Kamehameha!

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Kamehameha!
Jules Delaveau
Kamehameha!
La construction visuelle du genre
Mémoire de Bachelor présenté à la Haute Ecole d’Art de Lausanne
HES ECAL | Lausanne, Février 2013
Kamehameha!*
La construction visuelle du genre
Technique de combat fictive créée par Akira Toriyama dans le
célèbre manga Dragon Ball en 1984.
*
Mémoire de bachelor
communication visuelle
jules delaveau
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table des matières
Table des matières
Avant Propos
Problématique
06
08
Les Codes du Genre Masculin
Les Lettres de Légende
La Robuste Lettre 3D
La Lettre Magique
Le Terrible Circuit Automobile
La Silhouette de L’illustre Chauve-Souris
Le Duel du Feu contre la Glace
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18
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30
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42
La représentation visuelle
des genres dans les univers opposés
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Les Codes du Genre Féminin
Les Copines Multicolores
La Dédicace de Star
La Lettre Magique II
Le Diamant et ses Mille éclats
Le Secret du Médaillon
L’arc-en-ciel du Bonheur
Le i Féerique
Le Rose Bonbon
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Les Codes Agenres
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Bilan
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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avant propos
Avant Propos
Au plus loin que remontent mes souvenirs, la couleur
rose était attribuée aux filles et le bleu aux garçons.
Ce principe que je considérais jusqu’alors comme une
évidence était fondamentalement encré en moi et je
ne me doutais pas qu’il avait pu en être autrement
au début du XXe siècle. Au cours de mon enquête,
j’ai eu l’occasion de discuter avec des personnes nées
dans les années 1960 et je me suis aperçu avec étonnement que ces dernières n’avaient pas été bercées
par ce type de codes. Les protagonistes de la génération X1 reconnaissaient que ces deux couleurs étaient
communément associées à l’un et l’autre des sexes
dans l’imaginaire collectif, mais ne parvenaient pas à
identifier l’origine de ce phénomène. Les femmes de
cette génération évoquaient les premières Barbies,
dont le rose était la couleur emblématique mais les
hommes ne voyaient pas réellement quelle pouvait
être l’origine de cette attribution de la couleur bleu
aux garçons.
Revenons à présent à la genèse de mon enquête. Un jour que je parcourais les rayons de shampoing féminin d’une grande surface, mon regard a
été attiré par une bouteille différente qui me paraissait incongrue à cet endroit. Il s’agissait d’un flacon
au design viril et agressif qui évoquait un jouet pour
petit garçon de type Action Man et qui avait été
rangé au mauvais endroit. Les tubes de shampoing
pour femmes qui l’entouraient arboraient des couleurs pastelles, évoquant tour à tour les princesses
de Disney. Leurs packagings étaient argentés, scin1
Il s’agit des individus nés entre 1961 et 1981.
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avant propos
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tillants, leur formes arrondies, souples et gracieuses.
En réalité, mon inconscient venait d’identifier spontanément les codes genrés spécifiques à ce produit
que j’identifiais comme étant masculin, il m’est apparu que j’avais intégré ces codes sans m’en apercevoir, tout au long de mon enfance. J’avais immédiatement assimilé le flacon de shampoing au genre
masculin, bien qu’il ne soit pourtant pas de couleur
bleue. Je me suis alors fait la réflexion qu’à notre
époque ce code couleur simple avait peut-être changé et que de nouveaux codes, plus complexes, régissaient l’univers de la communication visuelle promotionnelle. En observant les produits cosmétiques
masculins, je constatais que les rasoirs pour hommes,
à titre d’exemple, étaient pourvus d’extensions de
lames, de modes multiples, de têtes pivotantes, de
zones antidérapantes, de lasers et de lumières qui
indiquaient leur niveau de batterie. Le champ lexical
des mots inscrits sur les emballages de ces produits
tel qu’«immortel», «extrême», «power», «fusion» ou
«indestructible» confortait mon idée selon laquelle
nous étions éduqués visuellement à identifier ces
objets comme appartenant au genre masculin. Il me
semblait que mon regard subissait un certain conditionnement inconscient et que ces codes graphiques
me conduisaient à entrer dans des schèmes de pensée que l’on avait prédéterminé pour moi. Je me suis
demandé si ces différents codes visuels nous étaient
inculqués depuis l’enfance par les publicistes et s’ils
étaient les mêmes dans le monde de l’enfance et de
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communication visuelle
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communication visuelle
avant propos
l’adulte. J’ai finalement décidé de répertorier ces
codes à travers des catégories et d’en distinguer les
systèmes, les occurrences et les mystères. Telle est la
démarche de mon travail de mémoire.
Problématique
Mon étude me conduit à penser que la communication visuelle connait un changement radical de paradigme depuis une vingtaine d’année. En effet, les
personnes de mon âge nées entre 1982 et 2002 que
l’on nomme «génération Y» ont grandies éduquées
par les nouvelles technologies informatiques, au
sein de la cyberculture, bercées par les mangas, les
jeux vidéos et des dessins animés fortement genrés.
Il s’agissait d’animes très agressifs et violents pour
les garçons tels que Goldorak, Jayce et les conquérants de la lumière, Capitain Flam, les Chevaliers du
Zodiaque ou encore Dragon Ball Z. Pour les filles, les
programmes télévisés frôlaient souvent la niaiserie
avec des dessins animées tels que Jem et les Hologrammes, Juliette je t’aime, Georgie, Lucile amour et
rock’n’roll ou encore Sailor Moon. Nous étions loin de
la poésie enfantine empreint de rêve et de douceur
des programmes que nos parents avaient connus tels
que le Manège Enchanté (1964) ou Bonne nuit les petits (1962). D’une part, l’éducation visuelle moderne
des enfants me semble plus agressive, plus sexualisée
qu’auparavant, on peut presque parler d’un «désen-
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problématique
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chantement de l’enfance», pourtant la société occidentale semble avoir plus de peine qu’auparavant à
devenir adulte avant l’âge de 30 ans. D’autre part,
les codes proposés par les publicistes creusent le
gouffre entre les genres et stigmatisent de façon exacerbée les rôles sociaux des hommes et des femmes,
cette situation me semble paradoxale à une époque
où l’on prône la parité et l’ouverture des mœurs.
Il semblerait que la séparation entre les jouets
pour filles et les jouets pour garçons soit relativement
récente et date de 1992 dans les catalogues de jouets,
selon une étude d’Enfance et Cultures: regards des
sciences humaines et sociales2. Auparavant, les jouets
étaient classés par thèmes tels que: «la construction»,
«les poupées» ou «la découverte de la science». Cette
même étude avance qu’en 1993, la firme Toys’R’Us
utilisait encore un fond de couleur rose pour promouvoir sa console de jeu Sega ou ses établis de bricolage
pour petits garçons. Les produits de consommation
destinés aux enfants étaient visiblement moins genrés qu’ils ne le sont aujourd’hui. De plus, selon Peggy
Orenstein: «Ce n’est que vers le milieu des années
1980, époque où l’amplification des différences d’âge
et de sexe devint une stratégie clé du marketing ciblant les enfants, que le rose entra véritablement en
jeu et qu’on se mit à penser qu’il plairait forcément
aux filles»3. La période à laquelle ma génération a
grandi était apparemment confronté à un tournant
drastique en manière de communication visuelle. Ma
démarche pour l’élaboration de ce travail de mé-
moire se veut purement formelle. J’ai répertorié les
codes visuels qui m’ont été transmis au cours de mon
enfance (1993-2006) en proposant différentes catégories, en considérant d’une part, les visuels s’adressant aux petits garçons (pages bleues), d’autre part
ceux s’adressant aux petites filles (pages roses). Ces
codes appartiennent au domaine de la communication multimédia, des jeux vidéo, des dessins animés et de la bande dessinée que je regroupe sous le
terme non-péjoratif de «Low Culture» ou «Popular
Culture» mais également à la sphère de la publicité
pour des objets de consommations courants (jouets,
cosmétiques, montres, vêtements…). J’ai ensuite
cherché à découvrir si ces différents codes se retrouvaient dans la communication visuelle pour adultes
et si c’était le cas, à comprendre sous quelle forme.
Il est important pour moi de préciser que mon travail
est celui d’un graphiste et non d’un sociologue, je ne
cherche en aucun cas à analyser l’évolution des catégories de genres, ni à revendiquer une quelconque
injustice ou discrimination d’un sexe par rapport à
l’autre. De nombreux ouvrages et travaux de mémoire traitent par ailleurs de ce sujet, comme le livre
Contre les jouets sexistes4 autour de questions telles
que «Comment changer le rôle de la femme dans la
publicité?» ou «Quels sont les solutions pour éviter
une telle discrimination?», ce qui n’est pas l’objet
de ma recherche. Afin de rendre mon étude la plus
objective possible, j’ai choisi d’observer des produits
de consommation utilisés par les deux sexes et qui ne
Enfance et Cultures : regards des sciences humaines et sociales, Actes du colloque international, Ministère de la Culture et de la Communication, Association internationale des
sociologues de langue française, Université Paris-Descartes, 9es journées de sociologie de
l’enfance, Paris, 200. Article disponible sous www.enfanceetculture.culture.gouv.fr.
3
Orenstein, Peggy, « Contre la dictature du rose », in The Observer, 22.09.2011. Article disponible sous www.courrierinternational.com/article/2011/09/22/contre-la-dictature-du-rose.
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problématique
Mix-cité, Contre les jouets sexiste, Paris : l’échappée, 2007.
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problématique
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sont à priori pas déjà stigmatisés, tels que des rasoirs,
des déodorants, des crèmes ou des gels douches et
d’analyser en quoi leur packaging était connoté de
manière féminine ou masculine. Enfin, j’ai analysé un
troisième type d’objets courants agenres tels que des
piles, des ampoules ou des sacs d’aspirateurs et j’ai
cherché à distinguer les codes graphiques qui leur
incombe utilisés par les publicistes (page beige).
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communication visuelle
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Les lettres
de légende
code n°1
Les Lettres de Légende
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Les lettres
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Les lettres
de légende
points-clés
•lettres à empattements médiévales
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communication visuelle
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Les lettres
de légende
Les Lettres de Légende
Le développement des nouvelles technologies de l’informatique, d’Internet et des consoles de jeux vidéo
proposées par Nintendo, Playstation et Sega dans
le courant des années 1980, modifie considérablement les modes de communication visuelle. De plus,
l’Europe subit une influence grandissante de la Low
Culture nippone et américaine. En effet, les mangas,
animes et Comics connaissent un grand succès auprès du grand public occidental. Un nouveau genre
de jeux évolutif voit alors le jour, le «roleplay» c’està-dire une version 3D du jeu «dont vous êtes le héro»,
offrant la possibilité de sauvegarder chaque partie et
par conséquent de pérenniser le jeu vidéo. L’esthétique développée dans ce type de jeu est qualifié de
médiéval-fantastique, un univers où se mêlent des
légendes, de la magie ainsi que diverses références
au Moyen-âge occidental, comme c’est le cas par
exemple dans le célèbre Donjon et Dragons créé par
Ernest Gary Gygax et Dave Arneson. Les MMORPG5 ,
des jeux de rôles en réseaux auxquels participent des
millions de joueurs, tel que World of Warcraft bercent
toute une génération de petits garçons et d’adolescents au cours des années 1990-2000. L’univers médiéval-fantastique s’étendra également à la bande
dessinée avec des œuvres telles que les Chroniques
de la Lune noire (1989), la Quête de l’oiseau du temps
(1989), Lanfeust de Troy (1984) ou encore Anachron
(2001). Ces ouvrages reprennent les scénarios des
chansons de gestes6 et des romans courtois médiévaux et relatent souvent l’histoire du parcours initia-
tique d’un jeune héro valeureux à la recherche de sa
bien-aimée ou de son amie d’enfance enlevée par une
créature maléfique. L’engouement pour le médiévalfantastique a également donné lieu à la diffusion de
produits dérivés, tels que les figurines à peindre du
jeu de stratégie de combat Warhammer (1989), dont
les règles complexes demandaient aux joueurs une
grande implication et suscitaient parfois chez eux
une forme d’addiction «geek». La transposition cinématographique du roman de Tolkien le Seigneur des
Anneaux par le réalisateur Peter Jackson entre 2001
et 2003 connait par ailleurs un succès mondial.
Le code graphique que je nomme «lettre de
Légende» encore très utilisé aujourd’hui dans la
communication visuelle pour garçons me semble
issu de ce paradigme médiéval-fantastique ; de plus,
il se rapporte aux lettres enluminées des précieux
manuscrits du Moyen-âge. J’ai toutefois été surpris
de constater qu’il disparaissait de la communication
visuelle publicitaire pour hommes adultes, en dehors
des jeux vidéo, des bandes dessinées ou des livres de
science fiction.
Abréviation de « Massively Multiplayer Online Role Playing Games ».
Ecrits en alexandrins, ces récits relataient les actions héroïques de jeunes et beaux chevaliers et leurs nombreux actes de bravoures dont la récompense finale était toujours une
dame bien née.
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la robuste lettre 3d
code n°2
La Robuste Lettre 3D
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communication visuelle
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la robuste lettre 3d
points-clés
•lettres 3D en reliefs avec
textures métalliques
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communication visuelle
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la robuste lettre 3d
La Robuste Lettre 3D
La représentation picturale de la troisième dimension
de la manière telle que nous la concevons aujourd’hui,
s’enracine à la fin du XIIIe-XIVe siècle en Italie centrale:
«A l’image codifiée d’un monde dématérialisé succède
la représentation vraisemblable d’un monde soumis aux
contingences terrestres»7 . Les recherches de l’architecte Filippo Brunelleschi, du sculpteur Donatello et du
peintre Masaccio concernant la représentation de l’espace donnent lieu à un grand bouleversement esthétique8, la perspective est née. Tout au long de la Renaissance, les artistes rivalisent d’ingénuité et de technicité
pour la représentation du volume à travers des décors
en trompe l’œil.
En 1950, quelques années après la Seconde
Guerre Mondiale, les premières lettres en 3D métallisées apparaissent dans l’univers du graphisme. Elles utilisent des polices d’écritures épaisses, des angles droits
qui évoquent les blindages des tanks et l’acier froid de
leurs carcasses. Les lettres sont serrées les unes aux
autres, sans espace, comme organisées selon un principe «d’horror vaccui»9 . Cette typographie véhicule
des valeurs propres à l’imaginaire masculin telles que
la discipline, la force, la pérennité, elle se rapporte à un
univers militaire, carcéral ou technologique à mi-chemin entre l’acier trempé du Steampunk et le chrome
des avions supersoniques. Les progrès de la robotique,
de la biotechnologie et des nouvelles technologies du
XXe siècle fascinent et les romans de science fiction foisonnent avec des ouvrages tels que La fin de l’éternité
(1967) d’Isaac Asimov, La nuit des temps (1968) de Barjavel mais également les bandes dessinées telles que
X-Men (1963) édité par Marvel. En 1977 , George Lucas
utilise «la robuste lettre 3D» dans le générique de son
film mythique Star Wars où le titre défile en relief sur un
fond noir incrusté d’étoiles. Les mots en reliefs semblent
sortir de l’écran et prennent alors une valeur de logo.
L’homme fantasme son futur et le septième art est marqué par des films cultes qui resterons dans les esprits et
qui utilisent eux-aussi cette fameuse «robuste lettre
3D» dans la typographie de leur titre tel que Terminator
(1984) de James Cameron. Enfin la 3 D connaît son apogée avec le film Avatar (2009) dont toutes les images
sont en trois dimensions.
Mon enquête m’a amené à constater que bien
que l’esthétisme de ces lettres en 3D métalliques soit
aujourd’hui démodé, il est encore très utilisé dans le
graphisme publicitaire pour les hommes adultes. Dans
ce cas précis, la notion de «souvenir d’enfance», de référence à des films cultes, à des bandes dessinées lues,
prédomine sur l’esthétisme du lettrage et c’est de cette
référence à l’imaginaire collectif que provient son impact et son succès. Les lettres en 3D du petit (Anakin)
guerrier persistent sur le packaging du rasoir Guillette
de l’homme moderne, fort, viril, qui désire secrètement
être reconnu comme un guerrier par ses pairs.
Il est probable, a mon sens, que ce code visuel
évolue vers d’autres formes, comme le laissent à penser
les récentes séries à succès Code Lyoko (2003) et Code
Lyoko Evolution (2012) diffusées sur les chaînes de télévision françaises. L’univers qu’elles dépeignent est celui
des virus et de l’espionnage informatique et de la projection numérique holographique. Dans quelques années
les enfants joueront probablement à la guerre virtuelle
dans des jeux vidéo connaissant de tels esthétismes.
Heck, Christian (dir.), Moyen-Age, Paris : Flammarion, 2005, P.334.
Idem, P. 353.
9
Ce qui signifie « peur du vide ».
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la robuste lettre 3d
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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la lettre magique
code n°3
La Lettre Magique
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la lettre magique
points-clés
•lettres spéciales qui
donnent un ton au logo
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la lettre magique
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communication visuelle
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la lettre magique
La Lettre Magique (masculin)
C’est un code courant dans l’univers graphique destiné aux petits garçons, il est facilement identifiable.
Il s’agit des lettres de l’alphabet «t» et «x» mises en
exergue dans le titre d’un jeu ou dans le nom d’un produit publicitaire. Ces deux «lettres magiques» sont
porteuses d’un sens caché, reconnu par l’inconscient
des petits garçons. En effet, le «t» symbolise une épée
et le «x» un bouclier; ce sont des outils qui se rapportent, une fois encore, à l’univers médiéval-fantastique susmentionné. J’insiste sur le fait que ces deux
lettres fétiches appartiennent à l’univers des garçons
et ne sont pas les mêmes que pour les filles. La lettre
prend dans ce contexte un sens que l’on peut qualifier
de caricatural en augmentant la simple représentation alphabétique d’une dimension imagée, d’un «designo». Par exemple, un jeu vidéo dont le titre contient
la lettre «t» agrandie et dont la typographie représente une épée, promet au jeune garçon des batailles
à mener et des mondes à conquérir. Cette manière
d’insister visuellement sur la lettre-épée «t» se veut
probablement didactique. En effet, dans le processus
d’apprentissage de la lecture aux enfants, le signifié
est souvent associé au signifiant selon la linguistique
saussurienne. Par exemple, le mot grenouille est inscrit sous le dessin d’une grenouille verte et dans l’inconscient de l’enfant, la couleur verte sera à l’avenir
évocatrice de tout un univers visuel photographié
dans l’enfance et qu’il aura emmagasiné, comme
l’herbe, le nénuphar, un sapin, les martiens ou du sirop de menthe. La couleur peut même nous évoquer
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une texture, comme le vert associé au mot grenouille
qui fait naître en nous une sensation de gluant. Nous
sommes conditionnés à associer des mots, des images
et des idées, c’est pourquoi la lettre «t» placée dans
un certain contexte, par exemple les jeux vidéo et
traitée graphiquement à la manière d’une épée, évoquera chez le garçon une idée d’aventure et de combat solitaire, elle sera porteuse intrinsèquement d’un
contenu sémantique intégré dans l’enfance. Quand à
la lettre «x» qui évoque le bouclier, elle est également
associé au mystère, à la technologie comme dans la
bande dessinée américaine X-men (1963). Le «X» se réfère aussi à l’univers des chantiers, de la construction,
sa forme même évoque la force, la robustesse et la virilité. Enfin, la lettre magique permet au petit garçon
d’identifier aisément un message, par exemple, si le
titre du jeu vidéo est en anglais, bien qu’il ne parle pas
la langue, la lettre magique lui donnera des indices
quant au contenu du jeu.
Dans l’univers publicitaire masculin, la lettre
magique est récurrente. Son sens est souvent doublé
d’un dessin entourant la lettre, qui ajoute une dimension narrative et évocatrice d’idées de vitesse, de
force et de dureté au produit viril comme des tâches
de sang éclaboussé, des craquelures ou encore des
marques de freinage de voiture. La lettre magique est
placée au centre du mot et elle est de taille supérieure
aux autres lettres. On retrouve curieusement cette
disposition hiérarchique dans la représentation d’un
groupe de garçon sur la pochette d’un jeu vidéo, d’un
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la lettre magique
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manga, ou dans le générique d’un dessin animé avec
au centre le leader et derrière lui sa bande de garçons.
Dans l’univers des filles, cette hiérarchie n’existe pas.
Un groupe de fille est représenté avec ses protagonistes les unes à côté des autres de manière égalitaire,
il n’y a pas de cheffe. Comme nous le verrons par la
suite, la lettre magique existe aussi chez les filles mais
sa disposition se rapproche de la manière de représenter un groupe de personnages féminins dans le dessin;
les lettres sont placées les unes à côté des autres et
leurs caractères sont de même grandeur. Dans l’imaginaire collectif, la femme est un être social qui ne recherche pas le pouvoir mais plutôt la paix. Il apparait
que le graphisme contemporain ait intégré ces traits
de caractères collectivement admis comme étant
«typiquement féminin» ou «typiquement masculin»
dans l’élaboration de sa communication visuelle.
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le terrible circuit
automobile
code n°4
Le Terrible Circuit
Automobile
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le terrible circuit
automobile
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le terrible circuit
automobile
points-clés
•lettres penchées
•circuit de F1 autour du logo
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analyse
le
terrible circuit
typographique
automobile
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ECALECAL
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communication visuelle
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le terrible circuit
automobile
Le Terrible Circuit Automobile
La forme de circuit automobile qui entoure les lettres
d’un mot est l’un des codes de communication pour
petits garçons les plus anciens. Il évoque la vitesse, la
technologie et la fascination pour l’univers viril de la
mécanique automobile. Je pense que ce code était
tout d’abord destiné à séduire la génération X des pères
des garçonnets, qui avaient eux-mêmes joué avec des
circuits de petites voitures dans leur jeunesse, il ne
s’adressait donc pas directement aux petits garçons.
Les marques de jouets Matchbox et Meccano utilisent
encore un lettrage classique dans les années 19501970. En 1968, la typographie évolue avec la marque de
jouets Hot-Wheels dont les lettres du nom sont entourées d’un circuit incandescent qui se termine en flammèches à son extrémité, ce qui rend visuellement l’idée
de vitesse. Ce type de graphisme est destiné, à mon
sens, cette fois-ci directement aux enfants. Le succès
d’une telle typographie pousse alors les concurrents
de marques de petites voitures à faire évoluer leurs
logos vers des formes plus modernes telles que : le mot
incliné vers la droite pour illustrer l’idée de vitesse, les
lettres en 3D, les flammes autour du lettrage ou encore
les «lettres magiques iconiques».
On retrouve aujourd’hui des traces de ce code
en forme de «terrible circuit automobile», notamment dans le titre des films de voiture tels que Fast
and Furious (2011) dont les lettres sont penchées vers la
droite, enflammées et encerclées par un circuit constitué de traces de pneus. Le monde de l’automobile et
du tuning est socialement admis comme étant prin-
33
cipalement masculin, il n’est alors pas étonnant que
l’on retrouve un tel graphisme dans la sphère des jeux
vidéo. En revanche, j’ai été surpris du succès et de l’occurrence d’un tel code dans la publicité. En effet, depuis une dizaine d’année, les marques de cosmétiques
pour hommes rivalisent d’imagination pour créer
des packagings sur le thème de l’automobile et de la
vitesse; les déodorants pour hommes ressemblent de
plus en plus a des voitures de Formule 1 miniatures qui
se parent d’attributs de tuning, tels que des surfaces
antidérapantes, des flammes sur les côtés, des grilles
d’aération ou la marque du moteur imprimée sur le
centre. Ce constat m’a permis d’élaborer l’hypothèse
selon laquelle les produits commerciaux du quotidien
seraient pensés par les designers graphistes pour agir
sur notre inconscient comme des snaphots de notre
enfance. La familiarité que ces objets nous inspirent,
créée par ces différents codes visuels que j’ai répertoriés, nous permettrait une forme d’identification au
produit, de connivence avec lui. Les déodorants, gels
douches et autres crèmes pour hommes deviendraient
alors des sortes de jouets-trophées trônant dans notre
salle de bain comme les symboles d’un parcours initiatique vers l’âge d’or adulte, dont aucun ingrédient
n’aurait été oublié.
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le terrible circuit
automobile
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communication visuelle
interprétation
pot
d’échappement
antidérapant
marque du
«véhicule»
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la silhouette de la
chauve-souris
code n°5
La Silhouette de L’illustre
Chauve-Souris
grille
d’aération
sponsors
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la silhouette de la
chauve souris
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points-clés
•la silhouette du logo rappelle
la forme de la chauve souris
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chauve souris
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la silhouette de la
chauve-souris
La Silhouette de L’illustre Chauve-Souris
L’année 1987 marque un tournant décisif dans la promotion de nouveaux codes visuels avec notamment
le succès du Club Dorothée qui diffuse pendant dix
ans des dessins animés japonais sur les chaînes françaises. Ces animes très genrés respectent des codes
visuels précis, qui contribuent à l’éducation de la féminité et de la masculinité faite aux enfants. On parle de
«shojo» pour les filles et de «shonen» pour les garçons
comme Dragon Ball Z, Les chevaliers du Zodiaque ou
Nicky Larson. Si les premiers proposent un univers candide, innocent et romantique, les animes pour garçons
dénotent souvent d’une agressivité et d’une violence
rare, ce qui créera une controverse autour de l’émission à succès pour enfant.
La couleur, la typographie ou encore la «lettre
magique» sont autant de manières de communiquer
visuellement un message et de faire la promotion d’un
produit. La silhouette générale du logo peut, elle aussi,
être un vecteur de sens important comme c’est le cas
pour les mots écrits sur le mode de «la silhouette de
l’illustre chauve-souris». Le personnage de Batman est
créé par Bob Kane et Bill Finger en 1939, sa silhouette
est symbolisée par un logo en forme de chauve-souris
stylisé qui a beaucoup évolué à travers les années. Tout
d’abord agenre jusqu’en 1986, probablement influencé
par le nouvel esthétisme promu par le Club Dorothée,
il évolue vers une forme tranchante d’étoile de ninja,
puis en pointe évoquant l’arme mortelle du «shuriken»
japonais; ce logo connait aujourd’hui sa forme la plus
agressive et sexuée avec l’ajout de craquelures autour
39
de la silhouette de la fameuse chauve-souris. La compagnie Warner Bros investit des milliards de dollars
pour faire de Batman l’une des figures emblématique
des petits garçons du XXe siècle.
Aujourd’hui la publicité reprend couramment la
«silhouette de l’illustre chauve-souris» pour l’agressivité de son graphisme, en délaissant totalement le sens
premier de la chauve-souris/super héro ou même du
vampire. La forme générale du logo agit dans ce cas sur
le consommateur comme un snapshot, un vague souvenir d’enfance qui, de manière inconsciente évoque
en lui une multitude de sensations agréables et familières liées au temps où il était un petit garçon, sans
autre soucis que ses rêves de super héro. Par exemple,
le jeu vidéo de combat Soulcalibur (1998) utilise un logo
en forme de chauve-souris, bien que son scénario n’ait
aucun rapport avec le thème de la nuit ou d’un justicier masqué. En utilisant la forme du logo de Batman,
la publicité reprend à son compte la notoriété de la
célèbre icône des petits garçons, pour attribuer à son
produit un peu de son charisme, de son aura, de sa popularité et lui conférer une idée de légende.
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la silhouette de la
chauve souris
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le duel du feu
contre la glace
code n°6
Le Duel du Feu
contre la Glace
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le duel du feu
contre la glace
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
le duel du feu
contre la glace
vs
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le duel du feu
contre la glace
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ECAL 2013
Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
analysed’images
d’image
analyse
genrée
genrées
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analyse
La représentation
visuelle des genres dans
les univers opposés
analyse d’images
genrées
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fille dans un dessin
animé féminin
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
analyse d’images
genrées
filles dans un dessin
animé masculin
021
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analyse d’images
genrées
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ECAL 2013
Mémoire de bachelor
communication visuelle
garçon dans un dessin
animé féminin
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
analyse d’images
genrées
garçon dans un dessin
animé masculin
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analyse d’images
genrées
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ECAL 2013
Mémoire de bachelor
communication visuelle
gammes de
couleurs
Mémoire de bachelor
communication visuelle
comparaison
des yeux
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ECAL 2013
comparaison
des cheveux
analyse d’images
genrées
comparaison
du torse/poitrine
points-clés
•filles angéliques
•garçons démoniaques
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analyse d’image
genrée
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ECAL 2013
Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
jules delaveau
ECAL 2013
analyse d’images
genrées
La représentation visuelle des genres
dans les univers opposés
Il semblerait que le graphisme soit genré. En effet,
après une étude de terrain, j’ai pu constater que les
codes visuels s’adressant aux femmes ne semblent pas
être les mêmes que ceux destinés aux hommes. A une
époque moderne, où on assiste à une apparente libération des mœurs et de la sexualité, il apparait curieusement que des traditions graphiques persistent, voir
même se renforcent. On constate une nette distinction entre le graphisme s’adressant aux enfants des
deux sexes, dans quelle mesure peut-on parler de graphisme «pour petites filles» et de graphisme «pour petits garçons»? Quels sont les codes visuels utilisés pour
communiquer une information à l’un ou l’autre des
genres? Ces codes contribuent-ils à l’apprentissage
implicite du féminin et du masculin, conditionnent-ils
les enfants dès leur plus jeune âge, orientent-ils leurs
goûts futurs? Enfin, les codes graphiques appartenant
au monde de l’enfance se retrouvent-ils dans celui des
adultes, notamment dans le champ de la publicité et
des produits de consommation usuels?
A titre d’exemple, comparons des mangas japo10
nais qui connaissent un grand succès en Occident auprès de la génération Y dans les années 1990-2000:
Fruit Basket, Burst Angel et Dragon Ball. La première
image met en scène une préadolescente vêtue d’un
uniforme classique d’étudiante à la japonaise. Ses
yeux sont agrandis, débridés selon les canons de beauté de la nouvelle société nippone, ils reflètent l’innocence et l’ingénuité. La chevelure de la jeune fille retenue par des rubans bleus, tombe en mèches souples
Ces codes graphiques se retrouvent également dans les Comics américains cependant j’ai
préféré comparer des styles picturaux assez proches. A une époque où 70% des dessins animés sur la chaine pour enfants Cartoon Network sont d’origines japonaises, il m’a de plus,
semblé que la culture nippone faisait partie intégrante de l’éducation visuelle des enfants
occidentaux de cette génération.
sur ses épaules. Les attributs féminins du personnage
ne sont pas particulièrement mis en valeur et sa tenue
est relativement sobre. Le trait pictural est léger, les
contours courbes, aériens, et féminins. Enfin, la palette chromatique utilisée se situe dans les tons pastels
et évoque le ciel ou encore le rêve. La seconde image
appartient à un paradigme bien différent. En effet, il
s’agit de deux femmes représentées de manière très
connotée sexuellement. Leurs poitrines sont gonflées et artificielles, leurs tenues provocantes et aguicheuses, leurs chevelures sont épaisses et tombent en
mèches aiguisées et folles autour de leurs visages. Les
deux femmes guerrières sont affublées de tatouages
et portent des armes, elles sont mises en scène de manière virile dans un univers urbain qui semble hostile et
dangereux. Le traité pictural dans cette image est plus
dur, épais, franc et la gamme chromatique utilisée est
plus sombre que dans la première image. A travers cet
exemple, nous constatons les différences flagrantes
qu’il existe entre la manière de représenter les filles
pour un public féminin ou pour un public masculin.
La troisième image représente un couple enlacé, l’homme aux traits fins et doux, à la peau parfaitement lisse regarde dans le vague d’un air rêveur, une
mèche de cheveux roux tombe devant ses yeux. Il saisi
d’une main les cheveux de sa partenaire dans un geste
passionné. Celle-ci le regarde tendrement et semble
partager avec lui une étroite intimité. Des pétales de
roses se déversent un cascade sur cette scène lyrique
et pacifiste qui s’adresse explicitement à un public fé-
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analyse d’image
genrée
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ECAL 2013
minin. Au contraire, la quatrième image est celle d’un
homme à l’air mauvais, possédé par un désir de destruction. Son regard aux sourcils froncés est perfide,
sa mâchoire est crispée et ses cheveux dont les mèches
pointues s’apparentent à des lames de couteau sont
dressées vers le ciel. Il a des cicatrices sur le visage et il
est affublé d’une musculature très proéminente, probablement résultant d’un traitement aux hormones
et d’un entrainement intensif qui fait éclater le vêtement qu’il porte. Ces représentations des deux sexes
sont antinomiques mais aussi très caricaturales.
De manière plus générale, on constate que les
décors qui constituent les mangas pour garçons sont
souvent des terres hostiles, des forêts désertes ou encore des champs de bataille. Tant d’univers qui contribue à créer une atmosphère masculine dans l’imaginaire collectif. Les mangas s’adressant aux filles
dépeignent au contraire des décors rassurants, familiers et citadins. L’action se déroule dans des lieux de
prédilections tels que le foyer ou l’école.
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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communication visuelle
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les copines
multicolores
code n°7
Les Copines Multicolores
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communication visuelle
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communication visuelle
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les copines
multicolores
points-clés
•Les Lettres ont chacune
une couleur différente
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les copines
multicolores
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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les copines
multicolores
Les Copines Multicolores
Observons à présent les codes graphiques destinés
aux petites filles. Ils divergent de ceux des garçons et
incarnent un point de vue souvent antinomique. Prenons par exemple le message divulgué par le courant
médiéval-fantastique aux petits garçons: «vous êtes
un héro courageux et solitaire, votre épée et votre
bouclier sont les meilleurs atouts pour survivre dans
ce monde dangereux». Ce message se transformera
dans la sphère de la consommation pour hommes
adultes en «vous êtes un survivant, vous êtes extrême» comme le suggère le champ lexical «survivor, extreme, hard» utilisé par la marque Garnier. A
contrario, la position féminine du marketing avance
que la femme a besoin des autres pour interagir et
évoluer, elle n’est pas une héroïne solitaire mais un
être social qui vit en communauté: «il y a deux fois
plus de héros dans les bandes dessinés et roman graphique que d’héroïne»11 . Au cours de mon analyse,
j’ai remarqué que les noms des marques ou les titres
des jeux vidéo ou des programmes télévisés pour fillettes étaient souvent au pluriel. Prenons l’exemple
des Supers Nanas (1998), des Fashion Agents (2004),
des Winx (2004) ou encore des Lite Sprites (2011) qui
mettent en scène un groupe de jeunes filles amies.
Il semblerait que selon le code féminin des «copines
multicolores», l’union fasse la force. Le monde des
jouets pour filles est régit par des valeurs tels que le
groupe, l’amitié ou la solidarité avec des marques
telles que Pony Friends, My Pocket Friends ou encore
Lego Friends, au contraire des notions de rivalité, de
solitude et de violence sont promues par l’univers des
garçons.
Depuis 1999 le groupe Disney Princess regroupe
les différentes princesses qui peuplent les films de Walt
Disney depuis 1937 telle que Blanche neige, Cendrillon, Aurore La Belle au Bois dormant, Ariel La Petite
Sirène, Jasmine, Mulan ou encore Raiponce. Elles sont
représentées de manière égalitaire, sans hiérarchie
entre elles mais avec des attributs reconnaissables et
différenciés, comme les couleurs de leurs robes et de
leurs bijoux, ou leur animal de compagnie. Graphiquement, cette idée est retranscrite dans un titre par
un changement de couleur à chaque lettre de même
taille, comme c’est le cas pour la série Jewelpet dont
les lettres sont déclinées dans un dégradé des couleurs de l’arc en ciel. Ce code est rarement utilisé
dans le monde des femmes adultes, quoique encore
présent sur certains blogs, comme c’est le cas pour le
site de conseil en shopping Dealissime.com.
Daflon-Novelle, Anne, « Sexisme dans la littérature enfantine: quels effets pour le développement des enfants ? », in Cahiers internationaux de psychologie sociale, 2003
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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la dédicace de star
code n°8
La Dédicace de Star
«friends»
notion d’amitié
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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la dédicace de star
points-clés
•une écriture manuscrite
qui lie les lettres entre elles
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
la dédicace de star
La dédicace de Star
Les figurines G.I. Joe et Barbie apparaissent dans
la seconde moitié du XXe siècle. La typographie du
titre de jouet pour garçon G.I Joe est très lisible,
dans une écriture Stencil qui évoque l’industrie et le
para-militarisme. Le nom de la poupée pour fillette
est quant à elle, en écriture manuscrite qui évoque
le raffinement, la délicatesse et la féminité. Une fois
encore, la typographie d’une marque destinée aux
enfants est vectrice de sens et véhicule un paradigme fortement genré au sein même de son écriture. C’est notamment le cas pour le jeu de combat
Soulcalibur (1998) dont le titre stylisé est évocateur
d’un univers particulier et donne des indices sur le
contenu du jeu ; le «s» symbolise une croix de ninja,
le «c» un boomerang meurtrier, le «u» représente un
poignard et le «r» est effilé comme une scie. Le code
de «l’écriture manuscrite» contient lui aussi un message intrinsèque, il joue le rôle d’une dédicace de la
star internationale Barbie à la petite fille émerveillée. Dans les années 1960, l’entreprise Mattel reçoit
des centaines de lettres de petites filles à la célèbre
poupée, ce qui conforte mon idée que cette écriture
manuscrite incarne la signature de la Barbie. Ce
type d’écriture «à la main» génère un sentiment de
proximité entre la fillette et la marque ainsi qu’une
dimension de réalité, de tangibilité qui contribue au
développement du rêve enfantin. La grande maison
crée un fan club pour sa figurine qui prend alors le
rôle d’icône; mon étude m’a permis de distinguer
que les médias encourageait souvent les garçons à
69
être acteur de leurs propres jeux et les fillettes à être
fan d’une idole à laquelle elles aimeraient ressembler, comme c’est le cas pour le magazine Fan Stars
destiné aux adolescentes.
Dans l’écriture manuscrite, les lettres sont liées
les unes aux autres et comme nous l’avons vu précédemment, la communication visuelle part du précepte que les filles vivent en communauté entourées
de leurs amies, il s’agit probablement d’un effet voulu porteur de sens. Les titres des marques de jouets
ou de films pour petites filles en écriture manuscrite
commencent souvent par une lettre en majuscule entrelacée et souple qui évoque les enluminures médiévales comme c’est le cas pour Cendrillon ou Raiponce
de Walt Disney. Cette majuscule précieuse souligne le
statut de noblesse des princesses féériques.
Ce code de «la dédicace de star» est utilisé dans les campagnes de publicité pour femmes
adultes, notamment dans l’industrie du luxe. A mon
sens, cette typographie augmente la préciosité et
la valeur sentimentale portée à l’objet, comme par
exemple pour les sacs à main. Elle donne l’illusion à la
consommatrice que l’objet a été créé spécialement
pour elle et confère au produit une dimension d’unicité et d’exception. Prenons l’exemple des marques
de montres de luxe Cartier ou Chopard qui utilisent
le code de l’écriture manuscrite pour communiquer
visuellement avec leur public féminin et qui optent
pour une police d’écriture plus droite, épaisse et rigide pour leurs modèles masculins.
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la dédicace de star
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En outre, la maison d’édition Hachette Filipacchi
Médias qui est responsable de la publication des magazines féminin Elle, Mode pratique et Fémina édite
également le magazine Witchmag pour fillette de
8-12 ans. L’éducation visuelle des petites filles et des
femmes est prise en charge par la même entreprise
et il est probable que les jeunes filles soient par ce
biais initiées à répondre aux futurs codes de consommation féminine présents dans les magazines pour
adultes, comme le relève le collectif Mix-cité12.
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communication visuelle
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communication visuelle
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la lettre magique
code n°9
La Lettre Magique II
Op.cit. Mix-cité, 2007.
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la lettre magique
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communication visuelle
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communication visuelle
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la lettre magique
points-clés
•une lettre spéciale percée
en son centre par un motif
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la lettre magique
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La Lettre Magique II (féminin)
Le code de «la lettre magique II» dans l’univers visuel
adressé aux filles constitue l’antithèse de la lettre
«t» qui symbolise l’épée conquérante et phallique
des garçons analysée précédemment. En effet, chez
les filles, la lettre magique est un «o» percé, dont
le centre a été évidé en forme de cœur ou de fleur
comme c’est le cas pour les marques de jouets pour
petites filles Miniamo ou Pinypon. Ce code peut être
interprété comme une allusion à la forme du sexe
féminin, par ailleurs, le cœur se rapporte à l’amour
et la fleur est une allégorie de l’intimité féminine.
On retrouve ce code dans des marques s’adressant aux femmes, notamment chez Miss Coquine et
Mon Charme qui comportent une dimension érotique
dans leur contenu sémantique.
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le diamant et ses
milles éclats
code n°10
Le Diamant et
ses Milles éclats
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le diamant et ses
milles éclats
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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communication visuelle
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le diamant et ses
milles éclats
points-clés
•des lettres remplis de paillettes et de diamants
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milles éclats
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communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le diamant et ses
milles éclats
Le Diamant et ses Mille éclats
Dans ce code les lettres qui constituent le titre d’un produit ou d’une série destinée aux petites filles sont constituées de strass et parsemées d’éclats. Ce type de police
que l’on peut qualifier de «bling-bling» est répandu dans
l’univers des fillettes, elle se réfère à la richesse, au faste
des princesses Disney mais contient également un côté
superficiel et tapageur. Ce code du «diamant aux mille
éclats» appartient aussi à l’univers de la magie, il incarne
le passage d’un état à un autre, comme par exemple
lorsque des étincelles sortent de la baguette magique de
la fée qui transforme la souillon Cendrillon en une somptueuse princesse, avant qu’elle se rende au bal. La transformation suggérée par les éclats peut être comprise
comme la promesse d’un épanouissement de la fillette
vers l’âge adulte. Souvent, ce type de typographie formée de «diamants aux mille éclats» est utilisé dans des programmes
qui s’adressent aux préadolescentes, qui sont au cœur
même de cette transformation vers un état qu’elles
espèrent meilleur, c’est le cas par exemple de Fashion
Agent ou de Top Model. Le code des paillettes agit sur
l’inconscient des jeunes filles comme la promesse d’un
avenir ludique, beau et fastueux, il leur permet de rêver
aux lumières des boules discos qu’elles sont impatientes
d’approcher dans les années à venir.
Le code du «diamant et ses mille éclats» persiste
dans le monde des adultes, notamment dans le milieu
clinquant de la nuit et de la jet-set. Ce code évoque alors
l’excès, la fête et l’alcool comme c’est par exemple le cas
pour la typographie de la soirée «Imperial Folies» organisée par les champagnes Moët et Chandon.
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le secret du
médaillon
code n°11
Le Secret du Médaillon
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médaillon
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communication visuelle
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le secret du
médaillon
points-clés
•la silhouette générale du logo
représente un médaillon
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le secret du
médaillon
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
le secret du
médaillon
Le Secret du Médaillon
Le code du branding en forme de «médaillon» est
récurent dans l’univers des petites filles comme
c’est le cas par exemple des marques récentes de
jouets telles que Chi Chi Love ou Zhu Zhu Princess.
Il joue le rôle d’un emblème qui atteste de l’appartenance à un groupe particulier ou à un club, tel le
symbole d’une société secrète réservé aux filles et
dont les garçons seraient exclus. Le médaillon est un
objet discret que l’on porte en pendentif autour de
son cou, il se trouve proche du cœur de la femme,
de son intimité. Cet objet évoque la préciosité et
le raffinement; de plus, la nature de son origine est
entourée de mystère. Le médaillon entretient une
relation au passé et à la notion d’héritage, il permet au spectateur de fantasmer sur le vécu de l’héroïne. Il peut s’agir d’un bijou familial, d’un souvenir ou encore d’un cadeau offert par un amoureux
que l’on conserve secrètement. Une fois de plus le
graphisme d’une marque est évocateur de sens et
suggère des idées de proximité et de relation privilégiée entre la jeune consommatrice et le produit.
Le code du «médaillon» agit comme un pacte implicite entre la marque et l’enfant, sa forme rappelle
celle du verrou des journaux intimes qui scelle les
secrets des petites filles. En 1963, le Club Barbie offre
une médaille comme signe d’appartenance à son
groupe, l’inscription est payante mais la petite fille
reçoit des lettres personnalisées, «écrites de la main
de la célèbre poupée». Cette technique est utilisée
par le club pour favoriser une forme de dépendance
de la jeune consommatrice à la marque et aux produits, cette dernière incitant également ses amies
à intégrer le groupe13. Finalement, la médaille peut
être considérée comme le symbole d’une étape à
franchir lors d’un parcours initiatique, comme celle
remise à la jeune fille lors de sa première communion
en signe de maturité.
Ce code visuel est récurrent dans le monde
des femmes, comme c’est le cas par exemple pour la
chaîne de prêt-à-porter féminin So Chic Collection,
ou pour la marque de parfum Annick Goutal dont le
logo en forme de médaillon est suspendu par un fin
ruban doré autour du flacon, comme s’il s’agissait
d’un véritable pendentif qui ornerait le cou d’une
femme.
13
Selon Harquez-Mainsen, Marie-Françoise, Barbie, poupée totem:
entre mère et fille, lien ou rupture ?, Paris: Autrement, no 181, 1998.
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le secret du
médaillon
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communication visuelle
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communication visuelle
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l’arc-en-ciel du
bonheur
code n°12
L’arc-en-ciel du Bonheur
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bonheur
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l’arc-en-ciel du
bonheur
points-clés
•des arcs-en-ciel apparaissent
dans le logo du produit
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l’arc-en-ciel du
bonheur
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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ECAL 2013
l’arc-en-ciel du
bonheur
L’ Arc-en-Ciel du Bonheur
Ce code féminin est le pendant du code pour garçons
en forme de «circuit automobile». Dans les deux cas
les lettres du titre de la marque sont encerclées d’un
dessin; chez les garçons il s’agit d’un circuit fermé,
régulier et exempt de fantaisie qui souligne le titre.
Dans l’imaginaire collectif, les garçons sont souvent
associés aux mathématiques, à la science et aux
schémas rationnels, ce qui explique probablement
la rigueur d’un tel logo. Pour ce code en «arc-en-ciel
du bonheur» le dessin qui entoure le titre est souvent ouvert, il évolue dans des formes souples, fantaisistes et colorées. La manière de communiquer
graphiquement une action semblable n’est pas la
même selon si le destinataire est un homme ou une
femme. Prenons l’exemple de la notion de vitesse
qui est exprimée chez les garçons par des traits hachurés horizontaux aérodynamiques, chez les filles,
cette notion est évoquée par des trajectoires verticales et clairsemées, comme des filaments d’étoiles
filantes. A mon sens, les publicistes situent le genre
masculin sur la terre ferme tandis qu’ils associent la
femme au ciel, à la rêverie et l’onirisme.
Le code de «l’arc-en-ciel» est récurent dans
l’univers des femmes adultes, notamment dans la
sphère de la publicité. Il convient cependant de distinguer deux aspects de ce code, d’une part, la silhouette générale de l’arc-en-ciel en forme de parabole, d’autre part, la gamme de couleurs utilisée
dans l’univers des petites filles. Prenons l’exemple
de la marque de tampons hygiéniques Tampax, qui
91
attribue une couleur à chaque format de tampon, le
rose pour les jeunes femmes vierges ou au début de
leurs règles, le jaune pour les femmes connaissant
un flux moyen, le vert pour les femmes aux règles
abondantes et le orange pour les femmes au flux
très important. Ce code aux couleurs de l’arc-en-ciel
permet de hiérarchiser les utilisatrices du produit de
manière ludique, il peut aussi symboliser l’évolution
de l’état de jeune fille vers celui de femme mature.
Les arcs-en-ciels récurrents dans l’univers graphique
proposé aux petites filles les préparent peut-être aux
changements hormonaux et aux bouleversements
corporels que celles-ci connaîtrons tout au long de
sa vie de femme.
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l’arc-en-ciel du
bonheur
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Mémoire de bachelor
communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le i férique
code n°13
Le i Féerique
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communication visuelle
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le i féerique
points-clés
•un élément graphique remplace le point de la lettre i
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communication visuelle
Mémoire de bachelor
communication visuelle
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le i féerique
Le i Féerique
Ce dernier code féminin du «i féérique» met l’accent sur
la dimension créative et décorative, socialement reconnue pour être une spécificité féminine. En effet, le point
de la lettre «i» offre de nombreuses possibilités imaginatives et stimule le lyrisme féminin. Les publicistes utilisent ce code visuel en ornant le point de la lettre «i»
d’un motif stigmatisé comme appartenant au monde
féminin, il s’agit le plus souvent d’un dessin qui véhicule
un message positif en forme d’étoile, de cœur ou de
fleur. Au-delà de sa dimension ornementale, ce code visuel contient l’idée de la détente, de l’insouciance et de
la rêverie, il évoque l’image d’un petit mot griffonné sur
un coin de table lors d’une conversation téléphonique
entre filles. Le «i féérique» agit comme une référence
à des sentiments, à un état léger, il rassure la jeune
consommatrice et contribue à créer un état d’empathie, une sympathie entre elle et la marque qui contient
le «i» décoré. C’est le cas notamment de la marque de
Lego Friends ou du dessin animé pour fillettes Powerpuff
Girls dont le «i» est surmonté d’un cœur familier. Dans le
cas du logo Powerpuff Girls les glyphes féminins s’entremêlent comme la métaphore d’une explosion créative,
d’un débordement d’émotions ressenties par la petite
fille qui regarde le dessin animé. Mon étude m’a conduit
à noter que la typographie utilisée avec «le i féérique»
imite souvent l’écriture des petites filles; ce phénomène
contribue à créer une proximité visuelle et émotionnelle de la fillette vers le produit, comme si une «grande
sœur artiste» avait dessiné le logo de la marque. Dans
l’univers des garçons au contraire, toute trace de manufacture disparaît au profit d’une typographie méca-
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nisée, froide et formatée qui reflète un souci de crédibilité et de professionnalisme. Enfin, j’ai pu rapprocher
le code du «i féérique» du thème du mariage, du «jour
j» de la femme dans un imaginaire stéréotypé. En effet,
depuis 1998 les princesses de Disney sont essentiellement représentées dans leur robe de mariée, à l’instar
de la princesse solitaire et guerrière Mulan. Finalement
le point du «i féérique» est un élément graphique qui
accompagne la lettre, comme une sorte d’ange gardien
du logo, à l’instar de la Fée Clochette, la fidèle compagne du héro du film de Walt Disney, Peter Pan (1953).
Ce thème est repris par la marque pour fillettes Esprit
de Fée, ou encore le dessin animé les Winx qui utilisent
également ce type de «i» surmonté d’une étoile pour
souligner leur dimension féérique.
Ce code est fréquemment utilisé par les publicistes lorsqu’ils s’adressent aux femmes, entre autres
pour les produits cosmétiques tels que le modèle Divine
de la gamme Vénus de la marque de rasoirs Gillette ou
encore pour la gamme Brillance de Schwarzkopf.
Cette analyse démontre une fois de plus que le graphisme contemporain est construit sur un mode genré
très caricatural, en attribuant aux filles les qualités d’ouverture, de communication et de créativité poétique qui
leur incombe depuis plusieurs siècles dans l’imaginaire
collectif. Force est de constater que bien que les rôles
sociaux aient considérablement évolués et que la parité
hommes/femmes soit un des buts de nos sociétés occidentales, les stéréotypes persistent et semblent même se
renforcer et se consolider au sein même de l’univers de la
communication visuelle moderne.
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le i féerique
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communication visuelle
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le rose bonbon
code n°14
Le Rose Bonbon
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les codes agenres
Les Codes Agenres
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les codes agenres
Les Codes Agenres
Ce dernier chapitre propose une réflexion autour
d’une troisième catégorie d’objets usuels que je
regroupe sous la dénomination «agenre». Ces produits du quotidien ne sont pas, de prime abord, destinés à l’un ou l’autre des sexes, je ne m’attendais
pas, par conséquent, à une communication visuelle
différenciée. Il s’agit d’objets anodins mais indispensables tels que des piles, des ampoules, des sacs
d’aspirateur ou des lingettes essuie-tout. Après une
analyse minutieuse des emballages de ces différents
produits, quelle ne fut pas ma surprise de constater
que la catégorie agenre n’existait pas.
En effet, les codes genrés sont, non seulement
présents sur les emballages de ces produits, mais le
message qu’ils divulguent est encore plus fortement
discriminant. Par exemple, les piles dont le packaging est orné de couleurs enflammées, sont affublées du mode Powercheck permettant de vérifier
le niveau d’énergie restante de la pile, ce gadget
évoque les jouets pour garçonnets. En outre, les lingettes essuie-tout Vileda utilisent le code du «i féérique» (code 13) dont le point est un papillon et les
emballages des chiffons attrape-poussière Scotch
Brite sont décorés du logo d’une tête de femme. Les
rôles sociaux caricaturaux de la femme-ménagère
et de l’homme-bricoleur semblent perpétués à travers le graphisme de ces simples produits. Je m’attendais dans un premier temps à une typographie
d’apparence neutre en ce qui concernait ces objets
de consommation quotidienne mais une étude de
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les codes agenres
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terrain m’a démontré que les publicistes préféraient
orienter leur produit de manière genrée plutôt que
de divulguer un message flou ou qui pousserait le
consommateur à se poser trop de questions du type:
«ce produit est-il pour moi?». Le genre trop neutre,
blanc ou asexué est donc un élément peu vendeur
et fortement évité dans l’univers de la publicité. J’ai
été pleinement convaincu de ce constat en découvrant les brosses inter dentaires de la marque Dentamed déclinées en deux modèles parfaitement
identiques, l’un bleu, l’autre rose. En ciblant ainsi à
la fois le public féminin et le public masculin, les publicistes de la marque étaient sûrs de toucher l’ensemble de la population et d’assurer leurs ventes.
J’ai toutefois trouvé des produits «mixtes»
comme les sacs d’aspirateur Swirl qui juxtapose les
deux sortes de codes sur leurs emballages. En effet,
le côté féminin est représenté par l’utilisation du
code «en forme d’arc en ciel» ainsi que par l’écriture
ronde et soufflée à la manière des visuels pour fillettes; le côté masculin quant à lui est incarné par le
slogan en 3D penché vers la droite, qui se distingue
sur fond de flammes, «Air Space Technology Long
Power». Selon mon interprétation personnelle, le
label de qualité et le côté technologique du produit
est plutôt certifié par un code masculin. On peut
constater que les montres d’hommes sont affublées
de plus de fonctions et de gadgets que les montres
de femmes, ou encore les ordinateurs destinés aux
hommes sont souvent mieux équipés et étonnamment de qualité supérieure. En dépit des stigmates
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les codes agenres
sexistes et des conceptions caricaturales et dépassées des rôles sociaux de l’homme et de la femme,
il apparaît que dans le secteur de communication
visuelle, l’utilisation de codes masculins semble être
un garant rassurant de fiabilité et de qualité. Mon
étude m’a permis de constater avec humour, que de
nombreux hommes soucieux de leur image, ou souffrant de problèmes de peaux, préféraient discrètement se diriger vers les modèles de crèmes roses destinés aux femmes, comme s’ils étaient à leur tour,
garants de plus de douceur et de beauté.
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bilan
Bilan
Dans la première partie de mon étude, j’ai dégagé
un principe essentiel de la construction visuelle du
genre masculin: l’idée du héros solitaire. Ce principe transversal se retrouve à travers les différents
codes que j’ai répertoriés tel que l’utilisation d’une
lettre de légende évoquant la noblesse d’esprit de
l’époque médiéval, d’une écriture en 3D virile se rapportant au militarisme, de la lettre magique symbolisant une arme, du circuit automobile et sa notion
de vitesse, de la silhouette de Batman qui célèbre
la bravoure et l’héroïsme du justicier solitaire, enfin
de la dureté de la glace et de la puissance du feu.
Les marques utilisent un champ lexical spécifiquement genré lorsqu’elles s’adressent aux hommes tel
que «Rexona Men Adventure», «l’Oréal Indestructible», «Garnier Survivor», «Garnier Camouflage»
ou encore «Garnier Extreme Hard». Ces différents
codes parsèment les magazines, bandes dessinées,
dessins animés, jeux vidéo et jouets destinés aux
petits garçons. Ils contribuent à éduquer visuellement l’enfant et le préparent, en un sens, à devenir
un homme, ce héro des temps modernes, ou plutôt
ils le conditionnent à correspondre à l’image que la
société attend de lui. Le principe clé des experts de
la communication est que, plus une idée est simple,
mieux elle sera assimilée et plus longtemps elle perdurera dans notre esprit. Ces codes assimilés tout
au long de notre enfance constitueront une base
de donnée aux datas quasiment irréversibles, qui
conditionnera notre référent visuel d’adulte.
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les codes agenres
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Dans la seconde partie de mon mémoire, j’ai mis en
lumière le fait que la communication visuelle destinée aux filles suivait un principe opposé: la vie harmonieuse en communauté. En effet, les différents
codes que j’ai distingués tels que l’harmonie symbolisée par les lettres multicolores, le lien affectif exprimé par la lettre en écriture manuscrite, la féminité de la lettre magique, le côté sociable et festif
sous-jacent au code du diamant et ses mille éclat,
l’intimité et la notion de secret partagé à travers le
code du médaillon, l’exubérance de la forme en arc
en ciel, le rêve suggéré par le «i féérique», enfin le
kitch du rose bonbon, dénotent de ce souci de partage avec ses semblables.
La troisième partie de mon travail m’a permis
de tirer un constat intéressant: les produits agenre
n’existent pas. Il y a à mon sens plusieurs raisons à
ce phénomène, la première est que le client est forcément masculin ou féminin, il n’est pas «agenre»
et il transporte avec lui tout un univers visuel acquis
au cours des années et qui a façonné son goût et ses
attirances. La seconde est que les publicistes ont
remarqués qu’il était préférable d’orienter le regard
du consommateur à travers les rayons en utilisant
des codes genrés, afin de faciliter la compréhension
visuelle immédiate et d’optimiser le succès d’un produit. La communication visuelle utilise pour cela des
codes qui trouvent leurs origines dans l’univers visuel
induit dans notre enfance.
A travers mon étude j’ai pu constater que les
produits de consommation pour hommes conservaient des nombreux codes de l’enfance. En effet,
la plupart des objets usuels masculins tels que les rasoirs, les déodorants ou les shampoings ressemblent à
des jouets supersoniques améliorés. Chez la femme,
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bilan
on assiste plutôt à un changement des codes qui se
rapportent à l’enfance. Si certains codes sont conservés, de nouveaux apparaissent relatifs aux paradigmes de la santé, de l’esthétisme, de la pureté ou
de l’univers zen14. Mon hypothèse est que la femme,
contrairement à l’homme, connait d’importants bouleversements dans son corps tout au long de sa vie et
évolue à travers son système hormonal. La communication visuelle doit donc s’adapter à cet état de
fait et elle aussi évoluer, se renouveler et chercher à
«faire corps» avec ce nouveau corps.
Finalement, en 2013, je constate que la différence de communication visuelle entre les genres
est accrue. De plus, l’impact des images de notre enfance semble plus que jamais ressurgir de nos souvenirs, dans une société qui prône le changement à tout
prix. Nous assistons en réalité à un véritable retour
aux sources, aux pierres fondatrices de notre éducation visuelle. Les codes issus de l’enfance, prônés par
les publicistes, incarnent-ils des schèmes rassurants
pour des hommes et des femmes qui auraient perdu
leurs repères? Dans une société en pleine mutation
qui connaît un renversement des valeurs et dans
laquelle le rendement, la performance, le bodybuilding et la chirurgie esthétique sont devenus les mots
d’ordre, Batman et Barbie, les héros de notre enfance,
sont peut-être toujours dans nos esprits, des figures
idéales, des icônes emblématiques auxquelles nous
rêvons encore secrètement de ressembler.
Je n’analyse pas ces nouveaux codes qui apparaissent à l’âge adulte
chez les femmes, car ce n’est pas l’objet de mon étude qui cherche à
répertorier les codes visuel de l’enfance et à observer leurs occurrences,
ou non, dans la sphère des adultes.
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crédits
Crédits
Superviseur du Mémoire
André Vladimir Heiz
Deodaat Tevaearai
Jonas Berthod
Designer et éditeur
Jules Delaveau
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