La faute grave de l`agent commercial pendant le

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La faute grave de l`agent commercial pendant le
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La faute grave de l’agent commercial pendant le
préavis de rupture
le 8 novembre 2010
AFFAIRES | Concurrence - Distribution
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Droit économique
L’article 18, a), de la directive du 18 décembre 1986 s’oppose à ce qu’un agent commercial soit
privé de son indemnité de clientèle lorsque le commettant établit l’existence d’un manquement de
l’agent commercial, ayant eu lieu après la notification de la résiliation du contrat moyennant
préavis et avant l’échéance de celui-ci, qui était de nature à justifier une résiliation sans délai du
contrat en cause.
CJUE 28 oct. 2010, aff. n° C-203/09
Voici une décision qui pourrait bien marquer un coup d’arrêt à la pratique jurisprudentielle française
en matière d’indemnité de rupture du contrat d’agence commerciale. En vertu de l’article 18, a), de
la directive du 18 décembre 1986, l’indemnité n’est pas due lorsque le commettant a mis fin au
contrat pour un manquement imputable à l’agent commercial et qui justifierait, en vertu de la
législation nationale, une cessation du contrat sans délai. C’est la « faute grave » du droit français
de l’article L. 134-13 du code de commerce ; c’est le « motif sérieux de résiliation lié à un
comportement fautif » du code de commerce allemand, disposition qui était en cause dans le
présent arrêt.
La pratique jurisprudentielle allemande faisait que dans l’hypothèse où l’agent commercial se
rendait coupable, avant la fin prévue du contrat, d’un manquement qui aurait justifié une résiliation
sans préavis, le commettant, qui avait pris la décision de mettre fin au contrat au terme d’un
préavis, pouvait décider soit d’une nouvelle résiliation sans préavis au cas où il aurait pris
connaissance de ce manquement avant le terme du préavis, soit de se prévaloir de ce manquement
pour refuser toute indemnité au cas où le commettant n’en aurait pris connaissance qu’après la fin
prévue du contrat. D’où la question préjudicielle posée : l’article 18, a), de la directive s’oppose-t-il
à une application par analogie de la réglementation nationale sur l’exclusion du droit à indemnité
dans l’hypothèse où un motif sérieux de résiliation sans préavis pour comportement fautif de
l’agent commercial n’est apparu qu’après le prononcé de la résiliation ordinaire et que le
commettant n’en a eu connaissance qu’après la cessation du contrat, de sorte qu’il ne pouvait plus
prononcer une autre résiliation sans préavis fondée sur un comportement fautif de l’agent
commercial ?
Pour refuser l’indemnité de rupture, il était avancé que rien dans la directive ne permettrait de
déduire que l’exclusion d’une indemnité devrait dépendre du critère purement fortuit de savoir si le
comportement fautif justifiant une décision de mettre fin au contrat sans préavis a été ou non
découvert avant la fin du contrat. La Commission estimait, pour sa part, que le législateur de
l’Union s’étant abstenu de prévoir dans la directive des dispositions pour cette variante, les États
membres seraient libres, dans le respect des limites prescrites par le traité, d’exclure ou non un
droit à indemnité.
Pour accorder l’indemnité de rupture, il était soutenu qu’une interprétation textuelle de l’article 18,
a), qui constitue une exception à l’obligation de paiement d’une indemnité, devait être retenue,
interprétation qui exigerait que le comportement fautif de l’agent soit une cause directe de la
décision de mettre fin au contrat. C’est cette position que retient la Cour de justice. Elle souligne
que l’indemnité qui est visée à la directive n’est pas due lorsque le commettant a mis fin au contrat
« pour » un manquement imputable à l’agent commercial ; l’utilisation de la préposition « pour »
est de nature à soutenir la thèse selon laquelle le législateur de l’Union entendait exiger l’existence
d’une causalité directe entre le manquement imputable à l’agent commercial et la décision du
commettant de mettre fin au contrat afin de pouvoir priver l’agent commercial de l’indemnité. Dès
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lors, en tant qu’exception au droit à indemnité de l’agent, l’article 18, sous a), est d’interprétation
stricte et ne saurait en conséquence être interprétée dans un sens qui reviendrait à ajouter une
cause de déchéance de l’indemnité non expressément prévue par cette disposition.
Cette interprétation aurait pu (aurait dû ?) également prévaloir pour l’application de notre droit
interne, la lettre de l’article L. 134-13 du code de commerce semblant établir un lien de cause a
effet entre la faute grave et la rupture (en faveur de cette analyse, Perruchot-Triboulet, JCP E 2007,
n° 2395 ; D. 2007. AJ 1592, obs. Chevrier ). Ce n’est pourtant pas ce qu’ont retenu les magistrats
qui admettent que le mandant puisse se prévaloir, postérieurement à la rupture du contrat, d’une
faute pour échapper au paiement de l’indemnité à l’agent commercial (Com. 11 juin 2002, RJDA
2002, n° 1132 ; LPA 3 juill. 2003, obs. Etner ; Paris 19 juin 2003, D. 2003. AJ 2437 ; Com. 15 mai
2007, Bull. civ. IV, n° 128 ; D. 2007. AJ 1592, obs. Chevrier ; RTD com. 2008. 172, obs. Bouloc ;
JCP E 2007, n° 2395, note Perruchot-Triboulet ; CCC 2007, n° 202, obs. Malaurie-Vignal ; RJDA 2008,
n° 30 ; 1er juin 2010, BRDA 2010, n° 14, p. 9 ; RJDA 2010, n° 1067), les juges devant prendre en
compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu’au jour de la décision (Com. 14 nov.
2006, CCC 2007, n° 8, obs. Malaurie-Vignal ; RJDA 2007, n° 341 ; Lettre distrib. déc. 2006, p. 1, obs.
Grignon). Cette jurisprudence est, à notre sens, directement mise en cause par l’arrêt du 28
octobre 2010.
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par E. Chevrier
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