sanofi-aventis/bms fusionnera, fusionnera pas.

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sanofi-aventis/bms fusionnera, fusionnera pas.
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actualités
SANOFI-AVENTIS/BMS
FUSIONNERA,
FUSIONNERA PAS…
« No comment ». Non, ce n’est pas le refrain d’une chanson,
mais la réponse unanime répétée à qui veut bien l’entendre, de
Sanofi-Aventis et de BMS à la question d’une éventuelle fusionacquisition. Depuis des semaines, la rumeur gonfle et se
dégonfle au gré des vents. Reste à savoir si les skippeurs
affronteront un anticyclone ou une dépression.
——————
MÉLANIE MAZIÈRE
ous n’avons jamais
pect des lois antitrust. La réaction
commenté et nous
d’Apotex a été immédiate : dès le 8
ne commenterons jaaoût et pendant trois semaines, il démais les rumeurs ».
clenche les hostilités et inonde littéEn dépit des nombreuses tentatives,
ralement les officines américaines,
les réponses quant aux intentions du
usant d’une option prévue dans le
français Sanofi-Aventis resteront
contrat conclu avec Sanofi et BMS, à
classées, pour le moment en tous cas,
savoir la possibilité de commercialisecret défense. Alors que l’éventualité
ser immédiatement sa version généd’un rachat de BMS est dans toutes
rique si la justice américaine refusait
les bouches depuis plusieurs mois,
leurs accords. Les deux laboratoires
les patrons des deux laboratoires resassociés, déplorant d’avoir affaire à
tent silencieux à ce sujet. Ce n’est pas
« un partenaire déloyal », ont aussitôt
faute de les avoir poussés à s’expridemandé au juge américain d’ordonmer, ne serait-ce que
ner en référé l’arrêt de
pour fournir un démenti
la commercialisation.
aux différentes versions
C’est chose faite le
Le groupe
proposées par la presse.
français n’a pas jeudi 31 août, même si
Issue des milieux
ce dernier n’a pas dedit son dernier
boursiers et financiers,
mandé le rappel des
mot
la rumeur a pris toute
copies en vente. Il lui
son ampleur après le
reste en outre à étudier
lancement à risque du
la solidité et la validité
canadien Apotex d’un générique du
du brevet de Plavix®, contesté par
Plavix® (clopidogrel) en août 2006,
Apotex. Le juge Stein s’y attelle deaux Etats-Unis, alors même que le
puis le 22 janvier, jour d’ouverture du
brevet sur cette molécule n’expire
procès en contrefaçon, qui devrait
qu’en 2011. Si Apotex était entré en
durer un minimum de six semaines.
négociation avec Sanofi-Aventis et
BMS, afin de pouvoir lancer – en exOpération communication. Les trois
clusivité et avant la date d’expiration
semaines de distribution acharnée
du brevet – une copie de Plavix®, les
des pharmacies par Apotex a entraîné un véritable effondrement des
deux tentatives de transaction (mars
ventes de Plavix®, ce qui a amené Saet juin 2006) ont été retoquées par les
nofi-Aventis à revoir à la baisse ses
autorités américaines pour non-res-
«N
PHARMACEUTIQUES _ MARS 2007
prévisions financières. D’autant que
le laboratoire accumule depuis
quelques mois les mauvaises nouvelles. Au menu : perte de deux des
trois indications du Ketek® (télithromycine) aux Etats-Unis, procès en
contrefaçon engagé également sur
le Lovenox® (énoxaparine), copie du
Plavix® autorisée par l’Etat thaïlandais, nouveau report de trois mois de
la FDA pour se prononcer sur la commercialisation d’Acomplia® (rimonabant), refus de l’Allemagne de
rembourser ce médicament antiobésité car considéré comme un produit de confort, expiration en avril du
brevet d’Ambien® (zolpidem) aux
Etats-Unis et générification d’Eloxatine® (oxaliplatine) en Europe…
Tout cela s’ajoute à un environnement défavorable en France et en Allemagne, avec la mise en place de
mesures d’économies strictes pour
réduire ou ralentir les dépenses de
santé.
Sanofi-Aventis n’a pas pour autant
dit son dernier mot. Preuve en est :
l’opération communication du 13 février dernier. Pendant 4 h 30, les dirigeants de la firme se succèdent derrière le pupitre, devant une foule
d’analystes financiers et de journalistes, pour souligner des résultats
financiers honorables et pour prouver que leur R&D est prometteuse. Il
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© SIPA
Jean-François
Fehecq et son
successeur,
Gérard le Fur,
sont restés
souriants… et
muets face à la
rumeur.
s’agit avant tout de rassurer. Sans
faire l’impasse sur les difficultés rencontrées, le groupe se veut optimiste.
La croissance est moins forte, mais
elle existe. D’ailleurs, ses comptes
2006 sont supérieurs aux attentes.
Le chiffre d’affaires est en hausse de
4 % à 28,37 milliards d’euros, le bénéfice net augmente de 6,6 % à 6,57
milliards, le bénéfice part du groupe
s’affiche à 1,37 milliard, soit une
baisse de 4,6 %.
Capacités d’adaptation. La présentation des résultats et la bonne tenue
du portefeuille de 125 produits en développement (dont 46 projets en
phase II/III, contre 35 en février 2006)
et de huit blockbusters actuellement
commercialisés n’ont pas convaincu
les investisseurs. Ils n’ont d’ailleurs
pas caché leur déception de ne rien
apprendre de plus quant à la stratégie de développement externe du
groupe, notamment concernant le rachat éventuel de BMS. Car une telle
fusion permettrait à Sanofi-Aventis de
que les « capacités d’adaptation [de
devenir le numéro un mondial devant
Sanofi-Aventis] ne sont plus à démonPfizer, alors même qu’il a perdu sa 3ème
place au profit du suisse Novartis il y
trer ». Et d’insister sur les huit blocka quelques mois. Et beaucoup s’acbusters commercialisés et sur un porcordent à dire que Jean-François
tefeuille de produits en
Dehecq, qui a laissé son fauteuil de didéveloppement bien garni. Mais une
recteur général au 1er janvier à Gérard
telle opération d’acquisition de BMS
Le Fur mais conserve son siège de prépourrait s’élever, selon les analystes,
sident, s’il se détache petit à petit du
à 50 milliards d’euros. Or, le laboragroupe, pourrait très bien faire un dertoire français est encore endetté denier coup d’éclat avant son départ dépuis le rachat du franco-allemand
finitif… Et faire de Sanofi le numéro
Aventis en 2004. Au 31 décembre 2006,
un mondial en fusionnant avec un
sa dette financière était de 5,8 milgros labo américain est
liards d’euros (9,9 milplutôt séduisant. Car la
liards en 2005 – l’exercice
nouvelle entité Sanofi2006 a dégagé un cashFaire de Sanofi
Aventis-BMS devrait
flow de 4,1 milliards), soit
le n°1
engendrer un chiffre
un ratio d’endettement
d'affaires annuel de
net sur fonds propres de
mondial
51,8 milliards de dol12,6 %, contre 21,4 % un
lars. Mais le groupe
an plus tôt. Pour se refrançais, qui paie enfaire, Sanofi devrait
core ses dettes à la suite du rachat
vendre des produits de BMS, par
d’Aventis en 2004, aura-t-il les reins
exemple « la nutrition et l'imagerie
suffisamment solides ?
médicale, évaluées à plus de
Gérard Le Fur, sans le vouloir, ré6 milliards d'euros », proposaient
pond à cette question en affirmant
Les Echos du 5 février dernier. 4
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SANOFI-AVENTIS / BMS a c t u a l i t é s 19
444 Feu aux poudres. La banque d’in-
vestissement Bryan Garnier European Research reste cependant
persuadée que Sanofi fera une offre
d’achat à BMS car « cette affaire est
stratégiquement très intéressante (la
croissance des ventes à court-terme
et du bénéfice par action de BMS serait favorable au profil à long terme
de Sanofi-Aventis, et les portefeuilles
de produits offrent une bonne complémentarité) et financièrement réalisable ». Ce rachat lui permettrait
d’asseoir sa présence sur le marché
américain, idéal à l'heure du lance-
En juillet 2006, le ment prochain d'Acomplia®, de
cours de l’action
récupérer 100 % des bénéfices du PlaBMS s’est
effondrée de
vix® et un portefeuille de produits en
60 %.
développement attrayant. Selon ses
analystes, l’opportunité sera à son
apogée entre la décision de la FDA
quant à l’Acomplia® et la fin du procès Plavix®, soit en septembre 2007.
Mais lorsque BMS annoncera officiellement qu’il est à vendre, Sanofi ne
sera certainement pas seul sur l’affaire. Il reste favori grâce à ses liens
autour de Plavix®... et les spécialistes
estiment qu'aucun laboratoire ne
lancera d'offre avant la fin du procès.
Donc, Sanofi-Aventis a décidé de
rester flou quant à sa stratégie en matière d’acquisitions. Le peu d’informations qui filtrent sont déjà connues
depuis longtemps : l’envie de s’implanter au Japon et la volonté de se
développer dans le secteur des biotechnologies, mais pas forcément par
le biais d’une acquisition. Pour le pre-
mier projet, Gérard Le Fur commente
simplement : « Cela fait un moment
que nous travaillons avec le Japon et
nous avons appris qu’il fallait donner le temps au temps ». Quant à
s’étendre en biotechnologie, tendance très actuelle au sein des laboratoires, le directeur général pourrait
bien donner sa préférence à des partenariats de toutes sortes. Et BMS ?
Toujours pas de commentaire.
C’est la Lettre de l'Expansion qui a
mis le feu aux poudres en annonçant,
le 29 janvier, qu’un « accord de pré-fusion » prévoyait une rachat effectif
cord de pré-fusion, le cours de Sanofi
chutait lourdement. Dix jours plus
tard, à l’annonce de l’abandon d’un
possible rachat, il remonte à son plus
haut… Côté BMS, c’est exactement
l’inverse.
Scandales. Une chose est sûre : BMS
recherche un acquéreur. Il a mandaté
trois banques d’affaires américaines
pour être conseillé sur ce plan. Et sa situation ne lui laisse que peu d’options.
Tirant 30 % de son chiffre d’affaires des
ventes de Plavix®, ses finances sont en
mauvaise posture. En ligne de mire :
les choix de son ancien pdg, Peter Dolan, limogé le 12 septembre 2006 par
son conseil d'administration, et remplacé à titre provisoire par James M.
Cornelius, un des administrateurs du
laboratoire new-yorkais. Sa démission
forcée repose entièrement sur deux affaires concernant justement Plavix®.
En 2002, la Securities & Exchange
Commission (SEC), autorité des marchés financiers américains, s'aperçoit
que BMS payait illégalement ses distributeurs pour qu'ils accumulent des
stocks de cet anticoagulant, supérieurs
à leurs besoins, afin de tromper ses actionnaires et gonfler artificiellement
les ventes. En juillet 2006, ces pratiques
commerciales entraînent la chute de
60 % du cours de BMS en Bourse. Pour
éviter les poursuites, BMS finit par
payer une amende de 300 millions de
dollars et accepte d'opérer sous la surveillance d'un ancien magistrat. Mais
là encore, Peter Dolan est accusé
pour septembre 2007 ». Et toujours
d'avoir violé ce compromis. Le second
pas de commentaire de la part des
scandale date de juillet dernier, après
deux parties directement concernées,
la perquisition du bureau du pdg par le
ce que certains organes de presse ont
FBI, dans le cadre de l’enquête sur l'acinterprété selon le proverbe « Qui ne
cord entre BMS, Sanofi et Apotex. Au
dit mot consent ». Touterme de cet accord, Apotefois, une partie de la
tex devait recevoir 40 milpresse économique est
lions de dollars pour reBMS,
restée dubitative car le
tarder le lancement de
Sanofi…
gendarme boursier
son générique de Plavix®
et Apotex
américain exige que
jusqu'à la date d'expiratout accord de fusion –
tion du brevet. Les autoriimmédiate ou non – sités fédérales se sont opgné soit divulgué au public. Etrangeposées à ce type d'arrangements et
ment, l’information était démentie
Apotex® a immédiatement lancé sa
par le Times de Londres, le 10 février
copie.
suivant, trois jours avant l’opération
BMS ne devrait plus tarder à ancommunication de Sanofi à
noncer sa disponibilité. Pour le moParis. Selon le quotidien, le groupe
ment, il ne donne aucun signe de
français aurait jugé la valorisation de
préférence pour Sanofi. Il a même
BMS trop élevée. A noter que ces ruchoisi de signer un accord dans le
meurs sont très suivies par les milieux
diabète avec AstraZeneca plutôt
boursiers qui ont à chaque fois réagi.
qu'avec le français… Alors fusionLors de l’annonce d’un possible acnera, fusionnera pas ?
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MARS 2007 _ PHARMACEUTIQUES
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RÉSULTATS :
MIEUX QUE PRÉVU, MAIS…
e 13 février dernier, SanofiAventis réunissait journalistes et analystes boursiers
durant 4 h 30 à la Bourse de
Paris. Une véritable opération de
communication, documents à l’appui, pour prouver au monde que le
4ème laboratoire mondial est toujours
plein de ressources. Le contexte n’est
pas aisé, reconnaît-il, mais les facultés d’adaptation de Sanofi-Aventis feront leur preuve, comme elles l’ont
toujours fait. Hanspeter Spek, viceprésident senior chargé des opéra-
L
tions commerciales et des opérations
pharmaceutiques présente ainsi un
chiffre d’affaires plus haut que ce à
quoi s’attendaient les analystes : 7,36
milliards d’euros (+ 8,4 %). Un bon
résultat tiré par le haut par un bon
4ème trimestre, où la division vaccin se
taille la part du lion avec un chiffre
d’affaires en hausse de 30 % à 806
millions d’euros. Malgré la croissance
fort atténuée de 5 % du chiffre d’affaires de Plavix® (clopidogrel), le laboratoire français affiche une belle
progression, grâce à ses autres blockbusters.
Sur l’exercice 2006, Sanofi présente
un chiffre d’affaires de 28,27 milliards
d’euros (+ 4 %) et précise : « Hors impact des génériques de quatre pro-
ment de confort, donc non éligible
duits aux Etats-Unis – Allegra® (fexoau remboursement. C’est autant de
fénadine), Amaryl® (glimépiride),
parts de marché en moins. Et l’agence
Arava® (léflunomide) et DDAVP®
Bear Sterns n’exclut pas un nouveau
(desmopressine) dont les générificadécalage de date aux Etats-Unis. Il
tions sont intervenues au 2ème semestre 2005 – la croissance du
suggère que le médicament pourrait
groupe aurait été de 8,2 % ». La firme
être amené à passer en commission
met également en avant la continuité
consultative. Mais le prochain comité
de ses efforts en termes de R&D, pour
spécialisé en endocrinologie-métalaquelle elle a inbolisme est prévu les 13
vesti 4,43 milliards
et 14 juin 2007. Cela laisd’euros (+ 9,5 %).
serait bien peu de temps
L’acomplia subit un à la FDA pour prendre sa
Une tactique ganouveau retard
gnante puisque la
décision le 26 juin au
d’AMM
société affiche un
plus tard… pour un proportefeuille de 46
duit qui devait initialeaux États-Unis
produits en phase
ment être approuvé en
IIb/III, contre
février 2006 !
35 produits un an
Heureusement tout
plus tôt.
n’est pas noir, mais le bilan est
Seulement, Sanofi peine à
contrasté. Alors que le Ketek® (téliconvaincre un public qui a appris
thromycine) s’est vu retirer deux de
quelques heures plus tôt que la FDA
ses trois indications par la FDA et que
s’octroyait trois mois supplémenles procès en contrefaçon pour Plataires pour l’examen de la demande
vix® et Lovenox® (enoxaparine)
d’enregistrement
d’Acomplia®
suivent leur cours, Sanofi-Aventis
(rimonabant) aux Etats-Unis. La dépréfère détailler son pipeline de procision de l’autorité sanitaire amériduits commercialisés et en dévelopcaine est donc reportée au 26 juillet.
pement, tout en affirmant qu’aucune
Or, elle a déjà demandé des informanouvelle restructuration n’a été protions complémentaires au fabrigrammée, tout au moins pas à grande
quant, ce qui avait eu pour effet de
échelle. Mais Gérard Le Fur prévient
retarder une première fois l’obtenque le laboratoire devra s’adapter à
tion de l’AMM. Cette fois, ce retard
son environnement. Si de nouvelles
pourrait s’expliquer par la soumismesures drastiques pesant lourdesion par Sanofi des résultats de
ment sur l’industrie pharmaceutique
l’étude de phase III SERENADE
sont prises pour ralentir la croissance
(Study Evaluating Rimonabant Effides dépenses de santé dans certains
cacity in drug-NAive DiabEtic Papays, comme l’ont fait la France et
tients), dans le dossier de demande
l’Allemagne, il devra couper dans
d’AMM. Il s’agit pourtant d’un des
le vif…
médicaments du groupe jugé
Reste que côté perspectives, Gécomme les plus prometteurs. Cette
rard Le Fur assure que 2007 affichera
pilule anti-obésité pourrait générer,
une croissance comparable à 2006,
à terme, plus de 3 milliards de dollars
« sauf événement adverse majeure ».
par an.
Malgré l’optimisme forcé des dirigeants de Sanofi, la Bourse de Paris
Nouveau retard ? Autorisé en Europe
n’aura retenu que les mauvais points
depuis l’été dernier, Acomplia® a
du groupe. A l’annonce des résultats,
aussi dû subir la décision allemande
le titre chutait de 1,47 % à la clôture, à
de le considérer comme un médica66,80 euros. ■
MARS 2007 _ PHARMACEUTIQUES