Philippe Gustin, ambassadeur sans frontière

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Philippe Gustin, ambassadeur sans frontière
LA VOIX DE FRANCE
doute été le plus brutal. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale, France et Allemagne
étaient en désaccord flagrant sur l’avenir de l’Union européenne. » Depuis
peu, un salaire minimum a été mis en
place en Allemagne, à 8,50 euros bruts
de l’heure, mais certaines conventions
collectives vont au-delà. « C’est un
marché en forte expansion sur lequel
les entreprises hexagonales sont reconnues, confirme Sylvain Cogné, 29
ans, en VIE (volontariat international
en entreprise) dans une société de logiciels depuis un an à Cologne, mais il
faut beaucoup travailler pour gagner
la reconnaissance de nos produits. »
En Allemagne, la confiance se gagne.
Ce qui compte, c’est le savoir-faire et
l’expertise. La différence est due à la
place importante de l’apprentissage
dans le système éducatif, qui ignore les
grandes écoles à la française.
DES FACILITÉS POUR CRÉER
SON ENTREPRISE
L’Allemagne est le premier marché d’Europe et le principal partenaire commercial
de la France, qui compte 2 500 filiales et
270 000 employés environ outre-Rhin. Ce
nombre a augmenté de moitié durant les
cinq dernières années, en particulier dans
l’immobilier et les services. Devenir entrepreneur outre-Rhin est relativement facile
et peu coûteux. Le marché allemand bénéficie d’une proximité géographique et
d’un tissu dense et prospère de milliers
de PME et de PMI (qui emploient plus de
20 millions de salariés), notamment dans
la construction mécanique, les nanotechnologies et les biotechs. « Les entreprises
françaises peuvent racheter des entreprises
équivalentes allemandes qui connaissent
un renouvellement important de leurs dirigeants », assure Philippe Gustin. Des aides
à l’investissement sont d’ailleurs proposées,
sous forme de subventions, de prêts et
Philippe Gustin,
ambassadeur sans frontière
PORTRAIT.
Il est aujourd’hui préfet de l’Eure, mais une partie de son cœur
et de sa famille est restée en Allemagne, où il a commencé sa
carrière. A 56 ans, Philippe Gustin est aussi, depuis l’an dernier,
coordinateur de l’UFE en Europe centrale.
PHILIPPE GUSTIN A PASSÉ LES HUIT
PREMIÈRES ANNÉES DE SA CARRIÈRE À BAD-BERGZABERN, DANS LE
PALATINAT. Nous sommes en 1980. Il a
20 ans et découvre l’Allemagne grâce
à un échange d’enseignants organisé
par l’Office franco-allemand pour la
jeunesse. « L’OFAJ a été le déclencheur
de ma vie de nomade, reconnaît-il
aujourd’hui. Il est essentiel, dans des
pays qui ont connu des conflits, d’investir
dans la jeunesse et les échanges. » Deux
ans plus tard, il rejoint la direction de
l’enseignement français en Allemagne.
En 1988, le Français quitte l’Allemagne
pour la Hongrie puis l’Autriche où il
est attaché culturel à Vienne avant de
passer le concours de l’ENA. Conseiller de
Christine Lagarde en 2007, puis directeur
de cabinet de Luc Chatel au secrétariat
d’État à l’Industrie puis au ministère de
l’Éducation, Philippe Gustin est nommé
ambassadeur de France en Roumanie
en 2012. Depuis avril 2015, il est préfet,
directeur de cabinet du président du
30
conseil départemental de l’Eure. « Il y a
quinze ans, se souvient-il, l’Allemagne
était l’homme malade de l’Europe. Puis
Gerhard Schröder a mis en place des
réformes courageuses qui ont permis
au pays de renouer avec la croissance. »
L’Allemagne est aujourd’hui la quatrième
puissance économique au monde et la
première en Europe.
DÉMOGRAPHIE EN BERNE
Et si la France, elle, peine à se réformer,
le talon d’Achille de l’Allemagne, c’est
sa démographie. Depuis 2000, il naît
plus d’enfants en France qu’outre-Rhin
(100 000 de plus en 2015) . « Il n’est
donc pas étonnant que la chancelière
Merkel ait annoncé en septembre
dernier que l’Allemagne était prête à accueillir de 800 000 migrants pour faire
fonctionner correctement son économie. Le problème, c’est qu’aujourd’hui
ce chiffre a été largement dépassé, mais
aussi que les migrants ne sont pas tous
aussi bien formés qu’espéré », ajoute-t-
d’aides à la constitution des fonds propres
ou de garanties. Les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est sont tout particulièrement
soutenus. Quant aux secteurs porteurs, ils
vont de la téléphonie mobile à l’énergie
éolienne et photovoltaïque (la sortie du
nucléaire en Allemagne est programmée
à l’horizon 2022) en passant par la plasturgie (deuxième producteur mondial de
matières plastiques). Enfin, les Allemands
apprécient la qualité et le « typiquement
Français », en particulier dans les produits
alimentaires et les cosmétiques.
* Retrouvez toutes les coordonnées des
représentations de l’UFE en Allemagne sur
notre site : http://www.ufe.org/annuaire-ufe
© DR
CŒUR DE PAYS
Philippe Gustin, un fin connaisseur
de la société allemande.
il. Les événements de la Saint-Sylvestre
2015 à Cologne, où des étrangers ont
été accusés de violences et de viols sur
des femmes allemandes ont montré
que l’intégration pourrait s’avérer plus
difficile que prévu. Quant à sa mission
de coordinateur pour l’Europe, Philippe
Gustin a été chargé par le président
de l’UFE, Gérard Pélisson, d’établir un
diagnostic dans chaque section de la
zone. « Le modèle est en bout de course,
analyse-t-il, en partie pour des raisons
générationnelles. La vision des jeunes du
tissu et de l’engagement associatif est
aujourd’hui bien différente de ce qu’elle
était il y a quelques années. Ils veulent
bien s’investir s’il y a un retour en termes
de services. » Vu son expertise dans
les domaines diplomatique, culturel,
linguistique et social dans les pays de la
zone, le Français a donc repris la route
et son bâton de pèlerin à la rencontre
de ses compatriotes de l’étranger.
* Philippe Gustin est l’auteur, avec Stephan
Martens, de l’essai « #FranceAllemagne :
relancer le moteur de l’Europe ». Préface
de Bruno Le Maire. Lemieux éditeur.
Lui écrire : [email protected]
Son blog : www.philippegustin.eu