français de suisse

Transcription

français de suisse
MIEUX COMPRENDRE∑39
50 Chronique de Jacques Pilet
52 Opinon de Charles Poncet
54 Finance
«PARIS EST UNE VILLE
INVIVABLE QUAND
ON A DES ENFANTS
ALORS QUE, EN SUISSE,
NOUS DISPOSONS
D’UNE QUALITÉ DE VIE
INCROYABLE.»
Frédéric, 44 ans, employé dans la finance
Français de Suisse
Qui sont-ils?
ous avez dû être surpris en arrivant en Suisse. C’est tout petit
ici.» Le général Jean-Philippe Ganascia,
ex-commandant de la Force européenne
ALAN HUMEROSE REZO
Les Français qualifiés pallient
la pénurie de cadres dans
les sociétés internationales.
Page 42
démocratique des armées – un organisme créé par la Suisse – l’officier supérieur français a le sentiment que son
interlocuteur lui prête, sans même en
avoir conscience, une arrogance qui lui
est bien étrangère. Féru d’histoire,
La vision de six jeunes
Français aux carrières
helvétiques. Pages 43-45
¬REPORTAGE
La communauté française
à Zurich forme un îlot soudé.
Pages 46-47
¬PRÉSIDENTIELLE
UMP et PS draguent
les Français de Suisse.
Pages 48-49
MIEUX COMPRENDRE
«V
au Tchad, est perplexe. La réflexion de
ce chef de bureau, en l’accueillant à
Genève, traduit un complexe qu’il n’avait
aucunement l’intention de susciter.
Depuis juin 2011 conseiller du directeur
du Centre genevois pour le contrôle
¬PROFILS
¬PORTRAITS
Les Français sont toujours plus nombreux à venir s’installer durablement en Suisse
romande. A la faveur d’un climat incertain favorisé par les prochaines élections présidentielles, ils apprennent à s’intégrer à un monde helvétique aussi proche que lointain.
PHILIPPE LE BÉ
SOMMAIRE
40∑FRANÇAIS DE SUISSE
MIEUX COMPRENDRE
Naturalisations en vogue. Signe tangible
d’un regain d’intérêt des Français pour la
Suisse, depuis quelques mois ces derniers semblent se bousculer au portillon
de la naturalisation. C’est notamment le
cas dans le canton de Fribourg: en 2011,
le nombre de dossiers en cours de traitement (pour une naturalisation ordinaire)
a atteint 96, dont 31 ont été finalisés,
contre seulement 10 en 2007 et 7 en
2005. Au cours du premier trimestre
2012, pas moins de 15 dossiers ont déjà
été déposés, regroupant parfois plusieurs
INSTITUTIONS CULTURELLES
Des postes clés
Proche de son équivalente française, la culture
romande attire les talents d’outre-Jura. En particulier pour diriger ses institutions. Une fois
prise, la responsabilité n’est pas une sinécure:
«Il faut au moins deux ans d’apprentissage pour
passer d’une culture normative, typiquement
française, à une culture de la concertation, note
Jean-Yves Marin, directeur du Musée d’art et
d’histoire de Genève. Les rapports hiérarchiques
sont différents de ceux qu’on a en France: on
n’impose pas, on convainc. Quant à l’engagement, parfois, de collaborateurs français, qui
peut nous être reproché, la réponse est simple:
c’est une question de formations spécialisées.
Le bassin lémanique est trop petit pour produire
toutes les compétences dont nous avons besoin.»
A Genève, des Français dirigent le Mamco
(Christian Bernard), le Musée de la Réforme
(Isabelle Graesslé), la Fondation Bodmer
(Charles Méla), la Comédie (Hervé Loichemol)
ou le Théâtre de Carouge (Jean Liermier, FrancoSuisse).
A Lausanne, des Français pilotent le Musée de
l’Elysée (Sam Stourdzé), le Théâtre de Vidy (René
Gonzalez), l’Opéra (Eric Vigié), le Béjart Ballet (Gil
Roman), la Manufacture-Haute Ecole de théâtre
(Frédéric Plazy). A Vevey, le théâtre sera bientôt
dirigé par Brigitte Romanens-Deville, actuellement à l’Echandole d’Yverdon.√LUC DEBRAINE
personnes d’une même famille. «C’est
une surprise et une véritable explosion»,
commente Jean-Pierre Coussa, chef de
service de l’état civil et des naturalisations, à Fribourg. Pour les autres cantons,
faute d’informations précises sur les
demandes de naturalisation les plus
récentes, il est encore difficile de confirmer ce phénomène.
Qu’est-ce qui peut bien pousser les Français sur les terres helvétiques? L’historien Alain-Jacques Tornare, «100% Gruérien, 100% Français» comme il aime
lui-même se qualifier, fait un rapprochement avec les années 1780. Pressentant
un grand chambardement, maints Français avaient alors pris le chemin de la
Suisse, à l’image de François-Claude
Gigot de Garville, écuyer royal et administrateur général des domaines du roi
de France. Les blocages qui semblent
aujourd’hui paralyser la France de même
que la conscience plus ou moins diffuse
de son relatif déclin pourraient à nouveau
inciter certains de ses concitoyens à franchir les Alpes.
Sentiment de reconnaissance. Dans le
passé, ce sont les bouleversements
politiques successifs en France qui ont
entraîné une forte poussée d’immigration en Suisse: en 1789 avec la Révolution, puis en 1815 avec le débarquement
de Napoléon Bonaparte, en 1830 avec
l’arrivée de Louis-Philippe et en 1848
avec la naissance de la Deuxième République. Aujourd’hui, ce sont surtout les
offres d’emploi et les études qui attirent
les migrants, plus que des considérations
exclusivement fiscales qui ne touchent
qu’une petite minorité de gens fortunés
non actifs au bénéfice d’un forfait dans
certains cantons. Les Français en Suisse
sont plutôt jeunes: 55% ont moins de 40
ans, 23% moins de 18 ans. Certains
joignent l’utile à l’agréable. Ainsi, profitant en 2008 d’une mutation en Suisse
alors qu’elle collaborait à Paris au sein du
groupe Bombardier, la Franco-Suisse
Joanne Bourgeois, aujourd’hui secrétaire
générale adjointe ad interim à la toute
nouvelle Fondation romande pour le
cinéma, affirme avoir quitté la capitale
française, souhaitant vivement s’éloigner
des complications de la vie parisienne et
se rapprocher de la nature. «En Suisse,
relève-t-elle par ailleurs, le fédéralisme
nous place très vite au cœur des enjeux
et des décisions. Depuis que j’y habite, je
m’intéresse beaucoup plus à la politique.»
Il n’est certes pas nécessaire d’en vouloir
à la France pour se sentir bien en Suisse.
Pascal Vallet, directeur associé du cabinet
d’ingénieurs consultants Antaès, à Lausanne, fait volontiers la promotion du
commerce extérieur de l’Hexagone. Ce
Bourguignon d’origine n’a pas hésité à
acheter un drapeau français pour soutenir l’équipe tricolore de rugby à Cardiff le
17 mars dernier. Mais, reconnaissant aux
Suisses de l’avoir si bien accueilli quand
il a créé sa société en 2007, avec le soutien des milieux bancaires, il a décidé de
demander sa naturalisation dès cet été.
Au vrai, la communauté française de
Suisse a du mal à être distinguée de la
communauté suisse de France. Ce sont
souvent les mêmes personnes. Les
L’HEBDO 12 AVRIL 2012
12 AVRIL 2012 L’HEBDO
MIEUX COMPRENDRE
Jean-Philippe Ganascia a déjà visité
la plupart des musées de Suisse, un pays
dont il avait déjà avant sa venue une
image positive et libre de tout préjugé.
Deuxième surprise, cette Genève internationale où il pensait goûter à «une vie
trépidante» et qui, finalement, «n’est
pas plus ouverte que les autres villes».
D’une voix calme et généreuse, bien
décidé à développer un maximum de
contacts, le général avoue avoir été un
moment déstabilisé. «En arrivant en
Suisse francophone, je ne m’attendais
pas à vivre ce creux relationnel.»
Deux pays pourtant si proches, partageant la même langue, la France et la
Suisse romande sont en réalité deux
mondes. Lesquels se désirent, parfois
ardemment, sans pourtant s’aimer vraiment quand ils ne se connaissent pas,
mais finissent par s’aimer raisonnablement à force de se connaître. Aux yeux
des Français qui n’ont jamais mis les
pieds en Suisse, celle-ci exhale du bienêtre, de la stabilité et de la prospérité,
mais aussi de l’argent sale des fraudeurs,
mafieux et dictateurs de tout poil. Mais
pour la plupart de ceux qui décident de
s’y installer, le côté clair de leur pays
d’adoption finit, avec le temps, par
estomper le côté obscur. Ces résidents de
nationalité française sont toujours plus
nombreux: 157 000 inscrits sur les listes
consulaires en 2011, en hausse de 7,3%
par rapport à 2010 et de 25% en regard
de 2005. A ce chiffre, il faut ajouter
quelque 20 000 personnes non inscrites
officiellement. C’est en Suisse que figure
la plus importante communauté de Français expatriés, qui pour la première fois
élira son propre député à l’Assemblée
nationale, lors des législatives de juin
prochain.
FRANÇAIS DE SUISSE∑41
42∑FRANÇAIS DE SUISSE
LINDA BOURGET
P
armi les Français qui se fondent
dans le paysage helvétique se
trouve un nombre croissant de travailleurs qualifiés, formés en particulier à
l’ingénierie et au commerce dans
l’Hexagone voisin. Certains dirigent
même des fleurons de l’industrie helvétique, à l’instar de François Thiébaud, à la tête des montres Tissot, ou
d’Alexandre Sacerdoti, patron des chocolats Villars. Les autres sont plus discrets, occupant des postes de cadres ou
de managers. «L’évolution est nette:
on observe de plus en plus de jeunes,
juste diplômés ou au bénéfice d’une
première expérience professionnelle,
qui viennent travailler en Suisse et qui
y développent un projet de vie, observe
Romain Duriez, directeur de la
Chambre France-Suisse pour le commerce et l’industrie. Le phénomène est
similaire à ce que l’on observe avec les
Allemands du côté de Zurich.»
Auteur de Travailler et vivre en Suisse,
David Talerman analyse la situation en
des termes simples: «La France a la
spécificité de produire beaucoup de
diplômés, notamment beaucoup d’ingénieurs. Mais elle ne parvient pas à les
absorber. En Suisse, il y a au contraire
une forte pénurie de certaines catégories de main-d’œuvre qualifiée. Logiquement, on voit arriver beaucoup de
jeunes trentenaires sur le marché
suisse.»
Réponse aux changements suisses.
Leur présence est particulièrement
marquée dans le génie civil et la
construction en général, la finance ou
l’hôtellerie. Un phénomène qui tient
en partie à l’évolution du tissu économique suisse, analyse Dimitri Djordjèvic, directeur romand de la société de
recrutement Mercuri Urval. «La situation a énormément changé ces quinze
dernières années. Avant, le tissu
romand était surtout constitué de
PME qui recrutaient localement.
Aujourd’hui, dans l’arc lémanique en
tout cas, on trouve beaucoup de sociétés internationales qui ont besoin de
personnel très qualifié, disposant de
compétences pointues. Mais le vivier
romand ne s’est guère étendu. Du
coup, les entreprises doivent aller
chercher ailleurs et, pour des raisons
de proximité évidentes, la France est
l’une des zones de recrutement
importantes.»
Ces immigrés très profilés sont également nombreux dans le milieu académique. A l’instar de Philippe Gillet,
vice-président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et
ex-directeur de cabinet de la ministre
française de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie
Pécresse. «Quelque 12% des professeurs de l’EPFL viennent de France,
ce n’est pas anodin, explique le géophysicien. Le taux est également
significatif au niveau des étudiants et
des doctorants. Les hautes écoles
suisses sont de plus en plus attractives pour les Français, parce qu’il y a
ici des moyens pour la recherche que
l’on ne trouve pas facilement ailleurs.
Mais entrer dans les universités et
EPF n’est pas évident. En général, ce
sont donc des talents qui arrivent
ici.»√
L’HEBDO 12 AVRIL 2012
JORIS HEYMAN, 24 ANS, ASSISTANT DOCTORANT À L’EPFL, LAUSANNE
«Je vois ce pays comme une île magique»
Il avait l’embarras du choix. Au
sortir de ses études d’ingénieur
à l’Institut national de sciences
appliquées de Rennes, Joris
Heyman décide de poursuivre
son cursus dans la recherche.
Deux postes de doctorant
s’offrent à lui: l’un à l’Ecole
polytechnique fédérale de
Lausanne (EPFL) et l’autre à
l’Université de Grenoble.
Décidé à se faire connaître au
sein du milieu académique
français, il privilégie l’Isère
mais déchante rapidement:
MARIE-HÉLÈNE RHEIMS, 39 ANS, CONSULTANTE, GENÈVE
«Je ne suis pas venue en Suisse pour des questions fiscales»
Lorsqu’elle était enfant, MarieHélène Rheims passait régulièrement ses vacances en Suisse
pour y retrouver une partie de sa
famille. Cette Parisienne, qui a
grandi en Lorraine, a fini par
s’installer à Genève il y a trois ans
«pour des raisons personnelles
et professionnelles. En aucun cas
pour des motifs fiscaux, la cité
du bout du lac appliquant des
taux d’imposition similaires à
ceux de la France.»
Après avoir acquis une longue
expérience en marketing dans le
monde du luxe, vécu dans de
nombreux pays, notamment en
Angleterre, cette avocate de formation décide de lancer dans la
12 AVRIL 2012 L’HEBDO
Cité de Calvin son entreprise,
Rheims Consulting SA. «J’aide
des sociétés à définir leur stratégie et leur positionnement afin
d’optimiser leur développement.
La plupart de mes clients sont
des firmes suisses ou anglaises.»
Aux prochaines élections présidentielle puis législative, MarieHélène se rendra aux urnes: «J’ai
toujours voté et je vais continuer,
d’autant que je suis assez inquiète
pour l’avenir de la France.»
Cependant, elle ne sait pas si elle
retournera un jour vivre dans son
pays d’origine. «Je suis parfaitement bien en Suisse; la création
de mon entreprise en est la meilleure preuve.»√BERTRAND BEAUTÉ
MIEUX COMPRENDRE
remarque le Français Henri Muhr, CEO
du groupe de construction Steiner depuis
trois ans, «les Français viennent en
Suisse notamment pour combler un déficit de cadres, d’experts et de managers».
Et Didier Forget, CEO de Fläkt Woods
(lire son portrait en page 45) de confirmer:
«J’ai recruté une assistante de direction
non pas grâce à son passeport français,
mais en raison de son expérience à l’international. Il n’est pas facile de trouver
ces compétences dans le seul vivier de la
Suisse romande.» Qui plus est, comme le
marché suisse est souvent considéré par
les entreprises françaises comme un
marché test (ce qui réussit en Suisse
réussit ailleurs dans le monde!), ce n’est
pas demain la veille que la présence tricolore va s’affaiblir.
Reste aux nouveaux venus à se mettre au
diapason des mœurs et coutumes helvétiques. Demandant un conseil à un banquier dès son arrivée en Suisse, Pascal
Vallet s’est entendu dire: «Ne répondez
pas aux questions que l’on ne vous pose
pas.» Les Suisses ne supportent pas la
rhétorique de certains Français qui leur
donne des complexes d’infériorité, au
demeurant injustifiés, comme tous les
complexes. Mais si le renard français
prend le temps d’apprivoiser le petit
prince suisse, s’ensuit à coup sûr une belle
histoire dans l’histoire de leurs étroites
relations.√
Profils
Le pendant des
Allemands de Zurich
«Quelques semaines avant de
commencer, tous les financements ont été supprimés. C’est
ça, la France d’aujourd’hui.»
Il peut se rattraper en rejoignant
le laboratoire d’hydraulique
environnementale de l’EPFL,
où l’autre poste est toujours
libre. «Ce que je voulais, c’était
faire une thèse. Si j’étais resté
en France, je serais encore en
train de chercher un emploi car
les budgets dévolus à la
recherche s’amenuisent de plus
en plus.» Une décision par
défaut qu’il ne regrette pourtant
pas. A présent, il vante le bienêtre de la vie helvétique, largement soutenu par le niveau
élevé des salaires: «Je vois ce
pays comme une île magique,
épargnée par les problèmes qui
touchent ses voisins.» Pour
autant, la Suisse ne représente
qu’une étape dans la vie du
Breton: «A terme, j’espère pouvoir trouver du travail en France.
C’est mon pays et j’y ai mes
racines.»√KEVIN GERTSCH
ALAN HUMEROSE REZO
MIEUX COMPRENDRE
Déficit de cadres. Quoi qu’il en soit,
De nombreux Français qualifiés occupent des postes de
cadres pour lesquels la main-d’œuvre suisse fait défaut.
ALAN HUMEROSE REZO
binationaux représentent en effet
presque la moitié des Français immatriculés en Suisse.
Ces derniers provoquent-ils des réactions de rejet auprès des Suisses romands
comme les Allemands auprès des Suisses
alémaniques? Si une certaine mauvaise
humeur est parfois perceptible à l’égard
des frontaliers, notamment à Genève, elle
ne touche pas vraiment les Français
détenteurs d’un permis d’établissement
de longue durée et encore moins les binationaux. Et pour cause: «Les Germains de
langue française», selon l’expression
d’Alain-Jacques Tornare, parlent la même
langue que «la minorité non visible des
Français». Avec leur Hochdeutsch fluide
et rapide, les Allemands se font quant à
eux singulièrement remarquer par les
Suisses alémaniques sur les terrasses des
restaurants zurichois.
FRANÇAIS DE SUISSE∑43
44∑FRANÇAIS DE SUISSE
FRANÇAIS DE SUISSE∑45
DIDIER FORGET,
CEO DE FLÄKT WOODS, GENÈVE
PDG du groupe genevois Fläkt
Woods, spécialisé dans les
techniques de ventilation et
de traitement de l’air, Didier
Forget travaille pour, ou à
l’étranger depuis l’âge de 23
ans. A l’aise dans la mondialisation industrielle, cet ingénieur ancien cadre dirigeant
d’Alstom préfère nettement
identifier «la France qui
gagne» au TGV plutôt qu’à la
«Je me sens très Français et,
bien sûr, j’irai voter aux élections.» Même s’il vit en Suisse
«La reconnaissance du travail bien fait est très motivante»
depuis plus de treize ans,
Florian Guy reste très attaché
au pays qui l’a vu naître. «Je suis
originaire de Bourg-en-Bresse.
J’avais 17 ans quand toute ma
famille est venue s’installer en
Suisse.» Si cette dernière est
rentrée, il a préféré rester. Un
choix qu’il ne regrette pas:
«J’adore ce pays, il y a vraiment
très peu d’inconvénients à vivre
ici. J’y apprécie le côté paisible
que l’on ne trouve pas en France,
la qualité de vie extraordinaire,
la mentalité moins stressée des
gens. De plus, la Suisse ne fait
pas partie de l’Union européenne et je trouve très bien
qu’elle n’y adhère pas car je suis
vraiment déçu par l’UE.»
La question ne lui a pas même
effleuré l’esprit. «Il n’était pas
imaginable que ce soit mon ami
qui s’installe en France»,
Florian avoue cependant avoir
été affecté par le débat sur les
frontaliers: «Les Français sont
un peu les têtes de Turc des
Suisses. Même s’il y a certains
traits de caractère qui sont vrais,
comme le chauvinisme ou
encore le côté grande gueule, ce
front antifrançais, je l’ai
senti.»√BB
FRÉDÉRIC, 44 ANS, EMPLOYÉ DANS LA FINANCE, LE PETIT-SACONNEX
«Si nous le pouvons, ma famille
et moi resterons en Suisse.»
Frédéric, salarié dans une grande
banque à Genève depuis cinq ans,
n’a aucune envie de retourner en
France. «Paris est une ville invivable quand on a des enfants alors
que, ici, nous disposons d’une
qualité de vie incroyable avec le
lac et les montagnes. De plus, le
système de santé est plus perfor-
mant et les écoles de meilleur
niveau.»
Ni les impôts ni le salaire ne sont
des raisons qui ont poussé Frédéric à quitter la France. «J’ai découvert la Suisse lors de mon service
militaire que j’ai effectué à
Genève dans le cadre du volontariat à l’étranger. La ville m’a
séduit. Plus tard, lorsqu’une
opportunité professionnelle s’est
présentée, je n’ai pas hésité à
y revenir.» Aux prochaines élections, Frédéric ne sait pas encore
pour qui il votera, déçu des propositions de Nicolas Sarkozy et
de la stigmatisation du milieu
bancaire et des Français de Suisse
par les politiciens: «Au lieu de
toujours critiquer, ils seraient
bien inspirés de regarder ce qui
se fait de bien ici.»√BB
L’HEBDO 12 AVRIL 2012
ALAN HUMEROSE REZO
ALAN HUMEROSE REZO
«Il y a beaucoup d’avantages à vivre en Suisse»
MIEUX COMPRENDRE
Genève où Didier Forget a
acquis un appartement, le siège
social de Fläkt Woods baigne
dans un «environnement multiculturel qui attire les meilleurs talents».√PHILIPPE LE BÉ
12 AVRIL 2012 L’HEBDO
explique Sophie Bornand, qui
a rencontré, au début de l’année
2010, un Suisse travaillant
dans l’horlogerie. Après des
mois de relation à distance,
cette œnologue diplômée de
l’Université de Bordeaux quitte
Châteauneuf-du-Pape, où elle
gérait un domaine viticole, et
pose ses valises à Etoy en
octobre dernier. Non sans avoir
auparavant décroché un emploi
chez Fonjallaz SA à Epesses.
Elle en est persuadée: son compagnon aurait eu beaucoup de
peine à trouver du travail si
spécialisé en France. Mais la
Provençale avait surtout très
envie de quitter son emploi.
«Dans le monde viticole, les
problèmes financiers monopolisent les discussions. C’était
oppressant.» Son arrivée en
Suisse lui apporte une bouffée
d’oxygène. «Il est vrai que les
salaires sont plus élevés ici
mais, plus que tout, la reconnaissance du travail bien fait
est très motivante. Cela, on l’a
un peu oublié de l’autre côté de
la frontière.» Si elle se sent bien
dans le canton de Vaud, l’atmosphère du sud de la France
lui manque: «C’est certain,
j’y retournerai un jour.»
Mais la jeune femme n’est pas
pressée. «Au plus tard à ma
retraite.»√KG
MIEUX COMPRENDRE
«J’adore
la Suisse»
j’apprécie le positionnement
neutre de la Suisse», reconnaît
le CEO. Pas question donc de
céder à «la tentation d’aller
ailleurs», notamment en
France. Déménagé de Zurich à
SOPHIE BORNAND, 29 ANS, ŒNOLOGUE, ETOY
ALAN HUMEROSE REZO
FLORIAN GUY, 30 ANS
INGÉNIEUR CHEZ
NESTLÉ, VERSOIX
baguette et au béret basque.
Avec ses 3500 collaborateurs
dans le monde répartis dans
35 filiales, affichant un chiffre
d’affaires de 720 millions de
francs, Fläkt Woods, issue
d’ABB (d’où sa présence en
Suisse), est l’alliance plus
récente de deux sociétés, d’origines suédoise et britannique.
«Marier ces deux cultures n’a
pas été facile. C’est pourquoi
ALAN HUMEROSE REZO
«J’apprécie le positionnement
neutre de la Suisse»
46∑FRANÇAIS DE SUISSE
MATHIAS KEMPF
CHRISTINE BÄRLOCHER EX-PRESS RDB
FRANÇAIS DE SUISSE∑47
GAETAN BALLY KEYSTONE
d’Hexagonaux. Cette association doit d’ailleurs sa création à une Française.
PERCEPTION Trentenaires très qualifiés et mobiles, attirés par les salaires, les expatriés français vivent Zurich comme une cité internationale plutôt qu’alémanique.
Toujours plus nombreux dans la capitale économique, les Français constituent une communauté structurée, avec un lycée,
des associations et des lieux de rencontre. Ce sont eux, et non
les Romands, qui incarnent la francophonie chez Zwingli.
Français à Zurich
Un îlot soudé
MIEUX COMPRENDRE
TASHA RUMLEY
F
rancophone est un terme qui prête à
confusion à Zurich. Prenez les «jeudis» du même nom, ces apéros mensuels
fréquentés par une bonne centaine de
cravates relâchées et de talons hauts et
vernis. Ne comptez pas y demander un
numéro de «natel». Car vous avez toutes
les chances de faire figure d’unique
Romand parmi ces trentenaires certes
francophones, mais Français de France.
Une communauté bien établie et en
croissance, inestimable avec précision
– 6000 inscrits (volontaires) à Zurich
et 26 000 sur toute la Suisse alémanique selon le consulat. Sans doute
bien plus dans la réalité.
La communauté n’est pas fraîchement
débarquée. La preuve, en 1956 déjà, des
parents y ont ouvert une école française. Le Lycée Marie-Curie a grandi
jusqu’à ac cueillir 700 élèves
aujourd’hui et offrir le cursus français
complet, de la maternelle au baccalauréat. «Chaque année, nous ouvrons une
nouvelle classe pour faire face à la
croissance de la communauté», souligne le proviseur Brigitte Renn.
Jeunes cadres dynamiques. Cepen-
dant, les familles constituent l’exception plutôt que la règle. Les Français
débarquent généralement à Zurich
dans la fleur de l’âge, seuls, appâtés par
un emploi. «Nos membres sont de
jeunes cadres dynamiques», observe
Claire Chave, présidente de l’association des Jeudis francophones, qui
compte 3000 inscrits sur son site.
Rarement ils ont choisi Zurich en soi,
mais y ont trouvé un emploi sur une
L’HEBDO 12 AVRIL 2012
plateforme internationale ou dans une
filiale d’une boîte française, comme
Carrefour, Société Générale ou Alstom.
Alice Delage, urbaniste de 28 ans, a par
exemple saisi l’opportunité du VIE –
Volontariat international en entreprise
– par lequel l’Etat subventionne des
stages en entreprise française à l’étranger. Elle est arrivée en octobre pour un
an chez Losinger Marazzi (Bouygues).
«Je gagne ici plus avec mon stage
qu’avec un CDD en France. Si on me
proposait une place fixe, je serais tentée de rester.» Le salaire, c’est la motivation première de ces jeunes professionnels. «Quand je suis parti en
Suisse, mes copains m’ont dit “Tu vas
gagner plein de sous!”», rigole Bruno
Agostini, chercheur chez ABB. Bons
salaires, mais aussi fiabilité et professionnalisme, le climat séduit. «En
France, il y a une conception du travail
péjorative qui ne me convient pas,
explique Jérôme Delmotte, du comité
des Jeudis francophones. Dès que tu
entres dans la vie professionnelle, tu
penses déjà à la retraite.»
Trentenaires, très qualifiés et mobiles,
ces Français vivent Zurich «comme
une cité internationale plutôt qu’alémanique», observe Franç oisFerdinand Bozso. S’il peut parler l’allemand, il préfère l’anglais au travail.
«J’en connais qui sont là depuis dix
ans mais ne parlent pas un mot»,
note-t-il. Car pour les ennemis historiques des Allemands, la langue de
Goethe ne va pas de soi. «A l’école, il
12 AVRIL 2012 L’HEBDO
ÉDUCATION Le Lycée Marie-Curie, qui offre un cursus complet, ouvre chaque
année une nouvelle classe pour répondre à la croissance de la communauté.
m’est arrivé d’entendre: “L’allemand,
c’est la langue des nazis!”», se souvient
Alice Delage. Si elle l’a choisi avant
l’anglais, c’est selon une règle tacite.
«On considérait que les bons élèves
devaient faire de l’allemand.» Il est
arrivé la même chose à Bruno Agostini. Mais ses cinq ans de cours ne lui
«EN FRANCE, DÈS QUE TU ENTRES
DANS LA VIE PROFESSIONNELLE,
TU PENSES DÉJÀ À LA RETRAITE.»
Jérôme Delmotte, comité des Jeudis francophones
ont pas servi pour autant. «Quand je
suis arrivé à Zurich, j’ai vite compris
que les gens ne parlaient pas l’allemand!» lâche-t-il, dépité par le dialecte. Et quand j’essaie de parler
Hochdeutsch, les gens ont pitié de
moi et passent à l’anglais ou au français après 30 secondes.»
Antithèse des Allemands. Ces difficul-
tés linguistiques poussent au communautarisme. Pas moins d’une dizaine
d’associations réunissent les Français,
qui peuvent ainsi vivre dans une bulle.
Ils ont leur Stamm, comme le Café des
Amis, où commander des crêpes ou du
tartare aux serveurs francophones, le
Cabaret Voltaire ou la Brasserie Lipp.
Ce côté «incestueux», selon Bruno
Agostini, l’a poussé comme d’autres à
se tourner vers la communauté internationale anglophone. Quant aux inte-
ractions avec les autres francophones
que sont les Romands, elles sont étonnamment rares. «Ce sont deux communautés qui se côtoient sans s’intégrer, note Jérôme Delmotte. On est
mieux accueillis par les Alémaniques
que par les Romands.» La plupart perçoivent un agacement antifrançais des
Romands. Alors qu’auprès des Alémaniques, ils peuvent jouer la carte du
charme et du savoir-vivre, qui en fait
de «bons» étrangers, antithèse des
«mauvais» Allemands.
Cette communauté semble en mutation. Elle garde son côté «expat»,
marqué par un fort tournus des
séjours de deux-trois ans, avant que
d’autres aventures appellent ces professionnels à Londres ou à New York.
«Il y a onze ans, quand je suis arrivé,
la plupart étaient des mercenaires, qui
savaient qu’ils repartiraient», se souvient Jérôme Delmotte. Or, la crise
économique a encore renforcé le côté
île miraculeuse – ou miraculée – de la
Suisse. Des nombreux Français à qui
nous avons parlé, aucun n’a émis le
souhait de rentrer au pays. S’ils quittaient Zurich, ce serait pour une nouvelle destination. Mais même ceux-là
deviennent rares. «Quand on vient ici,
on ne repart jamais», pense Bruno
Agostini. Bercé depuis 2004 par la
qualité de vie et de bonnes conditions
de travail, il n’a jamais planifié son
départ. «Et maintenant, les autorités
vont me donner un permis C!», souritil, ravi que la vie ait tranché pour lui.√
MIEUX COMPRENDRE
RÉSEAUTAGE Les Jeudis francophones attirent chaque mois nombre
48∑FRANÇAIS DE SUISSE
législatives pour la circonscription
Suisse-Liechtenstein. On ne les
connaît pas électoralement parlant. Il
est donc difficile de prédire pour qui
ils vont voter.»
Présidentielle
UMP et PS draguent
les Français de Suisse
Effets collatéraux. Surtout, la stigma-
endredi 23 mars, 21 heures. Dans la
salle cossue du Restaurant du
Théâtre à Lausanne, une dizaine de personnes de la section locale du Parti
socialiste français dînent avec Hélène
Conway-Mouret. La sénatrice PS des
Français établis à l’étranger a fait le
déplacement depuis Paris. Objectif:
récolter des suffrages pour François
Hollande. A la table, l’ambiance est
conviviale, presque amicale. Il ne s’agit
pas d’un meeting de campagne mais
d’une réunion informelle où les confidences de la sénatrice alimentent les
débats des militants, renforcent leur
mobilisation.
L’importance de la Suisse n’a pas
échappé aux candidats à l’élection présidentielle: avec une communauté
estimée à près de 160 000 personnes,
sur les 2,5 millions d’expatriés français
dans le monde, la Confédération
représente en suffrages l’équivalent
d’une ville moyenne telle que Dijon.
«C’est un enjeu très important, confie
Nicolas de Ziegler, vice-président de
l’UMP Suisse. Et contrairement à ce
que l’on pourrait penser, la Suisse n’est
pas acquise à l’UMP.»
En 2007, Nicolas Sarkozy avait remporté facilement le pays avec 57% des
suffrages exprimés contre 43% pour
sa rivale, Ségolène Royal. Depuis, la
donne a changé: «Quarante pour cent
des Français de Suisse inscrits
aujourd’hui sur les listes électorales ne
l’étaient pas en 2007, souligne
Claudine Schmid, candidate UMP aux
BENOIT TESSIER REUTERS
V
DUEL L’importance de la Suisse n’a pas échappé aux candidats
à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy et François Hollande.
tisation récurrente par Nicolas
Sarkozy de la Suisse et des Français
qui y vivent a fini par dégoûter une
population qui lui était jusque-là
acquise. Retour en arrière. Lors du
sommet de Cannes en 2009, auquel la
Suisse n’est pas invitée, Nicolas
Sarkozy dénonce les «déficiences» et
les «sérieuses carences» de la Confédération en matière de fiscalité, alors
que le pays a déjà adopté les standards
de l’OCDE.
«Quand le président a commencé à
débiter des stupidités, j’ai rendu ma
carte alors que je m’étais inscrit à
l’UMP en 2007, raconte Frédéric,
employé depuis cinq ans dans une
grande banque à Genève. Et je ne pense
pas être une exception. Désormais, je
me demande si voter utile, ce n’est pas
voter pour François Bayrou. L’abstention reste aussi une option.»
«L’électorat est particulier en Suisse,
explique Nicolas de Ziegler, de l’UMP.
Plus de 50% des inscrits sont des
binationaux. Lorsque le pays est attaqué, ils réagissent comme des Suisses.
Ils ont mal vécu la manière dont l’Etat
a été traité durant le quinquennat.
D’autant, il faut l’avouer, que sur la
forme le discours n’a pas toujours été
adapté.»
Conscient de ce déficit d’image, le candidat-président tente de reconquérir
l’étranger tout en multipliant, en
France, les propositions destinées à
séduire les classes populaires. Ainsi,
le lundi 12 mars, Nicolas Sarkozy
annonce sur TF1 la création d’un nouvel impôt pour les exilés fiscaux.
Quatre jours plus tard, les Français de
Suisse reçoivent un courriel de l’UMP
expliquant que «le président a opéré
une distinction très nette entre “exilé
fiscal” et “expatrié” […]. Cet impôt ne
touchera pas les expatriés qui, par leur
activité professionnelle à l’étranger,
font rayonner la France hors de ses
frontières.» Suivront, la même
semaine, deux autres courriels signés
L’HEBDO 12 AVRIL 2012
Nicolas Sarkozy. En parallèle, le candidat-président a lancé un site,
La France forte à l’étranger, qui comprend un bilan de son action en termes
de politique étrangère, ainsi que des
témoignages de Français expatriés.
François Hollande n’est pas en reste.
Le socialiste a lui aussi exprimé le souhait de taxer les exilés fiscaux, mais en
renégociant les conventions fiscales
bilatérales avec la Suisse afin d’imposer les hauts revenus. Pour rassurer les
Français de l’étranger, ses équipes ont
elles aussi procédé à du mailing et le
candidat s’est adressé directement à
ces derniers par un message vidéo. De
quoi convaincre les Français de Suisse?
Les énerver plutôt. «Cela fait dix jours
que je me fais “spammer” ma boîte
mail par les candidats à la présidentielle. J’en ai assez, martèle une
Française installée à Lausanne. L’ambassade ne m’a jamais prévenue que
mon adresse serait distribuée aux candidats lorsque je me suis inscrite sur
les listes électorales.»
«Les Français de l’étranger supportent
assez mal de recevoir des courriels de
campagne», confirme Louis Lepioufle,
secrétaire de la section de Genève du
«DITES À FRANÇOIS HOLLANDE
DE NE PAS NOMMER FABIUS
PREMIER MINISTRE. NOUS AVONS
BESOIN DE TÊTES NOUVELLES.»
Une militante socialiste à Lausanne
Parti socialiste français. Le meilleur
moyen de les convaincre reste les rencontres avec des acteurs politiques de
premier plan.
A la table du Restaurant du Théâtre à
Lausanne, la sénatrice Hélène
Conway-Mouret raconte son voyage
en Suisse, durant lequel elle s’est
notamment entretenue avec des fonctionnaires internationaux, a visité le
Théâtre de Vidy et déjeuné à l’Ecole
hôtelière de Lausanne. «J’ai été particulièrement impressionnée par le professionnalisme des étudiants de cette
institution. Ils nous ont servi un déjeuner savoureux.» Une visite pas complètement désintéressée: 40% des
élèves de l’EHL sont français…
12 AVRIL 2012 L’HEBDO
«Pour aider François Hollande, je vais
partout où il me dit d’aller», poursuit
Hélène Conway-Mouret. Depuis le
début de la campagne, son agenda
s’est ainsi transformé en tour du
monde: 20 mars à Dublin, 22 à Genève,
23 à Lausanne, 26 à Bruxelles, 28 à
Paris, 3 avril aux Pays-Bas… «Contrairement à ce que prétendait un article
paru dans la Tribune de Genève, selon
lequel “François Hollande snobe la
Suisse”, le Parti socialiste n’a jamais
laissé ce pays de côté, précise Louis
Lepioufle. La venue de la sénatrice
Hélène Conway-Mouret en est la
preuve. Après elle, Catherine Trautmann, présidente de la Délégation
socialiste française au Parlement
européen, viendra en avril à Genève
s’adresser aux Français de Suisse.»
Prise de conscience. Côté UMP, l’am-
biance semble plus morose: «A Paris,
ils considèrent, à tort ou à raison, que
le vote suisse est acquis, lâche Nicolas
de Ziegler, vice-président de l’UMP
Suisse. Jusqu’ici, ils ne prévoyaient pas
d’envoyer quelqu’un.» Preuve d’une
prise de conscience au sein du parti
présidentiel, la donne vient de changer:
«Michèle Alliot-Marie se déplacera à
Genève le 16 avril pour soutenir le président. Et je serai à ses côtés, révèle
Claudine Schmid, candidate UMP aux
législatives, qui vient de recevoir la
confirmation de la venue de l’exministre. J’informerai nos militants
ainsi que la communauté française.»
Une visite importante fixée opportunément avant le premier tour de la
présidentielle: «En Suisse, MAM est
particulièrement appréciée, détaille
Nicolas de Ziegler. Lorsqu’elle était
ministre, à chaque fois qu’elle venait
dans le cadre de ses fonctions, elle prenait toujours le temps de passer dire
bonjour aux militants locaux. C’est
l’une des rares politiciennes à avoir ce
genre de geste.»
Dans la salle du Restaurant du Théâtre
à Lausanne, la fin du repas approche.
C’est l’heure des requêtes: «S’il vous
plaît, dites à François Hollande de ne
pas nommer Laurent Fabius premier
ministre, demande une militante à la
sénatrice. Nous avons besoin de têtes
nouvelles...»√LARGEUR.COM
LÉGISLATIVES
Enfin des députés
de l’étranger!
En juin, après la présidentielle
se tiendront les élections
législatives. Pour la première fois,
les Français de Suisse et du
Liechtenstein éliront un député.
Entre les huit candidats déclarés
(voir la liste), la joute politique commence à peine, mais elle promet
d’être intéressante. Sans surprise,
les deux poids de la campagne sont
la Zurichoise Claudine Schmid, qui
défend les couleurs de l’UMP, et la
Genevoise Nicole Castioni, pour le
PS. Deux candidates qui n’ont pas
été parachutées depuis Paris par leur
parti respectif. «Je tire ma légitimité
du terrain et de mes expériences»,
martèle Claudine Schmid. «Au PS,
il n’y a pas eu de parachutage, mais
des négociations», embraie Nicole
Castioni.
Les autres? «Les candidats indépendants des partis ne me font pas peur,
explique Claudine Schmid. Que faire
d’un député qui n’appartient à aucun
groupe? Il n’aura aucun pouvoir.»
Côté PS, on se montre moins affirmatif vis-à-vis des candidatures
dissidentes: «J’espère que la division
de la gauche pour les législatives va
s’arrêter là», souffle Louis Lepioufle,
secrétaire de la section de Genève de
la Fédération des Français à l’étranger du PS. Pour autant, les autres
candidats ne partent pas battus
d’avance: «C’est parce que la gauche
va gagner la présidentielle que j’ai
de réelles chances d’être élue, estime
la Lausannoise Ximena Kaiser
Morris, candidate des Verts. Après
la présidentielle, les Français passeront du vote utile au vote du cœur et
de la raison.»√
Huit candidats sur la ligne de départ:
Claudine Schmid (UMP) , Nicole Castioni (PS),
Ximena Kaiser Morris (EELV, les Verts),
Marie-Françoise d’Anglemont de Tassigny (Parti radical),
Magali Orsini (Front de gauche),
Laila Barki (Parti radical de gauche),
Pierre-Jean Duvivier (indépendant),
Didier Salavert (indépendant).
MIEUX COMPRENDRE
Après avoir stigmatisé la Suisse, les grands partis
de l’Hexagone tentent par tous les moyens d’imposer leurs
candidats aux électeurs installés dans la Confédération.
BERTRAND BEAUTÉ
MIEUX COMPRENDRE
FRANÇAIS DE SUISSE∑49

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