Le cidre de Marie Odile Cousin
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Le cidre de Marie Odile Cousin
Le cidre Marie-Odile COUSIN de Saint-Quentin Les tonneaux étaient sortis. Mon grand-père les avait remontés de la vieille cave en les roulant sur une planche posée dans l’escalier. Les préparatifs débutaient tous les ans à la même époque, barriques, cuves, bouteilles, pressoir, broyeur, tout était lavé, démonté, vérifié. Enfants, nous savions que nous allions bientôt être mis à contribution pour ramasser les pommes du « clos ». Ce « clos », comme nous l’appelions, était un pré où étaient plantés des pommiers à cidre. Cet héritage de famille était souvent le but de nos promenades enfantines les jeudis après-midi avec mes grands-parents. Le jour de la cueillette, une véritable expédition se préparait. Mon aïeul revêtait une blouse grise qu’il gardait pour l’occasion. Je le revois encore avec son béret noir qu’il portait toujours quelque soit le temps. Il préparait les sacs de toile de jute où les pommes seraient stockées pour être transportées. Ma grand-mère avait sorti les paniers en bois et en osier pour que chacun ait un récipient pour ramasser les pommes. Ma mère préparait le goûter : des tartines de chocolat « grattées » dont je me rappelle encore le goût. Mon père, en « bleu » et vieux chapeau, chargeait les gaules et les échelles sur la voiture. Et nous, les quatre enfants, nous suivions ces préparatifs avec un grand intérêt. Nous partions en deux équipages, le « clos » n’étant pas situé trop loin. Papa et maman montaient dans la voiture. Mes grands-parents nous emmenaient à pied avec une petite charrette à bras à la peinture grise écaillée, qui était l’objet de nos disputes car nous voulions grimper dedans tous les quatre en même temps. Arrivés au «clos », il fallait se battre avec le cadenas et les herbes folles pour ouvrir la porte, puis avec les bêtes parquées qui nous faisaient peur de par notre petite taille. Mon père et mon grand-père les éloignaient en criant. La cueillette pouvait commencer. Mon père installait sa double échelle au pied d’un arbre et avec sa gaule, il tapait sur les branches pour faire tomber toutes les pommes. Nous les ramassions ensuite au sol pour les mettre dans notre panier et allions les vider dans les sacs de jute. Les sacs étaient fermés par de la ficelle que mon grand-père avait toujours dans sa blouse grise. Ils étaient placés dans la charrette et emportés vers le coffre de la voiture qui était resté au bord du chemin. Quand nous avions terminé de tout ramasser, nous repartions vers la maison, fourbus. Les sacs étaient déchargés dans la cour et un grand tas de pommes prenait place devant le mur. Les jours suivants, la fabrication du cidre débutait. Dans le bâtiment attenant à l’arrière-cuisine de mes grands-parents, tout était en place. Le broyeur et le pressoir étaient prêts. Deux tonneaux attendaient le liquide ambré. Nous n’avions pas le droit d’assister au broyage des pommes, je suppose maintenant que les adultes ne voulaient pas avoir d’enfants dans leurs jambes pendant la partie délicate de la réalisation. Mais, quand nous allions dire « bonsoir » à mes grands-parents le soir, l’odeur de la pomme écrasée emplissait le bâtiment. Notre plaisir était de pousser et de tirer sur la barre du pressoir pour faire couler du jus dans le baquet pour le boire. Il y avait toujours un verre qui traînait à coté. Ceci nous valait de courir souvent aux toilettes, car le transit était fortement accéléré par ce breuvage. Ensuite, mon grand-père mettait le jus dans les tonneaux et nous surveillions le serpentin de mousse qui sortait du trou au-dessus. Il y avait un morceau de bois qui servait à racler la mousse et nous nous battions pour avoir ce privilège quand nous passions dans le bâtiment. Je ne sais plus combien de temps cela durait dans les tonneaux. Les bouteilles étaient remplies en tournant le robinet de bois sur le devant du tonneau et bouchées avec un bouchon de liège. Toutes les bouteilles de cidre étaient stockées dans la vieille cave. Elles accompagnaient fièrement les repas familiaux dans les années 70 à RIBEMONT.