Traitement chirurgical de l`incontinence anale - Chirurgie

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Traitement chirurgical de l`incontinence anale - Chirurgie
SOMMAIRE
Evaluer les troubles de la continence avant de traiter : ce que le chirurgien doit
savoir
JL Faucheron (Grenoble)
Chirurgie miniinvasive
G Meurette (Nantes)
Incontinence et troubles de la statique pelvienne : indications chirurgicales
G Portier (Toulouse)
Gestion et troubles de la continence après chirurgie d'exérèse rectale
A Alves (Caen)
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
EVALUER LES TROUBLES DE LA CONTINENCE ANALE AVANT DE TRAITER :
CE QUE LE CHIRURGIEN DOIT SAVOIR.
Pr Jean-Luc Faucheron, Unité de Chirurgie Colorectale, Département de Chirurgie Digestive et de l’Urgence Hôpital Albert Michallon, BP 217, 38043 Grenoble cedex 9.
Téléphone : 04.76.76.53.71
Fax : 04.76.76.87.80
E-mail : [email protected]
Introduction
La fréquence de l’incontinence anale dans la population générale en France est largement sous estimée. Dans
une enquête prospective menée en région Rhône-Alpes en 2005, la prévalence était de 5% dans la population
adulte1. L’appréciation de la sévérité de cette incontinence est difficile à faire pour de multiples raisons que
nous n’aborderons pas ici, mais il faut savoir que le clinicien dispose de plusieurs moyens cliniques et
paracliniques de manière à objectiver au mieux ce trouble fonctionnel. C’est ce que nous allons décrire
maintenant.
Interrogatoire et examen clinique
L’interrogatoire doit s’attacher à rechercher des antécédents médicaux qui pourraient retentir sur la
continence (existence d’un diabète ou d’une sclérose en plaque par exemple), des antécédents chirurgicaux qui
pourraient avoir un effet néfaste sur la continence anale (chirurgie sur une hernie discale lombaire par
exemple) et enfin des antécédents traumatiques qui pourraient expliquer un trouble de la défécation ou de la
continence anale (traumatisme rachidien ou fracture du pelvis par exemple).
Il faut ensuite interroger très précisément le patient ou la patiente sur ses antécédents proctologiques (cure de
fissure anale, de fistule anale, d’hémorroïdectomie) et sur ses antécédents gynéco-obstétricaux (travail long,
macrosomie, accouchement dystocique, épisiotomie voire déchirure périnéale et recueillir le traitement
réalisé à l’époque, ou ultérieurement).
L’examen clinique débute par une inspection qui doit permettre de déceler une déformation de l’anus, une
absence localisée des plis radiés (faisant évoquer une rupture au même niveau), un bombement périnéal ou un
trouble évident de la statique pelvienne (comme un prolapsus extériorisé du rectum ou une volumineuse
rectocèle) qui peuvent faire évoquer un étirement des nerfs pudendaux (autrefois honteux internes) et donc
une incontinence anale d’origine neurogène. Le toucher rectal est essentiel : il permet d’estimer la pression de
base objectivée par le degré de résistance à la pénétration du doigt et surtout la contraction volontaire, non
seulement de l’appareil sphinctérien externe, mais aussi des muscles élévateurs. La sensibilité de la peau
périnéale doit être précisée également, car elle peut faire évoquer des troubles neurologiques plus complexes,
voire un début de compression médullaire.
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Bilan paraclinique de première intention
De nombreux examens peuvent être proposés dans le cadre d’une incontinence anale, mais dans le souci d’une
économie de santé et puisque cette pathologie est fréquente, il faut savoir se limiter à deux examens
systématiques, dés l’instant que le diagnostic est posé sur l’interrogatoire et l’examen clinique et que le patient
souhaite une prise en charge.
Le premier examen est une échographie endo-anale ou endovaginale : elle permet de déceler une rupture
sphinctérienne non évidente cliniquement, comme une rupture isolée du sphincter interne ou une rupture très
2
limitée du sphincter externe .
Le deuxième examen est une manométrie anorectale, qui aura pour objectif de préciser le degré d’atteinte de
la pression de repos et de la pression de contraction volontaire, souvent déjà évoquée au doigt. Une
diminution isolée de la pression de repos est en faveur d’une atteinte du sphincter interne ou une rupture
complète avec béance anale, tandis qu’un effondrement isolé de la pression de contraction volontaire traduit
un défaut d’innervation du sphincter externe, qu’il soit d’origine centrale, médullaire ou locorégionale.
Bilan paraclinique de deuxième intention
Cette deuxième série d’examens ne sera demandée que devant une orientation clinique particulière. Ainsi un
EMG pourra être réalisé si une cause neurogène est suspectée ; cet examen est assez mal vécu par les patients
car parfois douloureux. Une IRM médullaire permettra d’éliminer la présence d’une tumeur de la moëlle. Une
coloscopie éliminera une tumeur villeuse colorectale si les fuites sont glaireuses, abondantes et fréquentes. Un
trouble de la statique pelvienne évoqué cliniquement sera confirmé par une colpo-cysto-défécographie
classique ou une déféco-IRM.
L’établissement d’un score d’incontinence anale
La sévérité de l’incontinence anale et de son retentissement peut être rapidement chiffrée par l’utilisation d’un
score d’incontinence anale, dont il en existe beaucoup dans la littérature.
3
Le score de Jorge et Wexner est le plus simple d’entre eux . Il est reproductible et permet une comparaison du
degré d’incontinence anale non seulement du patient avec lui-même (pour tester l’évolution et le résultat d’un
traitement quel qu’il soit), mais aussi entre les patients dans le cadre d’études prospectives. Il se calcule en
attribuant à 5 items différents (incontinence aux gaz, incontinence aux selles liquides, incontinence aux selles
solides, port de protection et gêne sociale) une note de 0 (absence) à 4 (plusieurs fois par jour). Le total du
score va donc de 0 (aucune fuite) à 20 (incontinence totale). Il existe bien sûr d’énormes biais à l’utilisation de
ce score et nous pouvons en citer quelques uns parmi les plus fréquents : la fréquence des fuites peut être
diminuée par le respect d’un régime draconien ou l’utilisation de médicaments ralentisseurs du transit ; le port
de garnitures peut être imposé par une fuite d’urines ; une incontinence aux gaz chez une jeune femme
travaillant en communauté peut être beaucoup plus invalidante qu’une fuite de selles solides chez un sujet
travaillant à domicile, etc.
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D’autres scores ont ainsi été décrits, comme celui de Vaizey du St Mark Hospital de Londres, mais il devient
plus difficile à calculer en routine (il associe aux items du score de Jorge et Wexner la prise de médicaments
ralentisseurs du transit et l’impériosité, à des valeurs différentes).
Quant aux scores de qualité de vie, très nombreux également, ils ne peuvent être intéressants que dans le
cadre d’études : score SF36 (36 items de signes fonctionnels), FIQL (pour Fecal Incontinence Quality of Life),
etc. car ils sont d’utilisation difficile et rendent peu de service chez un patient donné, considéré isolément.
Les différents groupes d’incontinence anale
Pour le chirurgien, il existe 4 groupes de patients présentant une incontinence anale. Cette distinction a un
4-6
impact direct sur le traitement .
Le premier groupe est celui des ruptures sphinctériennes franches, comme elle peut se rencontrer après une
sphinctérotomie profonde pour fissure anale, ou après une fistulotomie pour fistule anale trans-sphinctérienne
haute de type opération de Musset, ou encore après une déchirure obstétricale de stade 4 non réparée.
Le deuxième groupe est celui des troubles de la commande nerveuse, dominés par la neuropathie pudendale
dite un peu rapidement « d’étirement ». L’appareil sphinctérien, dans ce cas, est strictement normal
anatomiquement.
Le troisième groupe est le groupe de l’incontinence anale à appareil sphinctérien intègre et à commande
nerveuse toujours présente. C’est dans ce cadre que se trouve l’incontinence anale passive par fécalome sur
constipation de transit sévère, ou l’incontinence anale sur syndrome diarrhéique.
Le quatrième groupe est le groupe de l’incontinence anale par intrication des tableaux précédents, la plus
difficile à traiter. C’est par exemple le cas de l’incontinence anale survenant après exérèse d’un cancer du
rectum : l’irradiation pré-opératoire et la proctectomie ont lésé les nerfs commandant le rectum résiduel et
l’anus, la capacité et la compliance rectales sont modifiées, une sténose anastomotique même relative (il y a
toujours une zone rigide correspondant à l’anastomose manuelle ou mécanique) modifie le jeu de la défécation
et de la continence et enfin une lésion même minime de l’appareil sphinctérien est fréquente lorsque
l’anastomose est bas située (colo-anale).
Conclusion
L’incontinence anale est plus fréquente qu’elle n’apparaît et il faut savoir la rechercher, car les patients ne la
signalent pas toujours spontanément même lorsqu’ils en sont affectés. L’interrogatoire puis l’examen clinique
doivent permettre de la définir, d’en deviner l’étiologie, d’en établir la sévérité et d’en proposer un traitement
médical premier. L’échographie endoanale et la manométrie anorectale, examens non agressifs, rapides et peu
coûteux, vont permettre de confirmer l’impression clinique et de proposer un traitement plus spécifique,
éventuellement chirurgical.
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Références
1. Damon H, Guye O, Seigneurin A, Long F, Sonko A, Faucheron JL et al. Prevalence of anal incontinence in
adults and impact on quality-of-life. Gastroenterol Clin Biol 2006;30:37-43.
2. Christensen AF. 3-dimensional anal endosonography may improve diagnostic confidence of detecting
damage to the anal sphincter complex. Br J Radiol 2005;78:308-11.
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5. Chatoor DR. Faecal incontinence. Br J Surg 2007;94:134-44.
6. Faucheron JL. Anal incontinence. Presse Med 2008;37:1447-62.
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APPROCHE CHIRURGICALE MINI-INVASIVE DE L’INCONTINENCE ANALE
Session FMC
G. Meurette
Clinique de chirurgie digestive et Endocrine
CHU Nantes Hôtel-Dieu
[email protected]
Introduction :
L’incontinence fécale est une situation invalidante pour laquelle l’arsenal thérapeutique est encore à ce jour
limité. Le traitement conservateur associe les médicaments freinateurs du transit intestinal et la rééducation.
Les bénéfices attendus de ces traitements reste incertain même si prêt de la moitié des patients sont améliorés
de façon significative. Pour les autres, la chirurgie peut constituer une alternative intéressante. On oppose aux
techniques chirurgicales leur agressivité, avec une morbidité propre à chaque méthode. Des efforts se
concentrent sur des méthodes mini-invasives, dont le but est d’élargir le champ des armes thérapeutiques de
l’incontinence, sans toutefois engager des procédures invasives. Le concept de chirurgie mini-invasive prend
dans ce domaine de pathologie fonctionnelle toute sa justification.
1. Neurostimulation des racines sacrées
Depuis les résultats obtenus dans le traitement des vessies hyperactives, la neurostimulation sacrée a
progressivement étendu ses indications au domaine de l’incontinence fécale. Les résultats préliminaires
obtenus par les pionniers de la technique sont encourageants
[1-5]
. Le principe thérapeutique de la
neurostimulation sacrée reste encore partiellement élucidé. La stimulation électrique des racines sacrées
emprunte les voies de conduction motrices qui innervent le plancher pelvien. En dehors de ces réponses
motrices, la stimulation électrique des racines sacrées induit des stimulations neurologiques végétatives ainsi
que sensitives avec une modification de l’activité cérébrales susceptibles d’intervenir aussi dans la régulation
du maintien de la continence anale.
Le bilan pré-test doit comporter les éléments habituels de l’évaluation d’un patient incontinent anal : outre un
interrogatoire et un examen clinique, une échographie endoanale permet d’évaluer la morphologie
sphinctérienne
et
son
intégrité
(sphincter
interne
et
externe),
une
manométrie
anorectale.
L’électromyogramme avec étude de la latence de conduction des nerfs pudendaux n’est pas effectué par
toutes les équipes.
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A/ Déroulement de la procédure :
Dans un premier temps, un test est effectué pour évaluer l’efficacité du traitement. La période de test est
d’environ 3 semaines. Une électrode est mise en place par ponction percutanée sous contrôle radioscopique.
L’intervention est effectuée au bloc opératoire dans les conditions optimales d’asepsie, patient installé en
décubitus ventral. En cours de procédure, le bon positionnement de l’électrode est testé par une stimulation à
voltage progressivement augmenté au contact de celle-ci, responsable d’une contraction du muscle
sphinctérien et/ou une flexion de l’hallux homolatéral. Cette intervention peut être effectuée sous anesthésie
locale ou générale.
L’efficacité du test est évaluée sur le calendrier des selles que le patient remplit en ambulatoire. Une
diminution d’au moins 50% des fuites et un allongement significatif du délai de retenue sont requis pour
envisager l’implantation définitive du neurostimulateur.
Dans un second temps, en cas d’efficacité du test, une implantation définitive du boîtier de stimulation peut
être effectuée. Cette intervention est menée de nouveau au bloc opératoire. L’incision entre l’électrode et le
prolongateur est reprise et agrandie, l’électrode est alors reliée par une extension (10 cm) au boîtier définitif de
stimulation. Ce dernier est placé dans une logette confectionnée à cet effet, dans le quadrant supéro-externe
de la fesse homolatérale et les connections sont étanchéifiées. Chez les patients maigres, il est préférable de
mettre en place le boîtier de stimulation en position ventrale, en utilisant une extension longue (40 cm).
Un programmateur télémétrique externe permet la mise en marche et le paramétrage du stimulateur, avec le
réglage des paramètres d’intensité et de fréquence le jour même de l’intervention. Les valeurs de l’intensité
peuvent varier de 0.1 à 3.8 volts, la fréquence est réglée entre 10 et 14 Hz. La durée de l’impulsion est fixe à
210 microsecondes.
Par la suite, le patient peut utiliser un boîtier de télécommande plus simple, lui permettant, outre de vérifier le
bon fonctionnement du stimulateur, d’en faire varier l’amplitude en cas d’efficacité jugée insuffisante.
B/ Résultats
La neurostimulation des racines sacrées offre la possibilité de réaliser un test thérapeutique avant
l’implantation définitive, ce qui permet d’avoir une évaluation objective de son efficacité. Néanmoins, le
caractère récent de cette technique innovante et onéreuse impose de définir les indications de façon
rigoureuse, de façon à maintenir un bon rendement test / implantation, et des résultats durables. L’expérience
actuellement rapportée dans plusieurs centres spécialisés, montre des résultats encourageants
étude multicentrique française
[1-3]
. Dans une
[5]
, 27 patients ont été randomisés pour une étude en double aveugle, pour
juger de l’efficacité thérapeutique en comparant 1 mois sans stimulation, et un mois en stimulation. Les
résultats étaient en faveur de la stimulation, avec un bénéfice en terme de fréquence des fuites, de la capacité
de différer les exonérations, et l’amélioration de la qualité de vie des patients. Dans une revue récente, Jarret
et al. Concluent à l’émergence d’une technique prometteuse vouée à prendre une place croissante dans
l’arsenal thérapeutique de l’incontinence [4].
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2. Techniques d'irrigation colique antérograde
Ces techniques encore en évaluation ont été initialement décrites pour résoudre les constipations sévères de
l'enfant
[6]
. Elles pourraient prochainement trouver leur place dans la prise en charge moderne de
l'incontinence anale, lorsque les techniques de remplacement sphinctérien sont impossibles à mettre en
œuvre ou inefficaces. Leur principe repose sur la réalisation à intervalles réguliers, de vidanges intestinales
complètes et contrôlées à l'aide de lavements introduits par une colostomie proximale. La vacuité du côlon
ainsi obtenue met le patient à l'abri de tout épisode d'incontinence jusqu'à l'irrigation suivante. Ces stomies
doivent permettre l'introduction de petites sondes pour réaliser des irrigations de grand volume (1-1,5 L d'eau
tiède), en un court laps de temps. Elles doivent par ailleurs être continentes pour éviter des fuites et/ou un
appareillage. Différents accès sur le côlon proximal ont été décrits et testés sur de petits effectifs de patients
adultes : appendicostomie selon Malone
[6]
, tube cæcal avec système antireflux, iléon terminal
[7]
, ou encore
[8]
anse en Y colique droite, dont l'extrémité est abouchée à la peau . Les résultats sont encore préliminaires et
la place de ces techniques reste à définir [9]. La possibilité de réaliser cet accès au cæcum par voie percutanée
per-coloscopique (Technique de Chait) est une nouvelle façon de mettre en place les irrigations coliques
antérogrades. S’inspirant des techniques de gastrostomies per-endoscopiques, elle représente une approche
moins invasive.
3. Autres techniques innovantes en cours d’évaluation
Plus récemment, d’autres alternatives ont été proposées, fruits de la recherche de techniques
toujours plus « mini-invasives « destinées à améliorer le confort des patients. Ces traitements pour la
plupart réalisés en ambulatoire, ne sont ni validés, ni utilisés en routine. Ils font l’objet d’une
évaluation encore au stade expérimental. On peut mentionner le recours à la radiofréquence
(technique SECCA) qui réalise une sclérose sous-muqueuse du canal anal par brûlure thermique
contrôlée
[10]
, ou l’injection de différents matériaux, billes siliconées par exemple, dans le sphincter
interne pour augmenter le niveau de pression de repos, sous contrôle échographique éventuellement
[11-13]
. Cette dernière technique serait intéressante dans les déformations anales post-
sphinctérotomies ou en cas d’incontinence sphinctérienne lisse. L’apport de ces techniques récentes
reste encore à déterminer, mais prendra sans doute une place croissante dans l’arsenal thérapeutique
de l’incontinence fécale de l’adulte.
Conclusion
La chirurgie mini-invasive dans l’incontinence anale permet actuellement de soulager durablement une part
significative des patients. Cependant, la littérature manque encore de paramètres objectifs permettant de
sélectionner les meilleurs candidats pour telle ou telle méthode. Aucune ne saurait prétendre être la méthode
universelle. Il est important de poursuivre les efforts vers la mise au point de nouvelles techniques à l’avenir.
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Références
1 Matzel K, Stadelmaier U, Hohenfellner M, Gall F. “Electrical stimulation of sacral spinal nerves for
treatment of fecal incontinence”. Lancet 1995;346:1124-7
2 Matzel KE, Stadelmaier U, Hohenberger W. Innovations in fecal incontinence: Sacreal nerve stimulation.
Dis Colon Rectum 2004 ; 47 (10) : 1720-1728
3 Faucheron JL, Bost R, Duffournet V, Dupuy S, Cardin N, Bonaz B. Sacral neuromodulation in the treatment
of severe anal incontinence. Gastroenterol Clin Biol 2006 ; 30 : 669-72
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sacral nerve stimulation for faecal incontinence and constipation. Br J Surg 2004 ; 91 :1559-69
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6 Malone PS, Rangsley PG, Kiely EM. Preliminary report : the continence enema. Lancet 1990 ; 2 :
1217-1218
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Hill J, Scott S, Maclennan I. Antegrade enemas for the treatment of severe idiopathic
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8 Hughes SF, Williams NS. Continent colonic conduit for the treatment of faecal incontinence
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10 Efron J, Corman M, Fleshman J, Barnett J, Nagle D, Birnbaum E, et al. Safety and effectiveness of
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12 Vaizey CJ, Kamm MA Injectable bulking agents for treating faecal incontinence.
Br J Surg. 2005 May;92(5):521-7.
13
Chan MK, Tjandra JJ. Injectable silicone biomaterial (PTQ) to treat fecal incontinence after
hemorrhoidectomy. Dis Colon Rectum 2006 Apr;49(4):433-9
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INCONTINENCE ANALE ET TROUBLES DE LA STATIQUE PELVIENNE :
INDICATIONS CHIRURGICALES
Guillaume Portier
CHU Purpan – Université Paul Sabatier
Toulouse
La dynamique pelvienne normale permettant la continence anale suppose la conjonction d'un transit
colorectal régulier, de l’absence de lésion anatomique ou fonctionnelle rectale, d'une anatomie préservée
du complexe sphinctérien anal, et enfin d'une commande neurologique anorectale adéquate. Ce
fonctionnement harmonieux complexe peut être perturbé par toute anomalie de l’un de ces éléments. Le
symptôme résultant peut être l’incontinence anale, associée ou non à la constipation terminale, voire à la
gène engendrée par l'extériorisation d'un prolapsus. C’est la raison pour laquelle la prise en charge du
symptôme d'incontinence impose une réflexion idéalement pluridisciplinaire associant gastroentérologue,
chirurgien digestif, kinésithérapeute spécialisé, et radiologue spécialisé. En effet, les causes d’incontinence
anale sont rarement unifactorielles associant par exemple anomalie sphinctérienne, neuropathie
d’étirement, troubles de la statique rectale. La constatation d’une anomalie anatomique de la statique
rectale sur un examen radiologique ne peut donc pas à elle seule indiquer un traitement chirurgical. La
problématique sera toujours de corréler les symptômes d’incontinence anale aux anomalies anatomiques
constatées. Un bilan clinique et para-clinique complet est nécessaire avant toute décision thérapeutique. Il
comprendra notamment des examens morphologiques avec IRM pelvienne dynamique et volontiers une
défécographie dynamique standard, une manométrie anorectale, une échographie endo-anale à la
recherche d’une rupture sphinctérienne.
Hormis les situations cliniques les plus simples de prolapsus rectal extériorisé qui relèvent de la chirurgie,
un traitement médical doit toujours être proposé en première intention associant régulation du transit de
préférence par les laxatifs de lest, traitement exonérateur par micro lavements ou suppositoires
exonérateurs. Une rééducation périnéale par un kinésithérapeute spécialisé en périnéologie doit y être
associée en cas d’échec. Les alternatives mini-invasives comme la neuromodulation sacrée ou périphérique
peuvent également être testées. Ce n’est qu’après persistance du symptôme d’incontinence anale malgré
ces traitements médicaux qu’une indication chirurgicale peut être envisagée.
En pratique, lorsque le lien de causalité entre troubles de la statique rectale et incontinence anale est
suspecté, trois cas de figures sont le plus fréquemment observés : le prolapsus rectal extériorisé, le
prolapsus rectal intra-anal, et le prolapsus intra-anal associé à des lésions sphinctériennes ou
neurologiques. Une rectocèle isolée ne semble pas pouvoir expliquer une incontinence anale à elle seule,
en dehors de lésions associées anatomiques ou fonctionnelles du sphincter anal.
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
Incontinence et prolapsus rectal extériorisé :
L’incontinence anale est fréquemment associée au prolapsus extériorisé du rectum. La constatation
clinique de l’extériorisation autorise une intervention chirurgicale sans avoir recours à d’autres examens
complémentaires. On oppose les voies d’abord abdominales aux voies d’abord périnéales pour le
traitement du prolapsus extériorisé.
Il est actuellement admis que les voies d’abord périnéales, soit par plicature de la musculeuse rectale
(intervention de Delorme) soit par résection complète du prolapsus et anastomose colo-anale (opération
de Altemeïer) exposent à un risque de récidive élevé [1-3]. Ces interventions ont comme avantage leur
simplicité et une faible morbidité ce qui les fait réserver aux patients très fragilisés qui ne pourraient pas
supporter une intervention par voie abdominale. L’intervention de Altemeïer peut même être envisagée
en chirurgie ambulatoire y compris chez des patients âgés [4].
L’intervention la plus fréquemment décrite par voie abdominale est la rectopexie. De nombreuses
variantes techniques ont été décrites selon 2 modes de pensée différents : les techniques anglo-saxonnes
historiques de fixation postérieure (opération de Wells ou de Ripstein [5]) ou l’école européenne et
principalement française de fixation antérieure (intervention de Orr-Loygue)[6]. Le point commun à ces
techniques était d’induire une constipation post-opératoire parfois très sévère et difficile à traiter que l’on
a pu expliquer par la dissection extensive des faces latérales du rectum entraînant une fibrose péri-rectale
et une dénervation responsables de l’obstacle fonctionnel rectal [7-9]. Pour éviter l’apparition de
constipation post-opératoire, une sigmoïdectomie associée à la rectopexie a été proposée. Deux études
randomisées déjà anciennes ont démontré que si la sigmoïdectomie associée à une fixation postérieure
diminuait le risque de constipation, elle augmentait le risque d’incontinence post-opératoire [10, 11]. Cette
approche n’est donc pas validée actuellement. L’approche de fixation antérieure inter-recto-vaginale du
prolapsus selon la technique initiale de Orr-Loygue, semble plus en accord avec l'hypothèse
physiopathologique du prolapsus débutant à la face antérieure du rectum. La modification technique
actuellement la plus étudiée limite la dissection à la face antérieure du rectum, la dissection postérieure
présacrée étant soit évitée, soit strictement médiane, en préservant les nerfs hypogastriques
constamment visualisés. Une seule bandelette prothétique est utilisée, fixée sur la face antérieure rectale,
puis au promontoire, sans tension [12]. Cette rectopexie ventrale semble éviter l’apparition de
constipation post-opératoire tout en corrigeant correctement le prolapsus anatomique et ce avec un taux
de récidive inférieur à 5% [13, 14]. De nombreuses publications récentes confirment l’efficacité de cette
intervention plus respectueuse de l’innervation rectale [15, 16]. Les études comparatives entre rectopexie
par laparotomie ou par coelioscopie ne semblent pas montrer de différence d’efficacité entre les 2 voies
d’abord [17-20]. La morbidité liée à l’intervention est très faible dans toutes les séries récentes.
Au total l’évolution de la technique de rectopexie par voie abdominale et récemment cœlioscopique
permet d’envisager cette intervention en cas de prolapsus rectal extériorisé y compris pour les patients
fragilisés [21, 22]. La voie abdominale semble donc nettement plus indiquée que la voie périnéale dont le
risque de récidive est nettement plus élevé.
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Prolapsus rectal interne (non extériorisé)
Le prolapsus rectal lorsqu’il reste en position intra-rectale est considéré comme physiologique. Il peut
devenir pathologique que lorsque le sommet du prolapsus arrive en situation intra-anale. La difficulté est
alors de corréler les symptômes à la constatation anatomique. L’incontinence anale peut faire partie de ces
symptômes bien que ses mécanismes exacts ne soient pas très clairs [23, 24]. Le traitement par rectopexie
de ces prolapsus internes étaient jusqu’à il y a peu de temps décevants puisque l’intervention était ellemême délétère et entrainait une constipation post-opératoire fréquente [25, 26]. Depuis les modifications
techniques de la rectopexie évitant ces problèmes postopératoires, plusieurs séries récentes constatent
une amélioration de l’incontinence anale après rectopexie pour prolapsus intra-anal [15, 27-29]. Ces
données récentes permettent de penser que la rectopexie peut être un traitement approprié de ces
patientes qui jusqu’à présent étaient simplement traitées par rééducation périnéale et biofeedback. En
effet, les techniques classiques de cure de rectocèle et de prolapsus interne par voie endo-anale sont
théoriquement contre-indiquées en cas d’incontinence par crainte d’aggraver une rupture sphinctérienne
méconnue au cours de la dilatation anale nécessaire au geste chirurgical.
Prolapsus interne et lésion sphinctérienne :
Dans le cas de cette association pathologique et devant la découverte d’une rupture sphinctérienne
d’origine obstétricale, la tendance est d’abord d’envisager une réparation sphinctérienne directe avant de
traiter le trouble de la statique rectale. Cette attitude semble remise en question par les résultats récents
des rectopexies pour prolapsus interne symptomatique. En effet, il est logique de penser qu’une rupture
sphinctérienne passée inaperçue n’est pas responsable de la symptomatologie d’incontinence qui apparaît
plusieurs années après le traumatisme obstétrical, sans doute aggravée par le développement du
prolapsus. En cas de résultat insuffisant de la cure de prolapsus, une réparation sphinctérienne secondaire
peut être envisagée [30].
Au total, l’incontinence anale est un symptôme fréquent dont les causes sont multiples et souvent
associées. La base du traitement est avant tout médicale après un bilan clinique et para-clinique complet.
En cas d’échec de ces traitements médicaux et en présence d’un trouble de la statique rectale avec
prolapsus soit intra-anal soit extériorisé une indication chirurgicale peut être posée ce d’autant que les
techniques modernes de rectopexie permettent une bonne correction anatomique et symptomatique sans
entraîner de séquelle à long terme et avec un faible taux de récidive.
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
Références
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FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
INCONTINENCE ANALE APRES PROCTECTOMIE POUR CANCER DU RECTUM
A Alves,
Département de Chirurgie Viscérale et Digestive,
Hôpital de la Côte de NacreBeaujon, Caen.
I. Introduction
Toutes les interventions entraînant une résection partielle ou totale de l’ampoule rectale aboutissent à une
diminution ou une suppression de la fonction de réservoir rectal. A l’état normal, le rectum permet
l’exonération de 1 à 2 selles non impérieuses par jour. Cette perte du réservoir rectal après anastomose
colorectale (ACR) très basse ou anastomose colo-anale (ACA) directe est souvent responsable de troubles de
l’exonération et d’une augmentation de la fréquence des selles. Ce syndrome de résection rectale est en effet
présent chez au moins 50% des patients et associe à des degrés divers une augmentation de la fréquence des
selles (de une tous les 3 jours à 15/jour), une impériosité (c’est à dire le sujet ne peut se retenir plus de 10 à 15
minutes ses selles), un fractionnement des selles (imposant un ou plusieurs retour aux toilettes sur une courte
période). Le plus souvent, il s’agit de l’impossibilité à retenir les gaz, habituellement associée à des souillures,
parfois une incontinence aux selles est présente (1). Outre la perte du réservoir rectal, un traumatisme du
sphincter anal et des troubles de la sensibilité seraient également à l’origine de ces troubles fonctionnels. Dans
ce chapitre, nous aborderons les différents paramètres influençant la survenue d’une incontinence anale après
proctectomie pour cancer du rectum, puis les différentes modalités thérapeutiques pouvant permettre
d’améliorer cette incontinence anale.
II. Facteurs de risque d’incontinence anale après proctectomie pour cancer du rectum.
Malgré les progrès carcinologiques obtenus par la réalisation d’une radio-chimiothérapie néoadjuvante pour
les tumeurs du rectum sous-péritonéales localements évoluées (T3-T4 et /ou N+), malgré une meilleure
technique de dissection grâce à l’introduction de l’exérèse extrafasciale du mésorectum (2,3), la conservation
sphinctérienne peut s’accompagner de mauvais résultats de la fonction intestinale avec la survenue d’une
incontinence anale dans près de 30% des cas (4). L’équipe de Dutch Trial a tenté de rapporter les facteurs de
risque d’une incontinence anale après proctectomie pour cancer du rectum (4). Les données ont été colligées à
partir de l’essai randomisé hollandais comparant la RTT courte avec TME vs TME seule. Les résultats ont été
évalués à 2 et à 5 ans parmi les patients sans stomie et vivants à cette période. Au total 339 patients ont
répondu aux questionnaires à 2 et à 5 ans. A 2 ans, 52% dans le RTT et 35,5% sans RTT rapportaient une
incontinence anale (p=0,001). Entre 2 et 5 ans, seule le groupe traité par RTT voyait l’incidence de
l’incontinence anale augmenter. Ainsi, à 5 ans, 61,5% avec RTT versus 38,8% sans RTT rapportaient une
incontinence anale (p<0,001). Parmi les patients incontinents, la sévérité était comparable entre le groupe avec
et sans RTT. Parmi les patients sans RTT, aucun facteur de risque d’incontinence anale n’était mis en évidence.
En revanche parmi les patients avec RTT, une perte sanguine excessive était un facteur de risque
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
d’incontinence anale non seulement à 2 et à 5 ans. La hauteur de l’anastomose proche de 4 cm de la marge
anale augmentait significativement le risque d’incontinence anale. Au total, en analyse multivariée, les pertes
sanguines excessives et la hauteur tumorale étaient les 2 facteurs de risque d’incontinence anale parmi les
patients traités conjointement par RTT et TME. Toutefois, dans cette étude aucune sévérité de l’incontinence
anale n’était évaluée depuis la fuite de gaz, les fuites et l’incontinence totale de selles liquides ou solides (4).
Dans l’étude de Bosset (5), seul 9% des patients rapportaient une incontinence anale après une RTT longue.
Peeters et coll (6) ont rapporté les effets secondaires à long terme de la RTT courte (25 grays sur une semaine).
Le suivi médian dans cette étude était de 5,09 ans et n’était pas statistiquement différent entre les groupes RTT
+ TME et TME seule. Au total, 362 patients n’avaient pas de stomie (177 RTT + TME et 185 TME). Le nombre
moyen de selle «était significativement plus élevé dans le groupe RTT + TME (3,69 vs 3,02 / jour, p=0,011) ainsi
que le nombre de selle nocturne (0,48 vs 0,35, p=0,207). La RTT augmentait significativement l’incontinence
diurne (62% vs 38%, p<0,001), l’incontinence nocturne (32% vs 17%, p=0,001), les fuites muqueuses (27% vs
15%, p=0,004) et l’utilisation de protection (56% vs 33%, p<0,001). Même si un score spécifique d’incontinence
fécale n’était pas utilisé dans cette étude, la sévérité de l’incontinence anale était significativement augmentée
dans le groupe RTT+TME, à savoir la survenue d’un épisode d’incontinence tous les jours (14% vs 5%). Cette
incontinence anale était surtout marquée chez les patients irradiés pour une tumeur située entre 5 et 10 cm de
la marge anale. Ces résultats avaient un retentissement sur leur qualité de vie avec un score significativement
diminué (79 vs 84 p<0,001).
Bruheim et coll (7) ont rapporté les effets secondaires à long terme de la radiothérapie longue contrairement
aux autres études ayant évalué la radiothérapie courte. Cette étude est issue du registre norvégien. Les auteurs
ont utilisé comme score d’incontinence, le score du St Marks (0 pas d’incontinence, et 24 incontinence
complète). Au total, 535 patients ont été inclus, dont 226 avaient une stomie au moment de l’étude. Parmi les
patients sans stomie à l’issue du suivi, les patients avec RTT rapportaient significativement plus de symptômes
d’incontinence anale, que ce soit pour les solides (15% vs 5%, p=0,01), les gaz (71% vs 58%, p=0,01), les
protections (52% vs 13%, p<0,001), l’utilisation de ralentisseurs du transit (25% vs 7%, p<0,001), et l’impériosité
(44% vs 16%, p<0,001). Après appariement par rapport à la hauteur tumorale, la survenue de symptômes
d’incontinence anale était 3 à 7 fois plus fréquent après RTT. De plus, le score moyen d’incontinence était
significativement plus élevé après RTT (9,2 vs 3,9, p<0,001). Tous ces résultats étaient corrélés à une altération
de la qualité de vie. Toutefois, les patients inclus dans le groupe RTT avaient des tumeurs localement évoluées
et plus basses. Dans l’étude de Peeters et coll (6) l’incidence de l’incontinence fécale (plus d’une fois par
semaine) était de 25% dans le groupe avec RTT vs 11% dans le groupe sans RTT.
CHamlou et coll (8) ont rapporté les résultats de la résection intersphinctérienne. Dans cette étude ayant inclus
83 patients, selon le score de Wexner, 41% étaient totalement continent, 35% avaient un score acceptable
mais avec quelques soucis mineures et 24% avaient une incontinence avec un score de Wexner égal à 15. En
analyse multivariée, seule la RTT était significativement associée à un mauvais résultat fonctionnel. Dans la
littérature les résultats de la fonction anorectale après résection intersphinctérienne varient entre 20 et 86%.
En fonction du score utilisé la continence est complète chez près de 40% mais 60% des patients signalent des
problèmes d’incontinence.
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
Dans l’étude du Dutch trial (9), l’incontinence fécale était rapporté avant tout traitement dans 41,4% des
patients (269/649) et dans 48,7% après traitement (134/275) à 5 ans. Parmi les patients sans incontinence
préopératoire, 38,8% ont développé une incontinence fécale (69/178). De plus, 14% (23/160) ont développé
non seulement une incontinence fécale mais également une incontinence urinaire. En analyse multivariée, les
facteurs de risque de développer une incontinence fécale, urinaire et des difficultés d’évacuation vésicale
étaient : la RTT, la tumeur rectale basse (anastomose basse < 6 cm de la marge anale), la taille tumorale et
l’incontinence fécale préopératoire. Les facteurs de risque d’incontinence fécale postopératoire étaient en
analyse multivariée : la RTT et l’incontinence fécale préopératoire (9).
III Comment traiter une incontinence anale après proctectomie pour cancer ?
III.1 Intérêt de la réhabilitation multimodale.
Après conservation sphinctérienne, l’impériosité et la survenue d’une incontinence anale survient dans 10 à
20% des (10). Plusieurs études ont rapporté que la réhabilitation améliore l’incontinence dans 75 à 80% des cas
mais très peu ont évalué ce traitement après proctectomie pour cancer. De 2000 à 2007, 121 patients
présentant une incontinence fécale ont été inclus. Les critères d’exclusion étaient l’âge (>75 ans), l’altération
de l’état général, les pathologies neurologiques, l’handicap physique, et les problèmes de compréhension. Au
total, 88 patients remplissaient les critères d’inclusion. L’évaluation clinique initiale comportait une
manométrie anorectale, une échographie endo-anale, un électromyogramme (n=16). Un groupe control de 10
patients sains a également été inclus dans cette étude. Le score d’incontinence utilisé était celui de Wexner (020). Le programme de réhabilitation incluait une kinésithérapie pelvipérinéale, un biofeedback, une
réhabilitation volumétrique et une électrostimulation. La méthode était proposée en fonction des résultats de
la manométrie anorectale (pression de repos, contraction volontaire maximale, perception de la sensibilité
rectale, volume maximal toléré et compliance rectale). Parmi les 88 patients inclus, 69 avaient une anastomose
colorectale basse (4,5 ± 1,0 cm) et 19 une anastomose colo-anale directe (2,6 ± 0,8 cm). Le délai moyen de
consultation était de 22 mois. Le score d’incontinence était 12,28 ± 5,2. Une corrélation significative était
retrouvée entre le degré d’incontinence et la présence d’un prolapsus génital chez la femme, l’irradiation, un
antécédent de chirurgie pelvienne et de chirurgie anale. Aucun patient n’a eu qu’une seule technique de
réhabilitation : 4 (n=12), 3 (n=41) et 35 (n=2). La durée moyenne des cycles était de 121 ± 34 jours. Après
réhabilitation, le score moyen d’incontinence était significativement amélioré (4,87 ± 3,91 vs 12,28 ± 5,29,
p<0,03) que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. De plus 21 patients n’avaient plus de symptômes
d’incontinence fécale. Ces résultats étaient également significativement améliorés quels que soit la technique
d’anastomose digestive utilisée. Toutefois, 42,5% n’avaient pas été améliorés et 34% continuaient toujours à
avoir des symptômes. Une corrélation négative a été retrouvée entre les mauvais résultats et la RTT. De même
une faible pression de repos (<17 mmHg), une mauvaise amélioration de la compliance et du volume maximal
tolérable étaient prédictifs d’échec (10).
III.2 Intérêt de la neuromodulation ?
Certains auteurs ont évalué la neuromodulation dans la prise en charge de l’incontinence fécale après
proctectomie (11). L’incontinence fécale est probablement d’origine multifactorielle : réduction du réservoir
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
rectal, lésion traumatique du sphincter anal, lésions de l’innervation autonome et influence de la
radiothérapie). Dans cette étude, les auteurs ont utilisé le score de Pescatori (0-6) et celui de la Cleveland Clinic
(0-20). En prétraitement les scores moyens respectifs étaient de 4,5 et 16,3. Parmi ces 4 patients, l’échographie
endo-anale n’a pas révélé de lésions sphinctériennes traumatiques. Les auteurs ont observé une réduction
significative des scores de Pescatori (4,5 vs 1,5) et de la Cleveland Clinic (16,3 vs 4,5). Seul 3 patients sur 4 ont
été significativement améliorés. Une équipe australienne a récemment rapporté des résultats similaires chez 7
patients (12).
IV Conclusions
Après proctectomie pour cancer du rectum, l’incidence peut atteindre près de 30% des patients, ce d’autant
qu’il s’agit d’une tumeur du bas rectum, localement évoluée et traitée avant l’intervention par une
radiothérapie. La résection intersphinctérienne permettant de conserver la fonction sphinctérienne majore la
surveneu d’une incontinence anale. toutefois, très peu d’études ont utilisés des scores validés d’incontinence
anale pour évaluer le degré de sévérité de cette incontinence anale. l’origine de cette séquelle est
probablement d’origine multifactorielle. La réhabilitation multimodale basée sur différnetes technique de
réeducation pelvipérinéale ainsi que l’apport de la neuromodulation apparaissent comme des pistes
thérapeutiques intéressantes dans la prise en charge de l’incontinence anale post-opératoire.
FCC1 Le chirurgien face à l’incontinence anale
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