Juridictions nationales et génocide rwandais

Transcription

Juridictions nationales et génocide rwandais
Justine Chesnoy
Juliette Seguin
Antonin Chef
Séminaire de Justice Internationale
M. Philippe Raimbault
Année universitaire 2007-2008
Juridictions nationales et génocide rwandais
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SOMMAIRE :
Introduction :
Du 6 avril au 4 juillet 1994, entre huit cent mille et un million de personnes –selon
les estimations de l’ONU, de l’OUA et les recensements des autorités Rwandaises- ont été
massacrées au Rwanda dans ce qui fut reconnu par la communauté internationale comme le
troisième génocide du 20ième siècle, après ceux perpétrés à l’encontre des arméniens et des
juifs.
Entendu au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948, repris dans
l’acte fondateur de la Cour pénale Internationale -Statut de Rome du 17 juillet 1998-, le
génocide se définit selon une série d’actes ayant l’intention de détruire, en tout ou en partie,
un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Si le terme en soit recouvre déjà des évènements à l’horreur et l’ampleur rarement
égalée, le cas Rwandais n’en est pas moins particulièrement édifiant et singulier dans son
exécution, tout en atteignant des sommets dans l’abomination. Aussi la découverte de toute
l’ampleur et la barbarie du génocide Tutsi –cf. le rapport de la Commission des Droits de
l'Homme du 28 juin 1994- va entraîner un véritable choc traumatique au sein de ladite
communauté internationale: elle sera confrontée à sa responsabilité et son échec à la fois dans
sa mission préventive, dans l’empêchement et dans l’arrêt des massacres alors que va se poser
la question d’apporter une réponse juridique au génocide.
De ce dernier, le professeur Vanderlinden dira notamment que « ce qui frappe, c’est la
dimension du génocide, le fait qu’elle échappe entièrement à une conception coutumière de la
justice par la nature de l’infraction ».
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Le Rwanda au vu de l’énormité du contentieux aura très vite exprimé le souhait de
juger les auteurs du génocide et demandé une aide à la communauté internationale afin de
1- Professeur de l’université libre de Bruxelles.
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reconstruire son appareil judicaire totalement détruit à la fin du conflit. Cependant, le Conseil
de Sécurité ayant reconnu la tenue de violations graves au droit humanitaire dans le cadre du
génocide choisira contre l’avis rwandais de créer le 8 novembre 1995 le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR) afin d’en juger les principaux responsables.
De fait il est à noter qu’il existera deux types de procès attachés au traitement du génocide
Tutsi : ceux internationaux tenus dans le cadre du TPIR, et ceux nationaux, d’une part au
Rwanda qui n’a pas renoncé à rendre sa justice, d’autre part au sein de certains pays ayant mis
en œuvre leur compétence universelle pour accepter de mener des poursuites contre des
génocidaires.
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Dès lors il est important de réfléchir au traitement des crimes contre l'humanité et de
génocide par la communauté internationale -à travers la mobilisation du droit pénal
international-, ce afin de lutter contre l’impunité des auteurs du génocide.
Nous choisirons pour ce faire de focaliser notre étude sur l’appropriation par les différentes
juridictions nationales de la compétence universelle, ce afin d’observer en quoi elles peuvent
venir assister ou compléter le système judiciaire rwandais mais surtout afin d’insister sur la
mise en œuvre de la répression afin d’éviter un « assassinat de la mémoire » : une quelconque
impunité étant impensable face à une telle barbarie et à un tel traumatisme international.
Il s’agira d’illustrer par exemple les nombreux rapports entretenus entre toutes les juridictions
chargées du traitement du génocide. En effet il ne faut pas perdre de vue que le TPIR est voué
à cesser ses activités en 2010, aussi il sera pertinent de comparer les expériences nationales
afin d’en dégager les limites et de déterminer si notamment la mobilisation de la compétence
universelle est vouée à être étendue ou si les juridictions rwandaises pourront à terme prendre
en charge la totalité des procès.
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Il va ainsi s’agir de présenter tout d’abord un état des lieux du droit et des
juridictions rwandaises dans leur traitement effectif du génocide -avec notamment la
réintroduction des tribunaux populaires « Gacaca » par la loi organique rwandaise de 2001puis il faudra analyser la mise en œuvre du principe de compétence d’universalité, avant de
développer des études de cas de pays ayant mobilisé à leur manière ladite compétence afin de
juger des responsables du génocide, ce qui nous permettra de souligner en quoi ces procès
pourront avoir contribué au développement du droit pénal international.
2- Dans le cadre des pouvoirs coercitifs qui lui sont reconnus par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
3- D’après l’expression du journaliste israélien John Lemberger lors de la conférence internationale sur le génocide, tenue à Kigali du 1° au 5 novembre 1995
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I.
Les dispositions juridiques mobilisées pour connaître du génocide
rwandais : comment éviter l’impunité ?
A. La spécificité rwandaise : la quête de justice et de réconciliation
Le Rwanda va avoir à cœur de se faire justice après les atrocités commises lors du génocide.
Il est d’ailleurs à noter que sur le plan quantitatif, le jugement des génocidaires par les
tribunaux rwandais va de loin être la réponse judiciaire la plus importante aux massacres
commis dans le pays.
Au regard de l’importance des crimes commis, seule la réalisation d’une telle volonté de
justice semble être à même de pouvoir conditionner la réconciliation rwandaise. Aussi la lutte
contre l’impunité va-t-elle devenir un enjeu fondamental, encore faut-il reconstruire
l’ensemble d’un système judiciaire réduit à néant par la guerre civile tout en évitant le
dangereux écueil que représente une justice vengeresse, la partie de la population victime du
génocide prenant le pouvoir en juillet 1994 à travers le FPR à majorité Tutsi.
Il importe ainsi de voir de quelle manière le Rwanda a pu faire face a l’impréparation et la
restructuration de son système juridique pour pouvoir reconnaitre l’important contentieux
généré par le génocide Tutsi.
1. L’adaptation du système judiciaire classique pour connaitre du contentieux
La remise en état du système judicaire anéanti durant la guerre s’est inscrite dans une refonte
du système institutionnel dans son ensemble.
Aujourd’hui, les juridictions ordinaires sont dans leur ensemble la Cour Suprême, la Haute
Cour de la République, les Tribunaux de Province et de la Ville de Kigali, les Tribunaux de
District et des Tribunaux de Villes.
Une longue période de transition politique a commencée en 1994, et ne s’est achevée qu’en
2003 avec la tenue des élections législatives et présidentielles et l’adoption d’une nouvelle
constitution. Un nouveau parlement fut créé fin octobre 1994 et l’un des premiers projets de
lois émanant de l’Assemblée a concerné une réflexion sur l’action pénale contre les auteurs du
génocide. D’autre part, le gouvernement et le Parlement se sont penchés sur les adaptations
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législatives et institutionnelles nécessaires à la tenue des procès: cette réflexion collective
débuta en novembre 1995 lors d’une conférence internationale et il en résultera la loi
organique n°08/96 du 30 aout 1996 , laquelle constituera le premier texte législatif rwandais
organisant la répression du génocide.
Cette dernière concerne les actes sanctionnés par le code pénal et qui constituent en même
temps des crimes de génocide ou des crimes contre l’humanité. Pour que la loi s’applique, il
faut donc que l’acte commis rencontre les deux qualifications: cette exigence provient du
souci d’éviter toute critique fondée sur la rétroactivité de la loi. La définition des crimes de
génocide et contre l’humanité est opérée par renvoi aux instruments internationaux pertinents.
On relèvera ici que le législateur rwandais n’a pas jugé opportun de mentionner la résolution
955, créant le Tribunal international pour le Rwanda –la mise en place de ce dernier n’ayant
pas été souhaitée par le Rwanda-, qui contient la définition la plus récente du crime contre
l’humanité.
On peut se permettre de souligner le bénéfice que peuvent retirer les auteurs du génocide de
l’adoption de cette loi organique: de fait de l’absence même de confessions –les pressions et
menaces au sein des populations demeurant très importantes-, les peines prononcées s’avèrent
sensiblement diminuées par rapport à ce qui aurait découlé de l’application du code pénal.
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Suite au referendum du 26 mai 2003, une nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 4 juin
2003 . Par la suite, le 5 avril 2004, un Code d’organisation et fonctionnement judiciaire a été
adopté , suivi également d’un nouveau Code de procédure pénale le 17 mai 2004 .
Parallèlement à ces réformes il fallait pour le pays réorganiser les tribunaux au plus vite, aussi
les autorités ont-elles entrepris d’organiser des formations accélérées pour reformer les
effectifs du personnel judiciaire, bien que la volonté de reconstruction se soit fortement
heurtée à l’insécurité latente qui régnait dans le pays.
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Il parait important de préciser qu’à travers ces démarches l’objectif recherché par le
gouvernement rwandais n’est pas la seule punition des génocidaires, mais bien aussi la
réconciliation nationale. C’est donc dans cette logique que ce dernier instaura les chambres
spécialisées auprès des tribunaux de première instance et des tribunaux militaires, crées
exclusivement pour connaitre du contentieux lié au génocide.
Le droit rwandais applicable au sortir de la guerre ne comportait pas les qualifications
criminelles de génocide ou de crime contre l’humanité bien que le Rwanda ait ratifié les
conventions internationales correspondantes8. Or si le législateur a pu recourir dans un
premier temps à une double incrimination pour pouvoir réprimer ces actes, nous avons pu voir
4- « La présente loi organique a pour objet l'organisation et la mise en jugement des personnes poursuivies d'avoir, à partir du 1er octobre
1990, commis des actes qualifiés et sanctionnés par le code pénal et qui constituent : a) Soit des crimes de génocide ou des crimes contre
l'humanité tels que définis dans la Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, dans la
Convention de Genève du 12 août 1948 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles additionnels, ainsi
que dans celle du 26 novembre 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, toutes trois ratifiées par le
Rwanda. »
5- Constitution de la République du Rwanda du 4 juin 2003, adoptée par referendum du 26 mai 2003, Journal Officiel, n° spécial du 4 juin
2003, telle qu’amendée par la Révision n°1 du 02/12/2003 de la Constitution de la République du Rwanda du 4 juin 2003, Journal Officiel,
n° spécial du 02/12/2003.
6- Loi organique n°07/2004 du 25/04/2004 portant Code d’organisation, fonctionnement et compétence judiciaires, Journal Officiel n°14 du
15 juillet 2004.
7- Loi n° 13/2004 du 17/05/2004 portant Code de procédure pénale, Journal Officiel, n° spécial du 30 juillet 2004.
8- Ratifications le 16 avril 1975 de la Convention sur le génocide 1948 et de la Convention sur l’imprescriptibilité de 1968. Loi n° 33/bis/2003 du 06/09/2003
réprimant le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, JO n° 21 du 01/11/2003.
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quelles apories pouvaient être générées par ce système: aussi fut il adoptée en 2003 une loi
générale sur les crimes contre l’humanité et le génocide.
De plus, dans le but d’éviter la globalisation des auteurs des crimes de génocide et de faciliter
la poursuite individuelle, cette loi organique a placé dans quatre catégories les auteurs
présumés des crimes de génocide et des massacres ou des crimes contre l’humanité, commis
entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
On constate que le travail des chambres spécialisées, est d’importance mais malheureusement
cruellement insuffisant du fait de manque évident de moyens, structures et personnels face à
l’ampleur du contentieux à traiter. Il s’est avéré que depuis la création de ces chambres
spécialisées, c’est à dire depuis 1996 jusque 2000, seuls 6000 cas ont été jugés à travers tout
le pays . Si l’on considère un tel rythme, les procès de 120000 détenus pourraient au moins
prendre plus d’un siècle. Cette situation critique amena ainsi le législateur à intervenir
plusieurs autres fois pour au final être amené à réfléchir à de nouvelles formes de juridictions,
plus à même de garantir cette double exigence de justice et réconciliation.
Ainsi, deux autres lois organiques ont été introduites en 2001 et 2004. Elles ont pour principal
attrait la réactivation des « Gacaca ».
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2. La réactivation de la « justice de Gazon » comme réponse à l’ampleur du contentieux :
Les juridictions réaménagées au sortir du génocide ayant été dépassées par l’ampleur des cas
à traiter, le législateur a donc fait le choix de réactiver les Gacaca –‘gazon’ en langue
autochtone-, qui sont un modèle traditionnel de règlement des différends au Rwanda .
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Pourquoi n’ont elles pas été crées plus tôt, alors que le constat d’inefficacité des juridictions
en charge du traitement du génocide était avéré ? Le principal obstacle à leur création fut
d’une part la formation de personnel, et d’autre part la nécessité de préparer la population aux
pratiques qui devaient assurer et favoriser le lien entre cette justice ancestrale et la justice
gouvernementale.
A travers l’instauration par la Loi organique n°40/2000 du 26 janvier 2001 les Gacaca en tant
que système traditionnel de justice participative, ont été transformées en juridictions Gacaca
désormais compétentes pour connaitre du contentieux du génocide, hormis pour les accusés
de première catégorie -ceux qui ont commis les faits les plus graves-, lesquels restant
justiciables devant les chambres spécialisées des juridictions ordinaires.
L’article 152 de la Constitution va rappeler que ces institutions sont instituées en étant
chargées des poursuites et du jugement du crime de génocide et d’autres crimes contre
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9- Les 13 chambres spécialisées étaient insuffisantes et difficilement accessibles pour la population. Ceci a été à l’origine des conséquences
suivantes : fréquentes remises des audiences à cause de lourdes procédures judiciaires ; procès qui se déroulaient à l’absence des témoins
devant parcourir de longues distances ; difficulté d’accéder à la vérité car le procès se déroulait loin des endroits où les crimes avaient été
commis ; témoins qui n’avaient pas l’opportunité de livrer leurs témoignages, ect... Dans ces conditions, les témoignages à charge faisaient
souvent défaut, et les auteurs des crimes étaient acquittés, faute de preuves.
10- Sortes d’assemblées présidées par le chef de village ou chacun est libre de prendre la parole.
11- Loi organique n°40/2000 du 26/01/2001 portant création des Juridictions Gacaca et organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, Journal
Officiel, n°6 du 15 mars 2001. Cette loi fut modifiée et complétée par la Loi organique n°33/2001 du 22 juin 2001. Cette loi a organisé les
Juridictions Gacaca en 4 niveaux : La Juridiction Gacaca de Cellule, de Secteur, de District ou de Ville et de Province ou de la Ville de
Kigali et a maintenu les 4 catégories des crimes de génocide, telles que prévues par la loi de 1996.
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l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994. Leur organisation,
compétence et fonctionnement sont quand à eux déterminés par loi organique .
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Les juridictions Gacaca collectent les informations relatives aux infractions commises et
identifient les auteurs de ces infractions par catégorie, ainsi que les personnes victimes et leurs
biens endommagés. Leur rôle est conjoncturel et porte spécifiquement sur le contentieux du
génocide. Il est à noter que la logique motivant ces nouvelles juridiction, toujours du fait de
l’ampleur des procès à instruire –près d’un tiers de la population rwandaise ayant pris part aux
massacres-, va plus relever d’une volonté de réconciliation. Les modalités mêmes de la
répression –dont le jugement participatif des coupables et les peines facilitant l’insertion- sont
censées générer un niveau de cohésion sociale acceptable et contribuer à l’émergence de la
vérité, au-delà de la simple punition des auteurs des infractions les plus graves.
Ces juridictions Gacaca obéissent à leur propre hiérarchie. Les décisions qu’elles rendent ne
sont en principe pas susceptibles de recours devant les juridictions ordinaires.
Une loi institue également un Service National chargé du suivi, de la supervision et de la
coordination des activités des Juridictions Gacaca qui jouit d’une autonomie de gestion
administrative et financière. Les articles 29 et 32 de la Loi organique N°16/2004 du 19/6/2004
traitent quand à eux du refus de témoigner devant les juridictions Gacaca (Rwanda 19 juin
2004). Il est d’ailleurs stipulé dans l’article 29, que participer aux activités des Juridictions
Gacaca est une obligation pour tout Rwandais.
Ainsi le 15 janvier 2005, huit mille nouvelles juridictions « Gacaca » auront entamé la phase
administrative de leur travail, en venant se rajouter aux 750 « Gacaca » pilotes mises en place
depuis 2001.
La pierre angulaire de la loi organique réside bien dans la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité: celle-ci entend favoriser l’aveu, encourager les excuses aux victimes et inciter la
collaboration avec la justice. En échange d’une confession complète qui inclut une description
détaillée des actes commis, le nom de tous les complices et des excuses présentées aux
victimes, tout prévenu de la seconde et de la troisième catégorie bénéficie d’une importante
réduction de peine lorsqu’il plaide coupable.
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Du point de vue du fonctionnement effectif on peut tout de même signaler que ces juridictions
souffrent également de nombreux dysfonctionnements et autres insuffisances : critiquées
notamment par Amnesty International et Reporters Sans Frontières, elles sont accusées de ne
pas respecter « les critères internationaux définissant un procès équitable, ni les principes de
12- Loi organique n°16/2004 du 19/06/2004 portant organisation, compétence et fonctionnement des Juridictions Gacaca chargées des
poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre
1990 et le 31 décembre 1994, Journal Officiel, n° spécial du 19 juin 2004. Ci-après désignée : la Loi organique de 2004.
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Selon les actes de participation aux infractions visées à l'article 1 de la loi organique 08/96 du 30 Aout 1996, commises entre le 1
octobre 1990 et le 31 décembre 1994, la personne poursuivie est classée en catégories: « Catégorie 2 : La personne que les actes criminels
ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs, coauteurs ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les
personnes ayant entraîné la mort. Catégorie 3 : La personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant
coupable d'autres atteintes graves à la personne. » La catégorie 1 regroupant les « planificateurs du crime de génocide », les personnes qui
ont « agit en position d’autorité ».
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la non discrimination », de procéder à des arrestations arbitraires ou encore de condamner
parmi les génocidaires des personnes coupables d’opposions au gouvernement FPR.
Ces nombreuses critiques –illustrées par de nombreux témoignages de victimes- peuvent nous
amener à penser que le Rwanda n’est actuellement pas à même de symboliser au mieux la
lutte contre l’impunité qui caractérise la répression de tout génocide. Il est à noter par
exemple que le Rwanda tarde à respecter certaines normes internationales à ce sujet,
notamment en maintenant la peine de mort dans son arsenal répressif jusqu’au 11 juillet 2007.
Aussi faut il aller des chercher des réponses à la répression au sein d’autres dispositions
juridiques ? C’est ce que nous nous proposons de voir dans cette autre partie.
Si le Rwanda a reconstruit tout un arsenal juridique afin de lutter contre l’impunité des crimes
commis sur son territoire pendant le génocide, au niveau de la communauté internationale –
laquelle ne peut plus rester les bras croisés devant le constat du génocide-, nous allons voir
que différentes ressources ont été mobilisées afin de soutenir une telle volonté d’action.
B- Les Fondements Internationaux : TPIR et Compétence Universelle
Si le Rwanda tente par le biais de sa justice de dénouer les racines de la haine raciale qui a
conduit au génocide, la communauté internationale -dont nous connaissons aujourd’hui les
limites de la mobilisation à l’époque des faits- n’a pu rester insensible aux crimes perpétrés.
C’est donc dans un esprit de justice et avec la volonté d’aider à la réconciliation de tout un
peuple que communauté internationale a entrepris d’offrir une réponse juridique à ces crimes.
Cependant le génocide rwandais restant un conflit interne, il est important de comprendre
selon quels principes et par quels biais la communauté internationale a pu et peut toujours se
saisir et traiter d’affaires ayant trait au génocide rwandais.
Il va s’agir d’étudier la mobilisation de deux dispositifs ayant permis à la communauté
internationale de jouer un rôle actif dans la répression du génocide : tout d’abord en
soulignant le rôle actif joué par les Etats à travers leur coopération avec le TPIR, puis en
analysant la mise en œuvre du principe de « compétence universelle ».
1) TPIR et Compétence nationales
Face aux horreurs du génocide la résolution 955 du 8 Novembre 1994 du Conseil de Sécurité
de l’ONU donna naissance au TPIR.
Même si le Rwanda a refusé de reconnaître son autorité ce dernier à ce jour a mené de
nombreuses enquêtes et émis différents jugements à l’encontre de présumés génocidaires.
Il va être nécessaire de mettre en lumière les liens qui unissent ce dernier et les différentes
juridictions nationales capables de traiter du génocide, ainsi que sont leurs rôles respectifs
l’articulation de leurs compétences particulières.
Le TPIR s’est doté d’un statut dans lequel sont énoncées ses différentes compétences et les
modalités de jugement qu’il emploiera ; ce dernier étant annexé à la résolution du Conseil de
Sécurité. Ainsi le « Tribunal pénal international pour le Rwanda a été créé pour juger les
personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit
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international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations du droit international commis sur le
territoire d’États voisins entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994 » .
Cependant cette compétence conférée au TPIR ne pourrait être effective sans le soutien
logistique et juridique des Etats.
Ainsi le tribunal, afin de mener à bien son action, dépend fondamentalement de la coopération
des Etats et ce dans une double perspective chronologique. Sur le court terme cette dernière
est non seulement indispensable afin d’arrêter les individus recherchés pouvant se trouver sur
leur territoire et de trouver une solution pénitentiaire pour les individus inculpés (le 12 février
1999, le Mali fut le premier pays à signer un accord en ce sens avec le TPIR).
Le long terme va impliquer quand à lui la coopération des Etats face à la nécessité
d’application des peines, la poursuite de la recherche des suspects et leur jugement: en effet
une des limites du TPIR repose finalement sur sa durée de vie, ce dernier devant cesser ses
activités d’ici 2010 -ce qui a de nombreuses conséquences sur son fonctionnement-.
De plus ce dernier attend de la part des Etats une coopération pleine et entière en matière de
transfert des individus arrêtés afin de pouvoir décider de juger ces derniers lui-même –selon
leur part de responsabilité dans le génocide-. C’est ainsi que la majorité des pays ayant
accepté de collaboré avec le TPIR prévoient des dispositions de transferts d’individus vers ce
dernier, les pays reconnaissent la primauté du TPIR pour ces affaires en se soumettant à ses
décisions.
De plus la coopération avec le TPIR se retrouve aussi à un niveau légal : en effet le statut du
TPIR permet aux Etats, après transposition de ce dernier en droit interne, de se doter d’une
compétence universelle dite ad hoc. Sur cette base des Etats peuvent donc juger des individus
ayant commis des crimes de génocide ou violé le droit humanitaire international durant la
période du 1er janvier au 31 décembre 1994 sur le territoire rwandais ou sur celui d’un Etat
voisin, compétence qui reste cependant soumise aux modalités nationales mises en place lors
de la transposition.
Enfin la coopération des Etats s’avère indispensable pour le TPIR car il ne peut à lui tout seul
juger de toutes les affaires ayant trait au génocide rwandais, d’autant plus que son mandat
arrive à terme.
14
Face à ce constat et même en considérant les apports et la portée du TPIR, il semble
impossible d’envisager la compétence et l’effectivité de ce dernier sans le soutien des Etats.
L’importance accrue du rôle de ces derniers dans la répression du génocide va pouvoir se
retrouver à travers le traitement judiciaire qu’ils ont apporté à ces crimes –soit du fait de la
présence d’un suspect sur leur territoire, d’intérêts nationaux ou pour répondre aux plaintes de
ressortissants victimes-, en consacrant leur qualité d’acteur de droit pénal international sur la
base du principe de compétence universelle.
2) Une notion préalable nécessaire à la compréhension de la compétence des juges nationaux
pour des crimes internationaux : la Compétence Universelle.
La notion de compétence universelle est avant tout identifiée comme une exception :
exception au principe de territorialité du droit pénal qui suppose qu’un individu commettant
une infraction sur le territoire d’un Etat donné se voit poursuivi, jugé et sanctionné par les
autorités de cet Etat et purge sa peine sur son territoire. Mais la compétence universelle est
aussi différente des critères traditionnels de compétence extraterritoriale puisque pour que la
compétence universelle soit appliquée aucun lien de rattachement n’est nécessaire avec le
14-
Confère le site officiel du TPIR
9
pays du for et que son recours n’est pas obligatoirement justifié par la nécessité de protéger
des intérêts nationaux mais plutôt par la volonté de défendre des valeurs universellement
admises.
« La compétence universelle consiste en l’aptitude d’un juge à connaître d’une infraction
indépendamment du lieu où elle a été commise et quelles que soient la nationalité de l’auteur
et celle de la victime. L’originalité du principe de compétence universelle est de trouver son
fondement dans la nécessité de la protection d’un intérêt ou d’une valeur à caractère universel
dont le respect relève de la responsabilité commune de l’ensemble des Etats » .
La compétence universelle repose donc sur l’acceptation de valeurs communes par la
communauté des Etats, tel que le refus de la torture et de traitements inhumains, de nettoyages
ethniques et/ou religieux afin de préserver les notions fondamentales de liberté, justice, paix,
égalité, ect…
La compétence universelle vise ainsi à ne pas laisser impunis des crimes graves et ce quelque
soit le territoire sur lequel ils ont été commis.
De nombreuses conventions internationales prévoient la compétence universelle pour les
crimes dont elles visent l’abolition mais les juridictions nationales peuvent aussi se prévaloir
de la compétence universelle à titre volontaire et/ou ajoutés des dispositions supplémentaires
d’utilisation de la compétence universelle lors de la transposition des conventions
internationales en droit interne.
La compétence universelle directement tirée des Conventions Internationales ne peut être
applicable en tant que telle (sans transposition interne) que dans les systèmes monistes comme
celui de la France par exemple où les traités sont considérés comme ayant une portée supralégislative au sein de la hiérarchie des normes.
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Il existe ainsi deux types de compétence universelle :
-la compétence universelle obligatoire résultant de la ratification de conventions
internationales, qui procède alors le plus souvent du principe aut dedere, aut iudicare (soit
extradé, soit jugé).
Il existe ensuite schématiquement deux types de pays : ceux qui doivent transposer les
dispositions de la convention internationale en droit interne pour que le juge national puisse se
saisir de crimes nécessitant le recours à la compétence universelle ; et les pays ne nécessitant
pas une transposition interne des principes de la convention internationale pour que le juge
invoque la compétence universelle (ce qui semble ne relever que de la théorie puisqu’il
semble que même les Etats ayant un système moniste tendent à transposer en droit interne les
dispositions des convenions internationales).
-la compétence universelle établie en dehors de toute obligation internationale (compétence
universelle autonome et volontaire), soit la création par les Etas eux-mêmes d’une
compétence universelle sans lien avec la ratification d’une convention internationale. Cette
disposition représenterait pour certains une atteinte au principe de non-ingérence et de
souveraineté des Etats.
Si la compétence universelle semble être un principe promouvant une vision optimiste et
humaniste du droit international, cette notion présente cependant quelques limites. En effet,
certains Etats si ils signent les conventions internationales ne transposent pas toujours ces
prérogatives en droit interne et rien de ne peut les y obliger juridiquement sinon une
obligation morale. Le risque est donc que ces conventions restent de simples déclarations
d’intentions. De plus la notion de compétence universelle présuppose une certaine
homogénéité des civilisations et cultures, par la détermination de crimes universellement
condamnables, hors il est évident que le rapport au droit et les pratiques sont différentes d’un
15- Juridictions nationales et Crimes Internationaux, Sous la direction d’Antonio Cassese et de Mireille Delmas-Marty
1
pays à l’autre. Enfin l’application de la compétence universelle, puisqu’elle peut être mise en
place par tout Etats sans accord préalable, peut-être à l’origine de la naissance de tensions
d’ordre diplomatique entre Etats lors de son application.
Ainsi il semblerait qu’on « vacille encore entre universel et ingérence », au sens où la
frontière entre ces deux notions dans le cas de la compétence universelle reste relativement
floue.
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Cependant, si la compétence universelle et les conventions internationales créant des
obligations pour les Etats en matière de jugement de crimes à caractère international semblent
être la base de tout jugement pour ce type de crime, il s’avère que ce sont sur des bases
juridiques nationales différentes que se fondent les juridictions afin de juger ces crimes ; ces
bases et plus tard les instructions menées tendant à montrer dans quelle mesure les Etats sont
prêts à participer à cette répression internationale.
II.
L’effectivité du tissu répressif international
Il s’agit désormais de mettre en lumière l’appropriation par les Etats du principe de
compétence universelle dans la répression du génocide, ce à travers une série d’exemples
marquants.
Les spécificités nationales de chaque Etat rendent chaque appropriation unique, mais il
semble pertinent de dresser un panel de ces dernières selon le degré de participation de l’Etat
à la répression du génocide.
Il sera étudié par la suite le détail des cas français et belges, qui peuvent paraître être les plus
pertinents dans l’illustration des possibilités et des limites offertes par la compétence
universelle.
A. Différentes appropriation de la compétence universelle.
Le cas Suisse: exemple d’une double compétence universelle.
Du 12 au 30 avril 1999, s’est déroulé, devant le Tribunal militaire de Lausanne, le procès de
Fulgence Niyonteze, ancien bourgmestre de la commune Mushubati.
Ce dernier, en mission en France lors du début du génocide, est ensuite retourné au Rwanda
durant le mois de juin 1994 avant de se trouver refuge en Suisse. A l’époque où se tenait le
procès la Suisse n’avait pas encore ratifié la Convention Internationale pour la prévention et la
répression du crime de génocide de 1948, c‘est donc sur la base des accords de Genève de
1949 que Fulgence Niyontense fut poursuivi au titre de criminel de guerre.
Un strict découpage existait à l’époque entre les juridictions civiles et militaires, la
compétence universelle, issue des Conventions de Genève et du Protocole additionnel II
concernant les violations du droit international humanitaire, relevait du droit pénal militaire ;
alors que la compétence universelle issue de la Convention de 1984 sur la torture relevait du
droit pénal ordinaire.
De fait le procès s’avéra être du ressort de la juridiction militaire, dont le code pénal prévoit
dans ses articles 108 à 114 que « Sont soumis au droit pénal militaire (…) les civils ou les
16-
L’Interdit, L’acte 1 d’une justice universelle, juin 2001.
1
militaires étrangers qui, lors d’un conflit armé se rendent coupables d’infractions contre le
droit des gens ».
Le 30 avril 1999, le Tribunal militaire de division 2 a rendu son verdict, condamnant Fulgence
Niyonteze à la réclusion à perpétuité, peine prévue par l’article 116 du Code pénal militaire
suisse. Les infractions retenues ont été l’assassinat, l’instigation à l’assassinat et les
infractions graves aux dispositions des Conventions de Genève.
Le coupable fera appel et une condamnation définitive sera rendue par arrêt du Tribunal
militaire de cassation le 27 avril 2001.
Ainsi c’est donc une compétence universelle « restrictive » du juge militaire qui a été
appliquée, restreignant ainsi, comme le souligne Florent Valette dans son mémoire, la
compétence universelle ordinaire de la juridiction civile suisse, ces dispositions faisant
redondance en prévoyant pour la même compétence deux juridictions différentes.
Cette affaire aura un effet important sur le traitement pénal du crime de génocide par la justice
suisse. En effet le juge a cru pouvoir interpréter après ce jugement de la Cour d’Appel « une
ouverture en direction d’une intégration du crime de génocide au droit national, au travers de
la violation des lois et coutumes de guerre », cependant si cette interprétation n’a pas été
reprise par le droit, aujourd’hui le crime de génocide représente une infraction au droit
commun. La convention de 1948 sur le génocide a ainsi été ratifiée en 2000 et le traitement
pénal du crime de génocide est désormais du ressort strict des juridictions civiles.
Les cas Canadiens et Camerounais : une illustration de compétence universelle ad hoc.
- Le Canada connaît la compétence universelle grâce à une loi adoptée en application des
obligations canadiennes envers le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI), pour pouvoir
poursuivre devant les juridictions canadiennes les crimes internationaux que la cour réprime.
Il s’agit donc d’une loi d’adaptation ad hoc, qui s’applique au statut de la CPI.
Pourtant, elle peut être utilisée dans le cadre du génocide Tutsi avant même que la CPI ne
commence à fonctionner. En effet, cette loi reconnait explicitement la valeur coutumière des
crimes internationaux définis dans le statut de la CPI, et du fait du principe de rétroactivité la
répression pour des faits commis avant la promulgation de la loi est rendue possible.
Depuis la décision Finta de la Cour Suprême canadienne en 1994, les autorités canadiennes
avaient pris l’habitude, en matière de confrontation avec des personnes suspectées d’avoir
commis des crimes internationaux, de privilégier les procédures relatives a l’immigration au
détriment des moyens pénaux. La promulgation de cette loi, en octobre 2000, opère donc un
changement d’importance.
- Au Cameroun, trois décisions relatives à l’extradition des rwandais réfugiés et arrêtés au
pays dans le sillage du génocide de 1994 auront donné au juge camerounais l’occasion
d’examiner les questions de droit pénal international et de droit international humanitaire, ce
qui fut une première dans l’ordre juridique camerounais peu productif de jurisprudence sur de
telles questions.
17
17- La première affaire aura traité le cas de Bagosora Théoneste, résident au Cameroun et sous mandat d’arrêt international du juge Belge
depuis le 29 mai 1995. La seconde affaire concerne une demande d’extradition formulée par le gouvernement rwandais à l’encontre de dix
neuf de ses ressortissants réfugiés au Cameroun, à la suite de mandats d’arrêts décernés le 15 mai 1996.Une troisième affaire verra une
nouvelle demande d’extradition de la part du Rwanda le 18 mars 1996, concernant huit des dix neufs prévenus déjà évoqués dans l’affaire
précédente.
1
L’extradition d’un suspect vers la Belgique, puis le refus de l’extradition de 18 prévenus vers
le Rwanda au bénéfice de la justice du TPIR –qui aboutira à un non lieu et donc à la libération
des suspects- vont refléter d’une part une contribution décisive et respectueuse des règles du
droit international à la répression des atteintes graves au droit humanitaire, mais également
l’adhésion de l’ordre juridique camerounais à la prééminence des juridictions internationales
sur les tribunaux internes, et par là même du droit international sur le droit interne.
La Cour d’appel de Yaoundé aura en effet précisé que les faits reprochés aux inculpés « sont
des infractions de droit commun au regard du Code Pénal camerounais », en se basant sur les
conventions internationales ratifiées par le Cameroun –notamment celles de Genève du 12
août 1949 pour la protection des victimes de guerre et leurs protocoles additionnels I et II-.
Le crime de génocide tel qu’il est prévu par le statut du TPIR n’est en effet pas prévu dans le
code pénal camerounais de 1967 : le juge aura du se baser sur l’article 2 de ce dernier,
stipulant que ‘les règles de droit International ainsi que les traités dûment promulgués et
publiés s’imposent au présent code ainsi qu’à toute disposition pénale ». Alors que les
sanctions prévues par son Code Pénal sont donc inadaptées au crime de génocide et au code
international, le juge camerounais aura donc tenté d’adapter sa législation interne aux
dispositions du statut du TPIR.
Le juge de Yaoundé dans ses décisions « rwandaises » aura franchi un grand pas en ce qui
concerne la lutte contre l’impunité et la répression des atteintes graves au droit international
humanitaire. Cependant on peut relever des difficultés à articuler le droit international au droit
camerounais afin de combler le vide juridique concernant les crimes contre l’humanité
puisque la primauté du droit international semble empêcher le développement du droit interne
et une modification de la loi nationale.
L’absence de mise en conformité du droit interne camerounais au droit international, au profit
de l’application stricte des règles de droit international est à considérer, car il pourrait sembler
que la meilleure garantie du respect de ce dernier puisse se trouver dans son application en
droit interne.
Le cas Américain : un exemple de procédure civile.
Depuis le début des années 80 les Etats-Unis ont établi une jurisprudence basée sur le plan
civil qui permet selon une ancienne loi de 1789 ‘l’Alien Torts Claims Act’ (ATCA) à tout
étranger d’introduire une demande en dommages et intérêts aux USA, dès que celle-ci est
fondée sur une violation de règles fondamentales du droit international.
Les principes de l’ATCA sont de fait similaires à ceux qui sont à la base de la loi de
compétence universelle. Certes, il y a une différence notable sur le plan de la procédure, la loi
américaine se limitant à la sphère civile, alors qu’il est plutôt d’usage qu’elle puisse concerner
une procédure mixte, avec une demande civile dans le cadre d'une procédure pénale, mais
sans doute faut il considérer que ceci provienne seulement d'une différence d'ordre `juridicoculturel´ et non pas d'une objection fondamentale contre le fait que les victimes, violant le
droit humanitaire puissent obtenir des condamnations.
La décision ayant fait date en matière de jurisprudence fut celle rendue en 1980 par la Cour
d’Appel du 2ième circuit fédéral dans l’affaire Filartiga contre Pena-Irala, concernant un cas
de torture au Paraguay.
Le gouvernement, suite à cette affaire, a renforcé ladite jurisprudence à travers le « Torture
Victime Protection Act » de 1991 : ceci aura ajouté à ce dernier une dimension politique
1
particulière, en consacrant le fait que les victimes de tortures puissent désormais recourir à des
tribunaux américains.
Dans le cas Rwandais on peut ainsi relever un jugement pionnier basé sur la jurisprudence
Filartiga. Le juge civil américain avait fait appel à cette compétence universelle civile après
que des résidents rwandais, parents de victimes, aient déposé plainte contre Jean-Bosco
Barayagwiza en mai 1994 lors du voyage de ce dernier -qui faisait alors partie du
gouvernement intérimaire Rwandais- au siège des Nations Unies.
Conséquemment, en avril 1996 le 2ième tribunal de district de New York leur accorda des
dommages et intérêts à hauteur de plus de 96 millions d’euros, alors qu’il s’agissait de
victimes non américaines qui avaient porté plainte contre un étranger, concernant des atteintes
aux droits de l’homme commises également à l’étranger.
Si cette somme ne sera certainement jamais perçue, on peut tout de même insister sur le fait
qu’il est primordial pour les victimes que leurs affaires soient correctement examinées et
puissent aboutir à la condamnation publique des coupables.
Cette série d’exemples étudiés permet de rendre compte à la fois des avancées importantes
des Etats dans leur implication concernant le traitement du génocide -guidées par des normes
internationales- mais également de l’hétérogénéité des réponses apportées à la lutte contre
l’immunité, ces dernières résultant de la volonté souveraine des Etats.
Il importe maintenant de focaliser l’attention sur deux cas des plus probants où la compétence
universelle va trouver toute son importance et demeurer un enjeu de taille: la France et la
Belgique.
B. De l’ambiguïté du cas français aux apports tronqués du cas belge :
La France : entre retards et attentes.
Dans le cas de la répression du génocide rwandais, si la France ne reconnaît pas la
compétence universelle coutumière, elle va mobiliser la compétence universelle ad hoc.
La France, bien qu’ayant un système juridique moniste, s’est munie d’un système de liste des
traités internationaux créant une compétence universelle pour ses juridictions.
L’article 689-1 du Code de procédure pénale dispose en effet que: « En application des
conventions internationales visées aux articles suivants , peut être poursuivie et jugée par les
juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable
hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles. Les
dispositions du présent article sont applicables à la tentative de ces infractions, chaque fois
que celle-ci est punissable. »
18
Depuis le 22 mai 1996, la France s’est engagée à participer à la répression des crimes commis
pendant le génocide rwandais et à coopérer avec le Tribunal pénal international pour le
Rwanda (TPIR) en inscrivant dans son droit pénal interne la loi n° 96-432 portant adaptation
de la législation française aux dispositions de la résolution 955 qui prévoit en son article
premier que « la France participe à la répression des infractions et coopère avec le TPIR ».
Le législateur français introduit par ce biais, la compétence universelle de ses tribunaux
internes pour connaître des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide
commis durant l’année 1994 sur le territoire du Rwanda ou par des citoyens rwandais sur le
18- Les conventions internationales incluses sont citées aux articles 689-2 à 689-9 ; parmi elles, figure la Convention contre la torture adoptée par l’ONU le 10
décembre 1984.
1
territoire d’Etats voisins. A partir de cette date, les présumés responsables, s’ils sont trouvés
sur le territoire français « peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises en
application de la loi française ».
Malgré la bonne volonté mise en avant dans la mobilisation de sa compétence universelle, on
peut souligner un échec marquant de la France quand à l’ouverture d’instructions sur la
présence de présumés auteurs de génocide sur leur territoire. Malgré de nombreuses plaintes,
aucun procès n’a encore vu le jour et il existe des retards injustifiés dans la poursuite des
présumés génocidaires.
Dans les affaires fondées sur le principe de compétence universelle, le Parquet ne prend
généralement aucune initiative et il appartient donc aux victimes de se porter parties civiles
pour forcer cette inertie. C’est donc par l’action proactive des victimes et ONG que s’impulse
la répression des présumés génocidaires en France. De nombreuses organisations -y compris
la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ou encore la Ligue des Droits de
l’Homme- ainsi que des victimes individuelles doivent ainsi se constituer partie civile dans les
affaires.
L’instruction concernant l’Abbé W. Munyeshyaka est considérée comme un exemple probant
de cet état de fait, ayant donné lieu à de nombreux rebondissements judiciaires.
Le 25 juillet 1995 une information est ouverte contre Munyeshaka par le juge d’instruction de
Privas pour « génocide, crimes contre l’humanité et participation à un groupement formé ou à
une entente établie en vue de la préparation de ces crimes sur le fondement du principe de
compétence universelle prévu dans la convention de New York de 1984 contre la torture ».
Dans la lignée de la décision Javor relative à une plainte déposée par des ressortissants
bosniaques, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Nîmes déclare le 20 mars 1996
que la France est incompétente pour juger des crimes de génocide commis à l’étranger, par un
étranger, sur des étrangers.
Pourtant, après adaptation du Statut du TPIR en droit interne français, la Chambre criminelle
de la Cour de Cassation ordonne le 6 janvier 1998 la reprise des poursuites engagées en 1995,
en France contre W. Munyeshaka, en considérant que la chambre d’accusation a violé la loi
en ne retenant que la seule qualification pénale de génocide, alors que les actes commis
peuvent être également considérés comme des crimes de torture, pour lesquels l’article 689-2
du Code de procédure pénale français admet une compétence universelle.
L’affaire est alors renvoyée devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Paris qui, le
23 juin 1999, étend le domaine de compétence du juge français au génocide et au crime contre
l’humanité.
Le revirement jurisprudentiel des tribunaux français dans l’affaire Munyeshyaka a cependant
permis que d’autres informations soient ouvertes contre des présumés génocidaires rwandais
présents sur le territoire français.
En janvier 2000, la FIDH et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ont déposé des plaintes
auprès du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris
1
demandant l’ouverture d’une information judiciaire contre Laurent Bucyibaruta , Laurent
Serubuga , Neretse, Bizimungu , Renzaho, présumés impliqués dans le génocide de 1994.
19
20
21
Suite à une requête des associations Survie et Communauté Rwandaises de France le 6 avril
2001, la Cour de Cassation a décidé un regroupement des instructions ouvertes en France à
l’encontre de rwandais présents sur le territoire.
22
Le 24 novembre 2007, le TPIR a annulé ses ordonnances demandant à la France de lui
remettre Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta, tous deux accusés de génocide. Un
accord passé entre Paris et le tribunal international en juin 2006 prévoit la possibilité que les
procès aient lieu en France, le TPIR devant achever ses procès en première instance à la fin
2008. La justice rwandaise a affirmé à plusieurs reprises que la France n'avait "pas d'autorité
morale" pour juger des accusés du TPIR, étant elle-même mise en cause par le Rwanda pour
une collusion avec le régime génocidaire.
La France a été condamnée en 2004 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour la
lenteur de ces procès. En février 2005, des plaintes ont été déposées par des Rwandais devant
le Tribunal militaire aux armées à Paris pour complicité de génocide. Il ne fait aucun doute
que les dossiers rwandais sont d’une extrême complexité et que le dossier instruit par le juge
anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, relatif à l’attentat présidant à la mort de Juvénal
Habyarimana, a joué et continue à jouer un rôle dans la méfiance accordée au juge français
par les autorités rwandaises.
Le peu d’entrain mis à l’aboutissement des instructions démontre une certaine frilosité de la
part des autorités judiciaires françaises quant à la poursuite des présumés auteurs de génocide
et crimes contre l’humanité se trouvant sur le territoire français. Cependant la tendance
développée par le TPIR étant de se dessaisir dès que possible au profit des juridictions
nationales, on peut penser que les autorités françaises ne puissent continuer bien longtemps à
se décharger de cette lourde responsabilité : bien que les relations diplomatiques entre la
France et le Rwanda soient au point mort, les attentes qui reposent sur les épaules du juge
français paraissent de ce fait considérables.
La Belgique : une volonté d’action déçue
19- Transféré au Parquet de Troyes, l’ex-préfet Laurent Bucyibarita est interpellé puis mis en examen en mai 2000. Enfin, après avoir fait
appel de la décision de maintien en détention, Bucyibaruta est libéré sur décision du juge d’instruction le 20 décembre 2000. La Commission
des Recours et des réfugiés a rejeté la demande de Bucyibaruta de statut de réfugié en mars 2003.
20- Transféré au Parquet de Strasbourg, le dossier visant le colonel Laurent Serubuga - chef d’Etat major des Forces armées rwandaises au
moment des événements, et acteur présumé de la planification du génocide - a été classé sans suite pour défaut de preuve le 22 mai 2001. Le
10 décembre 2001, la FIDH, Survie et la Communauté Rwandaise de France se constituent parties civiles devant le doyen des juges
d’instruction près le TGI de Strasbourg. Le 28 juin 2002 une information est finalement ouverte contre lui des chefs de génocide et de
complicité de crimes contre l’humanité. Laurent Serubuga n’a toujours pas été mis en examen.
21- Transféré au Parquet de Créteil, une information a été ouverte contre Bizimungu, Directeur général du Ministre du Plan et comptant
parmi les fondateurs de la Radio télévision Milles Collines en 1993, il lui est reproché d’avoir participé à l’élaboration du plan de génocide.
Bizimungu figure d’ailleurs sur la liste du gouvernement rwandais des personnes poursuivies pour actes de génocide. Le 26 juin 2001, la
FIDH informe le Procureur de la République près le TGI de Créteil que M. Bizimungu était susceptible de se faire octroyer le statut de
réfugié par les services de l’OFPRA - ce qu’il obtiendra peu après en décembre 2001.
22- La Cour de cassation a décidé dans un arrêt très important du 26 septembre 2001 que dans « l’intérêt d’une bonne administration de la
justice » la juridiction d’instruction du TGI de Bordeaux dans l’affaire Munyemana et celle du TGI de Reims dans l’affaire Bucyibaruta
seraient renvoyées à la juridiction d’instruction du TGI de Paris.
1
Si dans d’autres pays la question de la base légale du jugement et de la juridiction compétente
peut-être posée ; ici ces questions n’ont pas eu cours lorsqu’il s’est agi de juger des présumés
génocidaires. En effet la loi du 16 juin 1993 révisée par la loi du 10 février 1999 relative à la
répression des violations graves du droit humanitaire international et mieux connue sous le
nom de « loi de compétence universelle » était toute ordonnée dans ce cas.
En 2000, la Belgique en tant que puissance occupante ayant largement participé à la division
et à l’opposition entre ethnies, a reconnu sa responsabilité dans le génocide rwandais de 1994,
ce qui a permis à la justice belge d’instruire en toute quiétude les procès de quatre présumés
génocidaires, sans pression politicienne, puisque le pays avait reconnu sa part de culpabilité et
était ainsi prêt à reconnaître les éventuels torts que pourraient faires ressortir ces enquêtes et
procès.
C’est lors de ce procès qu’a pu pour la première fois être mise en application la loi du 16 juin
1993, relative à la répression des infractions aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et
aux Protocoles additionnels à ces Conventions, qui établissent un certain nombre de règles
visant, entre autres, à assurer la protection des populations civiles en temps de guerre.
Cette loi était considérée comme la « colonne vertébrale de la mise en œuvre de la répression
sur le plan interne des violations graves du droit humanitaire et consacre la compétence
universelle des juridictions belges sans exigence de lien de rattachement » : elle offrait donc
une pleine application en droit interne de la compétence universelle prévue dans les différents
traités. Cette loi permettait de juger les auteurs d’infractions graves au droit international
humanitaire quelque soit le lieu où cette infraction avait été commise et quelque soit la
nationalité de l’auteur ou de la victime, et offrait ainsi une large capacité d’initiative au juge
belge et aux requérants.
Encore aujourd’hui cette dernière est considérée comme particulièrement novatrice malgré
son abrogation en 2003 face notamment à l’ampleur des recours qu’elle permettait.
23
Sur cette base le juge belge a eu à traiter de plusieurs affaires ayant trait au génocide
rwandais.
Une première instruction concernant quatre personnes fut ouverte en 1994. Cette affaire
reposait sur une plainte déposée par des victimes du génocide à l’encontre de rwandais
résidant en Belgique. Ces quatre présumés coupables furent interpellés et le TPIR demanda le
transfert de deux d’entre eux. Cependant même si les associations belges de défense des
victimes protestèrent, les poursuites à l’encontre des deux autres présumés coupables furent
abandonnées. Cette décision valut au ministère de la justice de vigoureuses critiques. Ainsi
dans une seconde affaire, où trois des quatre suspects furent transférés vers le TPIR, la
Belgique eut l’occasion de maintenir ses poursuites à l’encontre du quatrième, et lorsque
Alphonse Higaniro un des trois suspects transférés au TPIR, ne vit pas son accusation
confirmée, faute de preuves, la Belgique repris alors l’affaire des « Quatre de Butare ».
Ces quatre rwandais ont été inculpés pour « crimes de guerre » et « violation grave du droit
international humanitaire » par la Cour d’Assises de Bruxelles. Le procès débuta le 17 avril
2001 et dura deux mois. A ce terme les quatre inculpés furent condamnés à des peines de
prison ferme allant de 12 à 20 ans selon les torts qui leur étaient reprochés.
A la suite de plainte, la justice belge ordonna à la fin de l’année 2002 l’arrestation de deux
individus, Samuel Ndashyikirwa et Etienne Nsabonimana . Ils furent tous deux inculpés de
24
23- Juridictions nationales et Crimes Internationaux, sous la direction d’Antonio Cassese et de Mireille Delmas-Marty, 2002
24- Affaire dite des « Demi-frères »
1
crime de guerre et respectivement condamnés par la justice belge à dix et douze ans de prison
ferme.
Enfin en juillet 2007 une autre affaire importante pour la Belgique est arrivée à son terme
avec la condamnation à vingt ans de prison, de l’ancien commandant accusé du meurtre de
dix casques bleus belges en avril 1994 et divers autres meurtres commis durant les deux
premiers mois du génocide. Cette affaire dont les poursuites devant le TPIR devait menées à
son procès dans le courant de l’année 1999, avaient été arrêtées à la demande de la Belgique
elle-même. Libéré, l’accusé avait ensuite fui et fut retrouvé en Tanzanie. En 2004,
l’instruction de son procès pu ainsi reprendre.
La justice belge aura fait preuve d’exemplarité en matière de transparence et de volonté
politique afin de juger les coupables du génocide rwandais. Cependant l’abrogation en 2003
de la loi du 16 juin 1993 révisée par la loi du 10 février 1999, marque la fin de cette
prépondérance à l’action de la justice belge. Si les affaires instruites avant l’abrogation seront
jugées, désormais les conditions permettant de juger nationalement des crimes internationaux
sont beaucoup plus contraignantes . Peut alors se poser la question des limites de la
compétence universelle face à la raison d’Etat et à la nature des contentieux qu’elle prétend
pouvoir instruire.
25
Conclusion :
S’il est important de souligner les efforts en matière de réconciliation rwandaise et ses limites
face à une justice difficile à mettre en place, il faut aussi relever l’avancée considérable du
droit international en matière de répression des crimes de génocide et crime contre l’humanité
au regard du règlement international du génocide rwandais.
Ainsi le traitement pénal du génocide a ouvert la voie à l’expansion de la pratique de la
compétence universelle qui laisse à croire aux prémices de l’effectivité d’un droit
international. En effet les différents jugements, souvent novateurs et générateurs de droit
émis par des juridictions nationales ont conduit à une plus grande considération de la
dimension juridique internationale qui pouvait être développée face à de tels crimes.
Cependant les différents Etats semblent être « tiraillés » entre une volonté d’action et la
difficulté d’agir pour des raisons juridiques ou politiques, ce qui entrave l’aboutissement des
procédures pénales contre les génocidaires rwandais.
D’autre part subsiste la question de la pertinence de la démarche juridique entreprise au
niveau rwandais et international. En effet n’aurait-il pas été préférable pour le Rwanda de
procéder à la création d’une Commission Vérité et Réconciliation au lieu d’exacerber les
divergences au sein de procès incertains? Cette question se pose de façon d’autant plus
insistante face à l’ampleur de la population concernée par le génocide. Ce ne sont pas
quelques responsables qu’il faut juger mais le tiers d’une population en majorité exilée et qui
ne sera donc jamais inquiétée par la justice. De plus la confusion subsiste au niveau
international puisque de nombreux présumés génocidaires ont pu déposer des demandes
d’obtention du statut de réfugié, insistant sur le fait qu’étant hutus, ils risqueraient d’être tués
s’ils retournaient au Rwanda. C’est en ce sens que la création d’une Commission Vérité et
25- Cette décision fait suite au dépôt, sur la base de cette loi, de nombreuses requêtes contre différentes hautes personnalités (Georges W. Bush et Ariel Sharon
notamment…) que la justice belge ne pouvait se permettre d’instruire.
1
Réconciliation aurait pu être envisagée puisqu’en l’état actuel des choses il est évident que
toutes les responsabilités ne seront jamais reconnues et que tous les génocidaires ne seront pas
jugés.
A cet échec avéré dans la lutte contre l’impunité se surimpose le fait que le TPIR ne pourra
pas juger tous les cerveaux du génocide rwandais et tous les criminels de guerre de cette
période la plus tragique du Rwanda. C’est à cette fin que les défenseurs des droits de
l’Homme se battent pour que les juridictions nationales continuent à adopter dans leurs
législations le principe de compétence universelle qui leur permettrait de juger des criminels
contre l’humanité quelle que soit leur nationalité. Mais on connaît également les réticences
des gouvernements à juger des crimes contre l’humanité perpétrés par des étrangers.
Face à ces constats on peut se demander si la mobilisation de la compétence universelle est
vouée à être étendue ou à se réduire à peau de chagrin jusqu’à ce que le Rwanda soit plus à
même de pouvoir prendre en charge les procès. Les Etats vont-ils prendre plus part à la justice
nationale ou risquent-ils d’abandonner cette prérogative ? On peut penser que la création et
mise en application de la récente Cour Pénale Internationale puisse encourager ces derniers
dans leur reconnaissance du droit international, en orientant et généralisant le développement
de ce dernier.
Bibliographie :
Ouvrages :
- Juridictions nationales et crimes internationaux - Sous la direction d’A. CASSERE et de
M. DELMAS MARTY, PUF, 2002.
- La justice internationale face au drame rwandais - JF. DUPAQUIER, W.BOURDON et ASSOCIATION
MEMORIAL INTERNATIONAL, Paris, Karthala, 1996.
- La répression internationale du génocide rwandais - L. BURGORGUE LARSEN, Bruxelles, Bruylant, 2003.
Articles, revues :
- « La coutume en Afrique : un tour d’horizon », Entretien de J. VANDERLINDEN in RCN Justice &
Démocratie. Le Bulletin, 2ème trimestre 2004, p.24.
- « Les Etats-Unis ont aussi une loi de compétence universelle »
Article de M. VERHAEGHE paru dans le journal La Libre Belgique le 22/01/2003
- « Le génocide rwandais devant la justice internationale » - J. NGARAMBE
- « La justice rwandaise et les juridictions Gacaca : le pari du difficile équilibre entre châtiment et pardon » - FX.
NSANZUWERA
- « Les tribunaux populaires ‘Gacaca’ seront-ils à la hauteur des attentes ? » A. TWAHIRWA
- Site RFI : http://www.rfi.fr/actufr/articles/082/article_46917.asp
S. MAUPAS « Des Rwandais pourraient être juges en France », 20 octobre 2006.
- Actualité et droit international - R. ADJOVI, note de revue rédigée en janvier 2004.
Rapports, mémoires de recherche :
1
- L’anthropologie du droit au cœur d’une réflexion sur le génocide rwandais : de l’expérience de la Gacaca et
de la compétence universelle - M. GLORIEUX, Académie Européenne de théorie du Droit, 01/09/04
- La participation du Cameroun à la répression du génocide Rwandais - S. NGONO, Université de Yaoundé 2,
octobre 2002
- Le traitement pénal du génocide Rwandais - F. VALETTE, IEP de Toulouse année 2006-07
-Les condamnations dans le monde après le génocide Rwandais - Amnesty International, avril 2004.
- Gacaca : une question de justice - Amnesty International, AFR 47/007/02, Londres, novembre 2002
- Le Gacaca ou la justice de gazon au Rwanda - F.REYNTJENS, Université d’Anvers
- Droit international public, droit international humanitaire - Groupe Urgence Réhabilitation Développement
(URD).
- Appel pour mettre fin aux havres de paix en Europe pour les génocidaires rwandais - FIDH, Paris, 03/04/07
Sites Internet :
- Site du Tribunal Pénal International pour le Rwanda :
- Site de l’Association Internationale de Recherche sur les Crimes contre l’Humanité et les Génocides
(AIRCRIGE)
Documentaires :
- « Tuez les tous, Rwanda : histoire d’un génocide ‘sans importance’ » - M. HAZANAVICIUS et A. BORGES
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