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Page 1 Document 1 de 4 La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 20, 21 Mai 2010, 1202 Couples, patrimoine : les défis de la vie à 2 . - La détermination du régime matrimonial en présence d'éléments d'extranéité : une situation choisie ou subie ? Etude rédigée par : Florence Gémignani notaire président de la quatrième commission : Transmettre et Gilles Bonnet notaire rapporteur de la quatrième commission : Transmettre Droit de la famille Sommaire La détermination du régime matrimonial des époux en présence d'éléments d'extranéité relève de la même dichotomie que la détermination de la même situation des époux dans l'ordre interne; entre ceux qui ont fait un contrat de ceux qui n'en n'ont pas fait. Néanmoins, la situation des époux en présence d'éléments d'extranéité est-elle entre diversité, complexité et droit comparé, comme une bouteille jetée à la mer quelques années plus tôt et retrouvée plus tard? La mise en oeuvre des instruments juridiques et convention ne présente pas l'aléa évocateur de rivages lointains mais c'est un voyage (organisé) qui vous est proposé. Laisser place pour le résumé 1. - Lors de l'achat par un couple marié, d'un bien immobilier situé en France, la question de leur régime matrimonial, et donc indirectement de la propriété du bien et des conséquences en cas de divorce ou de décès, doit être évoquée, plus particulièrement lorsqu'il existe des éléments d'extranéité (l'un au moins des époux est de nationalité étrangère, leur mariage a été célébré à l'étranger, ils ne sont pas domiciliés en France...). La présence d'un ou plusieurs de ces éléments peut conduire à la mise en jeu de différents ordres juridiques. Le droit international privé et ses règles de conflits sont alors nécessaires pour résoudre cette équation parfois fort complexe, notamment quand les rattachements sont multiples. 2. - Deux cas de figure peuvent se présenter : soit les époux ont défini les règles applicables dans un contrat, soit leur situation est régie par la convention de la Haye du 14 mars 1978. En tout état de cause, une modification ou une clarification en cours de route sera toujours possible. 3. - En effet, les époux peuvent choisir la loi régissant leur régime matrimonial soit à l'occasion d'un contrat de mariage soit par une déclaration expresse passée en la forme prescrite pour les contrats de mariage. À défaut de déclaration expresse ou de contrat, la loi applicable au mariage est déterminée par la convention de La Haye du 14 mars 1978 codifiée sous l'article 1397, alinéa 3, du Code civil (issu de la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997°Note 1. Ladite Page 2 convention, désormais bien connue de la pratique notariale, prévoit en outre, dans son article 6, la possibilité pour ces derniers, de faire, en cours de mariage, une déclaration pour déterminer la loi applicable à leur régime matrimonial (1) permettant ainsi d'éviter l'application de la règle de la mutabilité automatique prévue par l'article 7 (2). 1. Le changement volontaire de loi applicable au mariage A. - Brefs rappels sur le dispositif 4. - L'article 6 prévoit que « les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu'alors applicable ». Ils peuvent ainsi désigner alternativement la loi d'un État dont l'un d'eux a la nationalité au moment de la désignation, la loi de l'État sur le territoire duquel l'un d'eux a sa résidence habituelle au moment de la désignation ou, en ce qui concerne les immeubles ou certains d'entre eux, la loi du lieu où ces immeubles sont situés. 5. - L'article 1397-3 du Code civil prévoit que les époux ont le choix entre le régime légal et les régimes conventionnels, ce qui constitue une extension opérée par la loi de transposition dans notre droit interne des dispositions de la convention de La Haye, laquelle se limite à la seule désignation de la loi applicable, sans choix pour l'un des régimes conventionnels du droit matériel ainsi désigné. B. - L'effet 6. - L'article 1397-4 du Code civil précise que la désignation prend effet entre les parties à compter de l'établissement de l'acte de désignation et, à l'égard des tiers, trois mois après les formalités de publicité. Or, il est admis par une très grande majorité de la doctrine que la convention prévoit la rétroactivité de la nouvelle loiNote 2. Ainsi, il faut faire primer la convention par rapport au droit interne conformément à l'article 55 de la Constitution française qui règle dans le sens indiqué ce conflit de normes. 7. - Si la rétroactivité présente un intérêt évident, notamment de simplification, pour les époux ainsi que pour le professionnel chargé de la liquidation qui n'aura donc à liquider qu'un régime matrimonial unique, cette rétroactivité ne pourra cependant pas porter atteinte aux droits acquis antérieurement par les tiers. C. - L'intérêt 8. - L'intérêt réside dans l'établissement clair du régime matrimonial pour les époux mariés avant et après l'entrée en vigueur de la convention (soit au 1er septembre 1992), permettant ainsi d'adapter leur régime matrimonial aux circonstances nouvelles dans lesquelles ils vont devoir évoluer, de sortir d'une loi étrangère qui impose l'immutabilité du régime matrimonial, ou enfin de s'opposer à la mutabilité automatique du rattachement dont il sera question ci-aprèsNote 3. 9. - Le changement de la loi applicable au cours du mariage n'a cependant d'intérêt que pour les époux établis en FranceNote 4. Cette prescription s'appliquera lors de l'acquisition d'un bien en France notamment par des époux étrangers ou dont la loi applicable au mariage n'est pas la loi française. Cette convention est qualifiée d'universaliste et s'applique donc même si la loi désignée par la règle de conflit n'est pas la loi d'un État contractant. En effet, s'ils sont établis en dehors des États signatairesNote 5 à la convention de La Haye, il y a peu de chance que ce changement soit admis par ce paysNote 6. 10. - Toutefois pour éviter le risque de l'absence de reconnaissance du changement par la loi d'un État non signataire de la Convention, les époux peuvent en limiter les effets aux seuls immeubles situés dans des États signataires. Cette solution présente cependant l'inconvénient de soumettre la liquidation du régime matrimonial à plusieurs lois et d'avoir, Page 3 une pluralité de masses liquidatives. 11. - L'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam prévoit sous ses articles 61 et 65 la « communautarisation » du droit international privéNote 7. Des projets de règlements existent portant notamment sur la loi applicable aux successionsNote 8 et aux régimes matrimoniauxNote 9. Ces règlements auront un effet direct dans l'ordre interne de chaque État membre de l'Union européenne. Alors, le changement de la loi applicable au cours du mariage dans un État membre sera reconnu dans l'ensemble des autres États membresNote 10. La remarque ci-dessus conservera néanmoins sa pertinence vis-à-vis d'autres pays non membres de l'Union européenne, sauf adhésion conventionnelle à la convention de La Haye. 12. - Ainsi les praticiens, au-delà du droit international privé jurisprudentiel français, du droit privé conventionnel, doivent désormais s'habituer à évoluer dans une troisième dimension et appliquer le droit international privé communautaire. 2. Le changement automatique de la loi applicable 13. - La Convention prévoit en principe la permanence du rattachement de la loi applicable, même en cas de changement de résidence ou de nationalité. Cependant, par exception, elle prévoit un changement automatique de la loi applicable aux époux mariés postérieurement au 1er septembre 1992. A. - Bref rappel concernant le dispositif 14. - L'article 7 de la convention de La Haye s'applique dans l'hypothèse où les époux n'ont pas choisi la loi applicable à leur régime matrimonial. Dans ce cas, la loi de l'État où ils ont tous les deux leur résidence habituelle devient applicable au lieu et place de la loi originairement applicable après 10 ans d'établissement stable dans ce pays. Ce changement automatique de loi ne peut intervenir que dans trois hypothèses ; ---- lorsque les époux fixent leur résidence dans l'État de leur nationalité commune, (ou dès qu'ils acquièrent cette nationalité) ; lorsque après leur mariage, cette résidence habituelle a duré dix ans, lorsqu'ils fixent leur résidence alors qu'ils se trouvaient dans l'hypothèse de l'article 4, alinéa 2, chiffre 3 (loi nationale commune en cas d'absence de résidence habituelle commune). B. - Des conséquences critiquées 15. - Ce changement n'a pas d'effet rétroactif, sauf volonté contraire des époux. Ce changement est critiqué par une partie des auteurs, car il peut entraîner une pluralité de régimes matrimoniaux non liquidés se succédant les uns aux autres. En outre, les époux n'ont parfois pas conscience du changement de la loi applicable, ce qui peut avoir des conséquences néfastes par exemple pour des époux dont l'un est commerçant, mariés sous un régime légal séparatiste et qui, par suite d'un changement de résidence, se trouvent ensuite mariés sous un régime communautaireNote 11. 16. - En conclusion, il appartient au notaire interrogé sur l'opportunité de procéder à des ajustements d'une part de faire un bilan de la situation et, d'autre part, d'avertir les époux des risques d'imprévision tant pour eux-mêmes qu'à l'égard des tiers et de leur conseiller de privilégier systématiquement le choix explicite de la loi applicable en cours de mariage afin d'éviter ainsi tout changement de loi automatiqueNote 12. Page 4 Note 1 V. notamment Y. Loussouarn, Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : JDI 1979, p. 5 et s. A. Leuck, 75e Congrès des notaires de France, la Baule, 1978. Le statut matrimonial et la vie internationale : rapport, p. 1020 et s. M. Revillard, La convention de La Haye de 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : Defrénois 1992, art. 35210 ; Premier bilan d'application de la convention de La Haye de 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux in E pluribus unum Liber amicorum G. A. L. Droz : Martinus Nijhoff Publishers, 1996, p. 369 et s. - G. A. L. Droz, Les nouvelles règles de conflit françaises en matière de régimes matrimoniaux : Rev. crit. DIP 1992, p. 631 et s. - D. Boulanger, La loi applicable aux régimes matrimoniaux, tableaux synoptiques : JCP N 2004, n° 1-2, 1005. Note 2 M. Revillard, Droit international privé et pratique notariale : Defrénois, 5e éd., 2004, n° 57. Note 3 V. JCl. Notarial Formulaire, V° Contrat de mariage, fasc. 90, n° 29. Note 4 H. Péroz, L'acquisition d'un bien en France par des époux étrangers : JCP N 2004, n° 23, 1264. Note 5 La France, les Pays-Bas et le Luxembourg. Note 6 M. Revillard, La loi du 28 octobre 1997 modifiant le Code civil pour l'adapter aux stipulations de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : Defrénois 1997, art. 36700, § 22. - Th. Vignal, La loi du 28 octobre 1997 adaptant la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : JCP G 1998, 146, § 15. Note 7 C. Nourissat, Brèves observations sur un autre aspect de la communautarisation de la pratique notariale in Mélanges Revillard : Defrénois, 2007, p. 227 et s. Note 8 Prop. PE et Cons. UE, règl. n° IP/09/1508, 14 oct. 2009. Note 9 PE et Cons. UE, règl. n° 593/2008. Note 10 H. Péroz, Vers une simplification du règlement des successions internationales pour la pratique notariale : JCP N 2009, n° 43-44, act. 679. Note 11 M. Revillard, Dix ans d'application de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : Defrénois 2002, art. 37573, n° 69. Note 12 M. Revillard, Pratique de la convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. Commentaires et formules : Defrénois 2002, art. 37573. © LexisNexis SA