Bruno Chenique - Musée des Beaux Arts de Lyon
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Bruno Chenique - Musée des Beaux Arts de Lyon
Exposition présentée du 6 juillet au 25 septembre 2006 Exposition conçue et organisée par le musée des Beaux-Arts de Lyon Commissaire de l’exposition : Christian Briend, conservateur du patrimoine, Inspection générale des musées, Direction des Musées de France, assisté de Laurence Berthon, Attachée de conservation au Musée des Beaux-Arts de Lyon. Dossier de presse Musée des Beaux-Arts de Lyon 20, place des Terreaux 69001 Lyon Tél. 33 (0)4 72 10 30 30 Contact presse Sylvaine Manuel de Condinguy Tél. 33(0)4 72 10 41 22 Fax. 33(0)4 78 28 12 45 [email protected] La collection d’art moderne du musée des Beaux-Arts de Lyon s’est enrichie en 2004 de manière significative grâce à la générosité d’un collectionneur lyonnais, André Dubois (1931 - 2004). Familier de Moly Sabata, la petite colonie d’artistes et d’artisans créée par Albert Gleizes à Sablons dans l’Isère, André Dubois devient au début des années 1970, l’un des rares spécialistes français du peintre cubiste qu’il commence à collectionner. Il sera chargé du commissariat de l’exposition Albert Gleizes et le dessin présentée au musée de Saint-Etienne dans l’hiver 1970-1971 avant d’être nommé professeur d’histoire générale de l’art à l’Ecole nationale des Beaux-Arts de Lyon. Ses relations privilégiées avec le musée l’avaient déjà conduit en 1998 et 1999 à faire don de plusieurs œuvres d’artistes qui pour la plupart se retrouvent dans le legs présenté ici. Constituée de 66 œuvres au total, appartenant majoritairement au XXe siècle, cette collection comprend notamment 9 peintures et 9 dessins de Albert Gleizes. Grâce à elle, le musée conserve aujourd’hui l’ensemble le plus important des œuvres de l’artiste dans une collection publique française. La collection Dubois compte également des œuvres de disciples de Gleizes comme Robert Pouyaud, Jean Chevalier, Paul Regny ou Andrée Le Coultre, ainsi que deux peintures de Juliette Roche-Gleizes. D’autres artistes de cette époque, dont le musée ne possédait pas d’œuvre, sont maintenant représentés. Il s’agit notamment de Serge Charchoune, Claude Bellegarde, Christian d’Orgeix. Cette collection éclectique comprend aussi un ensemble d’œuvres de première qualité d’artistes plus marginaux tels Fleury-Joseph Crépin et Philippe Dereux, le « maître des épluchures » de Villeurbanne. Témoignage du goût et des centres d’intérêt d’un collectionneur peu conventionnel, l’exposition est un hommage à la sensibilité de André Dubois et à son importante collection, qui vient renforcer la diversité de la collection d’art moderne du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Exposition conçue et organisée par le musée des Beaux-Arts de Lyon Commissaire de l’exposition : Christian Briend, conservateur du patrimoine, Inspection générale des musées de France, Direction des Musées de France, assisté de Laurence Berthon, Attachée de conservation au Musée des Beaux-Arts de Lyon. 2 Portrait de l'artiste en collectionneur C'est à sa propre initiative qu'André Dubois était entré en relation avec la conservation du musée des BeauxArts de Lyon fin 1997 ou début 1998. Commençant alors à préparer la rétrospective Albert Gleizes qui devait avoir lieu en 2001 au musée Picasso de Barcelone, puis au musée de Lyon, c'est avec l'intérêt que l'on imagine que j'avais répondu à son invitation de venir découvrir la remarquable collection d'œuvres de Gleizes qu'il possédait. Encouragé par lui, le musée n'allait pas manquer d'en solliciter le prêt pour chacune des étapes de la rétrospective à venir, demandes à laquelle il devait accéder de bonne grâce à trois reprises 1 . Le projet de donation, qu'il avait sans doute mûrement réfléchi, avait été rapidement proposé par le collectionneur à Philippe Durey, alors directeur du musée, et à moi-même. Il devait se concrétiser par un testament, déposé devant notaire en notre présence le 9 novembre 1999, qui léguait au musée des Beaux-Arts de Lyon les œuvres de la collection que nous avions choisies préalablement ensemble. Pour entériner ce legs et en donner comme un "avant-goût", André Dubois avait déjà décidé d'offrir quelques œuvres au musée. En lui léguant une telle collection, André Dubois prenait une place originale parmi les donateurs du musée de Lyon, il est vrai relativement peu nombreux, mais pour certains très marquants, qui ont enrichi ses collections d'art moderne depuis le début du XXe siècle 2 . C'est en effet la figure d'un collectionneur local atypique, à la fois artiste et historien de l'art qui s'impose avec André Dubois, dont la collection reflète à bien des égards la personnalité attachante et fort peu conformiste. Se destinant d'abord à une carrière de peintre et de céramiste, Dubois était venu s'installer à Paris en 1954 pour y suivre les cours de l'École du Louvre. Il caressait alors le projet de devenir conservateur de musée "en province" 3 . Par nécessité, Dubois dut cependant se résoudre à tenir plusieurs années durant un emploi qui le satisfaisait peu, celui de visiteur médical. De graves ennuis de santé l'obligèrent aussi en 1958 à abandonner sa scolarité à l'École du Louvre et à envisager de revenir définitivement s'installer à Lyon. Reprenant des études universitaires dans cette ville à partir du milieu des années 60, il est notamment l'élève de Daniel Ternois à l'Institut d'histoire de l'Art. Les diplômes obtenus lui permettront de briguer le poste de professeur d'histoire de l'art et des civilisations à l'École nationale des Beaux-Arts de Lyon, poste qu'il occupera effectivement de 1972 à 1991, laissant aux élèves de l'École un souvenir encore bien vivace. De graves dépressions nerveuses interrompirent souvent cependant les différentes activités d'André Dubois, comme il le signifiait pudiquement dans les années 80 : "Le Destin brisa beaucoup de choses et me conduisit non sur le 1 Albert Gleizes, le cubisme en majesté, Barcelone, museu Picasso, 28 mars-5 août 2001 / Lyon, musée des Beaux-Arts, 6 septembre-10 décembre 2001. Exposition reprise sous une forme différente au Centre culturel de Bélem à Lisbonne du 15 novembre 2002 au 16 février 2003. 2 Comment ne pas penser bien sûr à Jacqueline Delubac qui légua sa propre collection de maîtres impressionnistes et modernes au musée en 1997. Je me permets de renvoyer le lecteur à mon historique des collections d'art moderne du musée des Beaux-Arts de Lyon paru dans le catalogue des peintures du XXe siècle du musée, Les Modernes, de Picasso à Picasso, Rmn, 2000. 3 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 16 septembre 1954. L'intéressante correspondance entre Dubois et Juliette Gleizes est conservée dans le fonds Albert Gleizes de la Bibliothèque Kandinsky au Centre Pompidou. Je remercie Anne-Marie Zucchelli de la Bibliothèque Kandinsky et Pierre Georgel, conservateur général du Patrimoine et exécuteur testamentaire de Juliette Gleizes, d'avoir bien voulu me donner accès à ces lettres. 3 Divan du Grand Turc, mais dans ses fauteuils, en face à face, parfois presque à touche-touche, sans barrière. Ah, son genou !" 4 . Un artiste sans carrière On connaît mal aujourd'hui les débuts artistiques d'André Dubois, dont fort peu d'œuvres de cette époque ont été conservées. On peut cependant imaginer que sa rencontre avec Albert Gleizes, chez qui l'a mené le galeriste Marcel Michaud en décembre 1951, dut influencer le style de ses premières peintures. À MolySabata, la petite colonie d'artiste et d'artisans créé par Gleizes et animée jusqu'à sa mort par la potière Anne Dangar, Dubois suit en effet le "cursus" habituel à cette époque pour les nouveaux disciples : une formation à la "méthode" de Gleizes par la tisserande Lucie Deveyle. La passion pour la pratique artistique est vive chez lui si l'on en croit ses confidences à Juliette Gleizes qu'il entretiendra régulièrement de l'avancement de ses travaux à partir de la mort de Gleizes en 1953. "Vous savez que je ne pourrai jamais abandonner la poterie et la peinture. J'ai un désir si fort de m'exprimer plastiquement qu'il serait fou de le refouler par peur ou paresse", lui écrit-il par exemple en 1954 5 . À partir de 1959, Dubois lui révèle cependant qu'il peint et dessine en s'éloignant beaucoup "dans la lettre de ce que Lucie, Moly et les toiles de M. Gleizes ont pu m'enseigner" 6 . L'année suivante il "s'amuse de plus en plus en faisant des dessins", "invente un nouveau procédé au moins chaque semaine", s'"éloigne de plus en plus de toute orthodoxie", tout en se disant "bien éloigné des soucis de M. Manessier et de la ligne de M. de Vlaminck" 7 . Intéressé par le dadaïsme de Picabia (il "conserve comme une relique" un exemplaire de la revue 391 que Juliette lui a donné 8 ), Dubois a sans doute été séduit par l'art informel dont il a pu observer les développements dans diverses galeries parisiennes de l'époque. Ne possède-t-il pas déjà le tableau de Bryen, aujourd'hui à Lyon ? 9 . De fait, sa production d'alors, dont trois exemples significatifs figurent désormais dans les collections du musée, peuvent-ils être mis en rapport avec ce courant, comme avec l'automatisme des Surréalistes ou encore les dessins mescaliniens d'Henri Michaux, qu'il a pu voir à la galerie Cordier en octobre-novembre 1959. Par ailleurs, deux artistes présents dans sa collection, et aujourd'hui au musée, semblent entrer plus particulièrement en résonance avec la production personnelle d'André Dubois : il s'agit de Crépin et de Philippe Dereux, réunis par une singularité plastique qui les classe couramment sous la dénomination d'"Art brut". Ce n'est évidemment pas un hasard si l'une des premières galeries à s'intéresser aux travaux d'André Dubois est dirigée par une ancienne élève d'Albert Gleizes, Colette Allendy, plutôt éclectique il est vrai dans ses choix. Une exposition personnelle est même programmée en mai 1960 dans cette galerie parisienne qui joue un rôle important à l'époque, mais la mort soudaine de la galeriste met fin brutalement à cette perspective. "L'absence 4 André Dubois, texte tapuscrit daté du 27 juin 1984 (archives de l'École nationale des Beaux-Arts de Lyon). Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 16 septembre 1954. 6 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 27 octobre 1959. 7 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 21 avril 1960. 8 Ibidem. 9 Dubois y fait allusion à Juliette Gleizes le 4 janvier 1960. 5 4 de Colette Allendy est pour moi douloureuse car elle avait, il me semble, senti mon travail avec une grande acuité", dit-il à Juliette Roche-Gleizes, tout en ironisant sobrement sur la fin de sa "carrière parisienne" 10 . Estce ce faux-départ ou plutôt les crises récurrentes de la grave maladie nerveuse qui l'affecteront toute sa vie qui vont confiner la production d'André Dubois à une relative confidentialité ? Hormis à la galerie Folklore à Lyon (mais après la mort de Marcel Michaud en 1958), celui-ci aura eu assez peu l'occasion de voir ses œuvres exposées après les années 60. En 1999, soit après bien des années, il se voit proposer une ultime exposition personnelle par la galerie Dettinger-Mayer à Lyon, qui présente surtout des travaux récents, sensiblement différents de son œuvre antérieur. Du dissident à l'historien Si André Dubois ne ménagea jamais son admiration à l'œuvre d'Albert Gleizes, il apparaît, à la lecture de ses lettres à sa veuve, qu'il prit rapidement ses distances avec le "groupe" trop fermé à ses yeux des disciples de l'artiste 11 . Ainsi, s'il envisage encore de faire un stage en 1957 avec Robert Pouyaud, même s'il "n'aime pas tellement sa peinture", c'est parce que Pouyaud "connaît bien les structures de la peinture de M. Gleizes" 12 . Dans une lettre de 1959, il critique sévèrement le "formalisme" auquel est parvenu la céramiste Geneviève de Cissey qui a succédé à Anne Dangar à Moly et déplore d'avoir été "trop franc" avec le peintre Jean Chevalier, avec lequel il vient d'avoir, devine-t-on, une discussion très vive. Peu en phase avec l'orthodoxie du gleizisme, Dubois appelle par ailleurs de ses vœux un historien qui, en n'appartenant pas au "groupe", serait à même d'analyser sans parti pris la contribution de Gleizes à l'histoire de la modernité. Gleizes était alors étudié scientifiquement (pour la première fois) par le brillant historien de l'art américain Daniel Robbins, éminent spécialiste du cubisme 13 , qui devait assurer le commissariat de la grande rétrospective consacrée à Gleizes en 1964 par le musée Guggenheim de New York, reprise au musée national d'Art moderne à Paris et au Museum am Ostwall de Dortmund l'année suivante 14 . Or, en 1967, André Dubois déclare à Juliette Gleizes qu'il commence à son tour des recherches sérieuses sur l'œuvre de son mari et annonce bientôt vouloir reprendre le travail de Robbins, trouvant à redire à l'analyse que fait l'historien américain de la seconde partie de la carrière de Gleizes 15 . Dubois qui a entrepris une thèse d'État avec le professeur Daniel Ternois, se voit alors confier par Bernard Ceysson, le conservateur du musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne, l'organisation d'une exposition consacrée à l'œuvre graphique d'Albert Gleizes, qui a lieu en 1970-1971. À la fin de l'année 1971, André Dubois est invité à participer à un colloque sur le cubisme organisé par l'Université de Saint-Etienne. Dans l'historiographie du cubisme, sa communication 10 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 24 mars 1960. Il apprend plus tard à Juliette Gleizes qu'il a dessiné un hommage à la galeriste disparue (lettre du 21 avril 1960). 11 "Il est bien évident que je serai classé par le "groupe" dans la catégorie de ceux qui sont aveuglés par les temps modernes" (lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 27 octobre 1959). 12 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 24 avril 1957. La forte présence de Pouyaud dans sa collection montre que Dubois a plus tard changé d'appréciation sur l'artiste. 13 Robbins eut le temps avant son décès prématuré en 1995 de mettre en route le catalogue raisonné de Gleizes paru en 1998. 14 Dubois y participera par des prêts d'œuvres de sa collection. 15 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 23 octobre 1970. 5 intitulée Cubisme et cubismes constitue une intéressante et précoce contribution à la réhabilitation du "cubisme des Salons" (opposé à celui de la galerie Kahnweiler), aujourd'hui largement entérinée par les chercheurs 16 . Ainsi, dans ces années 70, André Dubois est-il désormais considéré comme un des spécialistes français du cubisme. Or, la constitution de sa collection apparaît dans une large mesure le fruit de cette activité d'historien. Acquises auprès de Madame Gleizes, mais surtout auprès de galeries parisiennes, souvent tenues par des femmes (Simone Heller, Françoise Tournié, Madame Bourdon), les œuvres de Gleizes ont visiblement été choisies avec le regard de l'historien, voire de "l'expert qualifié" que Dubois ambitionnait de devenir pour l'artiste à la fin des années 70 17 . Malgré des moyens financiers sans doute réduits, Dubois était parvenu à réunir en effet un ensemble représentatif de toutes les époques de l'artiste depuis ses débuts impressionnistes autour de 1901 jusqu'aux ultimes Arabesques des années 1950 en passant par la période du cubisme, déjà très recherchée par les collectionneurs. Parmi ces dessins et ces peintures brillait d'un éclat particulier Espagnoles à l'éventail, admirable tableau de la période catalane de Gleizes, dont le collectionneur dut se séparer en 1989 pour régler certains frais médicaux 18 . Dubois possédait aussi une peinture importante des années 20, qu'il semble s'être procuré auprès de Sonia Delaunay avec laquelle il avait été en relation 19 , peinture aujourd'hui conservée au musée de Villefranche-sur-Saône 20 . C'est également l'historien du cubisme qui avait recherché les estampes de Jacques Villon, proche de Gleizes dans les années 30 21 , et que Dubois avait rencontré personnellement, comme l'atteste la dédicace portée sur l'une d'entre elle en 1955, lui aussi qui avait retenu les œuvres plus tardives d'Alfred Reth, cubiste discret que Marcel Michaud avait exposé à Lyon en 1949 ou encore de Serge Charchoune, qui avait côtoyé Gleizes à Barcelone en 1916. Nourri de références historiques, le peintre que Dubois continuait d'être, pouvait aussi se livrer à l'occasion à l'art du pastiche. Volontiers malicieux, Dubois n'avait-il pas tenté de berner le jeune conservateur de musée qui lui rendait visite, en faisant passer pour une peinture de l'honorable Maria Blanchard une composition cubiste dont il y a tout lieu de penser aujourd'hui qu'il en était l'auteur ? 22 . Si la mauvaise santé récurrente de Dubois l'empêchera de soutenir sa thèse sur Gleizes, à laquelle il a beaucoup travaillé comme en témoigne sa correspondance avec sa veuve 23 , il put mener à bien un remarquable mémoire de maîtrise consacré à Anne Dangar et à Moly-Sabata pour la rédaction duquel sa formation première de céramiste lui fut utile et qui témoigne de son admiration jamais démentie pour la potière. N'écrivait-il pas à sa correspondante à la fin des années 50, "les seuls élèves de Gleizes sont [Anne] 16 Dubois fait à Juliette Gleizes un compte-rendu très critique du colloque dans sa lettre du 22 novembre 1971. Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 22 novembre 1978. 18 Ce tableau (Varichon 685), passé en vente publique à Lyon le 6 juin 1989, ne put, malgré mes recherches, figurer dans la dernière rétrospective Gleizes. 19 Dubois avait rencontré Sonia Delaunay chez elle à Paris en compagnie des Gleizes dès le printemps 1953 (lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes du 1er juillet 1953). 20 Cette œuvre (Varichon 946) ne figurait pas dans le legs d'André Dubois au musée de Lyon. Celle-ci devait servir à son exécuteur testamentaire à acquitter à l'État les frais de succession. 21 Les deux artistes ont notamment travaillé ensemble sur un projet de décor pour un amphithéâtre du conservatoire national des Arts et Métiers à Paris. 22 C'est l'avis du peintre Max Schoendorff, que je remercie vivement de m'avoir mis sur la voie. 23 Ce qui apparaît comme le texte de cette thèse en a été diffusé dans un cercle restreint. Claude Bellegarde en possède un exemplaire. 17 6 Dangar et Lucie [Deveyle] qui transposèrent en les réinventant dans une matière nouvelle les richesses de l'œuvre d'Albert Gleizes" 24 ? L'usage de la collection Il est frappant de constater qu'à très peu d'exceptions près (Marcel-Lenoir et Bissière peut-être), la plupart des artistes représentés dans la collection peuvent être peu ou prou rattachés aux goûts profonds d'André Dubois et plus généralement à sa biographie. Si la présence des œuvres de Gleizes, de son épouse Juliette et des disciples de Gleizes (malgré un regard temporairement critique sur leur production) n'est plus à justifier, il faut aussi rappeler le rôle dans la constitution de la collection de la galerie Folklore de Marcel Michaud, relais essentiel de la modernité à Lyon 25 , où plusieurs artistes élus par Dubois exposaient. Ainsi en était-il de Paul Régny ou de Max Schoendorff qui resteront des amis du collectionneur jusqu'à la fin. Avec le peintre parisien Claude Bellegarde, Dubois, qui possédait plusieurs de ses œuvres dont une lui avait été dédicacée par l'artiste 26 , sut nouer également des relations amicales, dont Bellegarde se souvient aujourd'hui non sans émotion. Enfin, la présence de la peinture d'un disciple d'Ingres, insolite dans un tel contexte exclusivement tourné vers le XXe siècle, s'explique par la formation universitaire de Dubois auprès de Daniel Ternois, éminent spécialiste d'Ingres à l'époque, qui laissa d'ailleurs le soin à André Dubois de rédiger l'article "Ingrisme" pour un dictionnaire édité par les éditions Larousse 27 . C'est sans doute la conscience du caractère très subjectif des choix qu'il avait opéré qui incitait André Dubois à se présenter parfois au travers de sa collection. En 1960 déjà, n'envisageait-il pas de montrer certains des tableaux en sa possession, comme le tableau de Camille Bryen ou le "tableau bleu de 1927 de Monsieur Gleizes", en introduction aux œuvres de sa main que lui proposait d'exposer Colette Allendy 28 ? Plus tard, professeur à l'École nationale des Beaux-Arts de Lyon, Dubois exposera à deux reprises au moins sa collection dans les locaux de l'École, à des fins qui excédaient, semble-t-il, le projet pédagogique de l'entreprise. Ainsi en 1984, en contrepoint d'Octobre des arts, une importante manifestation d'art contemporain organisée par Thierry Raspail et dédiée cette année-là à la question du monochrome dans l'art du XXe siècle, Dubois présente-t-il sa collection dans le hall d'entrée de l'École sous le titre 27 ans de réflexion ou Lyon, l'union de l'huile et du beurre, de la laine, de la soie et de l'édredon. Humoristique et quelque peu grinçant, ce titre riche de sous-entendus introduisait à une exposition qui se présentait comme une véritable "installation" 29 , genre artistique dont elle constituait aussi une critique ironique et non voilée. La mise en scène, qui prévoyait d'installer la collection sur des "tentures soyeuses noires, rose vif et jaune" rappelait un cabinet de curiosités où les œuvres étaient disposées à touche-touche jusqu'au plafond selon un ordre très subjectif. L'absence du tout cartel, obligeant le visiteur à d'inconfortables 24 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 13 mai 1959. Voir à ce sujet l'utile, mais trop modeste catalogue de l'exposition consacrée au galeriste par l'Espace lyonnais d'Art contemporain en 1989. 26 Magie de l'oiseau, 1960 (collection particulière). 27 La commande de cet article, qui ne se retrouve pas dans les éditions successives du Dictionnaire des peintres pour lequel Dubois rédigea la notice "Lyon", est mentionnée dans sa correspondance avec Juliette Gleizes. 28 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 4 janvier 1960. 25 7 supputations, contribuait sans doute aussi à renvoyer chacune des œuvres présentées à la personnalité paradoxale du collectionneur-artiste 30 . De l'appartement au musée Il est toujours précieux pour un conservateur d'observer des œuvres destinées au musée dans les lieux mêmes que le collectionneur leur a aménagés. Ce passage de l'espace privé à l'espace public n'est jamais avare d'enseignements à la fois sur les œuvres elles-mêmes et sur la nature très particulière et "sacralisante", comme on le sait au moins depuis Marcel Duchamp, de l'espace muséal. Dans l'appartement d'André Dubois, rue de la Platière, les tableaux se présentaient sans cérémonie particulière. Ceux de Pouyaud et de Bissière étaient ainsi accrochés dans la petite pièce qui lui servait de chambre. Les grands Gleizes figuraient dans le salon meublé d'un petit divan et de plusieurs fauteuils à la garniture fatiguée, où flottait toujours une odeur de tabac froid : l'Arabesque sur le manteau de la cheminée devant laquelle étaient disposées des céramiques d'Anne Dangar, le Support de contemplation bizarrement monté sur la porte d'un placard à droite de la cheminée (et donc mobile!), la Composition à trois éléments, aujourd'hui au musée de Villefranche-sur-Saône, en bonne place sur le mur opposé aux fenêtres, tandis que L'Histoire de l'œil de Bellegarde surmontait une commode ancienne où trônait un éprouvant serpent empaillé. Les œuvres de Philippe Dereux quant à elles se découvraient dans la cuisine assez spacieuse de l'appartement, comme si le collectionneur avait voulu renvoyer de manière ironique les tableaux d'épluchures du peintre de Villeurbanne à leur première et ménagère provenance. Voisin de cet appartement (la collection n'a fait que traverser la rue Chenavard), le musée des Beaux-Arts de Lyon accueille donc en son sein une collection qui ne peut manquer de prendre un sens tout différent, destinée qu'elle est à se fondre dans un ensemble plus vaste qu'elle complète d'admirable façon 31 . L'ensemble des neuf peintures et des neuf dessins d'Albert Gleizes offerts par Dubois viennent ainsi parfaitement compléter le fonds du musée consacré à cet artiste, aujourd'hui le plus important en nombre et en qualité conservé dans une collection publique, tant en France qu'à l'étranger. Ironie de l'histoire, André Dubois avait un temps conseillé à Madame Gleizes de constituer par de nouvelles donations un "musée Albert Gleizes" au sein du musée Calvet d'Avignon, et non au musée des Beaux-Arts de Lyon que la veuve de l'artiste avait pourtant déjà doté de nombreuses et importantes œuvres de Gleizes. Dubois trouvait en effet que le fonds lyonnais faisant à son avis la part trop belle à l'œuvre sacré de l'artiste, l'enfermait dans cette "image de néo-primitiviste religieux" où avait "failli l'enfermer la Pierre-qui-Vire" 32 . 29 Terme que Dubois emploie entre guillemets dans une lettre adressée au directeur de l'École (?) le 16 novembre 1984 (archives de l'École nationale des Beaux-Arts de Lyon). 30 Nous sommes renseignés sur le contenu de cette exposition par un article anonyme paru dans Lyon-Poche le 31 octobre 1984 (reproduit à la fin de ce volume). Le titre indiqué de l'exposition est moins provocateur que celui mentionné dans les archives de l'École, De la Saint-Luc à la Saint-Albert. 31 Contrairement au legs Jacqueline Delubac, celui d'André Dubois ne comporte en effet aucune clause d'exposition permanente. 32 Lettre d'André Dubois à Juliette Gleizes, 16 décembre 1968. Cette allusion concerne le rôle joué par Dom Angelico Surchamp à la fin de la vie de Gleizes. 8 Si d'autres artistes de la collection Dubois étaient déjà présents au musée de Lyon avec des œuvres de facture ou de qualité souvent très différentes (Georges Filiberti, Jacques Villon, Jean Chevalier, Andrée Le Coultre, Marcel-Lenoir,…), il faut noter que de nombreux autres, et non toujours des moindres, font aujourd'hui leur entrée au musée des Beaux-Arts grâce au collectionneur lyonnais. C'est le cas de Robert Pouyaud et Paul Régny, mais aussi de Roger Bissière, Alfred Reth, Serge Charchoune, Claude Bellegarde, et Christian d'Orgeix. L'entrée de l'une des œuvres les plus frappantes de ce dernier vient notamment conforter un ensemble de peintures d'obédience surréaliste, qui comprend déjà des œuvres de Victor Brauner, Max Ernst, Wifredo Lam, André Masson, Eduardo Matta ou Dorothea Tanning. A ce fonds s'ajoutent encore désormais de nouvelles peintures de Camille Bryen et du Lyonnais Max Schoendorff, deux artistes déjà représentés au Palais Saint-Pierre par des peintures plus tardives. Autre entrée importante pour le musée, celle de Philippe Dereux, dont l'absence dans les collections "lyonnaises" pouvait apparaître comme une injuste anomalie. Celui qui fut notamment l'assistant pendant plusieurs années de Dubuffet (qui figure dans les collections du musée avec deux peintures importantes) entre au Palais Saint-Pierre en même temps que Crépin qui faisait partie des nombreuses admirations de Dubuffet. Avec Crépin, artiste "médiumnique", ce sont les "singuliers de l'art" qui s'immiscent dans un musée consacré à de moins insolites "Beaux-Arts" et il n'est pas indifférent, on l'a vu, que ce soit à André Dubois que revienne cette heureuse intrusion. Enfin, très à part dans cette collection consacrée au XXe siècle, l'intéressante peinture de Raymond Balze vient opportunément compléter le fonds du musée de Lyon consacré aux élèves d'Ingres et paraîtra donc moins déplacée au musée qu'il ne pouvait le sembler dans l'appartement de la rue de la Platière. En offrant si généreusement au musée des Beaux-Arts de Lyon des œuvres patiemment rassemblées au cours d'un presque demi-siècle, André Dubois a donc fortement contribué à préciser les contours de sa collection permanente d'art moderne dont il infléchit notablement le contenu. Gageons que cette donation ne devrait pas manquer d'inspirer à l'institution, bénéficiaire d'un ensemble si peu convenu, de nouvelles et fortes acquisitions33 . Christian Briend 33 Je remercie très vivement Laurence Berthon et Dominique Dumas, respectivement documentaliste et bibliothécaire du musée des Beaux-Arts de Lyon, pour l'aide qu'elles m'ont apportée dans les recherches documentaires, utiles à cet article. 9 André Dubois, Chronologie 1931 André Dubois naît le 19 février à Thizy (Rhône). Études secondaires au Lycée du Parc à Lyon. Philosophie dans la classe de Pierre Jouguelet. 1949-1950 Suit des cours de dessin de modèle vivant sous la direction de Louis Charrat (1903-1971). 1950 Études à l'École des Beaux-Arts de Bourges, section céramique. Son professeur, Jean Lerat, lui conseille de faire un apprentissage dans un atelier artisanal de poterie. 1951 Commence à pratiquer la céramique dans un atelier à Saint-Désirat (Ardèche), à la poterie d'Annecy à Annecy, et dans l'atelier de Jean-Marie Paquaud à Roussillon (Isère), qui tourne des pièces pour la potière Anne Dangar (1885-1951) à MolySabata (Isère). En décembre, Marcel Michaud, le directeur de galerie Folklore à Lyon, lui fait rencontrer Albert Gleizes (1881-1953) et son épouse Juliette Roche-Gleizes (1884-1982), qui est également peintre. 1952 Commence à fréquenter Moly-Sabata, où la tisserande Lucie Deveyle (1908-1956) l'initie à la "méthode" de Gleizes. 1953 Au printemps, rencontre Albert Gleizes pour la dernière fois chez Sonia Delaunay à Paris. Service militaire. Ses supérieurs ne l'autorisent pas à assister à l'enterrement à Serrières d'Albert Gleizes mort en juin 1953. Début de sa correspondance avec Juliette Gleizes. 1954 À Paris, André Dubois est élève de l'École du Louvre (histoire générale de l'art, peinture médiévale, ethnographie française). Travaille dans un laboratoire du musée national des Arts et Traditions populaires. Fréquente musées et galeries. 1955 Grâce au soutien financier de sa mère, achète une première œuvre d'Albert Gleizes à sa veuve. 1956 De mai à octobre, est appelé sous les drapeaux et envoyé en Algérie. 1958 À Paris, fréquente les galeries de Daniel Cordier, de Colette Allendy et Iris Clert. En juin, des raisons de santé l'empêchent de passer le dernier examen de l'École du Louvre et le contraignent à revenir à Lyon. Mort de Marcel Michaud. Conserve des liens d'amitiés avec son épouse Jeanne qui poursuit les activités de la galerie pendant une dizaine d'années. 1959-1965 Pratique le dessin, en parallèle à une activité de visiteur médical. En mai 1960, le projet d'une exposition personnelle à la galerie Colette Allendy échoue en raison du décès de la galeriste. Expose ses dessins à la galerie Folklore, seul ou en groupe et participe à des expositions collectives, en particulier à Paris à la galerie Le soleil dans la tête. 1964 S'installe dans un appartement rue Tramassac, à Lyon. 1965 Entreprend des études d'histoire de l'Art à l'Université de Lyon sous la direction du professeur Daniel Ternois. 10 1969 Voyage en Italie. 1970 Bernard Ceysson, conservateur du musée d'art et d'industrie de Saint-Étienne, le charge du commissariat de l'exposition Albert Gleizes et le dessin (11 décembre 1970 au 25 janvier 1971). Plusieurs dessins exposés lui appartiennent. Il en rédige le catalogue préfacé par Bernard Ceysson. Fait des conférences pour le service pédagogique du musée de Saint-Etienne. 1971 En août, fait un voyage en Algérie. Soutient une maîtrise d'histoire de l'art sous la direction de Daniel Ternois, Anne Dangar et Moly-Sabata, les sources chez Albert Gleizes. Le texte dactylographié est édité en quelques exemplaires par l'association des Amis d'Albert Gleizes, dont il est un membre actif. En novembre, fait une communication intitulée Cubisme et cubismes au colloque sur le cubisme organisée par l'Université de Saint-Étienne. Elle sera publiée dans les actes du colloque en 1973. Prépare une thèse de 3ème cycle sur Albert Gleizes. 1972 Recruté comme professeur d'histoire de l'art et des civilisations à l'École des Beaux-Arts de Lyon. Il y enseignera jusqu'à sa retraite en 1991 avec de nombreuses éclipses dues à son état de santé. Son activité de collectionneur se développe par des achats de gravures et dessins anciens et contemporains, en particulier chez le marchand Paul Clair, galerie Caracalla. 1975 Expose cette première collection à l'École des Beaux-Arts de Lyon, Choix de gravures et de dessins du XVIe au XXe siècles appartenant à un professeur de l'École du 5 au 18 décembre. Il se sépare progressivement d'une partie de ces œuvres pour acquérir des tableaux d'Albert Gleizes, de Juliette Roche, des élèves de Gleizes et d'artistes lyonnais ou non, avec qui il noue des relations amicales. Il achète en vente publique, chez des galeristes à Paris, ou encore chez des brocanteurs. 1978 S'installe dans un appartement rue de la Platière à Lyon. 1980 Nouveau voyage en Algérie. Fin de sa correspondance avec Juliette Roche. 1984 Expose sa collection consacrée au XXe siècle dans le hall de l'École des Beaux-Arts de Lyon du 18 octobre au 15 novembre. L'exposition qu'il présente comme une “installation” s'intitule 27 ans de réflexion ou Lyon, l'union de l'huile et du beurre, de la laine, de la soie et de l'édredon. 1989 Met en vente publique Espagnoles à l'éventail, un important tableau de Gleizes daté 1916 qui lui appartient. 1999 Du 8 avril au 8 mai, montre un bel ensemble de ses dessins à l'encre à la galerie Dettinger-Mayer à Lyon. Lègue sa collection au musée des Beaux-Arts de Lyon, auquel il donne plusieurs œuvres en avant-première. 2004 Mort d'André Dubois. Entrée de sa collection au musée des Beaux-Arts de Lyon. Sélection d’œuvres 11 Albert GLEIZES, Paris, 1881 – Avignon (Vaucluse), 1953 Danseuse espagnole, 1916. Huile sur bois, 57,5 x 36,5 cm. Legs André Dubois, 2004 Après son mariage avec le peintre Juliette Roche à l'automne 1915, Gleizes démobilisé s'exile à New York, où le couple retrouve Marcel Duchamp et Francis Picabia. En mai 1916, les Gleizes interrompent ce séjour pour s'installer quelques mois à Barcelone. Les thèmes espagnols, dont fait partie celui de la danseuse en mantille et jouant des castagnettes, le retiennent durablement. Il existe de nombreuses versions conservées, tant graphiques que picturales de ce sujet. Celle-ci qui se présente encore comme une esquisse se caractérise par le fond géométrique devant lequel se détache la figure. L'œuvre a peut-être figuré à la toute première exposition personnelle de Gleizes organisée par la galerie Dalmau à Barcelone en novembre-décembre 1916. Albert GLEIZES, Paris, 1881 – Avignon (Vaucluse), 1953 Arabesque, 1951. Huile sur isorel, 77,4 x 59,8 cm Legs André Dubois, 2004 L'œuvre ultime d'Albert Gleizes est caractérisé par le thème plastique de l'arabesque, qui constitue l'aboutissement de toutes les recherches de l'artiste autour du mouvement et des formes circulaires depuis les années 20. De grande qualité, cette peinture, qui frappe par son exubérance maîtrisée et sa palette audacieuse, est l'une des toutes dernières œuvres peintes par Albert Gleizes. Robert POUYAUD, Paris, 1901 - Asnières-sous-Bois (Yonne), 1970 Le Baiser, vers 1922-1924. Huile sur toile, 60 x 73 cm Don André Dubois, 1998 Ayant d'abord reçu une formation de sculpteur à l'Ecole nationale des Arts décoratifs à Paris, Robert Pouyaud fut l’un des premiers artistes à suivre en 1924 l’enseignement d’Albert Gleizes. Il participe dès 1927 notamment aux débuts de la communauté d’artistes et d’artisans créée par l'artiste à Moly Sabata en Isère. Pouyaud reprend la composition d’une linogravure pour cette peinture au coloris éclatant qui semble s'inspirer du style post-cubiste représenté alors par la galerie de L’Effort Moderne de Léonce Rosenberg à Paris. Roger BISSIERE, Villeréal (Lot-et-Garonne), 1886 - Marminiac (Lot), 1964 12 Femme nue aux bas, 1920. Huile sur toile, 100 x 130,5 cm Legs André Dubois, 2004 Formé à l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, Roger Bissière expose pour la première fois en 1910, dans un Salon parisien. Ce tableau, très précoce dans sa carrière, appartient au moment où Bissière participe au mouvement de retour à l'ordre qui caractérise la scène artistique française de l'Entre-deux-guerres. Faisant ouvertement référence à Ingres, dont Bissière revendique le patronage en janvier 1921 dans un article paru dans la revue L'Esprit nouveau, ce nu frappe par sa monumentalité presque agressive et le traitement abrupt du modelé. L'outrance du style se double d'une référence ironique à la Vénus au miroir de Velasquez (Londres, National Gallery), dont Bissière semble reprendre les accessoires : rideau, coussin et miroir où se reflète la spectaculaire chevelure du modèle. Ce dernier a posé la même année pour d'autres peintures de l'artiste comme La Dame d'honneur ou encore La République (collections particulières). L'œuvre a figuré dans la première exposition personnelle de l'artiste organisée par la galerie Paul Rosenberg en avril-mai 1921. Alfred RETH, Budapest (Hongrie), 1884 - Paris, 1966 Sans titre, vers 1949. Technique mixte sur papier , 32,6 x 25,5 cm. Legs André Dubois, 2004 Peintre d’origine hongroise installé à Paris en 1905, Alfred Reth fait partie des artistes tôt influencés par le cubisme, dont il côtoie les principaux protagonistes dans les Salons parisiens des années 10. En témoignent notamment Nature morte au compotier (1912) ou Le Restaurant Hubin (1913) conservés au musée national d'Art moderne. Auteur de compositions abstraites dès cette époque, Reth incorpore de la terre dans les œuvres qu'il expose en 1914 à la galerie Berthe Weill. Dans les années 30, Reth compte parmi les tenants de l'abstraction géométrique en adhérant au groupe Abstraction-Création et en participant à la fondation du Salon des Réalités nouvelles. Trois compositions qui appartiennent toutes à la période des années 40 et 50 font partie de la donation. Elles font appel à des matériaux non conventionnels, sables, graviers, sciures de bois ou encore coquilles d'œufs écrasées. Le recours à ces matériaux manifeste de la part de l'artiste une volonté de donner une dimension presque tactile à ses formes abstraites. Pour l’une d’entre elles, Reth réintroduit la peinture à l'huile qui lui permet de beaux effets colorés sur des surfaces rendues granuleuses par le matériau sous-jacent. Max SCHOENDORFF, Lyon, 1934 Vers le nom, 1963. Huile sur toile, 115,5 x 88,4 cm 13 Legs André Dubois, 2004 Cette peinture illustre le goût de Schoendorff pour une figuration allusive et cruelle, servie par les coloris heurtés et un faire raffiné. Ici, devant un paysage dont on distingue la ligne d'horizon, une figure allongée semble subir les assauts d'un créature de cauchemar tandis que s'exhale un nuage de formes agressivement charnelles. Comme l'a bien noté Edouard Jaeger, "L'image peinte, avec lui, c'est un peu la "table de dissection" de l'Histoire, réelle ou légendaire, une réécriture quelque peu sadienne de la peinture d'histoire où les volutes d'un baroque exubérant percutent des éléments d'origine corporelle, figuratifs ou non, et d'autres issus de l'abstraction lyrique". Philippe DEREUX, Lyon, 1918 – Villeurbanne (Rhône), 2001 La Rose des vents, 1964. Épluchures et gouache sur papier, 74 x 64 cm Legs André Dubois, 2004 Instituteur de profession, Philippe Dereux est d'abord tenté par la carrière des lettres. Mais en 1955 à Vence, il fait la rencontre décisive de Jean Dubuffet et devient son assistant, lui fournissant des papillons et collant ses assemblages jusqu'en 1963. Converti à l'art brut, Dereux se lance à partir de 1959 dans une pratique artistique personnelle en réalisant des compositions à partir d'épluchures de fruits ou de légumes récupérées dans la cuisine de son épouse, comme il le rapporte dans son très savoureux Traité des épluchures publié en 1966. La première partie de la production de Dereux à laquelle appartiennent toutes les œuvres présentées fait la part belle à des visages caricaturaux ou comme ici à des formes végétales imaginaires. Les épluchures entrent alors dans la composition de gouaches de couleurs vives qui disparaîtront bientôt au profit des seuls végétaux. La Rose des vents et Les Interdictions rappellent l'art des aliénés par le recours à des motifs répétés jusqu'à l'hallucination et leur faire très méticuleux. 14 Claude BELLEGARDE, Paris, 1927. Histoire de l’œil, 1967. Huile et papiers collés sur toile, 150 x 150 cm Legs André Dubois, 2004 D'abord tenté par la vie au sein d’une communauté spirituelle fondée par un disciple de Gandhi, Bellegarde y pratique la sculpture. Au début des années 1950, un séjour en sanatorium à la montagne lui inspire une série de peintures qui constituent sa "période blanche" (19531957). De retour à Paris, il expose à la galerie Arnaud, puis à la galerie Facchetti et se rallie au groupe "Espaces imaginaires" de Pierre Restany. Sa conversion à la couleur pure est due à un voyage au Maroc qui le frappe durablement. Á partir de 1963, Bellegarde entreprend des recherches sur l'origine des couleurs et leur influence sur le psychisme. Précurseur dans le domaine de la chromothérapie, il élabore bientôt ses premières "cabines chromatiques" en collaboration avec un chef de clinique parisien. Contemporain de son manifeste Sémantique de la couleur et chromothérapie paru en 1967, Histoire de l’œil est une œuvre unique dans la production de Bellegarde surtout consacrée dans ces années 1960 à la série des Typogrammes. Déjà abordée dans L'Œil de Monet (Italie, collection particulière), œuvre plus modeste peinte l'année précédente, la thématique oculaire permet à Bellegarde de revisiter les contrastes simultanés chers au chimiste Chevreul et à Robert Delaunay dans les années 1910, tout en faisant référence à un livre célèbre d'Henri Bataille, où l’œil tient une place essentielle en tant que substitut sexuel. Le format spectaculaire de cette peinture est destiné à favoriser l'immersion du spectateur dans la couleur pour agir sur son psychisme. 15 Liste des Œuvres de la collection André Dubois XIXe siècle Raymond BALZE *Sainte Elisabeth de Hongrie faisant la charité, 1866 Albert GLEIZES Paysage de Courbevoie, 1901 * Paysage impressionniste, 1903 Marché à Bagnères-de-Bigorre, 1908 Clown, 1914 Danseuse espagnole, 1916 Étude pour Paysage de Tarrytown, 1916 Figure, 1921 Lumière, 1932 Composition, 1933 Figure, 1934 Terre et ciel, 1935 Figure, 1938 Étude pour Peinture à sept éléments, 1942 * Sans titre, 1942 Pour la contemplation, 1942 Représentation, 1944 Arabesque, 1951 Arabesque, vers 1951-1953 Disciples d’Albert GLEIZES Robert POUYAUD Le Baiser, vers 1922-1924 (inv.1999-14) Le Baiser, vers 1922-1924 (inv.2005-3) IXe Symphonie, vers 1922-1924 Composition, 1931 (inv.2005-4) Composition, 1931 (inv.1998-8) Sans titre (composition octogonale), 1929 * Sans titre (inv. 1998-9) * Sans titre (inv. 1998-10) Suite de sons et de couleurs Métaphysique, 1946 Tétramorphe, 1946 Hommage à René Guénon, 1951 Composition, 1954 La Transfiguration, 1958 Anne DANGAR * Plat creux Mennie JELLET Sans titre, vers 1922 (attribué à) Jean CHEVALIER Développement mélodique, 1955 Composition (Le Printemps de Prague), 1968 Paul REGNY Lenteur, 1964 Andrée LE COULTRE Sans titre, 1969 ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse 16 Autres artistes du XXe siècle MARCEL-LENOIR (Jules Oury, dit) Les Premiers pas, vers 1913-1914 Jacques VILLON M. D. lisant, 1913 * Noblesse, après 1921 Composition, 1927 Juliette ROCHE-GLEIZES Le Porron, 1916 *Fleurs dans un verre Roger BISSIERE Femme nue aux bas, 1920 Georges FILIBERTI Véronique, 1937 Alfred RETH Sans titre, vers 1940 Sans titre, 1947 Colombes, 1950 Fleury-Joseph CREPIN Sans titre (n°227), 1944 Sans titre (n°33), 1948 Camille BRYEN Objets en porcelaine, 1951 Serge CHARCHOUNE La Harpe (variation n° 2), 1960 André DUBOIS Nature morte, vers 1920 (attribué à) Sans titre, 1960 Octogone informel, vers 1960 La Grande cascade près de Tlemcen, vers 1960 Christian d'ORGEIX Petrouchka, 1963-1964 Max SCHOENDORFF Vers le nom, 1963 Philippe DEREUX * L’Arbre rouge, 1963 La Rose des vents, 1964 Tête-menhir, 1966 * Le Bouquet de fête, 1967 Les Interdictions, 1967 Claude BELLEGARDE Histoire de l’œil, 1967 ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse ¾ visuel disponible pour la presse * œuvres de la collection André Dubois non présentées dans l’exposition Ouvrage accompagnant l’exposition 17 Histoire d’un Œil La collection André Dubois Sylvie Ramond, Préface Christian Briend, Portrait de l’artiste en collectionneur Christian Briend, Catalogue des œuvres Max Schoendorff, Sursum corda Alain Charre et Pierre Lacôte, Jean-Philippe Bui Van, Temoignages Chronologie Bibliographie Expositions Numéro spécial du cahier du musée des Beaux-Arts 21 x 29,7 cm 80 pages, 16 pages N/B, 64 pages quadri ISSN : 1765-2480 Sortie prévue fin juillet 16 € 18 Informations pratiques Horaires d’ouverture Exposition ouverte tous les jours sauf mardi et jours fériés de 10h à 13h05 et de 14h15 à 18h, le vendredi de 10h30 à 13h05 et de 14h15 à 18h. Tarifs L’entrée au musée donne accès à l’exposition. Plein tarif 6 € / Tarif réduit 4 €, gratuit pour les moins de 18 ans, les étudiants de moins de 26 ans et les chômeurs. Accès Entrée de l’exposition : 20 place des Terreaux – 69001 Lyon Accès réservé aux personnes en situation de handicap : 17 place des Terreaux – 69001 Lyon Parking des Terreaux et parking Hôtel de Ville de Lyon Métro : lignes A et C, station Hôtel de Ville - Louis Pradel Bus : lignes 1, 3, 6, 13, 18, 19, 40, 44, 91. Vélov’ : rue Edouard Herriot et rue Paul Chenavard Contact presse Sylvaine Manuel de Condinguy [email protected] tél. : 33 (0)4 72 10 41 22 - fax : 33(0)4 78 28 12 45 Musée des Beaux-Arts de Lyon 20, place des Terreaux 69001 Lyon tél. 04.72.10.30.30 19