alizee

Transcription

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Mylène Farmer et
Laurent Boutonnat
ont voulu faire
comme Serge
Gainsbourg :
écrire pour des
chanteuses néo-yéyé un répertoire
adapté, être les
Pygmalion de
plus jeunes qu’eux.
Peut-être la chanteuse
au look un peu
gothique a-t-elle
donné à Alizée
des textes qu’elle
ne pouvait plus
chanter ellemême, comme
« Moi...
Lolita » ?
Introspection.
Courants Electriques
A
lizée Jacotey (née le 21 août 1984 à
Ajaccio) est repérée par Mylène Farmer
après sa participation à Graines de
Star. Elle lui écrit deux albums avec Laurent
Boutonnat, « Gourmandises » et « Mes
Courants Electriques », chez Polydor. En 2000,
son premier simple, « Moi... Lolita », est un
super-tube. En 2004, alors qu’elle triomphe au
Mexique, son succès décline en France quand,
en 2007, Alizée devient sa propre productrice
pour son troisième album, « Psychédélices »,
sur RCA, réalisé avec Jérémy Chatelain, Daniel
Darc, Jean Fauque et Oxmo Puccino. En 2010
son quatrième album, « Une Enfant Du Siècle »,
paraît chez Epic. En 2013, Alizée revient avec
« 5 », adoptant le style 60 à la France Gall avec
l’aide de Thomas Boulard et des BB Brunes. Elle
remporte la quatrième saison de Danse avec les
stars avec Grégoire Lyonnet. En juin 2014, avec
la collaboration de Pascal Obispo, l’ex-brune
Alizée impose son sixième album, « Blonde ».
Sur la pochette, Alizée est allongée dans l’herbe.
Ensoleillée, la photo est surexposée.
Gourmandises
En novembre 2000,
sur son premier album,« Gourmandises »,
la chanson « Moi...
Lolita » (plus tard reprise par Julien Doré) ne fait pas directement référence au
personnage et au roman de Vladimir Nabokov. C’est l’histoire d’une toute jeune fille. Elle se dit décontenancée car les garçons sont trop
sensibles à ses charmes : C’est pas ma faute à
moi. On est loin de la perversité du personnage
de Nabokov. L’épellation du prénom fait penser
à Serge Gainsbourg : Sur ma Remington portative/ J’ai écrit ton nom Laetitia/ Elaeudanla
teïtéïa. On note un portrait vestimentaire stylisé
ou schématique : Collégienne aux bas bleus
de méthylène. Le personnage semble une
collégienne au caractère bien trempé : Coléreuse
et pas mi-coton mi-laine, ce qui pourrait rimer
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avec « Mylène », la parolière. Cette Lolita, c’est
aussi une jeune fille silencieuse et secrète.
L’expression motus et bouche cousue devient
motus et bouche qui ne dit pas. Elle tombe
amoureuse de tout le monde. Il est question de
ses amours diluviennes. Sur « Lui Ou Toi », le
monde de l’enfance lui paraît loin, Alizée aimerait
tellement y retourner : Retrouver au fond de
moi/ Des rondes enfantines/ Mais les chevaux
de bois/ Sont froids. Les pluies acides, à base
de polluants, n’abîment pas seulement les
paysages mais les sentiments du personnage :
Et ces pluies assassines/ Qui coulent au fond
de moi. Des averses horizontales et non plus
verticales : elles coulent, elles ne tombent pas.
La chanteuse est amoureuse et ne sait lequel
choisir, « Lui Ou Toi », ce qui la ronge. Dans
« L’Alizé » les vents effacent tous les chagrins :
Tous les vents balayent les maux de cœur, ou
encore : Comme le vent/ Emporte les maux
de cœur/ Dans un ouragan/ Tourbillon mille à
l’heure. La chanteuse erre en pleine campagne,
dans de grands champs de fleurs (comme sur
le livret de l’album) : C’est au gré du vent/ Que
j’aime vagabonder/ Moi je suis comme le vent/
J’embrasse toute une armée/ De rêves et de
bleuets/ M’allonger dedans. On la fait s’exprimer
comme une enfant, mélangeant vouvoiement
et tutoiement : Arrêtez de me dire que le vent
a tourné/ C’est pas vrai/ S’il te plaît, arrêtez de
dire que l’adolescence c’est/ Qu’on ne sait pas.
Elle cherche un amour fusionnel, authentique,
elle veut tout connaître, les joies et les peines :
Moi je dis que l’amour se boit jusqu’à la lie.
Elle a du caractère et parle d’elle à la troisième
personne : Ce qu’elle veut, Alizée l’a toujours.
Elle aime dormir n’importe où : C’est aux quatre
vents que j’aime être logée. C’est une nouvelle
Eve : J’emporte tous mes secrets/ Dans un jardin
d’Eden/ M’allonger dedans. « J.B.G. » rend
hommage aux James Bond Girls, des canons
de beauté. Dans « Mon Maquis » la collégienne
parle de sa chambre mal rangée, qu’elle partage
avec son petit frère. « Gourmandises » rappelle
certaine comptines : Oh loup y es-tu pour moi ?
Il est question des premiers baisers dans le
Transsibérien : Y a les baisers volés dans les
trains des tsarines, des premiers attouchements :
Les baisers d’un été, où la main s’achemine.
En mars 2003, une gigantesque chaussure à talon-aiguille et une chanteuse minuscule illustrent la pochette de son deuxième album, « Mes Courants Electriques... ».
« J’En Ai Marre » est une chanson très ironique sur les désagréments de la vie, les gens
énervants, les lents, les relous, les pessimistes,
ceux qui se lamentent toute la journée : J’en
ai marre de ceux qui pleurent/ Qui ne roulent
qu’à deux à l’heure ; J’en ai marre de ceux
qui râlent/ Des extrémistes à deux balles/ Qui
voient la vie tout en noir/ Qui m’expédient dans
l’cafard/ J’en ai marre de la grande sœur/ Qui
gémit tout et qui pleure. On note également
un certain narcissisme adolescent : J’ai la
peau douce/ Dans mon bain de mousse/ Je
m’éclabousse/ J’en ris. Des fautes de syntaxe
pour mimer le langage d’une ado : « Gémir » par
exemple, intransitif, devient un verbe transitif :
J’en ai marre de la grande sœur/ Qui gémit
tout et qui pleure. Des jeux de mots cisèlent
« A Contre-Courant » : Les corps-circuits
de deux amants. Des néologismes aussi :
Moments qui s’insolencent. Bescherelle ne
connaît pas ce verbe.
Pourquoi la parolière Mylène Farmer fait-elle de
Charles Baudelaire et Guillaume Apollinaire les
lectures estivales, donc futiles, d’une jeune fille ?
Pour accentuer la frivolité de la chanteuse ? Son
côté désinvolte et superficiel ? Les fleurs du malaimé, c’est le livre le mieux pour l’été. Dans « Toc
De Mac » il y a encore des fautes d’auxiliaire
volontaires : J’m’ai pendu par les pieds/ C’est
le plus bizarre que j’ai fait. Elle est amoureuse :
Tu es mon maître à penser/ Mon maître à faire
des galipettes. « J’Ai Pas Vingt Ans » parle
d’inconstance et du goût du changement, lié
au jeune âge : J’aime pas l’habitude !/ J’aime
pas quand ça dure !/ J’ai pas vingt ans...
L’ancienne chanson « Mélodie Du Vent » de
Gérard Lenorman évoquait une toute jeune
fille qui séduisait bien des cœurs : Elle avait 15
ans et régnait sur la province/ Sans château et
sans prince. Mélodie du vent est une expression
reprise par Mylène Farmer pour le titre d’Alizée,
« J’Ai Pas Vingt Ans ». « Hey ! Amigo ! » conte
l’histoire d’une Catalane, plutôt manipulatrice,
mais en quête d’authenticité, avec des paroles
en français et en espagnol : Hasta luego/ Mi
amigo, elle veut du beau/ Et d’un amour sans
maquillage. L’action se déroule dans le nord
de l’Espagne : Barcelona, prends-la en otage.
C’est peut-être cette chanson (très réussie) qui
a séduit le public mexicain lors d’une tournée
mémorable. « L’E-Mail A Des Ailes » parle
d’une correspondance amoureuse new-look
en 2003 : Des mots qu’on s’envoie/ Mémos et
des mails. Dans « Youpidou » elle déprime un
peu : Tes mots d’amour/ C’est pas le jour/ J’ai le
moral au grand zéro.
Psychédélices
Puis Alizée se retire de la vie publique. De
2003 à 2012, elle vit avec le chanteur Jérémy
Chatelain, à qui elle donne, le 28 avril 2005, à
l’âge de 20 ans, une fille, Annily. Après plusieurs
rumeurs annonçant son retour, notamment avec
le groupe Indochine, Alizée quitte Universal
pour RCA-Sony, en août 2007. Entre-temps,
en 2004, elle devient une star au Mexique où