Guts Of Darkness - Le webzine des musiques sombres et
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Guts Of Darkness Le webzine des musiques sombres et expérimentales : rock, jazz, progressif, metal, electro, hardcore... janvier 2016 Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com © 2000 - 2016 Un sommaire de ce document est disponible à la fin. Page 2/100 Les chroniques de concerts Page 3/100 Black Christmass 2015 : ck Christmass 2015 - (concert chroniqué par Nicko) C'est toujours délicat de partir pour la Scandinavie au mois de décembre, on s'attend à des températures proches de zéro, voire même négatives. Mais là, sans trop savoir pourquoi, en ce week-end du 20 décembre, le thermomètre indiquait une température de 13°C ! Bref, malgré la pluie, nous avons eu des conditions particulièrement clémentes ! Le festival se déroule toujours au même endroit, à Norrköping à 2 heures de train au sud de Stockholm, et dans la même salle, très classe du Flygeln. Fuck me Jesus & De mysteriis dom Sathanas Tout est donc réuni pour avoir un festival de grande qualité. Aussi, ce qui est appréciable avec ce festival, c'est d'avoir une véritable sélection sur l'affiche. Il n'y a que 7 groupes par jour, sur une seule scène, et quand on voit l'affiche, on voit très rapidement qu'ils attachent une grande importance à la qualité plutôt qu'à la quantité. Pas de grand marathon ici, plutôt une sélection chaque jour d'une moitié de groupes confirmés avec une autre moitié de groupes prometteurs, mais sur l'ensemble, le niveau reste bien élevé en comparaison avec nombre de festivals où il faut vraiment bien sélectionner son programme. Étonnamment, l'affluence est bien plus faible que l'année précédente où le festival avait affiché complet. La salle était bien souvent clairsemée, même pour certaines têtes d'affiche. Les hostilités commencent le vendredi à la tombée de la nuit, c'est à dire à 15h30 ! Je traîne un peu ce premier jour pour récupérer mon bracelet et j'arrive pour le deuxième groupe de la journée, en l’occurrence Ofermod. Le groupe a toujours eu beaucoup de soucis pour retranscrire convenablement sur scène ses morceaux. J'ai eu l'occasion de les voir à de nombreuses reprises et à part à de très rares occasions, j'ai été déçu. Ce coup-ci, sans aller jusqu'à dire que ça a été grandiose, il faut admettre que la performance faisait partie de ce qu'ils ont fait de mieux. L'arrivée au chant de Johannes, de Mortuus (le groupe !), aide grandement à la relative réussite du set. En effet, il possède une attitude appropriée à la musique proposée et de plus, l'arrivée d'une deuxième guitare permet enfin au groupe d'avoir un son plus ample et profond ! Cela n'a par contre pas permis d'éviter le naufrage final sur le monstrueux "Mystérion tés anomias", qu'ils ont toujours massacré. Mais au moins, pour débuter le festival, c'était pas mal. Ça enchaîne quelques minutes plus tard avec Tribulation. Le groupe suédois a le vent en pompe en ce moment et j'étais impatient de les découvrir (j'en avais tellement entendu parler sans avoir l'occasion d'écouter que là, c'était l'occasion !). Eh bien, utile de vous dire que cela a été ma petite découverte du festival. Tribulation arrive avec un style très singulier. On sent que le groupe vient du death metal, mais musicalement, cela se rapproche pas mal du heavy/rock metal bien sombre, assez technique, mais surtout énergique et explosif, avec des vocaux gutturaux. Le mélange est plutôt bien chiadé. Mais surtout, ce qui fait l'intérêt de les voir sur scène, c'est leur mise en scène. Les musiciens "possèdent" véritablement la scène, les deux guitaristes ont un look mélange de glam-rock androgyne et gothique, l'un d'eux ayant des airs des guitar-heros Mick Ronson (des Spiders from Mars de David Bowie) et Randy Rhoads, l'autre me rappelant plutôt une sorte de Joe Perry goth et surmaquillé ! Ils possèdent tous les deux un réel magnétisme sur scène. L'un des deux possédant même une réelle grâce ! Ils ne laissent en tout cas pas indifférents ! Pour le coup, il s'agit vraiment d'un groupe à voir sur scène, dans un style très rentre-dedans mais en même temps recherché. Ils m'ont définitivement fait penser à In Solitude, mais dans un style plus ancré dans le metal extrême, mais avec ce côté prononcé très 80's et ses morceaux bien ficelés. Là, pour moi, le festival démarrait de la meilleure des manières ! Dans un style plus moderne, The Crown a ensuite investi la scène avec un death metal plus punchy, direct, Page 4/100 sans fioritures, lorgnant par moment vers du thrash/hardcore. Même si ce n'est pas mon style de prédilection, c'est clair qu'en concert ça défouraille sévère !! Alors certes, je ne pense pas chercher à m'intéresser plus que cela au groupe (contrairement à Tribulation), mais j'ai passé un bon moment devant leur set. Je ne connaissais pas, mais on peut facilement se rendre compte de l'efficacité du groupe. Il s'agit tout à fait du genre de groupe qui passe super bien en festival. Les choses sérieuses commencent avec l'arrivée des vétérans de Destruction. Pour le coup, je n'avais jamais eu l'occasion de les voir et honnêtement, je trouve ça beaucoup trop cliché. Voilà du gros thrash metal à l'allemande, forcément sans chichis, brut de décoffrage et pied au plancher. En 2014 on avait eu Sodom, là on a Destruction. Mais là, force est de constater que je préfère largement leurs compatriotes. Je me suis bien emmerdé ! C'est avec impatience que j'attendais l'arrivée de Marduk pour le premier de leurs deux shows spéciaux pour leur 25 ans. Ce soir, ils n'ont joué que des titres de la période pré-Mortuus (avant 2004). Et pour l'occasion, ils nous ont réservés quelques surprises avec notamment le trop rare "Glorification of the black God" en ouverture ou bien, enfin, "Dark endless", la première fois que je voyais ce morceau en concert ! Le son est optimal et la performance est vraiment très impressionnante, tous les albums du groupe sont passés en revue. Mortuus est particulièrement en forme. Pendant une heure, ça a été la grosse machine de guerre. Après un "Fistfucking God's planet" qui en a achevé plus d'un, on a eu droit à LA grosse surprise du chef ! Frédrik, Devo et Mortuus se sont éclipsés pour faire place au line-up d'origine du groupe de 1990-1991 qui nous a interprété l'intégralité de la toute première démo de la formation, "Fuck me Jesus", intro et outro comprises. On avait donc en face de nous, Andreas Axelsson, Rickard Kalm, Joachim Af Gravf et bien évidemment Morgan Steinmeyer Håkansson pour un dernier quart d'heure exceptionnel et historique très old-school. Ils ont même poussé le bouchon jusqu'à jouer l'outro de "The black.." qui était pourtant zappé systématiquement depuis une bonne vingtaine d'années. Vivement le lendemain pour la suite de cette célébration ! Et là, on n'a pas le temps de se remettre de nos émotions parce que le final de cette première journée, c'est tout simplement Mayhem avec son premier album "De mysteriis dom Sathanas" en intégralité, rien que ça ! Et là, les norvégiens ont sorti le grand jeu ! Mise en scène impressionnante, jeu de lights très élaboré, un Attila fidèle à lui-même, très expressif et dans son rôle, groupe entièrement drapé dans des capes noires (à l'exception de Necrobutcher). On a pu voir quelques caméras de part et d'autre de la scène donc on peut espérer un témoignage sur DVD prochainement (ça serait parfait !). Tout le monde connaît le disque par cœur mais surtout ce qui a été particulièrement réussi, au-delà même des morceaux joués (forcément dans l'ordre), c'est l'atmosphère générale dégagée. Le groupe n'enchaînait pas les morceaux les uns à la suite des autres, on avait droit à chaque fois à des intermèdes très noirs, inquiétants, atmosphériques qui nous mettaient tous dans des conditions idéales pour apprécier les 8 morceaux de l'album. Alors certes, le son a eu du mal à bien se mettre en place, "Funeral fog" était bien confus, mais dès "Freezing moon", c'était optimal ! En plus, les jeux de lumières avec en toile de fond la pochette de l'album à laquelle étaient ajoutés divers éléments (comme cette lune blanche puis rouge pendant "Freezing moon" notamment) parachevaient cette messe noire avec une ambiance froide et véritablement diaboliques ! Et là, franchement, même en n'étant pas un fan ultime de l'album (y'a toujours des morceaux que je trouve assez moyens sur ce disque), j'ai été totalement conquis par cette performance ! Et le final sur le titre éponyme a été époustouflant ! Le groupe est peut-être en mal d'inspiration avec un dernier album mauvais, mais sur scène, c'est vraiment excellent ! Page 5/100 Cette première journée m'a vraiment bien scotché, à peine elle était terminée que j'attendais avec impatience la suite du festival ! Souls for Belial & In league with Satan Comme pour la veille, j'arrive en retard et je loupe le premier groupe de la journée. Par contre, comme pour la veille, je trouve que l'affluence est relativement faible. La suite de la soirée va confirmer ce constat malheureusement. J'arrive pour IXXI. Autant j'avais été déçu au Mörkaste Småland 3 mois plus tôt, autant là, sur une plus grand scène, le rendu a été bien meilleur. On s'y attendait, le style allait être plus rentre-dedans que sur album, mais là on sent de la vélocité dans leur set, avec une bonne énergie. Il leur manque toujours de l'originalité, mais pour débuter une journée de fest, c'est plutôt agréable. C'est maintenant au tour de Death Wolf de nous asséner leur horror metal. Avant de les voir sur scène, je restais réservé sur ce side-project de Morgan de Marduk tant sa précédente mouture, sous le nom de Devil's Whorehouse m'avait laissé de marbre. Mais là, on a véritablement affaire à un groupe avec plus de personnalité et qui n'est pas juste une resucée de Danzig/The Misfits. J'aime vraiment beaucoup ce style entre heavy metal (allant même jusqu'au thrash metal) et atmosphère sombre limite goth/punk années 80. La performance est vraiment bonne et puissante. On sent que le groupe lorgne de plus en plus vers le metal plutôt que vers le horror/punk des débuts et ce n'est vraiment pas pour me déplaire. Ca donne aussi de la diversité au festival avec un groupe dans une veine un peu moins extrême que les autres mais toujours avec talent et une grosse puissance. Ensuite, je reste vraiment dubitatif devant la programmation de Mefisto, groupe soit-disant culte de la scène underground suédoise des années 80, qui renaît de ses cendres 25 ans après sa première séparation, et qui n'a à son actif que deux démos. Et franchement, j'ai trouvé la performance vraiment minable, sans aucune puissance. Il s'agit d'un trio avec une seule guitare. Les solos ne sont même pas couverts par un son de basse ample. J'avais vraiment l'impression de voir un groupe en répétition et qui ne maîtrisait pas grand chose. Le style était très décousu, mélange de thrash, de heavy et de black, mais très mal structuré. Je n'ai jamais réussi à rentrer dans le set. Je préférais attendre la suite, bien plus prometteuse. La fin du festival, c'était quand même un peu du caviar. Elle commence avec les vétérans polonais du death metal, à savoir Vader. Là, aucune surprise, une claque monumentale. Autant j'ai du mal en studio surtout au niveau de leur son, autant en live, c'est mortel. Il s'agit d'un des groupes les plus rodés sur scène, on sent une maîtrise et un tel détachement sur scène. Il n'y a pas de secret, sur scène, pour tout défoncer, il faut maîtriser. Et quand on voit ce groupe, c'est d'une efficacité redoutable et surtout on a l'impression que c'est super facile pour le groupe. Je l'ai souvent dit et je n'en démords pas, Vader, c'est les Slayer du death metal. Ils nous balancent la purée à la vitesse de l'éclair avec une précision redoutable. Donc voilà, une heure de death metal thrashisant, direct, sans fioritures. On se rapproche rapidement de la fin du festival. Marduk revient sur scène après sa performance de la veille, ce coup-ci pour la période Mortuus de leur carrière, c'est-à-dire les morceaux des 12 dernières années. Là encore c'est du grand art dans un style peut-être moins old-school, mais tout aussi efficace et brutal. On a droit à une set-list comportant aussi quelques petites surprises comme par exemple "Imago mortis" ou "Limbs of worship". J'ai trouvé ce deuxième aussi bon que le premier, mais plus brutal et puissant, un peu comme si le groupe se lâchait totalement. Sans temps morts, on a droit à un set au moins aussi destructeur que celui de Vader. "The hangman of Prague", "The levelling dust" et "Wartheland" du dernier album sont les grands moments de ce soir, avec en plus un "Souls for Belial" dantesque. Comme à son habitude, le groupe est très pro et carré, et même après tous leurs concerts auxquels j'ai assisté, je reste toujours aussi enthousiaste ! Un Page 6/100 bien bel anniversaire fêté de la meilleure manière qu'il soit ! En espérant encore au moins 25 nouvelles années à ce rythme !! Pour terminer ce festival, rien de tel que les légendes du black metal que sont Venom ! Tout vient d'eux et ils restent la meilleure manière de clôturer cette saison 2015 des festivals. Ce que je trouve ahurissant avant même qu'ils ne montent sur scène, c'est de voir la salle tout juste à moitié pleine ! Ce n'est pourtant pas tous les jours qu'on peut voir un tel groupe sur scène ! Après les avoir vu l'année dernière au Fall Of Summer, je m'attendais à un concert bien énergique. J'ai été un peu déçu de la première partie du concert, un peu trop axée sur des morceaux récents, manquant de pêche selon moi. En plus, je trouve que le choix des titres pour débuter n'est pas judicieux. J'aurais vraiment préféré des titres plus speed pour, direct, bien nous mettre dans le bain. Ce n'est qu'après 4-5 morceaux que je rentre vraiment dans la performance du groupe, avec l'enchaînement "Buried alive"/"Welcome to hell". Et à partir de là, c'est vraiment du bonheur ! Et puis, ensuite, ça envoie direct "Countess Bathory" ! Et là, que du bonheur ! Cronos est toujours bien en forme, et plus le concert avance plus la qualité est au rendez-vous. Le reste du show se déroule de manière super fluide, avec un son très puissant et clair. On sent vraiment la différence avec les autres groupes à ce niveau. Le concert sera même bien long, près de deux heures avec une fin aux p'tits oignons, comprenant un "Black Xmas" de circonstance (et qu'ils n'avaient encore jamais joué en live), suivi de l'hymne "Black metal" (avec deux filles du public invitées sur scène afin de chanter le refrain !). Résultat garanti ! Et pour finir en beauté, on a droit aux vieilleries que sont "One thousand days in Sodom", "In league with Satan" et "Witching hour", histoire de bien nous achever ! Venom aura été fidèle à son statut et à sa réputation. Dommage qu'ils soient si rares en concert parce qu'à chaque fois que je les ai vus, c'est du grand art ! Au final, ce Black Christmass 2015 aura été l'un de mes tout meilleurs festivals de l'année, avec le Mörkaste Småland. Je l'ai trouvé tellement supérieur à celui de l'année dernière alors que bizarrement l'affluence a été moindre cette année. Rarement les mots "les absents ont eu tort" n'ont autant bien caractérisé un festival ! Les têtes d'affiche ont été toutes magistrales, que ce soit Mayhem, Venom ou Marduk (qui ont été bien meilleurs que l'année passée). Vader est resté fidèle à sa réputation et Tribulation m'aura bien plu. Si vous cherchez de bonnes vacances de fin d'année, la Suède en décembre peut être une très bonne destination avec de très beaux paysages mais aussi un festival excellent ! photos par Ivan Sanchez Page 7/100 Les chroniques Page 8/100 Abolhasan Saba : Collection of Iranian Music vol 10, 11 Chronique réalisée par saïmone Ostad Saba n'est pas n'importe qui. L'un des quatre ou cinq plus grands joueurs de sêtar du siècle dernier – avec Hormozi, Ebadi, Lotfi et Alizadeh (qu'on aime ou pas ce dernier il faut reconnaître qu'il est incroyablement brillant) – et dont l'instrument de prédilection était… le violon (parmis d'autres), qu'il considérait, outrage parmi les outrages, scandale absolu chez l'Iranien moyen, meilleur que le kamanche – imaginez un peu qu'on vous dise qu'un vin Chilien est supérieur à, au hasard, un Saint Estèphe ou un Margaux, et prenez votre pouls. Voilà l'effet d'un Saba en Iran. Il affole. Il était donc, comme la plupart des grands musiciens iraniens, également joueur de sêtar – cet instrument supposé simple, joué par tous mais assez peu joué bien – un instrument du « cœur » sauf chez les quatre ou cinq cités plus haut, dont il est zendegi. Parce qu'il était son instrument secondaire, et qu'il en maîtrisait un autre dit « occidental », Saba en a développé un style de jeu particulier (qu'on appelle très judicieusement le « style Saba »), virtuose, basé sur des mezrab (le jeu « main droite ») très complexes. Ses morceaux rythmiques sont assez hallucinant, permettant des variations d'improvisations basées sur la réinterprétation du radif sur un mode « enjoué ». Précisons tout de même que Saba fut l'élève du grand maître Mirza Abdollah (tenancier de la version la plus traditionnelle du radif et joueur exceptionnel de sêtar) et de Darvish Khan (lui plutôt dans le tar mais compositeur hors pair de petits morceaux rythmiques affolants). Plus jeune, il arborait une petite moustache centrale, au dessus de la lèvre supérieure, qu'il fut contraint d'abandonner pour les raisons que l'on sait. Ce double disque additionnait à l'époque de sa sortie la totalité des enregistrements existants de Saba jouant du sêtar – l'équivalent des « Complete Recordings » de Robert Johnson dans un pays ennemi - un témoignage historique, malheureusement desservi ici par une qualité sonore, pour la majorité des titres, tout simplement infecte – distorsion, souffle, une véritable agression. Depuis d'autres enregistrement ont émergés (chez Mahoor Institute, une valeur sûre – tu m'étonnes, c'est l'officielle), de meilleure qualité, mais à peine. Le musicien y trouvera quelque intérêt, l'auditeur moins – se tournant plutôt sur la réinterprétation du « style » Saba chez des Ghassemi ou des Jazayeri. Note : 3/6 Page 9/100 Abolhasan Saba : Setar Chronique réalisée par saïmone Ostad Saba considérait le sêtar comme un instrument de l'intime. C'est la raison de pourquoi il n'existe aucun enregistrement officiel de ses performances, et pour cause, elles avaient lieu « en secret ». C'est d'ailleurs le sujet d'un célèbre dicton persan : « pour écouter un joueur de sêtar il faut être plus deux mais moins de trois ». Le Mahoor Institue, organe officiel de la diffusion de la culture Persane, s'est récemment accaparé quelques enregistrements du maître, sans doute pour s'opposer à la diffusion non-officielle et pour le moins médiocre chroniqué sur ces pages. Ceci est donc une officialisation de bootleg, pourrait-on dire. On y découvre, une fois de plus, la façon de jouer si singulière de Saba, majoritairement rythmique, pleine d'emphase et de subtilité contenue. Kamalian (le plus grand luthier du sêtar), son étudiant, disait de lui qu'il jouait comme s'il peignait avec un pinceau : tout en relaxation, en souplesse et pourtant avec une grande fermeté. Saba fut l'artisan d'une interprétation non-austère du radif (= musique savante, donc pas le truc le plus fun du monde) – ce qui était à l'époque assez révolutionnaire (sans jeu de mot). Ces petits enregistrements présents, techniquement très médiocres, en donnent un témoignage fugace pour qui arrive à outrepasser les limites sonores de la chose. Bien que de qualité à peine meilleure que la compilation sortie quatre ans avant, ils donnent l'impression de pénétrer derrière le rideau, en caméra cachée, dans les arcanes de la magie du maître. Ça n'a sans doute aucun intérêt pour autre chose qu'un musicien ou qu'un historien, mais on est aussi un site d'archive, et c'est ici que viendront puiser un nombre considérable de musiques contemporaines dites expérimentales – demandez donc à Eyvind Kang, à Stephen O'Malley ou à l'inconscient d'Alban Berg sur sa Suite Lyrique pour voir. Note : 3/6 Page 10/100 Ghost (sue) : Meliora Chronique réalisée par Nicko Avec ce 3ème album, les suédois de Ghost veulent taper fort. Gros matraquage promotionnel, le groupe veut aller au-delà de la sphère metal/rock, ils se produisent à Rock en Seine, sont album de la semaine sur Canal+ avec prestation live diffusée toute une semaine en prime time, concert dans la foulée complet en quelques jours. On peut définitivement parler de phénomène Ghost lors de cette fin d'année 2015 ! Ce "Meliora" a été prévu pour tout exploser. Et à l'écoute de ce disque, on le comprend très bien. La formation continue là où "Infestissumam" s'était arrêté deux ans plus tôt, à savoir du petit rock popisant très sympa, une rythmique un peu massive mais pas trop, un registre satanique mais pas trop, une ambiance religieuse mais pas trop, bref du satanisme de pacotille facilement assimilable avec de bonnes mélodies, la marque de fabrique de Ghost. Voilà, le tout est bien résumé, on a ici du pop/rock satanique pour Bobos. Et le pire, c'est que c'est pas mal du tout ! Franchement, l'album est super bien chiadé, écrit, produit, ça passe comme une lettre à la poste, les mélodies sont bonnes, on a même droit à la balade toute cool de circonstance, "He is", totalement inspirée par Duran Duran période "Ordinary world". On reconnaît le style Ghost facilement, la production est plus nette qu'avant, le son est impeccable, franchement, on a ici le parfait produit marketing. C'est loin d'être mauvais, y'a toujours ce p'tit côté retro kitschouille décalé, mais ça a toujours fait parti de leur univers. Mais là surtout, faut quand même bien comprendre qu'on a là un album un peu trop téléphoné. Je le trouve meilleur que le précédent de par ses qualités mélodique et d'interprétation, mais ça manque de ce petit éclair de génie qui fait qu'on a un album marquant, comme leur premier disque. Oui, ici, ce qu'il manque, c'est de la passion. C'est propre, c'est beau, ça s'enchaîne bien, les leads de guitare sont bien et entêtants, c'est pas l'album au rabais peu recherché, mais ça manque de hits vraiment forts comme il pouvait y en avoir sur "Opus eponymous". Les morceaux se ressemblent beaucoup (sur la fin, on se dit que ça tourne un peu en rond) et au final, on sort de l'écoute de ce disque en se disant que c'est pas mal du tout, mais qu'il n'y a rien qui nous laisse scotché, qu'on ne vient pas d'écouter un putain d'album. Il n'y a pas le riff qui tue ou le morceau qui va te faire tripper à mort. Ghost réussit là un disque super calibré, bien réalisé mais un peu trop mécanique, hélas. On sent vraiment un peu trop la stratégie marketing bien élaborée derrière tout ça. Je ne sais trop quoi penser de leur évolution. D'un côté, j'ai peur que la suite de leur carrière ne devienne de la vraie soupe pop mais en même temps, ils gardent une certaine inspiration pour écrire des morceaux qui tiennent la route. Ghost a définitivement trouvé le bon filon, à eux de savoir rester créatif et se renouveler. Note : 4/6 Page 11/100 The Bonaparte's : Shiny Battles Chronique réalisée par Twilight Stratège de génie, mégalomane narcissique, visionnaire, implacable tyran, mystificateur…Difficile de rester de marbre face à un personnage de la trempe de Napoléon Bonaparte, qu’on le haïsse ou qu’on l’admire. Personnage central de son époque, il aura inspiré moult artistes du Romantisme à aujourd’hui, de la variété (Abba et son ‘Waterloo’) à l’underground (Forseti pour ‘Black Iena’). Au milieu des 80’s, parmi les artistes de l’incontournable label français Garage, se profile un combo crée par d’anciens Baroque Bordello qui va jouer à fond la carte de la symbolique Bonaparte, à commencer par leur nom également tiré de…Chut ! Je garde le meilleur pour la fin. Leur premier mini, ‘Shiny battles’, la joue donc à fond: les chansons ‘Battle of Iena’ et ‘Waterloo front', la pochette montrant Napoléon visitant les pestiférés à Jaffa…Musicalement, les musiciens font déjà preuve d’un talent remarquable en matière de mélodie et d’arrangements. Entre la passion flamboyante de Killing Joke ou Play Dead et l’âpreté noire des Cure époque ‘Pornography’ (niveau guitare notamment), The Bonaparte’s signent une collection de merveilles post punk goth, à commencer par l’épique ‘Battle of Iena’, sa rythmique cavalcade, ses guitares guerrières et le saxo lancinant en arrière-plan. Autre brûlot, ‘Waterloo's front’ se dévoile plus meurtrier encore avec ses guitares sales, son saxo agonisant, sa batterie claquante et son chant habité. Plus mélancolique et froid, ‘Shiny light’ ne démérite pas, plus proche d’une version sauvage des Echo and the Bunymen, témoin de la palette des capacités du groupe qui enchaîne sur un ‘Women in light’ malsain et tribal, toujours secondé d’un saxo plus maladif que jamais. Et soudain, le dernier joker napoléonien sorti de la manche: une incroyable reprise bizarre et tordue du ‘They’re coming to take me away ah ah’ du célèbre excentrique Napoléon XIV, témoin à la fois de l’humour particulier du groupe quant à ses références et également de sa volonté, plus marquée sur leur LP ‘To the Isle of dogs’, de s’inspirer des grandes heures du rock psychédélique. La lumière, le combat, la guerre comme métaphore intérieure, ‘Shiny battles’ se profile comme rien de moins qu’un véritable petit chef-d’oeuvre, légèrement moins audacieux que son successeur mais tellement irrésistible en terme de mélodies et d’ambiances…Tout sauf un aller simple pour St-Hélène ! Note : 6/6 Page 12/100 MUSLIMGAUZE : Vote Hezbollah Chronique réalisée par Twilight Ca fait un bail que je n’ai plus chroniqué un album de feu Bryn Jones…Normal, j’en étais arrivé à saturation…Trop de disques…Jamais évidents à choisir vu la pléthore de styles explorés sur le même thème de base. Certains estimaient ses travaux faciles, le gars qui laisse tourner le même beat dix minutes en lançant un sample noyé de réverbération toutes les trois minutes, qui monte des collages de conversations arabiques et les étire à l’infini…Oui, certes Bryn n’a jamais eu peur de se frotter à l’épure des lignes ou le minimalisme mais réduire ainsi son travail serait lui manquer de respect et j’en sais quelque chose. A trop en écouter, pour dissiper un sentiment de redite inévitable, j’ai décidé de ne conserver que ses chefs-d’oeuvre et il y en a. ‘Vote Hezbollah’ en fait partie et clouera le bec aux détracteurs de l’artiste (‘facile de sortir plus de cent disques avec tant de remplissage’, oui, je l’ai entendu, ça fait mal). C’est un disque riche, travaillé, tant au niveau des rythmes que des structures. Pas question de facilité, ces morceaux regorgent de sons, subtilement agencés, le travail des percussions est exemplaire et empli de fougue. Notre Anglais garde des structures bouclées pour provoquer un certain état de transe mais là, à l’écoute, on se sent carrément au milieu des derviches tourneurs ou dans une danse endiablée où les jeunes guerriers sautent à travers le feu pour prouver leur courage (‘ Ishmael tongue’ dont la reprise en piste 9 est une pure beauté, un ‘Jawani Zindabad’ plus en retenue avec des espaces méditatifs subtilement intercalés…). L’autre qualité de cet opus est sa force d’évocation: on se croirait réellement sur place, au milieu des touaregs, sur une place de village ou simplement dans l’arrière-salle d’un petit bar à thé. L’usage de sonorités traditionnelles, l’emploi parcimonieux et efficaces de samples de chants, conversations, appels de muezzin, la production ciselée, y contribuent largement en plus du jeu de percussions très efficace. Même des plages plus atmosphériques telles que ‘ Zion poison’ ou ‘Satyajit Eye’ trouvent leur place sans impression de remplissage. C’est limpide, voilà clairement le meilleur Muslimgauze des trente environ qu’il m’ait été donné d’écouter. Début énergique, milieu plus contemplatif et reprise flamboyante vers la fin par des relectures intéressantes des compositions de départ. Détail supplémentaire, il s’agit d’une réédition limitée à 509 copies signées à la main dans un digipack de toute beauté proposant un treizième titre en bonus non sorti en 1993 en raison de limitations technologiques (sic). ‘Vote Hezbollah’, ça ne sonne pas très politiquement correct par les temps qui courent et on s’en branle…Le pouvoir de la musique est plus puissant que celui des bombes, non ? Note : 6/6 Page 13/100 KRALLICE : Ygg huur Chronique réalisée par Rastignac Krallice, un groupe pour ceux qui aiment les petites notes qui scintillent, les coups de fouets et les moments de folie, genre entre deux embouteillages, deux files d’attentes, trois emballages en plastique « ouverture facile ». Ceci est le euh… (attendez je regarde) : quatrième en date euh, non cinquième ! Voilà ! Cinq albums en sept ans, un EP, et un autre qui pointe le bout de son nez… prolifique le Krallice. Et beau, et envoutant, et « matheux » comme d’habitude, enfin hoqueteux, boiteux, méchant, plein de bourrasques et de poussière qui vole, on dirait un poulet mécanique sans ailes qui braille et court en rond, hop un coup d’épée sur la tête et c’est reparti. On dit « black metal » pour décrire ce groupe, alors je sais pas, oui peut-être plus chez les estampillés « avant-gardistes » de Norvège, enfin j’entends des choses plus venus du hardcore chaotique dans les sonorités, du death technique aussi, l’envie de mettre des coups de mosh pits, de faire souffler, de dégueuler les poumons en faisant de la course en fractionné : deux secondes par terre, une seconde deux-tiers les bras en l’air puis quinze secondes ON BOUGE PLUS, on souffle, trois minutes de mandales dans les oreilles, ça chauffe puis pompes puis roue puis roulade arrière. Krallice, le groupe qui fait se souvenir de l’EPS « gymnastique » obligatoire, après volley-ball, avant cours de physique. Pour ma part, cette première entrée par la fin dans le monde dillingerienno-gorgutsianno-jen'sais quoi de ce groupe maintenant bien lancé m’a plu, et je crois que je ne suis pas le seul, vu le respect de ce groupe par les amateurs de guitares qui flinguent les poignets, par les gourmets de mouvements de bravoure, par les amoureux de l’escrime en accéléré. Certainement pas à consommer avec des stupéfiants psychédéliques : j’ai vu ce terme aussi pour qualifier Krallice. Bon, si vous voulez, mais alors accrochez-vous car ça secoue, attention à la tachycardie ! Tout le monde peut ne pas apprécier cette densité, ces incessants changements de rythmes, même si je trouve que le tout ne fait pas dégueuler, même si on est accroché à cette machine catapulte de fête foraine. Au final, pour ceux que ça intéresse, vous trouverez sur ce dernier album de Krallice une dose massive de guitare metal à rythmique bizarro, dont le propos parfois hésitant entre l’épique total et la « méditation amère » pendant six minutes et quarante et une secondes (esooooootérimse) laisse la voix derrière, au fond pour éclabousser le public par la puissance de la batterie et des riffs, mais attention, style « instrument porté très haut sur le torse ». Ça changera du sludge « instrument porté niveau des genoux », et puis, c’est le début de l’année, le temps des bonnes résolutions. Allez, tous au sport ! Note : 4/6 Page 14/100 DISASTROUS MURMUR : Rhapsodies in Red Chronique réalisée par Rastignac Quand on farfouille dans les vestiges du passé simple, pas très loin, mais comme des siècles déjà à l’échelle des genres, sous-genres musicaux et contre-cultures liées au death metal, eh bien on tombe par exemple sur ce disque qui fera partie de la première fournée des sorties Osmose, calé entre Immortal et Blasphemy. Disastrous Murmur, groupe autrichien formé à la fin des années 1980 nous a déjà dégueulé quelques démos avant ce premier album qui fait dans le death cracra, nous balance une pochette train fantôme et sait même ponctuer cet album de bouts de synthés type « Elvira sort de la douche, wouh ouh !". Ce plastoc revendiqué propre aux fêtes foraines, au death metal et aux illustrateur dits « naïfs » lié à l'attrait pour le dégueu, très "pulp", va faire que ce disque semble-t-il un poil oublié ait bien vieilli, tel un vieux numéro de "Weird Tales" ou un film à base de zombies, de vampires et de bikers sataniques. C’est dingue comme il faut parfois bien manier le kitsch et le mauvais goût pour devenir immortel : ici ça marche, musicalement ça reste souvent dans le mid-tempo comme certaines intros du vieux Napalm Death, avec des restes de punk hardcore / mincecore / grindcore rêches et puis ce death encore un peu thrash dans les riffs, assez imperméable à d’autres influences que celles des premiers Obituary ou Cannibal Corpse transatlantiques ou de leurs compatriotes Pungent Stench… et encore une fois ce son tellement grave et étouffé, cette absence de finesse, cette quasi absence de solos, cette bourrinade dansante mi-lente ponctuée de quelques blasts régurgitatifs vous pinceront le cœur si vous êtes du genre à vous écouter « Siege of Power » en boucle dans votre Austin Mini, sur le chemin pour aller à brasserie vous acheter votre bière et votre pizza, et bien sûr si vous êtes amateur de metal gore, des origines à nos jours. Régressif, moche et sympa à la fois, voilà comment on pourrait qualifier ce premier jet d’un groupe qui, sur la foi des diverses chroniques traitant de la suite de leur carrière ne saura pas donner de rejetons aussi cools, fiévreux, caverneux, brutaux et efficaces. Note : 5/6 Page 15/100 FORGOTTEN TOMB : Hurt Yourself and the Ones You Love Chronique réalisée par Rastignac Rastignac en bout de peloton, chapitre XV. Bon, oui, y a des groupes décrits sur guts dont la carrière s’est enjolivée et dont les dernières offres enchainent voire additionnent les boules jaunes manquantes à la couronne, et pi y a les autres… Forgotten Tomb par exemple. On pourrait au niveau boulomètrique comparer l’histoire de ce groupe aux cycles capitalistes, ça part, ça produit, ça surproduit, et puis c’est la crise, et des fois on n’en sort pas vraiment de la crise - tiens d’ailleurs, je crois que j’ai vécu toute ma vie dans la « crise », étonnant non ? Bref, voici le dernier Forgotten Tomb, projet italien à la base écorché vraiment vif qui va à partir de la fin des années 2000 vouloir remettre de la flamme dans sa vie de suicidaire, et c’est peut-être là que ça coince… chanter la mort et la destruction de soi et des autres en roulant des mécaniques avec une production aussi ronde et épaisse, impersonnelle et rentre-dedans, balancer la haine du monde sur des morceaux presque radio, entêtants, faciles, « popiser » son metal, ça le fait pas. Là, par exemple, ça le fait encore pas, même si la pochette est dégueue, même si le logo fait black metal et tout, parce que les morceaux semblent pondus directement depuis des schémas de montage universels, y a qu’à voir la tronche des gars dans le livret, comme l’impression de lire la brochure de présentation de l’école de musique du coin avec le prof de basse, le prof de guitare et le prof de batterie, y a bien juste le Morbid pour nous rappeler qu’il a quand même pas trop la forme. Un peu pâle. Faut mettre des gouttes dans les yeux. Sinon, cet album est bien trop lisse, bourrin pour une estampille "Forgotten Tomb", et même parfois casse-bo100on, chapeau là-dessus pour « King of the Undesirables » dont le refrain me donne envie d’envoyer l’ibiscus par la fenêtre, les intros convenues, à la Celtic Frost sur "Bad Dreams Come True", puis à la gros rock US sur la piste éponyme suivante avec les petits arpèges en clair, les riffs pas du tout méchants, la voix graveleuse très mise en avant, ce qui peut passer si derrière on a le pandémonium mais là non, et surtout mention générale pas glop pour cet effet cadeau de Noël raté : j’avais commandé un rasoir pour me trancher les veines, et je me retrouve avec un T-Shirt Adidas noir… c’est bien résumé par le collègue outre-atlantique d’Heathen Harvest qui définit cette musique de « tough guy DSBM »… ahah ! Hem… voilà, malgré cette illustration et ce titre un peu snuff, un peu SM de l’extrême, eh bien je ne peux donc que recommander ce disque aux amateurs de metal « généraliste » dans le sens où le plus petit dénominateur commun rode dans les coupures des veines… et c'est bien dommage, car il faudra attendre le tout dernier morceau instrumental pour ressentir *enfin* un semblant de gêne et de mélancolie faite musique, et on se plait à rêver de transposer cette mélodie dans au moins un autre morceau. Mais non, pas possible, tant pis. Et pour en rajouter une couche dans l'ennui et le stress dû à l'écoute, je vous préviens qu'il y a même des sirènes de police américaine, je vous laisse trouver la piste ! Raah, sans déconner ! Pfff… Note : 2/6 Page 16/100 The Roswell Incident : Adrift Chronique réalisée par Phaedream “Adrift” pour à dérive. À la dérive comme la musique de ce dernier album des frères Koen et Jan Buytaert qui est rempli de ces parfums ambiosphériques des années d'éther de la Berlin School rétro. Sous les étoiles, parce que la musique de “Adrift” fut joué au festivals Cosmic Nights 2015 et E-Live 2014, ou dans notre salon les yeux fixés là où nos oreilles nous amènent, ce 4ième opus de The Roswell Incident suit les préceptes d'Escape avec de longues introductions très atmosphériques qui servent de rempart, sauf peut-être pour "In Search of the Ancient Dominion", à des délicats mouvements de rythmes minimalistes toujours tiraillés par d'opaques mouvements de turbulences cosmiques. Des vents creux ornés de prismes chantants ouvrent la longue phase ambiosphérique de "Out of the System". Le dialecte des machines étend des pépiements qui pétillent dans de lents mouvements orchestraux imaginés par de faux violons qui murmurent comme ces paroles de réconfort perdus dans l'oubli. C'est un peu comme dériver dans un cosmos rempli de sonorités très floues de carillons qui scintillent sous les caresses de vents chauds. Les murmures orchestraux caressent tendrement des sourdes impulsions qui se meuvent comme des vagues sous mille pieds dans les profondeurs océaniques. Ces vagues deviennent les comparses de notre solitude alors que tranquillement "Out of the System" déploie son armure arythmique où une sournoise structure de rythme émerge d'entre les clameurs d'une foule invisible à l'orée des 10 minutes. Des nappes de synthé flûtées harmonisent leurs chants catatoniques à des pulsations séquencées, tissant une marche minimaliste qui sautille comme un unijambiste errant. La marche accélère graduellement le pas à travers moult graffitis soniques qui s'entortillent dans le néant des vents creux. Nous sommes en plein cœur du Berlin School rétro. Tant que cette approche me fait énormément pensé à du Robert Schroeder de l'époque Paradise, surtout avec ces murmures qui s'ajoutent quelque 3 minutes plus loin. Ce mouvement frappe un nœud vers la 15ième minute, restructurant ce rythme, toujours très relaxant, en une phase plus fluide où des séquences, certaines avec des tons de voix, sautillent et scintillent dans les douces oscillations d'une ligne de basse rampante. Un nuage de prisme enserre ce mouvement dont la vélocité croisse sans cesse où d'autres ions séquencés ajoutent un poids de romance tandis que "Out of the System" atteint sa 4ième phase avec des séquences qui tourbillonnent sous de très bons solos de synthé. C'est ce que j'appelle un très bon Berlin School. "Reaching the Speed of Light" est nettement plus ambiant avec une lourde introduction chargée de vents cosmiques et d'ondes sibyllines . Il faut attendre à la 12ième minute pour entendre une structure de rythme murmurée à nos oreilles. Encore là c'est très ambiant avec de faibles pulsations. Les battements qui résonnent figent une écho où des arpèges y dansent timidement. Les larmes de synthé qui flottent conduisent cette valse improbable vers une phase plus animée, on vient de franchir la barre des 18 minutes, où le rythme trottine avec grâce sous un ciel sonique illuminé d'effets électroniques. "In Search of the Ancient Dominion" se déafit de ces introductions ambiantes pour coucher un rythme qui se débarrasse des vents, des woosh, des wiish et des larves de synthé qui forcent une étrange harmonie dès la 3ième minute. Le mouvement est fluide et croise deux lignes de rythmes; une ambiante avec des séquences qui sautillent dans leurs ombres et une autre, plus discrète, avec des ions pulsatoires qui sautillent avec une envie d'exploser. Les synthés tissent un langage Page 17/100 psychédélique avec des ombres perçantes et difformes qui flottent avec ces vents de la discorde. Sauf que l'explosion annoncée ne se produira pas. La structure de rythme, mise à part la ligne pulsatrice, est emmitouflée dans un décor sonique ambiosphérique qui propose un duel entre rythme et ambiances tout à fait inégal. Et ça sera l'esprit de Klaus Schulze, pour ces structures alambiquées où tout se structurent dans une fascinante symbiose emblématique des années Picture Music, qui dominera "In Search of the Ancient Dominion", concluant ainsi un album qui est dans la continuité des œuvres de The Roswell Incident. Oui nous étions à la dérive! Et cet album est pour les fans purs et durs de vieux modèle de la Berlin School cosmique. Note : 4/6 Page 18/100 TM Solver : Maroc Chronique réalisée par Phaedream Des chants des sables et des brises nomades, l'approche très lyrique de "Part I" ne fait aucun doute quand aux influences de ce dernier album de TM Solver. Du nord au sud du Maroc, et en suivant les paysages sculptés dans l'azur des cimes des montagnes Atlas, “Maroc” est une série de clichés soniques qui s'imbriquent l'un à l'autre dans une longue mosaïque de sons et de tons de 72 minutes et qui s'inspirent des plus beaux moments d'un voyage de Thomas Meier au pays de Casablanca. Offert en format téléchargement, “Maroc” est serti d'une belle pochette qui est très représentative des ambiances panoramiques de cet album qui respecte en tout point ces rythmes minimalistes finement saccadés, comme des filaments stroboscopiques ambiants, de l'univers TM Solver. Si ce "Part I" est tissé dans l'onirisme ambiant, "Part II" nous amène vers un niveau de rythme tout autant poétique avec une série d'ions séquencés dont les enchainements de sauts tissent une structure circulaire qui est nuancée par une approches ascensionnelle. Nous sommes dans les terres du New Berlin School! La table est mise pour une longue structure minimaliste où s'ajouteront une pléiade d'éléments, tant rythmiques qu'harmoniques, et surtout où Thomas Meier excelle dans l'art d'approfondir ses textures avec des décorations tonales qui sont aussi enchanteresses qu'inattendues. Des strates de violons mélancoliques, des nuages de voix éthérées, des graffitis soniques tant cosmiques qu'ambiosphériques, des cliquetis de percussions et des filaments de séquences qui se disloquent en une longue parade giratoire, "Part II" prend sa lourdeur, et un peu plus de vigueur, dans une structure graduellement évolutive qui coule entre nos oreilles comme ce vieil ami sonique qui savait si bien magnétiser nos sens dans les belles années d'or de la New Berlin School. Un très bon morceau avec un rythme minimaliste très hypnotisant alors que "Part III" offre une structure plutôt vaporeuse avec des boucles ambiosphériques rotatoires qui flottent dans des brises de synthé, certaines nuancées par des voix célestes, aux formes et aux harmonies évasives. Ces ambiances flottent jusqu'aux portes de "Part IV" qui fait très Broekhuis, Keller & Schonwalder, et parfois Schulze très contemporain, avec un rythme délicatement tribal qui accueille une nuée de brises et d'ondes de synthé remplis de solos autant rêveurs que mélodieux. "Grand Taxi" se démarque tout de go avec un rythme plus vif et entraînant. Les basses pulsations, de même que les subtils tsitt-tsitt, dégagent une ambiance d'un genre de musique de dance morphique, du Groove cosmique, où la tête et les doigts bougent plus que les jambes et les hanches avec de beaux effets électroniques, on dirait ces cacassements futuristes de l'univers Schroeder, et de fragiles arpèges de verre qui pétillent dans les sillages de longs solos torsadés. "Café de Paris" épouse un peu la même structure que "Part IV" mais avec un rythme légèrement plus sautillant. Les séquences sautillent et enfouissent les battements tribaux dans leurs rondeurs sombres alors que des accords aux tonalités de verre tintent dans une ambiance nettement plus chargée où les lignes de synthé et les solos torsadés regorgent de couleurs contrastantes; ambrées et azurées. Encore une fois, TM Solver séduit. Même avec une approche délicieusement tribale qui me rappelle énormément la série Repelen de Broekhuis, Keller & Schonwalder, “Maroc” confine Thomas Meier dans sa zone de confort. Là où il est difficilement délogeable et offre toujours cette musique qui nous accompagne comme la Page 19/100 main d'une amie alors que l'on marche l'esprit errant. Note : 4/6 Page 20/100 TM Solver : Svalbard Chronique réalisée par Phaedream Un peu comme l'année dernière avec le duo d'albums Polymorph et Namaste, TM Solver revient titiller les oreilles de ses fans avec un album de pur New Berlin School et un autre de musique d'ambiances. Inspiré par les paysages nordiques et glaciaux de l'île de Spitsbergen “Svalbard” est un album de musique de méditation, de contemplativité que Thomas Meier a composé lors de son voyage dans l'archipel de Svalbard en Norvège en 1993. Cette musique n'avait jamais trouvée écho sur un enregistrement avant ce jour. Enregistré et remasterisé en 2015, le label Syngate l'offre en format téléchargement sous sa bannière Luna. Une enseigne dédiée un peu plus à la musique d'atmosphères que de rythmes, quoique les deux formes peuvent coexister. Un peu comme avec ce “Svalbard”. C'est avec des pulsations qui battent sournoisement que "78°N19°E" se développe entre nos oreilles. Le rythme est mou et bat lascivement, comme un genre de Funky-Groove lent, sensuel et cosmique. Les pulsations basses montent et descendent dans un pattern ambiant où clignotent des élytres de métal, scintillent des astres reposantes et fredonnent des chœurs astraux. Le mouvement est lent et plutôt poétique avec ces tonalités cristallines qui pétillent ici et là. Déchiré entre son enveloppe d'ambiances plus cosmiques qu'arctiques, quoique les deux pôles soient très rapprochés, "78°N19°E" déploie des éléments de rythme ambiant qui crépitent et sautillent nerveusement, comme des pas perdus sur une peau de tambour tendue, dans les courbes réverbératantes des pulsations basses et de ces lignes de synthé bourrées de voix et de brume astrales. Nos pensées dérivent vers le très ambiant "Snowfall" et ses brises pleines de prisme qui sifflent dans les réflexions glacées des lignes de synthé nourries de couleurs arctiques. Ces lignes débarquent dans les territoires ambiants, et moins menaçant, de "Arctic Dream", un long titre aux atmosphères très méditatives qui peu à peu dévoile une structure de rythme. Une structure toujours très lunaire avec des battements mous qui sculpte une marche dans un épais manteau de neige où les pas incertains accompagnent d'autres plus assurés. Les ambiances sont toujours signées par des lignes de synthé remplies d'harmonies pleureuses et de couleurs écarlates, défiant même parfois la nature de cet album qui s'inspire des froideurs Norvégiennes. "Northern Lights" nous amène un peu dans les territoires du psybient avec une structure de rythme lent où crépitent toujours ces miettes de rythme broyées sur une peau bandée dans les entre-lignes d'un synthé nimbé de brises vocales et de brume glaciale. La ligne de basse nourrie de plus en plus une approche de down-tempo morphique où scintillent et pétillent une nuées d'accords aux couleurs du prisme arctique. "Polar Night" est aussi ambiant que "Snowfall" et se nourrit des mêmes éléments glaciaux alors que la pièce-titre est une longue muraille d'ambiances très méditatives. Sans doute le titre le plus animé de “Svalbard”, "The Little Auk" dessine à merveille la marche très désordonné de ce drôle de mergule nain. Sauf qu'il n'est pas seul et les lignes, tout autant décousues, de rythmes tissent un noyau giratoire où les séquences prédominent sur les chants très discrets des synthés. Le tout se dirige vers "Olav v Land" qui conclut cet album d'atmosphères groenlandaises avec un mélange de rythme et de non-rythme où séquences et percussions peinent à dominer des lignes de synthé qui s'empilent en muraille d'ambiances toujours assez contrastantes avec les froideurs imaginées de cet archipel perdu dans les glaciers Page 21/100 des océans Atlantique et Pacifique. Note : 3/6 Page 22/100 Green Isac : Green Isac Orchestra Chronique réalisée par Phaedream Au rayon des albums qui semblent totalement dénués d'intérêt et qui s'avèrent être de véritables surprises, ce “Green Isac Orchestra” du duo Norvégien Green Isac doit certainement figurer en tête de liste. Flanqué de 3 musiciens invités; Jo Wang aux claviers, Frode Larsen aux percussions et Tov Ramstad au violoncelle, au ukulele, à la scie et à la basse, Morten Lund and Andreas Eriksen donnent ainsi plus de profondeur, plus de richesse et ainsi plus d'horizons sans frontières à une approche clanique toujours imbibée par la poésie Scandinave des influences d'Erik Wollo. D'ailleurs il y a un savoureux mélange entre les influences de Robert Fripp, Markus Reuter et Erik Wollo sur “Green Isac Orchestra” dont les principaux attraits restent néanmoins un solide jeu des percussions manuelles et ces éléments soniques disparates qui délient des ambiances toujours aux portes de l'inattendu. La séduction débute avec ces vaguelettes d'accords qui ruissèlent en suspension et qui sont figées dans une approche très Jerome Froese, The Speed of Snow, de "Emmesity". L'Électronica éthéré, nourrie d'éléments soniques transitoires genre très psychédélique (on dirait un cheval et ses sabots qui hésite à marcher), se transforme en un rythme tribal légèrement entraînant où les percussions claniques d'Andreas Eriksen tambourinent un rythme sec mais doux, et surtout très envoûtant. Les effets électroniques et la guitare, toujours très secrète et intuitive, et ses riffs en boucles assument la portion harmonie alors que Tov Ramstad ajoute une profondeur mélancolique avec les larmes de son violoncelle. Le duel piano et guitare électriques entre Jo Wang et Morten Lund enracine cette perception qu'Erik Wollo appose sa griffe inspirante sur la musique de Green Isac et les clochettes, dont les tintements résonnent entre deux phases de rythmes et d'harmonies, stigmatisent ces doux parfums néo folk ambiant de Sensitive Chaos. La basse fait très Patrick O'Hearn! Vivant et très harmonique, "Emmesity" met la table à un très bon 40 minutes de musique qui n'a toujours pas de frontières. Avec des brises sombres, des accords d'une guitare qui élastifie sa tristesse dans ses effets de réverbérations de même que ses larmes, l'introduction ambiante de "Thón" nous amène à un niveau sonique très diversifié où tout ce qui traînait dans les granges pouvait servir d'instruments de musique. Le rythme est délicat et les approches très vampiriques de la guitare, de même que ses effets de réverbérations ambiantes, font de ce titre un genre de blues morphique imprégné des errances de Robert Fripp. Les percussions nerveuses qui ouvrent "Algebra" sont arrêtées sec par un piano délicat qui cimentera sa mélodie minimaliste dans tous ses changements de directions rythmiques. De blues tribal qui se fond dans une lascive danse éthérée, le piano forge son ver-d'oreille qui fait oublier le travail titanesque des percussions sur ce titre qui accroche autant que "Emmesity". "Dr. One" n'est pas en reste. Son introduction ambiante est forgée dans le mysticisme des nuits d'Afrique du Nord avec des tonalités crotales et organiques qui semblent errer sous une lune froide. Peu à peu ces ambiances se libèrent du carcan de la nébulosité afin d'offrir un autre bon down-tempo clanique avec le violoncelle, la guitare, la scie et les effets électroniques, qui sculptent de longs lassos soniques gutturaux, dont le maillage offre une belle enveloppe d'ambiances et d'harmonies à des percussions qui se font de plus en plus incisives. "Hapi" propose une approche plus ambiante avec ses riffs de guitare qui roulent en boucles minimalistes tout au long de ses 386 secondes. Les larmes de guitare, de violoncelle et de scie tissent un créatif nuage de mélancolie, alors que les percussions qui tombent à l'orée des 5 minutes forcent un rythme lent qui est bien appuyé par une basse ronflante. Ça reste toujours ambiant alors Page 23/100 que "Madar" plonge dans une approche tribale du Moyen Orient avec de bonnes percussions, un clavier qui stigmatise sa mélodie minimaliste entre nos deux hémisphères ainsi qu'un ingénieux duel entre la guitare et ses effets qui luttent avec un violoncelle très aigu. "57 Varieties" conclut ce 6ième album de Green Isac avec une guitare et un violon qui offrent un duel harmonique tissé dans des accords et des riffs saccadés. Les percussions, de même que ses trésors cachés, et la basse structurent un rythme soutenu alors que des effets de guitares et les escapades du violon transforment l'approche de staccato en une forme plus mélodieuse. Même si nous sommes toujours très loin de la Berlin School, la musique de “Green Isac Orchestra” reste très rafraîchissante. Les effets électroniques sont très nuancées par une guitare et cette scie dont les effets et les harmonies plaintives se confondent aisément à de tortueuses couches de synthé ou encore à des solos qui se perdent dans la nuit. Tout est histoire de perception ici! Ceux qui aiment le néo folk et le tribal ambiant vont dévorer cet album des oreilles. Un délicieux album que je situerais entre Sensitive Chaos et Erik Wollo; deux artistes qui possèdent ce don de sortir des mélodies mangeuses de tympans à travers un beau décor sonique crée dans une imagination sans limites, ni frontières. Note : 5/6 Page 24/100 Compilation Ultimae Records : Digiseeds compiled by Ambientium Chronique réalisée par Phaedream Une pluie qui crépitent et des battements qui perdent leurs appétits dans les voiles des résonnances de carillons, "The Circardian Clock" nous plonge dans l'univers d'ambiances très électrostatiques de “Digiseeds”. Des accords d'un genre d'une six-cordes forgée dans la glace ruminent comme nos pensées derrière le carreau d'une fenêtre bariolée des coulisses de la dernière pluie. Ces carillons et cette guitare fantomatique tissent un panorama mélancolique qui servira de base à cette dernière compilation du label Ultimae Records qui cette fois est imaginée par le musicien expérimental Tchèque, Lubos Cvrk. Ou si vous préférez Ambientium. Très ambiosphérique et sculptée dans les inimaginables corridors de la musique d'ambiances psychédéliques, “Digiseeds” respecte ce pattern de MÉ minimaliste et très linéaire qui se pare d'éléments sonores tous très disparates. L'album suit cette courbe d'ambiances et d'émotions si caractéristique au label Lyonnais. Masterisé par Vincent Villuis, rien n'est laissé au hasard et la musique est aussi intuitive que l'imagination des oreilles qui l'acceptent. Tissé en une longue fresque sonique de 66 minutes, les 12 titres de “Digiseeds” s'enchainent en un long voyage sonique où l'esthétisme sonore est à portée d'oreilles. "Morning Lit Rooms" accueille ces arpèges saisies par la froideur. Leur air absent tinte et se perd peu à peu dans une tranquille horde de billes dont les cliquetis scintillent au travers un dense manteau d'ambiances où les fredonnements se transforment en soupirs de désespoir. Les ambiances atteignent un niveau d'intensité plus élevé avec "Vertigo". Une sinistre enveloppe de basse dépeint un monde sordide et une structure de rythme ambiant serpente un néant illuminé de mille feux soniques avec le squelette d'une couleuvre qui dévoile ses ions zigzaguant. Comme pour fuir une battue. Des voix ricaneuses percent ce brouillard de sons, alors que des particules de tonalités sont émiettés pour se faire avaler par des gigantesques cerceaux. Une autre figure de rythme ruisselle au travers ces spirographes qui tourbillonnent derrière des yeux camés, amassant des clapotis qui ondulent vivement en suspension. Très riche dans son décor de sons, "Vertigo" tranquillise sa passion derrière le lent rythme pulsatoire de "Heartbeat" et dont les battements, parfois insoumis, sculptent un lent tempo qui trouve sa source dans un hallucinant décor phonique. Si le cœur a un crescendo, c'est ici qu'il se situe car “Digiseeds” amasse sa tonne métrique de bruits numériques hétéroclites pour en faire de bons passages d'harmonies rythmées. De luxuriantes nappes de synthé enveloppent cette faune difficilement descriptible où la couleur des sons n'a d'égal que la richesse de notre imagination. C'est aussi lunaire que psychédélique et j'aime ce crescendo d'ambiances qui se déverse dans "Seven Years of Summer" où la Dub Music, nourrie de bruits parasitaires et de crotales, déjoue une structure de rythme moulée avec des ondes d'ombres et des lignes d'ambiances qui roucoulent au-dessus d'un tapage sonique jusque là inégalé dans “Digiseeds”. Et croyez-moi; ces bourdons envahissants, ces particules de sons, de bruits et de rythmes concassés règnent en maître absolu ici. Indécise, la structure de rythme va et vient. Se crashant sur des récifs de bruits, elle repart de plus belle dans une symbiose de bruits soniques où les ambiances peuvent atteindre des dimensions harmoniques insoupçonnées. "Melting" est le coup de pieu dans notre quête d'émotions. Un air sculpté sur les accords d'un clavier maléfique étend pourtant une splendide mélodie qui se compare à une ballade pour ceux qui affectionnent les nuits tourmentées d'Halloween. Malgré ce lien, trop étroit pour l'ignorer, les harmonies qui y dansent sont tellement Page 25/100 fragiles sous les griffes de riffs geignards et ces cliquetis de billes diaboliques qui creusent son lit rythmique. Certes il y a des pulsations. Elles sont délicates et agrémentent un rythme d'une Électronica que Jerome Froese aurait bien pu écrire par un soir de mouron où il pense aux glorieuses années avec son père. Un très beau titre mes amis! "Outside" nous replonge dans ce genre de Dub noirci par une nuée d'ondes et de bruits parasitaires, certains sont même assez robotiques. On dirait un gros ours sonique en déshibernation. "Gia" est très conforme à ce que Martin NonStatic offrait dans son Granite. Après un début cahoteux, la structure de rythme bondit de plus en plus pour devenir littéralement entraînante. Les percussions, fragilisées dans une enveloppe de cliquetis métallique, sont très efficaces. De même que cette étrange ambiance des cavernes qui ornaient les perles de sons de Granite. "Human Disease" est un titre lourd d'ambiances métaphysiques qui frappe comme une masse d'air sonique surchargée de résidus de plomb. La ligne de basse est lourde. Elle palpite et martèle comme un cœur à l'agonie. Et cette délicate ligne stroboscopique qui déraille dans ce décor lourd dessine une arabesque mélodieuse qui se gave de ces voix abscondes qui errent dans une lourdeur ambiosphérique étouffante. "Lucid Dreams" offre une structure de rythme un peu plus convaincante avec un maillage de pulsations et de percussions aux tonalités basses qui palpitent dans un décor plus ou moins lunaire mais toujours très électrostatique. Et "Slowly Awake" se chamaille entre le rythme et l'aphasie des sens avec une faune sonore où rampent des billes émiettées, tintent des carillons sans vies, flânent des voix sans teintes et errent des bribes de mélodies égarées par un clavier pas très convaincant. Et le tout se fond dans un mix de "The Circardian Clock" qui se veut ici plus paresseux et qui conclut ce premier chapitre de rêveries électroniques de “Digiseeds”; une autre belle incursion dans l'univers d'une Électronica maquillée des saveurs de psybient unique au label Lyonnais. Note : 4/6 Page 26/100 Arctic Flowers : Weaver Chronique réalisée par Twilight ‘Pas de paix pour les agneaux sans laine, pas d’espoir, seulement les rêves du loup’…Les dernières lignes de ‘Magdalene’ résonnent de manière prophétique et résument le contenu de cet album…Sombre et empli de colère…Donc, ça mélange l’esprit punk avec quelque chose évoquant les premières formations goth britannique. ‘Magdalene’ justement, l’un des grand morceaux du groupe, son intro avec riffs flamboyants pourrait avoir été écrit par Skeletal Family, à ceci près qu’il dégage un feeling plus cru; ce fameux grand écart entre punk et goth et la suite ne fera que confirmer. Les Fleurs Arctiques ont la gnaque et s’y entendent pour pondre des brûlots tranchants. Batterie lâchée comme une bête fauve, grosse basse en renfort, guitares crues et incisives, la guerre semble déclarée avec pour premier pic le puissant ‘Amnesis’ (punk pur jus) mais une pause méditative permet de digérer grâce à l’instrumental ambient ‘Cold air…Dead hand’ avant que le combo ne reparte de plus belle dans une veine plus ouvertement goth, certaines compositions se révélant moins directes, plus travaillées (‘Weaver’); ce qui n’empêche pas le rageur ‘Dirges well’ de renouer avec l’énergie punk primale. Pas de tricherie chez Arctic Flowers, on joue carte sur table, ce qui compte, c’est la sincérité et cela s’entend. Alex n’est peut-être pas la meilleure des chanteuses du style mais niveau conviction, elle assure, l’émotion qu’elle dégage est contagieuse. Pas de rallonge, chaque chanson est là pour délivrer son message textuel et musical et c’est tout. Neuf titres, vingt-cinq minutes, et la messe est dite, sans temps mort, avec un vrai sens d’urgence. Pour les nostalgiques du post punk goth 80’s mais version dopée aux amphétamines; tout ce que j’adore. Note : 5/6 Page 27/100 Brame : Basses Terres Chronique réalisée par Raven À chaque fois que j'écoute un album, je visualise d'abord un endroit bien précis dans lequel je suis allé. Jamais un lieu que j'invente à partir d'autre lieux, jamais celui d'un film. Un lieu que je revois, limpide. Sans pouvoir lutter contre l'apparition subite de ce cadre mental, sans pouvoir dé-lier le disque de ce lieu qu'une partie molle de mon bulbe à décrété greffée à jamais à une musique. C'est d'une toute autre profondeur subjective que les décors dressés dans les chroniques, qui ne valent souvent que pour mieux allécher le lecteur. Ce n'est pas une métaphore : c'est une association son-lieu dont le ressort m'échappe. Le décor qui me vient à l'écoute d'un disque est tout bêtement celui d'un endroit banal le plus souvent, et presque aussi souvent sans lien direct avec l'ambiance de la musique, du moins en apparence. Ce peut être une portion de route traversée pour aller au boulot, la pièce à vivre d'une connaissance, l'école primaire, un centre commercial... Un endroit dans lequel je suis passé récemment ou il y a longtemps ; une fois ou mille. Presque à chaque découverte musicale un lieu différent (seuls quelques rares albums ont en commun le même). Et quand je ressors tel album, des mois ou même des années après, je reviens dans tel lieu, le même lieu que la toute première fois - impossible de m'en extraire, ils sont siamoisés. Est-ce que parfois je ne parle pas d'un disque dans le but de sortir de son lieu ? Et cela afin d'accéder à un lieu que je partagerais avec d'autres auditeurs pour m'extraire de ce lieu-prison... ? Et puis merde à la fin : tout ça c'est très pénible à cerner, et probablement d'une banalité à pleurer qu'est-ce que j'en sais, c'est peut-être le lot de tout mélomane - synesthésie, je crois - et je ne devrais pas en parler. Seulement Brame, groupe dont je n'attendais rien qu'une écoute-labeur, m'y a fait penser pour la première fois à ce point en 2013, et j'ai tu la vision, pour en fabriquer une moins intime. Car avec La Nuit, Les Charrues, ce fût la première fois que je m'imaginais chez mes arrière-grands-parents à l'écoute d'un disque. J'ai donc menti en disant que je ne pensais pas à l'agriculture. Car c'était bien le cas : du plus profond du bulbe je ne voyais que cette ferme. Je les ai peu connus ces vieux machins, mais Brame me renvoie à leur propriété plate et moche, et ce dès ce premier morceau avec son grincement blues obsédant qui creuse une tranchée vilaine. Des cul-terreux comme pléthore, adolescents quand les bourrins n'étaient par encore des Deutz. J'ai senti l'odeur plumaillasse du poulailler, ouï le cri abominable du porc qu'on mène à l'égorgeoir, été pincé au mollet par le jar patibulaire. J'étais mal à l'aise là-bas, et en même temps je ne voulais pas en partir. Comme si je traversais une carte du passé au présent... Et Brame sort un troisième album, peut-être son plus sinistre, qui me place cette fois hors de la demeure. Je suis dans la cour. Il fait nuit. Le poêle est froid à l'intérieur, je crois. Le billot a fini de boire le sang des bêtes. Les aïeux ne sont plus là ; la momie chétive de Louis-Ferdinand qui pissait sur le pas de porte ; ce petit corps foutu prostré de vieille à qui on avait abandonné les jouets les plus basiques des enfants pour occuper ses mains tremblantes : disparus. Les animaux aussi. Des ombres furtives, mais pas sûr. Du bruit dehors. Entre les arbres. Un sale bruit. Qui agonise dans le brouillard sec ? Est-ce un maquisard énucléé à la petite cuillère ? Le simplet des voisins qui vitupère après avoir asséché sa dernière bouteille de goutte ? L'horloge est un pouls, plus que jamais. Sur ce mécanisme de pendule la guitare geint, se tortille. Il n'y a pas grand chose dans Brame : le rythme ouvrier résigné, les ronces aux cordes, la voix flanquée là-dedans comme une écharde coriace, une écharde vivante. Cela suffit. L'ampli crache presque non-stop sa limaille. Et cela suffit. Qui espère reste loin d'ici. Ce n'est pas grand chose... on sent qu'il manque quelque chose... mais on serait en peine de dire quoi. Brame joue avec peu d'outils mais en purge une matière brute. Les passages Page 28/100 southern sont presque disparu, le seul moment qui évoque les terres de l'Ouest serait à la rigueur la troisième piste... cette Amérique a la couleur de l'établi ; c'est la France, la terre des brameurs éternels. C'est un groove d'agonie qui vous dresse un Malevil de poche avec la manière sans manières des vrais artisans. L'indus de Brame - ou son rock - ou son blues - tire un maximum parti des moyens limités, comme on fabrique les douk-douk. Le strict minimum, pour le maximum. De sécheresse, d'austérité, de matière nue. Comme une astringence qui nous frustrerait presque d'y ajouter du sucre, sans que jamais on ne se persuade que ce ne serait autre chose que les dénaturer. Non, aucun sucre dans cette musique. Aucune eau. Aucun feu. Quelque chose d'archaïque, qui reste prostré ; une musique de taupe humaine en état permanent de naissance, accouchée par la terre, et réagissant, sans plus de théâtre qu'un nourrisson fraîchement chié au monde, à toute la violence des sensations du dehors, de cet air immense tout autour d'elle comme un néant froid qui n'a rien de commun avec le confort de son humus chaud. Un truc de misanthrope à peine conscient de ce qu'il est, du monde qui l'entoure, seulement conscient qu'il peut bramer, avec l'écho pour seule consolation. Pourquoi se compliquer la tâche à les décrire dans le fond tant leur nom reflète justement à la perfection ce qui les sort à chaque fois du silence : Brame. Brut de chez brut, outre-instinctif. Le râle du né à jamais. Famélique, aveugle, incoercible. Un boucan comme terreau à une douleur concise, précise. Et ce vent qui souffle jusque dans votre charpente à travers toutes vos briques de carne, sur le mornissime final... vous l'entendrez, comme je l'entends - et vous saisirez d'un casque pour ressentir à fleur de tempe toutes ces choses pointues qu'il charrie dans son sillage. Oui, cela laisse sur sa faim... sans qu'on ne veuille croquer le moindre quignon de plus. Basses Terres est un album sec, rêche, aussi peu amical qu'inviteur. Avec Brame dès la pochette en carton-bois, dès les intitulés laconiques, aucune place pour le racolage. Que vous l'écoutiez ou non, cette rouille de musique est taillée pour les hivers rudes. Et c'est ce lieu ancien dans ma tête, qui au fil des écoutes s'est dilaté pour ne se réduire à plus rien. Qu'un brame. Note : 5/6 Page 29/100 LONGING FOR DAWN : A Treacherous Ascension Chronique réalisée par Rastignac La musique plombante, des fois, ben il y a des nuages sur la pochette. Une fois n’est pas coutume, voici un groupe de musique plombante, avec un ciel crépusculaire, assez abstrait, une infographie pas du tout metal quand on lit le logo du titre du groupe et de l’album, comme l’impression de tenir une démo dans les mains. Mais en fait non. Sans vouloir trop répéter ce qu’a écrit Marco dans l’aut’chro, Longing Dawn est le groupe du patron du label Cyclic Law qui édite de la musique plus électronique, industrielle, ambient, dans tous les cas dans des registres flip, déprime, grisaille (In Slaughter Natives, Nordvagr, Kammarheit, Arcana, etc.). Avec Longing for Dawn il s'est entouré de musiciens de metal extrême de chez lui et il va jouer du funeral doom, donc c’est lent, répétitif, pathétique comme le veut la charte du genre signée en 666 avant le coucher du soleil. La particularité de leur musique sera l’utilisation massive de sons électroniques sous formes de grosses nappes vaporeuses, bleues, grises, qui enveloppent des riffs doomy assez déjà entendus chez les ténors du genre, donc pas de musique très complexe ici, c’est proche de l’ambient en fait mais avec des growls, de la guitare et de la batterie en plus… que dire de plus ? Que certains moments ressemblent un peu dans le ressenti au dernier Asunder, cf. ces quelques petites dissonances pas très glop, pas loin du canard en fait ? Une impression de longueur, et non de dérive, ce qui sépare pour moi ce qui se fait de bien et d’un peu moins bien dans le genre ? Dans tous les cas, vous écouterez ici de la musique très atmosphérique, mais j’aurais avancé une boule de plus si ce metal deux de tension dépressif avait été intégré avec un peu plus d’équilibre dans ces cascades continues de sons électroniques, si les guitares avaient été un poil plus originales et même plus justes parfois… un peu mitigé je suis donc à l’écoute de ce deuxième album, même si plusieurs moments arrivent à m’empoigner assez le bout du cœur pour hocher un peu de la tête. A noter pour les amateurs la présence assez discrète (mais bon, quand même) de Steeve Hurdle, feu le fabuleux guitariste et chanteur québécois ayant entre autres été au cœur de l'énorme "Obscura" de Gorguts. Note : 3/6 Page 30/100 OBITUARY : Inked in Blood Chronique réalisée par Rastignac Bon Dieu, que cette pochette est moche… « - On a retrouvé un corps chef, c’est abominable… - Ah ouais ? Des indices ? - Ben l’auteur a gravé le nom sur le torse, ça va pas être compliqué de les retrouver…» Ouais, c’est moche, mais vu le nom tracé à la craie sur le tableau, ça va, on est habitué. Obituary, spécialiste de la pochette deathmoche depuis le début du death. « Et d’dans, vous avez trouvé quoi Sergent ? - Ah, je m’attendais à un truc encore plus moche vues les dernières fournées du groupe, mais en fait c’est trop cool ce que j’ai chopé dedans. ». Et d’dans, qu’est-ce qu’il y a ? Du death metal très entrainant, très rock and roll puis hardcorisant, puis méchant-isant, puis pataud, et rapide, puis lent, et en même temps tellement épais tout le temps… pas beaucoup de solos de hard-rock ici, pas de congas ni de violons, juste des grosses terrines de riff. La voix du grand blond a un peu vieilli, moins de « profondeur », moins de « aaaaaauuuuuggggh » à la fin de chaque strophe, sa déglutition est sèche, enfumée, crade, au bord du poumon, très bien quoi, et finalement c’est ça qui change peut-être un peu, petit à petit, mais dans le bon sens. Enfin, quels seraient les critères terminaux quant à l’évaluation positive d’un disque comme celui-ci pondu par un groupe comme celui-là ? Ben il donne envie de picoler, de bouger la tête, de danser, de rouler à trop / heure et de faire le singe dans la piscine ! Tout est coché dans ma nomenclature personnelle, après un premier abord un peu dubitatif, je lui ai laissé sa chance à ce saligaud, mais maintenant il fait plus le malin, je lui ai inventé une nouvelle torture : se faire bouffer par le mange-disque une fois par jour. Note : 5/6 Page 31/100 Minuit Machine : Violent rains Chronique réalisée par Twilight Tic toc, tic toc, tic toc… Minuit l’heure du crime… Minuit Machine… La nuit féminine… La cérémonie du spleen… Froideur colérique ? Combativité romantique ? Tristesse synthétique ? Menace mélodique ? Un peut tout ça à la fois… ’Nous étions maudits avant d’être nés’ mais aussi ‘Lâchez les loups, il n’y a rien que nous ne puissions affronter, la bataille fait rage jusqu’au point du jour’… Typiquement le genre de projet que je regardais d’un œil méfiant et dont je suis devenu accro à la première écoute… New wave moderne aux claviers cliniques, mélancoliques, à la boîte rêche et sèche, dansante sans être superficielle, glacée sans perdre l’émotionnel… À l’image de ce chant féminin, jamais vraiment résigné, jamais totalement désenchanté, et pourtant… Le groupe n’en est pas à son galop d’essai mais si j’ai choisi de parler de ‘Violent rains’ en premier, c’est parce qu’il est le meilleur tout simplement. Légèrement moins lourd en apparence que ‘Live and destroy’, il n’en est que plus poignant. Il donne une meilleure part à la voix mixée plus en avant, ce qui est une excellente chose car ce chant est un élément essentiel de l’ambiance spéciale qui se dégage des compositions du duo. Une usine à tubes (‘June 7, ‘Battle’s on’, ‘Black is my anger’, ‘Honey’…) mais pour djs exigeants car il n’y a rien de facile dans cette musique, elle évoque bien trop de choses, pas toujours joyeuses d’ailleurs. On le sait, la minimal a la cote ces temps mais comme toujours, beaucoup d’appelés pour peu d'élus… Minuit Machine en font clairement partie, payant leur tribut aux 80’s sans excès de nostalgie non plus, corsant le tout d’une légère infusion indie made in 90’s, avec une production béton, des mélodies en acier trempés qui s’insinuent dans la tête et ne vous lâchent plus de la journée. Minuit l’heure du crime…Minuit Machine… Un monde sans rime… la créativité féminine… Une séduction veloutée et méphistophélique, une prose terrible et magnifique… Note : 5/6 Page 32/100 Nina Simone : Pastel Blues Chronique réalisée par Raven Victime choyée... sens-tu son âme ? Déclamer son amour pour Pastel Blues, sans garder comme horizon indépassable "Sinnerman", est en effet tâche impossible. Oui, celle-là surpasse en intensité toutes celles qui précèdent - et non, ce ne sera jamais une scie, malgré les récupérations, n'y pensez même pas une seconde. Ce n'est pas un hasard si elle est là où elle est dans ce disque. Tout autre emplacement aurait été assassin. Mais réduire Pastel Blues à "Sinnerman", comme s'il n'y avait que huit introductions fades en amont ? Non de feu, non de cendres, non de cigarette sur cigarette grillée à l'écoute d'un "Be my Husband" ou d'un "Strange Fruit". La première déjà : presque un a cappella pour commencer et onduler avec une aisance presque démoniaque. Pas besoin d'autre chose à l'apéro. Quatre claquements, et sa voix. Sa voix presque toute nue, rien qu'un chapelet percussif sur la peau. Elle a une de ses présences, la maman - c'est tellement vu et relu qu'on ne devrait pas se sentir obligé de le redire comme ça ; mais ça va mieux en le disant. Extrême douceur dans l'ombre, caresses mystiques jusqu'aux tréfonds du plus cosy des piano-bars... Tu vas commencer par ressentir pleinement le souffle de maman, mon garçon, et après on meublera autour de ce gros cœur gorgé de bon sang bien chaud quand il faudra, avec ce qu'il faudra, jamais trop. Reste sage. Reste sage mon petit chat, même si le "creux" de l'album, sept morceaux aussi succints qu'épaissis par cette vie déjà bien tannée, sonnera plus classique - plus casual, standard, ce que tu voudras - que la première et surtout la dernière. Car il y a aussi des interprétations de vieilles rengaines, du temps où on chantait "je suis bleu" pour dire qu'on était pas loin de toucher le rock bottom, mais pas n'importe lesquelles. Il y a le galbe, l'aura. Des chansons de déchéance ("Nobody Knows You"), des chansons pour le quidam errant pas loin de l'acédie, ou des chansons d'épiphanie. Hé, des chansons pas si tranquilles en fait, voire pas du tout. Un jeu d'ombres et de lumières avec des ombres très profondes, pas loin d'être étouffées dans le gras velours ("End of the line", où Nina est fantômatique, presque invisible, sa voix totalement fondue dans les ténèbres de la musique) et des lumières qu'on ne peut se résoudre à quitter. Même si un tiers d'entre elles me servirent souvent de fond musical avec ambiance tamisée (so casual), ce qui serait un argument pour lui donner une note moins puissante... Mais ce serait mentir à ces dizaines d'écoutes-cataplasmes, où l'expectative de cette conclusion certaine, cette suite tellement fluide, était à elle seule un sacré morceau de Nina... Est-ce que ce final éclipse ou justifie, bon sang ? Il est climax légitime que doit être tout final. Si les huit premiers morceaux ne sont qu'une attente, l'attente de cette incandescence sauvage, eh bien cette attente-là est un délice. On boit de peine, on fume de saudade, on reste pensif d'amour devant cette présence chaude. Blotti au creux de la poitrine à se laisser bercer de vérités, en attendant la communion finale ; ronronnant et tétant du petit lait avec les "daddy" sensuels. Les compagnons de Nina sont dociles - piano sans risque d'overdose, basse en homme de main taciturne, zéro cuivres à l'appel, un tout petit peu d'harmonica - parfois même si discrets qu'on hésite sur leur nature. Cet easy-listening n'est pas qu'un rimmel pour soutenir la voix, c'est le distichiasis sublime d'une Liz Taylor, le sceau moiré de ta Prêtresse. Reste dans ce troquet avec maman, lotti dans la pénombre d'une alcôve avec la scène bien en vue. Même en oubliant parfois, perdu dans tes songes, que la mystique est omniprésente, et que le "Strange Fruit" de Meeropol n'est que métaphore pour une victime sans nom (qui n'a jamais été troublé au plus profond de lui même à la découverte de ce poème, qui en ne disant presque rien en dit infiniment plus que tous les Mississippi Burning du monde réunis ?), qu'ici sa mollesse est une politesse morbide, une désolation sourde. Encore plus Page 33/100 dépouillée que la version la plus connue de Billie - juste le piano comme accompagnement, en phase terminale - cette chanson qui me survolait aux toutes premières écoutes est un grower taillé pour une vie. Son choix est, en creux, révélation de la colère et la violence qui lui viennent alors, dans un climat ambiant de révolte noire. Violence qu'elle ne veut pas insuffler vulgairement, facilement, dans sa musique - alors qu'elle a toutes les armes pour le faire : sa voix pourrait tout maudire, tout incendier... mais la douleur est contenue dans un petit cocon. Car elle réserve ses flammes pour le Beau... Nina, c'est cette femme qui te fait d'un bar une chapelle sans artifices. Spleen, good vibes enlacées. Jésus est accoudé à sa croix, admiratif ; les épines de la couronne ne sont plus que des zestes confits dans son old-fashioned. Les veuves deviennent amantes et les businessmen clochards. Puis nous y voilà. Elle brûle elle flambe. C'est foutu, l'émotion va te mettre en croix de lumière pendant dix minutes. Éruption gospel, quasi-vaudou. "Sinnerman" emporte tout dans son ivresse démente. On ne peut pas l'arrêter. "Power... Poweeer..." Elle tourbillonne, enfle, s'élève dans un même mouvement, puis semble se démanteler quelques instants, entravée, comme si elle hésitait devant l'ultime marche la plus haute (dans ce passage comme un avant-goût libre-jazz de versions en concert futures, où le morceau changera radicalement)... avant de se défaire de toutes ses chaînes pour se reconstituer en un seul feu éreintant tous instruments à l'unisson, qui laisse émerveillé. Nina et Hamilton se résignent à l'achever mais ils ont déjà franchi la limite, les dernières secondes sont comme qui dirait d'un superflu sublime. Tout juste l'occasion, avant la dernière secousse, de brûler en pensant au premier sillon de "Be my Husband" qui va enchaîner, tant l'envie de recommencer la soirée est difficile à contenir... Rien de plus attendu que que de dégainer Nina Simone, en effet. Mais comment se lasser d'une telle musique, la penser désuète ; comment ne pas se sentir au minimum intime avec ? Cette femme EST sa musique, et sa musique est Âme et même si ça sera toujours cliché de le dire... Eh bien ça fera un cliché de plus. Nina n'est qu'émotion brute, révélation profonde au son de cette lumière qui fend les ténèbres. C'est à mettre au présent, encore, et pour très longtemps : le Bleu n'est que ta couleur d'un jour, le Pastel est éternel. Rencontre éternelle avec cette voix, sa chaleur, baume autant que blessure. Ose dire qu'elle ne te fait rien - es-tu de pierre ? N'es-tu que de chair ? Qu'est-ce qui gronde de faim au plus profond de cette chair, si ce n'est ce qui lui survivra ? Alors nourris-la avant qu'il ne soit trop tard. Note : 6/6 Page 34/100 MOSS : Sinister History, Volume One: Chapter 1 Chronique réalisée par Rastignac Sur cette compilation de deux splits avec Nadja et Torture Wheel, datant de 2003-2004, Moss joue trois morceaux. Sur le premier morceau, Moss joue deux accords, très très saturés, ça grésille, ça pétille, c’est comme une dague ou une hache, et entre ce ré et ce do, Moss, enfin son chanteur, va s’égosiller de manière diverse et variée. Ah ah ! Vous en vouliez du monolithe, ben voilà. Le deuxième morceau arrivera doucement à trois accords, sur fond de bruit qui tourne, genre comme une espèce d’onde radio en boucle un peu comme chez Merzbow, mais en moins bruyant... Cet « Aldebaran » chevalier d’or du taureau occulte sera donc plus noise et je me pince pour me dire que je voulais écouter du doom, mais finalement c’est une bonne surprise, car ça passe bien mais jusqu’à une certaine limite n’est-ce pas car en déflorant une citation de Desproges je peux affirmer à l’écoute de cette compilation que définitivement « on peut écouter de tout, mais pas forcément avec tout le monde ». C’est pas de la musique facile ce qu’il y a sur ce disque... le son est très très saturé comme j’ai dit, plein de larsens, de parasites, la répétitivité on lui a construit un autel, une cathédrale, une basilique, voire même une crypte… sur la face B, pas de surprise, quatre accords mineurs qui font grésiller les enceintes, le son est toujours bien cracra, ça doit être leur marque de fabrique, et c’est parti pour un morceau d'une longueur standard pour le genre. Vous y retrouverez plus de batterie jouée comme un tambour de guerre, et ce "Beneathbelow" sera finalement un peu plus proche de ce qu’on a l’habitude d’écouter quand on se lève le matin, enfin le midi, et qu’on se dit « nique tout, je m’écoute du doom » (enfin, du Burning Witch), ça s’égosille, ça joue lentement, les volutes de soufre se développent dans le bunker abandonné derrière la déchetterie, comme de la fumée jaune qui arrive aux chevilles, j’imagine maintenant m’acheter une ampoule rouge, de la lumière noire, une machine pour faire de la vapeur, une robe longue à la halle aux vêtements (faut que je me grouille avant qu’ils ferment), une ceinture de Goldorak. C’est bien ça que j’apprécie au fond dans ce groupe, sur ce joli objet encore une fois bien réédité par Fuck Yoga, le label que vous aimerez : tout ce qu’il y a de tordu et kitsch, de cochon et de cendre, tout ce qu’il y a de violet et que vous appréciez dans le genre vous le retrouverez ici sous sauce extrême, que ce soit dans le traitement du son, le jusqu’au boutisme vraiment bourrin de ces anglais, l’obsession pour la mort et l’occulte avec bougie sur le crâne trouvé dans un cimetière abandonnée au bout de la route « du pendu » un soir de lune rousse. Pour résumer, cet album est bon, aussi évocateur que la tronche de Marcolin sur un album de Memento Mori, très « noise », et aussi attachant qu’un insecte à trop de pattes qu’on laisse un peu vivre parce qu’il mange les mouches, mais qu’on finit par écraser tellement il nous fait peur, parce qu’un truc comme ça, si vous l’écoutez en boucle ou pire, si vous êtes un peu fatigué vous donnera l’impression de purger des choses jusqu’au moment où il deviendra un peu trop envahissant. Magie Noire ! Sur la note j'hésite... 4 ou 5 ? Note : 4/6 Page 35/100 Elderblood : Son of the Morning Chronique réalisée par Rastignac Violons ! Trompettes ! Cors de chasse ! Hautbois ! Guitares Jackson ! Allez, c’est parti, à l’attaque mes gros chevelus. Elderblood, sous la foi de son nom ne se dit pas tombé de la dernière pluie donc il nous joue du black metal avec plein de trompettes ! De violons (synthétiques) ! Je souligne parce qu’évidemment si vous n’aimez pas les violons ni les trompettes, ça va pas le faire, car on a comme l’impression d’écouter un mix entre une BO de films de fantasy hollywoodien et du metal ukrainien. Vous regarderez le line-up, vous ne serez donc pas très surpris si vous broutez déjà du Nokturnal Mortum au goûter… donc les mêmes obsessions, la terre, le sang, le pays d’chez nous, le blé, la lune, les gonzesses qui dansent en rond autour de grosses flambées, les vieilles pierres, les gros coups de glaive dans la tronche des gars d’à côté, Jésus au placard, vive le royaume d'Asgard, hurrah au chaos, etc. Discours enrobé d’un maximum d’énergie, de violence, d’envie d’épopée, d’un peu plus ou de moins sous l’étoile du matin… donc cet album sera à double tranchant. Si vous avez envie de faire du cheval au galop ça va. Si vous avez envie de faire la sieste, non. Grandiloquent, survitaminé, ukrainien jusqu’au bout des corpsepaints jaune et bleu, ce groupe dont voici l’unique album saura ravir les gars qui se font des tresses dans la barbe, quant aux hypertendus comme moi, la réception sera peut-être douloureuse par moments car le propos est vraiment surexcité, pourra paraitre assez pompier… voilà, le contexte d’écoute et les paramétrages du corps seront déterminants, Son of the Morning restant un objet black metal dont le sens de l’épique, la facilité d’exécution et le professionnalisme ne peuvent en tout cas être remis en question. Note : 4/6 Page 36/100 The Sonics : Here are The Sonics!!! Chronique réalisée par Raven Dans toute la cohorte de chiards leucodermes de Chuck Berry et Little Richard qui se sont agités au cours des sixties, les Sonics se situent du côté velu du nuancier - et j'dis pas ça que pour l'angora du batteur sur cette photo n&b de la réédition avec leurs belles petites gueules patibulaires. Mais j'le dis quand même. Dans toute la cohorte de groupes garage - et y en avait un sacré paquet - les Sonics ne sont pas les plus renversants, mais leur charisme bad boy tiré à trois épingles et demi a un truc, un petit truc tenace. Les Sonics c'est un peu le rouleau de réglisse rabougri dans la grosse boîte Nuggets pleine de couleurs acidulées, que tu vas pas penser bouffer en premier mais qui va te laisser un goût assez persistant après tes chicots. Comme leur culte tardif, un culte de réglisse. Le petit album crade de '65 qui révèle ou rappelle ce qui a toujours lié le rock'n'roll fin 50's et la nouvelle vague de vilains en '76. D'façon entre ces deux époques y a eu plein de musique mégalomane par des hippies enterpreneuriaux, jusqu'à faire des morceaux de dix minutes. Dix minutes un morceau de rock ! Des nazis quoi, des fans de Wagner Van Beethoven... Tout ça c'est de la faute aux allemands. Et moi comme Chuck, et comme les Sonics, je dis roll over Ludwig, qu'on en parle plus. Le chant est du côté Eric Burdon de la force, mais version cancre, ne retenant les leçons rock'n'roll de ses maîtres que pour aimanter un max de jupons (ouais, ça n'a jamais servi qu'à ça en fait). Un chant de vaurien extatique - ou plutôt éthylique - tout braillard et moche. Pas aussi pouilleux que c'ui de mon chouchou Sky Saxon, mais bien grésillard. Le tout en s'assurant de placer, comme de coutume quand des albums c'était plus des compilations que des albums, une bonne moitié de reprises de standards dans leur disque ; moins de risques de se vautrer comme ça. Rien de très original à l'époque et on s'en fiche, une bonne dose d'énergie qui laisse un fumet de pétrolette charmant dans son sillage. Je pige tout à fait ce qui peut animer Lucas Trouble et ses troufions depuis des plombes, à vénérer cette musique mal dégrossie par-dessus toutes, tellement le rock n'a pas besoin de plus qu'un bon vieux n'roll entre deux remises au garage. On ne parlera pas non plus d'histoires désuètes de son "le plus dégueulasse qui préfigure machin" malgré ce côté "tâche de cambouis dans un millésime pop" (le rock des Sonics c'est celui des vétérans fifties en plus saturé, donc ça vient du fond du trou du cul du transistor encrassé d'minons d'poussière, mais leurs reprises auraient sans problème pu être sélectionnées pour les scènes musicalement non-anachroniques de Dirty Dancing - en imaginant une version sensiblement différente avec Patrick Swayze en proie à la chaudepisse, certes). On préferera apprécier, plutôt, la façon d'interpréter les classiques - surtout "Do you love me", version d'épaves dépravées - et de faire que leurs tubes à eux s'y fondent nickel rouille, comme si c'étaient déjà des standards. "The Witch" déjà. Une façon de Kinks avec un bon bout de cerveau en moins. Pis la chanson avec un nom de grosse moto, avec ce refrain qui donne l'impression de sauter des dos-d'âne. Y a du cuivre et du clavier aussi, en lambeaux miteux. Le mieux c'est "Strychnine" sans surprise, rien que l'intro avec ses cinq notes à l'index c'est du certifié Stranglers sixties ce feeling. Voilà, "Strychnine". Un vrai putain de tube imputrescible du vice, ça, "Strychnine". Toute la mono-chose des années garage, mais en même temps comment dire, mh, le petit venin aussi, l'épice, mh mh, vitale, le poison pour la récréation, en fait c'est très couillon de chercher la métaphore alors qu'il y a déjà tout dans les paroles ! De la musique de prolos, de la vraie. Page 37/100 Note : 4/6 Page 38/100 Howard Shore : The Cell Chronique réalisée par Raven Jennifer Lopez griffée Ishioka errant dans l'esprit du serial killer Vincent D'Onofrio : un genre de harem dalinien complètement pété, avec sa dose de costumes kitsch-malsains façon Dracula de Coppola en mieux et de décors renversants, les passages "proto-inception" du film étant les seuls qui vaillent, comme un gros générateur de pochettes classes. Ce qui a donné carte blanche à Shore pour nous livrer une de ses bandes originales les plus denses, ayant contribué à tirer cette série B mi-banale mi-extraordinnaire vers le haut à peu près autant que les images tarées de Tarsem Singh. Une des plus intenses également. Pensez aux thèmes classiques du père Howard de l'époque Seven, c'est à dire des charges (impétueuses) de cuivres (menaçants), des percussions vigoureuses (mettez "Stargher King" assez fort et en fermant les yeux vous vous imaginerez par moments chevaucher au milieu d'une horde de pur-sangs), en plus instable, et relevés avec une pincée d'épices exotiques, le philharmonique étant cette fois accompagné d'instruments orientaux sur quelques morceaux. Le tout finit souvent par s'emballer à l'unisson dans un capharnaüm de tous les diables, et ce dès le tout premier thème éponyme, assez monstrueux, qui charrie à lui seul une multitude de saveurs et d'images. Indigestion d'musique de film, supplice des mille et une nuits en 16:9ème full HD, ça scintille comme à La Mecque, ou ça se trame dans la pénombre envoûtante des alcôves. Quelques accalmies autorisées pour reprendre sa respiration, avec quelques thèmes qui se font plus rampants. Pas mal de saveur dans ce symphonique pour foisonnant cauchemar, full ambiance d'une dimension parallèle entre vastes étendues arabes (revoir le film, énième resucée du Silence des Agneaux prétexte à un clip surréaliste presque illimité) et catacombes dorées. De rares moments lumineux fleurissent comme par magie ("Catherine's World", thème choisi pour mener le psychopathe dans le monde mental tout mignonnet-coloré de J-Lo), mais dans l'ensemble c'est un beau dédale de thèmes triturés-enchevêtrés entre épique et spéléologie onirique, un fourre-tout des milles et une nuits qui appelle de nombreuses écoutes malgré de rares passages chiants, se terminant en douceur sur le plus classiquement hollywoodien "Vital Signs" (on mettra de côté le drum'n'bass orientalisant de Talvin Singh plaçé en final, mignon mais sans intérêt). Shore a un don pour manier les contrastes les plus extrêmes avec dextérité, et la B.O. de The Cell se situe quelque part entre Hellraiser, Passion de P.Gabriel sans voix ni new age - et les musiques pour thriller bien sépulcrales dans lesquelles Shore excelle. Tumultueux. Note : 5/6 Page 39/100 AURA NOIR : Increased Damnation Chronique réalisée par Rastignac « On tape à la porte, je ne me réveille pas, je me r’tourne dans l’lit, comme d’habituuudeuh. Et puis je me lève, j’ouv’ma boite aux lettres, et keskej’vois d’dans, un disque d’Aura Noireeuuuuhh. » Bon, OK, fini la chanson, j’ai déjà assez de tomates dans les cheveux… d’ailleurs, ce n'est pas un album ce truc ! C’est une compilation, c’est même expliqué au dos du CD : « ceci n’est pas un nouvel album ». C’est la réédition de l'EP « Dreams Like Deserts », plus neuf pistes « previously unreleased », avec du live et du studio, donc c’est curieux, donc on va écouter cela. Déjà, ce n'est pas « l’EP et puis d’autres pistes bonus après », ça serait trop facile, tout est mélangé en fait. Encore une archive machine à capillotraction. Parce qu’Hammerheart Records a le sens du packaging, de l’achalandage : le premier morceau c’est en fait une session de « Black Thrash Attack » avec Fenriz à la voix, qui en fait des tonnes avec crachats, râles, montées dans les aigus vieux thrash. Ensuite on aura droit à trois autres sessions d’un autre album à savoir « Deep Tracts of Hell », avec le même Fenriz à la voix sur « Towers... », et c’est vrai, oui, sa voix est vraiment cool, il devrait monter un groupe, ahah… quant aux autres interprétations, rien à ajouter à ce que vous pourrez lire sur cet album, c’est du thrash glauque et violent avec un jeu de batterie et de guitare super beau à écouter car ce ne sont pas des manchots aux manettes là. Sans transition on se retrouve dans une cave à écouter Aura Noir en concert, le son est pas terrible, mais ça peut donner un bon aperçu de leur agression rock and roll and black and metal and thrash and tout ça en live, et enfin on arrive à écouter leur EP « Dreams Like Deserts ». Vous pouvez déjà vous l’acheter par ailleurs, donc bon, peut-être que cette compilation vaudra plus pour toutes ces pistes inédites, mais vu que le disque n’a pas été chroniqué ici, je balance quelques phrase descriptives. Il y a dans ce premier EP quelques ingrédients qu’on pistera tout au long de la carrière de ce projet : de la guitare à fond la caisse, de la batterie qui réussit à être inventive dans un genre où c’est parfois compliqué, du chant râlé type black metal darkthronien avec le soupçon de reverb du fond de la cave qui va bien, une ambiance générale bien cartouchière et cuir… le son est pas tip top, les guitares auraient pu être plus tranchantes, la voix un peu plus en retrait, la batterie un peu moins coincée dans une balle de coton, mais ça reste super cool… toujours l’impression de prendre 100 points de puissance à chaque fois que j’écoute ce groupe, l’impression… de me sentir plus cool, plus important, plus motard de l’enfer en pause sur l’aire d’autoroute. Enfin, ce qui pourrait également justifier l’achat de cette petite compilation sympatoche c’est la piste finale, à savoir le tout premier morceau enregistré par Aura Noir… qui ne ressemble pas à du Aura Noir. Comme le dit Powaviolenza dans la chronique de leur première démo, ce groupe est avant tout la création de Carl-Michael Eide alias Aggressor ici, un des artistes les plus intéressants à écouter et même à lire, dont les interviews sont des pépites d’ironie ou de réalisme glacé sur son parcours chaotique et celui de la scène norvégienne, ayant à la fois écrit et exécuté du metal tout ce qu’il y a de plus rentre-dedans comme sur Aura Noir, comme le plus dingo-traviole (Ved Buens Ende, Dødheimsgard, Virus…), un des piliers du genre, ayant quand même joué dans à peu près tout ce qui est considéré comme culte aujourd’hui. Donc oui, ce « Tower of Limbs and Fevers » d’Aura Noir n’a absolument rien à voir avec l'Aura Noir qu'on connait depuis, notre Aggressor ayant ensuite déversé ses idées dissonantes, pleines de ricanements insensés et de bizarrerie dans ses autres projets… un morceau tout bancal, plein de soupirs et de chant déglingué, avec une basse super cool, comme une espèce de Primus BM norvégien quoi, si vous voulez, dans l’approche de travers de la réalité… et qui donne bien envie d’écouter le reste de cette petite démo Page 40/100 apparemment toujours introuvable sauf dans les décombres d’internet. Allez, on arrive au bout de cette chronique gigogne et tortueuse comme les méninges d’un norvégien délirant sous un soleil mauve, crachant sa hargne d’une bien belle manière - ce qui justifie l’intérêt de cette compilation brossant bien le portrait du groupe, ses affiliations, ses liens avec d’autres mecs d’Oslo, et le formidable talent de compositeur de Carl-Michael Eide, sachant affiner son art en accord avec d'autres pointures ayant chacune sa personnalité dantesque. Note : 4/6 Page 41/100 Treblinka : Shrine Of The Pentagram Chronique réalisée par Rastignac Allez, on continue à gratter dans la poussière scandinave, avec encore une archive de chez Century Media. Bon, en même temps, j’ai calculé, si vous voulez acheter les versions originales des albums de Treblinka, il vous faudra dépenser selon les cotes que j’ai lues aujourd’hui : 500 euros. Minimum. Ce qui est un peu cher pour deux démos et un EP… donc on se replie sur ce livret format A5 avec 3 cds dedans, car en plus de ces trois objets cités, nous auront droit à des lives et une version instrumentale du futur premier album de Tiamat. Car oui, pour ceux qui n’auraient pas encore tiqué, Treblinka c’est le nom du groupe pré-Tiamat… ! Pourquoi un nom pareil, qu'Edlund considère encore aujourd'hui comme "extrêmement mauvais" ? Parce que, si on lit le livret gorgé d’interviews les mecs voulaient choquer à tout prix, faire dans le plus extrême possible, mais n’avait pas vraiment conscience de ce que voulait dire ce mot si l’on en croit encore Edlund. En lisant cette petite biographie, on découvre donc les ferments de Treblinka, à savoir à l'origine la jeunesse de deux gamins complètement décalés, happés par l’ennui d'une banlieue pépère de Stockholm et qui arriveront donc, pour s’occuper, à faire n’importe quoi et se transformer en petits délinquants braqueurs de bagnole, alcoolos, fugueurs, mais vraiment pieds-nickelés, enchainant les conneries et atterrissant irrémédiablement au commissariat ou chez leurs parents consternés… cette jeunesse perdue va s’intéresser de plus en plus au speed metal puis au death pour donner un semblant de direction à sa vie chaotiquement chiante… le début de parcours de Jorgen et Johan sera alors semé de légendes, les gars ont vu Metallica en concert la veille de l’accident de bus tuant Cliff Burton, ils vont commencer à trainer et jammer avec les futurs Nihilist / Entombed, Dismember, Hellacopters, Morbid, jouer dans le groupe de hardcore « Corrupt »reprenant du Agnostic Front (!) en concert devant quatre pélos… et vont monter leur propre truc après une réponse à une annonce d’un autre groupe, « Rivers Edge », cherchant un chanteur… ces mecs vont se rassembler, et sous la pression d’un Edlund amateur de son extrême obtenu grâce au tape-trading, où les noms Kreator, Autopsy et Hellhammer rodent, vont choper le nom de Treblinka. Je cite Jörgen Thullberg: « un nom comme Sex Pistols ça n’avait plus aucun effet, mais « Treblinka » ça suscite toujours la polémique » - polémique à laquelle Edlund devra répondre encore longtemps après la fin du groupe, devant répéter sans cesse qu’ils n’avaient rien de néo-nazis… donc c’est parti la bourrinade, croix inversées, bracelets à clous, logo dégueu ultra-satan. Leur premier enregistrement aura lieu au Sunlight, mais à un moment où Skogsberg n’avait apparemment pas encore bien pigé le death metal, ce qui donne au final un son de guitare étrangement non saturé de morceaux censés être ultra-violents… « Crawling in Vomits » est donc une première démo étrange, où l’on sent que les mecs ont encore un peu les poignets rouillés, les solos sont ultra-amateurs, le tout se finissant sur le sample de vomi le plus dégueulasse qu’il m’ait été permis d’entendre, avec gargouillis et tout, ah putain ! On suit ensuite le groupe dans les méandres du chaos total de ce que fut la scène metal extrême à la fin des années 80 à Stockholm, avec anecdotes violentes, les mecs sont des marginaux et des aimants à haine, Dead qui fracasse une bouteille sur la gueule de Johan avant de se taillader avec les débris un soir de Saint-Sylvestre, bagarres avec gangs metalophobes, problèmes récurrents avec les flics, mais aussi création de fanzine (le bien nommé « Poserkill »), concerts bordéliques, et enfin une deuxième démo, « The Sign of the Pentagram ». Celle-ci a été mieux travaillée et préparée et ça s’entend tout de suite : le son est celui d’un album de metal extrême, l’ambiance est lugubre, les vocaux bien dark, et on peut écouter vraiment de bons morceaux de vieux death Page 42/100 bien sombre, simplex certes, mais un peu mieux exécutés que leur première démo qui sonnait quand même très amateur, malgré encore l’évident manque de liant dans les riffs… malgré cela, l'enregistrement au studio Z, « moins cher » que le Sunlight redresse un peu la barre, et ces morceaux s’ils avaient été un peu mieux produits casseraient encore plus la baraque… mais quand on lit la prose des anciens protagonistes en écoutant cette musique, on comprend mieux leur motivation et quelque part leur son : « pas cher, sale, simple, avec beaucoup de travail derrière », au bout de leurs compétences, et puis un peu sectaire aussi : « c’était très facile à l’époque d’être traité de poseur par Treblinka. Si t’avais le mauvais t-shirt, si tu parlais à une fille, t’étais un poseur… ahah ! ». Et puis à force arrive une sorte de pré-professionalisation avec l’enregistrement de leur premier EP « Severe Abominations ». Enregistré au Sunlight, et cette fois avec Skogsberg qui a pigé le truc, le disque sera financé par la thune familiale destinée originellement à payer le permis de conduire à Johan Edlund (rah, bon dieu, faites des gosses hein…). Résultat : ces deux titres issus de l’EP sont… hyper cools. Du death très entrainant, caverneux, maintenant exécuté au poil, hystérique, avec break de la mort, crade et percutant. C’est simple, on arrive au climax de la courte carrière de Treblinka avec ce disque car la suite se fera sous un autre nom… s’enchainera ainsi l’enregistrement de « Sumerian Cry » qui sortira sous le nom de « Tiamat ». On se dirait simplement : « ils ont changé de nom parce que bon, c’est quand même trop sujet à polémique », c’est ce que je pensais aussi, mais en fait non : selon Stefan Lagergren, ce changement en « Tiamat » était surtout dû à l’existence d’un autre groupe, canadien, s’appelant aussi Treblinka. Fermeture d’un chapitre, Tiamat s’éloignant de la ténèbre, les autres membres laissent Johan faire sa propre sauce… une reformation aura lieu en 2008, sans Edlund qui ne veut plus entendre parler de tout cela. Les anciens membres ne savent plus jouer leur propre musique, et sont obligés de s’auto-pirater pour s’écouter en téléchargeant les pistes sur Pirate Bay !!! Bref, voilà, en résumé ce que vous trouverez sur cette compilation : les premiers pas dans le metal extrême d’une bande de jeunes réunis autour du tape-trading, d’un style inimitable, d’une envie d’originalité au sein d’un club d’extravagants assez fermé, contre le monde, antisocial total, où l’intégrité et la vie en groupe sont les dénominateurs communs si on lit bien les propos d’Edlund. Pour en finir sur le contenu de cette compilation pléthorique, vous pourrez écouter avec son cracra un tas de prises de répétitions, des lives chaotiques sur le deuxième et troisième CD et enfin les prises sans le chant de « Sumerian Cry », donc pour les amateurs, y a de quoi faire. Cet objet est somme toute un achat indispensable pour ceux qui seraient intéressés par les balbutiements de la scène death de Stockholm, les deux interviews par Daniel Ekeroth et Olivier 'Zoltar' Badin étant des mines d’informations et d’anecdotes croustillantes, agrémentées de plusieurs photos et flyers d’époque, le tout empaqueté et imprimé sur du beau matériel, très agréable à parcourir et à tenir dans les mains. Bon, je suis un tout petit peu frustré parce qu’ils ne précisent quand même pas pas pourquoi ils ont voulu intégrer ce xylophone sur le break rockabilly de «Evilized », ahah ! Note : 5/6 Page 43/100 Compilations - Bandes originales de films : The Crow: City Of Angels Chronique réalisée par Raven Au risque de passer pour une suicide-girl puriste, il n'y a qu'un Eric Draven et il n'y en aura jamais qu'un seul : le fils du mec qui poussait des petits cris simiesques en faisant des moulinets avec son nunchaku. Les successeurs sont la honte des corvidés. Vincent Perez peut-être plus encore que Dacascos. Je conchie ces ortolans, autant être sombre et net. La suite du premier The Crow n'a aucun intérêt rien que pour cette faute de goût ! C'est une merde intégrale. Je ne l'ai jamais vue, mais je le sais. On va passer à la chronique en elle-même je pense. Cette B.O. est légèrement inférieure à celle du précédent volet, plus générique. Mais elle a ses restes de grunge et d'alt-machin plutôt baisables... Je l'ai achetée dans un bac à occasions comme tant d'autres. Un vieux bac scotché aux encornures. Le boîtier du CD était recouvert de matières diverses et impossibles à déterminer (traces de doigts grasses, résidus de crottes de nez séchées ou de clafoutis, allez savoir) mais cette compile je l'ai eue pour un sou, me disant surtout "ah un inédit de Korn, un inédit de Deftones, on prend le risque allez". Et les deux morceaux s'enchaînent de façon absolument naturelle, le style est très proche, et encore plus curieux le plus subtil des deux pour le coup, du moins le plus rampant et trouble, c'est Korn. "Sean Olson" est un de leurs bons morceaux de la première époque, rampant, morose, quasiment grunge, avec le grognon grommeleur recroquevillé sous ses dreadlocks dans une cabine de chiottes du lycée pour échapper à ses camarades fans de Live. Et "Teething" de Deftones enchaîne nickel, comme un frangin plus colérique avec un son aussi ramassé sur lui-même. On sent un Chino en bad trip juvénile, entre du vieux Therapy? et du neo-metal première période encore un peu abrasif. Rien de trouant mais c'est de la bonne ce doublé. Sinon, cette B.O. est clairement moins goûtue que celle du premier, avec son faux Nine Inch Nails (Filter) à la place du vrai qui était sur la première. Le subtil décalage de blases sur la tracklist entre les deux compilations est du reste assez savoureux, faites le test vous-même... On arrivait en 1997 à la phase secondaire du rock/metal alternatif et de la fusion : le post grunge de merde et le nu-metal. Sale temps pour la génération Y. "Shelf Life" de Seven Mary Three, c'pas mal, sorte de Pearl Jam du pauvre plutôt buvable (mais j'irai pas vérifier sur album, j'ai déjà mon skeud de Paw) même si d'un grunge trop passe-partout. Mais excusez-moi, Tricky versus Gravedigazz ça n'est pas de la merde ça, ça évite une note négative je crois bien (question hip-hop le titre d'Above The Law écrit spécialement pour le film (ça allait devenir une mode à cette période, le titre rap au générique de fin) a un bon petit charme avec son flow rugueux bien patibulaire et son feeling horrocore mélodique croisé g-funk, façon Brotha Lynch Hung avec plus de moyens. La reprise de Joy Div par Bush me plaît bien, non ? Je vais vérifier... oui. La chanson de PJ sur son cousin tout nu courant entre les arbres est un inédit que les amateurs pourrons savourer, avec un feeling L7-SY ma foi fort agréable (d'ailleurs ce titre de NY Loose fait très L7 aussi...mais je préfère le morceau plus emo de Pet, d'ailleurs faudrait que je me décide à écouter ce que ça donne sur album). Et la mère Slick ? ça se broute, ça se broute ; "Knock me out", ballade blues-rock cliché mais bien moulée avec Linda Perry charismatique au possible en mode Janis Joplin fatiguée, contente son homme... Question déchet, Iggy Pop (acteur dans le film si j'en crois le livret, citant au passage l'auteur du comic's) donne une version live assez plate de son tube des Stooges... La reprise de Fleetwood Mac par Hole en intro j'l'avais oubliée : fraîche comme Courtney... Voilà, comme ça vous savez tout maintenant, il suffisait de demander. Une B.O. assez mitigée, pour le moins avare en crow-music, mais pas dégueu. Trois et Page 44/100 demi. Croassement vôtre. Note : 3/6 Page 45/100 Hole : Live Through This Chronique réalisée par Raven Live Through This passerait typiquement pour l'album grunge second couteau, mais dès "Violet" - que j'ai envie de baffer autant que de canoniser grand morceau sans réfléchir - c'est l'album parfait pour cerner l'cageot. L'album emo, désabusé/revêche (75/25), rose-pâle-mélangé-à-du-gris, tiré dans deux directions différentes, déchéance et échappatoire, qu'on a envie d'aimer autant que de mépriser. L'album où une connasse revendiquée tend à se transcender pour sonner comme la plus douce-amère des petites connes. Même du genre à savoir écrire une pincée de chansons taillées pour plusieurs écoutes au passage, voyez-vous ça... Plus nuancé qu'il n'avait l'air lors de ma découverte, presque profond même, enfin je veux dire, pour son auteure... "Plump" et ses accalmies qui ont ce quelque chose d'eighties, "Doll parts" et ses "I fake it so real, I am beyond fake" lâchés avec la passion d'une insomniaque au dernier stade, "Asking for it" et son cynisme terne qui suinte jusque dans cette voix délavée de chez délavée. Bleached woman. Mais surtout "Credit in the straight world" avec son intro limite mystique. De beaux exemples, même si ça fait pas tout. L'erreur d'appréciation très souvent commise au sujet du veau Courtney depuis 1994, assez comparable à celle qu'on commet en général avec Cantat depuis 2003 (même s'il est infiniment plus talentueux), est de tenir compte des histoires extra-musicales pour cerner sa musique. En l'occurence de dernier coup tiré, ou de sa personnalité ordurière-ultrasensible. Bref l'erreur c'est de focaliser sur Courtney, et j'éviterai donc cet écueil... ou pas. Car Live Through This est l'album-carte d'identité de Love, c'est indéniable, elle se tire le portrait ; d'ailleurs elle colle sa photo de chiarde à l'arrière comme les gangsta rappeurs. Courtney a toujours été l'une des plus criardes icônes de la vague femelle rebelle genre "rebelle", elle qui dans une vie plus prévisible aurait certainement vécu dans une roulotte au bord de l'autoroute, défoncée et montée par ses cousins entre deux épisodes de soap. Pourtant Courtney n'a été toute sa vie, comme son "ex", qu'une personne pas trop à sa place. Et je dois donc enfin avouer qu'en vieillissant, je me prends d'une réelle tendresse pour ce qu'il y a au bout de ces mains lovesques si naturellement conçues pour la vaisselle que c'en est désarmant de les voir ainsi marteler le poitrail mâle en vain, ce cœur qui bat pour être aimé ; oui, une tendresse comparable à celle qu'on peut éprouver à l'égard d'une tante maternelle qui serait le même genre d'hystérique ordurière, capable d'insulter et frapper pour des motifs plus qu'évanescents, mais douée d'une capacité à l'empathie qui peut se révéler bluffante. Love c'est ça, et cela se ressent dans sa façon de femme au bord de la crise de nerfs, adolescente désenchantée de trente ans, rock star périmée de la blank generation, usante mais ultra-sincère... Live Through This marque la nuance avec L7 ou Babes in Toyland, car malgré les éjacs punks qui l'émaillent il n'a pas vraiment un venin rock, défoulatoire, explosif. D'ailleurs les passages vraiment véloces sont les moins bons ; ils montrent bien les limites de Courtney dans l'exercice, comparé aux sus-citées, le carcan du "elle fait son ragnagna, laissons-la dans sa chambre", qu'elle évite de justesse avec "Gutless" et "Rock Star", autres pistes-pet-de-fouf au milieu d'une marre de dégoût pas-ce-soir-mal-à-la-tête. Le chant hurlé de Love est assez fade, mais c'est pas une découverte non plus. Non. C'est ironiquement dans les moments calmes, presque baignés d'aura gothique, où ses musiciens lui tissent comme un genre de cocon douillet, qu'elle peut vraiment écorcher. Live Through This n'est pas un album effronté, non : c'est un album de blasée. Qui passe assez bien, en l'occurence, avec son quelque chose de brut et désabusé au dernier degré typique d'un certain grunge, ce quelque chose d'une cruauté murmurée et qui corrode l'homme contre son gré - même si tous les morceaux qui Page 46/100 viennent après "Violet" sont en-deça. Décolorés. Fanés. "When they get what they want, they never want it again." Note : 3/6 Page 47/100 L7 : L7 Chronique réalisée par Raven Groupe ultra-spontané. Groupe attachant. L7 c'est complexe comme un vieux tatouage "fuck you" aux couleurs passées. C'est stupide et c'est ce qu'il faut. Le premier album de nos quatre petites garces à dentition alternative est comme on peut s'y attendre au vu de sa date, très vert. Premier album, album-quenotte. Très énergique, sauvageon, tendance cow-girl de Los Angeles en goguette, un peu rabougri. "Metal Stampede" est l'un des titres les plus stupides du monde, et pourtant on a déjà dans cette vivace petite merde la patte typique des bougresses. C'est punk (la signature sur Epitaph n'est pas dûe au hasard), c'est garage, et ça peut s'écouter comme les tous premiers albums respectifs de Soundgarden ou de Screaming Trees, c'est à dire comme le brouillon d'une suite. Un bon brouillon. Sauf que L7 (Square ou 69 pour les intimes) ne feront jamais d'album vraiment propre et calibré, ce qui les rapproche plus de Mudhoney, d'ailleurs la pochette est du même tonneau que celle de Superfuzz Bigmuff, même si elles feront plus "clean" que celui-ci par la suite - mais le terme approprié serait plutôt "plus puissant". Grunge pourquoi pas, mais surtout indécrottablement rock au sens le plus brut, voilà comment aborder ce groupe à ses débuts. Même si vous pouvez zapper ce premier album type voiture achetée d'occase sans jantes et passer directement à Smell The Magic, ça sera toujours mieux que d'écouter Never mind the bollocks, ou des groupes de poseurs genre Smashing Pumpkins (stupide on a dit). Note : 3/6 Page 48/100 L7 : Smell The Magic Chronique réalisée par Raven Des petites voraces ces L7. Ah quelle hargne exquise dès "Shove", quels "r" roulés imparables sur "Fast & frrrrrightening", quel jus ! Smell The Magic a une gueule d'album le plus énergique et brut de rock'n'roll des diablesses, leur adorable petit roller-coaster, celui qui coule comme un mini-Superjudge squirté par-dessus jambe ("(Right On) Thru" sent le stoner), presque de la famille Ace of Spades pour tout dire, c'est vous dire à quel point on s'en bat la bielle de donner dans la thèse avec un album comme ça. Second skeud sans prendre de douche, et nos nénettes commencent à bien sentir la femme en camping sauvage. On passe du garage de l'épo à la piaule pas aérée qu'on retourne au petit matin à coups de polochons. L7 est in the mood for fruit de mer négligé (smell the magic), et on vient petit à petit au sujet L7, ce qui les différencie des groupes pour gonzesse comme Pretenders (j'aime bien la subtilité) et de tous les groupes de nanas qui prétendent en général faire du rock quand elles ne sont que du rock d'hommes en moins épais : L7 c'est cru, ça swingue sans se regarder swinguer, ça a une moule dans le cerveau, comme des rockeurs peuvent avoir leur organe à la place, après tout pourquoi pas oser l'équivalence évidente, meuh non, ceci n'est pas une analyse musicale de Bigard : c'est un peu comme ça qu'elles causent, elles en jouent, et pour tout dire moins élégamment que mes tartines déjà pas fines à leur sujet, avec leurs riffs irrésistibles et leurs lancers de cotons à ketchup, avec leurs paroles qui jaillissent le plus naturellement du monde. L7 dans leur tête sont des garagistes devenues des motardes, ou plutôt des femmes libres comme elles peuvent le croire avec une telle intensité, crûment sincères, libres de tout devoir d'être sensuelles, libres de tout devoir d'être délicates, des nanas qui veulent comme Thelma et Louise partir en virée dans la pampa et trouer des camions de gros routiers salaces à coups de calibre. Parce que c'est cool. Donita n'évoque pas vraiment d'autres chanteuses ici, juste des chanteurs. Et pourtant rien qu'une certaine idée du naturel, qui coule tout seul comme ce que vous voudrez et qui ravit les portugaises comme se doit de le faire tout bon disque de rock, jusqu'au final façon hymne générationnel "American Society". Bien sûr, pour le rock de pisseuse indie qui mise sur son parfum vanillé pour emballer le bonhomme c'est pas par ici, les pédos refoulés l'auront compris. "The neighbours say I jam too loud." Note : 4/6 Page 49/100 L7 : Bricks Are Heavy Chronique réalisée par Raven Kick dès "Wargasm". Rrrrh petites effrontées attendez un peu que tonton vous atrappe... "Un finger où y faut et l'autre en l'air ! Et une fois que ça colle assez on trempe ses doigts dans la nonpareille et on fait des monstres"... Eh voilà, l'écueil n'a pas pu être évité... "Mooonster (monster in me), bring out the moooonsteeer..." Pussycat music, that's right. Dolls, pas vraiment... ni L5 tant qu'on y est, autant être con à fond. Le rance évident, le rock du jean délavé avant qu'il soit volontairement délavé pour faire genre. L7 se rançit, leur rock de réacs femelles qui ont très judicieusement préféré le manche et les baguettes à la plume passe en fondu parfait à l'ambiance plus... grunge, tout bêtement. Los Angeles prend un teint Seattle. L'aspect "collection de tubes" évident, plus calibrée que celle du précédent ne serait-ce qu'avec l'adorable hit un peu retro qu'est "Pretend we're dead" jusqu'à vriller en beauté, n'empêche pas ce quelque chose de livide et vaurien, d'affleurer de partout dans cet album, dont les thèmes ne volent sûrement guère plus haut que du Despentes objectivement ce qui importe peu, car dit comme ça avec des guitares ce qu'il faut de salées et un charisme adéquat c'est bon, et puis je me fous de leur vie et de leurs sentiments...car je ressens l'envie...l'envie, de ne plus avoir envie mais d'avoir encore plus envie... l'envie de plier les gaules pour une nouvelle virée de bar en bar en bar en bar en bar...jusqu'à finir avec une gueule de bois et une humeur de wastringue. Trémolos, émotion ? On ne va pas parler de profondeur existentielle non plus, Bricks are Heavy roxe. Il y a ces petits tubes bien chaloupés bien véloces avec Donita en tête de proue très charismatique, ces hits qui prouvent que L7 peuvent sonner plus pop sans rien avoir d'épilé, de manucuré. Un peu plus de fraîcheur qu'avant, sans doute, parce que c'est tout connement leur premier album non pas "bien produit" mais simplement le premier qui soit stratégiquement "produit". Le titre-clé plus encore que cette crapuleuse "Diet Pill" et cette façon maladive de Donita et de la guitare, c'est "One more thing". Presque une ballade grunge sans en être vraiment une, assurément une de leurs meilleures. Je l'ai souvent en tête, un de leurs morceaux qui m'tournent dans la caboche parfois comme ça, car c'est un titre du quotidien, et en l'occurence fait de pas grand chose, qui trouve résonnance dans nos petits tracas usuels qui menacent de dégénérer en nervous breakdown. En fait il n'y a que des classiques sur ce disque, "Shitlist" qui resservira pour Natural Born Killers n'étant pas des moindres (jusqu'à ces délicieux hululements de chèvre sorceresse, car la chèvre hulule avec Donita), le solo de "Mr Integrity" et ses percus débiles claquant bien aussi, "Slide" symbolisant toute la fluidité de ce skeud qu'il faudrait être tarte pour bouder. Album-berlingot, note généreuse - et on s'en balance : this IS pleasure. Note : 5/6 Page 50/100 L7 : Hungry For Stink Chronique réalisée par Raven "Faim de puanteur". C'est gravé comme à la clé sur le pare-choc d'un sale enfoiré qui va rager, sur cette pochette qui reste l'une des plus intriguantes de cette période grunge. Hell's Heaven plus encore que les Babes in Toyland ont faim de puanteur, elles ont faim de fromage de BiT, et avec une hygiène un peu négligée il doit bien y en avoir assez en réunissant tous les membres pour un bas de frigo bien garni : alors bienvenue chez vous mes souillonnes, les tripes des ténèbres, ouais, ça schlingue aussi. Juste histoire de cadrer objectivement l'esprit de leur grunge à elles. Hungry for Stink. Cet album c'est comme Bricks are Heavy du L7 plus travaillé-composé que les deux premiers, c'est évident. Mais si, c'est évident que c'est leur album bien sculpté et garni avec soin de morceaux variés avec chacun sa petite gueule à lui, et c'est aussi pour ça qu'il est excellent, encore plus tubesque d'entrée de jeu avec "Andres" (qui s'intitule comme ça parce que la chanteuse s'adresse à un gars qui s'appelle Andres mais on sait toujours pas l'embrouille), et au final avec un bon gabarit pour survivre sans problème au-dessus d'un "album grunge de meufs" banal. Et Donita Sparks y apparaît plus que jamais comme un genre de Catherine Ringer du grunge, je dis que ça. Et j'dis pas ça pour des histoires de chicot en moins (même si... Donita, à côté de Gainsbarre ? Je me régale d'imaginer la scène). L7 semblent sur celui-ci chargées d'une énergie plus compactée, plus épaisse. Le son plus pro n'y est pas étranger, mais pour ce qui est du calibrage, en fait non, oubliez ce que je viens de dire : L7 ne sera jamais un groupe de pop, même quand elles voudront un peu par la suite. Donita sur "Questioning my sanity" et sa voix de vieille concierge cradoque qui maugrée contre le voisin de palier, ça fait partie des choses de la vie. Son chant est mine de rien plusieurs cordes à son stérilet, entre vociférations sorcières et rances roucoulades, hululements, cris d'indienne le jour de son premier scalp. Langueur pute, charges parfois limite alt-metal bien gaulées ("The Bomb", et ces paroles qui restent bien en tête, ouais le plastique c'est pas toujours fantastique je suis d'accord Donita), envie de saccage, ce Hungry For Stink a tout pour être l'album-culte du groupe. Comme dirait l'delahousse (aucune allusion au déguisement d'une des photos, c'est un sac de couchage) qui sommeille chez tout chroniqueur : l'œuvre a/emboutie, le disque le mieux foutu/touffu, le plus (a)varié de L7, celui où on a tout ce qu'elles savent faire. L'album auquel on a rien à reprocher, qui s'enquille tout seul et qui tient sur la durée. Toujours ce petit côté stoner qui ressurgit thanx to Suzi Gardner ("Freak Magnet") et ce truc un peu psyché sur "Talk Box", qui s'intitule comme ça parce que Donita utilise une talk-box. Final bien baveux qui laisse un écho hanté. Un album qui évoque encore l'Amérique des épaves grouillant au pied d'Hollywood, du rock pour un bar miteux adjacent à un motel miteux, avec les ploucardes du secteur, qui mettent le boxon et répondent cru aux routiers. Si vous êtes accoudés au jukebox à les détailler en coin avec un mélange d'envie et de nausée, n'oubliez pas qu'elles préfèrent les hommes qui font l'amour avant la douche. Sinon circulez. Note : 5/6 Page 51/100 L7 : The Beauty Process: Triple Platinum Chronique réalisée par Raven C'est reparti mon kiki. C'est quoi ce titre, c'est quoi cette pochette ? C'est quoi ce truc sur vos gueules les filles, du maquillage ? Non, quand même pas... ironie ? OK voyons-voir... Cri de guerre punk qui promet sur les toutes premières secondes, validé, on va avoir un album mineur mais avec un vrai majeur tendu. En fait on aura L7 ici un pied dans leur rock avec peut-être les riffs les plus nets qu'elles aient jamais joué, et l'autre dans une diffuse envie de power pop ; admettons, puisqu'il le faut, une certaine raideur (le 7 se raidit pour ressembler au L, oh non) et un côté plus calibré qui donne un côté moins spontané à cet album, en même temps qu'un côté un peu vide tendance une écoute et puis poubelle... Ce serait dommage. C'est que leur grunge de pouilleuses est cette fois prêt à intégrer une vie sociale, avoir un emploi... p't'être même à fonder une famille ? Déjà se refaire une dentition, apprendre à faire son lit... hélas l'humeur de cancre est toujours là. Le processus beauté va légèrement merder. Le matin frais avec des bonnes résolutions, ça marchera pas et elles le savent. Mais c'est trop des feignasses sur ce coup. Ce trébuchement après le généreux Hungry for Stink, présente pourtant un de ces groupes de j'm'en-foutistes qui ont su prendre l'auto-caricature comme terreau fertile assez longtemps. Assagi ? Oui et non. Des chansons qui articulent trop (trop bien ?) certes, mais qui savent encore filer la banane. Mais pas assez de ce calibre. Un skeud qui s'essoufle assez vite, hélas. Pourtant dès "Drama", et sur d'autres, je pense à Jesus Lizard. Mais pas à ceux que vous pensez ; juste à Shot et Blue. Soit un groupe naturellement débraillé qui essaie de se tenir un peu mieux en société mais qui peut pas s'empêcher de laisser dépasser son charisme. Pour sûr, on a vu pire comme évocation, surtout pour des albums mineurs. "I Need" démontre si besoin que Donita sait se faire un genre de cousine de David Yow sans en faire des caisses en mode freakshow éthylique, une des rares qui ait choppé ce truc canaille plutôt que de focaliser sur l'énergie et juste l'énergie... Ce même type de charisme quoi. Je retiens surtout "Bitter wine", rampante à souhait, qui frôle le sublime avec trois fois rien (un de leurs meilleurs morceaux assurément). Mais The Beauty Process est surtout constitué de petits titres-jouets sans longueur en oreille, type "Moonshine" ou ce "L,G,A" avec accélération et décélération débile... Je pointe comme vraies croûtes "Non-existent Patricia" et "Me myself & I", qui sont vraiment chiantes... Album plaisant et frustrant en même temps. Sympatoche mais faut pas en demander plus. Note : 3/6 Page 52/100 L7 : Slap-Happy Chronique réalisée par Raven On peut comprendre que tous les albums de L7 soient pour qui les parcourt vite fait tous interchangeables. Sauf que là c'est celui de trop. Même si plus emprunté que réellement médiocre, genre tentative alternative foirée... même s'il ressemble à ce qu'elles ont toujours fait. C'est pas tellement de la faute à la batterie de cuisine, ni aux incrustations de sons débiles ("Lackey") qui sont part de leur style... ni de ces titres un peu poussifs avec des effets (si si) comme "Human", et c'est même pas tellement d'la faute à ce recyclage délicieusement plouc de vieux jargon hip-hop ("Freeway"). C'est d'la faute à bof. C'est d'la faute à plan-plan. Tricoté en deux-deux, Slap-Happy est comme son titre et sa pochette : amateur, très con et pas du tout concerné par le fait d'être jetable ou réécoutable plus d'une triplette de fois. Un album qui sonne creux, juste des avortons de tubes. On a la dalle, on se mettra tout juste sous la dent "Freezer burn", une ballade grungey toute livide façon Breeders, mais surtout "Stick to the plan" pour la lizarderie qui revient enfin, dans le seul morceau à vraiment retenir, à la fois le plus vandale et le seul dont je me souvienne vraiment ("he's a motivaaator, he's got a wire inside")... Pour l'anecdote Viggo Mortensen, ex de la meuf de X (on meuble comme on peut lapinou), a participé à l'élaboration de cette pochette. Merci Aragorn, ça vaut bien un demi-pêche. Note : 2/6 Page 53/100 Grief : Come to Grief Chronique réalisée par Rastignac Grief sort de son squat et déboule sur Century Media - pas pour longtemps, juste un album et bye bye. Le bon côté de cette signature c’est que ce disque est un peu moins compliqué à trouver que les autres. Peut-être que le mauvais côté serait alors d’avoir un label casse-burnes sur le dos… enfin, je pense que les négociations se sont finalement bien passées, regardez-donc juste l’illustration… yuuuuhhk. Car, faut le savoir aussi, Eric Harrison, futur bassiste hurleur sur "Torso" et "...and Man Will Become the Hunted", aime bien figurer deux trois machins qui lui passent par la tête, et il va nous illustrer la suite de la fine discographie de Grief par ses coups de grosses couleurs dégueulasses, représentant uniquement des images absurdes et moches. Là est figuré… la constipation d’Eric ? Tous ses petits amis qui se réveillent après injection, ingestion, inhalation ? En tout cas ce disque est peut-être un de mes moins préférés de leur discographie - je les préfère tous à pas mal de chose, mais bon, faut bien faire de la hiérarchie, sinon, ben… euh… ça serait pas pareil ? Moins humain, moins compétitif ? Moins toutes choses égales par ailleurs ? Bref, on sent sur « Come to Grief » qui est le premier véritable album « longue durée » du groupe que celui-ci a voulu un peu plus élaborer le son du canon. Évidemment, ne vous attendez pas à écouter du heavy sympho ou du black metal plein de blast beats mais à un Grief un tout petit peu plus groovy, avec quelques riffs un peu sudistes à la Eyehategod glissés par ci par là, des emballements à la Black Sabbath en milieu / fin de morceau, ce qui donne un album moins monolithique, moins rêche que « Dismal » et « Grief / Depression », un petit peu moins violent, plus… empâté, défoncé, plus avec les yeux gonflés après une sieste de dix heures, on se réveille il fait nuit. Malgré ce tout léger petit bémol, le propos reste globalement le même, gros riffs de mégalodon avec de temps en temps au milieu la voix dégobillée d’un mec qui hurle sa misanthropie et ses tendances suicidaires. J’ouvre le livret, je tombe sur une ville japonaise rasée par une bombe atomique, des fins d’empire, Kroutchtchev qui réconforte une paysanne, un bonhomme vert se cachant dans un coin, un autre fuyant je ne sais quoi, des collages dans tous les sens, et puis les paroles. Extraits, compilés et traduits just for you : « je me sens rejeté avec un avenir solitaire et plein d’échecs devant moi, et plus je grandis plus j’enrage, le monde me rend dingue et je sais pas pourquoi, sauvez moi de toute cette merde que je vois à longueur de journée… ». Bon, fais pas la gueule, t'as besoin d'un coup de main ? Et là il me répond : « je te hais et la haine c’est plus qu’un mot, c’est une manière de vivre… mais finalement la vie me tient par les couilles ». OK. Bon. Voilà. Pas joli joli, même « ces trois mecs là (les autres du groupe ?) je les déteste ». En fait, Grief explique que même la musique ne saurait être une bouée de sauvetage. Désolé. Grief, quand t’es constipé ! A noter que la réédition comporte une piste bonus qui était initialement prévue pour servir de bande-son d’un film d’horreur à zéro budget qui jamais ne vit le jour. Le livret précise que la dernière partie du morceau fut ce que Grief enregistra de plus rapide dans toute sa misérable carrière… effectivement ça dépote, ça change, y a même de la double sur la fin ! Le résultat ne se fit pas attendre : tous les membres du groupe dégueulèrent à la fin de la session. C’est à ce genre de petits détails qu’on reconnait les grands ! Allez, gros 4 étoiles export Fritzbraü. Note : 4/6 Page 54/100 16 : Drop Out Chronique réalisée par Raven Nom d'une pince monseigneur agrippée aux burnes, un album qui démarre avec une basse aussi saillante ne peut pas se vautrer ! Écoutez-moi un peu ce fragment de nineties d'un imparable gris écarlate... Raaah, hately ! Quelle vigueur, quelle façon torve et pugnace de faire dix titres bien différents en faisant toujours la même chose. Et celui qu'ils nous carrent d'emblée de jeu en pleine pomette est comme un beau vrai gnon : celui qui la casse net et laisse au sol, sonné... et un peu admiratif, il faut bien le dire. Putain de premier morceau ce "Trigger Happy", mon préféré je crois, et puis tout qui déboule à sa suite avec le naturel de la mauvaise humeur morne et incompressible qui caractérise 16. Avec tout ce que le feeling américain des 90's peut avoir de meilleur. Coach charismatique sans élèves. Qui soigne ses tendances suicidaires très prononcées par la castagne. Les petits sont des méchants, les chauves des frustrés, et les musclés... des vocalistes très expressifs. Alors imaginez juste un skeud de petit chauve musclé, le genre de barouf que ça fait. "Leave me alone". Traduction : "Fous moi la paix où tu vas t'en prendre une". Et ça rate pas, à chaque piste. "Step back, BACK". Souvent à un rythme boue, rarement ça s'emballe et quand ça le fait comme sur "Poings sanglants" c'est toujours entre deux gros labours de tas de briques. Mais réduire Drop Out au côté sludge qui rentre tête première dans le buffet serait salaud, car non seulement il règne dans cet album une savoureuse ambiance de stoner urbain, mais surtout sa peinture difforme "so 90's" en dit tellement plus sur sa nature : ce 16 mérite sa décennie, tout simplement, dans tout ce qu'elle a proposé d'albums aussi généreux et d'une personnalité aussi bien trempée. La basse sur cet album hybride qui est monstrueuse si je l'ai pas déjà dit, on peut pas plus la louper dans cette prison que le maton le plus sévère, et les guitares qui s'y greffent donnent dans le groove urbain le plus mauvais-cul possible, jouissif ("Seeds & stems", ma préférée je crois), un genre d'Unsane croisé Helmet et Kyuss, on voit surtout ça, sans que ce soit autre chose que du 16, c'est à dire ce genre de fusion hardcore onctueuse comme le clinker, et digne héritière du hardcore-blues de ce grand costaud tatoué très versatile, là, qui s'est mis aux one-man-shows... Drop Out the peau de crotale, comme si 16 avait fait de sa ville un désert rocailleux où régner en maître incontesté. Jusqu'à ce final à leur blase qui prend Big Black pour taper sur Godflesh et réciproquement. Ma préférée, je crois. "Blood vessels, inside, my braaaain". FIIIIGHT ! Note : 6/6 Page 55/100 16 : Zoloft Smile Chronique réalisée par Raven MARRE. De tous. Les hommes sont des gros cons. Ils bouffent du gras, du sucre, de la politique, et puis se retrouvent un jour tout pleins de saloperie, en accusant les autres de pas avoir bougé leur gros derche à leur place. Ils attendent. Les femmes sont des petites connes. Plus je les connais, plus j'me sens Ike Turner. Elles réclament. Pas un pour ratrapper l'autre, on dirait des enfants... Et ça, c'est insupportable. J'en ai été un aussi, pas eu le choix ; j'aimais ma mère. Et puis je l'ai butée ; j'pouvais plus la supporter, c'était une connasse. Mon père ? Jamais connu le vrai. On a mis un connard à la place ; il a essayé de me soumettre, en vain. Tout ça dans un sac, et contre un mur. C'est pour ça que je suis prostré tête baissée comme Alec MacKaye, j'peux plus les voir en peinture. Tous des cons, sauf Bibi, et surtout Bibi. Et Bibi il a pris son zoloft, pour voir ce que ça fait à son humeur de chauve. Résultat : ça va pas mieux. Libido à zéro, moral d'amiante. Sauf que maintenant en mettant la branlée en bagarre, il se dépareille pas de son espèce de sourire froid crispé, mais ça change que dalle. Imitation vaine des gens heureux - la sale race que voilà - avant de se ratatiner, de gueuler, de se bastonner. C'est tout ce qu'il a de plaisir à partager. Avec son groupe - d'ordures - il joue du rock pour purger c'qu'il faut. On va enregistrer un nouvel album, avec une entrée caïde qu'on appellera "Damone" sur des paroles inspirées par une de mes VHS cultes du temps lointain où j'étais encore plein d'insouciance, et après ça ira pas mieux, mais ça ira jamais mieux ; ça sera jamais agréable de se regarder dans un miroir. C'est pour ça que j'les casse comme Henry. J'ai pas de cœur ; et si j'en avais un, il serait gris. Comme cette ruelle et quand j'y déboule, pour souligner mon caca nerveux j'ai le groove. Canival. Le groove ça a pas à être "cool" ; avec moi ça le sera jamais. C'est tout ce que j'ai pour faire passer la pilule, tout ce qui peut m'aider à recouvrir toutes ces voix dans ma tête que j'supporte plus, cette ville, cette vie, dans laquelle je suis bloqué. "Born to lose", prisonnier, une seule échappatoire. Après s'il me reste de la force, j'irai dévivanter quelqu'un. Un petit con peut-être. Parce que ouais, je supporte pas les jeunes non plus. En fait je supporte personne. Note : 5/6 Page 56/100 16 : Deep Cuts From Dark Clouds Chronique réalisée par Raven Et sous ce vil caducée pour dernier tatouage : la peau blafarde et burinée de 16, toutes les cicatrices de sa carrière, un groupe pugiliste dépressif plus que jamais axé linéaire-tout-en-bloc-compact. Aggloméré. Une musique qui se ressent au plus profond du cartilage. Le groove de 16 de retour en plus dense encore... Un groove qu'on qualifiera ici de "greyve" tant il suinte le grisâtre et le mortifiant (double-serpent + double-faux, victime) en eaux viciées par tous ses pores-bouches d'ég', traînant sa carcasse hostile dans les artères les plus étroites de la ville avec sa mauvaise humeur d'un quintal, déambulant comme un Walter Kovacs impavide au milieu des nuées de travailleuses pour aller soigner le prochain client récalcitrant. Les fluides et cafardeux échos de guitare en background, comparables aux hydrocarbures qui nacrent la surface des flaques polluées et aimantent le regard... Je sens du mobilier urbain encrassé partout dans Deep Cuts, qui fait ambiance autant que matière. Des riffs qui accrochent l'attention en réverbères, avant de muer en poteaux, only poteaux, gros poteaux. Le pas beau vertical. Faut avoir une sacrée souplesse pour être aussi rigide. Avoir une tête de chauve à bouc oui mais plissée d'chez renfrognée, une tête à fendre en deux les skateboards - même plus besoin de genou, tout est dans la présence, on en ferait des Norris facts pas drôles, avec annihilation de toute jouasserie ambiante d'un seul gros froncement de sourcil par-dessus son bol de ricine krispies. Leur album le plus insécable sans nul doute. On ne se surprend même pas à les entendre placer comme "single" leur chanson de peine de cœur façon 16, "Her little "accident", soit le traitement de l'amour préconisé par notre hurleur chauve, et celle qu'il désire qui sera rien qu'à lui, je cite : "à jamais". L'interprétation d'un personnage, uniquement, oui, rien d'une tentation vécue... on ne parle que de musiciens, ces gens-là sont comme les acteurs pas vrai, et l'ironie de très mauvais goût de l'intitulé ne résume aucunement le fond de leur caractère, non non... ce serait trop... hardcore. Vous l'aurez compris, pas leur disque le plus amène. Et puis il y a une de ces ambiances dans Deep Cuts, sordide et épaisse, maintenue le plus instinctivement, en plaçant des zones hantées entre leurs charges de riffs contondants - si vous voyez pas ce que je veux dire par "zones hantées", écoutez "Opium hook" ou "Tropic of Cancer" ("Only Photographs Remain" pour les non-intimes), final digne de ce nom sur lequel règne la plus dégueulasse des fatalités. Leur album le plus radical derrière ses airs de basse besogne et d'énième contrat rempli - en gros tout le contraire du Unsane sortie la même année. Curb stomp music, kiddos. Note : 6/6 Page 57/100 Vanderson : Vandisphere Chronique réalisée par Phaedream Les brises et les nappes sont d'éther. Elles flottent comme ces beaux mirages ambiosphériques des années Blackdance. Sauf que l'on franchit à peine la barre des 30 secondes que des séquences essoufflées voltigent d'une oreille à l'autre, tissant une structure de rythme sans ancrages qui se fait transporter par un mouvement oscillatoire de séquences aux tonalités plus basses. Les nappes volant à contre-courant, "Gujmandandi" offre son rythme embryonnaire et ses nappes harmoniques à de solides percussions/pulsations où crachent des gaz industriels. Entre du Jean Michel Jarre, pour la structure de rythme techno/cosmique, et du Schulze, pour ces enveloppantes nappes d'éther, "Gujmandandi" plonge dans un genre de techno aux saveurs Arabes. Des chants du Moyen-Orient parfument un rythme soutenu et très entraînant, alors que des arpèges stylisés dans du Jarre techno des années Chronologie forgent le premier des nombreux ver-d'oreille de “Vandisphere”. Le cou qui roule et les doigts qui tapotent des genoux cherchant constamment à faire taper leur pied, ce dernier album de Vanderson offre une collection de 7 titres tous orientés vers un modèle de Electronic Dance Music. Un bel album offert sur la plateforme de téléchargement de Vanderson où les parfums de la Berlin School et les allégories de la musique cosmique vont de pair avec des rythmes aussi fluides que verticales. "Something that Never Happened" débute par un strident concert de stridulations. Des arpèges flânent en arrière-scène et leur carillonnements sculptent une mélodie lunaire qui hantera nos oreilles bien encore après l'arrivée d'un rythme lourd et sec qui sautille comme dans un genre de Ambient House orné de belles mélodies tintées par un clavier, on dirait une enclume en verre, et sifflées par un synthé, on dirait des airs d'extra-terrestres, assez créatifs. Malgré la pugnacité des rythmes lourds, les ambiances cosmiques et les effets électroniques sont dans le ton et restent assez séduisants. C'est avec des filaments harmoniques stroboscopiques que "Around the World" amorce sa virée entre nos oreilles. Le rythme est lourd et lent. Bien ficelé par ces lignes finement saccadées, il clopine et vibre dans une approche qui est encore assez près des racines tribales du Moyen-Orient avec des chants berbères sur une structure qui allie techno et danse et où le synthé crache de belles harmonies aromatisées des saveurs de saxophone. C'est assez différent du répertoire de Vanderson et aussi très accrocheur. Les mélodies, tant rythmique qu'harmoniques, hantent longtemps après l'écoute. Le jeu des percussions est aussi assez génial ici. "Dawn on the Northpole" est un titre très danse avec des arpèges et des séquences qui s'entrechoquent et tintent dans un canevas de la World Music. En offrant ses séquences circulaires et ses vagues cosmiques à un rythme lourd et pulsatoire, "Jervis Bay" s'approche un peu de la formule de "Gujmandandi". Si l'essence tribale est absente, la structure de rythme, moins nerveuse, reste fluide et offre de beaux élans de séquences harmoniques alors que la ligne de basse tisse une approche un peu funk. "In the Forest of Eternity" est un peu dans le même genre. Ses 6 minutes offrent rythme sautillant et une ligne de séquences mélodieuse qui serpente entre les vrombissements et les bonds élastiques d'une ligne de basse lourde afin de tisser un ver-d'oreille hypnotique alors que des arpèges fredonnent une mélodie plus légère. La pièce-titre offre tous les visages de la Berlin School avec une introduction ambiante tissée dans des lignes sombres et nébuleuses. Des prismes tintent et une ombre d'un synthé fige une harmonie qui se déplace tranquillement, allumant même certaines ambiances en crescendo qui rappelleront à certains ce long déploiement si séduisant dans l'ouverture de Silver Scale par Tangerine Dream. Le rythme qui vient est sculpté par un mouvement de 5 séquences oscillatoires et par des percussions qui roulent nerveusement. Le synthé Page 58/100 crache ces harmonies puisées dans un saxophone que l'on entendait dans "Around the World". Titre le plus long dans “Vandisphere”, "Vandisphere" est un genre de miroir. Un genre de reflet sonique et rythmique des 40 autres minutes d'un album qui enracine de plus en plus cette perception que Vanderson offre une MÉ vivante et créative qui traverse facilement ses frontières sans renier les origines. C'est de la bonne EDM avec tous les ingrédients de la musique cosmique et du Berlin School. Note : 5/6 Page 59/100 Moo100ooter VS Wellenfeld : Live Munster 2015 Chronique réalisée par Phaedream La musique de Moo100ooter et de Wellenfeld se marie parfaitement bien. Si l'un, Moobooter, affectionne plus le style danse, l'autre aime injecter une dose de profondeur sombre et de Berlin School à sa musique. Et les deux ont une propension sans pareil dans l'art de créer des filets mélodiques qui trouvent toujours preneurs auprès des oreilles les plus difficiles. La table était ainsi mise pour que les deux artistes phares du label MellowJet Records unissent rythmes, atmosphères cosmiques et harmonies dans le cadre d'un concert intitulé The Dark Side au planétarium de Münster, Allemagne, le 24 Octobre 2015. Offert en format téléchargeable ou en format CD-r, la musique de ce concert tourne principalement autour des derniers albums de Moo100ooter, The Wave, et Elements de Wellenfeld. Nous avons droit aussi à une belle petite belle incursion dans les albums Pandemie et Phase V du duo Detlef Dominiczak/Andreas Braun ainsi que dans l'album Cosmoromantics de Moo100ooter. C'est avec le rythme doux de "Time" que “Moo100ooter VS Wellenfeld-Live Munster 2015” amorce sa virée musicale entre nos oreilles. La musique est sensiblement identique, excepté pour les effets électroniques et rythmiques, comme la ligne de basse et les battements pulsatoires, qui sont plus accentués autour de ce rythme délicatement bondissant. Les meilleurs moments de chaque album y sont présents dont le superbe "Welcome to the Past" de Moo100ooter, une très belle interprétation qui encadre à merveille une approche mélancolique à faire rêver le dernier des damnées, sans oublier le solide "Timeless Gravitation" et son inlassable courbe rythmique qui monte et descend dans de denses nappes orchestrales. "Looming the Doom | Spirit of Time | Phase 5" est un mix de 2 titres du répertoire de Wellenfeld, albums Pandemie et Phase V, qui entourent le soyeux Spirit of Time de l'album Cosmoromantics de Bernd Scholl. C'est sans nul doute le clou de ce spectacle qui est une très belle compilation de deux très solides albums de Electronic Dance Music et de Electronic Rock Music de 2015. Un beau cadeau de label MellowJet Records qui est aussi une très belle porte d'entrée dans l'univers de 2 artistes qui savent doser le dance et le rock dans une enveloppe somme toute assez Berliner. Note : 4/6 Page 60/100 Frederich Shuller : Quantum Principles Chronique réalisée par Phaedream J'ai de plus en plus l'impression que nous assistons tranquillement à une émergence de la MÉ, de style Berlin School et/ou psybient, en Roumanie. Un peu comme la Pologne, mais quelques 10 ans plus tard, la Terre d'Indra regorge maintenant d'artistes assez intéressants qui explorent et repoussent les limites d'un genre qui étonne constamment de par ses infinies possibilités. Frederich Shuller est un artiste Français d'origine germano-roumaine qui est aussi un bon ami de Mihail Adrian Simion, aka Alba Ecstasy, et qui est influencé par des artistes qui ont sillonnés les territoires de la MÉ progressive comme Klaus Schulze et Tangerine Dream. Inspiré et encouragé par son grand ami, Frederich Shuller signait un premier album à l'automne 2014, The Untitled Album. Fort de ce premier succès d'estime et d'une bonne réaction du public Roumain, Shuller délivre 6 albums, tous d'une durée moyenne de 40 minutes, qui ont trouvé niche sur la site de téléchargement de Kontinuum Productions. “Quantum Principles” est son dernier et révèle un suave monde de structures minimalistes construit autour de très bons mouvements de séquences aux tonalités cristallines. Les notes qui tombent et voltigent dans des vents sans sons me font tout de suite penser à de gros flocons de neige sonique. C'est avec ces charmes que "Entropy" caressera vos oreilles. Des percussions qui claquent comme des émissions de gaz carbonique soudoient la virginité des tons qui sont si limpides. D'autres percussions plus solides, comme un bon rock trempé dans de la légèreté des années 80, sculptent un rythme soutenu où s'écrasent les sons des cymbales. Des lignes de synthé volètent comme les premiers ions enneigés, approfondissant le champs des charmes de "Entropy" qui devient un véritable labyrinthe de rythmes et d'harmonies avec sa structure minimaliste qui se pare constamment de nouveaux éléments. C'est un exercice de style assez séduisant où se greffent une ligne de 7 séquences spasmodiques, des percussions sans directions et des ruisselets de séquences qui désossent leurs carcasses. Le synthé et le clavier ne sont pas en reste. Les harmonies coulent dans des tons différents alors que des solos sifflent en boucles à mesure que "Entropy" aborde ses 4 minutes. Et il y a d'autres séquences...Très séduisant, "Entropy" laisse ses empreintes et initie même la structure très nerveuse de "Obstinate Electrons" avec des ions qui sautillent en forme de saccades minimalistes sur une longue structure ornée d'une belle ligne de basse vampirique et de nappes soyeuses. Le synthé verse ses larmes alors que les percussions solidifient un rythme soutenu qui se fait mordiller par d'évanescentes lignes séquences plutôt discrètes ici. Voilà bien deux structures très séduisantes qui enveloppent le sombre voyage interstellaire sans rythmes, mais avec beaucoup d'ambiances, de "Plasma". Si le plasma aurait un son, ça donnerait possiblement ça. "Pulsating Ions" se gave un peu de ces ambiances mais propose un rythme sourd avec une horde de pulsations et percussions qui tissent une structure de rythme ambiante et désordonnée. Des filets de séquences bourrées de tonalités organiques viennent et partent, comme des abeilles amorphes qui tentent de soutire le suc d'une fleur géante. Ça donne l'effet d'un genre de Dub ambiant où tambourinent séquences, pulsations et percussions dans un cosmos rempli de gros vers qui viennent petit à petit gruger sa structure. Une MÉ minimaliste où chaque détour s'enrichit d'éléments nouveaux aussi séduisants qu'inattendus, “Quantum Principles” est un petit plaisir qui trouve toute sa noblesse les oreilles bien enveloppées dans un bon casque d'écoute. La richesse du son et la complexité des entre maillages des structures de rythmes, ou Page 61/100 des couches d'ambiances, suscitent constamment la curiosité des oreilles qui sont à la recherche d'un esthétisme sonore, les couleurs des séquences sont absolument jouissives ici, et d'une complexité qui s'apprivoise somme toute assez facilement. Un bel album qui mérite que l'on explore un peu plus l'univers de Frederich Shuller. Note : 4/6 Page 62/100 TANGERINE DREAM : Quantum Key Chronique réalisée par Phaedream Les Quantum Years était la prochaine étape souhaitée par Edgar Froese de sa longue aventure avec le vaisseau sonique de Tangerine Dream. Fini la Eastgate Years! Fini les tam-tams d'Iris Camaa et les saxophones mélancoliques de Linda Spa. Voici cette nouvelle génération où s'ajoute Ulrich Schnauss et où le son de Tangerine Dream retrouve un genre de jouvence avec une approche qu'Edgar veut simplifier avec une pléiade d'instruments électroniques tant analogue que numérique, sauf pour les violons et violoncelles de Hoshiko Yamane qui sont autant électriques qu'acoustiques. Sauf qu'Edgar ne pourra voir, de cette planète à tout le moins, l'évolution de son bébé qu'il a conçu et éduqué contre vents et marées depuis Electronic Meditation en 1970. Premier opus de cette nouvelle lignée, “Quantum Key” était un avant-goût (ce l'est toujours) de ce qui était planifié, soit l'album Quantum Gate. Offert en format E.P. (CupDisc?) de 33 minutes “Quantum Key” présente 3 compositions cosignées par Edgar Froese. Le duo Quaeschning/ Schnauss s'est inspiré des derniers travaux, des dernières notes du renard argenté afin d'offrir un mini album d'une grande qualité qui laissait (laisse toujours?) entrevoir et entendre un Tangerine Dream qui unissait (unit encore?) les ponts entre ses années Virgin, ses années Melrose et ses dernières années Eastgate. Et c'est cette impression qui nous obsède dès les premières mesures de "Genesis of Precious Thoughts". Les séquences sont lourdes et oscillent vivement comme un troupeau qui dévale une plaine pleine de dunes symétriques. Comme dans Phaedra! Avant d'arriver là, le titre traverse une introduction maculée de tonalités et d'effets électroniques qui se tordent sous une horde de piétinements métalliques. Un mouvement de séquences lourd et vampirique dévoile alors ces charmes qui rappellent tant Phaedra. Des explosions dramatiques et des riffs en suspension ornent le firmament sonique alors des percussions de bois finissent par courir sur un long riff et son effet de réverbération. Les pulsations qui se greffent structurent un genre de gros rock électronique qui fracasse son élan sur les larmes d'un violoncelle hyper larmoyant. Des notes de piano pensives ajoutent plus de mélancolie au versant méditatif de "Genesis of Precious Thoughts" qui finalement se sauve avec une structure de rythme endiablée, brodée sur deux approches conflictuelles, où les cordes de Hoshiko Yamane remplacent le saxophone de Linda Spa et au final, les synthés et leurs solos. Si "Genesis of Precious Thoughts" est un teaser de Quantum Gate, l'aventure s'annonce alors très prometteuse car la musique est fortement imbibée de cette approche théâtrale si chère à Thorsten Quaeschning. Et c'est encore plus vrai dans "Drowning in Universes"; un superbe titre très intense en ambiances avec une structure sombre et lourde où circule le squelette d'un gros anaconda qui décortique ses ions dans de lentes spirales rotatoires. Les synthés et les six-cordes tissent des nuages de mélodies obsédantes qui longent des murs cosmiques, comme des spectres à la recherche d'âmes chaleureuses. En ce qui me concerne, c'est un solide titre où le cosmos et ses étoiles vont de pair avec les ténèbres et ses ombres de terreur nocturne. Même si le mouvement des séquences peut rappeler les ordres rythmiques des années Miramar et Eastgate, "Electron Bonfire" sonne comme un vent de fraîcheur dans ce nouvel environnement artistique de Tangerine Dream. La première partie offre une structure de rythme ambiant qui tambourine pourtant violement des multiples ruades en séries des nerveuses lignes de séquences. Des rêves d'une guitare absente et des lignes de brume électrique se chamaillent la portion d'harmonies fantômes alors que les séquences scintillent toujours avec l'ardeur d'un troupeau d'ions affamés pour des battements soutenus. C'est une sorte de pagaille qui s'éclaircit vers la mi-temps avec un bon Page 63/100 é-rock nerveux. De bonnes percussions lourdes et des suites de séquences hypernerveuses roulent à fond de train sur ces discrètes harmonies fantômes qu'un synthé efface avec une étonnante, pour l'univers de Tangerine Dream, approche mélodieuse qui fond ses airs avec ces cordes, parfois omniprésentes, dont les larmes oblongues séparent bien l'électronique de l'acoustique. "Mirage of Reality" est une composition de Thorsten Quaeschning et Ulrich Schnauss. Et ma foi, ça sonne comme du vrai bon TD! La structure est évolutive. Lorsqu'on l'a saisie elle change de forme dans une approche toujours sombre où les effets et les orchestrations inondent une structure de rythme passif. Il y a des séquences qui dansent seules, rappelant ces mouvements agiles de Chris Franke dans les années Virgin. Elles annoncent un changement d'orientation avec des effets dramatiques qui nourrissent le suspense et qui amènent "Mirage of Reality" vers une finale hyper chargée en sons. Une finale lourde où la signature de la Sonic Poem Series rôde parmi ces structures lentes et riches en tonalités de Ulrich Schnauss. Oui, ça regarde définitivement bien. Mais je continue de croire que le Dream ne peut survivre à Edgar. Sauf que je vais laisser une chance à ce Quantum Years. Note : 4/6 Page 64/100 Wino : Adrift Chronique réalisée par Rastignac Je vais me répéter, mais je suis réconforté à chaque fois que j’écoute Wino sur un disque. Ce gars a un jeu de guitare et une voix provoquant trips psychédéliques et headbangueurs, ses obsessions, ses besoins de liberté dans le cadre de règles définies par lui-même malgré une carrière chaotique à l’ombre du succès et de la gloire matérielle ne pouvant faire émerger chez moi autre chose que de la sympathie. Alors je suis par ci par là ses sorties, dont ce disque presque totalement acoustique. Je ne dirais pas que ceci est un album de folk, ou alors dans le sous-genre plus "acide" car les amateurs de The Obsessed ou Spirit Caravan retrouveront des plans de guitares bien stoner / doom / heavy metal winoïen qui font que ce disque serait plutôt une traduction de la musique de Wino sans trop trop d’amplification ou de saturation, sans basse ni batterie, avec juste sa voix et sa guitare sur scène… et ça passe bien parce que, à l’instar d’un Kurt Cobain tout dépouillé des pédales d’effet sur le plateau du « MTV Unplugged » on trouve dans cette exposition toute nue de sa musique le talent d’un compositeur de chansons qui tuent ! Il n’y a en fait pas grand chose à jeter ici, l’ambiance est très intimiste, le livret n’étant pas avare en commentaires de chaque texte et morceaux, certains instrumentaux étant bien ancrés dans la tradition de rock à guitare pour faire rêver avec ou sans substances - enfin, chacun peut avoir ses "out of body experiences" comme il le souhaite, héhé... Les thématiques abordées dans "Adrift" ne vont pas déroger aux règles habituelles : révolte contre la société décrite comme un monstre cannibale, rage contre les traitres, contre les mauvaises rencontres mais aussi déclarations d’amour au rock and roll, celui de Savoy Brown ou comme sur ce morceau écrit à l’âge de seize ans où l’auteur envoie chier famille et médecins pour faire tout simplement ce qu’il a envie de faire, comme aussi sur cette jolie dédicace au « D-Bear » Scott Kelly, notre Wino sachant rendre souvent hommage à ses pairs inspirants mais aussi aux Grands Maitres comme Lemmy… peu de gens peuvent reprendre « Iron Horse » à la guitare en bois sans passer pour un couillon quand même… voilà donc un bien bel objet, gris mais finalement très énergisant, gavé d'épreuves mystiques bien décrites, pouvant faire office d’utile pense-bête pour temps obscurs. Note : 4/6 Page 65/100 QUEENS OF THE STONE AGE : You Can't Put Your Arms Around a Memory Chronique réalisée par Rastignac Allez, je continue ma ballade au pays joyeux des tatoués qui se mettent à l’acoustique avec ce bootleg de Queens of the Stone Age, capté en 2002 en Suisse, lors de ce qu’on peut appeler le début du gros carton pour le groupe qui a fraichement sorti son « Songs for the Deaf ». Vous aurez donc le line-up de l’époque dans les esgourdes, Oliveri, Homme, avec apparitions de Mark Lanegan, pas de batterie ici, juste des guitares pas très saturées et une interprétation impec’ de leurs tubes de l’époque. La voix de Homme couvre un joli spectre, celle d’Oliveri est très chaude et grasse et à les entendre on peut regretter leur complémentarité maintenant enterrée sous les déluges de chansons et de concerts sans le célèbre bassiste chauve et un tantinet exhibitionniste. En plus de ces tubes sortis de l’usine « Songs for the Deaf » nous aurons droit à de jolies reprises, « Bloody Hammer » de Roky Erickson par le Nick et sa voie très bluesy, grande gorge, la très grande chanson de Johnny Thunders « You Can’t Put Your Arms Around a Memory » et « On Jesus Program » par Mark Lanegan, reprise d’un gospel composé par O.V. Wright dans les années 60 et déjà reprise par… Mark Lanegan sur son album « I’ll Take Care of You »… et c’est pas peu dire que le Mark a lui aussi une voix hors du commun, toute repassée de fumée, au bord de la rupture, profonde et grave. Ce trio Homme-Oliveri-Lanegan donne donc ici, à poil, devant un public d’happy few une performance vocale remarquable malgré une gargouillis assez rigolo sur « First It Giveth » par le Josh, les guitares restant seulement des accompagnements à des gars s’égosillant du fond de l’enfer tamisé de ce qu’on imagine être un endroit feutré à Berne - concert secret, grandes gueules, et donc un cliché du passé d’un groupe qui a aujourd’hui muté en compagnie d’autres personnes relayant la compagnie sur le rafiot de Josh Homme. Hautement recommandable pour les fans des trois gars, de leur voix, leur présence réunie sous le ciel étoilé helvétique étant un témoignage de plus de leur talent bluffant. Évidemment quelques bémols sont à noter sinon ça ne serait pas marrant : ce bootleg zappe en effet toute une partie du concert si on lit bien les setlists sur le web, dont trois morceaux de Mondo Generator, un autre issu des Desert Sessions et une version espagnole (!) de « Gonna Leave You »… bon, c’est pas grave, car juste écouter ce gospel de Lanegan a cappella, ça vaut son pesant de Toblerone. Note : 5/6 Page 66/100 David Bowie (David) : Baal Chronique réalisée par Nicko Et voilà, il fallait bien que ça arrive un jour. Au moins, là, on en est sûr, nous ne sommes pas immortels. Personne ! Ça peut paraître con à dire comme ça, mais y'en a certains qui prenaient un malin plaisir à jouer avec la nature et, l'espace d'un instant, on pouvait se poser cette question futile. Et puis là, en 2 semaines, le monde du rock a perdu Lemmy Kilmister, de Motörhead, et David Bowie, deux icônes anglaises qui semblaient justement défier le temps. Seulement la faucheuse est impitoyable et personne ne passera au travers, même les meilleurs. Et ici, pour le coup, David Bowie, c'est particulièrement difficile à encaisser pour votre serviteur. Inutile d'énumérer tous les liens avec l'artiste anglais, une chronique ne suffirait pas et de toute manière, quand vous voyez la quantité de ses disques dont je vous ai parlé jusqu'à présent, vous pouvez comprendre aisément que Bowie est une influence majeure dans ma vie. Aujourd'hui, je vais vous parler d'un disque de sa discographie assez particulier, datant de 1982. A cette époque, Bowie est très attiré par le théâtre. Après une performance remarquée à Broadway pour la pièce tirée d'"Elephant Man", il participe à l'adaptation télévisée d'une pièce de Bertold Brecht, "Baal". Pour l'occasion, il enregistre les 5 morceaux musicaux issus de cette pièce. Au programme, on a 5 petites pièces musicales, pour une durée d'à peine plus de 10 minutes, où la voix de Bowie est au cœur de la musique. Les instruments ne sont là que pour accompagner le chant de Bowie. Si on doit faire une petite comparaison, je dirais que ça ressemble aux reprises que Bowie a fait de Jacques Brel, "My death" ou "Amsterdam". Le premier morceau est pour moi le meilleur, "Baal's hymn", une sorte de marche avec un Bowie très directif. La structure du titre est certes un peu répétitive, mais l'ambiance très champêtre est sympa et la montée en puissance, totalement gérée par Bowie, est très réussie, tout à fait dans le style de Brel. Les morceaux suivants reprennent grosso-modo la même trame que ce "Baal's hymn". L'atmosphère est proche. On reconnait bien ce genre de chansons qu'on entend parfois dans les pièces de théâtre, à savoir imagées, douces et posées. Ces titres restent cependant moins forts et intenses que l'hymne d'ouverture. Les morceaux sont aussi moins bien écrits. On peut cependant admirer le talent d'interprète de Bowie qui ne fait pas simplement que chanter, mais on le sent totalement imprégné de son rôle, notamment sur "Ballad of the adventurers" et "The drowned girl". Le dernier titre, très court, à peine plus de 30 secondes, se démarque des autres par une ambiance plus légère et joyeuse où Bowie chante comme s'il interprétait une chanson paillarde (dans la pièce, Baal, interprété par Bowie, se moque à ce moment là de son amoureuse), une belle réussite. Au final, on a une nouvelle curiosité dans la discographie de Bowie, qui montre, une fois de plus, à quel point il était un artiste total et complet, dont le spectre allait bien au-delà de la musique et qui vivait son art comme il respirait. Cet EP n'a jamais été réédité en tant que tel, il a juste été disponible par la suite en téléchargement. Seuls quelques morceaux de cet EP ont été réédité via des compilations plus ou moins intéressantes, donc il s'agit ici d'un véritable objet de collection avec exclusivement des titres rares et dans un style très éloigné de ce que Bowie fait sur album. Une curiosité à nouveau de qualité, à des années lumières d'un disque comme "Let's dance", qui sortira pourtant un an plus tard ! Note : 4/6 Page 67/100 Mütiilation : Rattenkönig Chronique réalisée par Rastignac Mütiilation, un groupe qui devait rester à couvert, et qui a ramené de la lumière sur lui malgré toute la partie de cache-cache effectuée avec son public et le monde. Là je m’écoute le « roi des rats », et c’est bien trouvé comme titre finalement, parce que c’est quoi ce « rattenkönig » illustré sur la pochette ? Une légende urbaine, un élément de folklore, quelque chose dont on ne sait pas grand chose, un peu comme Mütiilation quoi - mais en gros c’est un paquet de rats morts dont les queues sont enchevêtrées, donc c’est sale, c’est étrange, mort et un peu moche, un peu comme Mütiilation quoi ! Et que cet album est sale et moche, mais en même temps que cet album est glauque et morbide, et donne envie de s’oublier affalé sur un sofa à se vider l’esprit de tout ce qui pourrait encombrer la volonté de Satan de nous amener à tout foutre en l’air… Voilà, le propos est toujours le même, dépression niveau 4, alerte suicide, grands monologues étranglés de l’auteur accompagnés de longues plages de guitares saturées et de blasts synthétiques, la voix étant au centre de tout cela, toute déglinguée, au bord de l'asphyxie, comme si les amygdales se retrouvaient coincées dans le nez lui même obturé par des caillots de sang séché, quelques effets de temps en temps dessus, et on écoute avec plaisir les gargouillis et grognements mi hurlés si particuliers de Meyhna'ch qui s’occupe de tout, les instruments, l’enregistrement, l’illustration… c’est bien sûr mieux enregistré et mieux joué que sur les vieilles démos mégacultes, c’est un peu plus en phase avec le monde finalement, mais cet album reste quand même un bon exemple de musique négative, hypnotique et vraiment pas amène, idéal donc pour ne plus en avoir rien à branler de tout, une boutanche à la main, et puis même, la flemme de la boire, on regarde d’un œil mauvais le paysage d’hiver qui s’étend au loin derrière la fenêtre de la seule pièce habitée du château. Eeeuuagghh... Note : 4/6 Page 68/100 The Long Losts : Scary songs to play in the dark Chronique réalisée par Twilight Qui n’a pas rêvé d’avoir une sorcière pour mémé ou un pote vampirou ? Qui n’aurait été fier comme Artaban de se présenter en soirée au bras de Lily Munster ou Morticia Adams ou de compter Harry Potter parmi ses camarades de classe ? Avec eux, on réalise à quel point ça peut être drôle de transformer un cercueil en caisse à savon, marrant de lancer un sort à la chipie d’ à côté qui tirait les cheveux à soeurette ou simplement de voir la gueule des passants lorsqu’on promène son bébé loup-garou au parc. Un délicieux frisson qui nous fait nous sentir bien dans une société bourrée de préjugés et d’intolérance. Eux, ce sont les symboles d’une certaine liberté d’action, des personnalités qui assument leurs différences et vivent, aiment, rient, se fâchent comme tout le monde, n’en déplaise aux grenouilles de bénitiers. La musique des Long Losts, c’est un peu cela, une obscurité sympathique, sensuelle, qui fascine et rassure comme la main de grand-maman quand elle vous caressait le front quand vous étiez malade. Mêlant influences garage, petits orgues de film d’épouvante, touches deathrock, le duo rend hommage au cinéma d’horreur, celui en noir blanc où régnaient Boris Karloff, Bela Lugosi (‘If only Boris Karloff was my dad’, ‘I love him for his horror movies’, ‘They only comme out at night’)…Sans oublier un gros clin d’oeil aux Munsters (le magnifique ‘To be like Lily’) et aux cauchemars d'enfance. Facile d’imaginer Anka en Vampira moderne avec sa voix légèrement lointaine, comme la narratrice qui nous raconterait en musique des contes à frissonner autour d’un feu la nuit d’Halloween ou sur une plage tandis que nous grillerions des guimauves beaucoup trop sucrées. Et ça fonctionne, le groupe sait ménager ses effets par des moments dépouillés mettant le chant en avant, des attaques plus musclées de guitare, des samples de films ajoutant une pincée d’humour noir délicieuse, des choeurs masculins judicieusement placés ('Those who hear it') et surtout des mélodies efficaces sur des tempi jamais trop rapides ni trop lents. L’accroche est assez immédiate pour capter d’emblée tout en conservant suffisamment de mystère pour donner envie d’y revenir. S’écouter ‘Scary songs to play in the dark’, c’est comme lire des comics interdits sous les draps à la lampe de poche l’oreille aux aguets, retourner en douce dans le placard pour y chaparder une poignée de bo100ons à la réglisse en sachant clairement que si on se fait pincer, la punition sera à la hauteur…On sent la production ‘maison’ dans tout ce que ce terme a de noble, avec beaucoup de sincérité, de conviction et de soin. Pour achever ce tableau, j’ajouterai que The Long Losts est ce genre de groupe qui t’envoie une ravissante carte écrite (fort joliment) à la main pour te remercier d’avoir acheté le disque (pour moi ça compte aussi). ‘Scary songs to play in the dark’ ? Dieu qu’il est bon de se faire peur ! 4,5/6 Note : 4/6 Page 69/100 TIAMAT : The Astral Sleep Chronique réalisée par Rastignac Voilà maintenant bel et bien Tiamat, et non plus « Tiamat ex-Treblinka ». Plus de changement de nom en cours de route mais un vrai plan social dans la bande puisqu’il ne reste plus que Jörgen Thullberg dans la troupe suivant un Johan Edlund pleinement patron : arrivée donc de Thomas Petersson qui va suivre pendant longtemps Tiamat à la guitare et de Niklas Ekstrand qui lui ne va pas aller plus loin que l’enregistrement de « Clouds ». Déjà, ce qui saute aux oreilles c’est le saut vertigineux de qualité à l'écoute de cet album. OK, il y a un nouveau guitariste et un nouveau batteur mais la composition est également bien plus travaillée… quant à l’interprétation, eh bien adieu solos approximatifs, faux raccords, voix sous-patate qui part en vrille : Tiamat sort avec « The Astral Sleep » son premier véritable album bien ficelé, bien pro, composé avec minutie et peut-être plus de patience… et puis le ralentissement du tempo est saisissant également sur beaucoup de titres, à l’exception notable des I Am the King (...of Dreams) - A Winter Shadow suivant le superbe et doomy-goth "Angels Far Beyond", jolis morceaux de black / death à la… Treblinka / Tiamat période Sumerian Cry (cf. aussi le morceau éponyme IIIe du nom). Cette enfilade de noirceur est parfois ponctuée de guitare flamenca ou de flutiaux Casio, à l’image de l’intro et de la conclusion faisant dans la malédiction du temple des disciples de la désolation, mais aussi de déclamations edlundiennes sous la lune comme sur le "spoken word", enfin sur la lamentation-incantation "The Southernmost Voyage". On s’éloigne donc du death estampillé « Stockholm / Sunlight » pour se rapprocher plutôt d’un doom / death / black rêche, bien ténébreux et grave, voire même d’une musique qu’on pourrait qualifier de metal gothique à la Paradise Lost deuxième pression. La voix d’Edlund est un peu plus grasse mais toujours aussi necro with reverb et on peut également entendre les prémices de quelques mélodies dans ses lignes de chant, et en tout cas, même si elle ne balance pas des growls de trente secondes ou des montées à la Freddy Mercury sait être malsaine et surtout se mesurer aux capacités du gars, en pleine croissance d’ailleurs, mais sans vouloir trop en faire et sonner amateur comme ce fut le cas parfois chez Treblinka et le premier Tiamat. Ajoutons à cela une bonne utilisation des claviers type « maison hantée » ne tombant vraiment pas comme un os dans la soupe à sorcière et vous aurez droit à un très bon album de musicien qui pleure des larmes de plomb devant le charnier de l'armée des derniers héros sombres, hanté par le côté satan occulte de la force noire, le côté rageur étant toujours là, dans le chant d’Edlund toujours metal noir haineux, dans ces solos et gros riffs désespérés, le tout étant néanmoins imbibé d’une douleur mélancolique semblable à celle qui arrive quand on vient de se prendre un gros coup dans le ventre - il y a une certaine tristesse qui se dégage quand on se retrouve genou à terre, et ensuite les réactions peuvent être variées : ici Edlund relève la tête, serre les dents et plisse des yeux en levant le poing et balançant une triple malédiction sur ses ennemis, y a des démons pourpres qui sortent de son anneau maléfique porté à l'annulaire. L’orage arrive, et sortent de terre des guerriers zombies prêts à l’attaque, pentacles tatoués sur le front, flammes violettes dans les orbites ! En quelque sorte. Voilà donc un très bon album bien hybride, surclassant complètement "Sumerian Cry", plein de bonnes idées, très bien écrit et joué, créant un style particulier assez dur à retrouver ailleurs, oscillant entre doom / death occulte, black metal from ze crypt et metal gothique pas encore dégoulinant de pathos... en fait, si la synesthésie vous parle, imaginez que ce disque sent encore bien plus le cuir tanné que le miel de fleurs, et vous aurez un bon aperçu ! Page 70/100 Note : 5/6 Page 71/100 BEHEMOTH : The Satanist Chronique réalisée par Wotzenknecht Chroniquer The Satanist n'est pas à première vue dans mon domaine de compétences. Pourtant, l'idée n'est pas totalement contre-emploi, et ce pour plusieurs raisons. D'une, le silence de notre confrère Sheer-Khan nous prive d'une des plumes les plus inspirées, même s'il se définit humblement lui-même comme simple scribe. De deux, comme disait un type sympathique qui nous a récemment quittés, il y a les musiques qu'on aime et celles qu'on aime pas. Et là, j'aime. Enfin, comme d'autres l'ont fait remarquer, Behemoth fédère bien au-delà du milieu métal extrême, voire du métal tout court. Pour reprendre une formule lue au détour d'un commentaire, Behemoth en arrive à faire du death pour ceux qui n'en écoutent pas. Or il s'avère que je suis de ceux-là. Pas de t-shirt Cannibal Corpse ni de boitiers Morbid Angel tout crevés à signaler dans ma chambre d'ado, ni de compiles Hard'n'Heavy trainant au milieu de chaussettes et de sous-vêtements souillés par les mystères de l'âge ingrat. Je m'évadais sur d'autres sons, et ma connaissance du milieu s'arrêtait à Cruelty And The Beast ainsi qu'aux fringues pleines de crânes et de profanités qui protégeaient la virginité de mon meilleur pote guitariste. Après de nombreuses années infructueuses dans le domaine, n'accrochant finalement qu'aux groupes de métal touchant ”ceux qui n'en écoutent pas”, genre Tool, Isis, Neurosis, My Dying Bride, etc., The Satanist m'apparait enfin comme un déclic. J'ai écouté ce disque un nombre incalculable de fois depuis deux ans, et, miracle, il m'a soudainement permis de rentrer dans le métal extrême par une voie classieuse, enchaînant comme par enchantement avec la fureur de Melechesh, le mordant de Satyricon, la bile de Morbid Angel, pour ne citer qu'eux. Celle longue introduction est là pour tenter de saisir ce que peut être cet album pour le nouveau-venu, et si un chroniqueur purement métal souhaite y ajouter son point de vue, l'expérience n'en sera que plus enrichissante. Tous ou presque sont au courant des soucis de santé qui ont affligé Nergal au début de la décennie, qu'il ne sera pas nécessaire de ressasser une fois de plus – toujours est-il que cet album est sorti après un long hiatus, et la différence stylistique se fait sentir. The Apostasy contenait déjà son lot d'atmosphères bien plus nuancées que sur le bourrin Demigod, notamment sur 'At The Left Hand Ov God', un grand titre qui revient souvent en live. Thématiquement, The Satanist n'apporte que peu de nouveautés : encore une autre exploration de la ”voie de la main gauche” après l'apostolat (2007), la divinisation de soi (2004), le Zos Kia (2002), le Thelema (2000). Encore une excuse pour bourriner et gueuler Satan à tous vents? Pas si vite. On accroche vite aux intrigants visuels signés Denis Forkas Kostromitin (voyez l'édition vinyle et son booklet !), un artiste dont la recherche personnelle est entièrement dévouée à l'exploration spirituelle par l'art. On est déjà un cran au dessus d'un énième caprin avec un pentagramme photoshoppé sur le front. Si la musique paraît plus souple que sur Demigod, c'est parce qu'elle est investie. De l'aveu de Nergal lui-même, tout s'est passé très vite, mus par une implacable volonté, et eux-même s'étonnent de la saveur toute particulière de l'album. Plus qu'un album de death blackisant, c'est un album de black avec des touches death quand il le faut. Mais surtout, The Satanist c'est d'abord une ambiance, certes dramatique, certes cinématographique, mais dont la cohérence est au cœur de cette réussite. 'Blow Your Trumpet Gabriel', s'il ne tient pas forcément la route comme titre pris à part, ouvre magistralement l'album qui clôturera plus loin avec l'immense 'O Father O Satan O Sun'. Encore plus que sur The Apostasy, les éléments hors métal viennent souligner ce qui en aurait besoin ; cuivres et trompettes s'invitent à la fin de certains morceaux ; d'autres prennent même le risque du spoken-word entre deux explosions ('In The Absence Ov Light'). Ceux qui veulent encore s'en prendre plein la Page 72/100 gueule auront plaisir à souffrir les fessées de 'Furor Divinus' et 'Amen'. La voix même si toujours ”tough guy” est moins surmixée qu'auparavant et même si les guitares sont parfois un peu confuses le son est globalement plaisant, surtout pour la batterie ici fonctionnant ici comme véritable arme de guerre. Sur les plans mid-tempo, comme sur le titre éponyme, la noirceur des thèmes se révèlent au plus juste, et ils arrivent formuler des mélodies à la fois catchy, mémorables et pourtant bien noires de suie (qui a dit Now, Diabolical ?). Inversement, je ne sais que penser des soli heavy qui tombent ici et là, notamment sur 'Messe Noire' et 'Ben Sahar' – peut-être une des clefs manquantes ; mais notez que je ne les comprends pas non plus chez Morbid Angel, donc prenez cet avis avec des pincettes. Les choses deviennent sérieuses sur les deux derniers titres, l'un très nerveux et tout en ruptures, un cran au dessus de tout le reste au niveau de la tension interne et des jeux de vitesse – quel final ! Et en parlant de final, Behemoth prend une nouvelle fois des risques sur le coda apocalyptique à plusieurs voix – sur fond de chorale, Nergal scande son hymne solaire d'abord par hurlements puis finalement avec une voix claire. Cette dimension humaine, dans toute son imperfection qui faisait tant défaut au compact et formaté Demigod, pourrait être la clef dont il est question ici. On n'est moins en face d'une force chthonienne qui nous écrase, que marchant pas à pas avec la nature humaine en guerre contre celle-ci. C'est une guerre personnelle que tout un chacun peut saisir, quelle qu'en soit la forme, fût-elle métal extrême, métal tout court, musique tout court. Note : 5/6 Page 73/100 TIAMAT : Clouds Chronique réalisée par Raven Tiamat... noir artichaut occulte... Clouds... cœur prisonnier des ronces, grognement d'esclave embourbé dans les nuages... Son Sommeil Astral le révélait déjà : s'il est paradoxalement sur Clouds encore bien sur Terre, entité métalleuse empotée et sinistre qui a passé son enfance dans un donjon plein de camarades belliqueux à écouter des groupes de méchants par désir mimétique, Tiamat sait désormais qu'il n'est pas de ce monde guerrier, avec ses thématiques du rêve et du voyage, sa noirceur tirant de plus en plus vers les couleurs... et il sait du plus profond du chou qu'il peut s'affirmer en faisant autre chose... Rêver d'aimer, depuis son tombeau, donner son amour depuis cette terre de riffs et ce foin de percussions autour de lui - car comme l'a dit un fameux agriculteur, "aimer est plus fort que d'être aimé"... Mon gros Titi lutte donc pour atteindre l'horizon de cet amour de miel, prêt à s'émanciper du désuet pentagramme... et Clouds est ce jardin rocailleux entre deux mondes, qui regorge de morceaux-coloquintes goûteux à souhait. Ici on ne saurait dire qui domine entre natron et nutella, momie et mimosa, Dracula ou Abdullah : sur Clouds on s'assèche le gosier pour gagner le cœur de la femme-fontaine, on grognougne des incantations pataudes, on sucre candi grave... Tiamat signe peut-être son album le plus mutant - l'un des plus courageux face au challenge du ridicule et du grotesque transcendés, sûrement pas le moins envoûtant à vrai dire. Moult parfums, moult sucs dans ces beaux nuages bouffis. Même si je préfère Wildhoney - évidemment - même si je sais que Tiamat est encore un peu entravé dans ses références heavy-thrash-death-black, il est évident que Clouds bénéficie d'une masse encore plus parfaitement équilibrée pour exprimer son hybris. Une masse laide et magique, ou les proportions parfaites d'un vrai bon couscous, pour un album qui pèse sur l'estomac des oreilles tout en vous embaumant la pièce à vivre d'un fumet de fatalité romantique. Plutôt mosaïque mais homogène. D'emblée de jeu l'intro acoustique académique (école Master of Puppets) a déjà un je-ne-sais-quoi de différent en sous-couche... et ne tarde guère passé le martèlement : ça beugle, ça riffe mélodico-poussif, doom en fleurs dignes d'un logo de pchit-pchit pour chiotte... c'est moche et beau en même temps, c'est très confit. Les sphinxters se relâchent, Tiamat pond son gros rêve, son refrain de baron déchu, ses mélodies Louxor-discount magnétiques... Le caveau de Tiamat est ouvert... Les seths de table et les couverts en os de lutins sont mis pour taper le gueuleton avec un classique, un vrai : c'est à dire un album suffisamment atypique pour en être un. Clouds est en effet un des albums de metal étranges de cette période, mutants, encore aujourd'hui il garde ce quelque chose de kitsch-ténébreux assez unique en son genre, sur lequel la pochette - bouleversante - livre déjà quelques clés. Quelque part entre le viking et la folle, Tiamat pateauge avec appétit dans sa mixture caramélisée... et même si la vraie démesure floydienne ne viendra qu'après, il y a déjà largement de quoi faire ici en terme d'onirisme métalleux. Pour ceux qui craignent le trop plein de claviers, il n'y en a pas de trop ici, la juste mesure, l'épice. Les passages exotiques sont de même : rares mais notables, ils sont ravissants, parfaitement fondus dans la musique. L'inspiration baudelairienne d'Edlund n'a aucun mal à investir ce corps épais, qui en a marre des ragnagnas sataniques dans la neige et a envie de jouer du metal d'alcôves, plus propre peut-être mais surtout plus personnel. Edlund passe bonne part du disque à chanter avec une voix d'assoiffé rentré du désert comme sur "Clouds", mais il se cherche encore, et il ose un peu tout... Ses "WOOOOAAAAAH" sur "Forever burning flames" par exemple, peuvent rivaliser avec les plus réjouissants beuglements de Lee Dorrian (!) - son anglais est porté par un accent plus qu'approximatif mais fier (cf. "The Sleeping Beauty"), et ses musiciens pas encore Page 74/100 émancipés de leurs maîtres font dans le métal élastique à riffs abattus et solos totalement gratuits qui déboulent sans prévenir (presque aussi bien que chez Obituary). Cloudsgirofle est caverneux, difforme, enroué, farouche, torturé, car une lutte délicieuse entre l'envie de jouer une musique "extrême" et celle de ne plus la jouer direction les ruches sauvages... Le metal de Tiamat a trouvé sa voie, et son romantisme goudronneux atteint son point de fusion sur ce "Undressed" magnifiquement chantourné, tatoué d'une mignonne hispanisterie, avec des hooligans des catacombes en appui comme chez Type O ; un final pas dégueulasse du tout pour se préparer à Wildhoney, entre ravissement et débilité... car Clouds rend en effet toutes les lettres de noblesse qu'il n'a jamais eues au terme "débile", le sertissant de bijoux somptueux, l'embrassant avec passion. Débile idylle. Note : 5/6 Page 75/100 Le Death to Mankind : Le Death to Mankind Chronique réalisée par Dioneo "kéta méééé… Kéta me muuucho". Ou "Goba-goba hey ! C’est l’heure du GéHashBé". Ou simplement "Quelques dizaines de pichets feront bien l’affaire ; par tête de bêche à chaque décollation… La voilà la collation, roborative largement saupoudrée trioxydes et thalium"… Trêve d’obscures délires : Le Death to Mankind déglingue bien assez tout seul ! Afin de vous rendre semblable à sa marche déjetée, désaliénée, foldingue. Une sorte de bouillabaisse à pogo. On fout tout dedans, la tête, les entrailles, les semences… Enfin, je dis pogo… C’est souvent plus spasmodique. Le trio passager – avant ce disque, puis ensuite, habituellement duo – pratique l’assemblage à la brutale, mais travaille le détail. Complique. Tout est fondu, là-dedans – cris de chromosome surnuméraire, saillie de wesh-mademoiselle détraquée ("Hey Bitches ! Want to try me ?! I’m free ! I’m fucking free"…) ; babil d’Anime flingué à coup d’on ne sait quels dissolvants, acryliques ; les bouts de messe giallo couverts à l’industrielle, vernis fluo pour coque de pétrolier, de porte-avion ; ces espèces de riffs difformes, éclatés, cognés ; la panique, l’hystérie ; les synthés qui dérapent, s’emballent, sapent et désapent, se jettent en grind du haut de la falaise ; fais la bombe, allez, toi aussi ; ça va éclabousser, on collectera les cartilages pour faire des sculptures ; ou des visières de casquettes… Faut être pragmatique ! Et même Pierrot Boulez, qui n’avait à cette heure pas encore calanché… (Et qui ne l’a sûrement pas su mais qui en l’espèce se serait sûrement récrié qu’allions-nous-faire… Bon). Ils nous disent quelque part qu’il s’agit d’aller puiser, pomper dans nos basses fosses, dégoût, détestations, ras-le-cul, colères mal mâchées, haine de toute notre espèce ; les saloperies organiques, le goût qu'on se prend de s'y vautrer ; et d’en faire de la fête, du feu de joie, d’en foutre une espèce d'art et d'amusement… Et savez vous ? Ce n’est de fait pas une blague ! Et ce disque tout en fractures, en gros paquets de boucans torturés, en éreintements et renversement qui vous fauchent dans la seconde toute velléité d’apparent rationnel, n’est rien de moins qu’un formidable ouvrage. Bien plus sauvage et encoignant qu’un bête défouloir. Beaucoup plus drôle, dans son pris-au-jeu, que le pastiche bricolé qu’il aurait pu être, à coudre ainsi à la ficelle des quartiers de tout, débités-équarris. Bien plus passionnant, prenant, que les sérieuses leçons de violence et d’indigné, core en avant et six-pieds-de-long… Ça frappe nos sensibilités – là non-plus, je ne charrie pas. "Ouais, je commence à m’y mettre… Je commence à pleurer, un peu"… Bon, d’accord… Il y a peut-être un brin de démence qui doit encore guetter, derrière, un peu massive. Une hilare mauvaise foi. Ou mauvaise volonté. Intention d’accrocher des coudes, des genoux, de faire déboîter. Pas le temps d’être content : on braille, on exulte, on rempile, on re-dépenaille ! Et le plus beau c’est que ça fait fresque. Comme ils prétendaient, oui, comme ils affirmaient : une sorte de Lascaux faite à l’ordure humaine. Avec des poulpes gras, granuleux et cannibales à la place des aurochs. Et les mains détourées, comme là-bas – allez, FLACK ! Imprimée cette fois plein fouet plein front, faudrait voir à ne pas piquer du nez. (Il semble d’ailleurs qu’en cette aube des temps, on les crachait la paume pressée sur la muraille, la bouche jetant les pigments, probablement limoneux, sur le dos de la pogne pour l’imprimer, le contour… C’est en tout cas au moins une hypothèse). En somme, comme alors : que de merveilles excrétées. On a envie de s’y joindre, au vrai. D’aller avec, au cœur du moucheté chaoteux, bringuebaler et puis dégouliner pareil. Il y a aussi une plage qui s’appelle Godmidget. Il faut croire que l’outrage passe la barrière des langues. Que même, il en fait cascade. On se réjouit qu’il nous échoit en toutes ses formes et tailles. Page 76/100 Note : 5/6 Page 77/100 David Bowie (David) : Baal Chronique réalisée par Twilight ‘Lorsque Baal grandissait dans le sein de sa mère, Déjà le ciel était très grand, calme et si pâle, et jeune et nu et formidablement étrange, et tel que Baal l’aima lorsque Baal se montra…’. Jamais je crois n’avoir lu de si belles lignes, le coup de foudre fut immédiat…Les premiers mots de ‘Baal’ de Berthold Brecht, mon livre favori toute catégorie. Baal, poète génial, jouisseur, hédoniste, iconoclaste, libre, personnage infect autant que fascinant, briseur de coeurs, noyant dans l’alcool et l’auto-destruction sa soif d’absolu, le regarde tourné vers ce ciel infini, la seule chose peut-être a avoir compté dans sa longue descente aux enfers…Qui mieux que Bowie pouvait comprendre l’intensité d’un tel personnage ? Qui mieux que Bowie, l'homme qui a introduit l'art dans le rock, pouvait l’incarner, chanter ses mots ? Et c’est ce que fit Bowie pour une adaptation télévisée. Théâtre mais disque aussi avec ce délicieux mini qui nous présente le Bowie cabaret, celui qui reprend Brel, Kurt Weil…’Baal’s hymn’, la pièce la plus forte, la plus intense, très théâtrale mais avec un Bowie que l’on sent totalement investi dans son rôle, tour à tour fier, martial, décadent dans une ambiance opérette, très proche de ‘l’Opéra de quat’sous’ (aucun hasard là-dedans). Impression confirmée par la suite avec ‘Remembering Marie A’, moins intense, détaché dans le ton. Difficile (et je rejoins Nicko) de ne pas pas juger les compositions à l’aune de l’hymne infernal mais ‘Ballad of the adventurers’ par son côté plus retenu, moins flamboyant et donc plus sombre témoigne du côté obscur de la pièce. Idem pour ‘The drowned girl’ encore plus glauque avec une touche mélancolique assez marquée. Bowie y est magistral; sa voix survole des orchestrations dépouillées, dans la retenue, se fait murmure, appel, critique, interrogation; Jeanne éconduite par Baal s’est donnée la mort en se noyant, telle une Ophélie moderne. Tout le contraire de l’ultime chanson, légère, ironique avec ses pipeaux moqueurs, ses roulements de tambour…Un titre paillard, à l’image de Baal, génie des mots, odieux avec tous ceux et surtout celles qui croyaient en lui, Baal qui consomma le monde jusqu’à en mourir, seul et abandonné de tous. Mon livre préféré mis en musique par le plus grand génie musical de toute l’histoire du rock, un an avant un ‘Let’s dance’ totalement différent…Rien de fortuit là dedans en ce qui me concerne et j'aurais aimé y mettre la note maximale...J'aurais eu besoin d'un LP pour cela, trop court, sentiment d'inachevé, de final au moment où chacun entrait dans la pièce...Bowie fabuleux mais besoin d'en écouter plus, plus...'J'écoute encore la pluie' disait Baal sur son lit de mort. 4,5/6 Note : 4/6 Page 78/100 Darkleech : EP Chronique réalisée par Twilight J’ai trop de musique sur mon Ipod. C’est d’ailleurs pourquoi j’en ai acheté un, pour le charger à bloc, mais je dois bien avouer que certains matins, alors qu’il est beaucoup trop tôt pour imposer à un humain la torture du réveil, il n’est pas évident de choisir quel groupe va m’accompagner sur le chemin du boulot. Les noms défilent et parfois, hop, on retrouve un groupe auquel on ne pensait plus. Ca m’est arrivé avec Darkleech, combo post punk italien, influencé par Joy Division, The Cure et les références habituelles du genre mais qui n’hésite pas à injecter tantôt une petite goutte de gothic rock (‘In this damn barren world’, ‘The way of darkness’) ou de pop triste (‘Immortal dreams’) dans sa musique. Le clavier n’y est pas étranger, qui ajoute une note mélancolique sur les rythmiques roulantes ou aide à renforcer les moments calmes. C’est flagrant sur ‘Immortal dreams’ porté par le chant tranquille mais grave et le synthé, même si la guitare s’offre quelques sursauts. La voix, justement, parlons-en, elle a quelque chose de détaché et de profond en même temps, ainsi jamais les compositions ne perdent-elles leur aspect émotionnel. Quatre titres seulement mais qui situent assez bien la portée des capacités du groupe. Ma préférence ira sans doute au superbe ‘The way of darkness’ dont le refrain me rappelle quelques lointains échos du ’Great commander’ de Camouflage mais en version nettement plus gothique et ‘In this damen barren world’ par laquelle j’ai découvert la musique de nos Italiens. Les amateurs d’atmosphères nocturnes ou automnales se rabattront davantage sur ‘Illusion’ ou ‘Immortal dreams’ qui étancheront leur soif de spleen brumeux. Même sur un mini, Darkleech parvient à en proposer pour tous les goûts, le noir restant la base de la trame. Note : 4/6 Page 79/100 Fides Inversa : Mysterium tremendum et fascinans Chronique réalisée par Nicko Je vous avais déjà parlé de Fides Inversa d'Italie il y a quelques années. Les voici de retour avec un deuxième album, "Mysterium tremendum et fascinans", faisant suite à leur excellent "Hanc aciem sola retundit virtus". Le groupe continue là où il s'était arrêté. On a à nouveau droit à du black metal orthodoxe directement influencé par Deathspell Omega et Katharsis. J'ajouterais aussi Ascension dont l'influence est particulièrement présente sur cet album. Autant dire que niveau références, on a connu pire. Fides Inversa prend le meilleur de chacun en y incorporant sa touche personnelle. On retrouve un black metal destructeur avec des structures à rallonge mais surtout une véritable atmosphère religieuse. Le groupe joue avec les structures répétées à l'extrême, donnant une impression de transe qui ne fait que monter, s'enchaînant à d'autres parties qui se répètent et qui montent sans arrêt jusqu'à l'explosion finale ! En concert, c'est le batteur qui chante. Et cela se ressent sur le disque. Cela ne m'étonnerait pas d'ailleurs que ce soit lui qui compose la majorité de la musique du groupe. Toute la structure des morceaux est centrée sur les breaks de batterie qui donnent toute leur dynamique à l'ensemble, que ce soit pendant les parties redondantes mais aussi lors des changements de rythmes. Comme l'album est assez similaire au premier, il faut un certain temps pour vraiment rentrer dedans et ne pas se dire qu'il s'agit d'une pâle copie du premier. Et en fait, plus on l'écoute, plus on se rend compte de la richesse des compositions. L'album est truffé de petites trouvailles, des effets intéressants et qui donnent sa force au disque. Les parties plus lentes et qui sont jouées à l'infini donnent un sentiment de désolation totale, de folie, avec des types de chants très différents superposés, comme du chuchotement, du chant parlé, des cris lointains, le tout allié au chant black plus typique mais très souvent dans un genre désespéré ! À noter d'ailleurs au niveau des différents types de chant, le guest d'A.L., chanteur de Valkyrja, sur le dernier morceau. Le groupe n'oublie pas d'ajouter parcimonieusement des samples de musique classique régulièrement renforçant la diversité et la dynamique globale, mettant en relief les parties plus brutales du disque. Au final, alors qu'ils restaient sur un premier album magistral, je dois avouer que ce deuxième album a mis du temps pour se faire totalement accepté tellement il était dans l'ombre du premier, mais les qualités de ce disque s'avèrent au final au moins aussi grandes que celles de son prédécesseur. Fides Inversa réussit ici à confirmer tout le bien qu'on pensait après un premier essai déjà impressionnant. Ce n'était pas évident sur le papier, mais force est de constater qu'ils ont su nous sortir un disque excellent à nouveau ! Et le groupe est à voir sur scène ! Note : 5/6 Page 80/100 Witchhelm : Jötunn Chronique réalisée par Raven Witchhelm, dont je n'avais jusqu'aux toutes premières lueurs de l'année pas encore entendu la moindre note, m'ont avec Jötunn donné une nouvelle raison de continuer à prendre ce tramway nommé Doom. Pour finir à quai et hagard, dans cette nouvelle station après le terminus, là-bas, dans le brouillard des sorties récentes non-matérielles... ou plutôt immatérielles - ça leur va mieux dit ainsi, à Witchhelm. Déjà si le nom du groupe passe inaperçu (semble-t-il inspiré par Elder Scrolls...bref moyen) et la pochette idem avec son bestiau du Malin en position d'embuscade à découvert que j'aurais pu griffonner aussi bien sur un post-it pendant un appel, je dois dire que j'aime beaucoup ce titre... Oui, j'aime cette sonorité, "Jötunn", qui serait donc le blase d'un géant de Midgard (et en l'occurence une créature métamorphe, ce qui colle à la musique de Witchhelm comme nous allons le voir) mais qui me fait surtout penser à "Shögunn"... Et une fois écouté, ça m'envoie par moments l'image d'un bretteur hagard errant dans des contrées noires à la recherche de rien du tout, ronin à la Sword of Doom - si vous ne l'avez pas encore vu c'est très mal - avec l'intouchable Tatsuya Nakadai... Passé un premier instrumental académique, un doom hagard de même essence hagarde... Une voix mutante qui gronde, hulule et nasille depuis les entrailles profondes d'un silo à grain des Limbes, à nos pieds. Qui nous appelle à la rejoindre dans l'ombre froide et moite... Un groupe qui semble garder dans ses placards bien des masques que lui inspirent ses idoles. Jötunn est ce ronin doom qui erre dans les forêts et les montagnes du Sud américain, ce groupe métamorphe qui partant de riffs lardooms archi-bouffés vous étale des secondes aux p'tits oignons sur des minutes en grimoire de pâte feuilletée de peaux mortes de fantôme de cow-boy ; qui vous donne même au mieux de sa parade western à fantasmer dix titres à partir d'un seul, et cela sans aucune manière de progressif. La drogue doom au pluriel. Son périple commence dans le cliché, et, sûrement, s'égare pour mieux nous trouver. Je me sens aussi à l'aise dans cette "Swamp Bitch" que dans les meilleurs épisodes de True Detective première saison. Witchhelm sont de faux cancres et d'effrayants surdoués au charisme dangereux, mouvant le plus naturellement du monde d'une vision à l'autre en restant dans le plus pur classicisme doom. Aisance innée, calcul démoniaque ? On ne le sait ni ne veut le savoir. Le meilleur commençant avec "I am (wolf)", qui est tel l'edelweiss naissant par magie dans le lourd fumier d'un enfer redneck, ballade sublime, avec sa mélodie de guitare qui vous transbahute dans une dimension paumée quelque part entre la Cordilière des Andes et le Styx... Pourquoi se confire dans la nostalgie des années grunge en 2016, quand en 2016 on a des groupes capables de livrer pareils morceaux qui sentent encore plus bon le vieux que des morceaux qui sont vraiment du bon vieux temps ? Je vous le demande... Slow tout nu et d'un occultisme sans âge, évidence d'un classique inconnu au bataillon ; quelque chose de très simple, de presque trop simple, de, comme on dit, "trop beau pour être vrai" ; et un chant qui va vous donner l'impression de redécouvrir la beauté de l'écho (quand chez tant d'autres elle inspire le cache-misère, la reverb est semble-t-il une puissante alliée de Witchhelm). Il semblerait, par ailleurs, que le premier blase du chanteur fût Lucien... Pourquoi donc devrais-je me décarcasser pour vous livrer des raisons d'écouter Witchhelm, quand j'ai déjà tout sous la main ?! Le final "Wytchcraft" est quant à lui aussi monstrueux qu'un final se doit de l'être - nous ne devrions jamais l'oublier : le final d'un album se doit d'au moins surpasser son introduction... et dans le cas présent, il en anéanti tout souvenir. C'est un doom polymorphe soulevé par des bourrasques de sirènes malsaines - effet "comme un lapin dans les phares" sur l'auditeur - jusqu'à son trou noir central où la basse nage comme une grasse murène entre ces corails de sons, Page 81/100 pur cauchemar aquatique... Il y a même un passage qui me fait penser à Eyes Wide Shut... mais j'en ai déjà trop dit. Spoiler. Hélas, j'oubliais : ces vieux adolescents sont originaires de l'Ohio - il ne sera donc à l'écoute de Jötunn pas anormal de vous retrouver dans un état proche d'Adjani, les yeux hagards, comme posté sur les épaules d'un géant juvénile. Parce que oui : même si elle en est à son troisième coup, la bête Witchhelm n'en est encore qu'aux premières éruptions de sa puberté... Il y a de quoi saliver d'inquiétude... Note : 5/6 Page 82/100 Syndromeda & Mac of BIOnighT : Volcanic Drifts Chronique réalisée par Phaedream Danny Budts et Mac of BIOnighT sont deux bons vétérans de la MÉ de style Berlin School et/ou très progressive qui ont décidé d'unir leurs visions le temps d'un album; “Volcanic Drifts”. Autant le dire d'emblée, rien de ce qui ressort de cette première collaboration ne s'apparente aux styles respectif de chacun des musiciens. Si le style métaphysique ambiant et noir de Syndromeda orne les introductions et les finales, de même que certains passages ambiosphériques, le rock lourd et incisif qui découd les ambiances volcaniques de “Volcanic Drifts” transcende les multiples approches de Mac, quoique l'on y retrouve certaines saveurs ici et là. Est-ce l'apport de Mike Hobson (aka Thought Experiment)? Toujours est-il que “Volcanic Drifts” emprunte les corridors d'une MÉ dont l'approche assez cosmique se dilue dans du bon rock progressif lourd qui renifle timidement les odeurs de MorPheuSz. C'est avec des vents sombres, des woosh envahissants et des bruit de caverne qui perd son eau que "Sulfur" se développe entre nos oreilles. Une pluie d'objets célestes déferle à toute vitesse dans des effets stéréos, amplifiant encore plus l'approche tant cosmique que ténébreuses de ce premier titre de “Volcanic Drifts” qui se nourrit de longs drones dont les échos et les effets de réverbérations finissent par forger une symphonie de complaintes ambiosphériques. Un beau Mellotron s'échappe un peu après les 3 minutes et son chant détonne dans cet univers noir où le soufre n'aura jamais eu une si belle couleur. C'est là que le rythme s'éveille. Un peu échevelé, je dirais même chaotique, il sautille et zigzague avec une bonne vélocité, détachant des ions qui dansottent dans un chassé-croisé qui dissimule les chants d'un genre de saxophone. Le rythme s'enrichit d'autres ions alors que les synthés vaporisent dans chants éthérés qui chantent un peu comme dans le temps de Phaedra et Rubycon. Le rythme ambiant de "Sulfur" flotte comme un Phoenix démembré qui cherche à se poser. Ce qu'il fait vers la 11ième minute avant de renaître dans un lourd rock progressif très éphémère nourrit de percussions et de riffs pesants et dont les morsures et les attaques cachent de bons solos d'une guitare assez discrète. "Sulfur" clôture sa course dans une approche plus élégiaque. Lourd, vivant et audacieux, "Obsidian" aborde aussi nos oreilles avec des vents sombres qui pourfendent des effets électroniques et poussent des chants dissimulés dans les woosh. Des pulsations se pointent vers 2ième minute et hésitent. Le mouvement est sournois et tergiverse dans des vents plus persistant. On entend des accords de sitar. Le rythme éclot dans une forme plus soutenu vers la 4ième minute. C'est un bon beat soutenu par des percussions électroniques et des séquences qui sautillent comme des pas sur la surface d'un étang gelé. Des riffs de clavier (et/ou de six-cordes) ajoutent plus de lourdeur au rythme qui reste somme tout assez cérébral tandis que les synthés formulent de drôles de chants atones qui sont tout de même assez captivants. Les séquences et leurs danses aléatoires ajoutent plus de profondeur alors que "Obsidian" devient de plus en plus lourd. Nous sommes dans du bon rock électronique progressif avec un bon jeu des percussions et de bonnes structures de séquences qui ajoutent autant de couleurs au rythme que du coffre à son approche mélodieuse. Nous parlons ici d'une structure de rythme qui dépasse les 18 minutes et où le duo de Danny Budts et Mac ajoute une panoplie d'effets électroniques; comme des percussions genre pic-bois, des vents de cornemuse et des accords de sitar qui sur dimensionnent une approche minimaliste lourde et très attirante. C'est un bon morceau de gros rock progressif électronique. Page 83/100 "Deep under the Surface of the Earth" propose une introduction ambiosphérique nourrie de bruits et effets électroniques, on dirait que nous sommes sur les ailes d'une navette spatiale qui peine à parcourir l'espace. Mais nous sommes sous la surface de la Terre. Là où les séquences sont juteuses et pleines de tons organiques. Elles sautillent et dansent avec leurs échos alors que les synthés ornent ce rythme mou et sautillant de bons solos, comme dans le temps du bon rock psychotronique de Neuronium. Un peu comme dans "Sulfur", le titre explosera pour un bref moment de rock pur et lourd avant de faire lever un nuage de séquences dont les pas harmoniques discordants tissent une structure circulaire sans fin où végètent encore ce gros rock qui reviendra quelques 2 minutes plus loin. La guitare me rappelle énormément celle de Frank Dorittke, amplifiant encore plus cette perception des influences du modèle de MorPheuSz. "Steamy Weather" est ce qui se rapproche le plus de l'univers Syndromeda. Encore ici l'introduction est bourrée de woosh et de wiish qui remplissent nos oreilles de résidus comme la suie de carbone enduit les poumons. On y entend des chœurs sombres murmurer un cantique ésotérique alors que peu à peu le bleu perce le néant avec de soyeuses nappes de brume orchestrale. Les séquences jouent au rodéo, forgeant un rythme délicatement spasmodique avec des ions qui sautillent dans la ouate. Le synthé orne ces ambiances de filaments électroniques aux couleurs multi soniques qui crissent et rampent entre les sautillements des ions rythmiques. L'empreinte métaphysique de Danny Budts est toute présente. Les vents se dispersent, laissant les séquences seules avec les chœurs et ces percussions qui claquent comme des coups de fouet dans la brume. Les solos en tire-bouchon offrent un univers psychotronique qui s'éteint par petits feux, laissant des ions solitaires frémir de froid dans cet univers abstrait. Les percussions qui tombent alors créent un effet dissonant alors qu'une ligne de basse vampirique étend une structure de rythme très genre rock progressif que Mike Hobson badigeonne de fuzz wah-wah. C'est l'empreinte de Thought Experiment qui s'empare alors de la finale de "Steamy Weather", mêlant rock et jazz dans une enveloppe électronique somme toute assez difficile à dompter. Un peu comme à l'image de “Volcanic Drifts” qui ne fera pas fuir, mais là pas du tout, les fans de Syndromeda. Et ce même si Mac tente par moments, et avec succès, à donner un lustre plus accessible à une MÉ dont les charmes résident toujours dans sa complexité. C'est une aventure sonique pour des oreilles qui en cherchent toujours un peu plus pour déjouer l'ennui. Note : 4/6 Page 84/100 INDRA : Archives-Ruby Four Chronique réalisée par Phaedream On continue l'exploration de l'univers fragmenté dans l'oubli et éparpillé entre 1998 et 2005 du synthésiste Roumain avec ce 4ième volet de sa série Ruby qui est encastré dans la méga série de 25 CD intitulée Archives. Et cette fois-ci on se rapproche un peu plus de notre Indra contemporain avec une dizaine de titres qui explorent plus le côté danse que le côté poétique mélancolique d' Indra et dont les influences ici semblent être nimbées par les structures d'un Jarre et son enveloppe de techno Kid que par celles Schulze errant dans de longs titres minimalistes. Quoique les deux cohabitent bien ensemble à quelques endroits dans ce “Ruby Four”. "Sunshine in Blue Eyes" et "Mustang Le Rouge" arborent le sceau sonique des limitations des sources de 1998. "Sunshine in Blue Eyes" accueille une tendre mélodie soufflée par une flûte synthétisée et pianotée par un piano tendrement mélancolique. Le synthé est charmeur avec de beaux solos qui roucoulent et de bons effets électroniques qui bavardent sur un rythme sourd structuré dans le confort d'une bonne ballade électronique. C'est bon et ça fait très New Age, une autre facette que l'on ne connaissait pas d'Indra avant la venue de ce coffret Archives. Les larmes en staccato des violons qui ouvrent le très Arabique "Mustang Le Rouge" se noient dans les douceurs d'un synthé flûté alors que le titre divise ses 7 minutes pour une introduction romantique et éthérée avant de plonger vers un genre de techno doux avec des pulsations et percussions qui soulèvent un duel d'harmonies saccadées. Composé en 1999, "Nostalgia" fait très Vangelis des années Opera Sauvage avec une structure ambiante où les lignes de flûte flânent autant qu'un piano très nostalgique. On fait un énorme saut dans le temps avec 6 titres composés en 2004. Un saut dans le temps et un saut dans le style avec une MÉ plus énergique qui tangue entre du techno pur et dur, un techno plus morphique et une musique de danse cérébrale. "Pyar" débute avec un genre de techno dance où des lignes stroboscopiques très hachurées, des pulsations boom-boom-tchak-tcha et un jeu de percussions très créatif supportent des chants Arabiques. C'est un titre qui fait très jarre des années Chronologies, notamment à cause de son rythme lourd dressé sur de bonnes percussions. "Fiesta" est plus vivant, oui cela se peut, avec une approche tzigane sur un rythme de plomb. On retrouve plus le Indra que l'on a découvert à la fin des années 90 avec le très beau "A Late Evening" qui est très éthéré avec des nappes sibyllines qui flottent dans des particules prismiques. Le mouvement est doux, très ésotérique et les nappes deviennent plus mélodieuses alors que tout doucement "A Late Evening" se dirige vers un beau down-tempo nappé de ces soyeuses nappes qui tourbillonnent dans un doux torrent d'émotivité. "The Nile Experience" propose aussi une longue structure évolutive qui débute avec une horde de pulsations séquencées qui sautillent dans une structure circulaire de rythme ambiant. Des effets électroniques ornent ce décor passif tandis que subtilement le rythme accroit sa vélocité avec des pulsations qui gargouillent et d'autres pulsations technoïdes qui redirigent les cabrioles de l'introduction vers une structure vivifiée par des effets de saccades. "The Nile Experience" se développe à l'intérieur de ses 10 minutes sans jamais vraiment exploser, préférant plutôt un bref passage ambiant avant de reprendre sa structure de techno cérébral. Composé à la même époque, "Speedy G" débute avec une rage rythmique contenue dans des scintillements de séquences qui babillent dans les ombres de lentes nappes oisives. Ce sont les cognements qui animent ce désir de rythme. Et ce rythme devient un bon techno morphique orné de beaux effets cosmiques à la Jarre et de superbes solos très musicaux. C'est un des bons Page 85/100 titres de la série Ruby! "X-Factor" est coulé dans le même moule ornemental mais avec une structure nettement plus légère, plus musicale. Composé en 2005, "Sanctum" clôture “Ruby Four” avec une approche plus lyrique, plus éthérée. La structure ressemble aux longues symphonies tranquilles de Klaus Schulze avec des accords qui roulent en boucles, comme un ruisseau sonique en suspension, dans de lentes nappes anesthésiantes qui recouvrent un doux rythme quasiment absent. C'est très doux et surtout assez élégiaque. Et tranquillement la collection Ruby nous amène vers un Indra que l'on reconnait de plus en plus. Note : 4/6 Page 86/100 ALPHA LYRA : Between Cloud and Sky Chronique réalisée par Phaedream Voyager, rêver et planer entre les nuages! C'est exactement la sensation qui nous tenaille lorsque nos oreilles absorbent peu à peu les 64 minutes de “Between Cloud and Sky”. Christian Piednoir livre ici une œuvre ambiante aussi étonnante que son très beau From Berlin to Paris avec juste assez de structures de rythme ambiant pour défier un total voyage vers l'anesthésie. Comparer ce dernier opus d'Alpha Lyra avec les hypnotiques rythmes tranquilles et les ambiances énigmatiques du célèbre Structures from Silence de Steve Roach, quoique des similitudes peuvent être aussi faites auprès de Soil Festivities de Vangelis, ne serait qu'un simple pas à franchir. Sauf que “Between Cloud and Sky” est nettement plus musical tout en étant aussi très onirique. C'est comme fureter de l'autre côté de la nuit où tout le monde dort. Et pourtant nous sommes dans des nuages. Christian Piednoir amène l'auditeur à un autre niveau avec une nuée de lignes de synthé qui convergent comme un immense vaisseau ambiosphérique à travers des eaux astrales où chaque sillon dévoile les charmes soniques de ses secrets. Un grand opus qui se colle à merveille à un exercice de méditation. À un sommeil dur à trouver où ses tourments trouveront le confort dans l'étonnante musicalité de cette œuvre qui redéfinit le sens de musique d'ambiances. Un peu comme Structure from Silence l'avait fait à l'époque. Et ça débute avec la délicatesse de "Dancer in the Blue". Le rythme est lent et semble ardu, comme un ermite qui gravit une longue colline en portant le poids du monde sur ses frêles épaules. Pas par pas il escalade une échelle d'une passive intensité. Des carillons sonnent derrière un voile qui amortit leurs tintements. Des larmes de synthé ondulent comme ces bras des gracieux mouvements du Tai Chi Chuan, épousant la lente courbe des vagues d'un synthé qui ondoient en symbiose avec les chants fredonnés par les anges. C'est délicat et tellement poétique. Et ça donne le coup d'envoi à un très bel album où chaque titre nous amène dans les profondeurs du lyrisme d'Alpha Lyra. Des pétillements de carillons se dorent les tonalités sous les lentes courbes de drones envahissants, et assez musicaux, qui ouvrent "War Memory". La courbe de ces longs bourdonnements valse lentement avec la divinité des chants astraux, alors que tout doucement ce navire ambiant dérive entre les couches de la stratosphère. C'est là qu'une délicate structure de rythme fait miroiter trois ions séquencés qui sautillent en tentant de déjouer leurs ombres. Le mouvement est magnétisant avec ces teintes de rythme ambiant qui changent de tons et de vélocité tout en conservant une approche toujours ambiante. On dirait un gnome qui gambade furtivement à la recherche d'un quatrième ion qui se transforme au gré des fantaisies de son créateur. Car même si l'approche reste tout de même assez sérielle. La façon dont Christian Piednoir joue avec le réflexion de ce rythme, dont les variances jailliront encore mieux dans "Cumulus Song", est aussi séduisante qu'hypnotique. Les lentes vagues de synthé sont aussi très enveloppantes et envahissantes dans le très ambiosphérique "Between Cloud and Sky". Ses 4 premières minutes sont sculptées dans une phase d'ambiances profondes porteuse des secrets du sommeil avec des perles soniques qui scintillent derrière un dense rideau velléitaire. C'est comme un vaisseau qui dérive sans gouvernail sur une mer secouée de vagues tranquilles. On dirait une armada de voiliers qui flotte dans les cieux où les dieux jouent de la flûte et les anges fredonnent. Alors que le mouvement s'éclaircit, une délicate pulsation forge peu à peu une structure de rythme aussi ambiant que dans "Dancer in the Blue" mais nettement plus éthérée. Des pulsations et des battements feutrés brodent une structure aussi délicate que les ambiances en détachant leurs ombres qui se sauvent avec une parure plus dorée. Leurs reflets scintillants s'accrochent aux immenses voiles de Page 87/100 larmes d'un synthé dont la muraille d'orchestration astrales porte ces chants si paradisiaques aux portes des nues. "Before the Storm" est aussi immensément enveloppant avec de lentes nappes nimbées de voix astrales qui flottent à la dérive entre deux stratosphères. Le genre me rappelle Chronos de Michael Stearns pour ces nappes orchestrales qui se meuvent comme un lent troupeau de nuages. Ces troupeaux et ces voix élégiaques bercent aussi le rythme tranquille de "Cumulus Song" qui est tissé dans les ritournelles d'une ligne de séquences où six ions gambadent avec leurs ombres scintillantes. Le mouvement épuise ses 9 minutes avec un beau crescendo, tant dans les tons que la puissance sereine du rythme. Ça donne l'effet d'un perpétuel canon rythmique, finement saccadé en passant, que les étreintes d'un synthé caressent avec des chants qui roucoulent comme des trompettes astrales. Ça fait très Steve Roach, mais avec une touche éthérée qui est moins sibylline que le synthésiste Californien. "Summer Day" conclut avec ces délicates vagues de synthé qui roulent dans les profondeurs du néant. Des solos siffleurs accompagnent cette lente valse agonisante pour la conduire vers des oracles soufflés par une chorale séraphique. Ça me fait penser à la finale du film La communauté des anneaux de Peter Jackson. Mes oreilles, et mes yeux assoupis dans un océan de rêves, ont dévoré “Between Cloud and Sky”. Une œuvre intimiste, de par sa nature tranquille qui nous plonge dans une introspection, avec une séduisante richesse en sons et en tons où les délicats rythmes et les envahissantes ambiances de Soils Festivities et Structures from Silence se fondent dans les empreintes d'Alpha Lyra. Un très bel album qui niche dans mon iPod, section musique de nuit! Note : 5/6 Page 88/100 Ringworm : The Promise Chronique réalisée par Rastignac Je regarde la montagne de disques en face de moi. A droite, les trucs inavouables ou pas assez sombreux pour en parler ici. À gauche la noirceur. À gauche de la droite de la gauche, les disques estampillés descendants de Black Sabbath, et parmi eux, nombre de classiques déjà décrits dans nos colonnes. Et au milieu de ce foutoir, on gratte, et on tombe sur la fameuse zone grise entre le « core » et le « metal »… faut savoir, enfin, je radote, mais ma première approche du rock grisant, burnant, bourrin, enfin « metal » a dès les premiers jours de copiage de cassette mis dans le même pot l’agressivité « metal » et celle « core », et je me réveille aujourd’hui, et j’écoute des successions de malentendus pas possibles, genre le metal c’est comme ci, le hard rock, le hardcore c’est pas comme ci comme ça, comme si les genres musicaux étaient des espaces Schengen… et j’ai l’impression que le comble du malentendu c’est quand des métalleux sont pris pour des « coreux » et vice versa… et c’est pour ça que je kiffe des groupes qui aiment bien semer le doute chez le chaland. Un de ces groupes c’est Ringworm. Si on ne connaît rien de ce truc, on regarde la pochette, le nom du groupe, y a pas photo, c’est du black metal ? Du death crado ? Et bien c’est un peu plus compliqué que ça… on va dire que Ringworm est un des ancêtres du dorénavant souvent conspué « metalcore », étiquette ayant quand même donné comme prétexte la production d’un paquet de mégatonnes de caca, une scène qui, dans sa version radio-cono se rapproche du faux punk des années 90 dépouillant à longueur de millions d’albums l’héritage de Bad Religion, où il suffisait d’avoir les cheveux verts et jouer un peu vite pour se la jouer no future… mais là, maintenant, quand on écoute ce disque, c’est juste une succession de chair de poule. Tout parle de damnation ici, le leader se nomme « Human Furnace » et déblatère des histoires psychotiques à la Necrophagia, et la musique oscille entre grindcore, death metal, hardcore et thrash et il n’y a absolument aucun espoir, aucune révolte politico-sociale là derrière, comme chez Gehennah ou les premiers Darkthrone, juste de la pure misanthropie, de la mise en scène du quotidien sous le soleil du Grand Cornu, une sorte d’existentialisme du possédé, genre « l’antre de la folie » au fond de la crypte des initiés… Ce premier album sera un « one shot » comme on dit car notre gueuleur amateur d’interludes symphoniques flippants style Alice Cooper / Mercyful Fate se consacrera pleinement à sa carrière d’illustrateur et de tatoueur inspiré par le graphisme horrifique des films Z et de l'occultisme genre « bouquin maudit acheté aux puces un froid matin de décembre à Cleveland ». Ah, Cleveland, que tu me parais froide et dure, mais que finalement je t’apprécie quand je découvre au fil du temps les Dwid Hellion, Harvey Pekar ou Human Furnace… la ville verra la résurrection de ce groupe malfaisant plusieurs années plus tard, à un moment où les journalistes compareront le son de Ringworm aux têtes de gondoles de l’époque genre Hatebreed… un peu comme si on disait que les Stooges ressemblaient à Jay Reatard… mouarf. Enfin voilà, si vous avez besoin de votre dose de nihilisme sulfureux et d’écouter quelque chose de véritablement puissant, triste et même occulte, si vous vous demandez pourquoi ce punk a les cheveux longs et balance des incantations avec un pentagramme tatoué sur le nez, ben foncez quoi ! Note : 5/6 Page 89/100 Crimson Scarlet : Collection 2011-2014 Chronique réalisée par Twilight *Power on*…zzzzzt, la platine qui s’ouvre, on pose le cd, zzzzzt, ça se ferme…Trop facile de se faire plaisir. Crimson Scarlet, groupe deathrock originaire de San Francisco…Déjà entendu, diront les plus sélectifs…Je ne peux pas leur donner tort, ça ressemble beaucoup à du Mephisto Walz, du Skeletal Family, mais que vous dire ? A chaque fois, je suis littéralement happé par la puissance des mélodies et la fluidité des compositions dès les premières mesures de ‘Sanctuary’…C’est puissant, ça file la patate, une bonne production spontanée et il y a le chant de Chelsey que je trouve irrésistible, non qu’il se démarque spécialement de la cohorte des Siouxsie, Anne-Marie Hurts, Eve Ghost ou Christiana, mais cette jeune femme dégage une telle passion dans son interprétation. Tenez, sur la reprise de Pink Turns Blue (déjà, c’est pas banal de reprendre un tel groupe et plutôt une preuve de bon goût), on la sent qui cherche les notes haute, à la limite du cassage de voix, sans jamais se tromper et c’est super émouvant. Dans les tessitures plus graves, elle fait mouche également, au même titre que ses compatriotes ou influences d’ailleurs, mais du moins ne démérite-t-elle pas. Après, ça se joue au feeling, oui, ces plans guitare sont connus des aficionados du style, oui, ces rythmiques guerrières sont familières, il se trouve simplement que Crimson Scarlet fait partie des formations qui maîtrisent totalement leur sujet, chaque chanson pourrait être un tube (attention, facile de s’oublier et de chantonner dans le bus bondé au milieu des usagers narquois). Le combo propose une seconde reprise, européenne à nouveau, avec Joy Division mais sur un morceau moins couru parmi les reprises; réussi une fois encore. Bref, Crimson Scarlet, quand je pose dans ma platine ou que ça se diffuse dans mes écouteurs, je ne me pose pas trop de questions, j’écoute mon coeur et il s’emballe tout seul dès les premières secondes. Je n’en demande pas plus, je sais qu’il a toujours raison...Le rouge, sans doute. Note : 5/6 Page 90/100 Cultes des ghoules : He100ane Chronique réalisée par Rastignac Deuxième album de longue durée de Cultes des ghoules. He100ane de son nom... alias la jusquiame en français, plante très toxique dont les hallucinations puissantes utilisées à mauvais escient peuvent faire transformer les potes d'Ulysse en pourceaux ou votre cousin en batracien si vous avez le malheur de vous amuser à faire les apprentis sorciers avec ses feuilles, graines et tiges connues pour leurs applications... diverses et variées. Groupe polonais au nom français en référence à un autre livre maudit sorti de l’univers lovecraftien, Cultes des ghoules semblent avoir été monté par de grand poètes de la cartoucherie suivant ici un objectif musico-occulto-médicinal, d'orientation franchement satanique, dégageant une atmosphère oscillant entre le grand guignol propre au heavy metal dégoulinant d’horreur avec synthés et tout, et une étrangeté due à une composition particulière, sachant développer de longs morceaux sans lasser l’auditeur, de véritables petites nouvelles avec rebondissements, suspense, pièges et trappes, miroirs maléfiques, gémissements du fond de la crypte, maniement d’artefacts ricanants, damnations cachées dans tous les coins de la maison, il suffit de s’enlever un ongle, on le brule entre la cheminée et le tableau de l’aïeul et un portail s’ouvre, on saute dedans (ne pas faire ça chez vous) et on se retrouve en compagnie de mecs encapuchonnés qui aiguisent les couteaux pour le diner. Oui le chaudron là, c’est pour ça, c’est pour moi. Trêve de plaisanterie, cet album est très plaisant à écouter, sachant être créatif dans le patron ou cadre « rock occulte » et tous ses petits descendants, sachant délivrer une hypnose, un talent (hor)riffique, une maitrise particulière des breaks, un bon dosage entre passages très typés metal et d’autres plus contemplatifs et calmes, avec des moments de folie bien emmenés, à un point où j’imagine la cinquième minute de « The Passion of a Sorceress », j'assiste à un concert, je me retrouve dans la fosse, dans le public, avec des mecs autour de moi qui commencent à avoir les yeux qui tournent, le visage qui coule, genre faut plus trainer là, tout le monde se transforme en GOULE, ou en loup, ou autre chose, on retrouve sa nature primesautière de carnivore affamé, y a les ongles qui poussent, les poils de le moustache qui frémissent. Sinon on peut préférer la chouette c’est pas mal aussi question mauvais augure. Véritable petit manuel de méchant vicieux qui voudrait se tâter l’esprit et le reste pour se faire du bien, ce disque pourra vous faire emmener tout en bas ou tout en haut, le potentiel ba(d)t trip pouvant être foutrement enrichissant si vous n’avez pas peur d’aller loin, car pour paraphraser Arthur Machen : « c’est plus facile de tendre vers la sainteté que vers le mal absolu ». Un truc comme ça… et je trouve que ce groupe polonais venu d’un pays au christianisme bien radical peut vous faire la courte échelle pour agripper le premier mur bouchant le chemin ô combien mouvementé de la main gauche, comme une nouvelle réponse épidermique à l’étau mental d’une religion instituée donnée, ou de quoi que ce soit d’autre de coercitif, non choisi, vous foutant les boules, vous sapant la santé, suffit d’écouter ces chants, ces cris, ces guitares bien foutues, ces incantations de prêtres possédés, ce black metal envouté et se laisser immerger dans la brume vert fluo qui sort de la bagnole, peut-être vous réveillerez-vous au bord de la rivière où le mec de l’autre chronique a perdu sa veste Electric Wizard… libre, enfin. Note : 5/6 Page 91/100 Guili Guili Goulag : IB.EX.IB Chronique réalisée par Dioneo Le type a sorti ça l’autre soir… Une phrase dans ce style : "En même temps ça fait des années qu’il n’est plus rien émergé d’IMPORTANT, en terme de scènes. À la limite le dubstep…". Peut-être, après tout, qu’il n’avait pas tort (dubstep compris ou pas... bon). Tous ces groupes – ou femmes ou hommes seuls parfois – qui passent à nos nuits, qu’on croise ou recroise ou qu’on ne voit qu’un coup… et puis qui reparaissent en ayant changé de noms, de nombres, échangés leur genre, voire, tourné autrement les couleurs sous cet autre soir... On serait bien en peine de trouver des "scènes", le plus souvent, à quoi respectivement les rattacher. C'est vrai. Mais c’est que la question, aussi, n’est peut-être pas – n'est peut-être plus – si pertinente, déterminante. Qu’on m’entende : je ne dis pas que ces recoins et assemblées-là de notre époque sont absolument sans clichés… Loin de là, même, sans doute. Seulement qu’on s’y maintient autant que possible, me semble-t-il – quitte à s’en amuser parfois de manière un peu lourde, de leur inanité – à l’écart d’étiquettes qui définiraient trop sérieusement, exhaustivement, ce qui se trame, se joue. C’est peut-être temporaire, j’entends bien ; c’est sans doute très "local" ; mais alors… D’un peu partout à la fois, il me semble : une multitude de points et d’intervalles, de par le pays, le continent, le monde – stations et translations possibles et réciproques, et variations. Peut-être que ceux là – dont on parle – ne se soucient guère de cette "importance" dont le type au début semblait clamer le deuil amer. Peut-être qu’on peut enfin se rencontrer – ceux qui jouent, ceux qui viennent - libres du souci "d’en avoir été", si par quelque circonstance l’un desdits devenait "un gros"… J’aime le penser. Je sais bien, encore un fois, que tout ça se fait à l’écart d’une machine qui continue de tourner, de plus en plus à vide mais toujours à plus grande échelle. Je sais bien, aussi, que rien, jamais, n’est à l’abri de se figer. Pour l’heure… Tout ça – aussi - existe… Et venons-en ! Guili Guili Goulag n’est pas "le prochain" – X ou Y, ou quoi, nouvelle prochaine idole ; pas plus l’ Untel d’Où Que Ce Soit. (Je ne leur ai d’ailleurs pas demandé si Paris ou région Wallonie-Bruxelles ou qu’est-ce ou s’en fout-on). Guili Guili Goulag ne gagnera pas le prochain tremplin Inrocks ou Eurock, ou autre culture-crochet, je gage. Et c’est heureux puisque c’est autre chose. Ces (désormais) trois-là jouent des rythmes, des tournures que d’aucuns décréteraient tordus. Indéniablement, ils pratiquent une fluidité propre, motif-mouvement, jeux de vitesses. Leur musique n’est plus complètement la même, aujourd’hui, sur scène, que sur ce disque. On la reconnaît pourtant, on ne peut pas la confondre. La chanteuse est partie. C’est Roger qui donne de la voix dans le micro de sa harpe. Elle nous disait, Roger – oui : "elle", car à l’œil nu, Roger l’harpiste pourrait s’appeler Isabelle, Aude, Léa… – que ça continuerait de bouger. Qu’elle s’intéresse de plus en plus à certaines musiques "extra-européennes" – et curieusement dans cette bouche, ça ne sonne pas encyclopédie, tourisme, bocal bien rangé. Des rythmes de divers coins de l’Afrique, notamment. Des modes, aussi, des gammes. Ça s’entend déjà, à vrai dire, sur ce disque. Une espèce d’éclat bref des cordes, parfois, timbre-cora, frisé-sanza. Et la batterie, la basse, poussent aussi leurs étranges territoires. Drôles de syncopes. Complexes sans doute. Rien qui sonne "fabriqué" comme on dirait "contrefait", usiné pour l’épate. Ça sature, facilement, une voix scandée-chantée dans une cellule de harpe. Surtout que d’un coup de pédale, la distorsion s’en mêle. Ça vous imprime à tout ça une autre intensité. Une espèce de séquelle de… C’est variable, ça dépend d’où on était venue, depuis où on écoute. Dites si vous voulez "punk", ou "postpunk" ; même "indus", urbanisme écroulé, empilé, concassé, explosé-compressé. De toute façon, disions-nous, "il n’y a plus de scènes". Et "post", rien ne l’est ici au sens de bouts-cousus d’un Page 92/100 passé mort, d’un quelconque Frankenstein… Il s’agirait plutôt, je pense, comme disait un autre (Loup, du groupe Mesdames, entre autres ; que d’ailleurs j’avais vu dans cette même salle – La Triperie), de "toujours commencer". Sans oublier, cependant. C’est à dire en continuant. Il y a ce morceau – Otmushenie – qui en est une belle, de montée qui emporte sans qu’on se sente écrasé, dépossédé, rendu Adepte. Qui fait sauter la danse au fil de ses grisants reliefs. J’ai cru qu’ils l’avaient fait plus courte, au concert. Elle me dit – Isabelle, enfin Aude, enfin… bref, Roger – que non. Que plus longue. Mais plus vite. Est-ce magique ? C’est tout physique. Ça se travaille, la perception. Ils m’ont prévenu, tous les trois, un par un (et tous ceux qui emportaient sous le bras l’un de ces bouts de vinyle ; en glissant dans la pochette une flopée d’autocollants sur quoi des caprins s’enfilent… Bouquetins ? Mouflons ?)… "Il se lit en quarante-cinq tours". Je ne sais plus lequel a ajouté "ou en trente-trois, mais ce n’est plus le même disque"… C’est un coup à les prendre au mot, pour voir. "Ce n’est rien d’important", maugrée toujours l’autre, le mec, là. Je dis que ce qui survient est un plaisir plein, entier. Dans la presse à SIRET, on continue de dire que rien de nouveau. Mais que tout de même : Grand Messe au Grand Stade, célébrations ; Top Ten et R.I.P., aussi, pleurez les Démiurges ; ah oui : et puis aussi quelques reformations… On peut toujours tenter d’éviter les rubriques. Mieux : les trouvant inopérantes, ne plus avoir besoin d’à tout prix s’en extraire. Note : 4/6 Page 93/100 Ringworm : Birth Is Pain Chronique réalisée par Rastignac À peu près dix ans ont passé, le monde est toujours aussi dégueulasse, la vie encore bien douloureuse et Human Furnace est toujours aussi motivé pour vous le démontrer par sa voix de chacal possédé par un esprit retors et rageux ! Dix ans, et c’est bien toujours le groupe du HF, le pilier inébranlable d’un groupe avec le Frank de service (Hatebreed, Integrity…) qui ira piocher ses protagonistes autour de lui, selon les besoins, les années, la disponibilité et l'intégration dans cette entité malfaisante… dix ans comme illustrateur et tatoueur à Cleveland d’où le mec ne bougera pas, pour reprendre ensuite cette activité plus ou moins metal ou plus moins hardcore selon qui écoute, et qui chronique, et qui le dit en somme ! Cet album est un peu moins « original » que le premier dans le sens où les interludes instrumentaux, symphoniques, vont disparaître, pour ne laisser que des samples de films interdits aux jeunes fragiles, dont, en conclusion, un immonde cri de femme en détresse qu’on imagine en train de se faire courser par un tueur masqué indestructible. Un album un peu plus hardcore que death ou grind, même si on pourra encore savourer ce fabuleux mix des genres sur « Madness of War », le cathartique « Dollar Whore », le furieux « I Can See » où l’horreur pure de ce « Wallow », comme un spoken word vraiment vraiment pas cool ponctué de samples démotivants au possible, avec une intro à la "Lost" de Neurosis. Le reste est ancré dans une tradition où les mosh parts gardent le devant du pavé, mais alors du mosh avec double grosse caisse et riffs très méchants empruntés au metal extrême, et surtout accompagnés de ces râles et feulements démoniaques qui n’en finissent plus de glairer leur rage. Quant au propos général toujours aussi négatif, misanthrope et désespéré, Human Furnace a plusieurs fois déclaré qu’il ne fallait évidemment pas tout prendre au premier degré et que tout ça c’était de la poésie (hem), enfin, une manière de sublimer le quotidien de notre barbu aux cheveux gras, ses peurs et toute la haine ou l’autodestruction qui effleurent sa conscience aux détours d’un cauchemar, de relations chaotiques, fruits d'un regard un peu trop acéré sur la réalité pour pouvoir rester enfermé dans la tête… cet album come-back reste donc très honorable mais ne contient quand même pas la même intensité du « Promise », faute peut-être à un groupe un peu moins taré autour du HF, un peu moins death dans la tête… de l’autre côté on ne peut quand même rester indifférent à la musique de ce groupe qui peut vite devenir envoûtante par sa noirceur, son côté rouleau compresseur envoyé à toute berzingue au bord de la falaise, plein de cris et de désespoir pas glop. Pas glop du tout. Note : 4/6 Page 94/100 Minuit Machine : Live & destroy Chronique réalisée par Twilight C’était bien joli de chroniquer le deuxième Minuit Machine en premier en affirmant qu’il était meilleur que son prédécesseur, encore faut-il justifier ce point de vue et là, je dois dire que je suis bien emprunté…’Live and destroy’ est un excellent disque auquel je collerai la note de 5 sans l’ombre d’une hésitation. Toutes les qualités du duo sont présentes: le parfait équilibre entre une musique synthétique aux sonorités froides mais jamais sans âmes (ce talent irrésistible de Hélène de Thoury pour trouver des mélodies imparables et bouleversantes), le chant monochrome de Amadine Stioui qui pourrait être monocorde mais qui ne l’est jamais finalement, une production diaphane en accord avec la musique jouée…Ce duo a quelque chose de plus, rien à y faire, comme des fleurs capables de pousser sur des murs de clinique…Minuit Machine, deux ‘M’ géométriques couleur néon entre lesquelles évoluent des brumes organiques, des larmes salées, des échos de tristesse non feints, un masque impassible qui n’a pas besoin de grimacer pour exprimer des émotions…’Love is God’ ? Tube. ‘Ego’ ? Tube. ‘Comedown’ ? Re-tube. ‘Trauma’ ? ‘Midnight love’ ? ‘Toi et moi n’existe plus’ ? Tubes, tubes, tubes…Le diable, c’est bien connu, se loge dans les détails, il se trouve que certaines mélodies de ‘Violent Rains’ me touchent encore plus (parfois, on se demande comment c’est possible) d’où ma légère préférence mais je pense que ma première erreur aura été de tenter de comparer deux albums qui n’ont pas à l’être tant ils sont géniaux les deux. Commencez par celui que vous voudrez, vous achèterez l’autre juste après, à moins que vous ne les preniez en même temps, ce qui serait encore plus sage. Note : 5/6 Page 95/100 Sarcofago : I.N.R.I Chronique réalisée par Twilight Je ne prétends pas contester l’avis de Darkstar Seven qui en sait bien plus sur le metal que je n’en connaîtrai jamais (à chacun son domaine, même si quelques incursions en terre étrangère sont parfois salutaires), plutôt vous proposer mon avis de néophyte. Car il faut bien l’avouer ce disque (que rien ne me destinait à acheter) m’a fasciné dès le début. Répulsion, tout d’abord (quelle est cette bouillie sonore ? Ils avaient pas un bassiste au départ ?), consternation ensuite (je rêve ou cette batterie est complètement à la ramasse ?), intérêt (c’est quand même bien punk extrême et moi, j’aime le punk), puis fascination… Sacrée ambiance quand on y regarde à l’époque… 1987 ? Ok, Napalm Death arrivait sur le marché, Hellhammer avait déjà sorti ses démos, Celtic Frost pondu trois albums et que dire de Bathory qui passait déjà à autre chose ? Oui, mais c’est le Brésil et à cette époque, en dehors de Ratos de Porão, Vulcano, le thrash extrême ou le punk hardcore ne sont pas encore monnaie si courante…Alors quand nos lascars se pointent dégoulinant de rimmel, en cuir noir et ceintures de cartouche pour poser dans un cimetière (avec le Christ au milieu en cinquième Beatles), il n’y pas photo, on sent qu’on va s’en prendre plein la tronche. Et c’est vrai. ‘I.N.R.I’ ou la provocation adolescente dans tout son extrémisme, le ‘no limit absolu’ en matière de mal… À commencer par le chant ultra extrême, parfois proche de l’aboiement, comme si Wagner Lamounier (alias Antichrist) vomissait un démon en même temps que ses paroles (blasphématoires et obscènes jusqu’à la caricature), se laissait parfois aller jusqu’à l’hystérie absolue (‘Christ’s death’, ‘The last slaughter’). Il y a ensuite cette batterie, complètement en décalage selon les passages (j’ai lu qu’elle aurait été accélérée en studio, d’où ce son de boîte à rythmes affreux), ces riffs tranchants, pas toujours fluides mais joués avec l’énergie du désespoir, et pour conclure la production fauchée où le pauvre bassiste est presque carrément zappé au mixage, où certains soli sont quasiment inaudibles (‘Ready to fuck’), où l’ambiance capturée est sale, malsaine, aussi suintante qu’un sous-terrain de caveau, sans tomber dans la facilité du grésillement pour autant… Et voilà, c’est punk as fuck dans son extrémisme outrancier puéril, c’est terrifiant dans sa pureté obscène (aucun recul contrairement à Venom), glaçant dans dans son expression du mal, fascinant dans sa quête de morbidité (le bonus 'Recrucify', parfait pour un snuff d'horreur)… Tout pour faire un album culte ! Car dans un genre comme le black, tout le monde sait qu’une atmosphère imparable prime sur la virtuosité du jeu… Note : 4/6 Page 96/100 Achilles Last Stand : My precious decay Chronique réalisée par Nicko Achilles Last Stand est l'ancien nom d'Achilles, groupe suédois que j'ai découvert lors du Mörkaste Småland en septembre dernier. Cet EP, "My precious decay", représente leur première sortie. Sur 10 minutes et 6 titres, il n'y a pas le temps de tergiverser ! Ici, c'est du gros hardcore super agressif, bien punkisant et lorgnant sur le crust. Les titres sont courts et percutants (un seul dépasse les 2 minutes !), pas de temps morts, ça bourrine sans arrêt que ce soit en up-tempo ou en mid-tempos bien lourds, avec toujours un chant impressionnant. Il s'agit vraiment d'un disque bien old-school, me rappelant Refused ou Nasum (sans les parties de grind). Le chant est continuellement dans le rouge, ultra-hurlé. J'ai bien retrouvé le côté super énergique qui m'avait marqué lors de leur performance de septembre dernier. Les morceaux sont bien variés, il ne s'agit pas d'un groupe monotone qui ne se contente que de gueuler sans inventivité. L'EP regorge de breaks et de petites variations qui donnent tout son charme au disque. Il ne s'agit que d'un premier jet pour une jeune formation dont le but est de montrer qu'on a affaire à un groupe pleins d'envie d'en découdre avec un hardcore bien speed et énergique. Par la suite, le groupe raccourcira son nom, mais pas sa puissance ! Ce "My precious decay" ? Un condensé d'énergie et de rage sur 10 minutes et pas une seconde de plus ! Du très bon boulot ! Note : 4/6 Page 97/100 Informations Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com. © 2000 - 2016 Page 98/100 Table des matières Les chroniques de concerts ....................................................................................................................................................... 3 Black Christmass 2015 : ck Christmass 2015 - (concert chroniqué par Nicko)................................................................. 4 Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 8 Abolhasan Saba : Collection of Iranian Music vol 10, 11.................................................................................................. 9 Abolhasan Saba : Setar..................................................................................................................................................... 10 Ghost (sue) : Meliora........................................................................................................................................................ 11 The Bonaparte's : Shiny Battles ....................................................................................................................................... 12 MUSLIMGAUZE : Vote Hezbollah ................................................................................................................................ 13 KRALLICE : Ygg huur.................................................................................................................................................... 14 DISASTROUS MURMUR : Rhapsodies in Red ............................................................................................................. 15 FORGOTTEN TOMB : Hurt Yourself and the Ones You Love ..................................................................................... 16 The Roswell Incident : Adrift........................................................................................................................................... 17 TM Solver : Maroc ........................................................................................................................................................... 19 TM Solver : Svalbard ....................................................................................................................................................... 21 Green Isac : Green Isac Orchestra .................................................................................................................................... 23 Compilation Ultimae Records : Digiseeds compiled by Ambientium ............................................................................. 25 Arctic Flowers : Weaver................................................................................................................................................... 27 Brame : Basses Terres ...................................................................................................................................................... 28 LONGING FOR DAWN : A Treacherous Ascension ..................................................................................................... 30 OBITUARY : Inked in Blood .......................................................................................................................................... 31 Minuit Machine : Violent rains ........................................................................................................................................ 32 Nina Simone : Pastel Blues .............................................................................................................................................. 33 MOSS : Sinister History, Volume One: Chapter 1 .......................................................................................................... 35 Elderblood : Son of the Morning...................................................................................................................................... 36 The Sonics : Here are The Sonics!!! ................................................................................................................................ 37 Howard Shore : The Cell.................................................................................................................................................. 39 AURA NOIR : Increased Damnation............................................................................................................................... 40 Treblinka : Shrine Of The Pentagram .............................................................................................................................. 42 Compilations - Bandes originales de films : The Crow: City Of Angels......................................................................... 44 Hole : Live Through This................................................................................................................................................. 46 L7 : L7 .............................................................................................................................................................................. 48 L7 : Smell The Magic....................................................................................................................................................... 49 L7 : Bricks Are Heavy...................................................................................................................................................... 50 Page 99/100 L7 : Hungry For Stink ...................................................................................................................................................... 51 L7 : The Beauty Process: Triple Platinum ....................................................................................................................... 52 L7 : Slap-Happy ............................................................................................................................................................... 53 Grief : Come to Grief ....................................................................................................................................................... 54 16 : Drop Out.................................................................................................................................................................... 55 16 : Zoloft Smile............................................................................................................................................................... 56 16 : Deep Cuts From Dark Clouds ................................................................................................................................... 57 Vanderson : Vandisphere ................................................................................................................................................. 58 Moo100ooter VS Wellenfeld : Live Munster 2015............................................................................................................ 60 Frederich Shuller : Quantum Principles ........................................................................................................................... 61 TANGERINE DREAM : Quantum Key .......................................................................................................................... 63 Wino : Adrift .................................................................................................................................................................... 65 QUEENS OF THE STONE AGE : You Can't Put Your Arms Around a Memory......................................................... 66 David Bowie (David) : Baal............................................................................................................................................. 67 Mütiilation : Rattenkönig ................................................................................................................................................. 68 The Long Losts : Scary songs to play in the dark ............................................................................................................ 69 TIAMAT : The Astral Sleep ............................................................................................................................................ 70 BEHEMOTH : The Satanist............................................................................................................................................. 72 TIAMAT : Clouds ............................................................................................................................................................ 74 Le Death to Mankind : Le Death to Mankind .................................................................................................................. 76 David Bowie (David) : Baal............................................................................................................................................. 78 Darkleech : EP.................................................................................................................................................................. 79 Fides Inversa : Mysterium tremendum et fascinans......................................................................................................... 80 Witchhelm : Jötunn .......................................................................................................................................................... 81 Syndromeda & Mac of BIOnighT : Volcanic Drifts........................................................................................................ 83 INDRA : Archives-Ruby Four ......................................................................................................................................... 85 ALPHA LYRA : Between Cloud and Sky....................................................................................................................... 87 Ringworm : The Promise ................................................................................................................................................. 89 Crimson Scarlet : Collection 2011-2014 .......................................................................................................................... 90 Cultes des ghoules : He100ane........................................................................................................................................... 91 Guili Guili Goulag : IB.EX.IB ......................................................................................................................................... 92 Ringworm : Birth Is Pain.................................................................................................................................................. 94 Minuit Machine : Live & destroy..................................................................................................................................... 95 Sarcofago : I.N.R.I ........................................................................................................................................................... 96 Achilles Last Stand : My precious decay ......................................................................................................................... 97 Page 100/100