COURS 4 PHYSIOPATHOLOGIE DE LA THERMOREGULATION I
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COURS 4 PHYSIOPATHOLOGIE DE LA THERMOREGULATION I
DEPARTEMENT DES SCIENCES FONCTIONNELLES PHYSIOPATHOLOGIE Rue Tudor Vladimirescu, 14 300173 Timi oara, Tel/Fax: +40 256 493085 Année universitaire 2014-2015 COURS 4 PHYSIOPATHOLOGIE DE LA THERMOREGULATION Plan de cours I. Bref rappel physiologique : mécanismes de la thermorégulation II. Physiopathologie de la fièvre III. Les hyperthermies IV. Les hypothermies I. Bref rappel physiologique : mécanismes de la thermorégulation La température du corps humain est un facteur limitant important des activités biologiques, surtout la vitesse des réactions enzymatiques, remarquablement régulée. La thermorégulation englobe les mécanismes qui permettent de maintenir l’organisme à la température idéale pour faciliter l’ensemble des réactions biochimiques nécessaires à la vie. Le but de la thermorégulation est de maintenir la valeur réelle de la température centrale (la température des organes situés à l’intérieur des cavités thoracique, abdominale et crânienne) autour d’une valeur de référence ou valeur de consigne d’environ 37°C en dépit des variations de la température d’environnement. Les oiseaux et les mammifères (comme l'Homme) sont appelés des homéothermes parce qu’ils maintiennent constante leur température centrale, par la production de chaleur interne (déchet du métabolisme cellulaire produit de façon permanente), quelles que soient les variations ambiantes (animaux à « sang chaud ») . Certains autres (poissons, reptiles) sont poïkilothermes (du Grec, poikilos=variable) parce que leur température centrale est dépendante de celle du milieu ambiant (animaux à « sang froid »). Les animaux hibernant (ex., marmotte, hérisson, loir) représentent un group à part : ils sont homéothermes l’été et poïkilothermies l’hiver – lors de l’hibernation leurs fonctions organiques sont ralenties avec une chute important de la température centrale. La température interne résulte d’une balance entre la production de chaleur appelée thermogenèse et la perte de chaleur appelée thermolyse. 1. La thermogenèse La production de chaleur implique : Au repos, domine la thermogenèse chimique – la production de la chaleur par l’activité métabolique de tissus (notamment du foie, cœur, cerveau, glandes endocrines et muscles squelettiques inactifs). Pendant l’effort, prédomine la thermogenèse musculaire. 1 2. La thermolyse Les mécanismes permettant les pertes de chaleur sont 4 - les premières 3 favorisant l’élimination directe des calories lorsque le 4-eme est indirecte : la radiation (perte de chaleur sous forme d’ondes électromagnétiques infrarouges). Normal, près de 50% de déperdition de la chaleur s’effectue par les rayonnements. Pendant l’été, le corps peut aussi capter la chaleur par les rayonnements (exp. bain de soleil). la conduction (transfert de chaleur de proche entre des objets en contact direct avec une tendance d’équilibration) ; la convection (transfert de chaleur par des courants d’air) ; La conduction et la convection représentent 15 à 20% de la perte de chaleur. l’évaporation (le phénomène de surface qui permet la transformation d’un liquide en vapeurs avec la consommation du chaleur locale ce qui entraîne un refroidissement). L’évaporation se fait au niveau des muqueuses cutanée et respiratoire. - L’évaporation cutanée - 2 modalités : i) la diffusion transcutanée passive de l’eau (perspiration insensible) et ii) le phénomène actif de la transpiration (les glandes sudoripares peuvent sécréter dans un milieu chaud jusqu'à 1 l sueur/h). - L’évaporation pulmonaire est passive: perte insensible d’eau et de la chaleur (visible sous forme de buée lorsque l’air ambiant est froid). 3. Le transport de la chaleur Les calories produites par l’activité métabolique sont réparties dans l’ensemble de l’organisme par le sang et sont amenées aux téguments externes au niveau desquels les échanges s’effectuent. Le sang est l’agent de transfert de chaleur entre l’intérieur du corps et sa surface. La circulation cutanée fonctionne comme un échangeur thermique sous le contrôle du système nerveux autonome: le sympathique (stimulé par le froid) induit vasoconstriction pour prévenir les pertes (diminuer la thermolyse) ; le parasympathique (stimulé lors de la chaleur) induit vasodilatation pour augmenter la thermolyse. 4. Le contrôle de la thermorégulation Le centre de contrôle de la thermorégulation est l’hypothalamus qui se comporte comme un vrai « thermostat ». Les centres thermorégulateurs y localisés comparent en permanence la température réelle du corps avec la valeur consigne (37°C). L’hypothalamus reçoit des informations thermiques de 2 types de thermo-récepteurs : (i) les uns centraux (profonds, viscéraux et surtout hypothalamiques mêmes)) sensibles à la température du sang et (ii) les autres périphériques (superficiels, cutanés) sensibles aux basses températures (impression du froid) et aux températures élevées (impression de chaleur). Il y a 2 centres thermorégulateurs : le centre hypothalamique antérieur (centre de la thermolyse) assure la réponse thermique à la chaleur en déclenchant la thermolyse par la vasodilatation et l’augmentation de sudation ; le centre hypothalamique postérieur (centre de la thermogenèse) assure la réponse thermique au froid par la stimulation de la thermogenèse musculaire et chimique et par la vasoconstriction cutanée pour éviter les pertes. II. Physiopathologie de la fièvre 1. Définition : La fièvre est une réaction non-spécifique de défense de l’organisme développée en réponse à l’action de différents agents déclencheurs appelés des pyrogènes exogènes. Le rôle de la fièvre est celui de signal d’alarme. 2. Ethiopathogénie Les pyrogènes exogènes sont représentés par des : (i) agents pathogènes infectieux (bactéries, virus, fungi), (ii) certaines hormones (la progestérone) et (iii) médicaments (les vaccins et l’interféron recombinant). Les pyrogènes exogènes stimulent la libération par des macrophages et certains lymphocytes, de nombreuses cytokines appelées pyrogènes endogènes, dont les plus connues sont les interleukines (IL) 1, 6, l’interféron (IFN), le « tumor necrosis factor » (TNF). Ces cytokines parviennent via la circulation sanguine au niveau d’hypothalamus pour déclencher l’augmentation de la valeur de référence de centres thermorégulateurs par l’intermédiaire de la prostaglandine E2 (PGE2), un métabolite de l’acide arachidonique par la voie de cyclooxygénase (COX). A cause de décalage entre la valeur réelle (périphérique) et la nouvelle valeur de référence (centrale), brusquement augmentée, la stimulation du centre hypothalamique postérieur va engendrer 2 processus: la déperdition de chaleur va être abaissée grâce à une diminution de la circulation cutanée provoquant ainsi un refroidissement de la peau (sensation de froid, les frissons du début) ; la production de chaleur sera augmentée par des frissons. Ceci va se prolonger jusqu’à ce que la valeur réelle se soit ajustée à l’élévation de la valeur de référence (plateau). Quand la production de pyrogènes endogènes s’arrête (spontanément ou selon l’administration des antipyrétiques), la valeur de référence diminue de nouveau, si bien que la valeur réelle est trop élevée. Le nouveau décalage active le centre hypothalamique antérieur et on aboutit à une augmentation de la circulation cutanée – vasodilatation, avec une sensation de chaleur et des suées. La fièvre tombe en quelques heures (thermolyse „in crisis”) ou en quelques jours (thermolyse „in lysis”). En conclusion, lors d’un réaction fébrile, on décrit 3 phases évolutives : a. Montée thermique = température centrale < consigne ( froid, frissons, pâleur) b. Plateau thermique = équilibre thermogenèse- thermolyse au nouveau consigne c. Défervescence thermique = température centrale > consigne (chaleur, suées, rougeur) ! La fièvre est une hyperthermie contrôlée lors de laquelle la thermorégulation continue à se faire mais à un niveau supérieur à la normale. 3. Les effets de la fièvre La fièvre va provoquer: l’élévation de la fréquence cardiaque (avec 8-12 battements/min pour chaque 1°C) l’augmentation de la vitesse du métabolisme épisodes plus nombreux de sommeil à ondes lentes (qui ont une action réparatrice sur le cerveau) l’accélération de la cicatrisation et inhibition de la croissance bactérienne. 3 Si la température est > 41°C (43°C, limite absolue pour la survie), elle est dangereuse par le risque de dénaturation des protéines. Elle peut engendrer de pertes de connaissance, d’hallucinations (délire fébrile) ou de convulsions (chez les nourrissons et les enfants). 4. Le rôle de la fièvre L’utilité de la fièvre est essentiellement de nous défendre contre les infections en bloquant la prolifération de nombreux agents pathogènes. Elle induite également une diminution des concentrations plasmatiques de métaux, tels le fer, le zinc et le cuivre, essentiels à la prolifération des bactéries. Pour ces raisons, les antipyrétiques - les anti-inflammatoires non-stéroïdiennes (AINS) qui inhibent la COX qui catalyse la formation de PGE2 a partie de l’acide arachidonique) ne doivent être utilisés en général que lorsque la fièvre provoque des convulsions fébriles ou grimpe si haut (>39 C) que l’on craint ces convulsions. III. Les hyperthermies 1. Définition : l’élévation de la température centrale au-dessus de 38°C (au-dessus de 42°C le pronostic vital est en jeu en quelques minutes à quelques heures. Contrairement a ce qui se passe lors de la fièvre, la valeur de consigne demeure inchangée. 2. Physiopathologie On peut distinguer deux types d’hyperthermies lors desquelles les mécanismes thermorégulateurs de l’organisme sont dépassés : hyperthermie liée à des facteurs exogènes : exposition à des températures ambiantes élevées, en particulier si l’atmosphère est très humide ce qui empêche l’évaporation de la sueur); hyperthermie liée à des facteurs endogènes : par augmentation de la thermogénèse dans : effort physique intense troubles endocriniens (hyperthyroïdie, libération des catécholamines) intoxications par des excitants (caféine, amphétamines, cocaïne) par diminution de la thermolyse dans : vasoconstriction cutanée (états de choc) dérèglement des centres thermorégulateurs par des lésions (traumatisme crânien, coma). La température du corps ne peut plus être maintenue à 37 C et on aboutit à une hyperthermie. 3. Syndromes cliniques d’hyperthermie Les crampes de chaleur surviennent lors d’un travail physique intense (augmentation de la thermogenèse musculaire) dans un environnement très chaud (diminution de la thermolyse) par ex. dans les mines, ou après des effort physiques intenses (chez les enfants) surtout si l’eau et le chlorure de sodium, perdus avec la sueur, ne sont pas remplacés. Le traitement est par la réhydratation. L’épuisement par la chaleur a pour symptômes : la fatigue, la faiblesse, l’étourdissement, les maux de tête, la nausée, un pouls rapide et de la transpiration excessive (la thermolyse demeure fonctionnelle). Les traitements immédiats sont: boire de l’eau, s’éloigner de la chaleur et se rendre à un endroit à l’ombre, enlever les vêtements en excès et placer des sachets réfrigérants ou des serviettes mouillées froides au cou, aux aisselles et dans la région des aines. Le coup de chaleur est la plus sévère hyperthermie, caractérisé par une température excédant 40°C avec la défaillance des centres thermorégulateurs (arrêt de la sudation). Elle este associée à une réponse inflammatoire généralisée entraînant une défaillance multiviscérale et aussi une mortalité importante. On décrit 2 types : la forme classique, associé à l’exposition à la chaleur et la forme associé à l’exercice physique. La population cible comprend : jeune âge ou âge avancé, classe sociale basse qui travail en milieu chaud, effort soutenu (marathon, militaires). Les facteurs prédisposants sont représentés par : la déshydratation, l’obésité, l‘alcoolisme, les maladies cardiovasculaires, les maladies de peau (psoriasis, sclérodermie, brûlure, fibrose kystique), l’hyperthyroïdie, le phéochromocytome. La déshydratation est accompagnée par des anomalies sanguines : hypokaliémie, alcalose ventilatoire, acidose lactique avec acidose métabolique (surtout dans l’effort), et des troubles de l’hémostase (coagulation intravasculaire disséminée). L’oedème cérébral et les lésions du système nerveux central sont responsables pour la mort en l’absence d’une aide extérieure rapide. L’hyperthermie maligne est une maladie génétique potentiellement létale, caractérisé par le mal fonctionnement d’un canal libérant le Ca2+ au niveau du réticulum sarcoplasmique (aussi nommé le récepteur de la ryanodine). Certains anesthésiques inhalés (halothane, enflurane, isoflurane) ou certains relaxants musculaires (type succinylcholine) déclenchent soudainement dans les muscles squelettiques la libération excessive de calcium à partir du réticulum sarcoplasmique, provoquant ainsi des contractions généralisées non-coordonées des muscles accompagnées d’une énorme production de chaleur. Le traitement est par la : (i) cessation de l’anesthésie ou du myorelaxant, (ii) l’administration d’un bloqueur de la libération du calcium (dantrolène), et par (iii) un refroidissement de l’organisme. IV. Les hypothermies 1. Définition: la diminution de la température centrale en dessous de 34°C. 2. Classification Selon l’étiologie, on distingue : l’hypothermie accidentelle – par exposition au froid l’hypothermie provoquée – thérapeutique, au cours de certains actes chirurgicaux. Le refroidissement est réalisée en médicine pour ralentir à l’extrême le fonctionnement d’un organe se trouvant dans des conditions insuffisantes d’oxygénation sanguine (ex., le cœur dans la chirurgie cardiaque). 3. Physiopathologie Les hypothermies sont dues à deux grands mécanismes physiopathologiques : 5 dépassement des capacités de réchauffement du corps, les mécanismes thermorégulateurs étant intacts au moment où débute l’hypothermie (ex., exposition prolongée au froid – personnes sans domicile fixe ayant passé la nuit dehors l’hiver, l’alpiniste de haute montagne) ; perturbation des mécanismes thermorégulateurs, les mécanismes thermorégulateurs étant anormaux au départ (ex., hypothyroïdie, les comas toxiques – lors de l’urémie chez les vieillards). Ces hypothermies peuvent se rencontrer même en l’absence d’une température extérieure basse. Les hypothermies accidentelles évoluent en deux phases : a) Phase de lutte – température centrale entre 35 et 33°C et est caractérisée par : frisson, peau froide souvent marbrée, diminution de la force musculaire, diminution du métabolisme (bradycardie avec tension normale, réduction de la diurèse); b) Phase d’abandon - température centrale situe en dessous de 33°C, marquée par : rigidité musculaire progressive, confusion mentale, troubles/perte de la conscience, ralentissement du rythme respiratoire, bradycardie avec la chute de la pression artérielle, arythmies (risque de fibrillation ventriculaire). Traitement : étant donné la gravité et l’évolutivité de ces tableaux, il est impératif d’hospitaliser ces malades dans des services de réanimation. Le traitement est complété par le réchauffement progressif, le traitement de l’état de choc, le remplissage vasculaire, ainsi que les médicaments vasopresseurs (dopamine, dobutamine).