule pour ceux-ci; l'exercice par le fils d'un dirigeant d'entreprise qui ne fait pas partie du ménage de ce dernier d'une option d'achat d'un véhicule dont la société était titulaire permet à ce dirigeant de réaliser un avantage égal à la différence entre le prix d'achat qu'il aurait dû supporter en l'absence de l'option et le prix de l'option supporté par ce dirigeant, lorsqu'il peut être démontré que le fils ne bénéficie pas de moyens financiers propres suffisants lui permettant de financer cet achat ou qu'il est dépendant financièrement de ses parents. Ceci sera notamment le cas lorsque les parents versent des rentes alimentaires à leur fils. Ces exemples sont bien entendu applicables mutatis mutandis aux travailleurs). Ces principes ne s’appliquent pas lorsque l’avantage est attribué au contribuable dirigeant d’entreprise ou travailleur et que celui-ci le «rétrocède» son avantage à une tierce personne. La rétrocession de l’avantage n’est pas de nature à supprimer l’imposabilité de l’avantage dans son chef. C’est en effet lui qui a acquis l’avantage. Lorsque l’Administration fait la preuve que le dirigeant d’entreprise ou le travailleur a également bénéficié directement ou indirectement de l’avantage lié à la mise à disposition d’un véhicule par exemple, la société est redevable du précompte professionnel sur le montant imposable de l’avantage de toute nature et doit mentionner ce montant sur une fiche de rémunération 281.20 ou 281.10. Attention, si la preuve n’est pas rapportée par l’Administration, la société encourt le risque d’être imposée sur un avantage anormal ou bénévole (art. 26 CIR).