Portage salarial: l`avertissement de la Cour de

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Portage salarial: l`avertissement de la Cour de
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Portage salarial: l’avertissement de la Cour de
cassation
le 2 mars 2010
SOCIAL | Contrat de travail | Statuts particuliers
Peu importe que la relation de travail s’inscrive dans le cadre d’un portage salarial, l’employeur
(entreprise de portage) est tenu de fournir du travail au salarié et de respecter les dispositions
légales relatives au salaire. Le portage salarial n’est par ailleurs pas une exception permettant de
s’affranchir de l’obligation légale de mentionner, dans un contrat de travail à temps partiel, la
durée du travail et la répartition de celle-ci.
Soc. 17 févr. 2010, FS-P+B+R+I, n° 08-40.671
Soc. 17 févr. 2010, FS-P+B+R+I, n° 08-45.298
« Le travail d’autrui ne constitue pas une marchandise que l’on peut s’échanger librement »
(C. Wolmark et al., Faut-il libéraliser le prêt de main-d’œuvre ?, RDT 2009. 625 ). Il ne fait aucun
doute que le portage salarial, forme un peu méconnue de prêt de main-d’œuvre, va, dans les
prochaines années, être un domaine particulièrement sensible du droit du travail. Légalisé à
l’occasion du vote de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail
(qui l’exclut du prêt de main-d’œuvre illicite), le portage salarial n’est pourtant pas une nouveauté
dans la pratique. L’article L. 1251-64 du code du travail qui en opère définition n’est d’ailleurs pour
certains qu’une reprise de la réalité préexistante (P. Morvan, Le portage salarial face à son destin,
JCP S. 2008. 1363). Selon cette disposition, il s’agit d’un ensemble de relations contractuelles
organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes
comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez
le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de
clientèle. On admet classiquement que, dans l’opération de portage salarial, le travailleur devient
salarié de l’entreprise de portage et a le devoir de rechercher par lui-même des missions chez des
clients qui rémunèreront l’entreprise de portage, à charge pour elle de verser un salaire au
travailleur. Si ce dernier ne trouve pas de nouvelle mission à l’issue de la précédente, il est licencié
par l’entreprise de portage. Cette situation (formalisée par un contrat de travail éventuellement
accompagné de dispositions complémentaires acceptées par le salarié) à la marge de la légalité
jusqu’en 2008 et dangereuse tant pour l’application du droit du travail classique que pour le régime
d’assurance-chômage (B. Ballouhey-McQueen, Le portage salarial : modernisation ou déstabilisation
du marché du travail ?, JSL. 245. 4 s.) n’a pas bénéficié de l’élaboration d’un régime juridique. Le
législateur en a laissé le soin aux partenaires sociaux, qui n’ont toujours pas - à notre connaissance
- signé d’accord sur ce point. Dans ce contexte, les décisions de la Cour de cassation sur le portage
salarial rendues le 17 février 2010 au visa de dispositions très générales et bénéficiant de la plus
large diffusion possible, présentent un intérêt tout particulier.
À l’occasion de deux décisions portant sur des situations antérieures à 2008 mais aux solutions
applicables sous l’empire de la loi nouvelle, la chambre sociale précise, au visa des articles
L. 1221-1, L. 1211-1 et L. 3211-1, le régime applicable à ce type de relation de travail (qui ne peut
être écarté du fait de l’acceptation du salarié). Confrontés (pourvoi n° 08-45298) au délicat
problème de l’obligation, pour le salarié porté, de retrouver lui-même un nouveau client à l’issue de
sa précédente période d’activité sous peine d’être licencié, les magistrats du quai de l’Horloge
prennent le soin de rappeler que tout contrat de travail comporte pour l’employeur l’obligation de
fournir du travail au salarié. Par cet attendu de principe, c’est le concept même du portage salarial
qui est mis à mal. Il n’appartient pas au salarié porté de trouver des clients intéressés par son
travail. C’est à la société de portage de le faire. La Cour de cassation se positionne en faveur d’une
société de portage employeur à part entière, en lui appliquant cette obligation classique attachée à
la notion même de contrat de travail. Cette obligation essentielle comporte néanmoins un problème
de portée. Quel travail doit fournir la société de portage au salarié porté ? A fortiori celui qui a été
convenu au départ, sous peine de tomber sous le coup de la jurisprudence applicable à la
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modification du contrat de travail. En tout état de cause, le licenciement d’un salarié qui n’aurait
pas rempli son « obligation » contractuelle de trouver de nouveaux clients intéressés par ses
prestations et ainsi exercer une activité est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le second arrêt (pourvoi n° 08-40.671) traite quant à lui d’un autre problème qui a toutes les
chances d’être fréquent dans le portage salarial, à savoir celui de salariés portés engagés à temps
partiel. La société de portage et le salarié, ne sachant comment va se répartir l’activité future du
porté, peuvent être tentés de recourir à cette forme d’emploi. Néanmoins, le contrat de travail à
temps partiel fait l’objet d’un encadrement particulier (article L. 3123-14 s. c. trav.). Cet
encadrement doit, selon la chambre sociale, s’appliquer au contrat de travail du porté : celui-ci ne
peut se réclamer du régime du temps partiel et prévoir une durée de travail minimale symbolique,
la durée réelle étant variable et dépendant de l’activité déployée par le salarié sur son initiative.
Pour respecter le temps partiel, ce contrat doit indiquer la durée réelle hebdomadaire ou mensuelle
du salarié et la répartition de celle-ci entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Dans le
cas contraire, de manière classique, ce contrat de travail encourt une requalification en contrat à
temps complet, avec les rappels de salaires que cela implique. Sur le problème de la rémunération,
la Cour de cassation précise d’ailleurs l’applicabilité des règles générales du salaire aux portés.
Il n’en faut pas davantage, à raison, à l’auteur du communiqué « officiel » portant sur ces décisions
et disponible sur le site internet de la Cour de cassation pour indiquer que la soumission des
contrats de portage salarial aux règles d’ordre public du droit du travail a été affirmée par la
chambre sociale. Deux décisions à l’importance non négligeable à l’heure de l’élaboration du
régime juridique du portage salarial par les partenaires sociaux et un message clair à l’attention
des pouvoirs publics qui auront la charge d’étendre l’accord à venir…
Site de la Cour de cassation
par J. Cortot
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