Informations de base sur l`abattage rituel

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Informations de base sur l`abattage rituel
BVET
OVF
UFV
Bundesamt für Veterinärwesen
Office vétérinaire fédéral
Ufficio federale di veterinaria
Uffizi federal veterinar
3003 Berne, le 20 septembre 2001
Informations de base sur l’abattage rituel
1. Qu’est-ce que l’abattage rituel
L'Ancien Testament (Genèse ch. 9, verset 4) et le Coran (5e sourate) interdisent la
consommation de sang, car le sang est considéré comme le siège de l'âme. Ce principe a
des répercussions sur la manière d'effectuer la saignée lors de l'abattage.
Chez les juifs, il existe des prescriptions strictes et détaillées à ce sujet dans le Talmud
("Schechita"). Selon ces prescriptions, l'animal doit d'abord être couché sur le sol de
manière à ce que le cou soit bien accessible, et les vaisseaux sanguins du cou doivent être
tranchés net par le "Schochet". Dans la tradition juive, il n’y a pas de dérogations. Un
appareil n'est admis que pour coucher l'animal. La viande ainsi produite est mise sur le
marché en tant que viande casher pour autant que d’autres conditions résultant des
prescriptions religieuses soient remplies.
La réglementation chez les musulmans est comparable. La viande produite selon le rite
musulman (« Zabh ») est mise sur le marché en tant que viande halal. Cependant certains
courants musulmans acceptent l'étourdissement par l'électricité.
2. La réglementation en Suisse
Refusant de suivre la proposition du Conseil fédéral et du Parlement, le Peuple suisse a
adopté en 1893 une disposition constitutionnelle interdisant l’abattage rituel (art. 25bis)1.
En 1973 cet article a été remplacé par un article général sur la protection des animaux (à
l’heure actuelle l’art. 80 cst.). La LPA du 9 mars 1978 en vigueur (RS 455), fondée sur
cette nouvelle disposition, maintient l’interdiction de l’abattage rituel à l’article 20,
alinéa 12. Cette disposition ne prévoit aucune dérogation au profit des communautés
religieuses.
1
« Il est expressément interdit de saigner les animaux de boucherie sans les avoir étourdis préalablement;
cette disposition s’applique à tout mode d’abattage et à toute espèce de bétail. »
2
« L’abattage de mammifères sans étourdissement précédant la saignée est interdit. »
-23. La réglementation à l’étranger
La directive de l’UE 93/119/CE relative à la protection des animaux au moment de leur
abattage ou de leur mise à mort3 prévoit à l’article 5, alinéa 2, une dérogation à
l’étourdissement obligatoire au profit des communautés religieuses.
La Convention européenne (du Conseil de l’Europe) sur la protection des animaux
d’abattage (RS 0.458), ratifiée par la Suisse en 1993, laisse à chaque partie contractante
la possibilité de prévoir une dérogation aux dispositions relatives à l’étourdissement
obligatoire, entre autres pour les abattages selon des rites religieux.
Tous les pays européens exigent l’étourdissement obligatoire lors de l’abattage dans leurs
dispositions sur la protection des animaux, mais la plupart ont prévu des dérogations pour
les abattages rituels4. Une interdiction totale de l’abattage rituel est en vigueur en Suède,
en Norvège, en Islande et en Suisse.
La France exige que les abattages rituels soient effectués dans des abattoirs
exclusivement et que les animaux fassent l’objet d’une fixation mécanique5. L’Italie
prescrit l’étourdissement obligatoire ou une mise à mort immédiate, mais prévoit une
exception à cette règle pour certains rites religieux6. L’Autriche n’a pas édicté de loi sur
la protection des animaux au niveau fédéral; dans six provinces, les réglementions de
protection des animaux applicables exigent l’étourdissement obligatoire de manière
absolue, dans d’autres des exceptions pour les abattages selon les rites religieux sont
prévues. L’Allemagne a prévu une dérogation pour les abattages rituels dans sa loi sur la
protection des animaux (§ 4a, Abs. 2, Nr. 2) ; cependant, selon la jurisprudence de ce
pays, cette dérogation est seulement applicable à l’abattage selon le rituel juif, non pas à
l’abattage selon le rituel musulman.
L’ « Humane Methods of Slaughter Act » de 19787 des USA admet explicitement en son
§ 1902 l’abattage rituel comme une méthode de mise à mort légalement équivalente aux
autres.
4. Importation de viande d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage rituel
La loi suisse sur la protection des animaux ne déploie pas ses effets au-delà de la frontière
suisse. Le Conseil fédéral n'a jamais fait usage de son droit d'interdire, pour des motifs de
protection des animaux, l’importation de viande issue d’animaux ayant fait l’objet d’un
abattage rituel (art. 9, al. 1, LPA).
Pour assurer l’approvisionnement des communautés religieuses qui consomment de la
viande issue d’animaux abattus selon un rituel religieux, les autorités compétentes
(l’OFAG et l’OVF) admettent l’importation de cette viande. Ces importations ont été
admises jusqu’à la réforme de la politique agricole (PA 2002) dans le cadre d’une
3
JO L 340 du 31.12.1993, 21
Potz/Schinkele/Wieshaider, Schächten, Religionsfreiheit und Tierschutz, Religionsrechtliche Studien,
Freistadt/Egling, 2001, p. 166 ss.
5
Décret 97-903 du 1.10.1997 relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur
mise à mort, JO 1997, 14422
6
Attuazione della direttiva 93/119/CE relativa alla protezione degli animali durante la macellazione o
l'abbattamento, GU 1998/226
7
Public Law No 95-445
4
-3procédure d’échange. Les communautés religieuses se procuraient de la viande sur le
marché suisse et l’exportaient ensuite en échange de la viande importée, issue d’animaux
ayant fait l’objet d’un abattage rituel. La nouvelle législation sur l’agriculture ne prévoit
plus une solution de ce genre. Vu les tensions politiques qui ont entouré l’élaboration de
la nouvelle loi sur l’agriculture, l’idée d’abroger l’interdiction de l’abattage rituel a été
abandonnée et il a été décidé, en attendant l’abrogation, d’adopter sans base légale
explicite une solution transitoire dans l’ordonnance sur les importations agricoles.
Selon l'ordonnance sur l'importation des produits agricoles (RS 916.01), le contingent
tarifaire pour la viande casher, donc de la viande destinée aux communautés juives, est de
295 tonnes de viande bovine et de 10 tonnes de viande ovine ; quant au contingent de
viande halal, il est de 200 tonnes de viande bovine et de 20 tonnes de viande ovine. Les
articles 26 à 29 de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur le bétail de boucherie
(RS 916.341) réglementent l'attribution des parts de contingent tarifaire de viande casher
et halal. Elles sont attribuées par l'Office fédéral de l'agriculture dans l'ordre d'arrivée des
demandes.
La législation agricole actuelle comporte donc une lacune en ce qui concerne l'importation de viande d'animaux ayant fait l'objet d'un abattage rituel. L'article 48 de la loi sur
l'agriculture (RS 910.1) réglemente l'attribution des parts de contingents tarifaires pour le
bétail de boucherie et la viande. Selon cette réglementation, les parts de contingents
tarifaires sont attribuées pour le bétail de boucherie et la viande sur la base de la
prestation en faveur de la production suisse (nombre d'abattages). Or, les importateurs de
viande casher et de viande halal ne peuvent pour le moment pas fournir de prestation en
faveur de la production suisse, puisque l'abattage sans étourdissement est interdit dans
notre pays.
L’agriculture suisse serait en mesure d’exporter elle-même les quantités de viande
mentionnées. Il est vrai qu’elle ne le peut pas, puisque cette méthode d’abattage est
interdite en Suisse.
5. Evaluation du point de vue de la protection de l'animal
La mise à mort d'un animal à l'abattoir est un moment dramatique qui peut susciter de
fortes émotions chez les personnes qui ne sont pas habituées, même si l’animal est
étourdi par les procédures admises.
En cas d’abattage rituel, les animaux sont d’abord couchés puis saignés sans
étourdissement8. Entre le moment où l’animal est couché - aujourd’hui le plus souvent à
l’aide d’un appareil spécial - et le moment de l’incision, il s’écoule en moyenne 15
secondes. Après l’incision provoquant la saignée, l'animal perd conscience, à cause de la
chute de tension artérielle, 3 à 6 secondes après le sectionnement des vaisseaux sanguins
selon les indications de la littérature scientifique à ce sujet; selon d’autres observations,
des réactions de défense sont perceptibles chez l’animal durant 35 à 50 secondes après
l’incision. Pendant la saignée, les animaux présentent occasionnellement de fortes
réactions de défense. L’incision provoquant la saignée permet de trancher les deux
8
Israel Meir Levinger, "Die Jüdische Schlachtmethode - das Schächten", in Potz/Schinkele/Wieshaider,
a.a.O., p. 1 ss
-4vaisseaux sanguins principaux du cou, mais pas les vaisseaux sanguins plus fins9 qui
alimentent également le cerveau. C’est sur ce point que se fondent l’argumentation de
ceux qui soutiennent que l’incision de l’abattage rituel est insuffisante. Un élément
positif par contre est le fait que les animaux sont saignés par une personne définie (le
"Schochet"), spécialement formée et fiable, qui agit selon un rituel fixé avec précision.
Les animaux ayant fait l’objet d’un abattage rituel ne sont pas tous admis pour la
production de viande casher: l’incision qui met l’animal à mort n’est pas la seule
condition qui doit être remplie. C’est pour cette raison que seuls environ 10% des veaux
ayant fait l’objet d’un abattage rituel sont mis dans le commerce en tant que viande
casher; pour le gros bétail ce taux s’élève à 30% environ. De plus, seul le quartier avant
de l’animal admis comme viande casher est consommé; le reste est commercialisé dans le
marché de la viande normal.
Une délégation de l’OVF a visité le 24 juillet 2001 l’abattoir de Besançon où les animaux
font l’objet d’un abattage rituel pour le marché suisse. Après cette visite, la délégation
n’est pas en mesure de confirmer que l’abattage rituel ne cause pas de douleurs aux
animaux. De nombreux animaux abattus correctement selon le rituel présentaient après
l’incision de fortes réactions de défense; le réflexe cornéen, qui sert de critère pour la
perte de conscience, était encore nettement observable parfois jusqu’à 30 secondes après
l’incision provoquant la saignée.
6. Evaluation du point de vue des droits fondamentaux
La convention européenne des droits de l'homme10 garantit à l’article 9 « les pratiques et
l'accomplissement des rites ». La convention européenne sur la protection des animaux
d'abattage (RS 0.458) prévoit en conséquence des dérogations à l'obligation d'étourdir les
animaux de boucherie. En Suisse, la doctrine juridique actuelle plaide pour l’abrogation
de l'interdiction, car selon cette doctrine l'interdiction absolue de l'abattage rituel n'est pas
conciliable avec la liberté de conscience et de croyance garantie à l’article 15 de la
constitution fédérale (RS 101)11. L’abrogation constituerait selon cette thèse une mesure
discriminatoire pour les minorités concernées.
Des spécialistes de la doctrine juridique au sein de l’Administration fédérale partagent ce
point de vue: « Il est vrai que la liberté de conscience et de croyance garantie à l'art.
15 cst. peut être restreinte. Mais une restriction d'un droit fondamental ne doit pas
seulement être fondée sur une base légale, elle doit aussi être justifiée par un intérêt
public et proportionnée au but visé (art. 36 cst.). L'intérêt public pourrait être le principe
de la protection des animaux, reconnu au niveau constitutionnel. Par contre l'interdiction
de l'abattage rituel ne nous semble pas satisfaire au critère de la proportionnalité. La
question de savoir si l'abattage rituel cause des douleurs à l'animal est scientifiquement
controversée. Mais l'abattage pratiqué par les juifs et les musulmans est une pratique
rituelle importante pour eux; elle ne relève pas d'un simple agrément dont ils pourraient
9
Arteriae paravertebrales
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4
novembre 1950 ; RS 0.101
11
Par exemple: Walter Kälin, "Grundrechte im Kulturkonflikt, Freiheit und Gleichheit in der
Einwanderungsgesellschaft", Zurich, 2000, 192 ss.
10
-5se passer. Nous n'en estimons pas moins qu'il est essentiel de soumettre à exigences très
élevées la formation pour pratiquer l'abattage rituel et à la surveillance de cette pratique. »
7
Comparaison avec d’autres domaines relevant de la protection des animaux
La loi sur la protection des animaux repose sur le principe de la pesée des intérêts. Toute
activité qui cause à l’animal des douleurs, des maux ou une grande anxiété doit être
évaluée quant à sa justification (art. 2, al. 3, LPA). La justification d’un acte n’est pas
fixée une fois pour toutes, elle reflète les tendances de la population à l’égard de l’animal.
On constate depuis plusieurs années une évolution de plus en plus favorable à l’animal,
ce qu’illustrent les exemples ci-dessous :
·
Expériences sur animaux: La pression de l’opinion publique (jointe aux
réglementations strictes de la LPA) a entraîné depuis plus de 10 ans un recul constant
du nombre d’animaux utilisés dans l’expérimentation animale. L’appel pour interdire
les expériences sur animaux a été à l’époque la raison principale d’un référendum
contre la LPA et a conduit depuis lors à trois initiatives populaires à ce propos.
·
Interventions sans anesthésie: Pour des raisons économiques, la législation en
vigueur autorise actuellement certaines interventions sans anesthésie (art. 65 OPAn),
entre autres la castration des porcelets mâles. Les débats à ce sujet ont montré que
l’opinion publique a évolué en faveur des animaux. Le Conseil fédéral a réduit le 27
juin 2001 la liste des pratiques admises figurant à l’article 65 OPAn.
·
Chasse : La chasse est généralement considérée comme une activité qui permet de
rétablir l’équilibre en l’absence d’ennemis naturels. L’approvisionnement en viande
n’est plus au premier plan. La chasse est violemment critiquée par les défenseurs des
animaux. Les autorités ont répondu à cette préoccupation en augmentant les
exigences des examens pour obtenir le permis de chasse; le canton de Genève a
même interdit la chasse.
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