Comment réduire les inégalités Nord

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Comment réduire les inégalités Nord
Le dossier du mois
décembre 2010
Comment réduire les inégalités Nord-Sud ?
Retrouvez les avis des experts et des acteurs qui font le débat.
Après 60 ans d’aide au développement, le monde est
plus inégal que jamais.
Pour certains, cette aide reflète l’arrogance occidentale ;
pour d’autres, elle nécessite une mise en cohérence avec
les autres politiques publiques. Pour d’autres encore, il s’agit
de s’attaquer aux conditions des modes de production et de
redistribution des richesses souvent créateurs d’inégalités.
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Sommaire
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Introduction....................................................................... 3-5
Enjeux............................................................................... 6-8
Points de vue.................................................................... 9-37
Manières de voir
Aide publique au développement, la valse des théories économiques.... 10-13
Le développement. Histoire d’une croyance occidentale
Note de lecture par Ariane Ioannides et Richard Robert ......................... 14-16
La nation building et ses ambiguïtés
Entretien avec Zaki Laïdi ......................................................................... 17-19
La décroissance signera-t-elle la fin du développement ?
Entretien avec Dominique Bourg ............................................................. 20-22
Manières de faire
De la lutte contre la pauvreté au combat contre les inégalités
Entretien avec Marc Lévy ........................................................................ 24-26
Coopérer, une responsabilité mutuelle
Entretien avec Philippe Jahshan ............................................................. 27-29
Donner la parole aux experts du Sud
Par Nicolas Laurent ................................................................................ 30-31
Éducation et développement : quelle place pour la laïcité ?
Entretien avec Roland Biache ................................................................. 32-34
L’enseignement supérieur est-il encore le parent pauvre du développement ?
Entretien avec Capucine Edou ................................................................ 35-37
Repères............................................................................ 38-40
Quizz................................................................................ 41-43
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Introduction
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Enjeux
Points de vue
Repères
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Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, alors que de nombreux
pays entrent dans un processus de décolonisation, le monde prend
conscience qu’une partie du globe est ravagée par la pauvreté.
Dans son discours de 1949, le président américain Truman divise la planète en pays
« développés » et « sous-développés » et non plus selon le rapport colonisateurs/
colonisés.
Pour améliorer les conditions de vie et développer économiquement les pays du
Sud, des mécanismes d’aide publique sont mis en place par les pays riches. Visant
à propager le modèle économique occidental, l’aide publique au développement se
concrétise par un financement aux Etats du Sud, sous forme de prêts ou de dons.
Des années 50 à la fin des années 70, ces derniers engagent de vastes travaux et
investissent dans le développement de l’industrie et des infrastructures.
Mais l’aide occidentale contribue au surendettement des Etats du Sud, toujours plus
dépendants de ceux du Nord économiquement mais aussi politiquement et culturellement. Accusée d’entretenir la corruption et l’inefficacité, l’aide au développement
est progressivement remise en cause par les pays donateurs et la Banque mondiale,
qui font porter au Sud une large responsabilité dans son échec.
Les bailleurs imposent dès lors à partir des années 80 la mise en place de plans
d’ajustement structurel dont l’objectif est de normaliser les pays du Sud et de les
faire entrer dans le commerce mondial. Abaissement des droits de douanes, ouverture des marchés… Banque mondiale et FMI conditionnent désormais leur aide à la
capacité des Etats du Sud à se réformer et à privatiser leurs services.
Le passage au libéralisme a aussi pour enjeu de contourner les administrations locales. Les conséquences sont parfois dramatiques. Sous l’effet des politiques d’ajustement structurel, l’Etat, qui était le premier employeur dans beaucoup de pays du
Sud, se désengage et le chômage explose. Les investisseurs, eux, se font frileux,
alors même que l’ouverture des marchés désavantage les producteurs du Sud, incapables de concurrencer les produits du Nord. Des secteurs entiers sont ruinés.
Cette période, où le marché et le secteur privé font le développement, ouvre paradoxalement un large espace à des acteurs non gouvernementaux comme les ONG
et les collectivités locales. Ces dernières commencent à bénéficier elles-mêmes de
subventions publiques, et reprennent en charge les secteurs sociaux, laissés pour
compte de la mondialisation.
Le sommet de la Terre, à Rio en 1992, voit la remise en question d’un modèle de
développement basé uniquement sur la croissance économique. Les critiques du
mode de vie industriel et de la société de consommation, les dégâts écologiques
réveillent les consciences : si on développe le Sud comme le Nord, la planète ne le
supporterait pas.
On parle désormais de développement durable, en prenant en compte trois critères :
l’économique, le social et l’environnemental. L’IDH, indice de développement humain, remplace le PIB, pour mesurer le niveau de développement des pays. Avec
les Objectifs du millénaire pour le développement en 2000, de nouveaux critères
sont intégrés comme l’égalité entre hommes et femmes, l’accès à l’éducation ou à
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la santé. Les Etats, réunis à l’ONU, renouvellent alors leurs engagements à
réduire la pauvreté dans le monde à l’horizon 2015.
Y parviendra-t-on enfin ? Après 60 ans d’aide au développement, le monde
est plus inégal que jamais et porteur de nombreux périls majeurs pour l’humanité. 1,5 milliards d’individus vivent dans une pauvreté extrême. 72 millions d’enfant ne vont toujours pas l’école. 33 millions de personnes vivent
avec le Sida. Le volume de l’aide reste dérisoire par rapport aux besoins du
Sud. Les pays de l’OCDE ne consacrent en moyenne que 0,45% de leur PIB
à l’aide publique au développement.
Le développement qu’il soit économique ou social ne permet pas à lui seul
d’éradiquer la pauvreté. Pour certains, l’aide au développement reflète l’arrogance occidentale et ne prend pas en compte les véritables besoins du
Sud ; pour d’autres, elle nécessite une mise en cohérence avec les autres
politiques publiques et une meilleure régulation du commerce international
qui souvent réduisent à néant les efforts de développement ; pour d’autres
encore, il s’agit de s’attaquer aux conditions mêmes des modes de production et de redistribution des richesses souvent créateurs d’inégalités. Comment faire remplir à l’aide au développement sa vocation première de lutte
contre la pauvreté ? Peut-on faire rimer croissance marchande et réduction
des inégalités ?
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De l’aide à la solidarité
L’aide au développement a été critiquée de bien des façons. On a dénoncé les visées stratégiques qu’elle dissimulait, l’arrogance drapée dans
la générosité, l’économisme aveugle dont elle était le porte-drapeau. On
a pointé à maintes reprises ses dérives : la dépendance, la corruption,
les choix désastreux auxquels elle menait.
Toutes ces critiques méritent d’être entendues. Pour autant, on
ne saurait se résoudre à l’indifférence. Non pas au nom d’un
devoir moral teinté de culpabilité, pas non plus pour l’amour
de l’humanité, mais tout simplement parce qu’il s’agit de notre
monde. D’un monde de plus en plus marqué par l’interdépendance, où les problèmes des uns sont aussi ceux des autres.
C’est évident dans le cas du réchauffement climatique : les
solutions seront mondiales ou ne seront pas. Mais il faut dès
à présent se préoccuper des conséquences de politiques
d’échanges de quotas qui pourraient confiner les pays les plus
pauvres dans des rentes de situation grâce à la vente de leurs
crédits carbone.
Mais nous avons bien autre chose en commun que l’air que
nous respirons. Dans une économie mondialisée, les tensions
qui déchirent les sociétés des pays en développement n’épargnent pas les nôtres. La pauvreté est plus répandue aujourd’hui
dans les pays à revenus intermédiaires. L’explosion des inégalités est un phénomène global, et un défi commun.
C’est la vraie leçon portée par les acteurs de la solidarité internationale, qui raisonnent aujourd’hui en termes d’échange mutuel, d’apprentissage réciproque, de coresponsabilité. Il existe
des questions communes, et des intérêts communs. Non pas
seulement parce que les pays du Nord craignent à tort ou à
raison les flux migratoires liés aux problèmes économiques
du Sud. Mais bien plus profondément parce que le modèle
de développement du Nord trouve au Sud son point critique.
Autrefois, c’était surtout la pauvreté, les enfants exploités pour
fabriquer nos chaussures de sport et les jolis meubles à bon
marché proposés dans nos centres commerciaux. Aujourd’hui,
c’est aussi la réussite des pays émergents et l’accès d’une part
croissante de leur population au consumérisme insouciant des
Occidentaux.
L’idée de développement mérite ainsi d’être remise en question, et avec elle une vision de la croissance centrée sur la production et la consommation de biens matériels. Le bien-être
des populations et des individus n’a pas grand-chose à voir
avec cette croissance. Plus qu’à la richesse ou à la pauvreté, le
bien-être est associé à la cohérence sociale, au sentiment de
justice, à la confiance en l’avenir.
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Le Nord industriel a longtemps cru tenir la formule, avec l’État-providence,
l’émergence des classes moyennes et la consommation de masse. Mais
pour de multiples raisons, parmi lesquelles la migration de larges pans de la
production vers des pays jadis « sous-développés », son modèle est entré
en crise. La question se pose donc aujourd’hui de tracer la voie d’un autre
avenir. Cela ne se fera pas en un jour. Une chose est sûre cependant : nous
ne sommes pas forcément les mieux armés, au Nord, pour l’imaginer. Faire
dialoguer les sociétés est alors essentiel. Nous sommes parties prenantes de
notre avenir commun.
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Points
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Manières de voir
Que l’on parle d’aide au développement ou de solidarité
internationale, les actions entreprises sont tributaires d’une vision
du monde mais aussi de stratégies. Un décryptage s’impose, mené
ici depuis plusieurs disciplines et dans une optique plus ou moins
critique.
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Aide publique
au développement, la valse
des théories économiques
L’aide publique au développement, c’est aujourd’hui environ 100 milliards de dollars annuels pour les seuls pays de l’OCDE. Une somme qui
ne représente en moyenne qu’une contribution de moins de 0,5 points
de PIB. Quel est son rôle, quelles sont les stratégies qui la justifient ?
La réponse à cette question a profondément évolué en soixante ans, à
la fois du fait des progrès de la recherche économique et des leçons de
l’expérience.
Les modèles keynésiens
La vision économique qui préside aux premières stratégies
d’aide publique est inspirée du modèle de croissance des
Trente Glorieuses, dont les fondements sont à rechercher dans
la théorie keynésienne et plus précisément dans l’un de ses développements, le modèle « Harrod-Domar ». Il tire son nom de
deux économistes qui ont poursuivi (séparément) des travaux
insistant sur l’importance des investissements. Ils raisonnent
ainsi : dans la mesure où la productivité du capital dépend essentiellement de paramètres technologiques, la principale variable pour jouer sur le taux de croissance est l’investissement,
et donc l’augmentation de l’épargne. Or, dans les pays en développement, l’épargne privée est insuffisante : une politique
d’excédents budgétaires est donc nécessaire, et l’aide au développement vient compléter cette approche pour augmenter
le taux d’investissement. Cette représentation économique de
la croissance relève d’une approche quantitative et financière :
pour atteindre un objectif de croissance donné, il suffirait en
somme d’une cible d’investissement adéquate et l’aide a pour
fonction de combler l’écart entre l’épargne disponible et cette
cible d’investissement.
La remise en cause
Ces représentations dominent pendant une vingtaine d’années
avant d’être remises en cause dans les années 1980.
Le premier argument, développé notamment par l’économiste
en chef de la Banque mondiale dans les années 1980, Anne
Krueger, est la corruption associée aux versements publics du
Nord, qui contribuent à créer des effets de rente plus qu’à développer réellement les pays.
La nature des investissements est également fortement remise
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en cause du fait de l’absence complète de pertinence de certains projets, inadaptés aux capacités et aux besoins locaux. Parmi les échecs les plus spectaculaires des stratégies développementalistes (menées en concurrence par
les pays capitalistes et par les soviétiques), on notera celui des « industries
industrialisantes » en Algérie, de l’ « import-substitution » en Tunisie. Dans
ces pays, des usines clés en main et du matériel ont été livrés, par toujours à
bon escient. L’URSS offrit ainsi des chasse-neige à la Guinée ; on construisit
en Algérie une usine de textile dans une zone où il n’y avait pas d’eau pour
faire fonctionner les machines. Pour résumer, les projets menés sous l’égide
des États étaient parfois aveugles, ou a, en tout cas, moins finement orientés
que ceux qu’auraient développé de purs acteurs économiques. La même
époque voit d’ailleurs la remise en cause dans la théorie économique et dans
les pratiques occidentales de la notion de politique industrielle.
Mais c’est aussi en termes d’équilibres financiers que les stratégies développementalistes sont remises en cause. Elles ont contribué à la crise de la
dette dans les années 1980 : les politiques de développement menées par
les États, centrées sur les infrastructures et l’industrie ont endetté les pays
et accentué leur dépendance à l’aide publique. On découvre aussi que l’aide
étrangère ne se traduit pas par un accroissement identique de l’investissement : elle peut provoquer une baisse de l’épargne privée et de la productivité du capital. La crise économique s’accompagne ainsi de perturbations
dans les finances publiques et la politique monétaire, soit qu’elle serve de
variable d’ajustement (hyperinflation en Amérique du sud), soit qu’on la sanctuarise (arrimage du franc CFA au franc) et qu’on empêche ainsi les pays de
dévaluer pour retrouver de la compétitivité. La crise de la dette extérieure
contribue à écarter les pays en développement des marchés financiers, les
prive d’investissements extérieurs, et contribuent ainsi à la fuite des capitaux.
Enfin, les représentations de la croissance économique se sont affinées depuis le modèle Harrod-Domar. Comme le montre l’économiste américanoindien Jagdish Bhagwati, le développement dépend plus de l’accroissement
de la productivité du capital que de celui du taux d’investissement. Et sur ce
plan, les pays en développement ont pris du retard.
La crise de la dette, le consensus de Washington
Dans ces conditions, un nouvel ensemble de représentations s’imposent à la
fin des années 1980, focalisées sur la crise de la dette et insistant davantage
sur les équilibres financiers que sur le développement proprement dit.
C’est le fameux « consensus de Washington », développé sous l’impulsion
notamment de l’économiste américain John Williamson, mais aussi et plus
profondément de la volonté conjointe du FMI et de la Banque mondiale, tous
deux situés à Washington et chargés de régler les crises. Les plans d’ajustement structurels insistent sur la « bonne gouvernance ».
Ils sont ainsi composés de fonds d’urgence accompagnés de réformes résumées par ces conditions : meilleure discipline budgétaire ; réorientation
des dépenses publiques vers des secteurs offrant un réel retour sur investissements ; réforme fiscale (élargissement des assiettes, diminution des taux
marginaux) ; libéralisation des taux d’intérêt ; adoption de taux de change
compétitif ; ouverture des frontières commerciales et libéralisation investisse-
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ments directs étrangers ; privatisation des monopoles publics (à la fois pour
désendetter les États et permettre une meilleure gouvernance d’entreprise) ;
protection de la propriété privée afin de permettre le retour des investisseurs.
L’enjeu est de desserrer l’emprise des États (corrompus et mauvais stratèges) sur l’économie, de permettre un meilleur fonctionnement des marchés
(internes et externes), et de permettre une meilleure insertion dans le commerce mondial. L’ouverture des marchés est censée permettre la croissance
et une meilleure spécialisation économique des économies en développement ; c’est le débat « aid or trade » (aide ou commerce), dans lequel un
certain nombre d’économistes insistent sur les bénéfices d’une ouverture
commerciale dans les deux sens, et notamment de la part des pays du Nord.
L’initiative européenne « Tout sauf les armes » (2001) a ainsi supprimé tous
les droits et contingents douaniers appliqués aux produits originaires des
pays les moins avancés, à l’exception des armes.
Vivement critiqués, soit pour l’idéologie libérale qui les sous-tend, soit pour
leur brutalité, les plans d’ajustements structurels ont eu des résultats très
contrastés mais surtout dramatiques. Menés de l’extérieur (Brésil) ou infléchissant les stratégies internes (Chine), ils ont contribué à l’essor des pays
dits aujourd’hui émergents; mais en revanche, ils ont mis en difficulté, ruinant
des secteurs entiers, les pays les moins avancés, une cinquantaine de nations (Afrique noire, Bangladesh), dont l’intégration au commerce mondiale
a eu pour conséquence une destruction du tissu économique et de graves
atteintes au tissu social. En outre, on a relevé les ambiguïtés, voire l’hypocrisie des politiques d’ouverture commerciale menées par les pays du Nord,
qui continuent à subventionner certains secteurs (agriculture) et pratiquent
une politique discrète de fermeture commerciale via l’introduction de normes
contraignantes.
Au total et toute discussion idéologique mise à part, le plus grand tort du
consensus de Washington est sans doute d’avoir reproduit le défaut intellectuel du développementalisme qu’il était censé remplacer : des solutions
toutes faites, inadaptées et potentiellement destructrices.
Enrichir les représentations économiques
C’est dans ces conditions que se sont développés différents travaux qui vont
permettre d’affiner et d’enrichir les représentations économiques – celles du
développement proprement dit, mais aussi des fonctions de l’aide.
Il faut tout d’abord évoquer les travaux de l’économiste indien Amartya Sen
et notamment la création, avec son collègue pakistanais Mahbub ul Haq,
de l’indice de développement humain (IDH), un indice statistique composite
créé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en
1990 pour évaluer le niveau de développement humain sur des critères plus
pertinents que le PIB (qui ne mesure que la valeur ajoutée), ou le PIB par habitant (qui représente mal les inégalités). L’IDH est construit à partir de trois
critères principaux : l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le niveau de
vie. Le concept du développement humain est par ailleurs plus large que ce
qu’en décrit l’IDH qui n’en est qu’un indicateur. Pour Amartya Sen, le développement est plus un processus d’élargissement du choix des gens qu’une
simple augmentation du revenu national ; l’enjeu est donc de renforcer et
développer leurs « capacités ».
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Deuxième révolution, la nouvelle économie géographique développée par
l’économiste américain Paul Krugman. Elle permet de rendre compte des ratés de la mondialisation, et du fait que les modèles précédents des échanges
internationaux (tous plus ou moins inspirés de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo) ne fonctionnent pas : pour équilibrer sa balance
commerciale, il ne suffit pas à un pays de développer ses avantages comparatifs (par exemple tel secteur agricole où il est plus performant, ce qui lui
permettra d’acheter les biens industriels produits par son partenaire, chacun
y trouvant son compte). Le commerce, explique Krugman,est grandement
conditionné par des rendements d’échelle : dans ces conditions alors les régions économiques avec le plus de production vont devenir plus compétitives
et attirer plus d’entreprises (ce qu’illustre à l’époque le cas des États-Unis).
Plutôt que de se saupoudrer sur toute la surface du globe, la production tend
à se concentrer dans certaines régions qui vont bénéficier de revenus plus
élevés. En gros, l’ouverture commerciale et les restructurations du tissu productif qu’elle induit peuvent se traduire, non par une réorientation salutaire de
l’appareil de production, mais par son affaiblissement.
Troisième révolution, incarnée par l’économiste Dani Rodrik : on prend peu à
peu conscience que le développement est une dynamique de longue haleine,
faite d’expériences diverses et de tâtonnements dans lequel les erreurs de
parcours jouent un rôle sans doute irremplaçable d’apprentissage et d’ « appropriation » (une notion désormais centrale). Les travaux de Rodrik, accessibles en français grâce à un livre traduit en 2008 (Nations et mondialisation.
Les stratégies nationales de développement dans un monde globalisé, éditions La Découverte) explorent les différences de modèle de croissance. Ils
rappellent que les pays qui ont le plus bénéficié de la globalisation sont ceux
qui, comme la Chine, l’Inde ou le Vietnam, ont le moins respecté ses règles.
Plus que la seule libéralisation ou les recettes du FMI, ce sont les stratégies
pragmatiques respectant les caractéristiques nationales qui ont été vecteur
de succès. L’enjeu dès lors est de créer dans chaque pays l’espace politique
permettant de traiter les problèmes que pose l’ouverture.
L’économie carbone et ses promesses
Enfin, dans le contexte du réchauffement climatique les dernières années
ont vu paraître des travaux portant à la fois sur les dégâts particulièrement
violents associés au risque climatique dans les pays du Sud et le fait que les
pays en développement ont un grand potentiel pour développer des services
environnementaux, comme la captation du dioxyde de carbone (plantation
de forêts), la prévention de la déforestation ou le maintien de la biodiversité.
Sous forme d’échange de quotas, monétisés, il y a sans doute des équilibres financiers intéressants à faire émerger. Mais le risque est de constituer
une économie de rente dont le sous-développement industriel constituerait
paradoxalement la principale richesse. Là encore, les débats ne font que
commencer.
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Le développement. Histoire
d’une croyance occidentale *
Parmi les pensées critiques du développement émises depuis une trentaine d’années, celle de Gilbert Rist fait référence. S’appuyant sur une
méthode où percent les influences de Pierre Bourdieu et d’Ivan Illitch
mais aussi celle du Lénine de L’Impérialisme, stade ultime du capitalisme, il démonte une idéologie dont l’un des ressorts est à ses yeux
d’assurer la domination et l’hégémonie des pays développés.
* Gilbert Rist,
Presses de Science Po,
1996, 2001, 2007.
Note de lecture par Ariane Ioannides
et Richard Robert
L’ouvrage de Gilbert Rist part d’une histoire précise des enjeux stratégiques de la notion de développement au temps
de la Guerre froide. Mais s’il fait œuvre d’historien, c’est pour
mettre en perspective et ainsi démonter une croyance ayant
acquis la force d’une évidence. Il met ainsi en évidence l’écart
entre d’une part la croyance qui proclame l’obligation morale
de porter secours aux pauvres et de travailler pour le bonheur
de tous, mobilisant d’innombrables organisations qui peinent à
faire advenir ce qu’elles espèrent, et d’autre part des pratiques
économiques qui reflètent les intérêts des acteurs en présence
et produisent des résultats contraires à la croyance dont elles
se réclament.
Ces contradictions appellent une déconstruction. Pour des
raisons de réalisme intellectuel, tout d’abord, car le côté unificateur de la formule recouvre des politiques hétérogènes,
menées par des acteurs très divers et au nom d’ambitions et
d’objectifs bien souvent contradictoires.
Mais aussi pour des raisons politiques : car s’il a un temps été
repris à leur compte par les élites des pays du Sud, le développement reste d’abord un concept du Nord, articulé sur un
ensemble de logiques qui vont de la croyance au progrès à une
certaine façon de penser les dynamiques sociales en termes
avant tout économiques. Derrière le développement se cache
ainsi l’arrogant universalisme occidental, qui prétend ériger son
modèle en norme ultime. Une prétendus supériorité (sauvages/
civilisés ; cultures de l’oralité/cultures de l’écrit…). On retrouve
ainsi une logique qui fut celle de la colonisation, menée au
nom de la civilisation que les nations européennes devaient
apporter aux autres pays du monde. Au cœur de l’idéologie du
développement se jouerait donc un imaginaire ethnocentriste,
marqué par les mythologies modernes de l’Occident : la foi en
la technique, la survalorisation du bien-être économique, de la
capacité à produire et à consommer, et au total une vision de
l’échange se réduisant à sa dimension marchande.
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Le développement serait in fine une injonction faite aux pays et aux populations du Sud à entrer dans cet échange alors même que la croissance
économique ne peut conduire qu’à la pénurie généralisée.
La limite de cette pensée tient sans doute au lien qu’elle tisse entre cette
critique et un raisonnement de type « à qui profite le crime ? », qui insiste sur
les intérêts économiques et sociaux en jeu derrière cette croyance. Non que
cette dimension puisse être ignorée, car elle contribue notablement à rendre
compte des stratégies d’aide publique au temps de la Guerre froide. Mais en
dévoilant une « idéologie » Gilbert Rist court lui-même le risque d’aveugler le
champ, en méconnaissant la vitalité critique d’un courant qui s’est constamment remis en cause.
De fait, ce qui s’esquisse dans cet ouvrage, derrière la critique de la croyance
au développement, c’est une critique des vertus de l’économie de marché et
des croyances qui la sous-tendent. Ce qui n’est pas sans intérêt, notamment
dans les enseignements en miroir que livrent les croyances au développement des pays pauvres sur nos croyances en notre propre développement.
Cela étant, le lien établi par Rist entre développement et globalisation militante est convaincant. Mais l’idée que celle-ci soit sous hégémonie occidentale méconnaît, derrière Marx, la leçon de Hegel et la théorie du maître et de
l’esclave. Tout au plus pourrait-on dire aujourd’hui que les logiques du développement mettent en jeu de la domination et des logiques d’hégémonie.
Mais pas seulement entre le Nord et le Sud ; les relations les plus brutales à
cet égard, notamment avec les relations entre la Chine et l’Afrique, mettent
aux prises le Sud avec le Sud.
Enfin, si la critique de l’économisme et du paradigme utilitariste conservent
toute leur pertinence, si les doutes sur l’idéologie du progrès méritent d’être
médités, on peut s’interroger sur les présupposés d’un livre qui tend à réduire
l’émergence des pays du Sud à l’intérêt des pays du Nord, ou des capitalistes
du Nord. La vérité est que le règne de l’intérêt et le consumérisme associés au capitalisme ne sont pas le fait de marionnettistes cachés derrière le
décor, mais expriment sans doute bien davantage une certaine modernité,
développée d’abord en Occident et imprégnée des valeurs et des intérêts
occidentaux, mais qui représente bien autre chose : un moment, sans doute
transitoire, de l’évolution humaine.
C’est d’ailleurs tout l’intérêt de la seconde et surtout de la troisième édition
que d’explorer la notion de décroissance et les problématiques de l’environnement, qui n’appartiennent plus au corpus idéologique marxiste et permettent de renouveler les grilles d’analyse… tout en conservant la même
acuité critique et la même obsession de la domination des puissants. Rist
souligne en particulier l’ambiguïté sémantique du terme « développement
durable ». Invitation à maintenir la vie sur la planète plutôt que le rythme du
« développement » ou invitation à faire durer le développement, c’est-à-dire
la croissance ? Cette « forme rhétorique » a, selon lui, pour but de concilier les contraires – un subterfuge déjà utilisé il y a une vingtaine d’années
avec la notion d’ « ajustement structurel à visage humain ». Rist rejoint ici
les critiques émises par Serge Latouche, pour qui le développement durable
ne remet pas en question l’accumulation capitaliste et la croissance économique et enlève tout perspective de sortie au développement. Il pointe enfin
la possibilité de voir se constituer de nouvelles lignes de clivage : « À la
dichotomie développés sous-développés pourrait succéder celle des pollués
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non-pollués. L’aide publique à la gestion de l’environnement permettrait de
contrôler étroitement les politiques des pays dominés, et les impératifs de
l’environnement pourraient aussi déboucher sur des programmes d’ajustement structurel à l’environnement. »
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La nation building
et ses ambiguïtés
Le développement est-il toujours au cœur
des stratégies américaines ?
À partir du discours de Truman en 1949 et dans le contexte de la Guerre
froide, l’idée du développement a tenu une place centrale dans les stratégies américaines. L’un de ses enjeux était notamment la lutte contre
le communisme.
Après la Chute du mur de Berlin on voit apparaître des modèles plus ciblés. On se réfère alors aux États en faillite (failed
states) : en Somalie, en Haïti, en Bosnie et au Kosovo l’accent
est mis sur ce que l’on appelle le nation building : reconstruire
des institutions et une société, sur le modèle de ce qui avait été
fait en Allemagne et au Japon après 1945. Avec les interventions en Irak et en Afghanistan, cette perspective est intégrée
à la « guerre contre la terreur » et à l’ambition stratégique d’
« exportation de la démocratie ». Où en-est-on ? Les résultats
sur le terrain font de ces tentatives un miroir grossissant des
stratégies de développement menées depuis 60 ans.
Directeur de recherche
au Centre d’études
européennes de Sciences
Po, Zaki Laïdi a récemment
publié Le Monde selon
Obama (Stock, 2010).
Entretien avec Zaki Laïdi
L’Administration Obama a rompu avec l’imaginaire messianique de l’exportation de la démocratie. Mais abandonne-t-elle pour autant les stratégies de nation building ?
Au terme de ses deux premières années de mandat, on peut
considérer que c’est le « réalisme » qui définit la vision du
monde d’Obama. C’est-à-dire, pour aller vite, une pensée centrée sur la puissance, insistant sur l’importance des États et faisant de la défense des intérêts nationaux l’enjeu principal des
relations internationales. L’Amérique d’Obama se préoccupe
d’abord de ses intérêts et dans ce contexte le nation building
n’est clairement pas au centre de sa stratégie.
Au demeurant, je ne pense pas qu’il y ait sur ce point une rupture spectaculaire : même si le terme a été employé à propos de
l’Afghanistan et de l’Irak, les administrations précédentes n’en
ont jamais réellement fait une priorité. Il est vrai que la politique
menée par George Bush en Irak pouvait prêter à confusion.
Mais en Afghanistan et en Irak, l’Administration américaine
table en réalité surtout sur le changement de régime, comme
si cela suffisait à faire évoluer une société vers des pratiques
démocratiques. Les quelques références à l’ambition de « reconstruire des sociétés », chez Paul Bremer par exemple, suggèrent une négation de l’historicité de ces sociétés, comme si
le travail entrepris au lendemain de la Deuxième Guerre monlire la suite
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diale en Allemagne et au Japon était transposable tel quel.
C’est seulement dans un deuxième temps que les Américains commencent à
se préoccuper un peu plus sérieusement de renforcer l’État et les institutions,
quand ils s’aperçoivent qu’ils ont non pas construit, mais détruit l’État, et qu’à
la faveur de cette destruction la situation militaire se dégrade. En Irak, cette
deuxième phase est un des éléments du « Surge », la contre-insurrection
menée à partir de 2007. Mais on voit bien que l’essentiel à ce moment est
d’abord le renforcement du contingent américain et la stabilisation militaire
de la région.
Par rapport à cette évolution, on peut identifier quelques inflexions : Obama
croit moins que Bush à des solutions militaires, et il ne se réfère presque
jamais à « l’exportation de la démocratie » dans ses discours de politique
étrangère. Mais à l’instar de Bush, l’ambition stratégique de développer économiquement et de renforcer politiquement les pays en question me semble
très peu présente dans son agenda.
On voit pourtant l’intérêt que pourrait revêtir l’émergence de partenaires stables et démocratiques. Peut-on parler de court-termisme ?
Il faut se rendre compte du côté bricolé que peuvent avoir les stratégies dont
nous parlons, et au fait qu’elles sont subordonnées à des objectifs politiques
précis. Par exemple, dans le cas de l’Afghanistan, l’enjeu était d’abord de
couper les bases arrière d’Al-Qaida. Si l’on suit cet exemple, on s’aperçoit
que deux stratégies ont été suivies : la première consistant à installer Karzai
au pouvoir et à la soutenir politiquement, l’autre consistant à acheter les seigneurs de la guerre afin de protéger les convois. Or, il est évident que l’argent
versé aux seigneurs de la guerre les a renforcés et a affaibli les tentatives
de restaurer une armée nationale. Les deux stratégies sont donc en contradiction, alors qu’elles répondent toutes les deux à la même ambition (lutter
contre Al-Qaida).
Ces contradictions sont inexorables, dès lors qu’on envisage une action menée dans un pays entier, avec à la fois une diversité d’acteurs locaux et
plusieurs agences qui coordonnent d’autant plus mal leur action qu’elles sont
parfois en compétition.
En outre, dans ce cas précis l’aide est en elle-même un puissant facteur de
déstabilisation : le pays le plus riche du monde qui aide l’un des plus pauvres
du monde, il y a forcément des perturbations, à commencer bien sûr par la
corruption. Il faut se rendre compte que 98% de la dépense publique, en
Afghanistan, est liée à l’aide internationale. En un sens, ce qui s’est passé en
quelques années dans ce pays ne fait que répéter et amplifier un phénomène
qu’on a pu observer dans la plupart des régions, en Afrique notamment, où
l’aide répondait à un enjeu politique (la lutte contre le communisme).
Précisément, on connaît depuis longtemps ce genre de dérive : n’existet-il pas une mémoire, une capacité à anticiper ce genre de problèmes ?
C’est une façon très abstraite de concevoir la façon dont sont conçues et
mises en œuvre les stratégies. La question centrale que se posent les ac-
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teurs, en l’occurrence les Américains, c’est d’avoir un interlocuteur. Peu importe, au fond, sa qualité.
Cela ne veut pas dire que certaines stratégies ne sont pas cohérentes, ou
sophistiquées ; mais nous sommes dans le monde réel, avec des politiques
qui viennent en réaction à un problème. Et il ne faut pas oublier l’ampleur du
travail : nous parlons ici de situations qui concernent tout un pays, un pays
dont on connaît mal, au départ, les structures sociales, économiques, politiques. Dans ces conditions, la cohérence d’ensemble, sur le papier, n’empêche jamais les contradictions parfois profondes entre les différentes politiques menées sur le terrain.
Propos recueillis par Richard Robert
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La décroissance
signera-t-elle la fin
du développement ?
L’expansion de la consommation de masse et la croissance démographique interrogent aujourd’hui le modèle de développement productiviste et consumériste des pays occidentaux. Face au risque climatique
et à la limitation des ressources, des formes de décroissance finiront
par s’imposer. Dans ces conditions, l’idée de développement conserve
tout son sens mais elle doit être redéfinie. Ici comme ailleurs.
Dominique Bourg est
professeur à l’université
de Lausanne. Ses
recherches portent sur le
développement durable,
la construction sociale
des risques, l’économie
de fonctionnalité et la
démocratie participative.
Entretien avec Dominique Bourg
Après avoir travaillé pendant plusieurs années sur le développement durable, vous avez récemment orienté vos
positions vers la « décroissance ». Cela remet-il en cause
l’idée même de développement ?
Il faut préciser d’emblée que la décroissance n’est pas une fin
en soi. Ce qui est une fin en soi, c’est l’amélioration du bien-être
et de la justice pour le plus grand nombre. Mais nous n’échapperons pas à la décroissance de notre consommation de biens
matériels. Il faut en effet considérer la spectaculaire augmentation des activités économiques et de la population humaine,
d’un côté, et de l’autre la finitude des ressources et des mécanismes régulateurs planétaires. Le modèle de consommation à
l’occidentale pouvait fonctionner tant qu’il ne concernait qu’une
petite partie de la planète, mais il s’étend en ce moment rapidement.
Des centaines de millions de personnes y accèdent aujourd’hui,
avec l’émergence d’une classe moyenne mondiale qui compte
au moins 300 millions en Chine et autant en Inde. On peut s’en
féliciter : le monde se développe, enfin ! Mais que ces populations accèdent au même type de consommation qui a été (et
reste) le nôtre n’est pas tenable. Le problème n’est pas leur enrichissement, mais bien les modes de vie associés aujourd’hui
au monde développé.
La consommation de masse et la croissance démographique
se heurtent aujourd’hui aux limites de la planète : en ressources
minérales, en énergie. L’œkoumène, c’est-à-dire la partie du
monde en permanence habitable par les hommes, se rétrécit :
c’est toute la question de la désertification et de la surexploitation des ressources en eau, la montée du niveau des mers. À
quoi s’ajoute plus globalement la dégradation du milieu, associée à ce productivisme.
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Faire décroître notre consommation de biens matériels apparaît dans ces
conditions comme une contrainte, dictée dans l’absolu par le risque climatique, mais aussi et plus prosaïquement par les limites naturelles de certaines ressources.
Le développement durable n’est-il pas une solution plus acceptable à
ce problème ?
Son projet était précisément de découpler la production de richesse et la
consommation de ressources ; ou, pour le dire autrement, de faire plus avec
moins, grâce notamment au progrès technologique. C’était une idée intéressante et il fallait l’expérimenter. Mais il semble bien qu’elle soit en train
d’échouer. Pourquoi ? Parce que le progrès technologique conduit soit à produire à moindre prix les mêmes biens et services, soit d’en produire de nouveaux. Et dans les deux cas, la consommation de ressources augmente ! La
croissance verte me semble aujourd’hui totalement utopique. On peut sans
doute « verdir » les objets que nous consommons, mais cela ne touche pas
au cœur du modèle, qui est de consommer toujours plus. Or c’est bien ce
toujours plus qui est en jeu et commence sérieusement à poser problème.
Cela étant, on peut parfaitement comprendre ce problème et choisir la fuite
en avant technologique ; à mon sens, c’est d’ailleurs le scénario le plus probable.
Une des raisons en est d’ailleurs que les populations des pays du sud
n’accepteraient sans doute pas facilement de renoncer à un mode de
vie dont elles rêvent depuis plusieurs décennies, à l’heure même où
elles commencent à y accéder.
Certes, et c’est bien pour cela qu’à mon sens la décroissance s’impose
d’abord au sein des pays développés. On ne peut rien faire à l’heure qu’il
est contre la jubilation consumériste qui s’est emparée des pays émergents.
Mais chez nous, il est possible d’avancer, ne serait-ce que parce qu’on mesure aujourd’hui nettement à quel point le bonheur et le bien-être matériel
sont distincts, pour ne pas dire divergents. Les économistes nous apprennent que grosso modo à partir de 15 000 dollars annuels l’accumulation de
richesse se poursuit sans accroissement du bien-être. Un rééquilibrage des
niveaux de vie est donc possible pour autant que les besoins de base soient
satisfaits. J’irai plus loin, en pointant avec de nombreux sociologues les pathologies de la vie contemporaine : perte de sens, affaiblissement des liens,
dépendance aux objets, solitude, dépression… Le développement capitaliste
que nous connaissons est étroitement associé à des atteintes au psychisme :
sans même parler des folies de la productivité et de la souffrance au travail, la passion pour les biens va de pair avec l’affaiblissement des liens, la
« consommation » comme modèle de référence perturbe les relations humaines, désoriente, fait souffrir. Est-ce réellement d’un développement qu’il
s’agit ?
L’idée de développement conserve aujourd’hui tout sons sens, et plus que
jamais d’une certaine façon, tant les inégalités ont tendance à s’accroître
dans le monde. Je pense qu’il faudrait séparer beaucoup plus nettement ce
qui concerne les infrastructures et l’accès aux biens essentiels, d’un côté,
et de l’autre ce qui relève du consumérisme. Ce qui est essentiel, au nord
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comme au sud, c’est de satisfaire ces besoins de base que sont la nourriture,
la santé, l’habillement, les transports et l’habitat. Vous pouvez satisfaire ces
besoins à l’échelle planétaire, même avec neuf ou dix milliards d’humains.
Mais pas avec un standard de vie à l’américaine.
L’enjeu alors serait de redéfinir la richesse ?
Oui, à la fois dans les pratiques et les représentations. Cela commence chez
nous, dans les pays développés, pour mille raisons dont la moindre n’est pas
que nous restons un horizon, une sorte de modèle. Que ce modèle soit aujourd’hui d’avoir trois voitures et quatre télévisions est désolant. Notre schéma actuel de développement suggère que le seul sens qu’on puisse donner
à sa vie, c’est d’accumuler des biens matériels.
À cet égard la crise de 2008, qui est fondamentalement la crise d’un modèle
de croissance américain fondé sur la consommation à outrance, peut être
une chance. Bien sûr, le capitalisme s’en relèvera. Mais on sent quand même
qu’une page s’est tournée, et à bien des égards la crise continue à produire
des effets délétères, avec des tensions, une exacerbation des conflits. On est
à la croisée des chemins. Et ce peut être une bonne nouvelle, car le changement de modèle dont nous parlons ne peut probablement pas se faire de
façon harmonieuse et progressive. Rappelons-nous : les États-providence
européens sont nés à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Le monde tel
que nous le connaissons, celui du gaspillage des ressources et du toujours
plus, est en train de craquer. Un modèle nouveau est peut-être en train de
naître.
Propos recueillis par Richard Robert
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Manières
Manières de
de voir
faire
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Points
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Que
l’on parle de
d’aide
au développement
de solidarité
Les modalités
l’action
évoluent. Quelsousont
les axes prioritaires
internationale,
les
actions
entreprises
sont
tributaires
d’une
aujourd’hui, quels sont les nouveaux enjeux qui émergent
? vision
du monde mais aussi de stratégies. Un décryptage s’impose, mené
ici depuis plusieurs disciplines et dans une optique plus ou moins
critique.
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De la lutte contre la pauvreté
au combat contre les inégalités
Après le « développementalisme » des années 1960-1970, qui visait surtout à développer les systèmes de production, la lutte contre la pauvreté
est devenue un élément majeur de l’agenda de l’aide internationale. Mais
depuis quelques années se fait jour une nouvelle approche, centrée sur
les inégalités. Ce qui interroge les modes d’intervention, mais renvoie
aussi les acteurs de l’aide aux tensions qui déchirent les sociétés du
Nord.
Marc Lévy est conseiller
senior au European Centre
for Development Policy
Management (Maastricht,
Pays-Bas). Il a notamment
dirigé Comment réduire
pauvreté et inégalités. Pour
une méthodologie des
politiques publiques (IRDKarthala, 2002).
Entretien avec Marc Lévy
Chez certains acteurs de la solidarité internationale, la
lutte contre les inégalités semble commencer à prendre le
pas sur les politiques de lutte contre la pauvreté. Comment
comprendre ce déplacement ?
La lutte contre la pauvreté a été consacrée comme un enjeu majeur au cours de la décennie 1990, et elle arrive en tête des huit
objectifs affichés lors du Sommet du millénaire en 2000. C’était
une étape importante : on prenait acte du fait que malgré tous
les efforts entrepris, une frange significative de la population
mondiale continuait à vivre en-dessous du seuil de pauvreté.
Mais alors même que les politiques s’engageaient dans cette
voie, les chercheurs avaient commencé à travailler sur des modèles plus complexes, qui remettaient en question l’équation
vertueuse « plus de croissance = moins de pauvreté ».
Il s’avère en effet que cette vision simplificatrice laisse de côté
un certain nombre de phénomènes, et qu’une représentation
plus fine et plus précise adopterait plutôt un schéma triangulaire, avec une relation complexe entre croissance, pauvreté,
inégalités. Aujourd’hui, l’importance des questions d’inégalité
est de plus en plus reconnue, aussi bien dans les choix stratégiques que dans leur mise en œuvre pratique.
Par exemple ?
Dans l’ancien modèle, on privilégie des politiques ciblées : par
exemple des mesures en faveur des pauvres (filets de sécurité,
réparation), de la discrimination positive, ou tout simplement de
l’assistance.
Dans le nouveau modèle qui émerge aujourd’hui, ce n’est pas
qu’on se désintéresse des pauvres, mais on est confronté aux
rapports sociaux et on travaille sur le modèle de croissance. En
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se demandant par exemple s’il est générateur d’emploi, et plus précisément
d’emplois accessibles.
Cela ne va pas sans problèmes. Par exemple, il peut être plus difficile de mobiliser les donateurs individuels, car les stratégies développées et les cibles
sont moins spectaculaires, plus complexes. Mais il y a aussi des débats sur
le côté intrusif de ces stratégies. Il y a à cet égard de réelles résistances chez
les acteurs de l’aide, qui se méfient de tout ce qui ressemble à une ingérence
dans les dynamiques sociales. Non sans raison, car cela renvoie à des pratiques d’autorité. Le problème est qu’au sein des pays bénéficiaires de l’aide,
comme des acteurs de l’aide, cet argument est instrumentalisé par tous ceux
qui ont intérêt à laisser les choses en l’état.
Il existe dans le domaine de la solidarité internationale une certaine tradition
consistant à traiter les symptômes, plutôt que les causes. Il est vrai que les
tentatives de remodeler les économies n’ont pas toujours été exemplaires,
que l’on pense aux stratégies développementalistes des années 1960 ou
aux plans d’ajustement structurels des années 1980. Prétendre traiter les
causes, et non plus les symptômes, peut donc faire l’objet d’un débat : il
ne s’agit certainement pas de s’arroger un droit d’ingérence et de prétendre
connaître d’avance les solutions.
Mais il ne faut pas s’interdire pour autant de traiter les causes. L’esprit dans
lequel on peut avancer, c’est celui de la négociation : on peut parfaitement
assumer une position claire sur ce sujet tout en discutant avec un gouvernement, la délibération devant permettre d’optimiser les décisions et d’éclairer
des problèmes que l’on n’avait pas vus. En affirmant bien qu’en dernier ressort, la décision appartient aux pouvoirs publics des pays concernés et non
aux intervenants extérieurs. Ce qui est le cas plus souvent qu’on ne le pense,
car ce qui compte ce n’est pas le document qu’on signe mais la réalité de sa
mise en œuvre.
Si ce type de négociation peut définir les nouvelles pratiques en matière d’aide publique, on imagine qu’il existe aussi d’autres façons de
favoriser des dynamiques de contention des inégalités au sein des sociétés, par exemple en encourageant des initiatives mutualistes.
De nombreuses expériences vont aujourd’hui dans ce sens : que l’on pense
à la micro-finance, aux caisses mutuelles, aux mutuelles de santé, et récemment à la micro-assurance. Au sein du monde mutualiste français et européen, il y a d’ailleurs un réel apport possible, en termes d’ingénierie ou
d’appui technique. Les syndicats agricoles ont développé eux aussi des actions très intéressantes auprès des organisations professionnelles agricoles
en Afrique et ailleurs.
L’esprit qui préside à ces actions relève de ce que l’on nomme en anglais
l’empowerment ; en gros, il s’agit de développer les capacités des acteurs,
avec comme horizon de développer leur potentiel de contribution aux politiques publiques. On a des exemples remarquables : au Sénégal, le réseau
des radios communautaires n’était jusqu’à une date récente pas reconnu, ce
qui faisait qu’il était possible de les interdire et qu’elles n’avaient pas accès
aux subventions. Elles se sont organisées, ont obtenu une reconnaissance
en tant qu’organes de presse : ce qui signifie des subventions, mais aussi
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une carte de presse pour les journalistes et donc une capacité à exercer
correctement leur métier. Ce qui ne peut qu’améliorer le fonctionnement de
la démocratie, et par extension le contrôle de l’action publique.
On aurait à travers ces exemples une forme réussie d’ « exportation
de la démocratie », qui passerait par le soutien à l’émergence d’une
société civile ?
Oui, à condition d’y voir aussi des processus endogènes et pas seulement
des importations de modèles, et à condition d’étendre la définition de la « société civile » à ce qui est en fait la société tout court en tant qu’organisation :
le secteur privé, le monde associatif, les églises, les partis, les organisations
professionnelles. L’enjeu ici est pour l’État de reconnaître qu’il n’a pas le
monopole de la chose publique.
C’est une question centrale pour des sociétés qui ont hérité de nos travers
étatistes et dont l’évolution récente ne s’accompagne pas forcément de progrès démocratiques, en affirmant le besoin d’une approche pluraliste des
formes démocratiques. Mais d’une certaine façon c’est aussi une leçon pour
nous, Occidentaux et surtout Français, car nous avons nous-aussi du mal à
nous défaire du modèle étatique et d’une vision étroite de la représentation
politique. Les travaux récents de Pierre Rosanvallon offrent quelques perspectives intéressantes sur ce thème, et surtout ils éclairent bien la nécessité
d’enrichir nos pratiques et nos représentations de la démocratie, qui reste un
chantier.
On mesure ainsi à quel point la pratique de la solidarité internationale n’est
jamais à sens unique : car nos sociétés, dans leurs différences, fonctionnent
aussi en miroir les unes des autres et il y a un enrichissement mutuel, un
apprentissage réciproque dont on ne soulignera jamais assez l’importance.
C’est ainsi que les problèmes souvent criants des sociétés des pays en développement nous renvoient aux limites de nos démocraties représentatives
(fort taux d’abstention, exclusion du vote de certains catégories de population, cumul des mandats, décisions contestées, etc).
Pour conclure, je mentionnerai les récents résultats d’une étude sur la pauvreté dans le monde qui bouscule nos schémas : en 1990, 90% des pauvres
du monde vivaient dans les « pays les moins avancés ». Aujourd’hui 75%
d’entre eux vivent dans des pays à revenus intermédiaires. Cela pose déjà
des problèmes pratiques, quand on sait que ces pays ne sont pas éligibles
à l’aide internationale : l’aide, qui se donne comme priorité affichée de lutter
contre la pauvreté (la coopération européenne parle même de suppression),
va devoir se contenter de n’agir que sur une partie mineure de la pauvreté
mondiale ou alors il faudra un jour ou l’autre repenser les catégories de l’action. Mais cela nous ramène aussi au début de notre conversation : si des
pays à taux de croissance positif et à revenus intermédiaires connaissent de
fortes incidences de pauvreté, c’est bien que plus de croissance n’est pas
suffisant pour réduire la pauvreté et que les inégalités doivent être prises
en compte pour appréhender ce qui se passe réellement, économiquement
et socialement, dans une société donnée. Enfin, il n’y a pas que les pays à
revenus intermédiaires qui sont concernés, l’explosion des inégalités touche
aussi nos sociétés développées. Comme le déclarait récemment dans Le
Monde, Robert Shapiro, un économiste nord-américain démocrate, les inégalités américaines freinent la croissance. Dramatique mais stimulant constat
pour renouveler nos modèles économiques et politiques.
Propos recueillis par Richard Robert
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Coopérer, une responsabilité
mutuelle
L’Union européenne s’affirme désormais comme l’espace de référence
pour les actions de solidarité internationale, et dans ce contexte on assiste aujourd’hui à une structuration progressive du monde associatif.
Plus largement, le modèle de la coopération collective gagne aujourd’hui
du terrain, aussi bien entre les acteurs du nord qu’entre le nord et le sud.
Philippe Jahshan est
délégué à Bruxelles de
Coordination Sud (la
coordination nationale
des ONG françaises de
solidarité internationale) et
vice-président du Fonds
pour la promotion des
Études préalables, des
Études transversales et
Évaluations (F3E).
Entretien avec Philippe Jahshan
Que représente aujourd’hui l’Union européenne pour les
associations qui œuvrent dans la solidarité internationale ?
Il faut rappeler tout d’abord que l’UE est aujourd’hui le premier
contributeur mondial de l’aide au développement. Passer par
Bruxelles est donc une nécessité pour les ONG si elles veulent
avoir accès aux financements européens. Mais il s’agit aussi et
surtout d’être présent dans le débat européen et d’infléchir les
stratégies. On pourrait parler d’un espace de plaidoyer : car il
s’agit autant de lobbying que de parole publique.
Ce champ est occupé aujourd’hui par d’autres acteurs : syndicats, entreprises, fondations. Les collectivités locales, par
exemple, sont en pleine structuration : elles viennent de créer
leur propre organisation européenne, Plateforma, et disposent d’une large palette d’instruments de pression. Les ONG
conservent cependant une certaine avance : elles maîtrisent
bien l’ingénierie de la solidarité internationale, et surtout elles
se sont regroupées depuis dix ans au sein de la plateforme
européenne Concord afin de peser davantage.
Des alliances s’esquissent-elles ?
On y travaille, mais beaucoup reste à faire. Car il s’agit à la fois
d’en discuter au sein de Concord et de tisser des liens avec les
autres acteurs, comme la plateforme des collectivités locales.
On notera d’ailleurs que la culture politique des autres pays de
l’UE, diffère sensiblement, sur ce point précis, de ce que nous
connaissons en France. Le monde associatif français et les collectivités locales ont développé une culture de partenariat, ce
qui n’est pas le cas dans le reste de l’Europe : à Bruxelles, les
ONG ont tendance à se méfier des collectivités locales, et la
réciproque est vraie.
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De la même façon, il me semble nécessaire d’approfondir le dialogue avec
la Confédération européenne des syndicats, même si sur certains sujets nos
agendas sont différents car nous ne représentons pas les mêmes intérêts.
Au sein du syndicalisme européen, il y a des visions diverses de la solidarité,
d’une version étroite et corporatiste à une version ouverte, intégrant les enjeux de la solidarité internationale. C’est un monde complexe, qui a du mal lui
aussi à parler d’une seule voix.
La pluralité des acteurs et des intérêts renvoie à une question de fond, qui
est la cohérence des politiques publiques en matière de développement. À
travers le traité de Lisbonne notamment, l’Union européenne a certes affirmé
son ambition de ne pas les isoler des autres politiques. Mais il est évident que
les subventions à l’agriculture, par exemple, ont des effets spécialement néfastes pour les agriculteurs des pays en développement et dans certains cas
elles peuvent contribuer à ruiner des secteurs et par extension des régions.
Une meilleure coordination des politiques publiques serait ici nécessaire. Elle
appelle un débat public structuré et informé et c’est dans ce contexte que la
plateforme Concord prend tout son sens.
Le monde des ONG est-il suffisamment uni pour parler d’une seule
voix ?
La plateforme est incontestablement utile sur ce point, puisqu’elle permet de
discuter et donc d’élaborer une parole collective. Mais il faut admettre que
certaines grosses ONG n’en ont pas absolument besoin ; je pense notamment aux réseaux confessionnels, ou encore à l’humanitaire. On voit ainsi
se former des alliances à géométrie variable : par exemple sur la prise en
compte du bénévolat, les grandes associations laïques sont en phase avec
les ONG confessionnelles, alors que d’autres ONG plus spécialisées s’intéressent moins à cette question.
Pour saisir ce qui peut contraindre les alliances, il faut comprendre que sur le
champ de la solidarité internationale, le monde associatif est travaillé par une
double tension. La première est une tendance à la professionnalisation, qui
peut avoir pour revers une absence de réflexion sur les enjeux ou les principes qui guident l’action. La seconde est une concurrence accrue, car les
acteurs sont désormais plus nombreux alors que le volume de l’aide n’augmente pas. La concurrence contribue d’ailleurs à la professionnalisation, qui
correspond aussi à une demande des bailleurs.
Tout cela impacte directement nos modes d’action et la façon de penser nos
actions. La Déclaration de Paris, en 2005, a ainsi vu la question de l’efficacité
de l’aide passer au premier plan, avec un développement notable des pratiques d’évaluation et plus généralement une attention accrue à la qualité. Il
faut d’ailleurs relever que si une demande des bailleurs de fonds a largement
contribué à ce mouvement, nous sommes allés au-delà. Certains bailleurs
sont sur une simple logique de contrôle comptable, alors qu’à travers le collectif F3E (Fonds pour la promotion des Études préalables, des Études transversales et Évaluations), les ONG françaises ont approfondi leur expertise
en matière d’impact et d’efficacité. La convergence des pratiques apparaît
ainsi ces dernières années comme une tendance forte, indissociable d’une
concurrence croissante.
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Est-ce que cela constitue une incitation à travailler ensemble ?
Cela y contribue, mais c’est aussi une maturation progressive de nos pratiques qui nous a menés à travailler davantage ensemble. On voit ainsi se
développer depuis quelques années des programmes concertés pluri-acteurs, qui répondent à la nécessité d’intégrer les actions et de les coordonner. Un bon exemple est le travail mené ces dernières années pour créer ou
structurer des filières. Cela met en œuvre un savoir-faire complexe, mais
aussi différents types d’intervention : sur la certification, le développement
de transports, la recherche de débouchés commerciaux, l’organisation de la
production, mais aussi la structuration sociale qui permet à une communauté
de se lancer dans un projet.
Pendant longtemps, on a lancé des actions avec une ONG, un projet, un
temps limité, un partenaire local ; de plus en plus, on raisonne sur la durée,
en prenant en compte le tissu local, et en développant une action concertée
entre plusieurs acteurs.
La question aujourd’hui n’est plus simplement de lutter contre la pauvreté.
Il s’agit de favoriser un développement dont la dimension économique n’est
que l’une des facettes, et où sur cette question on insistera moins sur la pauvreté ou la richesse que sur la redistribution, les dynamiques de solidarité,
les assises collectives qui permettent aux membres d’une société d’avancer
collectivement et individuellement.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous préférons au terme d’aide celui de
coopération, pour souligner le principe de responsabilité mutuelle et d’obligation qui est au cœur de la démarche. Définir des cadres de coopération
concertés et négociés, c’est aussi mettre des sociétés en situation de dialoguer et de jouer pleinement leur partition dans un monde dont on mesure de
plus en plus l’interdépendance. Déjà nous avons à affronter ensemble des
enjeux comme le réchauffement ou les migrations, mais aussi le destin des
services publics. Il y a désormais, au cœur de la solidarité internationale,
l’idée que nous vivons dans un seul monde, et que ce qui arrive aux sociétés
des pays en développement n’est pas si éloigné de ce qui travaille les nôtres.
Propos recueillis par Richard Robert
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Donner la parole aux experts
du Sud
En 2008, la fédération Ingénieurs sans frontières a débuté une étude
sur le thème « La place des ingénieurs du Sud, leur formation et leur
insertion professionnelle dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ». Le sujet est issu d’un ensemble de questionnements des adhérents d’ISF qui, de retour des missions de terrain, se sont interrogés sur
les modalités de mobilisation de l’expertise du Sud dans les projets de
développement.
Nicolas Laurent est
délégué général
d’Ingénieurs sans frontières.
Par Nicolas Laurent
Dès le démarrage, l’idée de réaliser un travail de recherche a
été écartée. L’orientation choisie a été de donner la parole aux
ingénieurs du Sud, afin de la diffuser et de susciter un débat
dans le milieu de la solidarité internationale. Une dimension
d’éducation au développement a également été souhaitée,
en associant, aux côté des membres de la fédération, un ensemble d’acteurs à la réflexion et à la réalisation de l’étude :
Programme Solidarité Eau, Coalition Eau, Agence COOP DEC
Conseil, Division eau et assainissement de l’Agence française
de développement (AFD), Institut Régional de CoopérationDéveloppement (IRCOD) Alsace. L’étude est cofinancée par
le Fonds pour la promotion des études préalables, des études
transversales et des évaluations (F3E) et le Comité français
pour la solidarité internationale.
Plus de 200 acteurs interviewés
Le travail s’est focalisé sur trois grandes questions stratégiques : Quelles sont les pratiques de coopération dans le
domaine de la valorisation de l’expertise locale de type ingénieur ? La mobilisation de l’expertise Nord nuit-elle à l’émergence d’une expertise Sud ? Comment les politiques publiques
nationales encadrent et participent à l’émergence d’une ingénierie locale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ?
Préparées méthodologiquement par le bureau d’études belge
COTA et accompagnées sur le terrain par l’ONG ERA-Cameroun et l’Institut d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement,
trois missions au Cameroun, au Burkina Faso et au Sénégal
ont été réalisées cet été par les groupes locaux ISF Strasbourg, Limoges et Nord en binôme avec des étudiants des
pays concernés. L’équipe bénévole « eau » de la coordination
nationale d’ISF et le groupe de Lyon ont prolongé ce travail en
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France par une analyse focalisée sur la formation et les appels d’offres. Au
final, ce sont plus de 200 interviews qui ont été réalisées auprès d’ingénieurs
du Sud, de responsables de collectivités locales, d’ONG, d’entreprises, etc.
Premiers constats
Les pays du Sud sont engagés dans de nombreuses actions pour la réalisation d’infrastructures d’accès à l’eau et à l’assainissement, mais n’ont pas
défini de véritables stratégies pour la construction d’une ingénierie locale
pérenne. L’offre de formation initiale dans le domaine de l’eau et de l’assainissement est structurée d’une manière telle que ces ingénieurs sont de
plus en plus spécialisés mais parfois sans lien avec les besoins du terrain.
De plus, les collectivités locales et l’État offrent peu de possibilités de recrutement, ou à des conditions peu avantageuses. Ainsi, les compétences
de type ingénieur sont surtout implantées dans les entreprises et les ONG.
Les acteurs de la coopération décentralisée rencontrés au Cameroun et au
Burkina Faso ainsi que les ONG au Sénégal ont bien intégré la nécessité de
renforcer les compétences d’ingénierie locales, mais il subsiste dans la pratique un certain nombre de travers favorisant l’expertise Nord. Les ingénieurs
du Sud manifestent une volonté de continuer à collaborer avec des entités du
Nord tout en souhaitant avoir des accès plus ouverts aux financements et à
des expériences professionnelles au Nord.
Sur la base de ce travail et des rapports d’enquêtes, des ateliers de restitution ont été organisés au Cameroun et au Burkina Faso afin de faire émerger
une analyse et des recommandations collectives. D’autres espaces et outils
de valorisation ont été déployés et les discussions avec les pouvoirs publics
locaux ont été prolongées dans le courant de l’année 2010 ; début 2011 sera
publié le bilan de l’ensemble.
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Éducation et développement :
quelle place pour la laïcité ?
Si l’éducation est depuis longtemps reconnue comme un enjeu majeur
de la solidarité, on peut la concevoir de diverses façons, d’une conception utilitariste où elle est un simple instrument de l’accès au marché de
l’emploi à une vision plus large du développement des sociétés, centrée
sur l’émancipation des personnes. Le modèle de la laïcité a ici quelque
chose à dire. Mais de quelle façon ?
Roland Biache est délégué
général de Solidarité
Laïque, une association
de solidarité internationale
régie par la loi 1901,
reconnue d’utilité publique
depuis 1990 et qui
regroupe 55 organisations
(associations, coopératives,
mutuelles, syndicats) liées à
l’enseignement public.
Entretien avec Roland Biache
Quelle place prend l’éducation dans les actions menées au
sein de Solidarité laïque ?
Solidarité laïque est un collectif regroupant cinq familles d’acteurs : mutuelles, coopératives, syndicats, associations, et désormais fondation. Nous menons des actions de solidarité dans
le monde, mais aussi en France, avec comme enjeu d’élargir
notre périmètre aux classes sociales réellement défavorisées.
Au départ, le collectif s’est constitué pour répondre à des situations d’urgence, mais après 1981 nous avons pérennisé la
structure et la coopération pour le développement est alors devenue notre principale priorité.
Dans cette perspective, l’éducation est un enjeu fondamental. Pour nous, cela correspond à notre « culture », mais c’est
également un droit reconnu comme tel par plusieurs textes internationaux, et un problème considéré comme central dans
le champ du développement. On peut en effet affirmer que
l’éducation est la clé du développement humain et social, et
par extension du développement économique. Cela reste par
ailleurs une urgence : il reste aujourd’hui 800 millions d’analphabètes dans le monde, dont une majorité de femmes, et cela
pèse énormément sur leur capacité à améliorer leur situation,
que l’on parle d’accès au travail ou à la santé.
L’éducation apparaît en fait à la fois comme un objectif en soi,
avec l’idéal d’une éducation de tous et toutes tout au long de
la vie, et comme un moyen : c’est-à-dire un levier du développement, mais aussi un instrument essentiel de lutte contre
les inégalités. Car de plus en plus, cet enjeu des inégalités se
révèle primordial, dans nos sociétés comme dans les pays en
développement où la richesse existe mais se trouve confisquée
par une minorité.
Au demeurant la question se pose aussi au Nord : l’école publique ne parvient plus à assurer l’égalité des chances pour
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toutes et tous, et l’ambition de promouvoir un système public fort au Sud peut
impliquer de le repenser ici aussi.
Enfin, l’éducation est dans le contexte du développement un axe transversal,
permettant l’accès aux « capacités », pour utiliser le vocabulaire d’Amartya Sen : capacités des personnes, mais aussi des collectifs. Nous parlons
« solidarité », car il nous semble important d’insister sur cette capacité des
populations.
Cette sensibilité à la capacité des différents acteurs correspond aussi
à votre mode d’action.
Absolument, car Solidarité laïque est un « ensemblier » : nous ne menons
pas d’action directe, mais nous soutenons et fédérons les actions de nos
membres, en axant notre travail sur la coopération : à la fois entre acteurs du
Nord, et avec les acteurs du Sud (y compris à l’Est).
Chacune de nos organisations membres a en effet sa propre activité, et plus
précisément sa propre compétence ; elle a aussi ses propres réseaux de
partenaires locaux. Mais bien souvent les projets ne prennent sens qu’en articulant diverses actions. Se pose alors la question d’une culture commune,
d’une coordination des actions et des compétences. C’est là que nous intervenons. C’est une activité qui relève de la gestion de projet, mais qui met
aussi en jeu des procédures démocratiques.
Ce fonctionnement en commun est assez récent, il a commencé à émerger il y a une dizaine d’années. Il correspond à une maturation de notre
organisation, mais aussi et plus profondément des façons de concevoir les
actions internationales. Cela nous permet de développer des actions plus
cohérentes, plus globales. Et aussi, ce qui n’est pas indifférent, de faire poids
et de gagner en crédibilité auprès des bailleurs de fonds. Cela a d’ailleurs
amené une certaine répartition des rôles entre nos membres : certains se
situent davantage en appui, en collecteur, d’autres agissent en direct.
Un enjeu essentiel est de renforcer la société civile, en l’aidant à se structurer. La formule « faire société », aussi bien au niveau local qu’au niveau
global, prend ici tout son sens.
La laïcité affichée dans votre nom est-elle toujours un enjeu fort ?
Oui, dans la mesure où d’autres acteurs du développement se situent clairement dans un registre confessionnel : je pense par exemple aux évangélistes, très dynamiques en ce moment. Mais il faut aussi reconnaître que
dans certains pays cela peut aussi nous poser des problèmes. De fait, l’imaginaire de la laïcité à la française peut passer difficilement, parfois. Il serait
peut-être judicieux de reformuler certaines assertions d’une façon moins
marquée, tout en conservant l’essentiel, en insistant par exemple sur la liberté de conscience.
J’observerai à cet égard que si nous sommes aujourd’hui relativement bien
outillés sur le plan opérationnel, nous avons un travail à faire pour faire passer un message cohérent, à la fois fort et lisible, sur ce que peut signifier
le vivre ensemble pour les porteurs de la laïcité. Nous ne sommes pas aujourd’hui en capacité de diffuser un message puissant dans le domaine de
cet « art de vivre » en société à tous les niveaux.
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C’est un enjeu des prochaines années. Cela demandera une réelle réflexion
collective, afin de permettre l’émergence d’une parole qui ne se réduise pas
à la caricature qu’on peut entendre ici et là. Cette réflexion nécessaire n’est
pas qu’une question de communication : en interrogeant la meilleure façon
de faire rayonner nos idées, elle peut appeler à les reformuler dans un langage contemporain qui ne soit pas la phraséologie, parfois incantatoire, de la
Troisième République. Car il faut comprendre que celle-ci est associée à la
colonisation, à un universalisme en réalité très franco-français et aujourd’hui
un peu daté, alors qu’il a une place à prendre sous des formes plus appropriées.
L’enjeu de la laïcité pourrait aujourd’hui se formuler en termes de coexistence
et de respect, véhiculant l’intérêt général, car c’est précisément la force des
sociétés laïques. Nos programmes doivent démontrer que l’état d’esprit des
organisations laïques permet de faire travailler ensemble des gens différents,
en considérant que les différences existent mais qu’il y a d’abord un espace
commun fait de ce qui peut être partagé. C’est le cœur de nos pratiques ; cela
devrait être porté plus nettement dans notre discours.
Propos recueillis par Richard Robert
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L’enseignement supérieur
est-il encore le parent pauvre
du développement ?
La place accordée à l’enseignement supérieur apparaît comme un révélateur des stratégies de développement menées depuis une soixantaine
d’années. L’exemple de l’Afrique francophone montre les ambiguïtés
des politiques successives et des représentations qui les sous-tendent.
Il permet aussi d’analyser les enjeux d’un secteur aujourd’hui en plein
développement… et en pleine crise.
Aujourd’hui responsable
Afrique et Turquie à
Sciences Po, Capucine
Edou a été chargée de la
coopération universitaire
avec l’Afrique au
ministère des Affaires
étrangères, consultante
à la Banque mondiale
(programme Knowledge for
Development) et consultante
à l’Agence spatiale
européenne (stratégie
Afrique).
Entretien avec Capucine Edou
Pourriez-vous esquisser brièvement l’histoire de la coopération universitaire en Afrique ?
Il faut tout d’abord noter les différences entre l’Afrique francophone, anglophone, et lusophone, avec l’héritage encore sensible aujourd’hui des modèles de colonisation, qui ont donné
lieu à différents modèles de coopération. En Afrique francophone, la politique avant les indépendances était de former des
élites en métropole, ce qui était moins le cas dans les colonies
britanniques. Après les années 1960, cette politique a perduré,
pour des raisons pratiques tout d’abord (les pays décolonisés n’étaient pas encore en capacité de tout assurer par euxmêmes), mais aussi stratégiques – la coopération était aussi un
moyen de conserver des liens forts et une influence en Afrique.
Parallèlement, on a commencé à développer des systèmes
d’enseignement supérieur locaux. Deux ou trois universités
existaient déjà avant 1960 (Dakar, Antananarive) ; avec l’indépendance, chaque pays s’est doté d’une université nationale.
L’enjeu, avant et après, est resté fondamentalement le même,
et c’était aussi au demeurant celui de l’université française à
l’époque : former des fonctionnaires.
L’enseignement universitaire en Afrique noire est par ailleurs
marqué par la pratique des langues coloniales, pour des raisons
diverses : héritage et formation des premiers enseignants, existence de plusieurs langues nationales, mais aussi tout simplement lien entre ces langues et la culture écrite. Cela n’est pas
sans incidence en termes de structuration, de vision du monde.
Le seul contre-exemple est celui de l’Éthiopie, ancienne colonie
britannique qui disposait d’une langue nationale écrite et a développé un système universitaire dans cette langue.
Les années 1970 ont vu une inflexion de la culture universitaire,
avec l’influence des visions développementalistes et l’introduction de disciplines techniques : agronomie, urbanisme. Cela
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s’est fait sous la forme d’institutions spécialisées ou plus simplement à travers des facultés au sein des universités nationales. Il faut noter la création
d’écoles interétatiques sur des disciplines comme l’agronomie (en HauteVolta, aujourd’hui Burkina-Faso), l’enseignement vétérinaire (Dakar au Sénégal), l’urbanisme (Lomé au Togo), ainsi que la statistique (deux écoles,
aujourd’hui trois).
Mais l’émergence de ce modèle est littéralement brisée par les plans d’ajustement structurel des années 1980, qui en mettant les États au régime sec
ont dépecé l’université publique. Il faut noter à cet égard que si d’autres
secteurs, comme la santé, ont été mieux préservés, cela tient en partie au
fait qu’ils étaient soutenus par des agences onusiennes comme l’OMS qui
étaient capables de faire contrepoids à la banque mondiale et au FMI, alors
que l’Unesco n’a jamais été considérée comme une institution stratégique.
Les résultats des plans d’ajustement structurel ont été immédiatement sensibles en termes d’enseignement, avec une montée de l’analphabétisme.
Les politiques suivies n’ignoraient pas la question de l’éducation, mais au
nom de la restriction des dépenses publiques promouvaient des modèles
pédagogiquement inadaptés. Par exemple, plutôt que de payer et former
des enseignants, on considérait que l’enjeu étant d’abord d’alphabétiser, une
personne sachant lire et écrire au sein d’une communauté villageoise pouvait s’en occuper. Sur le papier, cela peut marcher et cela ne coûte rien ou
presque ; sauf que la qualité s’en ressent, et dix ans après il ne reste rien d’un
enseignement pratiqué dans ces conditions.
Cela étant à partir des années 1990 et plus encore après les Objectifs du
millénaire pour le développement (2000), l’éducation est peu à peu reconnue
comme un enjeu stratégique ; des conférences sont organisées, le taux de
scolarisation augmente. On peut certes relever la vision utilitariste qui soustend cet enjeu : l’éducation est vue comme un instrument d’accès à la santé,
à l’emploi, etc. Reste que la machine semble lancée.
Où en est-on aujourd’hui ?
Palier par palier, l’accès de franges plus larges des jeunes générations au système scolaire a contribué à augmenter l’accès à l’enseignement supérieur, ce
qui est évidemment une bonne nouvelle mais ne va pas sans problème. Sans
qu’on puisse parler de massification comme dans les universités du Nord, le
taux d’accès au supérieur atteint désormais 5 à 6 % en moyenne pour une
génération et cela se traduit par des classes surpeuplées et des structures à
la limite de l’explosion, aussi bien en ce qui concerne l’enseignement proprement dit qu’en ce qui concerne les infrastructures (aujourd’hui délabrées) et
l’accompagnement social des étudiants (bourses, foyers).
La réponse publique a été d’une part le développement de pôles régionaux
(avec souvent une spécialisation locale et une orientation vers les métiers :
par exemple en Casamance un pôle consacré à l’agronomie), et d’autre part
une explosion de l’enseignement supérieur privé. Ce phénomène recouvre
des structures très diverses, de la pure et simple arnaque à des établissements très sérieux, qui ont réussi à recruter une partie des enseignants talentueux et sous-payés de l’université publique.
Les gouvernements croient en l’enseignement supérieur et un imaginaire
méritocratique reste vivant en Afrique noire, avec des bourses. Mais l’aide
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internationale n’a pas toujours été en phase avec cette ambition : l’idée a
longtemps prévalu que les étudiants pouvaient se former à l’étranger, dans
les anciennes métropoles. On est aujourd’hui en train d’en sortir mais vu
l’état de l’université publique force est de constater que les bailleurs de fonds
s’intéressent de près au privé.
Qu’en est-il de la politique française en direction des universités ?
La France est sans doute le seul pays à avoir soutenu constamment le système d’enseignement supérieur public de ses anciennes colonies : à côté
des bourses offertes aux étudiants pour venir en France, il y avait des subventions aux établissements ou à certains laboratoires, qui ont contribué à
faire vivre certaines structures.
Mais la création de l’AFD a marqué une étape, car le supérieur ne fait pas
partie de ses attributions : il est géré directement par le ministère des Affaires
étrangères. Et c’est un ministère dont les crédits diminuent… donc les budgets sont menacés.
Par ailleurs, la doctrine de l’AFD est assez largement intégrée à celle de
l’Union européenne aujourd’hui, et ce multilatéralisme pose quelques problèmes. Car la réflexion stratégique est marquée par le poids des lobbies, et
en gros c’est la Banque mondiale qui en donne le « la ». On est donc dans
un univers de pensée marqué par des conceptions utilitaristes, et une version
assez étroite, marchande, du développement. Des fonds peuvent certes être
attribués dans le cadre plus intéressant intellectuellement de la francophonie
(via l’Association universitaire de la francophonie, et par ailleurs l’AFD continue à pratiquer du financement bilatéral. Mais comme il n’entre pas dans ses
attributions de financer le supérieur public, elle ne peut attribuer de fonds
qu’au privé. On est donc aujourd’hui dans une situation où l’aide publique
tend à se concentrer sur des établissements privés.
Propos recueillis par Richard Robert
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Petit lexique du développement
AFD : Agence française de développement. Organisme français, ayant
à la fois le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial et d’institution financière spécialisée, qui d’une part finance des
projets de développement économique et social dans de nombreux pays
en développement en tant qu’opérateur pivot du dispositif français d’aide
publique au développement, et d’autre part assure la promotion de l’économie de la France d’outre-mer.
Aide au développement *: Le Comité d’aide au développement (CAD)
de l’OCDE, qui coordonne et comptabilise l’aide au tiers-monde des
pays capitalistes développés, distingue «l’aide publique » des « autres
apports » et réserve l’appellation « aide » à la seule Aide publique au
développement (APD). Celle-ci comprend les dons et les prêts du secteur
public lorsque les prêts sont assortis de conditions de taux, de durée ou
d’amortissement préférentiels par rapport au marché.
Banque mondiale * : Institution financière internationale conçue à Bretton Woods en 1944 et destinée à promouvoir, par son aide financière
et technique, le développement économique des pays membres et plus
particulièrement des pays en voie de développement. Elle comprend en
fait 3 institutions : la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction
et le développement) fondée en 1945, l’AID (Association internationale
pour le développement) fondée en 1960 dont les prêts sont réservés aux
pays les plus pauvres et la SFI (Société financière internationale) fondée
en 1965, spécialisée dans le financement des entreprises privées.
IDH : L’Indice de développement humain est un indice statistique composite, créé par le Programme des Nations unies pour le développement
(PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des
pays du monde. L’IDH se base sur trois critères majeurs : l’espérance de
vie, le niveau d’éducation et le niveau de vie.
OCDE *: Organisation qui prend, en 1961, la suite de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique) créée en 1948 pour gérer
l’attribution de l’aide Marshall. Elle regroupe 34 pays. C’est un organisme
de concertation et d’étude qui publie de nombreux rapports sur la situation économique d’ensemble et sur les différents Etats membres.
PNUD : Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)
fait partie des programmes et fonds de l’ONU. Son rôle est d’aider les
pays en développement en leur fournissant des conseils mais également
en plaidant leurs causes pour l’octroi de dons. C’est ainsi que ce programme travaille en collaboration avec de nombreux autres programmes
comme l’Onusida et d’autres organisations internationales (OMS...)
Sous-développement *: Etat d’une société dont les caractères économiques, sociales, politiques et culturelles l’empêchent d’assurer à l’ensemble
des individus qui la composent la satisfaction des besoins fondamentaux de
la personne humaine. Le sous-développement est donc un phénomène complexe tant dans ses caractéristiques que dans ses facteurs.
* Dictionnaire
d’économie et de
sciences sociales,
Nathan.
Tiers-monde * : Ensemble des pays en voie de développement et dont
les problèmes ne sont ni ceux des pays développés à économie de marché ni ceux des pays socialistes développés, deuxième monde historiquement constitué. Malgré des caractéristiques communes, les pays du
Tiers-monde manifestent une diversité importante.
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Des sites
Coordination Sud : la coordination nationale des ONG françaises de
solidarité internationale : www.coordinationsud.org
CRID : Centre de recherche et d’information pour le développement.
Collectif de 53 associations françaises de solidarité internationale :
www.crid.asso.fr
Ritimo : réseau d’information et de documentation spécialisé sur la solidarité internationale et le développement durable : www.ritimo.org
AFD : Agence française de développement : www.afd.fr
Une biblio
A lire
Marc Lévy (dir.), Comment réduire pauvreté et inégalités. Pour une
méthodologie des politiques publiques (IRD-Karthala, 2002)
Zaki Laïdi, Enquête sur la Banque mondiale (Fayard, 1989), Le Monde
selon Obama (Stock, 2010)
Gilbert Rist, Le Développement. Histoire d’une croyance occidentale
(Presses de Sciences Po, 1996, 2001, 2007)
L’Ecologiste, Défaire le développement, refaire le monde (numéro spécial, hiver 2001)
A consulter en ligne
Pierre Jacquet, Emmanuel Comolet, L’aide au développement, un
instrument pour la gouvernance mondiale ? (Annuaire franbçais de
relations internationales, 3 février 2010) : www.afri-ct.org/L-aide-au-developpement-un
Le dernier Rapport sur les pays les moins avancés de la Conférence des
Nations unies sur le commerce et le développement (Genève) : «Vers
une nouvelle architecture internationale du développement pour les
PMA» : www.unctad.org/fr/docs/ldc2010overview_fr.pdf
Pourquoi l’Agence française de développement s’est-elle rapprochée
des ONG ? : www.afd.fr/jahia/Jahia/home/Presse/portraits/3QuestionsCatherine-Bonnaud
Stratégies de l’Union européenne en faveur du développement :
http://europa.eu/pol/dev/index_fr.htm
Déclaration de Paris sur l’aide au développement (2005) et programme
d’action d’Accra (2008) : www.oecd.org/dataoecd/53/38/34579826.pdf
Les objectifs du millénaire sur le développement (Nations unies) et
leur mise en œuvre (rapport 2010) : www.un.org/fr/millenniumgoals/
Le Sommet mondial sur l’éducation (Qatar, décembre 2010) :
www.wise-qatar.org/en/Summit/Summit-2010/Programme-2010
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Questions
1/ Près de 1,5 milliards de personnes vivent dans une pauvreté extrême. Ce qui signifie…
r A : Qu’elles n’ont pas la télévision
r B : Qu’elles vivent avec 1 dollar par jour
r C : Qu’elles ne touchent aucune aide de l’Etat
2/ Combien de personnes souffrent de sous-alimentation ?
r A : 850 millions
r B : 1 milliard
r C : 2 milliards
3/ 72 millions d’enfants ne vont pas l’école. Parmi eux, combien de filles ?
r A : 25 millions
r B : 45 millions
r C :Toujours à se plaindre
4/ Combien un enfant né dans un pays en voie de développement a-t-il de probabilité de
mourir dans ses 5 premières années par rapport à un enfant né dans un pays industrialisé ?
r A : 3 fois plus
r B : 7 fois plus
r C : 13 fois plus
5/ Combien de personnes meurent du Sida chaque jour ?
r A : 3 500
r B : 5 500
r C : 7 500
6/ Quelles sont les caractéristiques des bidonvilles urbains ?
r A : Le manque d’eau
r B : Le manque d’hygiène
r C : Le manque de maisons
7/ Combien de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ?
r A : 500 millions
r B : 700 millions
r C : 900 millions
8/ Combien d’hectares de forêt sont-ils perdus par an ?
r A : 5 millions
r B : 10 millions
r C : 13 millions
9/ Depuis 1990, les émissions mondiales de CO2 ont…
r A : Diminué
r B : Augmenté
r C : Muté
10/ Les objectifs du millénaire pour le développement sont au nombre de 8. Quels sont les
deux premiers ?
r A : Etendre le grand capital et éradiquer les pauvres
r B : Réduire l’extrême pauvreté et la faim de moitié et assurer l’éducation primaire pour tous
r C : Développer les traitements contre le Sida et assurer un environnement durable
11/ Combien représente l’aide publique au développement pour les pays développés ?
r A : 0,5% de leur PIB
r B : 0,7% de leur PIB
r C : Beaucoup trop
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Réponses
1/ Réponse B. Ce sont les personnes vivant avec moins d’1,25 dollar par jour. 2,8 milliards de personnes, soit près de la moitié de la population mondiale, vivent avec moins de 2 dollars par jour.
2/ Réponse A. Près de 840 millions souffrent de sous-alimentation, selon l’Organisation des Nations
unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Plus de 25 000 personnes meurent chaque jour de
sous nutrition (état de manque important de nourriture entraînant des carences nutritionnelles, et pouvait entraîner des dommages irréversibles jusqu’à la mort). La malnutrition (qui associe une dimension qualitative) concerne près d’un milliard d’individus (925 millions).
3/ Réponse B. 72 millions d’enfants ne vont pas à l’école, selon l’Unesco (100 millions selon l’Unicef
d’après une méthode de calcul différente). 44 millions sont des filles. Un chiffre qui a tendance à diminuer.
4/ Réponse C. 13 fois plus. En 2006, le nombre de décès chez les enfants de moins de 5 ans est
passé sous la barre symbolique des 10 millions à 8,8 millions (2008). Les causes principales de mortalité infantiles sont la pneumonie, les diarrhées, la malaria et la rougeole.
5/ Réponse B. Chaque jour, près de 7 500 personnes sont contaminés par le VIH et 5 500 meurent
du SIDA. Au total, 33 millions de personnes vivent avec le VIH/SIDA.
6/ Réponse A. L’absence de systèmes améliorés d’assainissement et le manque d’eau sont deux
des principales caractéristiques des bidonvilles urbains. A cela s’ajoutent le manque d’électricité et de
gestion des déchets.
7/ Réponse C. 884 millions de personnes n’ont toujours pas accès à une eau potable dans le monde.
2,6 milliards d’individus sont démunis d’installations sanitaires. 5 millions de personnes meurent
chaque année de maladies liées à l’eau insalubre (choléra, diarrhée, hépatite, typhoïde..).
8/ Réponse C. 13 millions d’hectares de forêt ont été perdus par an durant la 1ère décennie du
20ème siècle, avec une perte de puits de carbone et des incendies qui ont contribué pour 18 à 25%
des émissions de gaz à effet de serre.
9/ Réponse B. Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 35% en 2007 par rapport à 1990.
Les pays riches y contribuent toujours le plus, avec environ 12 t/habitant de CO2 émis par an contre
une moyenne de 3 t/an dans les régions en développement. En 2007, les émissions au niveau global
s’élevaient à 30 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2).
10/ Réponse B. Parmi les 8 objectifs du millénaire pour le développement dans l’ordre : Réduire l’extrême pauvreté et la faim de moitié, assurer l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des
sexes et l’autonomisation des femmes, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé maternelle,
combattre le sida, le paludisme et les autres épidémies, préserver l’environnement et mettre en place
un partenariat mondial pour le développement.
11/ Réponse A. Les pays de l’OCDE consacrent en moyenne 0,45% de leur PIB à l’aide publique
au développement. Il y a plus de 30 ans, les pays s’étaient engagés à consacrer 0,7% de leur PIB à
l’APD.
Le dossier du mois
décembre 2010
43
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