Le collectionneur intègre Ce n`est pas parce que Sindika Dokolo est

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Le collectionneur intègre Ce n`est pas parce que Sindika Dokolo est
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Colecção Sindika Dokolo — The collector with a conscience by Sylvia Smith / SN Inflight magazine
Le collectionneur intègre
Ce n’est pas parce que Sindika Dokolo est un homme d’affaire brillant que son exceptionnelle
collection d’art est une histoire de profit. Bien au contraire, cette collection, la seule à appartenir
à un Africain sur le continent, s’est plutôt bâtie sur l’altruisme. Sylvia Smith a rencontré cet
humble visionnaire
On dit souvent qu’il est impossible d’être à la fois un homme d’affaire performant et un vrai
passionné d’art. L’idée la plus généralement répandue étant que si vous êtes impliqué dans
une entreprise orientée vers le profit, vous serez porté à investir dans l’art à la seule condition
qu’il offre une garantie de croissance. Le collectionneur d’origine congolaise Sindika Dokolo,
basé en Angola, a longtemps médité sur ces paroles ainsi que sur d’autres idées reçues
sur l’art africain contemporain.
Assis dans son spacieux bureau à la Fondation Sindika Dokolo à Luanda, Sindika, la trentaine,
apparaît comme un homme courtois, calme et réservé. Il parle le français, le portugais et
l’anglais – ce dernier avec un léger accent français – et de sa voix mesurée, il explique qu’il a
acquis au départ sa collection d’un Allemand, il y a de cela quatre ans.
“De nombreuses pièces de ma collection appartenaient à Hans Borgatzke, mais je n’ai pas
inclus toutes les œuvres dans ma collection,” confirme-t-il. “Environ 30% se trouvent toujours
dans les cartons.” Globalement, Sindika possède plus de 700 oeuvres d’art d’artistes africains
ou référencées au continent. Depuis son acquisition initiale, il a fortement agrandi sa collection
avec des œuvres de la plus haute qualité.
Unique sur le continent, l’histoire de cette association artistique, aux mains des Africains,
est peu commune. La collection a déjà fait des vagues lors de sa première présentation à la
Biennale de Venise. Lorsqu’il évoque cet événement capital, qui a placé le monde entier face à
l’art africain contemporain, Sindika sourit. “C’était une vraie chance de pouvoir rencontrer les
grandes institutions du monde de l’art, précise-t-il. “Nous espérons clairement que Luanda
trouvera naturellement sa place dans ce circuit artistique international.”
De temps à autres, un événement hors du commun a d’importantes répercussions et c’est
ce qui s’est produit à Venise où l’énergie innovante des Africains a ravi la vedette. Bien que
30 pièces seulement aient été exposées dans le Pavillon africain – exposition regroupée sous le
nom de Check List Luanda Pop – elles ont coupé court pour de bon à l’idée que l’Afrique est
hors course en matière de production contemporaine. La ville est tombée sous le charme de
travaux d’artistes angolais comme Angel Ihosvanny, Viteix, Kiluanji Kia Henda Nástio Mosquito
et Yonamine, qui explorent des concepts dans une grande variété de media et donnent également une vision d’un pays meurtri par près de trois décennies de guerre civile.
Mais le reste du continent est également bien représenté dans la collection. Bili Bidjocka du
Cameroun, Mounir Fatmi du Maroc, Amal Kenawy d’Egypt et Ingrid Mwangi du Kenya
occupent une place confortable à côté d’artistes africains de la diaspora – Chris Ofili, Yinka
Shonibare, Ghada Amer et Oladélé Bamgboyé.
Fundação Sindika Dokolo — Sindika Dokolo colecção africana de arte contemporânea
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Colecção Sindika Dokolo — The collector with a conscience by Sylvia Smith / SN Inflight magazine
L’art est de plus en plus regardé de près, une attitude qui souligne la nature pionnière de la
collection. En écho à l’intérêt immense suscité à Venise, une exposition ambitieuse a été
organisée à Luanda, où la collection a constitué le pivot de la première ‘triennale’ d’art international du pays. L’année dernière, durant des mois, de l’art contemporain a été littérale-ment
étalé dans toute la ville – des pièces minimalistes et figuratives étaient exposées à côté
d’œuvres d’art conceptuel, d’installations, de films et de vidéos – un assemblage étonnant qui
a débouché sur des réactions inattendues. “Nous avions peur que ces travaux soient perçus
comme élitistes,” dit Sindika. “Mais le public a adoré voir des artistes de renommée mondiale
comme Andy Warhol. Jusqu’alors, ils avaient seulement vu des images à la télévision et là,
tout à coup, elles apparaissaient sous leurs yeux.”
Le choix d’artistes comme Warhol et Jean Michel Basquiat, un noir américain avec des racines
haïtiennes, soulève inévitablement des questions sur la représentation des non-Africains dans
la collection. “Je confirme que c’est une collection africaine,” souligne Sindika. “Pas une
collection d’art africain.” Elle s’inscrit dans la mission d’ouverture de l’Angola au monde de
l’art et de la construction de la confiance auprès des Africains, pour qu’ils déterminent euxmêmes leur propre esthétique, loin des formes imposées de l’extérieur. Comme le dit Sindika,
pour de nombreux Africains l’art est resté figé dans le passé, dans les statues de bois et les
masques.
“Nous avons ouvert les portes et nous sommes désormais visibles,” déclare-t-il.
“Sans contrôle sur nos propres processus créatifs, nous ne pourrons avancer.” La prise de
contrôle de ce processus artistique a fait un pas important, suite à la décision récente du
gouvernement angolais de créer un nouveau grand collège d’art à Luanda.
Cette avancée se reflète aussi dans les résidences d’artistes prévues dans la région du désert
proche de la frontière de la Namibie. “Nous aimerions que des artistes de toute l’Afrique
puissent venir et travailler ici,” raconte Sindika, enthousiaste. “Nous inviterons aussi des
artistes de l’Occident. Cet endroit est étonnant, je l’ai découvert en voyageant dans la région
en 4X4, avec un artiste espagnol, Miquel Barceló.”
La Fondation Sindika Dokolo est également en train de mettre en place un système de fonds
qui permettra à des artistes africains de demander des bourses s’ils veulent voyager à
l’étranger en vue de participer à une biennale ou à une exposition. “Cela fera une incroyable
différence de ne pas être obligé de faire une demande à un quelconque comité à New York,”
explique-t-il.
Mais en définitive, ce sont les oeuvres qui comptent et toutes les pièces de sa collection en
sont d’excellents exemples. Au-delà du cadre de la modernité ou de la post-modernité, elles
parlent haut et fort des artistes eux-mêmes, leur manière appliquée, inventive et passionnée de
prendre à bras le corps les thèmes sociaux essentiels à l’échelle du globe. La Collection
Sindika Dokolo traverse tous ces questionnements et elle offre une fenêtre unique sur le
monde et plus particulièrement sur le cœur de l’Afrique.
Fundação Sindika Dokolo — Sindika Dokolo colecção africana de arte contemporânea