faute grave du salarié

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faute grave du salarié
LA FAUTE GRAVE DU SALARIE
(définition et régime juridique)
Quelles sont les limites (définition, exemples) et les conséquences d’une faute grave du
salarié suivant le type de contrat (C.D.D. OU C.D.I.) ? Peut-il y avoir mise à pied dans
l’attente d’un licenciement ? La faute grave est-elle toujours privative du préavis ? Nous
allons répondre à ces questions.
Dans un premier temps, il convient d'exposer quelle est la définition précise de la faute
grave.
Puis, nous exposerons les conséquences éventuelles d’une telle faute pour le salarié
suivant la situation dans laquelle il se trouve.
I/ Définition de la faute grave – illustrations
A/ La notion de faute grave
Aux termes d’une jurisprudence désormais tout à fait établie, la faute grave est définie
comme celle résultant de tout fait ou ensemble de faits imputable au salarié constituant
une violation des obligations découlant de son contrat ou des relations de travail d’une
importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l‘employé dans la société
concernée.
Ainsi, il doit s’agir non seulement d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais
plus encore d’une faute d’une gravité telle que l’employeur doit se séparer
immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche des activités de son
entreprise.
Pour autant, la faute grave n’est pas une faute lourde (faute en principe intentionnelle
ayant de graves conséquences pour l’employeur…et le salarié, qui se voit privé de toute
indemnité, y compris l’indemnité compensatrice de congés payés).
En effet, une faute grave n’est pas nécessairement intentionnelle, elle peut résulter tout
simplement de l’incapacité du salarié, quelle que soit sa bonne volonté, à fournir un
travail exempt d’erreurs, si celles-ci sont graves.
Enfin, la faute grave doit être prouvée par l’employeur. En cas de doute, cela profitera
toujours au salarié. L’on peut noter que la Cour de cassation a récemment réaffirmé, par
un arrêt du 26 novembre 2002, que l’employeur ne peut se fonder sur un rapport dressé
à la suite d’une filature du salarié pour prouver une faute grave (mais certaines cours
d’appel ne sont pas aussi strictes).
B/ Illustrations
Les illustrations de la faute grave sont aussi nombreuses que variées.
Ainsi en va-t-il par exemple des fautes suivantes (cas jugés en cour d’appel ou en cour
de cassation):
- abandon de poste, absence prolongée injustifiée ou absences fréquentes non justifiées,
mêmes courtes,
- insubordination (refus d’exécuter des tâches prévues au contrat …),
- violences, injures,
- harcèlement sexuel,
- vol d’une pièce de viande par un cuisinier (et oui …) ou de documents de l’entreprise,
photocopie de documents couverts par le secret professionnel,
- perte du permis de conduire pour conduite en état d’ivresse (même en dehors de son
temps de travail), ou même simplement conduite à une vitesse excessive,
- emprunt d’une machine ou d’un véhicule de l’entreprise sans autorisation pour un
usage personnel,
- retard considérable du salarié dans l’exécution de son travail,
- refus non justifié d’effectuer des heures supplémentaires ou des heures d’astreinte,
- refus de rédiger des rapports commerciaux,
- serveur dans la restauration "piquant" dans la caisse,
- comptable s’attribuant unilatéralement une prime,
- détournement de clientèle vers un concurrent,
- dormir sur son lieu de travail ou ne pas respecter l’horaire de travail,
- refuser de se déplacer occasionnellement, même en l’absence de clause de mobilité,
- demande de remboursement de frais professionnels fictifs,
- retard d’un mois dans l’envoi d’un certificat d’arrêt de travail,
- refus de respecter des règles d’hygiène et de sécurité,
- confusion entre des activités politiques et professionnelles (sic …)
- minoration de ses déclarations de ressources afin de bénéficier de prestations sociales
indues (alors que la salariée travaillait pour une autre caisse …)
- diffusion abusive d’informations alarmantes sur la situation de l’entreprise, par exemple
à un commissaire aux comptes,
- congés payés "anticipés" ou "retardés" à plusieurs reprises,
- fautes juridiques multiples dans la gestion des dossiers des clients de l’entreprise,
Par contre, il a été jugé que ne constituaient pas des fautes graves (fautes "simples" ou
absence de faute) :
- l’utilisation dans le cadre d’un procès prud’homal de documents appartenant à
l’entreprise dont le salarié avait eu la libre disposition dans le cadre de ses fonctions,
- un léger retard dans l’envoi d’un arrêt maladie,
- des absences mêmes répétées ou prolongées, mais dûment justifiées,
- le refus du salarié d’appliquer une clause de mobilité (mutation géographique), même si
l’employeur ne commettait aucun abus dans sa mise en oeuvre,
- etc …
Notons que la carrière "sans histoires" d’un salarié conduira les juges à être plus
tolérants à son égard : une même faute peut être jugée grave à l’égard d’un jeune
employé et être jugée "moins grave" pour un employé ayant vingt ans d’ancienneté.
Remarquons également que des fautes légères mêmes diverses et répétitives ne peuvent
à elles seules justifier un licenciement pour faute grave.
Pour l’anecdote, la disparition du salarié qui n’a pas été élucidée (ce n’est pas un cas
d’école hélas…) ne peut non plus constituer une faute grave.
Une insuffisance professionnelle, la non réalisation d’un objectif en termes de rendement
ou de chiffre d’affaires, ou une inaptitude à l’emploi sont normalement exclusifs d’une
faute grave, lorsqu’ils ne sont pas précisément aggravés par des fautes importantes.
II/ Les conséquences de la faute grave
A/ La mise à pied éventuelle
L’employeur n’est pas tenu de décider une mise à pied conservatoire à l’encontre du
salarié malgré la définition de la faute grave (…maintien impossible du contrat de
travail).
En effet, ce qui compte, c’est la non exécution du préavis à compter du licenciement (voir
B/ ci-après).
En tout cas, si elle est prononcée, la mise à pied conservatoire est une mesure provisoire
ne constituant pas en elle-même une sanction. Elle permet à l’employeur d’"éloigner" le
salarié de l’entreprise, par exemple le temps de vérifier la véracité des allégations de ses
collègues sur ses fautes prétendues.
Si, à l’issue de la mise à pied, la faute grave n’est pas retenue, l’employeur doit verser le
salaire correspondant à la période de mise à pied. Il en est d’ailleurs de même si
l’employeur décidait finalement de licencier le salarié en raison d’autres faits, mêmes
graves : le salaire devrait être versé quand même, les fautes alléguées étant différentes.
B/ La privation du préavis
En présence d’une faute grave, l’employeur peut refuser de régler au salarié le préavis
(quel qu’en soit la durée ou l’origine contractuelle, légale ou conventionnelle).
Pour autant, si l’employeur règle volontairement le préavis lors d’un licenciement, ce
paiement n’exclut pas l’existence d’une faute grave, la "tolérance du patron" ne devant
pas se retourner contre lui.
Par contre, si l’employeur laisse le salarié exécuter son préavis lors d’un licenciement, il
reconnaît pas la même, selon la jurisprudence, l’absence d’une faute grave (celle-ci se
définissant, au contraire, comme celle rendant le maintien du contrat impossible même
pendant le préavis…). L’employeur ne devra donc pas tomber dans le "piège" de laisser le
salarié continuer à travailler s’il a opté pour un licenciement pour faute grave.
De même, il est souvent jugé que l’employeur ne peut non plus invoquer la qualification
de faute grave s’il tarde à engager la procédure de licenciement suite aux faits reprochés.
C’est là une solution jurisprudentielle vécue comme injuste par l’employeur "laxiste" mais
justifiée par la définition de la faute grave rappelée ci-dessus.
Mais, bien entendu, un retard court (huit jours) ou justifié par une enquête sur les fautes
soupçonnées ou par les délais de mise en oeuvre de la procédure est sans conséquences
pour l’employeur. Le tout dans la limite légale de deux mois après les faits, toute faute
ancienne de deux mois ou plus ne pouvant plus être sanctionnée en vertu des règles
disciplinaires générales. De la même façon, rappelons que toute faute déjà sanctionnée
(avertissement écrit par exemple) ne peut plus justifier en elle-même un licenciement
fondé sur le même motif.
Dernier rappel : le licenciement même prononcé pour faute grave, et donc sans
exécution d’un préavis, ne pourra néanmoins être régulier qu’après convocation du
salarié à un entretien préalable et que moyennant le respect des délais légaux en pareille
circonstance.
C/ La rupture du C.D.D.en cas de faute grave
La faute grave du salarié constitue le principal motif possible de rupture du C.D.D. avant
son terme normal.
D’ailleurs, le contrat ne peut prévoir qu’une faute simple suffirait pour justifier sa rupture
anticipée.
En la matière, la faute grave est définie de la même manière que pour la faute grave en
présence d’un C.D.I. : elle doit rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise,
et elle peut être involontaire autant qu’intentionnelle.
Une insuffisance professionnelle, la non réalisation d’un objectif en termes de rendement
ou de chiffre d’affaires, ou une inaptitude à l’emploi sont pareillement exclusifs d’une
faute grave lorsqu’ils ne sont pas aggravés par des fautes importantes.
Comme pour les C.D.I., l’exécution d’un préavis quelconque exclura que l’employeur
puisse invoquer la faute grave en raison de sa définition très stricte.
Mais attention : la rupture du contrat ne pourra avoir lieu qu’après convocation du salarié
à un entretien préalable (sous peine de dommages et intérêts pour le salarié).