Séance 3 Que peut nous apprendre le conte La Barbe bleue?

Transcription

Séance 3 Que peut nous apprendre le conte La Barbe bleue?
Séance 3
Que peut nous apprendre le conte La Barbe bleue?
Dans le prolongement de la séance précédente, la poursuite de la
lecture du conte permet d’aborder, à partir des deux moralités qui
terminent le récit, la dimension édifiante du texte.
Le document iconographique permet d’ouvrir l’interprétation en
mêlant références au conte, imaginaire individuel et collectif et
monde virtuel.
Séquenceb
Lecture
Étude du conte (document 1)
1. Outre les deux protagonistes principaux (la Barbe bleue et sa
femme), trois personnages interviennent, tous familiers de la jeune
femme : sa soeur Anne et ses deux frères, Cavaliers (l. 14).
La soeur Anne se montre médiatrice, c’est elle qui maintient l’espoir
de la femme en danger. Les frères sont les figures de la résolution
de l’histoire, arrivant à la dernière minute pour délivrer
définitivement leur soeur de l’emprise de Barbe bleue.
2. Parmi les procédés d’écriture, on peut noter :
– la progression narrative du conte : péripéties, résolution, état final
– l’alternance récit / dialogues (lignes 1 à 16), qui permet d’accélérer
le rythme de l’histoire et d’accroître la tension dramatique ;
– le croisement des échanges entre les différents personnages :
entre Barbe bleue et sa femme, d’une part ; entre la femme et sa
soeur Anne, d’autre part ;
– la typographie en italiques de deux phrases du dialogue créant un
effet de « formule magique » ;
– la répétition de la question Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien
venir ? ainsi que la reprise de l’apostrophe de l’interlocutrice qui vise
à dramatiser la scène et insiste sur l’urgence de la situation.
3. Voici le troisième sens du mot moralité, que donne Le Nouveau
Petit Robert de la langue française (éd. 2009) : « 3. vieilli Réflexion
morale.
morale (II, 2°) ; maxime, sentence. mod. Enseignement moral qu’on
peut tirer d’un récit, d’un événement. La moralité d’une fable.
Conclusion, enseignement. Moralité passée en proverbe »
Le conte se termine par deux moralités en vers, écrites en italiques
et détachées du reste du texte. Dans les deux cas, c’est l’auteur du
conte qui parle et inscrit cette morale dans l’époque d’écriture. La
présence du pronom on en est la trace.
4. Les deux titres Moralité et Autre moralité prouvent que
l’interprétation, la leçon à tirer de ce conte, reste ouverte. De fait,
le propos délivré dans chacune des moralités est très différent de
l’autre et ne s’adresse pas exactement au même destinataire.
– La première est composée de six vers (trois alexandrins : lignes 34,
36, 37 et trois octosyllabes : lignes 35, 38, 39). Elle met directement
en garde les femmes (n’en déplaise au sexe) contre la curiosité qui
est présentée comme un défaut inhérent à leur condition. Elle insiste
sur le danger qu’il y a à être trop curieuse. Quel qu’en puisse être le
plaisir : « un plaisir bien léger ; / Dès qu’on le prend, il cesse de l’être.
/ Et toujours il coûte trop cher. », celui-ci est toujours minime au
regard du danger qu’il représente. Dans le cas présent, il s’agit donc
d’insister sur les dangers de la curiosité qui ont bien failli coûter la
vie à la jeune épouse.
– La seconde est composée de dix vers : six octosyllabes (lignes 41 et
43 à 48) auxquels s’ajoutent deux décasyllabes (lignes 42 et 48) ; à la
fin deux alexandrins recentrent le propos de l’auteur. Cette moralité
s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes : On a peine à juger
qui des deux est le maître. et présente avec une sorte d’humour
grinçant les relations entre ceux-ci :
Près de sa femme on le voit filer doux. La distance avec le récit : On
voit bientôt que cette histoire / Est un conte du temps passé peut
être interprétée de deux manières opposées : soit cette histoire est
réellement révolue, soit il s’agit d’un propos ironique.
Étude de l’image (document 2)
5. La scène se situe dans une pièce sombre (chandelier allumé) d’un
château qui pourrait tout à fait être une prison (toiles d’araignées) ou
une salle de tortures (anneaux pour suspendre les suppliciés sur la
droite). Le décor accentue l’impression de geôle par la présence de
cinq squelettes qui laissent entendre qu’on ne ressort pas vivant de
cette cellule. Au centre, une jeune femme agenouillée supplie un
homme qui la regarde avec détermination, légèrement en arrière plan,
une autre femme vêtue d’une robe rouge (sang ?) est attachée les
bras en l’air pris dans un anneau de métal peuvent tout à fait
s’apparenter aux héros du conte de Perrault. Ainsi peut-on identifier
Barbe bleue et sa femme et imaginer que le deuxième personnage
féminin, ainsi que les cinq squelettes sont les précédentes épouses de
Barbe bleue.
Nous nous trouvons à l’intérieur du cabinet interdit. Toutefois, la
représentation qui est faite de cet espace, véritable mise en scène,
propose une vision humoristique. On est en présence d’une parodie de
La Barbe bleue dont le propos est revisité par l’imaginaire de la
dessinatrice qui s’est télescopé avec sa connaissance du conte, sa
représentation du cabinet interdit / salle de tortures et les
personnages du film Shrek – d’après le conte de William Steig – qui
met en scène un ogre vert, bête immonde sortie d’un marais putride,
avec des personnages célèbres de contes en détournant leurs propos
et leur comportement.