Dossier "Le sport peut-il tenir ses promesses sociales ?"

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Dossier "Le sport peut-il tenir ses promesses sociales ?"
Le dossier du mois
juin/juillet 2010
Le sport peut-il tenir ses promesses sociales ?
Retrouvez les avis des experts et des acteurs qui font le débat.
Le sport-spectacle et ses dérives écornent l’image
d’un sport inconditionnellement vertueux.
Il est vrai que la pratique sportive n’est pas exempte
de lacunes, d’excès et d’injustices.
Alors dans quelle mesure le sport peut-il répondre aux
missions éducatives, intégratrices, citoyennes et même
humanistes qu’on lui attache ? On sous-estime sans doute
les avantages d’un monde professionnellement organisé,
et dynamisé par des politiques publiques ; mais ce monde
dispose-t-il d’une vraie capacité de peser sur le réel ?
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Le sport peut-il tenir ses promesses sociales ?
Sommaire
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Introduction....................................................................... 3-4
Enjeux............................................................................... 5-6
Points de vue.................................................................... 7-29
Le sport, miroir des tensions des sociétés modernes
S’accomplir ou se dépasser ? Lecture d’Isabelle Queval
par Richard Robert .................................................................................. 8-9
Le culte de la performance. Lecture d’Alain Ehrenberg
par Richard Robert................................................................................... 10-11
Le sport, expression du « biopouvoir » ?
Le regard de Michel Foucault
par Richard Robert................................................................................... 12-13
Mythes et réalités de l’intégration par le sport
Entretien avec William Gasparini.............................................................. 14-16
Sortir des mythes pour affiner les stratégies
Violence et intégration sociale
Entretien avec Paul Cary et Jean-Louis Bergez....................................... 17-20
Intégration par le sport : et si on regardait du côté des instances ?
Entretien avec Patrick Mignon.................................................................. 21-23
Tensions discrètes sur l’économie du sport
Entretien avec Jean-François Nys............................................................ 24-26
Les métiers de l’animation entre technicité et vocation
Entretien avec Jean-Louis Gouju.............................................................. 27-29
Repères............................................................................ 30-32
Quizz................................................................................ 33-35
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Introduction
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Enjeux
Points de vue
Repères
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71 % des Français pratiquent une activité sportive, occasionnelle ou
régulière. Parmi eux, 15 millions sont des licenciés de clubs, soit 8 fois
plus qu’il y a 50 ans. Si la compétition a toujours le vent en poupe, le
sport-loisir et le sport-tourisme se développent et tendent à s’adresser
à tous. Démocratisé, le sport n’est plus le sanctuaire de la performance.
Au-delà de la pratique, le sport-spectacle, en particulier le football,
est un lieu d’expression de la fierté collective, et permet le relâchement des émotions que notre société de la performance réprouve
au quotidien. Rassembleur et porteur de valeurs citoyennes, le
sport est devenu moteur de manifestations solidaires, dont le Téléthon est la plus emblématique.
Mais cette image inconditionnellement vertueuse du sport en
dissimule les lacunes, les excès et les injustices.
Les femmes sont les grandes exclues de l’univers sportif. Les événements au féminin cherchent encore leur public. Générant moins
de fonds, leur couverture médiatique est négligeable et vice versa.
Les femmes représentent 5 % des direc­teurs tech­ni­ques natio­naux,
11 % des entraî­neurs natio­naux, et seulement 27 % des licenciés
en compétition. Dans les classes populaires, elles peinent à investir les espaces sportifs. Les garçons, eux, sont invités à canaliser
leur énergie dans les stades. Ils se doivent d’honorer le sport de
compétition, présenté comme première réponse au malaise de la
jeunesse des banlieues.
Filon surexploité par les politiques, les valeurs fédératrices et universelles du sport ne trouvent pas pour autant de relais concrets
sur le long terme.
Omniprésent, le sport est d’abord une industrie qui ne cesse
d’accroître ses marchés. Multiplication des produits dérivés ou paris
en ligne, le lobby sportif du XXIe siècle fabrique déjà ses victimes.
Loin du fantasme du sport idyllique, les dérives frauduleuses – dopage ou les matches truqués – sont les conséquences du business
vertigineux du sport de haut niveau. Outre la corruption : la violence, physique et verbale, s’invite de manière décomplexée sur
certains grands rendez-vous sportifs.
Mais le sport peut-il être meilleur que la société ? Ses enjeux économiques et éthiques cherchent toujours leur point d’équilibre.
Alors dans quelle mesure le sport peut-il répondre aux missions
éducatives, intégratrices, citoyennes et même humanistes qu’on lui
attache ? Comment permettre au sport de tenir ses promesses sociales ?
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Le monde du sport est un miroir grossissant des folies contemporaines,
du corps artificiel animé par la course à la performance à la rage de
vaincre dans un monde en proie à la compétition généralisée. Le sport
moderne est né avec la révolution industrielle ; et les valeurs humanistes prônées par l’olympisme – et mises en œuvre dans le monde associatif – ne peuvent effacer l’empreinte des origines : l’imaginaire de la
lutte et de la conquête, une forme d’élitisme, le culte de la force.
Aujourd’hui, on demande au sport à la fois trop et pas assez.
Trop parce qu’il serait vain d’imaginer qu’il puisse échapper aux
tensions qui travaillent la société contemporaine. La violence et
les discriminations, le règne de l’argent, l’imaginaire du casino
comme modèle de réussite, traversent un univers longtemps
représenté à travers les vertus qu’il défend : le mérite, l’effort,
le respect des règles.
Pas assez parce qu’on ne peut sous-estimer les avantages
d’un monde organisé professionnellement, structuré, dynamisé
par des politiques publiques : dans un tel monde il n’y a pas de
fatalité sociale, il y a des décisions, une instruction des questions et une capacité à peser sur le réel.
Un exemple peut aider à saisir cet enjeu. On sait que les sportifs
issus de l’immigration ou des Dom sont nombreux, notamment
dans le haut niveau, mais un décrochage s’opère dès qu’on
passe à la représentation politique ou aux carrières professionnelles. Est-ce une fatalité ? Pas du tout. Car la composition
des instances et les politiques de construction des parcours
professionnels offrent des possibilités remarquables pour peu
qu’on essaie de se pencher sur le sujet. C’est une question
de volonté politique ; ou – si l’on veut employer le vocabulaire
des pères fondateurs du sport moderne – c’est une question
d’exemplarité.
Plutôt que de déplorer ce qui pourrait apparaître comme un dévoiement et n’est autre qu’une rémanence, il faut en saisir les
atouts. Oui, le sport contemporain porte en lui l’héritage de différents mondes qui ne sont pas tous exemplaires. Oui, il s’est
laissé absorber dans la société du spectacle, dans le monde
des marques et des idoles, des joueurs stars qui ont perdu tout
contact avec le monde réel.
Mais ce miroir déformant de notre société, aux élites parfois
grotesques, est aussi l’un des univers les plus régulés qui
soient. Et il est animé par des acteurs et des organisations porteurs d’une vision du monde beaucoup plus structurante. C’est
une chance à ne pas laisser passer.
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Le sport, miroir des tensions des sociétés modernes
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S’accomplir ou se dépasser ?
Lecture d’Isabelle Queval
Longtemps vécu sur le mode de la souffrance, du mystère et de la mort,
le corps est désormais mieux connu. Il est aussi entretenu, soigné,
réparé. C’est cette transformation qu’analysent les travaux d’Isabelle
Queval, en s’intéressant aux multiples outils qui permettent de prendre
soin du corps aujourd’hui : la pharmacologie, la chirurgie, l’obstétrique,
la génétique, les biotechnologies, la cosmétologie, la diététique… et
bien sûr le sport. La plupart de ces outils sont investis aussi bien par
des institutions que par les individus eux-mêmes. Avec à la clé un nouveau type d’investissement identitaire, marqué par une responsabilité
particulière : maîtriser son corps, pour assurer son identité et prendre
la responsabilité de son destin. Mais cette maîtrise est marquée par des
contradictions dont l’analyse permet de mettre en relief la complexité de
ce que représente le sport dans nos sociétés.
Isabelle Queval est
philosophe, maître de
conférences à l’université
Paris Descartes et
chercheur au CETSAH
(EHESS-CNRS). Elle
a notamment publié
S’accomplir ou se
dépasser. Essai sur le sport
(Gallimard, « Bibliothèque
des sciences humaines »,
2004), Le corps aujourd’hui
(Gallimard, « Folio »,
2008) et plus récemment
Le sport. Petit abécédaire
philosophique
(Larousse, 2009).
Par Richard Robert
S’accomplir ou se dépasser (2004) interroge une tension fondatrice entre les différents modèles imaginaires qui traversent
la pratique du sport aujourd’hui. Le premier, celui de l’accomplissement, issu de l’Antiquité gréco-latine, valorise les exercices physiques et ne néglige pas l’imaginaire héroïque de l’exploit : il les inscrit dans un imaginaire spécifique marqué par le
sens de la limite et la réalisation d’une harmonie, dont la nature
offre l’exemple et que l’Homme peut contempler et chercher à
imiter. L’enjeu est alors de se réaliser, d’accomplir en soi cette
harmonie dont l’être humain porte la promesse.
Le sport moderne naît à la fin du XVIIIe siècle dans l’Angleterre
de la révolution industrielle, au sein des écoles de l’élite. Il est
conçu comme un jeu, mais aussi une formation de l’individu à
des règles sociales marquées par la compétition et la performance. Il s’inscrit dans l’idée nouvelle d’une perfectibilité de
l’Homme et de sa maîtrise sur le monde, avec l’imaginaire du
progrès et celui, inspiré par Descartes, de l’Homme « maître et
possesseur de la nature ».
Les connotations du sport se font alors morales : sa pratique
renvoie à la fois à l’exercice presque spirituel d’une amélioration de soi, et au mouvement occidental d’exploration et de
conquête du monde. « Les Lumières, écrit Isabelle Queval,
annoncent l’Homme futur, incessamment en marche vers des
contrées nouvelles, celles de la géographie, de la médecine,
vers des progrès supposés infinis. Pour prolonger ou compenser l’œuvre de la nature, il faut donc parfois, comme dans la
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médecine, aller contre nature, résolument confiant dans le pouvoir scientifico-technique ; le monde est ouvert. »
C’est dans ce contexte que l’imaginaire du dépassement de soi va se développer, autour de cette interrogation vertigineuse : et s’il n’y avait de limites
que celles qu’on se fixe à soi-même ? On ne pense plus seulement à ce que
l’Homme est, mais à ce qu’il devrait être : seul maître de son destin, cultivé,
conscient et libre.
Le sport moderne s’inscrit ainsi dans un modèle « civilisationnel » qui imprègne l’ensemble des pratiques sociales : nécessité de réussir, valorisation
du mouvement et de l’énergie, impératif d’acquérir une visibilité sociale traduisant une excellence.
Cet imaginaire du dépassement traverse l’« éducation physique » qui se développe au XXe siècle et reprend certaines des valeurs originelles issues du
monde grec. Ainsi se font jour un ensemble de tensions que l’on retrouve
aussi dans l’olympisme. S’agit-il d’être bien ou d’être mieux ? De gagner ou
simplement de participer ? De développer un corps équilibré ou un corps performant ? Un corps naturel ou un corps amélioré (par l’exercice, mais aussi
le dopage) ? De pratiquer avec mesure ou au contraire de s’engager dans la
voie du perfectionnement ?
Isabelle Queval note que cette dualité se retrouve au sein de l’Éducation
nationale entre le moment de l’éducation physique et celui du sport pratiqué
en association le mercredi ou le week-end. Mais la tension traverse en réalité l’ensemble des institutions qui encadrent et animent la pratique sportive.
Car aucun des acteurs institutionnels n’admet laisser de côté les valeurs de
l’équilibre et de la mesure. Aucun, non plus, ne peut délaisser l’imaginaire
du dépassement de soi, qui prend figure de symbole social, et dans cette
fonction symbolique, capte tous les regards pour devenir un enjeu politique
et économique.
Alors même qu’il est de plus en plus isolé des autres pratiques, le sport de
haut niveau apparaît ainsi comme un miroir du sport de masse, et plus largement des mécanismes d’identification populaire. Il fonctionne selon les lois
du marché et incarne à la perfection les travers de la société du spectacle
dont les valeurs suprêmes sont l’apparence et la performance. Et la tension
devient palpable entre l’imaginaire du corps en bonne santé et la réalité
du dopage et des atteintes au corps : vieillissement prématuré, blessures,
conduites addictives non seulement vis-à-vis des adjuvants mais aussi des
endorphines produites lors de l’effort.
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Le culte de la performance
Lecture d’Alain Ehrenberg
Alain Ehrenberg fait jour sur ce que l’on pourrait nommer l’envers de
l’individualisme contemporain. Le culte de la performance (1991), L’Individu incertain (1995) et La Fatigue d’être soi (1998) interrogent les
évolutions des normes qui régissent la vie publique et la vie privée, en
mettant en évidence les pathologies individuelles et sociales qu’elles
contribuent à produire. Aux névroses caractéristiques de la société victorienne, où l’individu se heurtait à de nombreux tabous et interdictions,
a succédé la dépression comme maladie emblématique d’un univers
contemporain qui n’interdit plus, mais prétend au contraire libérer les
possibilités de chacun. Ce qui se révèle source d’angoisse. Le sport est
l’un des espaces sociaux où se lit le mieux ce nouvel impératif de performance, d’épanouissement et de bonheur.
Alain Ehrenberg est
sociologue, chercheur
au Centre Edgar Morin,
codirecteur du
groupement de recherche
« Psychotropes, politique,
société » au CNRS, et
directeur du Centre de
recherche Psychotropes,
Santé mentale, Société
(Cesames).
Par Richard Robert
Les années 1980 ont été marquées par la percée sur la scène
publique de figures de battants, d’entrepreneurs, d’aventuriers,
de sportifs, autour desquels s’est institué un imaginaire de la
performance qui est devenu l’horizon de l’époque. Alain Ehrenberg observe avec acuité trois déplacements qui attestent cette
évolution : la promotion de la consommation, celle de l’entreprenariat, mais aussi la façon dont les champions sportifs, longtemps associés dans l’espace public à des formes d’arriération
populaire, sont devenus des symboles d’excellence sociale.
L’institution d’un « culte de la performance » passe ainsi par
« de nouvelles mythologies permettant à chacun de s’adapter à une transformation majeure : le déclin de la discipline au
profit de l’autonomie. Épanouissement personnel et initiative
individuelle sont les deux facettes de cette nouvelle règle du
jeu social. »
L’individu contemporain se construit ainsi en référence à des
idéaux marqués par la mobilité, l’énergie, la performance. L’autonomie qu’on exige de lui dans le domaine public (sur le marché du travail par exemple, où il est incité à se « prendre en
main ») prend ses appuis dans le domaine privé. Dans les deux
domaines, il est confronté à un univers mouvant et morcelé.
On ne lui demande plus d’obéir aux règles mais de construire
sa réussite sur des ressources à développer : savoir communiquer, négocier, se motiver, gérer son temps. L’individu se voit
ainsi enjoint de se produire lui-même. La simple normalité ne
saurait suffire, elle garantit au mieux une chute plus lente : il
s’agit d’être dynamique.
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La performance sportive apparaît ainsi comme l’un des horizons imaginaires
de ce monde où la conformité ne suffit pas et où pour survivre (professionnellement, amoureusement) il faut « se dépasser » et donner le meilleur de soimême. À l’individu qui se contentait de tenir sa place, se substitue l’idéal d’un
« individu-trajectoire à la conquête de son identité personnelle et de sa réussite sociale, sommé de se dépasser dans une aventure entrepreneuriale ».
Le revers de ce modèle est évidemment la fragilisation des personnes, tendues « entre conquête et souffrance » et toujours menacées de ne pas faire
assez. C’est ce que suggère l’évolution de la notion psychiatrique de dépression, avec le passage de pathologies caractérisées par le conflit entre désirs et morale à une dépression traduisant un manque d’énergie et de désir.
Manque auquel seront données des réponses pharmaceutiques, des simples
vitamines aux traitements plus lourds.
Là encore, l’univers du sport apparaît comme un miroir grossissant de ces
évolutions sociétales. La diffusion généralisée de techniques d’action sur
soi au travers des drogues et des psychotropes apparaît ainsi comme un
symptôme supplémentaire des troubles de la capacité à agir. Chacun est
appelé à s’appuyer sur lui-même pour construire sa vie, l’inventer, lui donner
un sens… Mais la mise en œuvre de cet idéal d’autonomie – issu des Lumières et fondateur de la culture moderne – se révèle douloureuse. Les élites
et les artistes furent les premiers à se construire autour de cette « obligation
d’incertitude » et de mouvement. Mais ce mode d’existence est aujourd’hui
celui de tout le monde, définissant aussi bien la bohème chic que la galère.
Partout l’expérience, l’authenticité, la subjectivité, la communication avec soi
et avec l’autre sont érigées en valeurs centrales, « qu’il s’agisse de trouver
Dieu ou un emploi ». Des questions qui relevaient jadis de l’action collective
sont désormais prises en charge par les individus. Cette liberté est un poids
qui peut se révéler écrasant.
Alain Ehrenberg, à la suite du sociologue anglais Anthony Giddens, met en
relation cette évolution avec le caractère égalitaire de la culture moderne :
« Tous peuvent, a priori, entrer en compétition avec tous. » Mais cette égalité
idéale se heurte à la réalité des inégalités et de la résilience des hiérarchies
sociales.
Le sport vient offrir une résolution symbolique à cette contradiction, en mettant en scène le triomphe d’un individu qui va sortir de l’anonymat par sa valeur et ses efforts. N’importe qui peut devenir quelqu’un. Au modèle d’action
privilégié par l’imaginaire de la performance, le sport offre ainsi un modèle
de justice (la compétition). Ehrenberg parle d’une « illusion réaliste », dont la
fonction est de résoudre un des dilemmes centraux de la condition démocratique : cette tension jamais résolue entre égalité de principe et inégalité de
fait. La compétition sportive dénoue cette tension.
D’où la popularité du sport ! Il parvient à réaliser dans l’ordre symbolique ce
que le politique échoue à faire advenir dans le réel : la prise de l’individu sur
son destin, la réussite d’un anonyme qui réalise la promesse faite à tous, et
qui est, enfin, « à la hauteur ». C’est de cette fiction réelle que le spectacle
nous est donné : réalité de la compétition, qui vient donner corps à ce que
nous vivons, fiction de la réussite qui parachèverait et accomplirait la quête
impossible de la valeur et de l’identité personnelles, promises à tous.
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Le sport, expression
du « biopouvoir » ?
Le regard de Michel Foucault
Les travaux de Michel Foucault ont exploré les voies multiples par lesquelles une société classe, distingue et contraint les objets de la nature.
Parmi ceux-ci, les êtres humains, qui sont au croisement du monde naturel et de celui de la culture. Chaque époque invente ainsi un ordre
du corps. Prescriptions médicales, regard théologique et canons esthétiques modèlent les corps et leur représentation, en dessinent les
usages, distinguent le beau et le laid, le convenable et l’indigne, le normal
et l’anormal. La sexualité est depuis la nuit des temps au centre de ces
ordonnancements. Mais l’âge moderne voit l’extension systématique et
raisonnée de ce régime à l’ensemble des pratiques corporelles. C’est ce
que Michel Foucault désigne dans La volonté de savoir, en 1976, par le
terme de « biopouvoir ». Ce moment historique est précisément celui où
la notion moderne de sport fait son apparition.
Par Richard Robert
Le « biopouvoir » peut être décrit comme un intérêt inédit et
systématique du pouvoir pour le vivant. Le « pouvoir » est ici
entendu au sens large : l’ensemble des dispositifs qui instituent
et régissent une société. Un ordre légal, médical, moral, religieux, alimentaire, mais aussi plus profondément un ordre du
discours.
L’âge moderne, qui promeut la liberté et proclame l’émancipation des individus, est aussi celui où l’ordre du discours change
de forme et finalement resserre son emprise sur le vivant. Foucault observe que le pouvoir du souverain, traditionnellement,
était essentiellement un droit de retirer la vie ou d’empêcher
certaines pratiques ; un pouvoir négatif, en somme. À l’inverse,
le pouvoir moderne s’est fait de plus en plus gestionnaire,
s’enrichissant de fonctions nouvelles : fonctions d’incitation,
de renforcement, de contrôle et de surveillance, fonction de
majoration et d’organisation, fonctions productrices donc, qui
ont permis de réguler, de gouverner et de contrôler le vivant.
« La vieille puissance de la mort où se symbolisait le pouvoir
souverain est maintenant recouverte soigneusement par l’administration des corps et la gestion calculatrice de la vie », écrit
Foucault dans La volonté de savoir.
La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe voient ainsi le développement d’un ensemble de techniques spécifiques de contrôle
des corps. Dans Surveiller et punir (1975) Foucault repère ainsi
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une « anatomo-politique », qui consiste dans la mise en place, au sein des
institutions de l’État mais aussi plus tard dans les usines, de techniques de
dressage des corps. On passe ainsi du contrôle social archaïque, qui en
appelait à la tradition et à la religion, à des formes scientifiques dont l’enjeu
est un contrôle rationnel. L’ordre nouveau des armées, le chronométrage des
gestes dans les usines, les techniques du recensement et les prescriptions
de l’hygiène, inscrivent en quelques décennies la vie humaine dans un cadre
nouveau. Casernes, prisons et hôpitaux en sont les lieux privilégiés mais
n’apparaissent que comme les figures les plus visibles d’un ordre plus global,
dont les interdits ont pour véritable enjeu de classer et hiérarchiser les individus. Les catégories du normal et de l’anormal se précisent et se renforcent
comme jamais auparavant.
Cette évolution passe notamment par l’ensemble des prescriptions médicales promouvant l’idéal d’un esprit sain dans un corps sain. Le corps nouveau doit se développer, optimiser ses ressources mais aussi canaliser son
énergie vers des fonctions productives, socialement utiles. Il doit se mettre
au diapason d’une société qui apprend à organiser ses villes rationnellement,
à en extirper la misère et la maladie. Il est appelé à refléter l’ordre nouveau.
On devine ici le mouvement qui conduira au corps glorieux et net idéalisé
dans les fascismes européens. Mais c’est dès les débuts du sport, dans l’Angleterre victorienne, que l’on peut observer une convergence entre l’idéal
du corps sportif, l’imaginaire élitiste des grandes écoles au sein desquelles
il est pratiqué (et qui donneront parfois leur nom à certains sports, comme
le rugby), et un nouveau type de discours sur la nature, celui de la sélection
naturelle. Les formes modernes du racisme, mais aussi le regard porté sur
le gras, le difforme, traduisent le développement de normes extrêmement
contraignantes dont le corps est le lieu d’exercice privilégié.
La pratique associative du sport au début du XXe siècle associe ainsi l’idée
d’assainir les corps, de purifier les esprits et de mettre en ordre la société.
Les églises et l’armée en sont des acteurs centraux, mais le sport de patronage est aussi organisé par les firmes emblématiques du paternalisme
entrepreneurial, qui se conçoit comme un ordre social : des clubs de football
comme Sochaux ou Saint-Étienne en sont des exemples bien connus. Enfin,
l’État va s’emparer de la question avec l’éducation physique pratiquée au
sein de l’Éducation nationale.
Le modèle développé par Foucault permet une description pratique des
formes instituées du sport. Mais il appelle aussi à s’interroger sur ses versions modernes, apparemment plus individualistes et libertaires. Le jogger
solitaire répond lui aussi à un programme de santé socialement édicté. Il
cherche un plaisir, mais aussi, et dans tous les sens du terme, à se maintenir
en forme.
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Mythes et réalités
de l’intégration par le sport
Le sport échappe-t-il aux tensions et aux interrogations qui traversent
la société ? On pourrait dire qu’il les déplace : il peut dans certaines
conditions être un vecteur d’intégration, mais ne fait disparaître ni le
racisme, ni les tentations communautaristes. Pour mesurer la portée et
les limites de son pouvoir intégrateur, il peut être utile de se confronter
aux faits, mais aussi d’interroger les représentations.
Sociologue, William
Gasparini est professeur
en STAPS à l’université
de Strasbourg où il dirige
un laboratoire en sciences
sociales du sport. Il a
notamment publié Le sport
dans les quartiers (avec
Gilles Vieille-Marchiset,
PUF, 2008), et parmi
ses derniers articles on
notera « La construction
du regroupement sportif
“communautaire”.
L’exemple des clubs de
football turcs en France
et en Allemagne » (avec
Pierre Weiss, in Sociétés
contemporaines,
n° 69, mars 2008).
Entretien avec William Gasparini
Le sport est-il un vecteur d’intégration ?
Les exemples de Michel Platini, Luis Fernandez ou Zinedine
Zidane, puisque l’actualité est dominée par le football, nous
suggèrent que le sport, mieux que l’économie ou la politique,
peut fonctionner comme un ascenseur social pour des jeunes
adultes issus de l’immigration. Que le sport permette à des
jeunes défavorisés socialement de trouver une reconnaissance
est une réalité.
Pour certains jeunes dotés d’aptitudes physiques, c’est dans
le sport qu’ils trouvent une promotion sociale de substitution.
Moins riches en ressources économiques et culturelles, possédant de surcroît un capital symbolique « négatif » lié à la
stigmatisation, ils peuvent trouver dans le sport de haut niveau
un espace qui reconnaît leur compétence et qui tire profit de
dispositions, qualités et savoirs pratiques valorisés dans les milieux populaires. Un moment clé de leur itinéraire est alors l’entrée en formation, qui constitue à la fois une promotion sportive
élective, marquée par un rapprochement avec l’espace strictement professionnel, et une rupture, plus ou moins nette, avec le
cadre de la pratique et la façon de jouer antérieurs. En tant que
« rite d’institution », pour reprendre une formule de Bourdieu,
le recrutement au centre de formation des apprentis footballeurs participe à la construction de la vocation, c’est-à-dire la
croyance dans le fait « d’être fait pour ça ».
Il existe donc des parcours et une reconnaissance de la réussite. Mais il ne faut pas oublier que le racisme reste présent
dans les stades et sur les terrains, et que des joueurs d’origine
étrangère peuvent très fréquemment être renvoyés à leur différence. Par ailleurs, la réussite des quelques footballeurs sélectionnés dans l’équipe de France de football, si elle contribue au
mythe du « salut social » par le sport, fait aussi écran à la réalité
de l’impasse dans laquelle se trouvent nombre de jeunes issus
de l’immigration en difficulté d’insertion socioprofessionnelle. Il
faut donc prendre garde à la dimension mythique de la représentation du sport intégrateur : elle amène, par ailleurs, à souslire la suite
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estimer les logiques de ségrégation, d’entre-soi, de ghettoïsation qui sont
aussi présents dans le monde du sport.
Comment s’est construit ce mythe ?
Il vient en droite ligne de ce que l’on pourrait nommer l’« idéologie sportive »,
promue par les pères fondateurs du sport moderne. Très tôt, dans l’Angleterre des années 1830, on a reconnu et valorisé ses vertus morales et éducatives. Norbert Elias y voit un élément du processus de la « civilisation des
mœurs », contribuant à maîtriser la violence en lui substituant des affrontements symboliques et pacifiques. Dans un registre plus critique, Pierre Bourdieu note que l’affrontement réglé des sports modernes permet l’expression
de valeurs bourgeoises comme le fair-play et le self government.
Mais on interroge peu, en définitive, le consensus autour des fonctions sociales d’un sport « naturellement » intégrateur. Cela peut s’expliquer. On
notera ainsi que le schème des vertus sociales et éducatives du sport est
suffisamment vague pour emporter une adhésion peu critique : de la pacification des banlieues à la sociabilité et la réalisation de soi, chacun peut
s’y retrouver, en quelque sorte. Et cette doxa est relayée par un « cercle de
croyants » bien plus large que les seuls représentants du mouvement sportif.
Parmi ceux-ci, on peut repérer les industriels paternalistes de la première
moitié du XXe siècle, attentifs à prévenir les tensions sociales, mais aussi les
acteurs de l’éducation. Je pense par exemple aux enseignants-promoteurs
de la « République des Sports » des années 1960, et à l’alliance formée entre
les ministres gaullistes de la Jeunesse et des Sports et les militants communistes de la Fédération sportive et gymnique du travail. Tous ont contribué à
promouvoir et consolider la vision du sport (de compétition) intrinsèquement
vertueux et éducatif. La droite républicaine et les communistes se retrouvent
pour reconnaître et promouvoir l’aspect socialisant du sport.
À partir des années 1980, dans un contexte marqué par des tensions politiques et sociales sur le modèle de l’intégration, cette vision est réactivée et
trouve une nouvelle formulation. On voit émerger des discours sur la participation du sport à la lutte contre la « crise du lien social » (notamment dans les
quartiers populaires). Le sport est convoqué, plus souvent qu’à son tour, pour
lutter contre les nouvelles exclusions sociales. Il devient « social » et les dispositifs sont désormais « sociosportifs », alors que la jeunesse des quartiers
populaires devient progressivement le groupe cible de l’action publique. Cela
fait apparaître de nouveaux acteurs. En effet, dès la fin des années 1980, un
nouvel espace politico-professionnel se structure autour de la question de
l’intégration sociale par le sport sous le double effet des politiques publiques
et des stratégies d’institutions et d’agents dont les carrières sont en partie
liées à la transformation de cet espace. Face à la concurrence des politiques
de la ville et des nouvelles politiques sportives des collectivités territoriales
(depuis la décentralisation), le ministère de la Jeunesse et des Sport trouve
ainsi dans « l’insertion » puis « l’intégration par le sport » une nouvelle compétence susceptible de perpétuer son existence. Des équipements sportifs de
proximité et des animations sportives de quartiers voient progressivement le
jour. Des éducateurs, des animateurs « sociosportifs » mais aussi des policiers font vivre cette logique. Sur un mode social, c’est bien l’idée d’une pacification déjà avancée par Norbert Elias que l’on retrouve ici.
La victoire de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde 1998
vient donner corps à une représentation qui illustre et justifie ces politiques,
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avec l’idée que la France aurait, tout au long du XXe siècle et notamment
grâce au sport, naturellement intégré des hommes issus des différentes vagues d’immigration. On a eu tendance, historiquement, à voir dans le sport
une réponse aux tensions sociales, ou du moins un espace qui y échappait. Des événements comme l’interruption du match France-Algérie en 2001
viennent rappeler que tout n’est pas si simple, et qu’il n’y a au fond guère
de raison pour que le sport échappe aux tensions qui traversent la société
française.
Désormais, on parle en effet de communautarisme, en s’en inquiétant…
Oui… et là encore le risque existe de se laisser enfermer dans des catégories toutes faites. Une solution pratique, pour un sociologue qui chercherait à
sortir de ces a priori, peut être de se décentrer. Avec Pierre Weiss, doctorant
à l’université de Strasbourg, nous avons ainsi mené une étude sur les clubs
amateurs d’immigrés turcs en Alsace et au Bade-Wurtemberg. L’existence
d’une même population immigrée dans une aire géographique relativement
homogène – mais appartenant à deux pays différents – permet de comparer
les stratégies identitaires des immigrés, leur pratique sportive ainsi que le
regard porté par la société d’installation.
On repère bien un « entre-soi sportif », avec des organisations communautaires, dans l’ensemble de cette population. Se posent alors des questions :
est-elle contrainte à cet entre-soi, du fait de discriminations par exemple.
Y est-elle disposée socialement ? Ou encore s’agit-il d’un phénomène militant ? En regardant de près, on s’aperçoit d’une grande variété de situations, qui ne se laissent pas réduire à un seul déterminant. Par exemple,
l’engagement sportif « communautaire » des Turcs semble davantage un
effet des conditions sociales d’existence et de l’origine rurale ou urbaine que
de l’ethnicité ou la seule origine turque. Et la différence saute aux yeux entre
la France et l’Allemagne, dont le modèle social admet plus facilement la logique communautaire. Pour le dire rapidement, c’est moins la communauté
que le cadre institutionnel et social qui fabrique le communautarisme. On
observera à ce propos que, pour lutter contre les discriminations et le racisme
dans le sport, des politiques publiques (qui se sont progressivement mises
en place à partir des années 1990, impulsées notamment par les instances
européennes) visent à considérer certains groupes issus de l’immigration
comme des « minorités ». Sous couvert de lutte contre les discriminations, on
assiste alors progressivement à la transformation des populations immigrées
en « minorités ethniques ». Ce qui n’est pas tout à fait la même chose !
Parler de communautarisme semble par ailleurs abusif, car il ne faut pas
confondre communautés et communautarisme. Ce dernier implique bien une
fermeture du groupe qui impose à ses membres une identité repliée sur ellemême. Nous n’en sommes pas là. Il existe bien une forme de repli, communautaire ou tout simplement sur le quartier. Cela peut s’expliquer par les
discriminations dans l’accès aux loisirs, par le racisme quotidien dont sont
victimes de nombreux immigrants ou Français issus de l’immigration, mais
aussi (et plus simplement) par le jeu des concentrations géographiques. On
ne peut attendre du sport qu’il réponde à lui seul à ces puissantes logiques
sociales.
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Sortir des mythes pour affiner les stratégies
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Violence et intégration
sociale
La violence observée dans le sport amateur est-elle en relation directe
avec des problèmes d’intégration sociale ? Les travaux de Paul Cary et
Jean-Louis Bergez invitent à nuancer ce point, en prenant en considération l’impact des formes d’organisation et le rapport à l’institution. Le
rapport à la règle et le respect de l’autre dépendent étroitement de celui
qu’on entretient avec l’organisation au sein de laquelle on pratique le
sport, et aussi des visées, sociales ou sportives, de cette organisation.
Paul Cary et Jean-Louis
Bergez sont sociologues,
le premier est maître de
conférences à l’université
Lille 3 et chercheur au
Centre de recherche
« Individus, épreuves,
sociétés » (CeRIES).
Le second est doctorant.
Ils ont notamment publié
« Violence, identité et
reconnaissance dans
le football en milieu
populaire », in SociologieS.
Entretien avec Paul Cary et Jean-Louis Bergez
Vous avez travaillé sur la violence dans le football amateur.
La situation est-elle plutôt homogène ou des différences
se font-elles jour d’un club à l’autre, ou entre le football
pratiqué dans un cadre formel et le football « au pied des
tours » ?
Votre question amène plusieurs réponses puisqu’il existe des
différences entre le football de club et celui du quotidien, et
aussi à l’intérieur même du football de compétition.
La question de la violence est bien entendu très différente
entre le football que Maxime Travert appelle de « pied d’immeuble », c’est-à-dire un football auto-organisé, et le football
de compétition. Pour le premier, il est important de mentionner
que nous ne disposons pas de données. De nombreuses enquêtes de terrain établissent néanmoins que ce football n’est
pas le cadre de faits de violence comme dans le football de
club. Pourquoi ? Parce que les participants y jouent dans un
contexte confortable, celui d’un entre-soi électif, avec des amis,
des connaissances. Les règles y sont simples et légitimes. Ainsi, lorsqu’un joueur réclame la faute, il l’obtient... On suppose
que l’ensemble des pratiquants est de bonne foi et ne va pas
abuser de cette règle.
Il n’en va pas de même pour le football de compétition, amateur
notamment. La Fédération française de football a mis en place
un Observatoire des violences qui recense moins de 1,5 fait
violent pour 100 matches. Mais on sait bien que ces données
sont très en deçà de la réalité. Elles reposent sur les déclarations des arbitres. Ainsi, les divisions les plus basses, où les arbitres sont fournis par les clubs, ne sont pas prises en compte.
D’autre part, dans le cadre du club, la violence n’est pas uniquement présente en compétition. Il peut en aller de même à
l’entraînement, avant les matchs, quand l’entraîneur annonce
la composition de l’équipe, etc. Le phénomène n’est cependant
pas homogène. Nous avons comparé deux clubs de football
de grandes agglomérations urbaines, composés de joueurs
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des catégories sociales défavorisées et les résultats étaient très différents,
avec une violence constante dans le premier et quasiment absente dans le
second. Les mécanismes de régulation interne au club jouent un grand rôle
dans ces phénomènes.
La régulation de la violence pose la question du respect des règles,
mais aussi des autorités qui les font respecter, à commencer par l’arbitre. Comment rendre compte des situations où ces autorités sont
contestées ou rejetées ?
Tout d’abord, nous avons pu observer deux situations distinctes. Dans une
des deux équipes observées, l’autorité de l’entraîneur, de l’arbitre ou du président, est respectée par les joueurs. C’est notamment parce que le groupe
est uni et se retrouve autour de normes et de valeurs communes. Par des
moments passés ensemble pendant ou en dehors des matches, des mécanismes de régulation interne s’observent. En revanche, dans l’autre club, les
joueurs rejettent les règles et ceux qui sont censés les incarner. Évidemment,
l’arbitre est au centre des tensions et il doit constamment gérer les récriminations, voire l’agressivité, des joueurs. Il hésite à sortir des cartons rouges
pour ne pas aggraver la situation. Les joueurs peuvent aussi refuser l’autorité
de l’encadrement et du président du club : on a pu voir un joueur en venir
aux mains avec celui-ci qui était venu lui dire « ses quatre vérités » après un
grave incident lors d’un match. On observe des situations invraisemblables :
un joueur peut « piquer une crise », « balancer » des sacs de sport sur le toit
des vestiaires, déchirer la feuille de match d’un arbitre, parce qu’il vient d’apprendre qu’il ne serait pas titulaire, sans que personne n’ose s’interposer,
alors que de nombreux adultes sont présents.
D’une manière générale, l’encadrement est réticent à énoncer la règle : personne ne veut incarner l’autorité, parfois par peur de représailles. Nous pensons que les joueurs rejettent le club car il est assimilé à l’ensemble des
institutions supposées produire du lien social, au même titre que l’école. Et
les encadrants ne veulent pas non plus s’assimiler à cet ordre social. Ils ne
veulent pas « en rajouter », parce qu’ils connaissent la situation sociale des
joueurs.
Vos travaux pointent, dans les situations problématiques, un déficit de
reconnaissance. Pourriez-vous préciser ?
Disons pour faire simple qu’il nous semble que les enjeux de reconnaissance sont à prendre en compte dans l’explication des violences. Reprenons
l’exemple de nos deux clubs.
D’un côté, un club qui met l’accent sur une identité collective valorisée (algérienne en l’occurrence), avec des moments partagés. De ce fait, les joueurs
se sentent valorisés : ils sont fiers d’appartenir à l’équipe et acceptent l’ensemble des normes et des valeurs du groupe. Comme les comportements
violents et délinquants sont stigmatisés par le groupe, les joueurs les proscrivent pour ne pas être mis à l’écart.
De l’autre, un club de quartier dans lequel les dirigeants ne cachent pas qu’ils
font avant tout du « social ». Les entraîneurs sont des « éducateurs », les
résultats sportifs ne sont pas primordiaux. Notre hypothèse forte est que les
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joueurs le ressentent. Ils ont l’impression qu’ils ne sont pas pris au sérieux
sportivement. D’où le problème : le football est une des rares activités dans
laquelle ils se sentent à l’aise et où ils pensent qu’ils possèdent un certain
talent, mais, même dans cette activité, ils sentent que le club fait plutôt de la
charité à leur égard et ne développe pas de logique sportive. D’une certaine
manière, l’échec s’ajoute à l’échec. La logique sociale du club renvoie donc
les joueurs à leurs échecs scolaires et professionnels. Ils ont le sentiment
que le club les considère comme des exclus et ils répondent au stigmate en
adoptant des comportements « adaptés » à cette étiquette.
Arrive-t-il que les identités sociales soient mises entre parenthèses
dans le temps du jeu, comme le voudrait un certain idéal sportif ?
Je ne suis pas très convaincu par cette représentation de l’identité comme
une valise – qu’on pourrait poser, reprendre, oublier… Mais il est en effet
important de mentionner que l’idée du football comme compétition méritocratique par excellence (comme le dit Alain Ehrenberg) continue tout de même
à fonctionner. Dans le football, finalement, tout le monde a l’impression qu’il
a sa chance.
Paradoxalement, j’ai davantage observé ce fait au Brésil et j’en ai rendu
compte dans La politique introuvable ? (2007). Lors de mes recherches à
Recife, j’ai fréquenté un terrain de basket en bord de mer dans lequel les
joueurs se retrouvaient pour des affrontements amicaux comme ceux que
l’on retrouve sur l’ensemble des espaces de jeux du monde. Ce lieu était le
théâtre d’un assez grand brassage social, regroupant à la fois des adolescents de favelas et des habitants des immeubles chics à proximité. J’y suis
resté plusieurs mois et n’ai jamais eu l’occasion d’y observer des bagarres.
On peut dire que les joueurs qui s’y rendaient privilégiaient le jeu et la légitimité de la règle était rarement contestée. C’est intéressant dans un pays
où les inégalités sociales sont autrement plus importantes qu’en France. Un
incident m’a semblé assez révélateur. Un jeune adulte de catégorie aisée a
refusé de concéder la faute à son adversaire et a commencé à s’énerver,
prenant le groupe à témoin. Après quelques minutes, l’ensemble des autres
joueurs est sorti du terrain, le laissant seul avec son intransigeance, refusant
de négocier cette règle, basée sur la confiance qui veut que la faute soit
accordée à qui la demande. Le sport peut donc effectivement refléter, en
certaines circonstances, un imaginaire égalitaire et démocratique.
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Intégration par le sport :
et si on regardait du côté
des instances ?
Alors que les minorités dites visibles sont bien représentées dans les équipes
nationales et le sport de haut niveau en général, les instances des différentes
fédérations semblent plutôt monochromes. Comment progresser ? S’il serait
naïf d’espérer une corrélation spontanée entre la démographie des sportifs
et celle de leurs représentants, le monde des responsabilités est un univers
structuré sur lequel il est possible d’intervenir. Instruire la question est alors
un préalable au passage à l’action.
Patrick Mignon est
responsable du Laboratoire
de sociologie du sport
de l’Insep où il mène des
recherches sur la sociologie
de la performance sportive
et sur le spectacle sportif.
Chercheur associé au
CESTA (CNRS-EHESS), il
est l’auteur de La passion
du football (Odile Jacob,
1998) et de nombreux
articles spécialisés.
Entretien avec Patrick Mignon
Comment expliquer la sous-représentation des personnes
issues de l’immigration dans les hiérarchies professionnelles
et politiques du monde du sport ?
Avant toute chose, nous ne sommes pas ici dans le cadre classique des difficultés d’accès aux responsabilités en entreprise ou
dans la fonction publique (tel que peut l’éclairer la sociologie du
travail). Avec le sport, on a un univers où les minorités visibles sont
présentes, un monde que les jeunes investissent et où des carrières de haut niveau sont possibles, pour ne pas dire fréquentes.
On aurait du mal à le quantifier faute d’outils adéquats, mais on le
voit nettement. De même, la représentation des personnes issues
de l’immigration ou des Dom-com dans les bureaux et assemblées
des fédérations, à la direction des clubs ou dans les rangs des
entraîneurs est particulièrement faible.
On avance mais très lentement. La question n’est pas de s’en indigner ou de s’en étonner, mais d’interroger précisément les mécanismes qui contribuent à produire cette sous-représentation.
Quand on étudie les parcours des sportifs ayant accédé à des responsabilités, on s’aperçoit qu’il existe des logiques de discrimination, discrètes mais persistantes. L’une de ces logiques consiste
à doter spontanément les gens de qualités associées à leurs origines. Ou à leur sexe, car la question se pose également pour les
femmes : l’organisation sexuée du sport explique en partie cette
situation, mais on pourrait retourner l’argument en soulignant que
précisément cela devrait conduire à davantage de parité, puisque
le genre contribue à structurer ce monde et qu’on ne peut donc pas
l’ignorer… Or, on ne compte pas plus de 10 % de femmes parmi
les dirigeants ou les élus des fédérations. Il ne s’agit pas d’incriminer le machisme ou le racisme des insiders, mais plutôt de repérer
la façon dont des représentations perdurent sans être interrogées.
Les qualités d’autorité ne sont pas spontanément attribuées aux
femmes, comme les compétences techniques ne sont pas spontanément attribuées aux personnes issues de l’immigration ou des
Dom-com.
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Deuxième phénomène, il existe au sein des instances des cycles démographiques qui font du temps institutionnel un temps long. Un mandat dure quatre
ans. Combien de temps faut-il pour grimper les échelons et parvenir au sommet
d’une fédération ? Douze, vingt ans. Les institutions prennent ainsi du retard par
rapport à la société et à ses évolutions.
Cette question, du reste, n’est pas absente de la réflexion des fédérations, mais
elle a été imposée par l’État, assez récemment, avec des logiques de contrôle et
de comptage. On peut regretter qu’elle soit arrivée de l’extérieur, ce qui n’est pas
le meilleur moyen d’en faire une priorité, et par ailleurs le caractère tardif de sa
mise à l’agenda explique en partie qu’on n’ait pour le moment que peu de résultats visibles. Mais c’est tout l’avantage d’un système où les fédérations ont une
mission de service public, que de pouvoir être soumis à certaines contraintes, à
pouvoir faire l’objet de politiques spécifiques.
Ce relatif désintérêt ne tient-il pas paradoxalement à ce que le sport est un
milieu où chacun a sa chance ?
Le discours du sport est celui du mérite : que le meilleur gagne ! Et il y a dans ce
discours l’idée d’une vérité du jeu : sur un terrain la couleur de peau ne compte
pas, seules les performances importeraient. Cet imaginaire du mérite correspond
à une réalité dans les clubs, chez les sportifs ; mais le problème est qu’on le
retrouve, intact, dans les niveaux hiérarchiques où cela fonctionne autrement.
L’imaginaire du mérite contribue en somme à aveugler le champ, à rendre plus
difficile la prise de conscience des discriminations.
Il existe un deuxième trait qui a le même effet, c’est l’importance du bénévolat : c’est une instance de légitimation très puissante dans le monde du sport,
et qui conduit à ignorer certains problèmes. Comment interroger la légitimité de
ceux qui « donnent » de leur temps. Comment mettre en cause leur capacité à
représenter ? Or, il existe une sociologie du bénévolat, qui va conduire à surreprésenter des catégories et à promouvoir des effets de réseaux, d’homogénéité, de reconnaissance mutuelle… presque de la même façon que chez les
cadres supérieurs dans les grandes entreprises, qui trouvent une partie de leurs
ressources de carrières dans l’appartenance à un milieu, à des réseaux, à la
« bonne volonté » de ceux qui peuvent se rendre à des réunions tardives (ce
qui exclut bon nombre de femmes), etc. La différence étant sans doute que les
cadres supérieurs ont davantage conscience de jouer un « jeu truqué », alors
que dans le monde des représentants, il y a une forme de bonne foi, qui peut
se révéler désarmante. Mais on est bien dans des logiques de notabilité qui font
qu’on se connaît, donc qu’on se reconnaît, et donc qu’on se fait confiance. Il n’y
a là aucune mauvaise volonté, aucune volonté de fermer le champ ; mais l’effet
produit est bien celui d’une fermeture.
Cela n’empêche que des tensions apparaissent, qui peuvent prendre une forme
générationnelle. Si l’on prend le cas des villes en croissance, par exemple, les
responsables des structures sont marqués par des formes de militantisme (politiques ou non) qui commandent l’appartenance aux cercles des décisions bien
qu’elles correspondent moins au profil des nouveaux entrants, et plus généralement des licenciés.
Comment sortir des logiques de cooptation ?
La science politique et les arts du management ont depuis longtemps donné des
outils pour favoriser la diversité. L’un d’entre eux est par exemple le scrutin de
liste, dont on sait qu’il favorise une meilleure représentation de la diversité. Et
cette représentation est essentielle car elle peut en retour favoriser des vocalire la suite
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tions : si je vois qu’il y a parmi les responsables des gens qui me ressemblent, je
peux plus facilement me dire : « pourquoi pas moi ? »
Sur ce point on progresse – lentement, mais on progresse. Un autre outil serait
de changer d’optique et d’accepter de considérer les parcours d’accès aux responsabilités comme de véritables recrutements. Après tout, on « recrute » les
sportifs : on cherche à les attirer dans un club, on mène des démarches actives
pour les faire venir. Mais dans un système de bénévolat, on ne recrute pas : on
s’en remet aux effets spontanés, aussi bien dans la venue au bénévolat que plus
tard dans la prise de responsabilités. Il me semble qu’en donnant un caractère
plus formel à ces recrutements qui s’ignorent, on avancerait plus vite.
Faudrait-il alors entrer dans une logique de professionnalisation ?
Des recrutements sur compétences et des procédures plus formelles aideraient
certainement à ouvrir le jeu. Mais il faut prendre garde aux effets pervers de la
professionnalisation : il me paraît important de préserver la vitalité militante et
l’ouverture qui lui est associée et qui fait la richesse du monde associatif.
En outre, en entrant dans une logique de professionnalisation, on retrouve les
mêmes mécanismes d’éviction – réseaux, accointances, familiarités, confiance
associée à la similitude – auxquels s’en ajoutent d’autres, spécifiques au monde
professionnel : possession d’un diplôme, accès aux bonnes filières, réussite scolaire…
On pourrait poser la question en termes de reconversion : comment faire en sorte
que des sportifs de haut niveau accèdent aux responsabilités une fois leur « carrière » terminée ? C’est un vrai enjeu, et sur ce point, on a quelques outils. On
sait par exemple qu’une personne qui réussit sa reconversion y a réfléchi avant
d’arrêter de faire du sport. Dans ces conditions, il peut être utile de l’aider à y
penser, de construire des politiques à l’échelle des fédérations, d’inciter à la formation. Il peut y avoir aussi un repérage. Dans les sports d’équipe, par exemple,
on sait que ceux qui occupent des postes d’arrière ont tendance à développer
une vision du jeu plus complète, ce qui peut devenir une compétence à valoriser
et développer pour accéder au métier d’entraîneur.
La professionnalisation offre ainsi des outils et des méthodes pour favoriser et
construire les passages, les reconversions.
On pourrait élargir ce modèle en favorisant l’acquisition des compétences utiles
dans l’accès aux responsabilités gestionnaires ou politiques. Et les mondes militants gagneraient certainement à élargir et à interroger leurs critères de recrutement. Ils reconnaîtraient alors que les critères de la bonne volonté militante sont
insuffisants et peuvent participer de mécanismes d’éviction.
Il faut cependant noter que l’appartenance à des réseaux militants peut aider à
faire émerger des talents. Dans les « quartiers », la vie associative et le militantisme politique peuvent offrir des débouchés et propulser des outsiders dans le
cercle des insiders, ceux qu’on croise régulièrement dans des réunions, qu’on
connaît et qu’on finira par coopter « naturellement » comme dirigeants de clubs
ou par recruter au service des sports de la commune. À l’échelle locale les choses
bougent. C’est plutôt au niveau des instances fédérales qu’un effort spécifique
demande à être fait et que des politiques actives d’accès aux responsabilités
demandent à être construites. S’il est un espace où se montrer exemplaire peut
en valoir la peine, c’est bien là.
Il s’agirait de sortir de l’ignorance de bonne foi et de ses effets d’aveuglement. On
ne peut pas tout demander au sport, mais il ne devrait pas être si difficile d’adopter des politiques qui correspondent précisément, au fond, aux valeurs sportives.
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Tensions discrètes
sur l’économie du sport
Le modèle économique du sport est complexe et il varie en fonction
des lieux et des acteurs. Si les acteurs de terrain ont quelque raison de
s’interroger sur l’évolution des politiques publiques, le monde du sport
est également travaillé par des tensions entre les structures locales et
le haut niveau, entre le monde amateur et le monde professionnel. L’arrivée dans le jeu des sites de paris en ligne peut-elle changer la donne,
et dans quel sens ?
Directeur de l’IUP
Management et gestion des
entreprises de services,
Jean-François Nys est
maître de conférences à
l’université de Limoges.
Il collabore, depuis sa
création, au Centre de droit
et d’économie du sport.
Spécialiste en économie
de la santé et du sport,
il a publié de nombreux
ouvrages et articles dans
ces domaines, et il rédige
la chronique « Informations
économiques » de la Revue
juridique et économique du
sport (éditions Dalloz).
Entretien avec Jean-François Nys
Un certain nombre de structures dépend fortement des
subventions publiques et des inquiétudes se font jour aujourd’hui. Pourriez-vous nous aider à préciser le tableau ?
Tout d’abord il est difficile de donner une appréciation globale : il faudrait raisonner sport par sport, et distinguer clubs
et fédérations. Si l’on considère le football, par exemple, les
subventions ne représentent guère que 4 % du budget de
la fédération. En revanche, elles peuvent atteindre 30, voire
40 ou 50 % des recettes de certains clubs départementaux. Il
en va de même pour le tennis, où le tournoi de Roland Garros
contribue largement au financement de la Fédération française
de tennis. En revanche la situation est très différente pour des
sports comme le triathlon, qui fonctionnent avec des budgets et
des équilibres financiers différents.
C’est essentiellement au niveau local que les subventions
publiques se révèlent cruciales, et il est vrai que le resserrement des finances publiques, consécutif à la crise, vient nourrir certaines craintes. Surtout à l’échelle départementale, car
les départements doivent assurer des missions sociales, faire
face à la pauvreté et au vieillissement, d’autant plus que leurs
finances sont sous pression.
La réforme des collectivités territoriales telle qu’elle se présente
aujourd’hui devrait conduire à une clarification des rôles en matière de financement du sport. L’essentiel des compétences devrait aller à la commune et aux intercommunalités. Mais on ne
sait pas exactement si les financements actuellement assurés
par la région et le département seront compensés. Il ne s’agit
pas, à vrai dire, de sommes colossales, mais cela n’en constitue pas moins une source d’inquiétudes.
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Va-t-on vers une évolution du financement public privilégiant le haut
niveau ?
Il est vrai qu’il y a deux ou trois ans, des débats ont porté sur ce sujet. Par
ailleurs, sans même parler de financement, on assiste à un lobbying de la
Ligue française de football (par exemple) pour avoir les moyens de se développer en jouant pleinement le jeu de l’économie de marché, comme le font
les clubs anglais. Mais à court terme en tout cas, on ne voit rien se profiler de
radicalement différent. Les politiques publiques décidées au niveau ministériel ne laissent pas présager de soutien massif en faveur de l’élargissement
des élites. Si des investissements ont été décidés pour la Coupe d’Europe de
football en 2016, on s’oriente plutôt vers des partenariats public-privé.
L’État en revanche a consacré un budget significatif à la rénovation de l’Insep, mais cela ne constitue pas le signal d’investissements massifs. Du côté
du privé, il faudra voir les stratégies adoptées par le Team Lagardère. Apparemment les résultats n’ont pas été à la hauteur de ce qui était espéré… Dans
ces conditions, le financeur va-t-il se tourner vers d’autres sports comme il
l’avait suggéré au début de l’opération ? Rien n’est moins sûr.
En réalité, outre les choix politiques que cela représente, construire une politique de développement de l’élite n’a rien d’évident. Bien sûr, pour les responsables politiques, les résultats aux jeux Olympiques, entre autres, sont
toujours « bons à prendre ». On pourrait ainsi imaginer des politiques de
« niche », identifiant des créneaux à développer qui ne seraient pas surinvestis au niveau mondial. Mais je ne vois rien venir de ce côté non plus. Si l’on
prend l’exemple de l’athlétisme qui exige de commencer très jeune, les politiques de repérage et de développement des talents mobilisent différentes
institutions : l’Éducation nationale, le ministère des Sports, les fédérations…
Cela reste un processus plutôt lourd, et qui ne peut donner de résultats qu’à
long terme. Par ailleurs, c’est très bien de construire une offre, en termes
d’équipements, mais encore faut-il qu’elle corresponde à une demande.
Prenons un autre exemple, le biathlon : on a eu des résultats à Vancouver et sans nul doute cela a facilité les choses pour la Fédération française
de ski dans ses négociations avec le ministère. Mais peut-on développer ce
secteur ? À l’origine, les athlètes sont plutôt des militaires, des chasseurs
alpins par exemple. Il semble difficile de faire passer l’idée d’enseigner le
tir à la carabine dans les écoles… Il n’y a donc pas d’inflexions radicales
et stratégiques des politiques publiques, qui sont plutôt dans une logique
gestionnaire.
Vous parlez de la « demande » : ne pourrait-on l’infléchir, ou l’amener à
se diversifier ?
Idéalement certes. Dans une certaine mesure, c’est ce que font l’Éducation
nationale et les communes. Mais même le succès des équipes locales ne
suffit pas à susciter des vocations : je travaille à Limoges, une des capitales
françaises du basket, et les gamins que je vois dans la cour d’école en face
de mon bureau jouent au foot.
Il faut prendre conscience des limites de l’action publique face aux logiques
plus spontanées qui aboutissent à la domination de quelques sports, dans
les pratiques et dans l’économie. À cet égard, le foot semble avoir une puis-
lire la suite
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sance d’attraction qui ne fait que se renforcer. C’est un sport de spectacle,
dont le jeu est aisé à pratiquer et à comprendre, et qui ne requiert pas d’infrastructures particulières (on peut jouer avec une boîte de conserve !)… Un
sport qui, par sa popularité, attire les spectateurs et les annonceurs. Il y a ici
une logique de concentration, de renforcement, contre laquelle il est difficile
de lutter. Il s’agirait plutôt, pour les pouvoirs publics, de l’accompagner ou de
faire le choix moins facile d’investissements conséquents en faveur d’autres
sports.
L’arrivée des paris en ligne et de la manne qu’ils peuvent représenter
peut-elle être une chance pour le sport français ?
Avant toute chose, du fait de la concurrence sauvage de sites de paris en
ligne contournant le monopole de la Française des jeux, la législation a évolué, ouvrant le marché afin d’offrir un espace légal à cette activité qui de toute
façon existait. Un de ses enjeux est la fiscalité, avec notamment une taxe de
1,8 % sur les mises, destinée à financer le Centre national pour le développement du sport (CNDS, créé en 2006 et qui subventionne les associations
et les collectivités locales).
Une possibilité, que nous suggère l’exemple des pages jaunes téléphoniques,
est que cette concurrence stimule le développement du secteur et qu’à terme
les retombées financières augmentent. Il est aussi tout à fait possible qu’on
assiste simplement à un jeu de vases communicants, une opération économiquement neutre à moyen terme.
À court terme, l’arrivée de nouveaux acteurs en quête de visibilité a favorisé
les dépenses de communication et de publicité. Mais les fonds investis ont
été captés par les secteurs et les clubs les plus riches. De ce côté, on peut
dire que les évolutions en cours vont vers une prime à la richesse.
Et il faut s’interroger : la diffusion de la culture des paris, encore peu développée en France, va-t-elle vraiment dans le sens des valeurs du sport, qui
promeuvent plutôt le travail et le mérite ? Allons-nous vers une société du
jeu, où ne seront pas récompensés les efforts mais, d’une certaine façon, la
chance ? On peut imaginer que l’engouement actuel pour ces sites tient à la
coupe du monde de foot et à la crise économique, dont l’un des effets pervers
est de décourager la réussite par des voies classiques, réussite considérée
comme improbable, au profit d’un modèle de casino. Mais il est également
possible qu’on soit là en face d’une évolution de long terme. À vrai dire, sans
incriminer la « paresse » de nos contemporains, on observe aujourd’hui un
développement plus dynamique des sports requérant le moins d’efforts et
d’apprentissages, au détriment des autres. Il faudrait prendre garde, pour
ceux qui sont attachés aux valeurs sportives, de ne pas emboîter le pas avec
trop d’enthousiasme aux phénomènes comme la culture du pari, qui iraient
droit dans le sens de ces évolutions.
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Les métiers de l’animation
entre technicité et vocation
Les métiers de l’animation qui touchent au sport sont aujourd’hui
confrontés à des tensions qui demandent, avant même d’être traitées, à
être comprises. Quelle articulation trouver entre professionnalisation et
dimension militante, entre la dimension sportive et les différents enjeux
qui la traversent et définissent l’arrière-plan des interventions ? C’est en
redessinant la frontière poreuse entre métiers de l’animation et métiers
du sport que l’on peut espérer donner aux professionnels de l’intervention sociale leur légitimité et la garantie de pouvoir exercer leur action.
Jean-Louis Gouju est
secrétaire général de
l’Observatoire national des
métiers de l’animation et du
sport.
Entretien avec Jean-Louis Gouju
Les métiers du sport peuvent-ils être décrits par une fonction d’animation sociale ?
On est ici face à deux champs qui demandent, en théorie au
moins, d’être bien distingués. En premier lieu, les métiers du
sport sont réglementés, ceux de l’animation le sont beaucoup
moins. Il y a bien entendu des éléments qui les rapprochent, et
ce n’est pas un hasard si, quand il a été question de construire
la convention collective de l’animation, à la fin des années
1980, c’est du côté du sport que l’on est allé chercher. Par
ailleurs, pendant très longtemps, les deux champs relevaient
du même ministère, et l’administration ne peut effacer d’un trait
ces dizaines d’années d’homomorphisme. On pourrait dire que
le modèle s’est construit à la même source. L’animation suppose un face-à-face pédagogique qui n’est pas exactement
celui du sport, les enjeux ne sont pas les mêmes (sociabilité et
apprentissage sociaux d’un côté, apprentissage technique de
l’autre), mais la distinction théorique est parfois difficile à faire
en pratique.
On peut noter ainsi des intersections entre les deux univers :
ainsi les 5 ou 6 000 « animateurs sportifs » relèvent officiellement du champ de l’animation, puisqu’il n’y a pas besoin d’un
diplôme spécifique pour y accéder. Mais dans la pratique, ils
sont nombreux à posséder un diplôme dans le champ du sport.
Il existe donc une zone de friction, d’incertitude, qui peut se
traduire dans certaines situations. Si par exemple il s’agit d’organiser une partie de foot au pied d’un immeuble, on est dans
le champ de l’animation ; mais l’administration peut demander
à l’animateur d’être protégé par un diplôme. Il existe ainsi une
ambiguïté permanente entre l’animateur entendu comme premier niveau de la classification sportive qui intègre aussi l’inslire la suite
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tructeur et l’entraîneur, et l’animateur comme intervenant du champ de l’animation. Ce sont des missions différentes, mais les mondes sont connectés.
Les métiers de l’animation se sont développés sur une dimension militante forte. Sont-ils impactés par la tendance à la « professionnalisation » qui touche souvent les univers bénévoles après quelques décennies ?
Ces dimensions militantes étaient à l’origine plus fortes : qu’elles soient
laïques, religieuses ou politiques (avec les associations d’obédience communiste), on avait en effet des bénévoles qui s’engageaient, sinon par envie de partager un idéal, du moins au nom de cet idéal. Cela reste présent
dans un certain nombre d’univers militants aujourd’hui. L’heure n’est plus
au « prosélytisme », quel que soit son objet, mais l’intervention est souvent
conçue comme un outil au service d’un but, d’un arrière-plan. Au demeurant,
la commande ou la subvention publique, qui permet d’organiser nombre de
ces activités, participe de politiques publiques qui peuvent viser par exemple
l’intégration ou le développement territorial. Les enjeux dans ce cas ne sont
pas que sportifs.
La professionnalisation qui s’observe en effet dans ces métiers conduit à des
tensions fortes sur les enjeux de l’identité professionnelle, souvent définie en
négatif, par ce qu’on n’est pas ou ne veut pas être. Cela peut prendre une
dimension générationnelle.
Il existe ainsi une strate historique, de militants qui se sont professionnalisés
au fil du temps mais dont le diplôme de référence dans le champ qui nous
intéresse est souvent un simple BAFA (ce qui n’exclut pas qu’ils puissent
avoir d’autres diplômes, ou des titres de l’Éducation nationale par exemple).
Une seconde strate concerne les intervenants issus de processus de type
« seconde chance », où l’intervention sert aussi à restructurer l’intervenant
où à lui offrir une amorce de carrière à travers des emplois aidés ou des
contrats d’insertion. On a ici d’anciens jeunes en difficulté, devenus des professionnels.
Une troisième strate est constituée par ceux, numériquement moins significatifs, qui sont venus à l’animation par les diplômes universitaires (un DUT par
exemple, ou le DEFA, ancien diplôme d’État relatif aux fonctions d’animation,
remplacé depuis 2008 par le diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation
populaire et du sport, DEJEPS).
Et enfin il y a une quatrième strate, constituée de personnes en seconde
partie de carrière, d’anciens enseignants par exemple, mais pas seulement,
qui ont envie d’essayer autre chose.
Il y a deux ans, nous avons conduit une étude sur les licences professionnelles qui menaient aux métiers de l’animation. Peu étaient en relation directe avec ce champ. En revanche, beaucoup développaient un des enjeux
qui lui sont associés, comme le développement local ou la gestion de l’économie sociale.
On peut se féliciter de cette richesse des origines et des parcours, mais le revers de la médaille est que cela brouille un peu les identités professionnelles.
Les « historiques » ont parfois du mal à se retrouver dans les parcours et les
attentes de ceux qui prennent la suite, souvent plus « qualifiés » (sur le palire la suite
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pier) mais dont les parcours militants sont plus modestes, voire inexistants et
qui, en tout cas, ne se prévalent pas de ces parcours pour fonder leur légitimité. Il faut comprendre que l’ensemble de ce monde est marqué par une
position de défense : avec les bouleversements en cours dans le monde des
collectivités locales, la rigueur qui se profile, il y a un peu le sentiment d’une
disparition programmée. Et le mouvement en cours de professionnalisation
contribue à l’impression d’un monde qui prend fin.
De là un rapport au diplôme qui peut paraître paradoxal : on craint les diplômes, et en même temps on s’y cramponne. Alors même que cela peut
être un cul-de-sac professionnel pour une personne, pour une catégorie, ou
un piège pour la structure qui emploie cette personne ou les représentants
de cette catégorie. Nous sommes ici dans un monde où l’imaginaire de la
vocation est encore très fort, et c’est l’une de ses beautés. Mais il faut admettre aussi que de plus en plus de gens y arrivent simplement pour trouver
un emploi. Ce qui n’exclut pas que l’habit fasse le moine…
Et puisque l’on parle d’emploi, il est également essentiel de parvenir à penser
en termes d’emploi pour ceux qui se voient avant tout comme des militants.
Dans la mesure où ce sont souvent des emplois « peu qualifiés » (en termes
de diplômes) et qu’une partie d’entre eux sera appelée à évoluer, il faudra
construire des dispositifs pour que l’on puisse penser réellement les parcours
professionnels, avec de la formation. Une formation sérieuse, qui demandera
des moyens, comme de renvoyer par exemple une personne sur les bancs
de la fac pendant un ou deux ans. Il faudra alors bien entendu penser en
termes de mutualisation des coûts, pour les structures qui emploient et les
collectivités locales qui les mandatent ; mais aussi en termes de construction
de parcours. C’est un enjeu à la fois individuel et collectif, indispensable pour
la vitalité du champ.
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Quelques chiffres : •
53 % des Français de plus de 15 ans pratiquent une activité
sportive une fois par semaine ou plus, 18 % moins d’une fois
par semaine et 29 % ne pratiquent aucune activité sportive
dans l’année. •
7 000 : c’est le nombre de sportifs de haut niveau en France. •
En 2009, sur 54 directeurs techniques nationaux, 3 sont des
femmes ; sur 1 289 conseillers techniques nationaux, 39 sont
des femmes ; et sur 115 présidents de fédérations sportives,
11 sont des femmes. •
200 000 : c’est le nombre de personnes exerçant un emploi
en rapport direct avec le sport (gestion d’installations sportives, enseignement, organisation d’événements sportifs...).
C’est aussi le nombre d’associations sportives sur le territoire
national. •
6 milliards d’euros : c’est le budget cumulé des associations
sportives.
Petite histoire des grands événements
sportifs 776 avant JC
•
Premiers jeux Olympiques à Olympie. Les jeux, qui se
tiennent tous les quatre ans, sont accompagnés d’une trêve
militaire stricte. Seuls les citoyens (hommes libres) peuvent
y participer. Des jeux équivalents ont lieu à la même époque
à Némée (jeux Néméens), à Corinthe (jeux Isthmiques) et à
Delphes (jeux Pythiques).
1896
•
À l’initiative du baron français Pierre de Coubertin. Les premiers jeux Olympiques sont organisés à Athènes en mémoire
de la tradition antique. Quatorze pays y sont représentés
pour un total de 285 athlètes. La deuxième édition des jeux a
lieu à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle et admet
les femmes.
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1904
•
Création de la FIFA. La Fédération internationale de football association est fondée à Paris par sept pays européens.
Jusqu’en 1909, la FIFA ne compte que des associations
européennes. Les premiers membres non-européens sont
l’Afrique du Sud en 1910, l’Argentine et le Chili en 1912,
les États-Unis en 1913. La première Coupe du monde n’est
organisée qu’en 1930. La FIFA compte aujourd’hui plus de
200 pays membres.
1989
•
Première édition du Vendée Globe. Treize concurrents se
lancent dans un tour du monde à la voile, sans aide extérieure ni escale.
Ressources en ligne
Site Acteurs du sport : http://www.acteursdusport.fr
Secrétariat d’État aux sports : http://www.sport.gouv.fr/
Insep : http://www.insep.fr
Recensement des équipements sportifs :
http://www.res.jeunesse-sports.gouv.fr/
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Questions
1/ Quelle est l’activité physique la plus pratiquée chez les adultes en France ?
r A : Le football
r C : Le cyclisme
r B : La natation
2/ Les financements publics représentent en moyenne :
r A : Un quart des ressources budgétaires des clubs
r B : Un tiers des ressources budgétaires des clubs
r C : La moitié des ressources budgétaires des clubs
3/ Laquelle de ces trois familles de fédérations sportives compte plus de femmes
licenciées que d’hommes ?
r A : Les fédérations multisports
r B : Les fédérations unisport olympiques
r C : Les fédérations unisport non olympiques
4/ Depuis quand la coupe du monde de football féminin existe-t-elle ?
r A : 1949
r B : 1974
r C : 1991
5/ Qu’est-ce que les « Global games » ?
r A : Une compétition sportive entre établissements scolaires européens
r B : L’équivalent des jeux paralympiques pour les athlètes déficients intellectuels
r C : Un marathon en ligne
6/ Le torball est un sport d’équipe qui se pratique…
r A : Avec un ballon sonore
r B : Avec un ballon polymorphe
r C : Avec quatre ballons
7/ Combien paie TF1 pour diffuser les matches de la Coupe du monde de football 2010 ?
r A : 800 000 euros
r B : 7 millions d’euros
r C : 87 millions d’euros
8/ Qui a dit : « Notre souci est moins de créer des champions et de conduire sur le
stade 22 acteurs devant 40 ou 100 000 spectateurs, que d’incliner la jeunesse de
notre pays à aller régulièrement sur le stade, sur le terrain de jeux, à la piscine » ?
r A : Léo Lagrange
r B : Marie-George Buffet
r C : Bernard Laporte
9/ Compétez cette citation de Pierre de Coubertin : « L’essentiel n’est pas d’avoir vaincu…
r A : Mais d’avoir participé »
r B : Mais de s’être bien battu »
r C : Mais qu’est-ce que ça fait plaisir »
10/ Qui a dit : « Le sport est une réponse à la crise » en référence à l’Euro 2016 ?
r A : Nicolas Sarkozy
r B : Raymond Domenech
r C : Rama Yade
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Réponses
1/ Réponse C. 18 millions de Français pratiquent le vélo (promenade occasionnelle ou compétition). La natation est le deuxième
sport favori, avec 14 millions de pratiquants. Le football n’arrive qu’en
dixième position : 4 millions de pratiquants (dont 2 millions en club).
2/ Réponse B. Les financements publics (État et collectivités territoriales) représentent environ un tiers des ressources budgétaires
des clubs. Les autres ressources proviennent des cotisations, des
recettes liées à l’activité (tournois, manifestations…) et dans une
moindre mesure du sponsoring.
3/ Réponse A. Les femmes et les jeunes filles représentent 35,4 %
des licenciés (en compétition ou non). Elles sont légèrement majoritaires (52,6 %) dans les fédérations multisports (Ufolep et Usep, etc.)
mais ne constituent que 25,6 % des licenciés de fédérations unisport
non olympiques et 28,5 % des effectifs des fédérations olympiques.
4/ Réponse C. La coupe du monde de football féminin est organisée
par la FIFA depuis 1991. L’Allemagne, championne depuis 2007, remet en jeu son titre en 2011.
5/ Réponse B. Les Global games, pour athlètes déficients intellectuels, existent depuis 2004. Lors de leur dernière édition en 2009, en
République tchèque, 1 500 athlètes venant d’une quarantaine de nations se sont affrontés dans les sept disciplines officielles : athlétisme,
basket, natation, cyclisme, futsal, tennis de table et tennis.
6/ Réponse A. Le torball est une discipline exclusivement handisport.
Le torball est pratiqué par des sportifs malvoyants et non-voyants.
7/ Réponse C. 87 millions d’euros. TF1 qui détient l’exclusivité des
droits de la Coupe du monde de football 2010 a rétrocédé 37 des
64 matches à France Télévisions et Canal+, ce qui lui permet de
payer moins qu’en 2006 (100 millions d’euros).
8/ Réponse A. Léo Lagrange a été le premier sous-secrétaire d’État
aux sports en 1936.
9/ Réponse B. Le baron de Coubertin, fondateur des jeux Olympiques
modernes, a précisément dit : « L’important n’est point le triomphe,
mais le combat, l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être
bien battu. » Le dicton populaire « l’essentiel c’est de participer » en
est issu.
10/ Réponse A. Nicolas Sarkozy, lors de la nomination de la France
pour accueillir l’Euro 2016, en mai 2010, à Genève.
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Qu’attend-on de la prison ?
Éducation au genre : l’école est-elle prête ?
Quels territoires pour demain ?
Le modèle associatif est-il viable ?
Le débat démocratique est-il menacé ?
Comment faire vivre la mixité à l’école ?
Quel avenir pour le commerce équitable ?
L’école peut-elle réaliser l’idéal républicain ?
Quelle politique pour la jeunesse ?
Quelle économie pour la culture ?
La justice des mineurs doit-elle changer ?
Directeur de la publication : Jean-Michel Ducomte
Responsable éditoriale : Nadia Bellaoui
Rédacteurs en chef : Diane Dorelon et Richard Robert
Photo : Flore-Aël Surun/Tendance Floue
Graphisme : agencezzb.com
Maquettiste : Brigitte Le Berre
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