Des engins très spéciaux - Lettre d`informations stratégiques et de
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Des engins très spéciaux - Lettre d`informations stratégiques et de
sa ga de La s 1946 - 1958 Des engins très spéciaux missi européens En es années de guerre auront été particulièrement dévastatrices pour l'industrie aéronautique française. A l'arrêt total de l'activité de recherche et développement, il faut ajouter les dommages subis par les infrastructures industrielles françaises, frappées de plein fouet par les sabotages et les bombardements. Résultat, alors que les industries allemande et alliées ont connu une avancée formidable des techniques durant les cinq années de conflit, avec l'apparition du radar ou de la propulsion par réacteur, en France, le retard s'est accumulé. Pour relancer FRANCE, tout est à l'activité, et face à des domaines nouveaux qu'ils ne connaissent pas, les ingénieurs français s'attacheront tout d'abord à recopier et à expérimenter les solutions existantes, au premier rang desquelles celles allemandes. Le véritable acte fondateur, marquant la naissance des programmes de missile français, vient de la Direction technique et industrielle de l'Aéronautique (DTIA), qui édite, le 1er juillet 1946, un « programme d'étude d'engins spéciaux ». Ce texte qui dresse une liste des programmes envisageables dans tous les domaines (air-air, sol-air, air-sol et sol-sol) se projette même sur trois générations possibles en évoquant des performances croissantes. Ce programme vise non seu- lement à provoquer des besoins et prises de position au sein des La Seconde Guerre mondiale a mis en relief l'impuissance de la DCA à contrer les bombardiers lourds évoluant à haute altitude. Photo prise au large de Cherbourg, en juin 1944, montrant les tirs de DCA de nuit. (AFP) états-majors, mais aussi à susciter des vocations chez les industriels. Bien que le développement de ces engins volants spéciaux semble correspondre aux compétences des avionneurs, ces derniers réservent un accueil très mitigé aux propositions de la DTIA. D'une part, refaire… au sortir de la guerre, les constructeurs aéronautiques concentrent leur énergie à l'élaboration de nouveaux appareils. De l'autre, ils se sentent mal à l'aise devant le problème spécifique que leur pose la conception d'un missile qui semble d'emblée présenter des différences radicales avec celle d'un avion. Le développement d'un missile demande une intégration très en amont entre sa cellule, sa propulsion et ses équipements de pilotage-guidage, ainsi qu'un développement conjoint des installations de lancement et de contrôle au sol. Or, les avionneurs de l'époque se limitent traditionnellement à l'étude de la cellule de leur avion et font ensuite appel à d'autres entreprises pour la fourniture des moteurs et des équipements de bord ou de piste. Ainsi, Les chars allemands étaient très redoutés par les armées alliées. Il fallait s'y reprendre à plusieurs reprises pour venir à bout de leur épais blindage. Ici, un Panzer 4 sur le front de Normandie. (AFP) seules quelques équipes réduites répondront à ce nouveau marché : l'Arsenal de l'aéronautique, qui n'avait mis au point que des prototypes d'avions ; Matra, qui n'avait pour l'heure conduit que des études ; la SNCASE ou Latécoère. 16 17 l'automne 1946, l'Arsenal de l'aéronautique crée un embryon d'équipe chargée 1947 AA10 d'expérimenter et d'évaluer les engins allemands. Cette nouvelle structure, dénommée E5, se sépare rapidement du bureau « études avions » (E2) et est placée sous la direction de Une première ébauche...ratée Les ingénieurs français se sont tout d'abord bornés à reprendre les solutions développées par les Allemands. C'est le cas du missile air-air AA10, copie conforme du X-4 du docteur Kramer. Cet engin, télécommandé par fils (bobines de 5 300 mètres), obligeait l'opérateur en vol à aligner à vue le traceur pyrotechnique de l'engin et l'avion visé, à l'aide d'un minimanche installé dans le cockpit de l'appareil. La propulsion liquide allemande, utilisant l'acide nitrique et le Tonka, nécessitait un remplissage dangereux avant chaque vol, manipulation qui allait condamner la formule. Loin d'être une réussite, l'AA10 a pourtant eu l'avantage de fournir la liste de tout ce qu'il ne fallait pas faire avec un missile air-air. Sa conception, totalement repensée en 1951, a conduit à l'AA20, premier engin air-air à entrer en service opérationnel en 1956. l'IPA-Emile Stauff. Trois projets répondant aux attentes de la DTIA lui sont présentés : un engin mis en œuvre par le fantassin (le SS10), un missile air-air Un trio d’armes antichar, destiné à abattre les bombardiers (AA10), et, enfin, un engin cible « anti-défaite » pour entraîner les tireurs de la DCA (CT10). Ce dernier va permettre les essais d'un futur engin air-air. Profondément marqué par la défaite française, un responsable de la DTIA s'exclamera : « Si nous avions pu disposer de ces engins en 40, la France aurait évité la défaite face aux Panzers et à la Luftwaffe… » (SHAA) (SHAA) 1946 CT10 Un V1 civilisé (ECPAD) L'étude de la cible CT10 est lancée dès août 1946, avec l'idée de se faire la main sur la réalisation simple d'un engin sans pilote. Les ingénieurs reprennent alors le concept du V1 allemand, en le réduisant de moitié. La propulsion par pulsoréacteur est conservée, mais en introduisant une nouveauté, le guidage de l'engin qui s'effectue par radiocommande. Le CT10 simulera efficacement le vol lent d'un bombardier à une vitesse de l'ordre de 450 km/h. Le programme donna lieu au premier succès à l'exportation d'un missile dans le monde, avec la vente à la Royal Navy, en 1952, de 75 exemplaires pour équiper un champ de tir à Malte. 1er vol en décembre 1949 à Colomb-Béchar Produit en série à partir de 1950 Entré en service en 1952 200 exemplaires ont été construits en série 413 exemplaires construits Essais fin 1947 et février 1950 18 19 SS10 Un tableau d’honneur bien rempli A l'origine, le programme SS10 n'était que purement expérimental. Il devait servir à établir la théorie générale des engins stabilisés par autorotation. Equipé dès l'origine d'un propulseur à poudre, ce qui était une première technique, son guidage s'effectuait par fil : le tireur devait aligner à vue la cible grâce à un traceur pyrotechnique. Son développement s'est étalé entre 1947 et 1950, et le premier tir du sol a été réalisé en 1949. Très rapidement, l'armée de terre française expérimente le missile et prend conscience de l'extraordinaire avantage qu'il représente par rapport aux canons montés sur les chars de l'époque. Avec une masse de 14 kg seulement, la portée efficace du SS10 (1 000 mètres) est identique à celle du canon de 75 mm qui équipe les chars de combat. Par ailleurs, le pouvoir de perforation de blindage du SS10 est de 406 mm, soit quatre fois plus que le canon de 75 mm (80 à 100 mm) et deux fois mieux que le canon de 90 mm (140 à 200 mm). Dès 1953, le missile entre en service dans l'armée de terre française. ien avant d'être associée au célèbre festival de cinéma qui porte son nom, la ville de Cannes a aussi été un lieu incontournable de l'aéronautique française, et aujourd'hui spatiale. C'est Etienne Romano, ancien chauffeur pour le compte du contre-espionnage anglais et passionné de mécanique, qui y installa ses chantiers à la fin de la Première Guerre pour y fabriquer des hydravions. Nationalisés puis intégrés à la SNCASE en 1936, ces chantiers ont largement contribué à la renaissance de l'aéronautique française au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que les chantiers étaient bien équipés avec une soufflerie de 3 mètres de diamètre implantée sur les courts de tennis de l’hôtel Continental, En 1952, près de 500 SS10 sont testés par l'US Army Ordnance Corps, à Aberdeen Proving Ground, dans le Maryland. Suite à ces expérimentations, un officier américain s'écrira : « Vous avez là un engin brillant, mais ce n'est pas une arme ! » Ces tests ont néanmoins démontré que l'engin dit « tactique » était pratique à mettre en œuvre sur le champ de bataille. Les grandes premières 1947 qui servira pendant plus de trente ans ! Le groupe technique de Cannes (GTC) de la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Est (SNCASE) va se spécialiser après guerre dans les engins spéciaux, Des missiles sous l'impulsion de deux hommes. Le premier, Louis responsable des bureaux d'études de sur la Riviera Marnay, Marignane et de Cannes, a obtenu dès 1946 un > 1er engin à atteindre la fabrication en série : contrat pour la mise au point d'un planeur téléguidé, le SE1500, qui servira de 29 849 exemplaires de 1951 à 1962 cible aérienne avant l'arrivée du CT10, et sera donc le premier engin français à 1er missile tactique à entrer en service être commandé en série. Le second, Louis Besson, rejoint la SNCASE en 1949, opérationnel dans le monde : en 1953 en France amenant avec lui une grande partie du bureau d'études de la SNCAC, société > > 1er grand succès à l'exportation (60 % de la production), commandé par 12 pays étrangers (Israël, Suisse, Suède…) nationale mise en liquidation en 1948 suite à l'annulation du programme d'avions de transport Cormoran. La SNCAC avait obtenu en 1947 deux contrats de missiles repris par la SNCASE : le premier dans le cadre du programme sol- > 1er missile antichar tiré en air-sol depuis air expérimental SA10 (le NC3500) et le second pour un sol-sol SS40 à statoréac- un avion lent (MS500 Criquet) en 1951 teur (le NC3510). En 1949, le GTC se transforme en un centre autonome de > 1er missile antichar tiré depuis un hélicoptère Marignane et prend la responsabilité des programmes de missiles. Le NC3500 (prototype de l'Alouette II) en 1952 devient le SE4100 et le NC3510 devient le SE4200. > 1er missile engagé au combat en novembre 1956 dans le Sinaï par les Israéliens L’ébauche d’un sol-air SE4100 Le développement de cet engin volant prend place dans le programme de missile sol-air expérimental SA10. Il apparaît avant tout comme un banc d'essai pour la mise au point du pilotage d'un missile. Tiré verticalement, sa propulsion de croisière est assurée par des propergols liquides avec des accélérateurs liquides latéraux, remplacés par un accélérateur solide à poudre en 1950. Il offre des performances limitées, ne dépassant pas les vitesses subsoniques. Altitude maximale de 11 000 mètres 1946 78 tirés de 1949 à 1956 40 tirs avec guidage par faisceau radar illuminateur (SHAA) (SHAA) 20 21 a société Matra (Mécanique Aviation TRAction), qui voit le jour en 1945 sous l'impulsion de Marcel Chassigny, se Le SE4200 répondait au programme de missile sol-sol d'artillerie SS40. Propulsé par un statoréacteur, il présentait une configuration originale : son gros statoréacteur en forme de barrique servait de fuselage à une aile volante, avec une bombe suspendue sous le ventre. Le guidage s'effectuait par radar : en direction, le missile suivait un faisceau radar et, en distance, un ordre de piqué sur l'objectif était transmis par une télémesure radar. Sa portée initialement spécifiée de 30 km est finalement passée à 130 km avec une vitesse atteignant Mach 0,8. Son expérimentation a été réalisée par les 701e et 702e GAG (groupement d'artillerie guidée) de l'Armée de terre avant même la fin de sa mise au point. lance-roquettes pour aéronefs que la compagnie remportera ses premiers succès commerciaux. Cette activité s'avère très 1946 Le tout premier statoréacteur lancera dans l'étude de plusieurs concepts originaux d'avions de combat. Mais c'est surtout grâce à la réalisation de rémunératrice, avec le premier contrat obtenu par l'armée de l'air en 1947 et le début des fabrications en série en 1950. En parallèle, la société défriche deux voies nouvelles pour lutter contre la menace qui avait marqué la fin de la guerre : les attaques aériennes de bombardiers volant à haute altitude. Deux moyens sont explorés, les engins sol-air moyenne et longue portée et les missiles air-air autonomes, équipés d'un autodirecteur. Alors que l'Arsenal de l'aéronautique Matra voit le jour cherchait à répondre le plus rapidement possible au besoin de missile air-air en utilisant des modes de guidage rapidement maîtrisables (téléguidage par fils puis par radio), Matra était convaincu qu'il fallait rendre le missile autonome, en le dotant d'un autodirecteur. Une technologie qui nécessitera de nombreuses années de mise au point, mais représentera pour la société la clé des succès futurs. Pour participer au programme de sol-air SA20, Matra fait d'abord voler au printemps de 1952 le premier engin aéroporté français, une maquette dénommée M04 larguée depuis un bombardier. Le véhicule expérimental R04 qui suit est chargé d'explorer l'aérodynamique et le pilotage d'un missile à vitesse supersonique. Il est à propulsion liquide, une filière abandonnée après deux échecs de tir en septembre 1952. Le programme adopte alors une propulsion à poudre avec le R042 essayé en mai 1954. Un des R042 tiré culmine à plus de 30 000 m d'altitude. Mais cette portée est trop élevée pour les moyens de guidage de l'époque. Matra s'oriente dès lors vers un missile de diamètre et de portée plus réduits, le R422. Les missiles R051 et R052 sont pour Matra les cobayes du domaine des air-air. Etudiés à partir de 1949, ils explorent deux formules aérodynamiques différentes. Celle du R051, à surfaces canards à l'avant et aile delta à l'arrière, est finalement retenu, pour un premier vol en 1951. Le R051 est le premier missile français équipé d'un autodirecteur SE4200 optique à effectuer un vol autoguidé en septembre 1953. Après des essais concluants, une nouvelle version d'autodirecteur optique est expérimentée en 1957, sur le R510. La commande du R510 par l'armée de l'air française en 1958 est limitée à 100 exemplaires de présérie, car le missile n'est utilisable que de jour et par temps clair. Pour disposer d'un missile tout temps, Matra lance la conception d'un dérivé allégé et à diamètre réduit du R510, doté cette fois d'un autodirecteur électromagnétique semi-actif, ce qui donne naissance au R511. M04 1948 Premier engin aéroporté français 1er tir : février 1950 Le programme M04 est un premier maillon qui vise à la préparation du programme sol-air opérationnel SA20, visant à équiper les forces d'un missile sol-air longue portée. Une maquette propulsée de ce missile fut larguée d'un bombardier Halifax, afin d'explorer l'aérodynamique et le pilotage à des vitesses supersoniques. 287 tirs d'essais de 1950 à 1958 280 missiles de présérie tirés de 1955 à 1963 Au total 608 SE4200 ont été construits 22 1er vol stabilisé au printemps 1952 23 a victoire contre le Japon (VJ-Day) et la priorité à accorder à la reconstruction sonnent a fin de la Seconde Guerre mondiale et l'après-guerre ont connu l'apogée des bombardiers au Royaume-Uni l'arrêt par défaut de financement des recherche et développement sur les stratégiques lourds, dont les noms sont toujours dans les mémoires, qu'il s'agisse du Boeing B-29 engins guidés lancés timidement à la fin du conflit. Après l'expérimentation après guerre des armes Super Fortress ou de sa copie soviétique, le Tupolev Tu-4. Ces avions qui évoluaient à haute altitude La peur du bombardier lourd secrètes allemandes, la Grande-Bretagne décide de ne pas poursuivre la voie du développement d'un missile balistique stratégique issu des technologies du V2, comme ce sera le cas aux Etats-Unis (30 000 pieds, soit 10 000 mètres) constituaient des armes redoutables, hors de portée des canons de défense aérienne. Plusieurs voies sont creusées pour parer à cette menace : des missiles air-air tirés de chasseurs-intercepteurs ou en URSS. Cela rend donc des financements disponibles afin de mettre au point des et des air-sol longue portée pour la protection des bases militaires et des villes, et enfin des « Guided Weapons » tactiques. A la différence de la France, où l'impulsion apparaît centralisée surface-air tirés de navires. sous l'égide de la DTIA, au Royaume-Uni elle s'affiche dispersée. Chacune des trois armées élabore son propre programme, tandis que les avionneurs répondent favorablement à ces nouveaux Les vols en formation serrée de ces bombardiers étaient très difficilement interceptables, les besoins. Ainsi, trois programmes sol-air sont menés en parallèle : Bloodhound par la Royal Air chasseurs n'avaient droit qu'à une passe, avec Force, Thunderbird par la British Army et Sea Slug par la Royal Navy, confiés respectivement à une fenêtre de tir de seulement quelques Bristol, English Electric et Armstrong Whitwork. Cette période de renaissance est marquée par secondes pour les atteindre. Ils se trouvaient alors eux-mêmes très exposés à l'impression- Les air-air d’attaque nante puissance de feu des mitrailleuses de la formation de bombardiers. On comprend dès un foisonnement de programmes expérimentaux, dont beaucoup seront arrêtés très rapidement, Premier grand raid américain du 8th Air Force sur Marienburg, en Pologne. (AFP) pour concentrer les efforts sur un nombre restreint de projets. Les premiers prototypes adoptent lors l’intérêt de développerdes missilesair-air pour disposer d’une plus grande allonge. du moins au début les solutions allemandes, comme la propulsion liquide, avant de passer à la Les « guided weapons » britanniques propulsion solide (tout comme en France, à la Fireflash même période), beaucoup plus sûre. De son côté, la RAF s'intéresse très tôt aux missiles air-air, en lançant dès 1949 le Fireflash, qui sera un faux départ, puis en 1951 le Firestreak. Enfin, après les premières mises en service et pour intégrer les avancées faites dans les technologies, la période 1957-1958 connaît le lancement de bon nombre de modernisations (Thunderbird 2 ; Bloodhound 2), ainsi que la poursuite des développements (D.R.) de missiles air-air plus performants. Portée : 3,5 km Une configuration bizarre Développé sous le nom de code de « Blue Sky » par Fairey Aviation, le Fireflash est un missile d’interception capable d’atteindre Mach 2 grâce à une paire de fusées à poudre montées de part et d’autre de la flèche. Le programme fut abandonné en 1955. On comprend dès lors l’intérêt de développer des missiles air-air pour disposer d’une plus grande allonge. 1949 Guidage par faisceau radar De 1947 à 1953, les services officiels britanniques lancent chez de nombreux industriels différents 300 exemplaires livrés des études de missiles aux noms de code colorés : Blue Rapier, Blue Boar, Green Cheese, Green Lizard, Orange Nell ou Orange William. L'objectif est à la fois de se faire une idée plus précise du potentiel des missiles et de créer une base technologique dans l'industrie aéronautique. Ces (D.R.) toutefois car ils ont volé. Développé à partir de 1949 sous le nom de code « Blue Sky » par Fairey Aviation, l'air-air Fireflash avait une configuration bizarre, avec un missile en forme de flèche accéléré à Mach 2 par des fusées à poudre. D'une portée de 3,5 km, il était guidé sur faisceau radar. 300 exemplaires furent livrés pour essais en 1954, avant l'abandon de la formule en 1955. Le projet « Red Dean/Red Hebe » confié à Vickers-Armstrong en 1952 était lui très prometteur, visant à développer un air-air à longue portée (60 km) équipé d'un autodirecteur électromagnétique semi-actif. Essayé en vol en 1955 et 1956, il fut abandonné en 1957 car ses ambitions dépassaient trop les capacités technologiques de l'époque. C'est finalement De Havilland qui développe entre 1951 et 1958, sous le nom de code de « Blue Jay », le premier air-air britannique qui entrera en service, le Firestreak. 24 Red Dean Premier air-air à autodirecteur infrarouge Lancé sous le nom de code « Blue Jay », c'est l'entreprise britannique De Havilland Propellers qui mènera à bien le projet, en développant des solutions techniques très avancées (autodirecteur infrarouge monté sur une antenne gyroscopique, fusée de proximité IR). Quatre ans seulement après le lancement du programme, le missile fait son entrée en service en 1958. Il équipera les avions de chasse Sea Vixen de la Royal Navy ainsi que les Javelin, puis les Lightning de la Royal Air Force. 1951 projets sont néanmoins tous abandonnés entre 1953 et 1958. Deux de ces projets se distinguent 1er tir guidé en 1954 Portée maximale : 7 à 8 km Près de 4 000 exemplaires produits jusqu'en 1969 Firestreak 25 1951 Les imperfections de l'AA10 (Type 5101) conduisent les ingénieurs à relancer un développement complet de missile air-air. Ce sera le Type 5103, rebaptisé AA20 par l'armée de l'air. Ce premier missile air-air européen à être entré en service opérationnel a donné lieu à trois grandes innovations technologiques. Tout d'abord, son propulseur à poudre à deux étages (accélération et croisière) montés l'un devant l'autre, une formule qui sera adoptée pour les SS11, SS12, Roland, AS30 et Exocet. Deuxièmement, le pilotage effectué par intercepteurs de jet, un brevet déposé par Emile Stauff. Enfin, le téléguidage par radio. R510 et R511 1956 Premier air-air opérationnel en Europe AA20 Premiers missiles à autodirecteur EM de Matra Le besoin opérationnel pour un missile à autodirecteur électromagnétique a été défini pour la première fois par l’armée de l'air, qui cherchait à armer le chasseur de nuit Vautour IIN, avec un missile tout temps. Après les essais concluants du R051 en 1955-1956, commande est passée en 1956 pour 100 R510 de présérie, avec une nouvelle version d'autodirecteur optique. La solution fut expérimentée en 1957, mais ne se révélera utilisable que de jour et par temps clair. L'issue viendra avec le R511, premier air-air à autodirecteur EM semi-actif en Europe. Le R511 est en fait un dérivé allégé du R510, muni d'un autodirecteur électromagnétique semi-actif (CFTH), relevant par là un défi technique dû à la miniaturisation. Le R511 devient ainsi le premier missile de Matra à déboucher sur un emploi opérationnel, marquant la fin de l'ère des prototypes. Conjointement, des essais d'autodirecteur infrarouge sont menés sur le R051 en 1956-1957 et jusqu'en 1959 sur le R511. Malheureusement, leur utilisation nocturne ne pouvait se faire que par temps clair. En raison des limitations technologiques, les recherches s'arrêtent en 1958, pour ne reprendre que plus tard avec le R530. R510 Entré en service opérationnel en 1956 (SHAA) 6 000 exemplaires produits Plates-formes qui le mettront en œuvre : Mystère IVA, Super Mystère B2, Vautour IIN, Mirage IIIC, Aquilon, Etendard IVM AA20 1er tir en 1956 Commande de 900 missiles de série Livraison entre 1961 et 1965 R511 (SHAA) (SHAA) 26 27 Opérationnel jusqu'en 1973 (Vautour IIN, Aquilon, Mirage IIIC) (SHAA) Le missile air-air du Lightning Baptisé initialement Firestreak Mk IV, ce missile air-air a été complètement refondu par De Havilland (puis Hawker Siddeley), avec un nouvel autodirecteur infrarouge de deuxième génération ainsi qu'un irdôme sphérique, permettant l'engagement des cibles dans toutes les directions (et non plus seulement dans le secteur arrière). Il entre en service sur le chasseur de la RAF Lightning F6 ainsi que sur le Sea Vixen de la Royal Navy. Portée : 12 km Vitesse : Mach 3 1eres livraisons : fin 1964. Exporté en Arabie Saoudite et au Koweït 1957 Thunderbird Le sol-air de la British Army Le développement du Thunderbird fut confié à English Electric, qui pour honorer son contrat installe sa « Guided Weapons Division » à Stevenage. Missile sol-air moyenne et haute altitude destiné à l'Armée de terre britannique, la première configuration expérimentale baptisée « Red Shoe » est munie d'un propulseur de croisière et de fusées d'appoint à propergols liquides. Rapidement, les ingénieurs réalisent, lors des tirs d'essai, les fortes contraintes de stockage et le réel danger de la manipulation et de l'emploi des propulseurs biliquides du missile. Le passage à la propulsion solide à poudre se fera donc peu de temps après, et les ingénieurs en profiteront pour lancer une refonte complète du missile. Des fusées d'accélération Bristol-Aerojet ainsi qu'un propulseur de croisière IMI à poudre équiperont la nouvelle mouture. Le guidage final s'effectue grâce à un autodirecteur électromagnétique semi-actif. Plus mobile et plus autonome que le Bloodhound, le système est monté sur des remorques tractées. Aérotransportable, il sert à la protection d'un corps de bataille déployé sur un théâtre d'opérations. 1949 Red Top omme l'ont montré les raids américains de la Seconde Guerre, les villes étaient totalement exposées Mise en service opérationnelle en 1959 au sein de la Royal Artillery aux ravages des bombardiers stratégiques évoluant à haute altitude. En toute logique, les responsables Utilisé en batterie de six pelotons de tir à trois lanceurs chacun (18 missiles) militaires de l'après-guerre ont donc poussé au développement de systèmes de missiles sol-air capables d'intercepter à très haute altitude ces forteresses Les air-sol de défense volantes. D'importants travaux ont été conduits sur ce thème, qu'il s'agisse des programmes Bloodhound et SE4300 (debout au centre) et CT10 (au premier plan). (ECPAD) Thunderbird britanniques ou du programme SA20 français pour développer un sol-air longue portée (SALP). Mise au point du guidage radar SE4300 Le sol-air de la Royal Air Force 1949 Bloodhound Le SE4300, engin sol-air expérimental développé dans le cadre du programme SA11, devait servir à la mise au point du système de guidage sur faisceau radar. Il était équipé d'un moteur de croisière à propergols liquides. Le développement de ce missile sol-air moyenne et haute altitude a été lancé par Bristol Aeroplane Co, sous le nom de code « Red Duster ». Muni de quatre fusées d'appoint à propergol solide et de deux statoréacteurs Bristol Aero-Engines, il était capable de dépasser Mach 2. Le Bloodhound fut le premier sol-air à Portée : autodirecteur électromagnétique opérationnel en plus de 80 km Europe, et fut mis en œuvre par le « Fighter Livré en série fin 1957 Command ». Sa mission première était de protéger les bases aériennes de bombardiers stratégiques britanniques. Il fut déployé sur des sites fixes groupant pas moins de 72 lanceurs. 1953 Mise en service entre 1958 et 1961 28 125 tirs de 1954 à 1957 29 SE4400 L'aboutissement du programme SA20 Ce missile air-sol est en fait la version opérationnelle proposée par la SNCASE au titre du programme SA20 (SALP). Il est équipé d'une propulsion de croisière par statoréacteur. Ce missile a réalisé des vols couramment à la vitesse record de Mach 3,5 dès 1957. 1953 92 tirs de 1954 à 1961 Dernier tir en 1961 culminant à l'altitude record de 67 000 mètres SE4400 1953 R422 Un SAM (SA-2) à la française Dans le cadre du programme SA20 pour un sol-air longue portée (SALP), le R422 est le premier à s'approcher d'un concept opérationnel. Sa configuration bi-étage est capable de propulser l'engin à des vitesses supersoniques. La phase initiale d'interception s’effectue grâce au guidage de deux radars CFTH COTAL, l'un poursuivant la cible et l'autre le missile. A l'approche de la cible, les radars donnent le relais à un guidage autodirecteur électromagnétique semi-actif. Bien que les premiers tirs guidés aient été un succès, menés au printemps 1958 à Hammaguir, la dernière phase d'acquisition de la cible, qui s'effectue grâce à l'autodirecteur, s'est révélée peu satisfaisante. Résultat : le programme est arrêté en août 1958. Néanmoins, ce programme semble avoir intéressé d'autres observateurs, notamment les Soviétiques, leur système SAM SA-2 « Guideline » ressemblant étonnamment au R422. 30 31 40 missiles R422 tirés Vitesse : Mach 2,8 Prévu pour intercepter jusqu'à 50 000 pieds d'altitude et 30 km de distance Une modernisation réussie 1958 Bloodhound 2 Le programme de modernisation du Bloodhound est réalisé en 1958, portant comme pour le Thunderbird 2 sur une optimisation des performances à basse altitude et une meilleure résistance aux contre-mesures électroniques. Entré en service en 1964 Portée : 80 km à basse altitude Exporté en Suède, en Suisse et à Singapour (ECPAD) Thunderbird 2 Adapté aux cibles volant bas Le Thunderbird fut modernisé par English Electric puis par BAC. La deuxième version du missile bénéficie d'un moteur à poudre plus puissant, d'où résultent à la fois une nette amélioration des performances face aux cibles volant à basse altitude ainsi qu'une meilleure résistance aux contre-mesures électroniques. 1956 R431 Un statoréacteur de record Portée : 100 km Altitude : 22 000 mètres La menace des bombardiers lourds volant à haute altitude appelait un missile sol-air longue portée (SALP) de très haute performance pour l'époque, afin de pouvoir réaliser des interceptions lointaines avec une centaine de kilomètres de portée. Les performances ambitieuses de ce missile proposé par Matra ont dicté le choix d'une propulsion du second étage par statoréacteur. Sa mise au point fut confiée à la SFECMAS, occasionnant là la première coopération entre les deux entreprises, avant l’abandon du programme en 1958. Vitesse : Mach 3,3 45 tirs entre 1954 et 1958 Portée : 75 km 1954 : record du monde de vitesse à Mach 3,26 en vol horizontal Entré en service en 1965 dans l’armée de terre britannique 1953 32 33 a géographie du Royaume-Uni et l'importance du rôle de la Royal Navy appelaient a Seconde Guerre mondiale a vu l'arrivée à maturité un missile capable d’ intercepter des cibles évoluant à haute altitude et pouvant être des chars de combat, particulièrement dans les camps mises en œuvre d'une plate-forme navale. Ce sera chose faite avec le Un surface-air pour la Navy missile Sea Slug, dont le développement avait été confié à Armstrong Whitwork (qui sera allemand et soviétique. Dans l'immédiat après-guerre, alors que les démocraties occidentales démobilisaient, l'URSS de Staline a gardé « l'arme au pied ». Casser les colonnes Le déséquilibre numérique était lors flagrant, opposant de chars dès quelques milliers de chars à plus tard intégré dans Hawker Siddeley). l'Ouest à quelques dizaines de milliers de T-34 et autre JS III à l'Est. Les responsables militaires de l'après-guerre en France comme Des chars soviétiques dans Berlin en 1945. (AFP) en Grande-Bretagne ont donc été particulièrement réceptifs à la capacité offerte par des missiles légers d'emporter des charges creuses capables de percer les blindages les plus épais. L'infanterie s'en trouvait réhabilitée face à au char. En France, ce secteur des antichars est vite apparu comme celui d'excellence, avec les succès commerciaux de l'Entac et du SS11. 1952 Quand le concurrent devient successeur Une première dans la Royal Navy Sea Slug 1949 Entac Alors qu'une première formule pour la propulsion du Sea Slug avait été testée avec des propergols liquides (acide/méthanol), les essais avec une propulsion à poudre se sont révélés rapidement beaucoup plus concluants, et bien moins dangereux. Le Sea Slug présentait la particularité d'avoir une configuration sans équivalent avec des fusées d'appoint montées à l'avant du missile. Le guidage du missile s'effectuait par faisceau radar. Premier missile à entrer en service dans la Royal Navy, il fut plus tard amélioré grâce à une nouvelle électronique et une portée plus importante (version Mk2). Sea Slug Mark2 Portée : 58 km Sea Slug Mark1 Installé à bord des 4 derniers destroyers « County » Le développement de l'Entac est lancé en 1952 par la DEFA, organisme étatique qui comptait présenter un concurrent au SS10, avec des performances supérieures. Mais, après des difficultés de mise au point et une accumulation de retards, l'Entac, prévu pour concurrencer le SS10, finira par lui succéder au sein de l'armée de terre française. Sa production en série sera alors confiée en 1962 à l'industriel concurrent, devenu entre-temps Nord Aviation. Ce missile rencontrera un grand succès à l'export, dont une importante commande par l'US Army (rebaptisé MGM-32). 119 417 exemplaires produits de 1962 à 1974 Exporté dans 12 pays Portée : 45 km Plus de 250 tirs d'essai Mis en service à partir de 1962 à bord des 4 premiers destroyers classe « County » 1er système de missile surface-air opérationnel en Europe 34 35 SS11 Un succès commercial fulgurant La formule inventée avec le SS10 est largement améliorée pour donner naissance au SS11, notamment avec l'adoption d'intercepteurs de jet, une portée doublée (3 000 mètres au lieu de 1 600), et une amélioration de la puissance de la charge (perforation de 609 mm). Les performances du SS11 lui assureront un succès immédiat nécessitant la construction d'une nouvelle usine à Bourges en 1957-1958, pour sortir en grande série 1 500 missiles par mois. Une cadence de production encore jamais vue à l'époque dans les fabrications de missiles. La version aéroportée du SS11, renommée AS11, sera adoptée par de nombreux pays sur un grand nombre d'avions lents ou d'hélicoptères. C'est ainsi que le couple Alouette III-AS11 donnera naissance au concept moderne de l'hélicoptère d'attaque. Une version marine sera développée, baptisée SS11M. Elle rencontrera aussi un grand succès à l'export et sera le premier missile à être embarqué sur des vedettes rapides, dans neuf marines. Des missiles antichars SS1 sous les ailes d’un Corsair de l’Aéronavale. 1954 Entré en service en 1959 Produit à 179 347 exemplaires Exporté dans 33 pays Des AS11 sous les ailes d’un MD Flamand. SS11M à droite et SS12M à gauche. SS12 De l’antichar lourd à l’antinavire léger Le SS12 naît de la volonté de faire « grossir » le SS11, afin d'obtenir une portée doublée (6 000 mètres) et de disposer d'une charge militaire de 29 kg offrant un effet équivalent à un obus de 155 mm. Cependant le SS12 recevra un accueil mitigé par l'armée de terre française, qui l'estime trop lourd et encombrant. Résultat, il se « transformera » en AS12, version air-surface qui remportera un grand succès dans de nombreuses aéronavales. Ses qualités en feront une arme redoutable mise en œuvre par les avions de patrouille maritime Portée : 6 000 mètres et les hélicoptères pour lutter contre les vedettes rapides soviétiques, tout en Production sans discontinuer restant ainsi hors de portée de leur DCA. Une version mer-mer sera par la de 1960 à 1989 suite développée (SS12M) et équipera de nombreuses vedettes rapides et 10 897 exemplaires construits les premières batteries côtières utilisant un missile, réalisées pour la Suède. Exporté dans 25 pays 1955 36 37 Le premier antichar made in UK Swingfire Suite à l'abandon par les services officiels de plusieurs de ses projets de missiles (Blue Boar, Red Rapier, Red Dean), Vickers Armstrong lance à titre privé l'étude de cet antichar, qui sera finalement adopté par l'armée britannique, et rencontrera un certain succès à l'exportation. 1956 Poids : 14 kg Perforation : 600 mm de blindage Pays export : Abou Dhabi, Arabie Saoudite, Finlande, Koweït, Libye 38 Après le développement rapide de l'antichar courte-moyenne portée Vigilant, Vickers Armstrong va développer un antichar lourd et longue portée filoguidé. Ce programme introduisit deux nouveautés technologiques majeures lors de son entrée en service en 1969 : le guidage par télécommande automatique et le pilotage par poussée vectorielle. Après sa dernière modernisation, qui a eu lieu dans les années 90, le Swingfire est toujours en service en 2006. 1er tir en 1958 Portée : 1 600 mètres Une extraordinaire longévité 1958 Vigilant 39 Poids : 37 kg Portée : 4 000 mètres ien que le principe du statoréacteur date du début du siècle, imaginé par l'ingénieur René Lorin, ce n'est que dans les années 50 que ce mode de propulsion arrive à maturité. Son procédé paraît extrêmement simple : un cylindre dans lequel on fait brûler du carburant. Le statoréacteur ne nécessite ainsi aucune pièce mobile et offre des vitesses très Une symphonie de statoréacteurs élevées pour une faible consommation de carburant. Le problème tient au fait que le procédé ne se déclenche qu'à partir de plusieurs centaines de kilomètres-heure lorsque les entrées compriment suffisamment l'air pour que l'on puisse y injecter du carburant et obtenir un effet propulsif. Un statoréacteur seul est donc incapable de faire décoller un quelconque engin volant. Ce qui explique pourquoi ce moteur n'a pratiquement été utilisé que sur les missiles, que l'on peut accélérer à la vitesse voulue grâce à des fusées d'appoint. La France, initiatrice de ce procédé, a toujours conservé une place prépondérante dans ce domaine. L’essuyage des plâtres 1951 Arsaero ST600 Le ST600 constitue le premier prototype d'un statoréacteur expérimenté par l'Arsenal de l'aéronautique. Il effectue 243 vols sous les ailes d'avions, pour l'exploration du fonctionnement de ce nouveau type de propulsion à vitesse subsonique (Mach 0,7). La maîtrise de la technologie Missile expérimental, le ST450 servira pour l'étude de l'accélération d'un statoréacteur en transsonique et en supersonique. 1954 84 tirs entre 1954 et 1959 Vitesse maximale : Mach 3 Nord 1500 Griffon 1953 SFECMAS ST450 Record du monde de vitesse en 1959 Cet intercepteur expérimental était propulsé par un combiné turboréacteur/statoréacteur, grâce auquel il atteignait une vitesse maximale de Mach 2,19. Le 25 février 1959, il battait le record du monde de vitesse (Harmon Trophy) avec 1 643 km/h de moyenne sur 100 km. 1er vol : 20 septembre 1955 488 vols jusqu'en 1961 41 Nord Vega Record du monde de vitesse en 1961 A la fin des années 50, le mode de propulsion par statoréacteur était parfaitement au point pour atteindre des vitesses hautement supersoniques. Mais l'électronique de l'époque ne permettait pas de doter des missiles ainsi propulsés du “cerveau” capable de naviguer, piloter et guider. Les études de statoréacteur cessent pour un temps dans le monde occidental à partir des années 60. A d'éventuelles applications à des missiles tactiques les états-majors préfèrent alors donner la priorité à la mise au point de missiles balistiques stratégiques. 1958 17 tirs expérimentaux Record mondial de vitesse le 10 octobre 1961 à Mach 4,2 (SHAA) SNCAN CT41 Narval La cible qui volait trop vite Le statoréacteur Sirius du futur CT41 est d'abord expérimenté en 1959 avec une campagne de 15 tirs à bord de la fusée prototype SNCAN 625. L'engincible CT41 Narval, muni de deux statoréacteurs Sirius ST625, devait simuler le vol d'un bombardier supersonique à Mach 3. Résultat : l'engin, évoluant à des vitesses pour l'époque impressionnantes, était quasiment impossible à abattre. 1958 62 cibles construites 29 ont été effectivement tirés 1er vol : janvier 1959 (ECPAD) 42 43 n raison du développement de systèmes de missiles sol-air à longue portée la capacité SE4500 des grands bombardiers stratégiques de l'après-guerre à pénétrer presque impunément le territoire ennemi finissait par s'éroder. Pour le bombardement stratégique, la solution résidait Suite au démarrage en 1955 du programme nucléaire français, la SNCASE anticipe une miniaturisation d'une charge nucléaire qui ne se concrétisera pas et agrandi l'aile volante SE4200 dans un rapport 4/3 pour permettre l'emport d'une bombe de 700 kg. Le programme sera cependant vite abandonné en raison de la priorité donnée aux missiles balistiques stratégiques. dans la conception de missiles air-sol capables de franchir seuls la partie la plus dangereuse de 1955 la mission, c'est-à-dire l'approche de l'objectif. Le Blue Steel britannique est l’un des premiers Premiers pas dans le nucléaire Un missile sans tête missiles en Europe à permettre au bombardier de tirer à distance de sécurité (« stand-off », en anglais), c'est-à-dire hors de portée des défenses antiaériennes entourant les objectifs stratégiques importants, en l'occurrence les villes à l'époque. Les deux blocs Est et Ouest ont également développé, à partir du début des années 50, une artillerie nucléaire du champ de bataille. Destinée à soutenir l'action au niveau des corps d'armée, elle devait dans 62 tirs de 1956 à 1958 Abandon en 1958 le combat offensif aider à percer plus rapidement le dispositif ennemi ou à l'inverse, dans un combat défensif, à stopper par des feux nucléaires une attaque surprise des forces ennemies. Le programme britannique Blue Water s'inscrit dans ce cadre, ainsi que le SE 4500 français. Blue Water Cet ambitieux programme mené par English Electric vise à remplacer le système sol-sol nucléaire Corporal américain très imparfait. Le problème principal du système US tenait à sa vulnérabilité due à un très grand nombre de véhicules et à une mise en œuvre longue et fastidieuse, en raison du chargement des propergols liquides. La mise en place du dispositif, facilement repérable, offrait à l'ennemi des cibles aisées… English Electric relève la gageure technique d'un missile à poudre de 1,36 tonne, à guidage inertiel « strap-down » et d'une batterie compacte ne comportant qu'une Land-Rover pour la conduite du tir et un camion lanceur 4x4 de 3 tonnes. Résultat, un temps de mise en œuvre très court en comparaison du système américain est atteint. Des discussions avec l'Allemagne sont engagées sur une production en commun, mais, malgré les prouesses technologiques, le choix allemand se porte sur le Sergeant américain (trois fois plus lourd et cinq fois plus cher), après des tirs pourtant très satisfaisants. Un stand-off très en avance 1954 Blue Steel Une belle réussite… laissée à l'abandon Le Blue Steel est le premier missile air-sol stand-off porteur d'une charge thermonucléaire en Europe (puissance d’un mégatonne). Développé par AVRO entre 1954 et 1958, il constituera l'armement principal des bombardiers stratégiques Vulcan Mk2 et Victor Mk2 britanniques. Sa cellule est similaire à un jet supersonique avec des ailes canards et delta, et son système de navigation inertielle apparaît technologiquement très en avance, permettant des trajectoires diversifiées. Gros missile de 6,8 tonnes Plus de 10 mètres de long Vitesse : Mach 2 (ECPAD) Portée 320 km quand lancé à haute altitude Portée : 90 km Annulation du programme en 1962 44 1958 45 n France, les crédits s'épuisent. La guerre d'Algérie et la priorité accordée à l'arme atomique coûtent très chers. Ce qui poussera les responsables politiques à rationaliser les crédits de recherches missiles. Une directive du 4 août 1958 sonne le glas pour nombre de programmes, particulièrement dans le sol-air (abandon du PARCA de la DEFA, des R422 et R431 de Matra et du Nord 5301 ACAM au profit de l'achat du Hawk américain) et les missiles sol-sol d'artillerie (arrêt du SE4500) au profit des sol-sol balistiques stratégiques. Dans les programmes air-air, la volonté affichée est de limiter les fabrications existantes (AA20 ; R511) afin de dégager les ressources nécessaires au lancement d'un missile de nouvelle La fin de l’ère des prototypes expérimentaux génération destiné à armer le nouveau chasseur Mirage IIIC. Le segment air-sol bénéficie par contre de la volonté de rattraper le retard français dans ce domaine (transformation du AA20 en AS20 et lancement du AS30), tandis que l'antichar est épargné par ces coupes grâce aux nombreux succès commerciaux qu'il rencontre. Ces décisions auront pour conséquence de provoquer une première vague de consolidation. Alors que la DEFA et des sociétés comme Latécoère ou Sud Aviation vont se retirer progressivement de ce domaine des missiles, Nord Aviation et Matra vont se retrouver en pole position de ce secteur Dès la fin des années 50, l'armée française développe le concept de l'hélicoptère armé. C'est l'Aéronavale qui installera des SS11 sur ses hélicoptères de transport HSS, la version navalisée du Sikorsky H34. (SHAA) prometteur. Le Royaume-Uni procède à la même époque d'une façon radicalement différente. Après avoir également lancé dans la période de l'après-guerre un très grand nombre de programmes expérimentaux, il en abandonne la plupart très rapidement. Les efforts se concentrent alors sur la mise au point d'un nombre réduit de solutions directement opérationnelles. Le processus est en apparence plus risqué et un peu plus long. Mais il débouche en 1958 sur la livraison à la Royal Air Force de deux systèmes de missiles très ambitieux pour l'époque. Le premier sol-air à être équipé en Europe d'un autodirecteur électromagnétique semi-actif (le Bloodhound, de Bristol), et le premier air-air à être doté en Europe d'un autodirecteur infrarouge (le Firestreak de De Havilland). Mais après la reconstruction, la voie du développement dans l'aéronautique britannique demande elle aussi une focalisation des efforts telle que le gouvernement provoque la concentration des industriels en 1959. La plupart des entreprises sont fusionnées pour créer deux grands groupes : la British Aircraft Corporation (BAC) et Hawker Siddeley. Du coup, les activités missiles, auparavant très dispersées chez rien moins que sept sociétés, sont restructurées et réunies dans la «Guided Weapons», division de BAC, et au sein de Hawker Siddeley Dynamics, une filiale créée un peu plus tard (1964). Au seuil des années 60, les grands acteurs de la prochaine période sont en place : Nord Aviation et Matra en France, BAC et Hawker Siddeley au Royaume-Uni. Sur cette période pionnière, les missiles tactiques n'ont encore exploré que trois segments : l'antichar, le sol-air et l'air-air. Les missiles des autres segments restent à inventer. D'une manière générale, les armées montrent de l'intérêt pour ces armes nouvelles, mais les regardent encore comme des innovations tâtonnantes qui commencent seulement à faire leurs preuves. La nationalisation du canal de Suez par Nasser pousse les Anglais, les Français et les Israéliens à intervenir. Ces derniers seront la première armée à se servir de missiles au combat, des SS10 seront tirés contre des chars égyptiens durant la campagne du Sinaï, fin 1956. (AFP) 46 47