Kamehameha!
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Kamehameha!
Jules Delaveau Kamehameha! La construction visuelle du genre Mémoire de Bachelor présenté à la Haute Ecole d’Art de Lausanne HES ECAL | Lausanne, Février 2013 Kamehameha!* La construction visuelle du genre Technique de combat fictive créée par Akira Toriyama dans le célèbre manga Dragon Ball en 1984. * Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 table des matières Table des matières Avant Propos Problématique 06 08 Les Codes du Genre Masculin Les Lettres de Légende La Robuste Lettre 3D La Lettre Magique Le Terrible Circuit Automobile La Silhouette de L’illustre Chauve-Souris Le Duel du Feu contre la Glace 12 18 24 30 36 42 La représentation visuelle des genres dans les univers opposés 46 Les Codes du Genre Féminin Les Copines Multicolores La Dédicace de Star La Lettre Magique II Le Diamant et ses Mille éclats Le Secret du Médaillon L’arc-en-ciel du Bonheur Le i Féerique Le Rose Bonbon 60 66 72 76 82 88 94 100 Les Codes Agenres 104 Bilan 110 04 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 avant propos Avant Propos Au plus loin que remontent mes souvenirs, la couleur rose était attribuée aux filles et le bleu aux garçons. Ce principe que je considérais jusqu’alors comme une évidence était fondamentalement encré en moi et je ne me doutais pas qu’il avait pu en être autrement au début du XXe siècle. Au cours de mon enquête, j’ai eu l’occasion de discuter avec des personnes nées dans les années 1960 et je me suis aperçu avec étonnement que ces dernières n’avaient pas été bercées par ce type de codes. Les protagonistes de la génération X1 reconnaissaient que ces deux couleurs étaient communément associées à l’un et l’autre des sexes dans l’imaginaire collectif, mais ne parvenaient pas à identifier l’origine de ce phénomène. Les femmes de cette génération évoquaient les premières Barbies, dont le rose était la couleur emblématique mais les hommes ne voyaient pas réellement quelle pouvait être l’origine de cette attribution de la couleur bleu aux garçons. Revenons à présent à la genèse de mon enquête. Un jour que je parcourais les rayons de shampoing féminin d’une grande surface, mon regard a été attiré par une bouteille différente qui me paraissait incongrue à cet endroit. Il s’agissait d’un flacon au design viril et agressif qui évoquait un jouet pour petit garçon de type Action Man et qui avait été rangé au mauvais endroit. Les tubes de shampoing pour femmes qui l’entouraient arboraient des couleurs pastelles, évoquant tour à tour les princesses de Disney. Leurs packagings étaient argentés, scin1 Il s’agit des individus nés entre 1961 et 1981. 06 avant propos jules delaveau ECAL 2013 tillants, leur formes arrondies, souples et gracieuses. En réalité, mon inconscient venait d’identifier spontanément les codes genrés spécifiques à ce produit que j’identifiais comme étant masculin, il m’est apparu que j’avais intégré ces codes sans m’en apercevoir, tout au long de mon enfance. J’avais immédiatement assimilé le flacon de shampoing au genre masculin, bien qu’il ne soit pourtant pas de couleur bleue. Je me suis alors fait la réflexion qu’à notre époque ce code couleur simple avait peut-être changé et que de nouveaux codes, plus complexes, régissaient l’univers de la communication visuelle promotionnelle. En observant les produits cosmétiques masculins, je constatais que les rasoirs pour hommes, à titre d’exemple, étaient pourvus d’extensions de lames, de modes multiples, de têtes pivotantes, de zones antidérapantes, de lasers et de lumières qui indiquaient leur niveau de batterie. Le champ lexical des mots inscrits sur les emballages de ces produits tel qu’«immortel», «extrême», «power», «fusion» ou «indestructible» confortait mon idée selon laquelle nous étions éduqués visuellement à identifier ces objets comme appartenant au genre masculin. Il me semblait que mon regard subissait un certain conditionnement inconscient et que ces codes graphiques me conduisaient à entrer dans des schèmes de pensée que l’on avait prédéterminé pour moi. Je me suis demandé si ces différents codes visuels nous étaient inculqués depuis l’enfance par les publicistes et s’ils étaient les mêmes dans le monde de l’enfance et de 07 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle avant propos l’adulte. J’ai finalement décidé de répertorier ces codes à travers des catégories et d’en distinguer les systèmes, les occurrences et les mystères. Telle est la démarche de mon travail de mémoire. Problématique Mon étude me conduit à penser que la communication visuelle connait un changement radical de paradigme depuis une vingtaine d’année. En effet, les personnes de mon âge nées entre 1982 et 2002 que l’on nomme «génération Y» ont grandies éduquées par les nouvelles technologies informatiques, au sein de la cyberculture, bercées par les mangas, les jeux vidéos et des dessins animés fortement genrés. Il s’agissait d’animes très agressifs et violents pour les garçons tels que Goldorak, Jayce et les conquérants de la lumière, Capitain Flam, les Chevaliers du Zodiaque ou encore Dragon Ball Z. Pour les filles, les programmes télévisés frôlaient souvent la niaiserie avec des dessins animées tels que Jem et les Hologrammes, Juliette je t’aime, Georgie, Lucile amour et rock’n’roll ou encore Sailor Moon. Nous étions loin de la poésie enfantine empreint de rêve et de douceur des programmes que nos parents avaient connus tels que le Manège Enchanté (1964) ou Bonne nuit les petits (1962). D’une part, l’éducation visuelle moderne des enfants me semble plus agressive, plus sexualisée qu’auparavant, on peut presque parler d’un «désen- 08 problématique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 chantement de l’enfance», pourtant la société occidentale semble avoir plus de peine qu’auparavant à devenir adulte avant l’âge de 30 ans. D’autre part, les codes proposés par les publicistes creusent le gouffre entre les genres et stigmatisent de façon exacerbée les rôles sociaux des hommes et des femmes, cette situation me semble paradoxale à une époque où l’on prône la parité et l’ouverture des mœurs. Il semblerait que la séparation entre les jouets pour filles et les jouets pour garçons soit relativement récente et date de 1992 dans les catalogues de jouets, selon une étude d’Enfance et Cultures: regards des sciences humaines et sociales2. Auparavant, les jouets étaient classés par thèmes tels que: «la construction», «les poupées» ou «la découverte de la science». Cette même étude avance qu’en 1993, la firme Toys’R’Us utilisait encore un fond de couleur rose pour promouvoir sa console de jeu Sega ou ses établis de bricolage pour petits garçons. Les produits de consommation destinés aux enfants étaient visiblement moins genrés qu’ils ne le sont aujourd’hui. De plus, selon Peggy Orenstein: «Ce n’est que vers le milieu des années 1980, époque où l’amplification des différences d’âge et de sexe devint une stratégie clé du marketing ciblant les enfants, que le rose entra véritablement en jeu et qu’on se mit à penser qu’il plairait forcément aux filles»3. La période à laquelle ma génération a grandi était apparemment confronté à un tournant drastique en manière de communication visuelle. Ma démarche pour l’élaboration de ce travail de mé- moire se veut purement formelle. J’ai répertorié les codes visuels qui m’ont été transmis au cours de mon enfance (1993-2006) en proposant différentes catégories, en considérant d’une part, les visuels s’adressant aux petits garçons (pages bleues), d’autre part ceux s’adressant aux petites filles (pages roses). Ces codes appartiennent au domaine de la communication multimédia, des jeux vidéo, des dessins animés et de la bande dessinée que je regroupe sous le terme non-péjoratif de «Low Culture» ou «Popular Culture» mais également à la sphère de la publicité pour des objets de consommations courants (jouets, cosmétiques, montres, vêtements…). J’ai ensuite cherché à découvrir si ces différents codes se retrouvaient dans la communication visuelle pour adultes et si c’était le cas, à comprendre sous quelle forme. Il est important pour moi de préciser que mon travail est celui d’un graphiste et non d’un sociologue, je ne cherche en aucun cas à analyser l’évolution des catégories de genres, ni à revendiquer une quelconque injustice ou discrimination d’un sexe par rapport à l’autre. De nombreux ouvrages et travaux de mémoire traitent par ailleurs de ce sujet, comme le livre Contre les jouets sexistes4 autour de questions telles que «Comment changer le rôle de la femme dans la publicité?» ou «Quels sont les solutions pour éviter une telle discrimination?», ce qui n’est pas l’objet de ma recherche. Afin de rendre mon étude la plus objective possible, j’ai choisi d’observer des produits de consommation utilisés par les deux sexes et qui ne Enfance et Cultures : regards des sciences humaines et sociales, Actes du colloque international, Ministère de la Culture et de la Communication, Association internationale des sociologues de langue française, Université Paris-Descartes, 9es journées de sociologie de l’enfance, Paris, 200. Article disponible sous www.enfanceetculture.culture.gouv.fr. 3 Orenstein, Peggy, « Contre la dictature du rose », in The Observer, 22.09.2011. Article disponible sous www.courrierinternational.com/article/2011/09/22/contre-la-dictature-du-rose. 4 2 09 Mémoire de bachelor communication visuelle problématique Mix-cité, Contre les jouets sexiste, Paris : l’échappée, 2007. 10 problématique jules delaveau ECAL 2013 sont à priori pas déjà stigmatisés, tels que des rasoirs, des déodorants, des crèmes ou des gels douches et d’analyser en quoi leur packaging était connoté de manière féminine ou masculine. Enfin, j’ai analysé un troisième type d’objets courants agenres tels que des piles, des ampoules ou des sacs d’aspirateurs et j’ai cherché à distinguer les codes graphiques qui leur incombe utilisés par les publicistes (page beige). 11 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 Les lettres de légende code n°1 Les Lettres de Légende 12 Les lettres de légende jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 Les lettres de légende points-clés •lettres à empattements médiévales 13 14 Les lettres de légende jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 Les lettres de légende Les Lettres de Légende Le développement des nouvelles technologies de l’informatique, d’Internet et des consoles de jeux vidéo proposées par Nintendo, Playstation et Sega dans le courant des années 1980, modifie considérablement les modes de communication visuelle. De plus, l’Europe subit une influence grandissante de la Low Culture nippone et américaine. En effet, les mangas, animes et Comics connaissent un grand succès auprès du grand public occidental. Un nouveau genre de jeux évolutif voit alors le jour, le «roleplay» c’està-dire une version 3D du jeu «dont vous êtes le héro», offrant la possibilité de sauvegarder chaque partie et par conséquent de pérenniser le jeu vidéo. L’esthétique développée dans ce type de jeu est qualifié de médiéval-fantastique, un univers où se mêlent des légendes, de la magie ainsi que diverses références au Moyen-âge occidental, comme c’est le cas par exemple dans le célèbre Donjon et Dragons créé par Ernest Gary Gygax et Dave Arneson. Les MMORPG5 , des jeux de rôles en réseaux auxquels participent des millions de joueurs, tel que World of Warcraft bercent toute une génération de petits garçons et d’adolescents au cours des années 1990-2000. L’univers médiéval-fantastique s’étendra également à la bande dessinée avec des œuvres telles que les Chroniques de la Lune noire (1989), la Quête de l’oiseau du temps (1989), Lanfeust de Troy (1984) ou encore Anachron (2001). Ces ouvrages reprennent les scénarios des chansons de gestes6 et des romans courtois médiévaux et relatent souvent l’histoire du parcours initia- tique d’un jeune héro valeureux à la recherche de sa bien-aimée ou de son amie d’enfance enlevée par une créature maléfique. L’engouement pour le médiévalfantastique a également donné lieu à la diffusion de produits dérivés, tels que les figurines à peindre du jeu de stratégie de combat Warhammer (1989), dont les règles complexes demandaient aux joueurs une grande implication et suscitaient parfois chez eux une forme d’addiction «geek». La transposition cinématographique du roman de Tolkien le Seigneur des Anneaux par le réalisateur Peter Jackson entre 2001 et 2003 connait par ailleurs un succès mondial. Le code graphique que je nomme «lettre de Légende» encore très utilisé aujourd’hui dans la communication visuelle pour garçons me semble issu de ce paradigme médiéval-fantastique ; de plus, il se rapporte aux lettres enluminées des précieux manuscrits du Moyen-âge. J’ai toutefois été surpris de constater qu’il disparaissait de la communication visuelle publicitaire pour hommes adultes, en dehors des jeux vidéo, des bandes dessinées ou des livres de science fiction. Abréviation de « Massively Multiplayer Online Role Playing Games ». Ecrits en alexandrins, ces récits relataient les actions héroïques de jeunes et beaux chevaliers et leurs nombreux actes de bravoures dont la récompense finale était toujours une dame bien née. 5 6 15 16 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la robuste lettre 3d code n°2 La Robuste Lettre 3D 18 la robuste lettre 3d jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la robuste lettre 3d points-clés •lettres 3D en reliefs avec textures métalliques 19 20 la robuste lettre 3d jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la robuste lettre 3d La Robuste Lettre 3D La représentation picturale de la troisième dimension de la manière telle que nous la concevons aujourd’hui, s’enracine à la fin du XIIIe-XIVe siècle en Italie centrale: «A l’image codifiée d’un monde dématérialisé succède la représentation vraisemblable d’un monde soumis aux contingences terrestres»7 . Les recherches de l’architecte Filippo Brunelleschi, du sculpteur Donatello et du peintre Masaccio concernant la représentation de l’espace donnent lieu à un grand bouleversement esthétique8, la perspective est née. Tout au long de la Renaissance, les artistes rivalisent d’ingénuité et de technicité pour la représentation du volume à travers des décors en trompe l’œil. En 1950, quelques années après la Seconde Guerre Mondiale, les premières lettres en 3D métallisées apparaissent dans l’univers du graphisme. Elles utilisent des polices d’écritures épaisses, des angles droits qui évoquent les blindages des tanks et l’acier froid de leurs carcasses. Les lettres sont serrées les unes aux autres, sans espace, comme organisées selon un principe «d’horror vaccui»9 . Cette typographie véhicule des valeurs propres à l’imaginaire masculin telles que la discipline, la force, la pérennité, elle se rapporte à un univers militaire, carcéral ou technologique à mi-chemin entre l’acier trempé du Steampunk et le chrome des avions supersoniques. Les progrès de la robotique, de la biotechnologie et des nouvelles technologies du XXe siècle fascinent et les romans de science fiction foisonnent avec des ouvrages tels que La fin de l’éternité (1967) d’Isaac Asimov, La nuit des temps (1968) de Barjavel mais également les bandes dessinées telles que X-Men (1963) édité par Marvel. En 1977 , George Lucas utilise «la robuste lettre 3D» dans le générique de son film mythique Star Wars où le titre défile en relief sur un fond noir incrusté d’étoiles. Les mots en reliefs semblent sortir de l’écran et prennent alors une valeur de logo. L’homme fantasme son futur et le septième art est marqué par des films cultes qui resterons dans les esprits et qui utilisent eux-aussi cette fameuse «robuste lettre 3D» dans la typographie de leur titre tel que Terminator (1984) de James Cameron. Enfin la 3 D connaît son apogée avec le film Avatar (2009) dont toutes les images sont en trois dimensions. Mon enquête m’a amené à constater que bien que l’esthétisme de ces lettres en 3D métalliques soit aujourd’hui démodé, il est encore très utilisé dans le graphisme publicitaire pour les hommes adultes. Dans ce cas précis, la notion de «souvenir d’enfance», de référence à des films cultes, à des bandes dessinées lues, prédomine sur l’esthétisme du lettrage et c’est de cette référence à l’imaginaire collectif que provient son impact et son succès. Les lettres en 3D du petit (Anakin) guerrier persistent sur le packaging du rasoir Guillette de l’homme moderne, fort, viril, qui désire secrètement être reconnu comme un guerrier par ses pairs. Il est probable, a mon sens, que ce code visuel évolue vers d’autres formes, comme le laissent à penser les récentes séries à succès Code Lyoko (2003) et Code Lyoko Evolution (2012) diffusées sur les chaînes de télévision françaises. L’univers qu’elles dépeignent est celui des virus et de l’espionnage informatique et de la projection numérique holographique. Dans quelques années les enfants joueront probablement à la guerre virtuelle dans des jeux vidéo connaissant de tels esthétismes. Heck, Christian (dir.), Moyen-Age, Paris : Flammarion, 2005, P.334. Idem, P. 353. 9 Ce qui signifie « peur du vide ». 7 8 21 22 la robuste lettre 3d jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la lettre magique code n°3 La Lettre Magique 23 24 la lettre magique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la lettre magique points-clés •lettres spéciales qui donnent un ton au logo 25 26 la lettre magique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la lettre magique La Lettre Magique (masculin) C’est un code courant dans l’univers graphique destiné aux petits garçons, il est facilement identifiable. Il s’agit des lettres de l’alphabet «t» et «x» mises en exergue dans le titre d’un jeu ou dans le nom d’un produit publicitaire. Ces deux «lettres magiques» sont porteuses d’un sens caché, reconnu par l’inconscient des petits garçons. En effet, le «t» symbolise une épée et le «x» un bouclier; ce sont des outils qui se rapportent, une fois encore, à l’univers médiéval-fantastique susmentionné. J’insiste sur le fait que ces deux lettres fétiches appartiennent à l’univers des garçons et ne sont pas les mêmes que pour les filles. La lettre prend dans ce contexte un sens que l’on peut qualifier de caricatural en augmentant la simple représentation alphabétique d’une dimension imagée, d’un «designo». Par exemple, un jeu vidéo dont le titre contient la lettre «t» agrandie et dont la typographie représente une épée, promet au jeune garçon des batailles à mener et des mondes à conquérir. Cette manière d’insister visuellement sur la lettre-épée «t» se veut probablement didactique. En effet, dans le processus d’apprentissage de la lecture aux enfants, le signifié est souvent associé au signifiant selon la linguistique saussurienne. Par exemple, le mot grenouille est inscrit sous le dessin d’une grenouille verte et dans l’inconscient de l’enfant, la couleur verte sera à l’avenir évocatrice de tout un univers visuel photographié dans l’enfance et qu’il aura emmagasiné, comme l’herbe, le nénuphar, un sapin, les martiens ou du sirop de menthe. La couleur peut même nous évoquer 27 une texture, comme le vert associé au mot grenouille qui fait naître en nous une sensation de gluant. Nous sommes conditionnés à associer des mots, des images et des idées, c’est pourquoi la lettre «t» placée dans un certain contexte, par exemple les jeux vidéo et traitée graphiquement à la manière d’une épée, évoquera chez le garçon une idée d’aventure et de combat solitaire, elle sera porteuse intrinsèquement d’un contenu sémantique intégré dans l’enfance. Quand à la lettre «x» qui évoque le bouclier, elle est également associé au mystère, à la technologie comme dans la bande dessinée américaine X-men (1963). Le «X» se réfère aussi à l’univers des chantiers, de la construction, sa forme même évoque la force, la robustesse et la virilité. Enfin, la lettre magique permet au petit garçon d’identifier aisément un message, par exemple, si le titre du jeu vidéo est en anglais, bien qu’il ne parle pas la langue, la lettre magique lui donnera des indices quant au contenu du jeu. Dans l’univers publicitaire masculin, la lettre magique est récurrente. Son sens est souvent doublé d’un dessin entourant la lettre, qui ajoute une dimension narrative et évocatrice d’idées de vitesse, de force et de dureté au produit viril comme des tâches de sang éclaboussé, des craquelures ou encore des marques de freinage de voiture. La lettre magique est placée au centre du mot et elle est de taille supérieure aux autres lettres. On retrouve curieusement cette disposition hiérarchique dans la représentation d’un groupe de garçon sur la pochette d’un jeu vidéo, d’un 28 la lettre magique jules delaveau ECAL 2013 manga, ou dans le générique d’un dessin animé avec au centre le leader et derrière lui sa bande de garçons. Dans l’univers des filles, cette hiérarchie n’existe pas. Un groupe de fille est représenté avec ses protagonistes les unes à côté des autres de manière égalitaire, il n’y a pas de cheffe. Comme nous le verrons par la suite, la lettre magique existe aussi chez les filles mais sa disposition se rapproche de la manière de représenter un groupe de personnages féminins dans le dessin; les lettres sont placées les unes à côté des autres et leurs caractères sont de même grandeur. Dans l’imaginaire collectif, la femme est un être social qui ne recherche pas le pouvoir mais plutôt la paix. Il apparait que le graphisme contemporain ait intégré ces traits de caractères collectivement admis comme étant «typiquement féminin» ou «typiquement masculin» dans l’élaboration de sa communication visuelle. 29 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le terrible circuit automobile code n°4 Le Terrible Circuit Automobile 30 le terrible circuit automobile jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le terrible circuit automobile points-clés •lettres penchées •circuit de F1 autour du logo 31 32 analyse le terrible circuit typographique automobile jules jules delaveau delaveau ECALECAL 20132013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le terrible circuit automobile Le Terrible Circuit Automobile La forme de circuit automobile qui entoure les lettres d’un mot est l’un des codes de communication pour petits garçons les plus anciens. Il évoque la vitesse, la technologie et la fascination pour l’univers viril de la mécanique automobile. Je pense que ce code était tout d’abord destiné à séduire la génération X des pères des garçonnets, qui avaient eux-mêmes joué avec des circuits de petites voitures dans leur jeunesse, il ne s’adressait donc pas directement aux petits garçons. Les marques de jouets Matchbox et Meccano utilisent encore un lettrage classique dans les années 19501970. En 1968, la typographie évolue avec la marque de jouets Hot-Wheels dont les lettres du nom sont entourées d’un circuit incandescent qui se termine en flammèches à son extrémité, ce qui rend visuellement l’idée de vitesse. Ce type de graphisme est destiné, à mon sens, cette fois-ci directement aux enfants. Le succès d’une telle typographie pousse alors les concurrents de marques de petites voitures à faire évoluer leurs logos vers des formes plus modernes telles que : le mot incliné vers la droite pour illustrer l’idée de vitesse, les lettres en 3D, les flammes autour du lettrage ou encore les «lettres magiques iconiques». On retrouve aujourd’hui des traces de ce code en forme de «terrible circuit automobile», notamment dans le titre des films de voiture tels que Fast and Furious (2011) dont les lettres sont penchées vers la droite, enflammées et encerclées par un circuit constitué de traces de pneus. Le monde de l’automobile et du tuning est socialement admis comme étant prin- 33 cipalement masculin, il n’est alors pas étonnant que l’on retrouve un tel graphisme dans la sphère des jeux vidéo. En revanche, j’ai été surpris du succès et de l’occurrence d’un tel code dans la publicité. En effet, depuis une dizaine d’année, les marques de cosmétiques pour hommes rivalisent d’imagination pour créer des packagings sur le thème de l’automobile et de la vitesse; les déodorants pour hommes ressemblent de plus en plus a des voitures de Formule 1 miniatures qui se parent d’attributs de tuning, tels que des surfaces antidérapantes, des flammes sur les côtés, des grilles d’aération ou la marque du moteur imprimée sur le centre. Ce constat m’a permis d’élaborer l’hypothèse selon laquelle les produits commerciaux du quotidien seraient pensés par les designers graphistes pour agir sur notre inconscient comme des snaphots de notre enfance. La familiarité que ces objets nous inspirent, créée par ces différents codes visuels que j’ai répertoriés, nous permettrait une forme d’identification au produit, de connivence avec lui. Les déodorants, gels douches et autres crèmes pour hommes deviendraient alors des sortes de jouets-trophées trônant dans notre salle de bain comme les symboles d’un parcours initiatique vers l’âge d’or adulte, dont aucun ingrédient n’aurait été oublié. 34 le terrible circuit automobile jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle interprétation pot d’échappement antidérapant marque du «véhicule» Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la silhouette de la chauve-souris code n°5 La Silhouette de L’illustre Chauve-Souris grille d’aération sponsors 35 36 la silhouette de la chauve souris jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la silhouette de la chauve-souris points-clés •la silhouette du logo rappelle la forme de la chauve souris 37 38 la silhouette de la chauve souris jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la silhouette de la chauve-souris La Silhouette de L’illustre Chauve-Souris L’année 1987 marque un tournant décisif dans la promotion de nouveaux codes visuels avec notamment le succès du Club Dorothée qui diffuse pendant dix ans des dessins animés japonais sur les chaînes françaises. Ces animes très genrés respectent des codes visuels précis, qui contribuent à l’éducation de la féminité et de la masculinité faite aux enfants. On parle de «shojo» pour les filles et de «shonen» pour les garçons comme Dragon Ball Z, Les chevaliers du Zodiaque ou Nicky Larson. Si les premiers proposent un univers candide, innocent et romantique, les animes pour garçons dénotent souvent d’une agressivité et d’une violence rare, ce qui créera une controverse autour de l’émission à succès pour enfant. La couleur, la typographie ou encore la «lettre magique» sont autant de manières de communiquer visuellement un message et de faire la promotion d’un produit. La silhouette générale du logo peut, elle aussi, être un vecteur de sens important comme c’est le cas pour les mots écrits sur le mode de «la silhouette de l’illustre chauve-souris». Le personnage de Batman est créé par Bob Kane et Bill Finger en 1939, sa silhouette est symbolisée par un logo en forme de chauve-souris stylisé qui a beaucoup évolué à travers les années. Tout d’abord agenre jusqu’en 1986, probablement influencé par le nouvel esthétisme promu par le Club Dorothée, il évolue vers une forme tranchante d’étoile de ninja, puis en pointe évoquant l’arme mortelle du «shuriken» japonais; ce logo connait aujourd’hui sa forme la plus agressive et sexuée avec l’ajout de craquelures autour 39 de la silhouette de la fameuse chauve-souris. La compagnie Warner Bros investit des milliards de dollars pour faire de Batman l’une des figures emblématique des petits garçons du XXe siècle. Aujourd’hui la publicité reprend couramment la «silhouette de l’illustre chauve-souris» pour l’agressivité de son graphisme, en délaissant totalement le sens premier de la chauve-souris/super héro ou même du vampire. La forme générale du logo agit dans ce cas sur le consommateur comme un snapshot, un vague souvenir d’enfance qui, de manière inconsciente évoque en lui une multitude de sensations agréables et familières liées au temps où il était un petit garçon, sans autre soucis que ses rêves de super héro. Par exemple, le jeu vidéo de combat Soulcalibur (1998) utilise un logo en forme de chauve-souris, bien que son scénario n’ait aucun rapport avec le thème de la nuit ou d’un justicier masqué. En utilisant la forme du logo de Batman, la publicité reprend à son compte la notoriété de la célèbre icône des petits garçons, pour attribuer à son produit un peu de son charisme, de son aura, de sa popularité et lui conférer une idée de légende. 40 la silhouette de la chauve souris jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le duel du feu contre la glace code n°6 Le Duel du Feu contre la Glace 41 42 le duel du feu contre la glace jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le duel du feu contre la glace vs 43 44 le duel du feu contre la glace 45 jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 analysed’images d’image analyse genrée genrées 46 analyse La représentation visuelle des genres dans les univers opposés analyse d’images genrées jules delaveau ECAL 2013 fille dans un dessin animé féminin 47 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 analyse d’images genrées filles dans un dessin animé masculin 021 50 analyse d’images genrées jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle garçon dans un dessin animé féminin 51 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 analyse d’images genrées garçon dans un dessin animé masculin 54 analyse d’images genrées jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle gammes de couleurs Mémoire de bachelor communication visuelle comparaison des yeux jules delaveau ECAL 2013 comparaison des cheveux analyse d’images genrées comparaison du torse/poitrine points-clés •filles angéliques •garçons démoniaques 55 56 analyse d’image genrée jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 analyse d’images genrées La représentation visuelle des genres dans les univers opposés Il semblerait que le graphisme soit genré. En effet, après une étude de terrain, j’ai pu constater que les codes visuels s’adressant aux femmes ne semblent pas être les mêmes que ceux destinés aux hommes. A une époque moderne, où on assiste à une apparente libération des mœurs et de la sexualité, il apparait curieusement que des traditions graphiques persistent, voir même se renforcent. On constate une nette distinction entre le graphisme s’adressant aux enfants des deux sexes, dans quelle mesure peut-on parler de graphisme «pour petites filles» et de graphisme «pour petits garçons»? Quels sont les codes visuels utilisés pour communiquer une information à l’un ou l’autre des genres? Ces codes contribuent-ils à l’apprentissage implicite du féminin et du masculin, conditionnent-ils les enfants dès leur plus jeune âge, orientent-ils leurs goûts futurs? Enfin, les codes graphiques appartenant au monde de l’enfance se retrouvent-ils dans celui des adultes, notamment dans le champ de la publicité et des produits de consommation usuels? A titre d’exemple, comparons des mangas japo10 nais qui connaissent un grand succès en Occident auprès de la génération Y dans les années 1990-2000: Fruit Basket, Burst Angel et Dragon Ball. La première image met en scène une préadolescente vêtue d’un uniforme classique d’étudiante à la japonaise. Ses yeux sont agrandis, débridés selon les canons de beauté de la nouvelle société nippone, ils reflètent l’innocence et l’ingénuité. La chevelure de la jeune fille retenue par des rubans bleus, tombe en mèches souples Ces codes graphiques se retrouvent également dans les Comics américains cependant j’ai préféré comparer des styles picturaux assez proches. A une époque où 70% des dessins animés sur la chaine pour enfants Cartoon Network sont d’origines japonaises, il m’a de plus, semblé que la culture nippone faisait partie intégrante de l’éducation visuelle des enfants occidentaux de cette génération. sur ses épaules. Les attributs féminins du personnage ne sont pas particulièrement mis en valeur et sa tenue est relativement sobre. Le trait pictural est léger, les contours courbes, aériens, et féminins. Enfin, la palette chromatique utilisée se situe dans les tons pastels et évoque le ciel ou encore le rêve. La seconde image appartient à un paradigme bien différent. En effet, il s’agit de deux femmes représentées de manière très connotée sexuellement. Leurs poitrines sont gonflées et artificielles, leurs tenues provocantes et aguicheuses, leurs chevelures sont épaisses et tombent en mèches aiguisées et folles autour de leurs visages. Les deux femmes guerrières sont affublées de tatouages et portent des armes, elles sont mises en scène de manière virile dans un univers urbain qui semble hostile et dangereux. Le traité pictural dans cette image est plus dur, épais, franc et la gamme chromatique utilisée est plus sombre que dans la première image. A travers cet exemple, nous constatons les différences flagrantes qu’il existe entre la manière de représenter les filles pour un public féminin ou pour un public masculin. La troisième image représente un couple enlacé, l’homme aux traits fins et doux, à la peau parfaitement lisse regarde dans le vague d’un air rêveur, une mèche de cheveux roux tombe devant ses yeux. Il saisi d’une main les cheveux de sa partenaire dans un geste passionné. Celle-ci le regarde tendrement et semble partager avec lui une étroite intimité. Des pétales de roses se déversent un cascade sur cette scène lyrique et pacifiste qui s’adresse explicitement à un public fé- 10 57 58 analyse d’image genrée jules delaveau ECAL 2013 minin. Au contraire, la quatrième image est celle d’un homme à l’air mauvais, possédé par un désir de destruction. Son regard aux sourcils froncés est perfide, sa mâchoire est crispée et ses cheveux dont les mèches pointues s’apparentent à des lames de couteau sont dressées vers le ciel. Il a des cicatrices sur le visage et il est affublé d’une musculature très proéminente, probablement résultant d’un traitement aux hormones et d’un entrainement intensif qui fait éclater le vêtement qu’il porte. Ces représentations des deux sexes sont antinomiques mais aussi très caricaturales. De manière plus générale, on constate que les décors qui constituent les mangas pour garçons sont souvent des terres hostiles, des forêts désertes ou encore des champs de bataille. Tant d’univers qui contribue à créer une atmosphère masculine dans l’imaginaire collectif. Les mangas s’adressant aux filles dépeignent au contraire des décors rassurants, familiers et citadins. L’action se déroule dans des lieux de prédilections tels que le foyer ou l’école. 59 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les copines multicolores code n°7 Les Copines Multicolores 60 les copines multicolores jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les copines multicolores points-clés •Les Lettres ont chacune une couleur différente 61 62 les copines multicolores jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les copines multicolores Les Copines Multicolores Observons à présent les codes graphiques destinés aux petites filles. Ils divergent de ceux des garçons et incarnent un point de vue souvent antinomique. Prenons par exemple le message divulgué par le courant médiéval-fantastique aux petits garçons: «vous êtes un héro courageux et solitaire, votre épée et votre bouclier sont les meilleurs atouts pour survivre dans ce monde dangereux». Ce message se transformera dans la sphère de la consommation pour hommes adultes en «vous êtes un survivant, vous êtes extrême» comme le suggère le champ lexical «survivor, extreme, hard» utilisé par la marque Garnier. A contrario, la position féminine du marketing avance que la femme a besoin des autres pour interagir et évoluer, elle n’est pas une héroïne solitaire mais un être social qui vit en communauté: «il y a deux fois plus de héros dans les bandes dessinés et roman graphique que d’héroïne»11 . Au cours de mon analyse, j’ai remarqué que les noms des marques ou les titres des jeux vidéo ou des programmes télévisés pour fillettes étaient souvent au pluriel. Prenons l’exemple des Supers Nanas (1998), des Fashion Agents (2004), des Winx (2004) ou encore des Lite Sprites (2011) qui mettent en scène un groupe de jeunes filles amies. Il semblerait que selon le code féminin des «copines multicolores», l’union fasse la force. Le monde des jouets pour filles est régit par des valeurs tels que le groupe, l’amitié ou la solidarité avec des marques telles que Pony Friends, My Pocket Friends ou encore Lego Friends, au contraire des notions de rivalité, de solitude et de violence sont promues par l’univers des garçons. Depuis 1999 le groupe Disney Princess regroupe les différentes princesses qui peuplent les films de Walt Disney depuis 1937 telle que Blanche neige, Cendrillon, Aurore La Belle au Bois dormant, Ariel La Petite Sirène, Jasmine, Mulan ou encore Raiponce. Elles sont représentées de manière égalitaire, sans hiérarchie entre elles mais avec des attributs reconnaissables et différenciés, comme les couleurs de leurs robes et de leurs bijoux, ou leur animal de compagnie. Graphiquement, cette idée est retranscrite dans un titre par un changement de couleur à chaque lettre de même taille, comme c’est le cas pour la série Jewelpet dont les lettres sont déclinées dans un dégradé des couleurs de l’arc en ciel. Ce code est rarement utilisé dans le monde des femmes adultes, quoique encore présent sur certains blogs, comme c’est le cas pour le site de conseil en shopping Dealissime.com. Daflon-Novelle, Anne, « Sexisme dans la littérature enfantine: quels effets pour le développement des enfants ? », in Cahiers internationaux de psychologie sociale, 2003 11 63 64 les copines multicolores jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la dédicace de star code n°8 La Dédicace de Star «friends» notion d’amitié 65 66 la dédicace de star jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la dédicace de star points-clés •une écriture manuscrite qui lie les lettres entre elles 67 68 la dédicace de star jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la dédicace de star La dédicace de Star Les figurines G.I. Joe et Barbie apparaissent dans la seconde moitié du XXe siècle. La typographie du titre de jouet pour garçon G.I Joe est très lisible, dans une écriture Stencil qui évoque l’industrie et le para-militarisme. Le nom de la poupée pour fillette est quant à elle, en écriture manuscrite qui évoque le raffinement, la délicatesse et la féminité. Une fois encore, la typographie d’une marque destinée aux enfants est vectrice de sens et véhicule un paradigme fortement genré au sein même de son écriture. C’est notamment le cas pour le jeu de combat Soulcalibur (1998) dont le titre stylisé est évocateur d’un univers particulier et donne des indices sur le contenu du jeu ; le «s» symbolise une croix de ninja, le «c» un boomerang meurtrier, le «u» représente un poignard et le «r» est effilé comme une scie. Le code de «l’écriture manuscrite» contient lui aussi un message intrinsèque, il joue le rôle d’une dédicace de la star internationale Barbie à la petite fille émerveillée. Dans les années 1960, l’entreprise Mattel reçoit des centaines de lettres de petites filles à la célèbre poupée, ce qui conforte mon idée que cette écriture manuscrite incarne la signature de la Barbie. Ce type d’écriture «à la main» génère un sentiment de proximité entre la fillette et la marque ainsi qu’une dimension de réalité, de tangibilité qui contribue au développement du rêve enfantin. La grande maison crée un fan club pour sa figurine qui prend alors le rôle d’icône; mon étude m’a permis de distinguer que les médias encourageait souvent les garçons à 69 être acteur de leurs propres jeux et les fillettes à être fan d’une idole à laquelle elles aimeraient ressembler, comme c’est le cas pour le magazine Fan Stars destiné aux adolescentes. Dans l’écriture manuscrite, les lettres sont liées les unes aux autres et comme nous l’avons vu précédemment, la communication visuelle part du précepte que les filles vivent en communauté entourées de leurs amies, il s’agit probablement d’un effet voulu porteur de sens. Les titres des marques de jouets ou de films pour petites filles en écriture manuscrite commencent souvent par une lettre en majuscule entrelacée et souple qui évoque les enluminures médiévales comme c’est le cas pour Cendrillon ou Raiponce de Walt Disney. Cette majuscule précieuse souligne le statut de noblesse des princesses féériques. Ce code de «la dédicace de star» est utilisé dans les campagnes de publicité pour femmes adultes, notamment dans l’industrie du luxe. A mon sens, cette typographie augmente la préciosité et la valeur sentimentale portée à l’objet, comme par exemple pour les sacs à main. Elle donne l’illusion à la consommatrice que l’objet a été créé spécialement pour elle et confère au produit une dimension d’unicité et d’exception. Prenons l’exemple des marques de montres de luxe Cartier ou Chopard qui utilisent le code de l’écriture manuscrite pour communiquer visuellement avec leur public féminin et qui optent pour une police d’écriture plus droite, épaisse et rigide pour leurs modèles masculins. 70 la dédicace de star jules delaveau ECAL 2013 En outre, la maison d’édition Hachette Filipacchi Médias qui est responsable de la publication des magazines féminin Elle, Mode pratique et Fémina édite également le magazine Witchmag pour fillette de 8-12 ans. L’éducation visuelle des petites filles et des femmes est prise en charge par la même entreprise et il est probable que les jeunes filles soient par ce biais initiées à répondre aux futurs codes de consommation féminine présents dans les magazines pour adultes, comme le relève le collectif Mix-cité12. 12 71 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la lettre magique code n°9 La Lettre Magique II Op.cit. Mix-cité, 2007. 72 la lettre magique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 la lettre magique points-clés •une lettre spéciale percée en son centre par un motif 73 74 la lettre magique jules delaveau ECAL 2013 La Lettre Magique II (féminin) Le code de «la lettre magique II» dans l’univers visuel adressé aux filles constitue l’antithèse de la lettre «t» qui symbolise l’épée conquérante et phallique des garçons analysée précédemment. En effet, chez les filles, la lettre magique est un «o» percé, dont le centre a été évidé en forme de cœur ou de fleur comme c’est le cas pour les marques de jouets pour petites filles Miniamo ou Pinypon. Ce code peut être interprété comme une allusion à la forme du sexe féminin, par ailleurs, le cœur se rapporte à l’amour et la fleur est une allégorie de l’intimité féminine. On retrouve ce code dans des marques s’adressant aux femmes, notamment chez Miss Coquine et Mon Charme qui comportent une dimension érotique dans leur contenu sémantique. 75 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le diamant et ses milles éclats code n°10 Le Diamant et ses Milles éclats 76 le diamant et ses milles éclats jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le diamant et ses milles éclats points-clés •des lettres remplis de paillettes et de diamants 77 78 le diamant et ses milles éclats jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le diamant et ses milles éclats Le Diamant et ses Mille éclats Dans ce code les lettres qui constituent le titre d’un produit ou d’une série destinée aux petites filles sont constituées de strass et parsemées d’éclats. Ce type de police que l’on peut qualifier de «bling-bling» est répandu dans l’univers des fillettes, elle se réfère à la richesse, au faste des princesses Disney mais contient également un côté superficiel et tapageur. Ce code du «diamant aux mille éclats» appartient aussi à l’univers de la magie, il incarne le passage d’un état à un autre, comme par exemple lorsque des étincelles sortent de la baguette magique de la fée qui transforme la souillon Cendrillon en une somptueuse princesse, avant qu’elle se rende au bal. La transformation suggérée par les éclats peut être comprise comme la promesse d’un épanouissement de la fillette vers l’âge adulte. Souvent, ce type de typographie formée de «diamants aux mille éclats» est utilisé dans des programmes qui s’adressent aux préadolescentes, qui sont au cœur même de cette transformation vers un état qu’elles espèrent meilleur, c’est le cas par exemple de Fashion Agent ou de Top Model. Le code des paillettes agit sur l’inconscient des jeunes filles comme la promesse d’un avenir ludique, beau et fastueux, il leur permet de rêver aux lumières des boules discos qu’elles sont impatientes d’approcher dans les années à venir. Le code du «diamant et ses mille éclats» persiste dans le monde des adultes, notamment dans le milieu clinquant de la nuit et de la jet-set. Ce code évoque alors l’excès, la fête et l’alcool comme c’est par exemple le cas pour la typographie de la soirée «Imperial Folies» organisée par les champagnes Moët et Chandon. 79 80 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le secret du médaillon code n°11 Le Secret du Médaillon 82 le secret du médaillon jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le secret du médaillon points-clés •la silhouette générale du logo représente un médaillon 83 84 le secret du médaillon jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le secret du médaillon Le Secret du Médaillon Le code du branding en forme de «médaillon» est récurent dans l’univers des petites filles comme c’est le cas par exemple des marques récentes de jouets telles que Chi Chi Love ou Zhu Zhu Princess. Il joue le rôle d’un emblème qui atteste de l’appartenance à un groupe particulier ou à un club, tel le symbole d’une société secrète réservé aux filles et dont les garçons seraient exclus. Le médaillon est un objet discret que l’on porte en pendentif autour de son cou, il se trouve proche du cœur de la femme, de son intimité. Cet objet évoque la préciosité et le raffinement; de plus, la nature de son origine est entourée de mystère. Le médaillon entretient une relation au passé et à la notion d’héritage, il permet au spectateur de fantasmer sur le vécu de l’héroïne. Il peut s’agir d’un bijou familial, d’un souvenir ou encore d’un cadeau offert par un amoureux que l’on conserve secrètement. Une fois de plus le graphisme d’une marque est évocateur de sens et suggère des idées de proximité et de relation privilégiée entre la jeune consommatrice et le produit. Le code du «médaillon» agit comme un pacte implicite entre la marque et l’enfant, sa forme rappelle celle du verrou des journaux intimes qui scelle les secrets des petites filles. En 1963, le Club Barbie offre une médaille comme signe d’appartenance à son groupe, l’inscription est payante mais la petite fille reçoit des lettres personnalisées, «écrites de la main de la célèbre poupée». Cette technique est utilisée par le club pour favoriser une forme de dépendance de la jeune consommatrice à la marque et aux produits, cette dernière incitant également ses amies à intégrer le groupe13. Finalement, la médaille peut être considérée comme le symbole d’une étape à franchir lors d’un parcours initiatique, comme celle remise à la jeune fille lors de sa première communion en signe de maturité. Ce code visuel est récurrent dans le monde des femmes, comme c’est le cas par exemple pour la chaîne de prêt-à-porter féminin So Chic Collection, ou pour la marque de parfum Annick Goutal dont le logo en forme de médaillon est suspendu par un fin ruban doré autour du flacon, comme s’il s’agissait d’un véritable pendentif qui ornerait le cou d’une femme. 13 Selon Harquez-Mainsen, Marie-Françoise, Barbie, poupée totem: entre mère et fille, lien ou rupture ?, Paris: Autrement, no 181, 1998. 85 86 le secret du médaillon jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 l’arc-en-ciel du bonheur code n°12 L’arc-en-ciel du Bonheur 87 88 l’arc-en-ciel du bonheur jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 l’arc-en-ciel du bonheur points-clés •des arcs-en-ciel apparaissent dans le logo du produit 89 90 l’arc-en-ciel du bonheur jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 l’arc-en-ciel du bonheur L’ Arc-en-Ciel du Bonheur Ce code féminin est le pendant du code pour garçons en forme de «circuit automobile». Dans les deux cas les lettres du titre de la marque sont encerclées d’un dessin; chez les garçons il s’agit d’un circuit fermé, régulier et exempt de fantaisie qui souligne le titre. Dans l’imaginaire collectif, les garçons sont souvent associés aux mathématiques, à la science et aux schémas rationnels, ce qui explique probablement la rigueur d’un tel logo. Pour ce code en «arc-en-ciel du bonheur» le dessin qui entoure le titre est souvent ouvert, il évolue dans des formes souples, fantaisistes et colorées. La manière de communiquer graphiquement une action semblable n’est pas la même selon si le destinataire est un homme ou une femme. Prenons l’exemple de la notion de vitesse qui est exprimée chez les garçons par des traits hachurés horizontaux aérodynamiques, chez les filles, cette notion est évoquée par des trajectoires verticales et clairsemées, comme des filaments d’étoiles filantes. A mon sens, les publicistes situent le genre masculin sur la terre ferme tandis qu’ils associent la femme au ciel, à la rêverie et l’onirisme. Le code de «l’arc-en-ciel» est récurent dans l’univers des femmes adultes, notamment dans la sphère de la publicité. Il convient cependant de distinguer deux aspects de ce code, d’une part, la silhouette générale de l’arc-en-ciel en forme de parabole, d’autre part, la gamme de couleurs utilisée dans l’univers des petites filles. Prenons l’exemple de la marque de tampons hygiéniques Tampax, qui 91 attribue une couleur à chaque format de tampon, le rose pour les jeunes femmes vierges ou au début de leurs règles, le jaune pour les femmes connaissant un flux moyen, le vert pour les femmes aux règles abondantes et le orange pour les femmes au flux très important. Ce code aux couleurs de l’arc-en-ciel permet de hiérarchiser les utilisatrices du produit de manière ludique, il peut aussi symboliser l’évolution de l’état de jeune fille vers celui de femme mature. Les arcs-en-ciels récurrents dans l’univers graphique proposé aux petites filles les préparent peut-être aux changements hormonaux et aux bouleversements corporels que celles-ci connaîtrons tout au long de sa vie de femme. 92 l’arc-en-ciel du bonheur jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le i férique code n°13 Le i Féerique 93 94 le i féerique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le i féerique points-clés •un élément graphique remplace le point de la lettre i 95 96 le i féerique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le i féerique Le i Féerique Ce dernier code féminin du «i féérique» met l’accent sur la dimension créative et décorative, socialement reconnue pour être une spécificité féminine. En effet, le point de la lettre «i» offre de nombreuses possibilités imaginatives et stimule le lyrisme féminin. Les publicistes utilisent ce code visuel en ornant le point de la lettre «i» d’un motif stigmatisé comme appartenant au monde féminin, il s’agit le plus souvent d’un dessin qui véhicule un message positif en forme d’étoile, de cœur ou de fleur. Au-delà de sa dimension ornementale, ce code visuel contient l’idée de la détente, de l’insouciance et de la rêverie, il évoque l’image d’un petit mot griffonné sur un coin de table lors d’une conversation téléphonique entre filles. Le «i féérique» agit comme une référence à des sentiments, à un état léger, il rassure la jeune consommatrice et contribue à créer un état d’empathie, une sympathie entre elle et la marque qui contient le «i» décoré. C’est le cas notamment de la marque de Lego Friends ou du dessin animé pour fillettes Powerpuff Girls dont le «i» est surmonté d’un cœur familier. Dans le cas du logo Powerpuff Girls les glyphes féminins s’entremêlent comme la métaphore d’une explosion créative, d’un débordement d’émotions ressenties par la petite fille qui regarde le dessin animé. Mon étude m’a conduit à noter que la typographie utilisée avec «le i féérique» imite souvent l’écriture des petites filles; ce phénomène contribue à créer une proximité visuelle et émotionnelle de la fillette vers le produit, comme si une «grande sœur artiste» avait dessiné le logo de la marque. Dans l’univers des garçons au contraire, toute trace de manufacture disparaît au profit d’une typographie méca- 97 nisée, froide et formatée qui reflète un souci de crédibilité et de professionnalisme. Enfin, j’ai pu rapprocher le code du «i féérique» du thème du mariage, du «jour j» de la femme dans un imaginaire stéréotypé. En effet, depuis 1998 les princesses de Disney sont essentiellement représentées dans leur robe de mariée, à l’instar de la princesse solitaire et guerrière Mulan. Finalement le point du «i féérique» est un élément graphique qui accompagne la lettre, comme une sorte d’ange gardien du logo, à l’instar de la Fée Clochette, la fidèle compagne du héro du film de Walt Disney, Peter Pan (1953). Ce thème est repris par la marque pour fillettes Esprit de Fée, ou encore le dessin animé les Winx qui utilisent également ce type de «i» surmonté d’une étoile pour souligner leur dimension féérique. Ce code est fréquemment utilisé par les publicistes lorsqu’ils s’adressent aux femmes, entre autres pour les produits cosmétiques tels que le modèle Divine de la gamme Vénus de la marque de rasoirs Gillette ou encore pour la gamme Brillance de Schwarzkopf. Cette analyse démontre une fois de plus que le graphisme contemporain est construit sur un mode genré très caricatural, en attribuant aux filles les qualités d’ouverture, de communication et de créativité poétique qui leur incombe depuis plusieurs siècles dans l’imaginaire collectif. Force est de constater que bien que les rôles sociaux aient considérablement évolués et que la parité hommes/femmes soit un des buts de nos sociétés occidentales, les stéréotypes persistent et semblent même se renforcer et se consolider au sein même de l’univers de la communication visuelle moderne. 98 le i féerique jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le rose bonbon code n°14 Le Rose Bonbon 99 100 le rose bonbon 101 jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 le rose bonbon 102 le rose bonbon jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les codes agenres Les Codes Agenres 103 104 les codes agenres jules delaveau ECAL 2013 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les codes agenres Les Codes Agenres Ce dernier chapitre propose une réflexion autour d’une troisième catégorie d’objets usuels que je regroupe sous la dénomination «agenre». Ces produits du quotidien ne sont pas, de prime abord, destinés à l’un ou l’autre des sexes, je ne m’attendais pas, par conséquent, à une communication visuelle différenciée. Il s’agit d’objets anodins mais indispensables tels que des piles, des ampoules, des sacs d’aspirateur ou des lingettes essuie-tout. Après une analyse minutieuse des emballages de ces différents produits, quelle ne fut pas ma surprise de constater que la catégorie agenre n’existait pas. En effet, les codes genrés sont, non seulement présents sur les emballages de ces produits, mais le message qu’ils divulguent est encore plus fortement discriminant. Par exemple, les piles dont le packaging est orné de couleurs enflammées, sont affublées du mode Powercheck permettant de vérifier le niveau d’énergie restante de la pile, ce gadget évoque les jouets pour garçonnets. En outre, les lingettes essuie-tout Vileda utilisent le code du «i féérique» (code 13) dont le point est un papillon et les emballages des chiffons attrape-poussière Scotch Brite sont décorés du logo d’une tête de femme. Les rôles sociaux caricaturaux de la femme-ménagère et de l’homme-bricoleur semblent perpétués à travers le graphisme de ces simples produits. Je m’attendais dans un premier temps à une typographie d’apparence neutre en ce qui concernait ces objets de consommation quotidienne mais une étude de 021 106 les codes agenres jules delaveau ECAL 2013 terrain m’a démontré que les publicistes préféraient orienter leur produit de manière genrée plutôt que de divulguer un message flou ou qui pousserait le consommateur à se poser trop de questions du type: «ce produit est-il pour moi?». Le genre trop neutre, blanc ou asexué est donc un élément peu vendeur et fortement évité dans l’univers de la publicité. J’ai été pleinement convaincu de ce constat en découvrant les brosses inter dentaires de la marque Dentamed déclinées en deux modèles parfaitement identiques, l’un bleu, l’autre rose. En ciblant ainsi à la fois le public féminin et le public masculin, les publicistes de la marque étaient sûrs de toucher l’ensemble de la population et d’assurer leurs ventes. J’ai toutefois trouvé des produits «mixtes» comme les sacs d’aspirateur Swirl qui juxtapose les deux sortes de codes sur leurs emballages. En effet, le côté féminin est représenté par l’utilisation du code «en forme d’arc en ciel» ainsi que par l’écriture ronde et soufflée à la manière des visuels pour fillettes; le côté masculin quant à lui est incarné par le slogan en 3D penché vers la droite, qui se distingue sur fond de flammes, «Air Space Technology Long Power». Selon mon interprétation personnelle, le label de qualité et le côté technologique du produit est plutôt certifié par un code masculin. On peut constater que les montres d’hommes sont affublées de plus de fonctions et de gadgets que les montres de femmes, ou encore les ordinateurs destinés aux hommes sont souvent mieux équipés et étonnamment de qualité supérieure. En dépit des stigmates 107 Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 les codes agenres sexistes et des conceptions caricaturales et dépassées des rôles sociaux de l’homme et de la femme, il apparaît que dans le secteur de communication visuelle, l’utilisation de codes masculins semble être un garant rassurant de fiabilité et de qualité. Mon étude m’a permis de constater avec humour, que de nombreux hommes soucieux de leur image, ou souffrant de problèmes de peaux, préféraient discrètement se diriger vers les modèles de crèmes roses destinés aux femmes, comme s’ils étaient à leur tour, garants de plus de douceur et de beauté. 108 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 bilan Bilan Dans la première partie de mon étude, j’ai dégagé un principe essentiel de la construction visuelle du genre masculin: l’idée du héros solitaire. Ce principe transversal se retrouve à travers les différents codes que j’ai répertoriés tel que l’utilisation d’une lettre de légende évoquant la noblesse d’esprit de l’époque médiéval, d’une écriture en 3D virile se rapportant au militarisme, de la lettre magique symbolisant une arme, du circuit automobile et sa notion de vitesse, de la silhouette de Batman qui célèbre la bravoure et l’héroïsme du justicier solitaire, enfin de la dureté de la glace et de la puissance du feu. Les marques utilisent un champ lexical spécifiquement genré lorsqu’elles s’adressent aux hommes tel que «Rexona Men Adventure», «l’Oréal Indestructible», «Garnier Survivor», «Garnier Camouflage» ou encore «Garnier Extreme Hard». Ces différents codes parsèment les magazines, bandes dessinées, dessins animés, jeux vidéo et jouets destinés aux petits garçons. Ils contribuent à éduquer visuellement l’enfant et le préparent, en un sens, à devenir un homme, ce héro des temps modernes, ou plutôt ils le conditionnent à correspondre à l’image que la société attend de lui. Le principe clé des experts de la communication est que, plus une idée est simple, mieux elle sera assimilée et plus longtemps elle perdurera dans notre esprit. Ces codes assimilés tout au long de notre enfance constitueront une base de donnée aux datas quasiment irréversibles, qui conditionnera notre référent visuel d’adulte. 110 les codes agenres jules delaveau ECAL 2013 Dans la seconde partie de mon mémoire, j’ai mis en lumière le fait que la communication visuelle destinée aux filles suivait un principe opposé: la vie harmonieuse en communauté. En effet, les différents codes que j’ai distingués tels que l’harmonie symbolisée par les lettres multicolores, le lien affectif exprimé par la lettre en écriture manuscrite, la féminité de la lettre magique, le côté sociable et festif sous-jacent au code du diamant et ses mille éclat, l’intimité et la notion de secret partagé à travers le code du médaillon, l’exubérance de la forme en arc en ciel, le rêve suggéré par le «i féérique», enfin le kitch du rose bonbon, dénotent de ce souci de partage avec ses semblables. La troisième partie de mon travail m’a permis de tirer un constat intéressant: les produits agenre n’existent pas. Il y a à mon sens plusieurs raisons à ce phénomène, la première est que le client est forcément masculin ou féminin, il n’est pas «agenre» et il transporte avec lui tout un univers visuel acquis au cours des années et qui a façonné son goût et ses attirances. La seconde est que les publicistes ont remarqués qu’il était préférable d’orienter le regard du consommateur à travers les rayons en utilisant des codes genrés, afin de faciliter la compréhension visuelle immédiate et d’optimiser le succès d’un produit. La communication visuelle utilise pour cela des codes qui trouvent leurs origines dans l’univers visuel induit dans notre enfance. A travers mon étude j’ai pu constater que les produits de consommation pour hommes conservaient des nombreux codes de l’enfance. En effet, la plupart des objets usuels masculins tels que les rasoirs, les déodorants ou les shampoings ressemblent à des jouets supersoniques améliorés. Chez la femme, Mémoire de bachelor communication visuelle Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 bilan on assiste plutôt à un changement des codes qui se rapportent à l’enfance. Si certains codes sont conservés, de nouveaux apparaissent relatifs aux paradigmes de la santé, de l’esthétisme, de la pureté ou de l’univers zen14. Mon hypothèse est que la femme, contrairement à l’homme, connait d’importants bouleversements dans son corps tout au long de sa vie et évolue à travers son système hormonal. La communication visuelle doit donc s’adapter à cet état de fait et elle aussi évoluer, se renouveler et chercher à «faire corps» avec ce nouveau corps. Finalement, en 2013, je constate que la différence de communication visuelle entre les genres est accrue. De plus, l’impact des images de notre enfance semble plus que jamais ressurgir de nos souvenirs, dans une société qui prône le changement à tout prix. Nous assistons en réalité à un véritable retour aux sources, aux pierres fondatrices de notre éducation visuelle. Les codes issus de l’enfance, prônés par les publicistes, incarnent-ils des schèmes rassurants pour des hommes et des femmes qui auraient perdu leurs repères? Dans une société en pleine mutation qui connaît un renversement des valeurs et dans laquelle le rendement, la performance, le bodybuilding et la chirurgie esthétique sont devenus les mots d’ordre, Batman et Barbie, les héros de notre enfance, sont peut-être toujours dans nos esprits, des figures idéales, des icônes emblématiques auxquelles nous rêvons encore secrètement de ressembler. Je n’analyse pas ces nouveaux codes qui apparaissent à l’âge adulte chez les femmes, car ce n’est pas l’objet de mon étude qui cherche à répertorier les codes visuel de l’enfance et à observer leurs occurrences, ou non, dans la sphère des adultes. 14 111 112 Mémoire de bachelor communication visuelle jules delaveau ECAL 2013 crédits Crédits Superviseur du Mémoire André Vladimir Heiz Deodaat Tevaearai Jonas Berthod Designer et éditeur Jules Delaveau ECAL 2013 114