antichar polyvalent
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antichar polyvalent
From the antitank missile to the multipurpose missile - an introduction ENGLISH VERSION One of the most significant trends in the history of infantry in the 20th century lies in the increase in its firing power, particularly since the coming of the propelled support systems – rockets and other missiles, mostly designed to counter tanks. Since the Panzerfaust and the Bazooka up to the short and long range antitank missiles, infantry soldiers both in Europe and the USA used to equip themselves first and foremost in relation with the threat of armored vehicles, and considered themselves as tightly connected with them. However, with the end of the cold war, the relation between infantry and tanks has been turned upon its head. Infantry still has a naturally interdependent relationship with tanks – as one protects the other within its own radius of operation – its missions have evolved considerably over the 1990’s and the 2000’s. Indeed, in view of the qualitative and quantitative proliferations of tanks worldwide, the armored vehicles threat remains a relevant one. Yet, infantry missions regained renewed importance at that same time. THE THREE GENERATIONS Three generations of antitank missiles are generally distinguished, on the basis of their guiding mode. The first generation uses a manual wiring-guiding system (MCLOS – Manual Command to Line Of Sight), a – well-trained – operator being in charge of guiding the missile via a joystick. This is typically the case of the AT-1 (with a hit probability of 0.25) and of the Russian AT-3, of the French SS11 (with a hit probability of 0.1). The second generation uses semi-automatic wire-guiding (SACLOS – Semi Automated Command to Line Of Sight), with the operator pointing the target onto its aiming system, until the missile hits the bull’s eye. That is true of the TOW (the first versions boasting a hit probability of 0.5), of the MILAN, of the Bill 2 or of the AT-7 Saxhorn. The third generation uses a Lock-On Before Launch (LOBL) mode, similar to the Javelin, the Nag or the NLAW: once the target has been pointed out to the system and the device has been launched, no more intervention is requested on the part of the operator. That conjunction of evolutions in the strategic context has required infantry to re-appropriate its firing power, while it was going through great changes too, in the form of its interventions as well as in their very nature (the US Land Warrior program, the French FELIN, the German IdZ, the Indian F-INSAS). Infantry today, besides the missions that Janowitz has dubbed “constableduty”, has to cope with increasing enemy firing power, never encountered before. The proliferation of RPG or the end of commercial exclusive purviews are so many factors that highlight the new reality that our potential enemies are better and better armed, in a context of asymmetric all-out wars where restraint is no longer the order of the day and where, to put it in Cordesman words, “human shields today play the same part as armor-plate in traditional conflicts.” Nevertheless, antitank missiles have changed comparatively little – from the point of view of the logic of their capacity – even though a number of industrialists have given up that expression in favor of another: “multipurpose missiles”. Let us draw up the map of the weapons that are currently available. Rockets are being updated The current Panzerfaust-3, the RPG-7, -18, -22 or -29, the M-72 LAW, the SMAW or the AT-4 are the directly heir to the WW2 antitank and are, therefore, not guided missiles. At best, these systems can 36 Technologie & Armement Par Joseph Henrotin, chargé de recherche au CAPRI By Joseph Henrotin, researcher at the CAPRI DU MISSILE ANTICHAR AU MISSILE POLYVALENT UNE INTRODUCTION Présentation de l’AT-4. Polyvalente, l’arme est très appréciée. (© D.R.) Introducing the AT-4. A Multifunction one, the weapon is much appreciated. (© D.R.) U ne des tendances les plus lourdes de l’histoire de l’infanterie au 20e siècle, réside dans l’accroissement de sa puissance de feu, en particulier depuis l’arrivée de systèmes d’appui propulsés – roquettes et autres missiles, avant tout destinés à contrer des chars. Depuis le Panzerfaust et le Bazooka jusqu’aux missiles antichars de courte, moyenne et longue portée, l’infanterie, en Europe et aux États-Unis, s’équipait et se concevait d’abord et avant tout en regard de la menace blindée. Mais avec la fin de la guerre froide, cette relation au char s’est inversée. Si l’infanterie a naturellement une relation d’interdépendance aux chars – l’un protégeant l’autre dans son rayon d’action propre – ses missions ont considérablement muté dans les années 1990 et 2000. Certes, au vu des proliférations qualitatives et quantitatives des chars au plan mondial, la menace blindée reste d’actualité. Mais les missions de l’infanterie ont connu une importance renouvelée à la même époque. Cette conjonction d’évolutions du paysage stratégique a nécessité une réappropriation de sa puissance de feu par l’infanterie, en même temps qu’elle mutait elle-même, dans la forme et dans le fond (programmes Land Warrior américain, FELIN français, IdZ allemand, F-INSAS indien). L’infanterie d’aujourd’hui, en plus de missions qualifiées de constables par Janowitz, doit également faire face à une puissance de feu adverse LES TROIS GÉNÉRATIONS On distingue généralement 3 générations de missiles antichars, sur base de leur mode de guidage. La première génération utilise un filoguidage manuel (MCLOS – Manual Command to Line Of Sight), l’opérateur – entraîné – guidant le missile via un joystick. C’est typiquement le cas de l’AT-1 (probabilité de hit : 0.25) et de l’AT-3 russe, du SS11 français (probabilité de hit : 0.1). La deuxième génération utilise un guidage semi-automatique (SACLOS – Semi Automated Command to Line Of Sight), l’opérateur pointant la cible sur son système de visée, jusqu’à ce que le missile fasse mouche. C’est le cas du TOW (probabilité de hit de ses premières versions : 0.5), du MILAN, du Bill 2 ou de l’AT-7 Saxhorn. La troisième génération utilise un mode Lock-On Before Launch (LOBL), à l’instar du Javelin, du Nag ou du NLAW : une fois la cible désignée au système et l’engin lancé, plus aucune intervention n’est requise de la part de l’opérateur. Lancement d’un missile TOW au départ d’un M-2 Bradley. (© US Army) Launching a TOW missile from an M-2 Bradley. (© US Army) LA ROQUETTE SE MODERNISE Héritières des roquettes antichars de la Seconde Guerre mondiale, les actuels systèmes Panzerfaust-3, RPG-7, -18, -22 ou -29, M-72 LAW, SMAW ou AT-4 sont non guidés. Au mieux, ils peuvent bénéficier de systèmes de vision nocturne, voire de l’appui d’une télémétrie laser, qui permet d’ajuster les hausses, lorsqu’elles existent sur les lanceurs. Ces évolutions sont indispensables dans des environnements à risques éthiques (en particulier les environnements urbains) mais également afin de pouvoir pleinement bénéficier de la discrétion qu’offrent les opérations nocturnes et alors même qu’une des grandes évolutions de l’infanterie ces 10 dernières années a précisément consisté à travailler de nuit. Conçues comme des armes d’appui direct, ces systèmes n’ont fondamentalement pas besoin d’être très perfectionnés. Pour autant, les charges des roquettes ont connu une diversification répondant à l’évolution des missions de l’infanterie. C’est ainsi que les Russes ont particulièrement misés sur leurs « lance-flammes propulsés » RPO-A Schmel, en fait une roquette dotée d’une charge thermobarique et entrée en service dès 1984. Il en serait de même pour l’Anti-Structure Munition (ASM) qui va équiper les forces britanniques, fondée sur le Pzf 90 de Dynamit Nobel (la charge a toutefois été conçue par Rafael) et qui a été plus spécifiquement conçue pour une utilisation en environnement urbain, dès lors que l’acquisition du missile antichars NLAW résout la question des capacités antichars de l’infanterie britannique. Dans le cas de la variante antibunker du C-90 espagnol, le choix s’est porté sur une double charge. La première est creuse et « perce » la cible. Elle est suivie de la seconde, de type HE. Trois autres variantes du C-90 existent (antichar, incendiaire, dualpurpose anti-tank/anti-personnel). Cette variété se retrouve également sur les RPG-7V – la dernière version du célèbre lance-roquettes – avec les munitions PG-7VL (93 mm, HEAT), PG-7VR (105 mm, double charge en tandem), OG-7VM (fragmentation) et TBG-7V (105 mm thermobarique). Utilisant soit le même lanceur pour toute la gamme de munitions, soit des lanceurs consommables (jetables), ces systèmes d’appui ne pèsent pas plus de 14 kg (AT-12 suédois et, plus généralement, les lanceurs non-consommables). Bien utilisés, ils sont redoutables pour un coût avantageux, comparativement aux missiles guidés. En Suisse, par exemple, des pelotons cyclistes équipés de Panzerfaust-3 ont une mobilité remarquable en moyenne montagne. Surtout, la charge explosive relativement faible des roquettes en fait un outil de choix en environnement urbain, là où il serait politiquement inenvisageable d’utiliser l’artillerie ou l’aviation, de crainte des dégâts collatéraux. C’est d’autant plus le cas que les statistiques indiquent qu’en combat urbain, 90 % des cibles sont situées à 50 m des troupes amies soit, le plus souvent, une distance létale, quand bien même l’artillerie ou l’aviation frapperaient avec une précision maximale. Par conséquent, le marché des armements d’appui de l’infanterie ne fera que s’élargir dans les prochaines années. Toutefois, il devra le faire en prenant en compte des données techniques qui limitent, en réalité, la polyvalence de systèmes trop souvent présentés, assez maladroitement, comme antichars et d’appui d’infanterie. LE MISSILE ANTICHAR PEUT-IL DEVENIR UNE ARME D’APPUI ? En effet, tout missile possède un ratio énergétique propre, combinant, grosso modo, énergie cinétique (le choc) et énergie explosive. Or, la capacité de pénétration et les effets des impacts sur les chars ou contre des cibles fixes (bunkers, positions, etc.) varie en fonction de la charge adoptée et de la vitesse. Ainsi, des T&A 04 DU MISSILE ANTICHAR AU MISSILE POLYVALENT – UNE INTRODUCTION Could the antitank missile become a support weapon? Actually, any missile enjoys its own energetic ration, combining, roughly speaking, kinetic energy (the shock) and explosive energy. However, the penetration capacity and the results of impacts on tanks or against fixed targets (bunkers, positions, etc.) vary according to the charge and the speed that have been chosen. Hence, the devices designed to have antitank applications have a charge that is most often meant to bore through armored plates. The space inside vehicles is so small that the residual energy after piercing the plate is generally powerful enough to blow up the crew dead. However, the interior space of bunkers are generally larger (since the space might include bulwarks and other fortifications to protect personnel). Therefore, most often, antitank rockets and missiles make it possible to generate a psychological shock able to destabilize the crew inside, but not greatly distress it (except of course in Numéro 04 Février - Mars 2007 ENGLISH VERSION inédite. La prolifération des RPG ou la fin des « chasses gardées » commerciales sont autant de facteurs montrant que les adversaires potentiels de nos forces sont de mieux en mieux armés, dans un contexte de guerre asymétrique à outrance où la retenue n’a plus court et où, selon l’expression de Cordesman, « les boucliers humains ont la même fonction que les blindages dans les conflits classiques ». Pour autant, les missiles antichars ont relativement peu évolué – du point de vue de leur logique capacitaire –, même si de nombreux industriels abandonnent cette expression pour parler de « missiles polyvalents ». Tâchons d’en dresser la carte, en l’état actuel. enjoy night vision systems, or even the support of laser telemetry, which make it possible to adjust the back-sights, when they do exist on launchers. These evolutions are absolutely necessary in environments characterized by ethical risks (particularly in urban environments) but also in order to be able to enjoy fully the stealth capacity afforded by night operations, at a time when one of the greatest evolutions of infantry over these last 10 years has been to operate by night. Designed as direct support weapons, these need not fundamentally be sophisticated ones. However, rocket charges have experienced great diversification to adjust to the evolution of infantry missions. That is why the Russians have placed their stakes particularly on their “propelled flame-throwers” RPO-A Schmel, actually a rocket that has been fitted with a thermobaric charge and was serviced in 1984. The same could apply to the Anti-Structure Munition (ASM) which is to equip the British forces, based on the Pzf 90 by Dynamit Nobel (whose charge, however, has nevertheless been devised by Rafael) and has been specifically designed to be used specifically in urban environments, since the purchase of the NLAW antitank missile has solved the issue of the antitank capacity of the British infantry. In the case of the antibunker variation of the Spanish C-90, a double charge has been opted for. The first is a hollow one that “pierces” the target, and is then followed by the second one, of the HE category. There exist three other variations of the C-90 (antitank, incendiary, dual-purpose anti-tank/anti-personnel). The same variety can also be found on the RPG-7V – the latest version of the famous rocket-thrower – equipped with the PG-7VL ammunitions (93 mm, HEAT), the PG-7VR (105 mm, double charge in tandem), the OG-7VM (fragmentation) and the TBG-7V (105 mm thermobaric). These systems use either the same launchers for the whole range of ammunitions or else disposable launchers; they do not weigh more than 14 kg (the Swedish AT-12 and more generally non-disposable launchers). Used correctly, they are formidable weapons that come at a reasonable price, compared to guided missiles. In Switzerland, for example, cycling platoons equipped with Panzerfaust-3 enjoy remarkable mobility in mountain environments at average altitudes. Even more importantly, the relatively weak explosive charge of the rocket makes it a choice tool in an urban environment, where it would be politically impossible to envisage artillery fire or aviation bombing, for fear of serious collateral damage. That is all the more so as statistics indicate that in urban combat, 90 % of targets stand 50 meters away from friendly troops, i.e. most often, a lethal distance, even though the artillery or the bombers manage to strike with the utmost degree of accuracy. Consequently, the infantry support armament market is bound to expand over the next few years. However, while doing so, it will have to take into account the technical data that limit, actually, the polyvalence of systems that are presented, quite inappropriately, as antitank and infantry support weapons. 37 ENGLISH VERSION case the position collapses). This is all the more so as antitank missiles have been designed to explode on hitting the target. As for infantry support, the energy will be absorbed by the wall, although, ideally, the kinetic energy should destroy the wall, before the missile explodes inside the building itself. However, this is a dilemma that does not prevent the emergence of new types of devices specifically designed to be polyvalent. One step above rockets, systems like the Saab NLAW (Next-generation Antitank Weapon), the Lockheed Martin Predator/ SRAW (Short-Range Antitank Weapon, the FGM172A in its antitank version, the FGM-172B for urban combat), the Rafael Spike SR (scrapped to enable the company to focus on the Matador) or the Eryx by MBDA, which can be fired from warships and have clearly been developed for applications in urban combat, where the enemy might be entrenched or be using vehicles. In the case of the NLAW, the operator selects direct modes of attack (infantry support) or the OTA (Overfly Top Attack – which attacks tanks through their roof-top). In the latter case, the relative weakness of the charge (self-forged) – necessary since the device must remain very light (12 kg maximum) – is offset by an attack profile on the generally least well protected part of vehicles. With a 600-meter range, the missile is also fast enough (from 0 to 400 m in 2 seconds) to let the operator enough time to jump into hiding for fear of enemy counter fire. Medium, long and very long range antitank missiles That category of light antitank missiles is often considered as able to supplement heavier devices, with maximum ranges in the order of 2,500m, whose most typical examples are the MILAN by MBDA, the Javelin by Lockheed Martin, the Spike-MR by Raphael or the Bill 2.by Saab. Generally designed for antitank missions, they are quite useful against enemy positions in urban areas. So, the Javelin has been used in urban operations in Iraq. Since it is not equipped with a wire-guiding system, and can be fired from the shoulder and not necessarily from a mount, it offers great mobility. As it uses an IR imager and two attack modes (direct and OTA), the missile is a very efficient one (double HEAT charge in tandem) but a lot more expensive. As for the Bill 2, the use of an optical captor and of another magnetic one; coupled to algorithms making it possible to determine the position of the turret, makes it possible to enjoy several engagement modes. Thus, the optical captor is activated in case of a soft target attack, contrary to the magnetic captor. The rocket can be adjusted, so the missile can bore through a wall before exploding. Meantime, while all captors have been cut and the rocket activated for explosion on impact; it can follow an LOS (Line Of Sight) trajectory and be launched against enemy positions. In the higher category, are to be found missiles such as the TOW, the HOT, the South African Ingwe, the Spike LR or the Chinese HJ-8 (or its Pakistani version, the Baktar Shikan). Their range is in the order of 4 000 m, they are heavier (thus requiring them to be rigged to vehicles), they are generally wire-guided and enjoy a more powerful charge. With a production of more than 650 000 missiles, and serviced in more than 45 countries, the TOW is undeniably the most prolific of all, and evolves as a complex family whose last two versions (the TOW 2A and 2B, each of them equipped with 2RF radio guided antitank and anti-bunker modes) have kept the basic features of the first versions: optical follow-up of the target (possibly coupled to a thermal imager) and wire-guiding devices (except for the 2RF). A fire and forget version using an IR image was scrapped. Lastly, it is worth mentioning the very long range antitank missiles, such as the AGM-114 Hellfire, the Chinese HJ-9, the PARS-3/Trigat LR or the Spike ER, which attack-helicopters are usually rigged with. Though the latter have been designed for antitank applications (in tandem HEAT charges, on-impact detonation), they will certainly evolve remarkably, with the installation of thermobaric charges on the AGM-114K, for example. 38 Technologie & Armement engins conçus pour des applications antichars voient surtout leur charge utilisée afin de percer un blindage. L’espace intérieur des véhicules étant réduit, l’énergie résiduelle après percement du blindage suffit généralement à mettre l’équipage hors de combat. Toutefois, les espaces intérieurs des bunkers sont généralement plus importants (l’espace pouvant comprendre des murets et autres protections des personnels en son sein). Aussi, le plus souvent, les roquettes où les missiles antichars permettent dans ce cas de créer un effet de choc psychologiquement déstabilisant mais qui n’affectera que légèrement les personnels à l’intérieur (sauf, évidemment, en cas d’effondrement de la position). C’est d’autant plus le cas que les missiles antichars ont été conçus afin d’exploser lorsqu’ils touchent leur cible. En soutien d’infanterie, l’énergie sera donc absorbée par le mur, alors qu’il faut, idéalement, que l’énergie cinétique perce ce mur, avant que le missile n’explose dans la construction elle-même. Pour autant, ce dilemme n’empêche nullement de voir apparaître de nouveaux types d’engins, spécifiquement conçus pour être polyvalents. Un niveau au-dessus de la roquette, des systèmes comme le Saab NLAW (Nextgeneration Antitank Weapon), le Lockheed Martin Predator/SRAW (Short-Range Antitank Weapon, FGM-172A en antichar, FGM-172B pour le combat urbain), le Rafael Spike SR (abandonné pour que la firme se concentre sur le Matador) ou l’Eryx de MBDA peuvent être tirés depuis des bâtiments et ont manifestement été développés pour des applications de combat urbain, là où l’adversaire peut être retranché ou utilisant des véhicules. Dans le cas du NLAW, l’opérateur sélectionne des modes d’attaque directs (soutien d’infanterie) ou OTA (Overfly Top Attack – attaque par le toit des blindés). Dans ce dernier cas, la relative faiblesse de la charge (autoforgée) – nécessaire dès lors que l’engin doit rester très léger (12 kg) – est compensée par un profil d’attaque sur la partie généralement la moins blindée des véhicules. D’une portée maximale de 600 m, le missile est également suffisamment rapide (de 0 à 400 m en 2 secondes) pour donner le temps à son opérateur se mettre à l’abri afin d’éviter une riposte adverse. LES MISSILES ANTICHARS DE MOYENNE, LONGUE ET TRÈS LONGUE PORTÉE Cette catégorie de missiles antichars légers est souvent considérée comme supplétive à des engins plus lourds, ayant des portées maximales de l’ordre des 2500 m, représentés par le MBDA MILAN, le Lockheed Martin Javelin, le Rafael Spike-MR ou le Saab Bill 2. Généralement conçus pour des missions antichars, ils trouvent une utilité certaine contre des positions adverses en ville. Ainsi, le Javelin a-t-il été utilisé dans des opérations urbaines en Irak. Le fait qu’il ne dispose pas d’un filoguidage et qu’il puisse être tiré à l’épaule et non depuis un affût autorise une grande mobilité. Utilisant un imageur IR et deux modes d’attaque (direct et OTA), le missile est très efficace (double charge HEAT en tandem) mais nettement plus Présentation du NLAW. (© Thales UK) Introducing the NLAW. (© Thales UK) coûteux. Quant au Bill 2, utilisant un capteur optique et un autre magnétique, couplé à des algorithmes permettant de déterminer la position de la tourelle, il permet de disposer de plusieurs modes d’engagement. Ainsi, le capteur optique est activé dans le cas d’une attaque de soft target, contrairement au capteur magnétique. La fusée pouvant être réglée, le missile peut percer un mur avant d’exploser. Dans le même temps, tous capteurs coupés et la fusée activée pour une détonation à l’impact, il peut suivre une trajectoire LOS (Line Of Sight), et être utilisé contre une position adverse. Dans la catégorie supérieure, des missiles comme le TOW, le HOT, l’Ingwe sud-africain le Spike LR ou le HJ-8 chinois (ou de sa version pakistanaise, le Baktar Shikan). Ayant une portée de l’ordre des 4 000 m, ils sont plus lourds (nécessitant de ce fait de les positionner sur des véhicules), sont généralement filoguidés et disposent d’une charge plus puissante. Avec plus de 650 000 missiles produits, en service dans 45 pays, le TOW est incontestablement l’engin le plus prolifique, se développant en une famille complexe dont les dernières versions (TOW 2A et 2B, ayant chacun un mode antichar et anti-bunker, 2RF guidé par radio) conservent les caractéristiques élémentaires des premières versions : suivi optique (éventuellement couplé à un imageur thermique) de la cible et filoguidage (sauf pour le 2RF). Une version fire and forget utilisant un T&A 04 DU MISSILE ANTICHAR AU MISSILE POLYVALENT – UNE INTRODUCTION imageur IR a été abandonnée. Restent, enfin, les missiles antichars de très longue portée, comme l’AGM-114 Hellfire, le HJ-9 chinois, le PARS-3/Trigat LR ou le Spike ER, dont sont généralement dotés les hélicoptères de combat. Si ces derniers ont été conçus pour des applications antichars (charges HEAT en tandem, détonation à l’impact), ils peuvent connaître des évolutions remarquables, comme l’installation de charges thermobariques sur les AGM-114K. LE MISSILE POLYVALENT EXISTE-T-IL ? Tir d’un Predator/SRAW. (© Lockheed Martin) Launching a Predator/SRAW. (© Lockheed Martin) Joseph Henrotin ENGLISH VERSION On le constatera, le concept de polyvalence, une fois appliqué aux missiles tactiques terrestres, est ambigu. À l’examen trop succinct auquel nous venons de procéder, on remarque ainsi qu’au-delà de la distinction entre « engins antichars » (Dragon, MILAN, HOT, la plupart des missiles russes et chinois, Ingwe, etc.) et « engins polyvalents » (Bill 2, TOW de seconde génération, Javelin, etc.), deux tendances se dégagent. Soit le missile connaît une programmation de sa fusée et du mode d’attaque avant le tir (Bill 2) ; soit, plus souvent, le missile ou la roquette a connu un développement en famille (TOW, Javelin, NLAW, Hellfire) permettant aux combattants de choisir l’arme qui sera la plus adaptée à la situation dans laquelle ils se trouvent. En retour, ce développement en famille impose une logistique plus lourde pour que les forces aient réellement une capacité de frappe polyvalente. Ainsi, le TOW 2A en version Bunker buster constituerait l’armement missile des Stryker équipés de lanceurs – alors qu’il est probable que ces derniers se trouvent un jour ou l’autre engagés face à des blindés (ce qui n’exclut toutefois pas, c’est l’avantage des familles, l’utilisation de la version antichars). Reste également que la polyvalence de l’engin est également remise en question par ses modes de guidage. Le filoguidage, s’il immunise contre un brouillage, pose un certain nombre de problèmes : pas question, comme en Irak avec les Javelin, d’effectuer des tirs déportés de soutien en MOUT. De même, le Nag indien, d’une portée pouvant aller jusqu’à 6 000 m, est Lock-On Before Launch. Une fois lancé, il est autoguidé, utilisant un imageur IR ou un autodirecteur millimétrique. Si cette question n’est pas rédhibitoire pour l’heure, on imagine cependant mal comment ce système pourra survivre à l’avenir, compte tenu de la progression régulière des surfaces « tenues » par les unités d’infanterie. En pratique cependant, les engagements au moyen de missiles de courte portée, naturellement utilisés en LOS et d’une durée très limitée dans le temps, sont moins problématiques. Se pose aussi la question, face à la prolifération des Active Protection Systems (APS) tels que l’Arena, le Drozd II ou encore le Trophy,, mais aussi du renforcement des blindages, de la vitesse des missiles. Avec l’abandon du LOSAT (Line of Sight Anti Tank), conçu pour remplacer le TOW, les ÉtatsUnis sont clairement sortis du paradigme d’un missile spécialisé dans l’antichars, mais qui disposait d’une très importante vitesse initiale, qualité que n’ont pas toujours les actuels missiles. Or, le temps de réaction des APS (0,07 secondes dans le cas de l’Arena) face à une menace détermine largement leur efficacité. C’est d’autant plus le cas qu’on peut envisagé que des APS soient utilisés à l’avenir dans un mode « démonté », afin de protéger des positions tactiques importantes (PC avancés, positions logistiques). La piste est explorée par les Israéliens depuis les attaques du Hezbollah avec des missiles antichars obsolètes (pour le coup polyvalents) sur leurs positions. Pour en conclure, donc, le missile antichar polyvalent est encore hors de portée des industriels, à l’exception de quelques systèmes dont la polyvalence se paie souvent cher comme en termes de retards. Souvent conçus pour des contextes de menace spécifiques, les missiles antichars actuels sont très largement les héritiers de la guerre froide. Pour autant, les étudier permet de relever quelques leçons intéressantes pour les processus de Transformation. Premièrement, l’homme doit rester dans la boucle – au risque de viser des decoys ou de causer des dégâts collatéraux. Deuxièmement, la polyvalence absolue (et son corollaire conceptuel, le full spectrum) est souvent plus une vue de l’esprit qu’une réalité, un aspect de la mission étant généralement privilégié. Troisièmement, la dialectique de l’épée et du blindage reste utile : en la matière, il n’est point de silver bullet… Is there such a thing as a multipurpose missile? As will soon be obvious, the concept of polyvalence, once applied on land tactical missiles is an ambiguous one. Following the too short analysis we have just conducted, one might say that, beyond the distinction between “antitank devices” (including Dragon, MILAN, HOT, most Russian and Chinese missiles, Ingwe, etc.) and « polyvalent devices » (such as Bill 2, the second generation TOW, the Javelin, etc.), two trends are emerging. Either the missile knows one programming of its rocket and of the attack mode before firing (Bill 2); or, more often, the missile or the rocket has known a family development (TOW, Javelin, NLAW, Hellfire) enabling fighters to choose the weapon best suited to the situation they are up against. In return, such a family development requires heavier logistics in order for armed forces to have a really multipurpose strike capacity. Thus, the TOW 2A in its Bunker buster version would constitute the Stryker missile armament equipped with launchers – while it is likely that the latter might, one of these days, have to cope with armored vehicles (which does not, however, exclude the use of the antitank version – that is the advantage of families). Nevertheless, the polyvalence of the device is also being questioned for its guiding modes. Wireguiding, though it makes the weapon immune to jamming, raises a number of issues: it is out of the question to carry out deported support shootings in MOUT with some Javelins, as was done in Iraq. In the same way, the Indian Nag, with a scope ranging up to 6,000 km is Lock-On Before Launch. Once it has been launched, it is self-guided, using an IR imager or a millimetric self-guider. Though this is not a prohibitive liability for the time being, one can hardly imagine how that system could survive, in view of the constant enlargement of the surface areas “held” by infantry units. In practice, however, engagements using short-range missiles, naturally used in LOS mode and over a very short period of time, are less problematic. Another issue is the speed of missiles, faced to the proliferation of the Active Protection Systems (APS) such as the Arena, the Drozd II, or then again the Troph, but also in view of the reinforcement of armored plating. With the cancellation of the LOSAT (Line of Sight Anti Tank), designed to replace the TOW, the USA have obviously given up the paradigm of a missile specializing in antitank missions but enjoying a very high initial speed, an asset not all current missiles can boast about. Yet, the reaction time of APS systems (0.07 seconds, in the case of the Arena) faced to a threat greatly determines its efficiency. This is all the more so as it is inconceivable that APs should be used in future in “kit” mode, in order to protect tactically important positions (advanced headquarters, and logistical positions). That is a way that is being explored by the Israeli since the attacks by the Hezbollah with obsolete missiles (rightly deserving the name of “polyvalent” in that case) on their positions. To conclude on that issue, the multipurpose antitank missile is still out of the reach of industrialists, except for a few systems, whose polyvalence has to be paid for, often at a high price, in terms of delays, for instance. Often designed for contexts presenting specific threats, the current antitank missiles are clearly heir to the Cold War. Nonetheless, interesting lessons can be learnt from studying them, especially regarding the processes of Transformation. First, human intervention should not be excluded from the chain of processes – or else, there is a risk of aiming at decoys or causing collateral damage. Secondly, absolute polyvalence (and its conceptual corollary, the full spectrum) often pertains more to intellectual conceptualization than to reality, as one aspect of the mission is generally stressed over all others. Thirdly, one should keep in mind that Fuller’s dialectics between the sword and the armor remains a relevant concept, as there is no such thing as a silver bullet… Joseph Henrotin Numéro 04 Février - Mars 2007 39