Shanghaï prépare son Exposition universelle

Transcription

Shanghaï prépare son Exposition universelle
vendredi 9 octobre 2009 LE FIGARO
FOCUS
20
Shanghaï prépare son Exposition universelle
À partir du 1er mai prochain, la capitale économique de la Chine accueillera cet événement planétaire. Pour
épater le monde entier, elle a investi 3 milliards d’euros dans l’aventure, un record pour cette manifestation.
Les expositions
ARNAUD DE LA GRANGE
ENVOYÉ SPÉCIAL À SHANGHAÏ
universelles
passées au crible CHINE À l’heure de la communion
mondiale numérisée et des voyages
low-costs, les expositions universelles n’ont plus guère à faire se découdu 1er mai au 31 octobre
vrir des mondes qui se côtoient tous
Thème :
les jours. Leur éclat, d’ailleurs, ne
Meilleure ville,
meilleure
porte plus si loin. Sauf… sauf quand il
vie
s’agit de la Chine, et en Chine de la
cosmopolite Shanghaï. L’Expo 2010,
prévue entre le 1er mai et le
Mascotte
31 octobre, a toutes les
Ren
chances de rester
dans
l’Histoire,
comme celle de
Paris en 1900.
Le symbole et
millions de
les enjeux sont
visiteurs
énormes,
pour
attendus
Shanghaï comme
pour la Chine. Deux
ans après la démonstration olympique, l’Expo
2010 est une nouvelle occasion
d’affirmer l’émergence de la puissanHanovre* 2000
cechinoise.Shanghaï,elle,est« comThème :
me une jeune fille dont on fait la toiletL'homme,
te » selon les mots de son maire, Han
la nature et
la technologie
Zheng. Mais les changements ne
seront pas que cosmétiques et cette
mégalopole de 19 millions d’habitants
entend bien redevenir la cité phare
de l’Asie. « La ville va changer
son positionnement, changer de
statut économique, explique Xu
Bo,commissairegénéraladjoint
Mascotte
del’exposition.DevilleindusTwipsy
trielle, elle veut devenir une
capitale des services et un
grand centre culturel. »
millions de
visiteurs
Aprèsl’événement,lesbâtiments construits doteront
*Précédentes expositions
enfin Shanghaï du site qui lui
faisait défaut pour accueillir les
Séville* 1992
grandes manifestations interThème :
nationales. Par exemple, elle
Âge de la
découverte
disposera désormais d’une grande
salle de spectacles d’une capacité
de 18 000 personnes.
Comme pour les JO de Pékin,
en fait, on est dans le « plus » et
la chasse au podium. Les estimaMascotte
tions oscillent entre 70 et
Curro
100 millions de visiteurs.
Parmi les invités de marque, Nicolas Sarkozy qui
devrait venir soit à
l’ouverture,soitàlafermillions de
meture de l’Expo. Le
visiteurs
nombre de participants
Superficie
– 192 pays souverains et 42
EN HECTARES
Shanghaï 2010
70 à 100
18
41,8
Un ouvrier sur le chantier du pavillon chinois pour l’Exposition universelle 2010 de Shanghaï.
organisations internationales – est
lui aussi historique. À l’unisson, la
superficie du parc. Il s’étend sur
5,28 km²,soitdeuxfoisMonaco,etqui
plusestdanslecentredelavilleetnon
pas comme souvent en périphérie.
« Nous n’avons pas choisi un site vier-
« L’exposition va
faire gagner dix ans
à la ville en termes
de développement
urbain »
ge, et c’est là le premier défi, explique
Xu Bo, il y avait là 272 usines très polluantes, comme des fonderies ou des
chantiersnavalset60 000personnesy
vivaient dans des conditions insalubres. Par ce choix, nous interprétons
déjà le thème urbain de l’exposition. »
Ce thème a été très habilement
choisi par les décideurs chinois. Le
défi urbain, sous le slogan « Meilleure ville, meilleure vie », n’avait
jamaisétéexploréparlesexpositions.
Dans un pays-continent où même les
« petites villes » décomptent leurs
ouailles en millions et où les folles
migrations intérieures créent une
urgence urbaine, le choix est logique.
« Mais il est aussi très fédérateur et
concerne le monde entier, quel que soit
le niveau de développement, quelle que
soit l’idéologie », poursuit Xu Bo. Une
partie du site abritera un « espace des
meilleures pratiques urbaines », où
villes et régions du monde entier
viendront présenter leurs bonnes
idées. Et un tiers de la surface de
l’exposition sera consacré à des espaces verts.
Maisl’ambitionchinoisenes’arrête pas là et l’affaire a été bien pensée,
jusqu’au bout. Un sommet international sera organisé à la fin de l’exposition et la Chine veut y faire adopter
REUTERS
une « Déclaration de Shanghaï »,
endossée par l’ONU. Une sorte de
manifeste de la ville idéale traçant la
voie pour les décennies futures.
Grues et poussière
Sept mois avant le coup d’envoi, la
ville n’est que grues et poussière. On
montre ici fièrement « le plus grand
chantier du monde », avec 8 000
constructions de toutes les tailles. Le
budget est d’environ 2 milliards
d’euros pour le site et 1 milliard supplémentaire pour le fonctionnement
de l’exposition. « Mais il faut compter
au moins dix fois plus pour toute la ville, poursuit Xu Bo, l’exposition va faire gagner dix ans en termes de développement urbain. »
Plusieurs lignes de métro sont
construites. La capacité de l’aéroport
de Pudong doit plus que doubler pour
atteindre 80 millions de passagers en
2015 contre 30 millions aujourd’hui
et l’on déploie autoroutes et tunnels
sous le fleuve Huangpu. Côté esthétique, en ville, tout est repeint, au
moins ce qui est visible. Le fameux
Bund est en pleine mue.
Le seul point qui donne des sueurs
froides aux organisateurs est la gestion du nombre de visiteurs, quelque
400 000parjourenmoyenne.Ilyales
simples questions de fluidité d’accès
sur le site mais aussi les problèmes de
sécurité qui se posent en d’autres termes que pour les JO, circonscrits à des
enceintes sportives et qui ne duraient
que deux semaines. Là, ce sont
100 millions de personnes, sur six
longs mois, en pleine ville. Les visiteurs devraient être à 90 % chinois
maisilresteàsavoirquellepolitiquede
visas Pékin adoptera pour les étrangers, si elle sera aussi restrictive que
pendant la période olympique de
2008. Dernière ombre au tableau, la
grippe A. Une épidémie courant chez
les milliers d’ouvriers du site cet hiver
pourrait faire tousser les délais. ■
528
160
La France s’est investie dans l’opération très longtemps à l’avance
215
Pays participants
192
155
110
Budget global
EN MILLIARDS D’EUROS
3
1,82
1,67
Shanghaï
Hanovre
Séville
3
APRÈS de longs mois de froids
échanges, la France va jouer en
Chine sur le registre du désir et du
plaisir de vivre dans les villes. Le
pavillon français, dont on finit
aujourd’hui la structure métallique,
a choisi pour thème « La ville sensuelle ». Il se veut, selon son architecte Jacques Ferrier, « la préfiguration d’un univers construit où se
mêle de façon indissociable celui de la
nature », un « paysage où tous les
sens peuvent s’exercer ».
De prime abord, la forme de quadrilatère massif semble peu audacieuse, mais elle veut exprimer le
cartésianisme français, alors que
nombre d’autres constructions de
nos voisins européens ont des for-
mes plus torturées. Et l’ensemble est
allégé par la fine résille minérale qui
l’entoure, ainsi qu’un étonnant jardin à la française au classicisme
revisité puisqu’il se déploiera à la
verticale, le long des parois du patio
intérieur. Des parterres muraux qui
rappellent les circuits imprimés des
ordinateurs, pour ne pas figer l’image de la France dans un savoureux
passé.
Un budget de 50 millions
Si le pavillon chinois écrasera bien
sûr tous les autres avec 90 000 m² et
60 mètres de hauteur, celui de la
France est dans le peloton de tête des
exposants, avec ses 6 000 m² et son
budget de 50 millions d’euros. Or la
A
questions à…
concurrence est rude : les 192
nations qui participent à l’événement ont toutes leur espace. Et 42
pays, parmi les plus riches, ont
construit leur propre pavillon.
En tout cas, les Français ont été les
premiers à lancer les travaux en
novembre dernier. On aime à rappeler également que la France a été
la première nation à avoir soutenu la
Chine pour son entrée au sein du
Bureau international des expositions (BIE), avant que Jacques
Chirac ne milite ardemment pour la
candidature de Shanghaï. Et que
notre pays était aussi en tête pour
confirmer sa participation à l’Expo
2010.
D’ailleurs, d’ores et déjà, la Fran-
JoséFrèches
Frèches
José
PRÉSIDENT DE LA COFRES (COMPAGNIE FRANÇAISE POUR L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE SHANGHAÏ)
Le pavillon français devait être
financé à moitié par le secteur
public, à moitié par le privé. Ce
résultat sera-t-il atteint ?
notre pavillon virtuel. Et ce n’est sans
doutepasfini.L’Exposerapprochant,
des entreprises peuvent voir quel
intérêt il peut y avoir à « en être ».
Onserapeut-êtreplusdansle80-20
avec un fort engagement de l’État.
Mais la crise est passée par là et n’a
facilité la recherche de partenaires
pour aucun pays. Nous avons quand
même de grands acteurs engagés à
nos côtés, comme Lafarge, LVMH,
Sanofi Aventis, EDF ou encore Dassault Systèmes, qui va créer tout
Contrairement à l’usage,Nicolas
Sarkozy souhaite que le pavillon
ne soit pasdémonté à la finde
l’exposition.Oùenest le dossier ?
LadécisionreviendraàPékin,etlesujet
estl’objetd’unenégociationentrel’État
français et les décideurs chinois. Mais
chaque chose en son temps. Construisons le pavillon, faisons-en un succès,
etaprèsnousverrons.
Pourquoi avoir choisi le 21 juin
comme journée nationale
française à l’Expo 2010 ?
C’estlejourdelaFêtedelamusique,
que nous lancerons pour la première
fois en Chine sur le site de l’Expo et
danslaville.LamunicipalitédeShanghaï
semble favorable à ce qu’après 2010
cetteFêtedelamusiquedevienneunrendez-vousannuel.
PROPOS RECUEILLIS
PAR A. D. L. G.
ce aurait la cote auprès du public
chinois. Selon une toute récente
étude d’opinion d’Ogilvy et
Milward Brown ACSR, elle vient en
deuxième position derrière les
États-Unis et devant le reste du
monde pour l’intérêt que suscite son
espace chez le public chinois. Du
coup, le pavillon français ambitionne de drainer quelque 10 millions de
visiteurs. La France sera aussi présente dans la zone des « meilleures
pratiques urbaines » où trois régions
- Alsace, Ile-de-France et RhôneAlpes - viendront mettre leurs
innovations dans la grande boîte à
idées de l’Expo.
Dans le pavillon français, où des
milliers de Chinois voudraient déjà
célébrer des « noces romantiques », le goût sera flatté par un restaurant gastronomique. Mais le
joyau de la vitrine tricolore sera sans
conteste les six tableaux (Van Gogh,
Gauguin, Bonnard, Millet, Cézanne
et Manet) et la statue de Rodin prêtés
par le Musée d’Orsay. « C’est un
geste rare, fort et historique, commente Franck Serrano, représentant à Shanghaï de la Cofres (Compagnie française pour l’Exposition
universelle de Shanghaï 2010), et
l’on voit bien que cela concentre
l’intérêt de la presse chinoise. » Avec
bien sûr, dans un autre registre, le
parrainage du pavillon par Alain
Delon, dont la popularité en Chine
ne peut être disputée chez les
acteurs français que par Sophie
Marceau. ■
A. D. L. G.
Les États-Unis
tardivement
LE SUSPENSE a duré longtemps.
Les États-Unis n’ont confirmé
que cet été leur participation à
l’Expo 2010. La superpuissance,
blesséeparlacrise,peinaitàréunir
les cinquante millions d’euros
nécessaires à la construction de
son pavillon, un budget comparable à celui de la France. Pour Pékin,
un forfait de « l’alter ego » mondial aurait été désastreux. Ayant
pris la mesure des attentes
chinoises, la secrétaire d’État
Hillary Clinton s’est investie sur le
dossier, mais la loi américaine
interdit qu’une telle opération soit
financée par les contribuables.
L’affaire a donc été sauvée par
des « dons » de grandes entreprises comme Pepsi, General
Electric ou Yum ! Brands, propriétaire de la chaîne de restauration
rapide KFC. En tout cas, la presse
de Hongkong notait cet été que
les États-Unis avaient été le dernierpaysàconfirmersaparticipation, après San Marin, l’un des plus
petits États au monde…
A. D. L. G.