Untitled

Transcription

Untitled
PROPOSITION D’AMENDEMENTS
AU CODE CIVIL DU QUÉBEC
Préparé par
L’ASSOCIATION CANADIENNE
DES COMPAGNIES D’ASSURANCES
DE PERSONNES (l’ACCAP)
22, décembre 2011
INTRODUCTION
Le 24 mars 2011, la Cour suprême du Canada a autorisé la demande de pourvoi du
ministre de la Justice du Québec d’en appeler de la décision de la Cour d’appel du
Québec portant sur l’obligation alimentaire entre conjoints de fait.
Dans
l’arrêt
de la
Cour d’appel,
la juge Dutil a
suspendu la déclaration
d’inconstitutionnalité de l’article 585 C.c.Q. pour laisser le temps au législateur
d’envisager une solution et d’empêcher que des personnes perdent des droits. Ceci
dit, elle a indiqué que « l’article 585 C.c.Q. est une disposition très importante, avec
laquelle les tribunaux auront à travailler quotidiennement et qu’il est du ressort du
législateur, à la lumière des débats publics qui se tiendront à ce sujet, de définir la
notion de « conjoint de fait » et d’harmoniser, le cas échéant, d’autres dispositions
du Code ».
La juge ajoute que « le législateur pourrait profiter de l’occasion pour
revoir l’ensemble des droits et obligations des conjoints de fait. »
Si la Cour Suprême du Canada confirmait le jugement de la Cour d’appel, il en
résulterait possiblement des modifications à plusieurs articles du Code civil du
Québec, notamment aux chapitres de la rente et des assurances. Ces changements
obligeraient les assureurs à réviser substantiellement leurs contrats, formulaires et
documents explicatifs et à modifier leurs politiques administratives.
L’ACCAP est d’avis qu’il n’y a plus lieu de traiter les conjoints de fait différemment
des conjoints mariés ou unis civilement et matière d'assurance et propose que
certaines dispositions du Code civil du Québec soient amendées en conséquence.
L’ACCAP a analysé les dispositions contenues au chapitre des assurances.
Les
amendements que propose l’ACCAP reflètent une réalité sociodémographique et un
souci d’une meilleure harmonisation et de coopération législative et réglementaire
avec les autres provinces canadiennes.
En effet, tel que le rapporte La Presse, le Québec serait la seule province qui prive
les conjoints de fait de réclamer une pension alimentaire au moment de la
séparation.
Il est également à noter que la Colombie Britannique a introduit un livre blanc1
proposant d'aller plus loin que la pension alimentaire.
L’ACCAP a divisé son mémoire en deux parties : la partie A traite spécifiquement de
la question des conjoints de fait, tandis que la partie B traite de situations
particulières où l’ACCAP recommande que des modifications soient apportées au
Code civil du Québec, nommément dans l’administration du patrimoine des enfants
mineurs, le pouvoir des mandataires de nommer des bénéficiaires, les placements
présumés sûrs et l’opposabilité de l’hypothèque du contrat d’assurance.
A.
LES CONJOINTS DE FAIT
1. Présomption d’irrévocabilité de la désignation de la personne mariée ou
unie civilement (article 2449 C.c.Q.)
Nous savons que le Québec est différend des autres provinces à ce sujet; étendre
l’effet de la présomption d’irrévocabilité par défaut aux conjoints de fait renforcerait
davantage cette différence et exacerberait les problèmes administratifs que nous fait
vivre cette différence.
L’amendement proposé à l’article 2449 C.c.Q. pourrait, par
contre, faire disparaître ce problème.
Historiquement,
alors
que
la
désignation
de
l’épouse
et
des
enfants
était
essentiellement irrévocable en vertu de l’article 12 de la Loi de l’assurance des maris
et des parents, l’article 2547 du Code civil du Bas-Canada, introduit dans la Loi sur
les assurances, L.Q. 1974, a fait en sorte que la désignation du conjoint (marié) était
désormais présumée à titre irrévocable, cette présomption pouvant être repoussée
au moyen d’une stipulation contraire. À l’époque, le but du législateur était d’assurer
une certaine égalité entre les époux et les épouses et un compromis à la situation
qui prévalait avant ce changement législatif (Québec, Assemblée nationale, Journal
des débats, 2e session, 30e législature, nos 197 et 203, 16 et 18 décembre 1974,
pages B-8230, B-8432 et 8433).
1
White Paper on Family Relations Act Reform July 2010, Attorney General's Office
Avec l’adoption du nouveau Code civil du Québec en 1994, le législateur a maintenu,
à l’article 2449, cette présomption d’irrévocabilité de la désignation de l’époux pour y
ajouter, en 2002, le conjoint uni civilement.
Or, cette présomption d’irrévocabilité en faveur de l’époux et du conjoint uni
civilement devrait être retirée de l’article 2449 puisqu’elle n’a plus sa raison d’être de
nos jours et ce, pour les motifs suivants :
a) Selon les données de l’Institut de la statistique Québec, le taux brut de
nuptialité ne cesse de baisser au Québec : en 2000, ce taux était de 3,4
mariages par tranche de 1 000 habitants et de 2,9 mariages par tranche de
1000 habitants en 2009. De plus, dans un article du 13 septembre 2007 paru
dans le journal Le Devoir et signé par Guillaume Bourgault-Côté, celui-ci
rapportait que les données dévoilées par Statistique Canada en 2007,
indiquaient que l’union libre triomphait sans partage au Québec : 34,6% des
couples au Québec alors que la moyenne nationale hors Québec est de
13,4%.
Même à l’échelle mondiale, les comparaisons faites par Statistique
Canada montrent une moyenne nettement plus élevée ici. La croissance du
nombre de couples vivant en union libre est cinq fois plus rapide que celle des
couples mariés.
20 ans auparavant, 80% des couples étaient alors mariés
alors que 7% vivaient en union libre.
b) Alors que la proportion d’unions libres est plus élevée au Québec qu’ailleurs
au Canada, étonnamment la présomption d’irrévocabilité en faveur de l’époux
et du conjoint uni civilement ne se retrouve que dans la législation québécoise
et nulle part dans les lois sur les assurances en vigueur dans les autres
provinces.
c) Cette proposition de retrait de la présomption d’irrévocabilité s’inscrit
d’ailleurs dans le contexte d’une meilleure harmonisation de la réglementation
et de coopération législative avec les autres provinces canadiennes, soit l’un
des objectifs visés par l’Accord de commerce et de coopération conclu entre le
Québec et l’Ontario à l’automne 2009 (Accord de commerce et de coopération
entre le Québec et l’Ontario, septembre 2009, ch. 3, pages 16 et suivantes).
Un accord semblable a également été conclu entre la Colombie-Britannique,
l’Alberta et la Saskatchewan.
d) En maintenant les règles de l’insaisissabilité prévues aux articles 2457 et
2458, la protection que confèrent celles-ci à la famille est préservée en cas de
faillite. Le titulaire du contrat ou l’adhérent bénéficie toujours de son droit de
désigner son époux, son conjoint de fait ou uni civilement à titre de
bénéficiaire irrévocable si cela est son choix.
e) Enfin, le risque d’erreurs et d’omissions de cocher la case appropriée (i.e.
stipulation contraire) dans le formulaire de désignation de bénéficiaire sera
éliminé. Aussi, certains formulaires des assureurs-vie contiennent une clause
pré imprimée révoquant la présomption.
Plusieurs décisions des tribunaux
2
sont contradictoires sur le sujet . Aussi, en raison de la popularité de l’union
libre tel qu’indiqué ci-dessus, il devient de plus en plus difficile pour les clients
québécois de bien connaître les règles applicables et, pour les assureurs, de
bien administrer les désignations, car il n’est pas toujours évident de
déterminer si les clients sont mariés, en union libre (conjoints de fait) ou des
conjoints unis civilement.
Nous proposons donc que la première phrase du premier alinéa de l’article 2449
C.c.Q. soit enlevée, de sorte que cet article se lise dorénavant de la manière
suivante :
« 2449. La désignation par le titulaire de la police ou l’adhérent de toute personne à
titre de bénéficiaire est révocable, sauf stipulation contraire dans la police ou dans un
écrit distinct autre qu’un testament.
La désignation d’une personne en tant que
titulaire subrogé est toujours révocable.
Lorsqu’elle peut être faite, la révocation doit résulter d’un écrit; il n’est pas
nécessaire, toutefois, qu’elle soit expresse. »
2
Couture c. Desjardins Sécurité Financière, compagnie d’assurance-vie, 2010 QCCQ 7194
Bertin c. Fons, SOQUIJ AZ-50085608, 20 mars 2001
Grégoire c. Khan-Grégoire, C.A. Montréal, no 500-09-000866-855, 21 octobre 1986
Mutuelle du Canada (la), compagnie d’assurance-vie c. Lemire-Vaillant, JE 94-170 (C.S.)
Gauthier (succession de) c. Tremblay (succession de), [2007] RJQ 626, 2007 QCCS 3151
La disposition transitoire pourrait se lire comme suit :
« Le bénéficiaire présumé irrévocable conformément à l’article 2449 deviendra un
bénéficiaire révocable dès la date d’entrée en vigueur de la présente loi. »
2. Insaisissabilité des droits conférés par le contrat à certains bénéficiaires
(art. 2457 C.c.Q.)
La question de l’inégalité entre les conjoints de fait et les conjoints mariés a déjà été
soulevée par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Bagnoud où la Cour
supérieure a refusé au syndic de saisir le REER de la faillie sur la base que
l’interprétation restrictive du mot «conjoint» de l’article 2457 du C.c.Q. donnait lieu à
de la discrimination fondée sur l’état civil des conjoints non mariés par rapport à
ceux qui le sont. La Cour d’appel est venue infirmer cette décision selon laquelle le
RÉER de l’intimée auprès du fiduciaire était insaisissable mais pour d’autres motifs.
La question demeure donc entière. Ainsi, nous proposons d’amender l’article 2457
C.c.Q. afin de clairement étendre la protection contre les créanciers aux conjoints de
fait.
Cet article pourrait dorénavant se lire de la façon suivante :
« 2457. Lorsque le bénéficiaire désigné de l’assurance est le conjoint de fait, marié
ou uni civilement, le descendant ou l’ascendant du titulaire ou de l’adhérent, les
droits conférés par le contrat sont insaisissables, tant que le bénéficiaire n’a pas
touché la somme assurée. »
3. Maintien de la désignation de bénéficiaire du conjoint en cas de
séparation (art. 2459, al. 1 C.c.Q.)
Présentement, le divorce, la nullité du mariage, la dissolution de l’union civile
rendent caduque toute désignation du conjoint à titre de bénéficiaire ou de titulaire
subrogé (art. 2459, al. 2 C.c.Q.).
Si nous suivons la logique suivant laquelle les
conjoints de fait ne devraient pas être traités différemment des conjoints mariés ou
unis civilement, nous proposons l’abrogation de ce deuxième alinéa afin que toutes
les désignations de bénéficiaires de conjoints demeurent valides malgré la fin de
l’union sauf si un tribunal les déclare révocables (pour ce qui est, bien entendu, des
désignations irrévocables) ou caduques (pour les désignations révocables ou
irrévocables).
Ainsi, l’article 2459 pourrait se lire comme suit:
«2459. La séparation de fait, la séparation de corps, le divorce, la nullité du mariage
ou de la dissolution ou de la nullité de l’union civile ne portent pas atteinte aux droits
du conjoint désigné à titre de bénéficiaire ou titulaire subrogé. Toutefois, le tribunal
peut, selon le cas, déclarer la désignation révocable ou caduque. »
B.
SITUATIONS PARTICULIÈRES
1. L’administration du patrimoine des enfants mineurs (art. 210 C.c.Q.)
La désignation d’un bénéficiaire mineur pour recevoir la prestation de décès payable
en vertu d’un contrat d’assurance-vie est chose fréquente dans notre industrie. Or,
le mineur étant incapable de donner une quittance valable à l’assureur lors du
paiement de la prestation d’assurance, celle-ci devait conséquemment être versée au
représentant de l’enfant mineur.
En 1994, le Code civil du Québec a introduit une nouvelle règle par le biais de
l’article 192 qui attribue désormais la tutelle légale de l’enfant mineur à ses parents,
réglant du même coup la problématique qui surgit lorsque la représentation du
mineur est exigée.
La tutelle englobe tant l’exercice des droits du mineur que
l’administration de ses biens.
Les sommes payables au mineur entrent dans son
patrimoine, mais sont désormais administrées par ses père et mère, ou encore par
son tuteur.
Or, la réalité de notre société actuelle, l’éclatement des familles, les séparations et
les divorces font en sorte que plusieurs parents souhaitent qu’à leur décès, le
patrimoine qu’ils laisseront à leurs enfants mineurs, incluant la prestation de
l’assurance vie, ne soit pas administré par l’autre parent tuteur légal.
C’est donc très à propos que le législateur a également introduit à la section IV du
Code civil du Québec, qui porte sur l’administration tutélaire, l’article 210. Cet article
comporte une exception à la règle générale qui prévoit que les biens du mineur sont
administrés par ses tuteurs.
Cette exception permet de nommer un tiers
administrateur des biens qui sont donnés ou encore légués au mineur. Le ministre
de la Justice expliquait alors que le but visé par cet article était de respecter la
volonté du donateur à ce qu’un régime spécifique d’administration des biens ainsi
donnés ou légués assure la protection de ce patrimoine.
L’article 210 permet
également indirectement de nommer un tuteur aux biens sans passer par le tribunal
puisqu’il mentionne que si le régime d’administration des biens n’est pas indiqué, le
tiers administrateur aura les droits et obligations d’un tuteur aux biens.
La jurisprudence rendue sur l’article 210, en matière de prestation d’assurance vie,
est contradictoire sur bien des aspects. Dès 1995, dans l’affaire Bondu et Morin, la
Cour supérieure refusait d’accorder l’administration d’une prestation d’assurance-vie
à un tiers et donnait aux père et mère le devoir de veiller au patrimoine de leur
enfant selon les pouvoirs accordés en vertu de la loi.3
La Cour supérieure a ensuite4 tenu un raisonnement différent en recherchant
l’intention du testateur et conclu que la conjonction de la désignation de bénéficiaire
en faveur du mineur contenue au contrat d’assurance et du libellé de la clause
testamentaire avait créé une fiducie personnelle en faveur du mineur permettant
ainsi à la personne désignée « bénéficiaire en fidéicommis » pour l’enfant mineur au
contrat d’assurance, d’administrer la prestation d’assurance vie payable hors
succession.
En 2008, dans l’affaire Taraby, la Cour supérieure5 a encore une fois accepté de
reconnaître la validité d’un « trustee to receive, administer and disburse any moneys
payable under the policy » de l’enfant mineur et conclut que cette personne avait les
droits et obligations du tuteur aux biens au sens de l’article 210. Il est à noter, par
ailleurs, que le contrat d’assurance étudié dans cette affaire était régi par le droit de
l’Ontario, lequel reconnaît expressément le concept du fiduciaire de l’enfant mineur.
3
Bondu et Morin, 10 mars 1995, EYB 1995-72755.
Québec (Curateur public) c. G.(G ), (C.S., 1997-11-11) SOQUIJ AZ-98021013
5
Taraby c. Smith (Succession de), 2008 QCCS 1591
4
Tout récemment6, la Cour supérieure a statué que la prestation d’assurance vie dont
un mineur est désigné bénéficiaire n’était pas visée par l’exception de l’article 210.
La Cour a conclu que la prestation d’assurance payable à un bénéficiaire désigné ne
fait pas partie des biens « légués » et n’est conséquemment pas soumise à
l’administration du liquidateur. Selon la Cour, les critères essentiels à la constitution
d’une fiducie n’avaient pas été rencontrés par l’inscription des termes « selon le
testament » dans la section du bénéficiaire de la police d’assurance-vie.
La
prestation d’assurance-vie n’était au surplus jamais entrée dans le patrimoine du
titulaire et ce dernier n’avait donc pas pu la transférer au mineur.
En raison de l’incertitude jurisprudentielle actuelle, les parents qui souhaitent que la
prestation d’assurance-vie de leur police soit administrée par un tiers doivent, soit
créer une fiducie contractuelle ou testamentaire, ou encore prévoir dans leur
testament une clause d’administration prolongée du liquidateur. Le cas échéant, les
droits de leur police d’assurance-vie qui étaient susceptibles d’être insaisissables en
vertu de l’article 2457 C.c.Q. perdent toute protection contre les créanciers.
En
effet, dans le premier cas, la fiducie est bénéficiaire et, dans les deux autres, c’est la
succession qui doit bénéficier des sommes.
Les provinces de Common Law autorisent7 le titulaire d’un contrat d’assurance à
désigner un fiduciaire, lequel s’apparente à l’administrateur du bien d’autrui du Code
civil du Québec, pour recevoir la prestation d’assurance-vie payable à un bénéficiaire
désigné qu’il soit majeur ou mineur.
Afin de solutionner les interprétations jurisprudentielles contradictoires rendues à
propos de l’article 210 C.c.Q. et respecter, tout comme celle du testateur ou du
donateur, la volonté du titulaire du contrat d’assurance et, de façon subsidiaire, dans
un souci d’harmonisation avec les provinces de Common Law, nous proposons que
cet article soit modifié de la manière suivante :
«210. Les biens donnés ou légués à un mineur, de même que les sommes qui lui
sont payables en vertu d’un contrat d’assurance ou de rente, à la condition qu’ils
soient administrés par un tiers, sont soustraits à l’administration du tuteur.
6
7
Compagnie d’assurance vie manufacturer (Financière Manuvie) c. Massouh, 2010 QCCS 2060.
Voir notamment la Loi sur les assurances de l’Ontario L.R.O. 1990, chapitre I-8, art. 193.
2 Pouvoir des administrateurs du bien d'autrui de nommer des bénéficiaires
(art. 2445 C.c.Q.)
Avec le vieillissement de la population, on s’aperçoit qu'il y a de plus en plus
d'administrateur du bien d'autrui (mandataires, curateurs, tuteurs…). La proposition
d’amendement ci-dessous vient clarifier le fait qu’un administrateur du bien d'autrui
peut reconduire à un autre contrat similaire le bénéficiaire d’un contrat d’assurance
ou de rente émis par un assureur.
En effet, un administrateur du bien d'autrui qui transfère, par exemple, un REÉR
auprès d’un assureur-vie du mandant à un autre REÉR, lequel permet de désigner
un
bénéficiaire,
ne
peut
reconduire
un
bénéficiaire,
selon
une
certaine
8
jurisprudence . Le capital décès devient dès lors payable à la succession. Ceci peut
entrer en conflit avec les dernières volontés du titulaire de police qui avait désigné
un bénéficiaire dans la première police.
Notons qu’on limite ici les pouvoirs de l'administrateur du bien d'autrui à la
reconduction ou au remplacement d’un bénéficiaire pour un contrat similaire. Nous
croyons autrement qu’un administrateur du bien d'autrui ne peut désigner un
bénéficiaire en lieu et place d’un mandant, car il s’agit d’un droit personnel de ce
dernier.
Notons également qu’une disposition similaire existe en Colombie-Britannique et a
été introduite par le Miscellaneous Statute Amendment Act, 2008 (S.B.C. 2088, c.
30)
“ 1. Section 4 of the Adult Guardianship and Planning Statutes Amendment Act, 2007
S.B.C 2007, c. 34, as it enacts section 17 (4) (b) of the Adult Guardianship Act,
R.S.B.C. 1996, c. 6, is amended by repealing section 17 (4) (b) and substituting the
following :
(b) create a new beneficiary designation, if the designation is made in
8
Bourgouin c. Clarica REJB 2002-38913
(i)
an instrument that is renewing, replacing or converting a similar
instrument made by the adult, while capable, and the newly
designated beneficiary is the same beneficiary that was designated
in the similar instrument, or
(ii)
a new instrument that is not renewing, replacing or converting a
similar instrument made by the adult, while capable, and the newly
designated beneficiary is the adult’s estate.”
Nous proposons donc qu’un nouveau paragraphe soit inséré immédiatement après le
deuxième alinéa afin que l’article 2445 C.c.Q. puisse se lire dorénavant comme
suit :
« 2445. La somme assurée peut être payable au titulaire de la police, à l’adhérent ou
à un bénéficiaire déterminé.
Lorsqu’une assurance individuelle porte sur la tête d’un tiers, le titulaire de la police
peut désigner un titulaire subrogé qui le remplacera à son décès ; il peut aussi
désigner plusieurs titulaires subrogés et déterminer l’ordre dans lequel chacun
succédera au titulaire présent.
« L'administrateur du bien d'autrui peut désigner un bénéficiaire si cette désignation
est faite dans un contrat de rente ou d’assurance qui a pour but de renouveler, de
remplacer ou de transformer un contrat semblable pourvu que ce bénéficiaire soit le
même que celui désigné dans le contrat précédent. »
La police d’assurance-vie ne peut être payable au porteur.
3.
Les placements présumés sûrs (art. 1339 et art. 1341 C.c.Q.)
L’article 1339 du Code civil du Québec énumère une liste exhaustive de placements
présumés sûrs auxquels sont restreints les administrateurs de biens d’autrui ayant la
simple administration.
Deux types de contrats de rente offerts par les assureurs et qui comportent
généralement un droit de rachat ou de retrait par leur titulaire devraient être ajoutés
à la liste de placements présumés sûrs. Il s’agit :
1. des contrats de rente dont le capital et les intérêts, le cas échéant, sont
garantis par l’assureur; et
2. des contrats de rente à capital variable adossés à des fonds distincts
(communément appelés « fonds distincts »). Ces fonds sont distincts des
fonds généraux de l’assureur.
Les contrats de rente dont le capital et les intérêts sont garantis par l’assureur
s’apparentent aux certificats de placement garantis offerts par les institutions de
dépôt.
Quant aux contrats de rente à capital variable adossés à des fonds distincts, bien que
juridiquement très différents des fonds d’investissement, ils offrent une possibilité et
une mécanique d’investissement similaire à ces derniers. De plus, dans les cas des
contrats de rente individuelle, si les primes effectuées au contrat adossé à des fonds
distincts demeurent investies dans le contrat jusqu’à son échéance, la valeur de ces
primes doit être garantie jusqu’à concurrence de 75% des primes versées. Il en est
de même généralement advenant le décès de l’assuré ou du rentier avant l’arrivée
de l’échéance.
Puisque les fonds d’investissement qui répondent à certains critères sont dans un
certain cadre des placements présumés sûrs, nous croyons fermement que les fonds
distincts des assureurs-vie offerts en vertu des polices de rente devraient bénéficier
des mêmes règles.
Nous proposons les modifications suivantes aux articles 1339 (pour les fonds
distincts) et 1341 (pour les fonds garantis) C.c.Q.:
Art. 1339.
Art. 1339. Sont présumés sûrs les placements faits dans les biens suivants :
[…]
10° Les titres d’un fonds d’investissement, d’une fiducie d’utilité privée de même que
les contrats de rente ou d’assurance adossés à des fonds distincts, à la condition que
60% de leur portefeuille soit composés de placements présumés sûrs et que le fonds
ou la fiducie satisfait depuis trois ans aux obligations d’information qui lui est
applicable.
Art. 1341.
1341. L’administrateur peut déposer les sommes d’argent dont il est saisi dans une
banque, une caisse d’épargne et de crédit, auprès d’un assureur agréé au Québec ou
un autre établissement financier, si le dépôt ou les primes sont remboursables à vue
ou sur un avis d’au plus 30 jours.
Il peut aussi déposer les sommes ou verser les primes pour un terme plus long si
leur remboursement est pleinement garanti par l’Autorité des marchés financiers ou
par Assuris ; autrement, il ne le peut qu’avec l’autorisation du tribunal, aux
conditions que celui-ci détermine.
4.
Opposabilité de l’hypothèque de contrat d’assurance (art. 2461, al. 1
C.c.Q.)
L’objectif principal de la publication est l’opposabilité aux tiers.
Or, l’article 2461
C.c.Q. traite de l’hypothèque des droits résultants d’un contrat d’assurance et de
l’opposabilité de cette hypothèque aux tiers. Considérant ce qui précède, les
propositions de modifications ci-dessous ont pour effet de clarifier que l’avis
d’hypothèque transmit à l’assureur équivaut à publication et par conséquent,
l’assureur n’aurait pas à se préoccuper du Registre des droits personnels réels
mobiliers (RDPRM) lorsqu’il reçoit un avis d’hypothèque mobilière sans dépossession
des droits résultants d’un contrat d’assurance-vie ou de rente. De plus, la date de
réception de l’avis d’hypothèque établit la priorité de rang de ces hypothèques.
Aussi, rappelons que depuis les modifications apportées en 2009 au RDPRM, il est
possible de consentir des hypothèques mobilières sans dépossession sur les droits
découlant de polices d’assurance.
Suivant l’amendement à l’article 15.2 du
Règlement sur le registre des droits personnels et réels mobiliers, il subsiste une
incertitude chez les assureurs : Doit-on faire prévaloir les règles d’opposabilité et de
priorité de l’article 2462 C.c.Q. ou encore celles édictées au chapitre des
hypothèques ?
Il va sans dire qu’il serait difficile pour l’assureur de vérifier
systématiquement le RDPRM et de déterminer si cette inscription a priorité sur l’avis
donné à l’assureur en conformité avec l’art. 2462 C.c.Q.
De plus, la règle générale imposée par l’article 2945 du C.c.Q. suivant laquelle
l’opposabilité et le rang des hypothèques sans dépossession s’acquiert par
l’inscription peut être écartée si la loi, tel que le stipule le premier alinéa de l’article
2945, en dispose autrement. Or, l’article 2461 du C.c.Q. a justement pour effet
d’écarter l’application de la règle générale de l’article 2945.
L’art. 2461 C.c.Q. pourrait se lire ainsi :
2461. La cession ou l’hypothèque d’un droit résultant d’un contrat d’assurance n’est
opposable à l’assureur, au bénéficiaire ou aux tiers qu’à compter du moment où
l’assureur en reçoit avis. Malgré toutes dispositions à l’effet contraire, l’hypothèque
d’un droit résultant d’un contrat d’assurance est opposable sans qu’il ne soit requis
de le publier conformément aux dispositions du livre neuvième du présent Code.
En présence de plusieurs cessions ou hypothèques d’un droit résultant d’un contrat
d’assurance, la priorité est uniquement fonction de la date à laquelle l’assureur est
avisé.
CONCLUSION
L’ACCAP est d’avis que les amendements au Code Civil du Québec suggérés ci-haut
sont nécessaires afin de refléter la réalité sociodémographique et une meilleure
harmonisation et coopération législative et réglementaire avec les autres provinces
canadiennes.