les Bordes - Neuville-les

Transcription

les Bordes - Neuville-les
UNE FETE DE 2000 ANS UNIQUE DANS LE
DEPARTEMENT DE L’AIN
L
e premier dimanche de Carême, celui
qui suit le Mardi Gras, qu’on appelle le
dimanche des Brandons ou plus
communément le dimanche des Bordes, a lieu
à Neuville Les Dames, une très vieille fête de
feu de joie.
ORIGINE DES BORDES
E
st-ce un hommage au Dieu Printemps
comme les feux de la Saint Jean,
allumés au solstice d’été, paraissent se
rattacher à des traditions mythologiques ?
Tirent-ils leurs origines de PALES, déesse des
troupeaux et des bergers, ou des CERES, fille
de Saturne et Cybèle, déesse de l’agriculture ?
Selon certains auteurs on allumait beaucoup
de feux de joie dans la campagne pour
rappeler les feux allumés pour cacher l’étoile
du berger au roi Hérode qui cherchait l’enfant
Jésus pour le massacrer.
Depuis plusieurs millénaires et sans doute dès
les temps protohistoriques, se célèbre à
Neuville Les Dames, comme dans la plupart
des provinces de l’est, un rite qui avec le
christianisme a perdu son sens primitif de
protection magique, de purification et de
fécondité : la fête des Bordes
POURQUOI NEUVILLE LES DAMES …
N
euville Les Dames doit son nom au
terrible incendie qui détruisit le vieux
village vers le milieu du 13ème siècle,
et au chapitre, qui après 10 siècles de vie
religieuse groupait des familles de nobles
(dont cinq princesses de Saxe), devenues
Seigneur du lieu, Dames chanoinesses avec le
titre de Comtesses, confirmé par lettres
patentes de Louis XV données de Versailles le
4 Novembre 1755.
Sources : Exposé de la classe de Mr Paul Fray
1991/1992 et exposé de P Laville et Y Batteur sur
les conscrits - 2011
En certaines régions, la fête des rois mages
était célébrée par ces feux de joie autour
desquels chantaient et dansaient les jeunes
gens au son de la vielle, de la musette et de la
clarinette.
Les anciens romains ayant à accomplir un acte
important, allumaient un feu sacré et
sautaient à travers les flammes pour se
purifier.
Animation et Loisirs à Neuville – 21/02/2015
MEME LE LOUP Y ETAIT …
D
ans certaines communes, un des
manifestants mimait le loup charmé
par la proposition du renard, qui lui
offrait d’ajouter à sa queue un panache
semblable au sien. « Le loup ayant accepté
avec empressement, Maitre renard attache
soigneusement une fort belle étoupe.
Ensemble ils viennent aux brandons.
L’assistance leur fait place et les convie tous
deux selon les lois de l’hospitalité, loin des
malentendus et des poulettes dévorées, à
sauter dans le brasier. Le loup n’en fait point
faute, heureux de montrer ses nouveaux
avantages. Hélas l’étoupe est de chanvre et
brûle la pauvre queue du loup. »
Les Allymes
CE QUE LES ANCIENS DISENT
S
elon nos ancêtres superstitieux, si l’on
tourne cinq fois autour du foyer, ce rite
assure aux poules d’excellentes et de
nombreuses couvées, ou bien la femme jeune
ou vieille qui a la chance de trouver quelqu’un
pour la faire tourner autour de la Rô, est sûre
d’élever beaucoup de poussins dans l’année.
Selon d’autres, les rhumatisants de Neuville
Les Dames, qui font neuf fois le tour de la Rô,
seront guéris de leurs lumbagos …
Le lendemain de la fête, on faisait sortir toutes
les bêtes à cornes et on les faisait passer sur
les cendres du feu du dimanche. On pensait
que cela exemptait les bêtes de la limace (mal
au pied) et rendait la fertilité aux arbres.
On a aussi écrit que la « Mélie Pouillat » a
vécu jusqu’à 80 ans, avait toutes ses dents, et
mangeait les croûtons comme à 18 ans, parce
que chaque année elle faisait chauffer des
gaufres à la fumée des brandons.
ATTENTION AU VENT
B
eaucoup regardent le vent car on a
remarqué depuis longtemps que si la
bise (vent du nord) entraine la fumée,
on est sûr d’avoir le beau temps pendant trois
mois et que ce sera une année d’abondance,
tandis que si c’et le vent du midi qui éteint la
Rô, l’année ne sera pas bonne, tout sera
desséché.
D’autres prétendent que si la bise se lève sur
la Rô, il n’y aura pas de foin dans les prés mais
que si le vent du midi souffle au moment de la
« Boudire » (brasier en patois), il y aura
beaucoup de foin… et de raves et que plus
drue tombe la pluie d’étoiles, meilleurs seront
les promesses de fécondité.
En, certaines périodes, les dernières brindilles
piétinées, on se battait pour barbouiller avec
un « fumon » encore tiède le visage du voisin.
Et les filles n’étaient pas les moins vives à
attaquer les garçons …
Autrefois, lorsque le feu commençait à
s’éteindre, les plus audacieux, s’essayaient à
franchir d’un bond les flammes, en poussant
des hurlements sonores. Pour se marier dans
l’année, les filles se laissaient empoigner et
tous les jeunes participaient au saut.
De méchantes langues vont jusqu’à dire que si
les filles avaient les joues rouges, c’était peutêtre moins pour s’être trop approchées du
brasier que de s’être trop laissées embrasser
par les garçons et brûler d’un autre feu …
PREPARATION DE LA FETE
A
ctuellement les conscrits, au cours des
jours qui précèdent la fête, vont
chercher des broussailles qu’ils
mènent ensuite au lieu du feu de joie pour y
construire une immense meule, remplaçant
les « panessés » (maïs en patois).
Dans la matinée du jour de la fête, tambour
battant et clarinette en tête, les conscrits vont
inviter tous les jeunes gens de la commune
qui se sont mariés dans l’année écoulée.
DEROULEMENT DE LA FETE
L
e soir, vers 20H, se forme un joyeux
cortège au centre du village. Les
conscrits ouvrent la marche avec leurs
ménestriers. La fanfare, suit entrainant les
couples de jeunes mariés derrière elle et
porteurs de lampions. Puis la foule emboite le
pas et la retraite aux flambeaux descend
jusqu’à l’emplacement de la Rô.
Arrivés, les ménestriers lancent de joyeux
rigaudons et les jeunes mariés vont allumer la
meule de broussailles, le jeune couple le plus
récemment uni en tête.
Lorsque la flamme monte haute et claire
entrainant les étincelles qui retombent en
pluie d’or, la fanfare se produit dans une
valse, tandis que autour les couples dansent.
Autour du brasier, bras dessus bras dessous, la
ronde tourne, les uns criant comme des fous
et les autres riant. Les jeunes mariés et les
conscrits restent les seuls à tourner autour du
brasier.
Alors que les dernières lueurs colorent les
bords de la rivière, le Renom, la retraite
ramène le cortège au village, où l’on
s’égaillera au café ou au bal populaire
clôturant cette soirée.
QUELQUES SIGNIFICATIONS DE CES FETES
L
es anciens de Versailleux racontent
qu’on faisait le tour de la propriété en
chantant en patois « Feu de joie, le blé,
tous les épis, une écuelle pleine ».
D’autres : « Feu de joie, la poêle a un trou, les
matefaims brulent ». Parfois les paroles
étaient plus gauloises : »Foilla balla, madama
la catalla on matefan din la min’na, na merda
din la tin’na ».
A Champagne en Valromey les enfants se
rendaient le dimanche des Brandons chez les
jeunes mariés pour y manger des bugnes.
A Vaux en Bugey, les enfants chantaient en
patois la traduction suivante : « Brûle, brûle
mon brandon, qu’il ne pousse ni nielle ni
chardon et puis le beau blé pour la moisson ».
Dans le pays de Gex les enfants allaient agiter
ces brandons mobiles sous les arbres fruitiers
pour détruire les nids des chenilles et leurs
œufs attachés aux branches. On ne passait pas
tous les arbres au feu destructeur, l’action
magique s’exerçait à distance. De retour au
village les enfants allaient visiter les derniers
mariés qui en échanges de vœux de prospérité
leur distribuaient vin blanc et Bricelets.
Dans la région de Ferney on chantait : « Faille
faillassons, Jean aura un panier de beaux
garçons », mais à ceux qui recevaient mal les
visiteurs : « Faille, faillassons, Jacques aura un
panier d’avortons ».
En d’autres endroits certains faisaient le tour
du jardin avec un cierge allumé car les
brandons font pousser de grosses raves. Le
premier qui allumait était celui qui aurait les
plus grosses raves.
Ailleurs, des femmes pieuses promenaient le
cierge pascal autour du jardin pour chasser les
mauvais esprits et assurer une bonne récolte.
DISPARITION DE LA FETE DES BORDES
L
e Mont Myon dominant Pressiat donnait
autrefois à la Bresse le signal de
l’embrasement général des feux qui se
célébraient en maints endroits et notamment
à St Etienne sur Chalaronne, Replonges, Bagé,
Innimont, Seyssel qui illuminait les quais du
Rhone, avec la Frollia de Sermoyer, les Bralo
de Vaux en Bugey, les Fawl de Ruffieu alignés
tous les dix mètres sur la route d’Hauteville, à
Pérouges, à Versailleux, Coligny, Pressiat, Pont
de Veyle, Champagne en Valromey.
Le dictionnaire de Trévoux dit que le nom des
Brandons vient de ce que par un reste
d’idolâtrie, quelques paysans vont la nuit des
brandons, avec des torches de paille ou de
bois de sapin allumés, vers les arbres de leur
jardin ou verger en les apostrophant les uns
après les autres, les menaçant de les couper et
de les bruler s’ils ne portent pas de fruits.
La Follia consistait en une branche de bois vert
à l’extrémité de laquelle on attachait suivant
les régions, un fagot de paille, de chènevotte,
de genêts, de débris d’osier, etc …
LES CONSCRITS
L
es conscrits étaient au départ ceux qui
étaient inscrits dans chaque commune
sur le tableau de l’armée car ils avaient
l’âge pour le service militaire. A partir de 1798
comme il y avait trop de monde sur ces listes,
il existe un tirage au sort par numéro pour
savoir qui partira à l’armée .Tous les garçons
n’étaient pas égaux devant le tirage au sort :
Dès 1802, les fils de familles fortunées avaient
la possibilité de payer d’autres personnes
pour les remplacer. En revanche, les familles
normales ou pauvres étaient obligées de partir
si le sort les désignait. Un jour, deux jeunes se
sont présentés au tirage au sort très bien
habillés avec un chapeau haute-forme et un
complet noir et la tradition s’est installée :
c’est l‘origine du costume des conscrits.
Dans les villages, la veille du tirage au sort et
même quelques jours avant, on se réunissait
pour fêter son statut de conscrits de l’année
et la naissance de sa classe. La joyeuse troupe,
après un détour par le cimetière, partait pour
le « Roulage », la tournée du village en
chantant et en dansant, avec un arrêt dans les
cafés et chez tous les amis, la famille et bien
sûr les conscrites qui voulaient bien les
accueillir. Le défoulement de ces jeunes dont
certains allaient partir se battre pour de
nombreuses années sans grand espoir de
revenir était compris et accepté par la
population.
Progressivement, les fêtes des conscrits
deviennent de plus en plus importantes dans
les villages. La fin du tirage au sort en 1905
entraine l’arrêt de la fête dans de nombreuses
régions mais à Villefranche, le dynamisme
contribue fortement au maintien de la fête qui
est un élément central de la vie des villages.