Les fonds de l`Hôpital Sainte-Anne et des Petites Franciscaines de
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Les fonds de l`Hôpital Sainte-Anne et des Petites Franciscaines de
1 Les fonds de l’Hôpital Sainte-Anne et des Petites Franciscaines de Marie Lucia Ferretti Université du Québec à Trois-Rivières [email protected] Voici une présentation sommaire du contenu des dossiers des patients de l’Hôpital Sainte-Anne puis Centre hospitalier de Charlevoix entre sa fondation en 1889 et la fin des années 1970. 1. Les dossiers des patients Comme je n’ai pas consulté les dossiers des patients dans le cadre de ma recherche, je me fie aux informations données par deux religieuses : sœur Gisèle Fortier, entrée chez les Petites Franciscaines de Marie en 1945 et directrice de l’hôpital entre 1964 et 1980, ainsi que sœur Madeleine Bertrand, qui fut en poste comme infirmière jusqu’au début des années 2000. 1.1. Avant les années 1960 Avant la Loi sur les services de santé et les services sociaux votée en 1971, l’Hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul était classé comme hôpital psychiatrique; mais c’est simplement parce qu’il n’y avait pas beaucoup de classes d’hôpitaux selon l’ancienne loi. En réalité, il s’agissait d’un établissement de soins de garde pour des clientèles aux diagnostics très variés : grands handicapés physiques, épileptiques, garçons illégitimes non adoptés devenus trop vieux pour continuer à résider dans les orphelinats, et surtout personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Comme on sait, les diagnostic réservés à cette catégorie particulière de patients ont varié selon la gravité de l’atteinte et se sont chargés avec le temps de connotations très péjoratives (débile, imbécile, idiot, crétin, etc.). Ces caractéristiques des patients ont eu des conséquences sur leurs dossiers. Jusqu’aux années 1960, ceux-ci sont restés à peu près vides de documents personnels. En effet, la plupart des hospitalisés n’avaient plus aucun lien familial, ils ne recevaient donc Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM. 2 pas de courrier. Même ceux qui avaient des familles en recevaient rarement. Les seuls papiers conservés au dossier étaient donc le formulaire d’admission prescrit par le ministère de la Santé et le rapport médical à l’entrée. S’y ajoutaient au fil du temps les traces des interventions cliniques : ordonnances, rapports de laboratoire, rapports de radiologie ; celles des opérations chirurgicales le cas échéant; ainsi que les rapports des visites médicales. Avant la fin des années 1920, le formulaire d’admission était très sommaire : nom, lieu d’origine, âge, taille, diagnostic. Puis, et sans beaucoup de changement jusqu’à la fin des années 1950, le formulaire d’admission s’est un peu enrichi. Dans son histoire de l’hôpital, sœur Margaret Porter en énumère les rubriques : « date et lieu de naissance, appartenance ou non-appartenance familiale, antécédents, race, nationalité, langue, confession, état physique, état mental, raisons du placement, signature du médecin soignant et des répondants1 ». On trouvera ci-joint un formulaire dé-nominalisé pour 1944. L’analyse de la population de l’Hôpital Sainte-Anne à partir d’autres infos que le diagnostic n’a pas encore été faite. Sœur Porter en donne un aperçu mais seulement pour le tournant des années 1930. Les hospitalisés provenaient alors non seulement de toutes les régions du Québec mais aussi d’Acadie et des Petits-Canadas de la Nouvelle-Angleterre; certains étaient anglophones; et, voilà le surprenant, 10% (une soixantaine sur 600) étaient juifs, leurs parents ayant fui la Russie, la Roumanie ou la Pologne. Le Verdun Protestant Hospital acceptait des patients juifs mais il faut constater qu’il n’a pas pris ces enfants handicapés. Des sondages pour d’autres périodes pourraient révéler une composition un peu différente. 1.2. À partir des années 1960 C’est à la toute fin des années 1950 que le dossier des patients a commencé à s’enrichir pour la peine. Aux documents mentionnés jusqu’à présent s’est ajouté le cahier de bord des infirmières, dans lequel celles-ci notaient les activités de leur période de travail pour aider celles qui prenaient la relève. S’est ajouté à partir de 1965, quand des médecins Margaret Porter, p.f.m., Histoire de l’hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul. « Dans Charlevoix, tout se berce ». Texte édité, augmenté et analysé par Lucia Ferretti, Sillery, Septentrion, 2014, p.140. 1 Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM. 3 ont été embauchés à temps plein, l’histoire de cas de chacun des résidents et son examen de santé. Mais ce n’est pas tout. Désormais, pour ceux qui en ont passées, se sont ajoutés les résultats des évaluations médico-psychosociales. Avant 1959, de telles évaluations n’avaient été faites qu’une seule fois, en 1928, au moment où il s’agissait de repérer parmi les enfants hébergés à Baie-Saint-Paul ceux qu’on pourrait envoyer à la nouvelle école de réadaptation La Jemmerais de l’hôpital Saint-Michel-Archange. Mais entre 1959-1961 et 1967-1968, diverses catégories de patients internés subissent une ou l’autre des évaluations psychosociales réalisées périodiquement à l’hôpital. Celles-ci consistent non seulement en des tests de QI mais en toutes sortes d’autres tests destinés à évaluer le comportement, le plan moteur et physique, ou encore l’adaptation sociale. Le responsable du département de psychologie, Maurice Harvey, conçoit même une grille d’évaluation adaptée aux patients de l’hôpital et inspirée de l’échelle de maturité de Vineland, grille qui franchira les portes de Baie-Saint-Paul et sera utilisée par la suite un peu partout au Québec. Dans tous les cas, il s’agit de savoir qui peut être sorti sans grande réadaptation, qui peut être scolarisé à l’hôpital, qui peut manipuler des objets et comprendre des ordres simples, qui peut être orienté vers un atelier de travail protégé, et, au début des années 1970, qui peut être transféré au centre d’accueil de réadaptation ou doit plutôt être gardé dans les unités de soins physiques. Bref, les évaluations médico-psychosociales ont servi à mieux connaître chacun des patients. En ce temps de réforme accélérée, elles ont servi en outre à monter les services de réadaptation et les services de placement appropriés aux différents profils de résidents. Les résultats de toutes ces évaluations sont conservés dans les dossiers des patients. Outre les dossiers des internés, l’hôpital conserve les dossiers des patients qui ont fréquenté les cliniques externes de psychiatrie et pédopsychiatrie. En effet, comme la désinstitutionalisation y a commencé précocement, les intervenants se sont mis à suivre d’anciens hospitalisés désormais placés dans les foyers qui relevaient de l’hôpital; de même, la décision de cesser d’interner les enfants ayant été prise en 1965, ils se sont mis à suivre en externe toute une nouvelle clientèle d’enfants qui restaient dans leurs familles. Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM. 4 Ces dossiers ont été constitués de la façon suivante. À partir de 1964, des psychiatres de Québec viennent tous les samedis à Baie-Saint-Paul pour la clientèle adulte résidant dans Charlevoix; un peu plus tard une pédopsychiatre s’ajoute à l’équipe. Les patients doivent être référés à la clinique externe par un médecin généraliste. Une fois le diagnostic posé par le spécialiste, le suivi est assuré par des infirmières. Celles-ci se rendent à domicile, et notent dans le dossier des patients ce qui relève du contexte socioculturel dans lequel lui-même et sa famille vivent. Elles doivent assurer le suivi des ordonnances faites par le médecin, le psychologue et le travailleur social s’il y a lieu. Aux enfants scolarisés présentant des difficultés d’apprentissage, l’infirmière fait passer le test Denver et rencontre leurs enseignants pour les conseiller sur les façons d’agir avec eux 2. Le dossier contient les interventions d’ordre clinique ainsi que les rapports des psychologues et du nursing. Pour clore ce point, notons qu’en conformité avec les directives du gouvernement, tous les dossiers des patients ont récemment été numérisés; 1% ont été conservés en format papier. Heureusement, au moment où cette opération a été effectuée, l’adjointe à la direction générale de l’hôpital, madame Michelle Robitaille, a tenu à regarder les dossiers un par un (plusieurs milliers) et a demandé que soient conservés en papier, en plus du 1%, ceux qui contenaient des papiers plus personnels tels que de la correspondance. 2. Les autres sources 2.1. La documentation du ministère de la Santé, fondée sur les dossiers des patients Si l’on veut connaître de manière non pas individuelle mais plus globale les caractéristiques de la population de l’hôpital, d’autres sources existent qui sont fondées sur les dossiers des patients. Couplés aux formulaires de départ, les formulaires d’admission et surtout les diagnostics posés à l’entrée ont servi à dresser les statistiques que le ministère de la Santé publiait dans son rapport annuel. Ces statistiques permettent de constater non 2 Sœur Claire Morin, attachée à la clinique pédopsychiatrique, faisait passer le test Denver. Celui-ci était utilisé aussi dans les cliniques périnatales à Montréal dans les années 1970, ainsi que dans les écoles qui demandaient une évaluation en pré-admission des enfants à la maternelle. Grâce à ces évaluations et au suivi, l'infirmière pouvait conseiller les parents et l’enseignante sur les aspects du développement nécessitant une attention particulière afin corriger un retard psychomoteur. Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM. 5 seulement la croissance continue et rapide du nombre d’hospitalisés à Baie-Saint-Paul jusqu’aux années 1960, mais aussi l’alourdissement général des cas. 2.2. Les fonds d’archives des Petites Franciscaines de Marie Sans entrer dans les détails, disons que les documents appartenant à la congrégation concernent d’une part les patients, dont les sœurs possèdent des centaines de photos, d’autre part l’hôpital entre le début des années 1960 et sa cession à l’État en 1973 (procèsverbaux du conseil d’administration, contrats, rapports produits par le service de réadaptation), et enfin les religieuses. Leurs nécrologies, en particulier, font connaître plus personnellement celles qui ont consacré parfois leur vie entière aux hospitalisés. Quant aux Annales, elles font entrer dans la vie quotidienne de l’établissement, et ce jusqu’aux années 1960. 2.3. Les fonds d’archives de l’Hôpital Cependant, l’essentiel de la documentation appartient à l’hôpital. Sans entrer dans l’énumération des centaines de pièces qu’on y garde encore, disons qu’on peut classer cette documentation en trois catégories : a) ce qui se rapporte directement aux patients : photographies, études particulières sur les hospitalisés de certaines salles, synthèse des classifications des patients, bilans des expériences de placement dans divers types de foyers; b) ce qui se rapporte aux services : plans de programmation d’activités de réadaptation, rapports d’activités, plans de développement et plan d’équipement, rapports de réaménagement physique des unités; c) ce qui se rapporte à la recherche en réadaptation : par exemple, les rapports de visites effectués dans d’autres établissements pour déficients intellectuels au Canada, aux États-Unis ou en France, ainsi que les bilans des visites faites par certaines sommités internationales sollicitées pour créer ou améliorer tel ou tel service (ex. l’unité des thérapies du comportement ou le service de rééducation fonctionnelle et de rééducation psychomotrice). Franchement, la documentation est abondante, variée, parlante. Je voudrais souligner ici la collaboration tout à fait exceptionnelle que j’ai reçue de la part de sœur Gisèle Fortier et, grâce à elle, de la part de l’hôpital et de la congrégation. Je n’en donnerai qu’un seul exemple, et vous verrez qu’il est frappant : comme on Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM. 6 annonçait la démolition imminente de l’hôpital, ce qui aurait fermé l’accès aux archives pour un temps indéterminé, la direction de l’établissement a accepté de sortir les boîtes et les Petites Franciscaines de Marie ont accepté de les loger dans la bibliothèque de la maison mère. Elles ont même fourni le camion pour le déménagement. C’est donc chez elles que j’ai dépouillé l’ensemble des fonds. Enfin, toujours par sœur Fortier, j’ai pu rencontrer quelques anciens chefs des divers services, qui ont accepté de me donner des entrevues. C’est ainsi que j’ai pu reconstituer l’expérience pionnière de désinstitutionalisation en déficience intellectuelle qui s’est réalisée à Baie-Saint-Paul entre 1964et 19753. Lucia Ferretti, « De l’internement à l’intégration sociale. L’hôpital Sainte-Anne de Baie-Saint-Paul et l’émergence d’un nouveau paradigme en déficience intellectuelle, 1964-1975 ». Revue d’histoire de l’Amérique française. 65(2-3), 2012 : 329-359. 3 Pour diffusion web sur le site de l'IUSMM.