Une histoire de la culture paysanne du 19e siècle à nos

Transcription

Une histoire de la culture paysanne du 19e siècle à nos
UNE HISTOIRE ECONOMIQUE
ET INSTITUTIONNELLE DE LA
CULTURE PAYSANNE,
DU 19EME SIECLE A NOS
JOURS :
DE LA PAYSANNERIE A
L’ENTREPRENARIAT AGRICOLE
ET DE L’ENTREPRENARIAT
AGRICOLE A LA PAYSANNERIE
Marie-Pierre PHILIPPE-DUSSINE
Maître de Conférences
A l’Université de Metz
CEREFIGE
Cahier de Recherche n°2013-08
CEREFIGE
Université de Lorraine
13 rue Maréchal Ney
54000 Nancy
France
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n° ISSN 1960-2782
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Une histoire économique et institutionnelle de la culture paysanne, du 19e
siècle à nos jours : De la paysannerie à l’entreprenariat agricole et de
l’entreprenariat agricole à la paysannerie ?
Résumé : Cet article entend retracer l’histoire de la culture paysanne, en considérant
celle-ci comme une véritable institution au sens de D.C. North, (1984), c’est-à-dire comme un
ensemble de règles, même informelles, conçues pour limiter les coûts de transactions et
faciliter la coordination des agents. En intégrant les représentations subjectives des agents ou
leur relation au pouvoir, une telle analyse nous permet alors de porter un nouveau regard sur
les différents changements institutionnels qui ont marqué l’agriculture, en fonction de
l’évolution des coûts de transaction et de l’intentionnalité des agents eux-mêmes. Nous ne
manquerons donc de souligner la trajectoire non linéaire de ce changement, liée aux périodes
de dépendance au sentier et pouvant expliquer pourquoi le monde agricole peut aujourd’hui
être tiraillé entre l’avènement d’un entrepreneuriat agricole moderne et le retour d'une
traditionnelle notion de paysannerie.
Summary : This article aims to trace the history of peasant culture, considering it as an
institution within the meaning of DC North (1984), that is to say, as a set of rules, even
informal, designed to reduce transaction costs and facilitate the coordination of agents.
Incorporating subjective representations of agents or their relationship to power, a such
analyze allows us to provide a particular vision of institutional changes in agriculture, which
depend on the evolution of transaction costs and the intentionality of the agents themselves.
So we emphasize the non-linear trajectory of this change, which can be associated with
periods of path dependencies and can explain why the “peasant world” can be now torn
between the advent of a modern agricultural entrepreneurship and the return of a traditional
notion the peasantry.
Mots-Clés : Changement institutionnel, Culture paysanne, Dépendance au sentier, Histoire,
Key-word : History, Institutional Change, Path Dependency, Peasant Culture
JEL : D02, D23, N53, N54, Z19
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Une histoire économique et institutionnelle de la culture paysanne, du 19e siècle à nos
jours : De la paysannerie à l’entreprenariat agricole et de l’entreprenariat agricole à la
paysannerie ?
Ce n’est pas seulement du blé qui sort de la terre labourée, c’est une civilisation tout entière.
A. de Lamartine1
Introduction
Si le concept de culture peut être défini de bien nombreuses façons (Kroeber et
Kluckhohn, 1952), un consensus transdisciplinaire2 semble cependant s'établir autour d'un
système de valeurs collectives qui permettrait de distinguer les membres d’un groupe et de
mieux comprendre leur façon de se déterminer ou de se comporter. Ce système de valeurs
serait un processus dynamique, interagissant tout à la fois avec l’histoire, le territoire, la
sociologie ou l’environnement économique des individus. Relié à un tel système de valeurs, le
travail agricole semble donc bien pouvoir être rattaché à une culture, qui peut tous nous
intéresser. Nous avons en effet presque tous des ancêtres paysans3, des ancêtres qui ont su
tirer richesse de la nature qui les environnait. Notre patrimoine paysager reste, lui aussi,
fortement marqué par l’empreinte paysanne (Kaiser, 1990)…
Chercher à mieux comprendre l'histoire de la culture paysanne, c'est donc également
porter un autre regard sur notre histoire, sur l'évolution du monde agricole, voire l’évolution
de notre société toute entière. L'histoire de la culture du travail agricole est en effet fortement
liée à l’évolution de notre société. Bien loin d’un artificiel imaginaire social, la culture
paysanne a été façonnée par de multiples facteurs historiques, économiques et politiques.
Fondée sur le travail de la terre, elle a évolué comme une institution qui s'adapterait à un
environnement en perpétuel mouvement. Alors que nous l'avons précédemment définie
comme un ensemble de valeurs collectives, sans doute pourrions-nous donc considérer, ici, la
culture paysanne comme une construction de règles plus ou moins formelles, permettant de
différencier un groupe social, et donc, comme une véritable institution au sens de D.C. North
(1984)4.
Un tel éclairage économique et institutionnel nous permet d'aborder l'histoire de la
culture paysanne sous un nouvel angle. La théorie économique dispose en effet d'outils
originaux, lorsqu’elle tente de comprendre une dynamique historique en tenant compte des
institutions (North, 1990 ; Tirole, 2009) des coûts de transaction (Williamson, 2000) ou des
droits de propriété (Demsetz, 1967). Mais si nous nous rattachions précisément à l'héritage de
D.C. North, qui a énormément apporté à l'Histoire Economique, c’est parce que son approche
1
Discours prononcé lors de la Séance Publique de la Société d’Agriculture de Mâcon, le 1 er septembre 1839.
Lamartine est alors député et Président du Conseil Général de Saône et Loire
2
On retiendra, à titre d’exemple, M. Weber (1923), C. Levi-Strauss (1958), G. Hofstede (1993) ou encore F.
Trompenaars et P. Woolliams (2003).
3
F. Demier (2000) précise qu'en "1840, 75% des français sont ruraux et parmi eux, les trois quarts vivent du
travail de la terre".
4
Nous reprendrons ici la sémantique northienne pour définir une institution comme un ensemble de règles
formelles (lois, statuts...) ou informelles (tabous, conventions,...) conçues pour limiter les coûts de transactions et
faciliter la coordination des agents. (North et Common, 1992).
3
nous semble présenter, ici, deux avantages majeurs. Le premier consiste bien entendu dans la
définition claire qu’il donne des institutions, comme des règles du jeu qui ne peuvent plus être
confondues avec les organisations (Williamson (2000). Cette définition nous semble bien
adaptée pour analyser la culture du travail agricole. Mais le second avantage que nous
trouvons chez D.C. North est également l'importance accordée dans le changement
institutionnel (Rollinat, 1997)5, importance que nous mesurons aujourd'hui en nous intéressant
à la culture paysanne (Tracy, 1986).
En intégrant les représentations subjectives des agents ou leur relation au pouvoir, une
analyse économique et institutionnelle nous semble donc pouvoir apporter un éclairage
intéressant sur l'histoire d’une culture paysanne, aujourd'hui tiraillée entre l’avènement d’un
entrepreneuriat agricole moderne et le retour d'une traditionnelle notion de paysannerie. Pour
comprendre cette histoire, il demeure cependant essentiel d’examiner, tout d'abord, les
conditions dans lesquelles cette culture du travail agricole se construit au 19e siècle, comme
une véritable ressource institutionnelle (I). Nous suivrons ensuite son évolution, pour
comprendre comment elle peut s’enfermer dans une difficile dépendance au sentier avant de
lentement changer, sous la pression des multiples mutations des 20e et 21e siècles (II)
I. La culture du travail agricole : une institution née au 19e siècle.
Avant le XIXe, l'existence d'une culture paysanne semble difficile à démontrer, tant le
monde agricole se montre complexe et parfois désuni. L'affirmation de valeurs collective
demande du temps, mais comme toute construction institutionnelle, elle apparaît nécessaire
lorsque les échanges deviennent trop coûteux.
I.1. Une culture paysanne difficile à définir avant le second XIXe
La dénomination d’une culture paysanne implique une identité sociale pouvant reposer
sur une façon de vivre ou une profession (Hubscher, 1997) que l'on a beaucoup de peine à
définir de façon suffisamment précise, avant la fin du XIXe siècle.
I.1.1. Une civilisation paysanne ?
Au XIXe siècle, un consensus semble associer au « paysan », l’image d’un homme
rustre et familièrement relié à la terre6. L’imaginaire social est alors prompt à assimiler le
« paysan » au « bon sauvage » décrit par J.J Rousseau au siècle précédent, incarnant une
relation souvent magnifiée avec la nature et une certaine moralité que nombres d’écrivains
loueront après les journées de juin 18487. Mais cette image d’Epinal ne reflète pas la réelle
complexité du monde rural. Dans la réalité en effet, la population paysanne peine à se
retrouver dans une identité unique. Au XIXe siècle, les disparités sociales demeurent
5
Contrairement aux cadres d'analyse proposés par O. Williamson (1994), M. Granovetter (2005) ou K.Polanyi
(1983), North nous permet de sortir d’une ancestrale opposition entre le marchand et le non marchand, qui ne
nous semble plus refléter pleinement la réalité des interactions humaines. Selon nous, l'Etat ne peut pas être
présenté uniquement comme une force opposée au marché : même chez les Classiques (Ricardo, 1817), il
intervient lorsque le marché est menacé. Son autorité (« enforcement ») peut donc tout à fait être complémentaire
aux mécanismes marchands, par exemple quand il veille à la bonne exécution des contrats ou à la limitation des
monopoles.
6
On peut ici se référer à la définition qu’en donne P. Larousse (1876) ou à la façon dont les frères Goncourt
évoquent les « paysans » dans leur Journal (1892).
7
Plusieurs écrivains, tels que G. Sand, dépeignent ainsi le paysan comme l’archetype de l’homme droit et fiable.
4
nombreuses dans la campagne française et distingue très fortement le paysan-propriétaire, du
paysan-« simple fermier», ou encore le métayer du journalier. Si l’on retient l'importance des
mariages « homostatutaires » (Hubsher, 1997), cette différenciation semble même cruciale.
Il faut dire que ces disparités sociales sont parfois reliées à des valeurs ou à des modes
de vie différents. Mais cette diversité de comportements, d’organisations familiales, de rites,
d’habitat, de modes d’alimentation, voire de langages n'est pas toujours qu'une affaire de
statut social ou juridique (Weber, 1983). Elle traduit également des territorialités différentes :
le paysan lorrain ne vit en effet pas toujours comme le paysan pyrénéen (Mendras, 1967). Il
est vrai que, sur ce dernier point, on ne peut manquer de repérer l’attachement au « pays » que
connote le terme « paysan ». Cet attachement au terroir, à sa commune, nourrit effectivement,
parfois à lui seul, une identité propre (Soulet, 2004) qui peut empêcher les paysans des
différentes régions de France de se sentir rattachés à une même culture.
Le milieu dans lequel les individus évoluent est différent. Eux-mêmes vivent des
expériences différentes, qu’ils interprètent parfois avec différents modèles de pensée... Or ce
sont toutes ces contraintes informelles qui bâtissent, naturellement, le cadre institutionnel, que
l’on appelle « culture » et dans lequel un groupe social va évoluer, de génération en
génération, en se démarquant des autres (North et Common, 1992). Cependant ce cadre
semble ici davantage lié au territoire ou au statut social qu’à une véritable civilisation
paysanne. La culture paysanne serait-elle davantage reliée à un critère professionnel ?
I.1.2. Profession : paysan ?
Si on peine à trouver, au début du XIXe siècle, un critère d'unité suffisamment
consistant, pour définir une réelle identité paysanne, la propriété foncière semble souvent un
élément souvent déterminant. Le terme de « paysan » et plus particulièrement de
« laboureur » est en effet souvent retenu pour désigner les grands propriétaires terriens. Et
même lorsqu’à partir des années 1880, les recensements de la population française préfèrent
retenir le terme de « cultivateur » au « paysan », ils entendent désigner tout homme cultivant
la terre, quelque soit l'importance de sa propriété. Il faut donc encore bien posséder sa terre
pour être reconnu (Mayaud, 2002). Mais comment, dans ce cas, situer les individus qui
exploitent la terre sans la posséder ? Ceux-là ne peuvent-ils encore pas être appelés
« paysans » ?
Par ailleurs, si certains propriétaires se réclament de la paysannerie alors qu’ils
délèguent le travail de la terre à des fermiers ou des métayers, d’autres propriétaires ont bien
les mains dans la terre, mais ne se qualifient pas de paysans, trop préoccupés à exercer une
activité urbaine qu’ils souhaiteraient permanente. Rattachés à une terre par leur origine, ils ne
se sentent pas du tout fixés à l’activité agricole. Le début du XIX e siècle représente en effet
une forte période de migration dans les campagnes françaises. Nombreux sont donc les petits
exploitants agricoles qui pratiquent, en parallèle, des activités bien différentes : artisanat,
commerce, travaux de bâtiment ou participation aux chantiers du chemin de fer... Or, en se
rapprochant de la ville plus ou moins régulièrement, en fonction des saisons ou des
opportunités, ces « poly-actifs s’ouvrent à d’autres savoirs, à d’autres modes de vie…Et à
d’autres cultures…
Au début du XIXe siècle, la propriété foncière et le travail de la terre ne semblent donc,
pas plus que le mode de vie rural, un critère qui puisse fédérer une population dans une même
5
culture paysanne. Il manque un élément fondateur, un « lien de solidarité » qui puisse faire fi
des différences sociales, territoriales et économiques, pour réunir tous ces individus dont la
vie est étroitement liée à la nature qui les entoure. Il faudra en fait une véritable révolution
pour que naisse cette conscience collective, au second XIXe siècle.
I.2. La culture du travail agricole où la naissance d’une identité
Nourrie de nouvelles technologies et d’innovations majeures, la seconde révolution
industrielle commence dans la seconde moitié du XIXe siècle, alors que fleurissent les
théories économiques de l’optimum et du libre-échange. Contaminant rapidement l’ensemble
des secteurs d’activité, les nouveaux procédés industriels engendrent bientôt une véritable
révolution économique fondée sur une plus grande une division du travail, à la fois dans le
cadre de l’économie nationale et internationale. Cette révolution va bouleverser le monde
agricole.
I.2.1. Un monde agricole secoué par une véritable révolution économique.
La révolution économique prône une division du travail qui repose sur une nouvelle
organisation du travail. Sur le territoire nationale, l'industrialisation ne peut en effet plus se
contenter de « poly-actifs » à temps partiels. Elle fixe l'ouvrier à l'entreprise et les "poly-actifs
ont de plus en plus de peine à multiplier les activités. Certains partent définitivement vers
l’industrie. D’autres font le choix de la terre et doivent alors se concentrer sur un travail qui
est désormais leur unique source de revenus8. La terre est désormais le travail d’une partie
bien définie de la population. La professionnalisation de l’agriculture est en marche. Mais la
division du travail ne bouleverse pas que l’ordre national. Les travaux de D. Ricardo (1817)
entendent également appliquer ce concept à la production mondiale et motivent de nouveaux
arguments en faveur du libre-échange.
Si l’Angleterre succombe, la France résiste longtemps, sous la pression des grands
propriétaires9. Mais Napoléon III finit par libérer le commerce des grains en 1861. Confronté
à une nouvelle concurrence étrangère10, le monde agricole se découvre alors de nouvelles
préoccupations qui justifient, là encore, une professionnalisation de l'agriculture. Mais cette
professionnalisation, traduite en particulier par l'émergence d'une nouvelle presse agricole et
par la création, en 1881, d'un Ministère de l'Agriculture, traduit en réalité un profond
changement de mentalité des individus. Progressivement, les exploitants agricoles s’éloignent
des marché locaux et mesurent le poids croissant d’éléments extérieurs sur leur activité : prix
8
On étend donc la surface cultivée et on redécouvre des techniques anciennes, telles que l’assolement 8, qui
demeurent moins coûteuses que les dernières innovations industrielles (engrais ou machine)s... Dés 1840, la
production agricole augmente fortement. J.C. Toutain (1993) retient ainsi une croissance annuelle de la
production agricole de 7,1% entre 1840 et 1890.
9
L’agriculture française bénéficie ainsi de mesures protectionnistes pendant toute la première moitié du XIX e
siècle. Sous l’impulsion de nobles « agromanes », elle profite de ce rempart protecteur, pour développer de
nouvelles cultures (betterave, pomme de terre), de nouvelles techniques (chaulage…) qui contribuent à
augmenter la productivité agricole de telle façon qu'elle peut compenser la baisse des prix pour assurer aux
agriculteurs un revenu croissant jusqu'en 1879 (Duby et Wallon, 1976).
10
L’amélioration des transports facilite sensiblement l'acheminement de produits agricole concurrents (EtatsUnis, Russie…). Or face à cette concurrence, les progrès réalisés dans l’agriculture française, majoritairement
constituée de petites exploitations, sont bien trop faibles et le solde des échanges agricoles s’avère rapidement
déficitaire pour de nombreuses denrées telles que les céréales ou le sucre. (Duby et Wallon, 1976)
6
des consommations intermédiaires, cours des produits agricoles, besoins de financement…
Remontant d'un "étage" dans le triptyque « braudelien », les agriculteurs s'intègrent
progressivement au marché et modifient tout à la fois leur organisation productive et leur
"attitude"11.
Cette réorganisation a cependant un coût. Caractérisé par une division du travail qui
renforce la différenciation des groupes sociaux et par des marchés mondiaux impersonnels, le
modèle de développement qui s’impose alors ne sait pas éviter la monter de coûts de
transaction qui grèvent immanquablement son efficacité et s’associent à de nombreuses
externalités : transformation des fonctions familiales, urbanisation, inégalités sociales,
insécurité… L’environnement des individus est devenu plus vaste, plus complexe. La division
du travail rend les agents de plus en plus interdépendants, mais en même temps, elle les
éloigne tellement que les échanges semblent désormais nécessiter l’émergence d’institutions
capables de les assurer, de réduire les différents coûts de transaction qui s’y rapportent.
I.2.2. L’avènement d’une culture paysanne comme une ressource institutionnelle
Selon O.Williamson (2000), les coûts de transactions peuvent être mesurés par la
difficulté de s’entendre ou de trouver un équilibre pouvant être respecté par différents acteurs.
L'existence de tels coûts nécessite la mise en place de structures de gouvernance pouvant
protéger les agents et leur garantir un cadre dans lequel inscrire leurs transactions. Ce cadre
peut alors être défini comme un ensemble de contraintes, tacites ou explicites, permettant de
réglementer les comportements et d’organiser les échanges humain. Conçues par les agents
eux-mêmes, tout au long d'un infini processus historique (Aoki et Hayami, 2001), ces règles
peuvent naturellement refléter leurs propres représentations et défendre leurs propres intérêts.
Rien ne garantir donc qu’elles soient toujours les plus efficaces socialement. Elles
représentent cependant, chez North (1990), une institution au sens large.
Longtemps désorganisé, le monde agricole semble concevoir, avec la révolution
économique, la nécessité d'instaurer, lui aussi, des règles du jeu qui puissent le protéger et
faciliter ses gains à l'échange. Ces règles apparaissent avec le syndicalisme agricole. Dés 1868
avec la Société des Agriculteurs de France, puis à partir de 1884, grâce à la loi WaldeckRousseau, tous les individus rattachés à la terre par le patrimoine ou le travail peuvent en effet
s'associer et se reconnaître dans une même catégorie professionnelle12. La culture paysanne,
ce collectif qui semblait avoir tant de mal à se construire jusqu'à présent, semble enfin naître,
alors que le monde agricole connaît de nombreuses difficultés. S’il s’agissait initialement de
rassembler les paysans de toute condition, pour réagir au monopole des engrais dont
bénéficiaient des négociants peu scrupuleux, les syndicats doivent en effet rapidement se
préoccuper d’une crise agricole plus grave, apportant dés 1880, une lourde tendance à la
baisse des prix, de la productivité et des revenus agricoles, qui durera plus de vingt ans.
Cette crise agricole n’a cependant pas que des effets pervers. Sous sa menace, tous les
individus attachés au travail de la terre, quelque soit leur statut et leur territoire, prennent en
effet conscience que loin d’être des rivaux, ils ont des intérêts communs à défendre, en
particulier face à une concurrence étrangère très compétitive. Or pour cela, ils ont besoin de
11
F. Braudel (1979) décrit l'évolution de l'économie par un schéma tripartite fondé sur une économie "horsmarché", puis sur un marché des petits producteurs avant de devenir un véritable marché capitaliste, chacun de
ces systèmes étant caractérisé par une organisation particulière de la production et une attitude spécifique.
12
Pour une analyse du syndicalisme agricole, voir J. Vercherand, 2009.
7
mesures nationales qu’ils peuvent obtenir si, unis, ils représentent une force électorale
cohérente. Ils ne sont donc plus propriétaires, métayers, fermiers ou journaliers : ils
deviennent tous agriculteurs et représentent une population, dont le suffrage devient un enjeu
important (Duby et Wallon, 1976). Unis, les agriculteurs savent en effet se concilier une
majorité politique issue de tout horizon, droite et gauche confondue, pour défendre une
autosuffisance alimentaire menacée13.
Cette nouvelle solidarité émerge dans un environnement économique tourmenté, comme
si elle pouvait permettre aux agents de maîtriser, au moins en partie, les évolutions du marché.
Cette conscience collective n’est certes pas naturelle mais elle semble, en se construisant,
donner le ferment nécessaire à la germination d’une identité, d’une véritable culture paysanne.
C'est précisément la culture que D. North (2005) évoque, lorsque l’environnement des agents
devient incertain et qu’il s’agit, non seulement, de réduire les coûts de transaction, mais
également de garantir les droits de propriété nécessaires au maintien d’un certain niveau de
revenu. Cette culture peut alors s'appuyer sur différentes organisations, comme les syndicats,
pour exprimer ses valeurs (North, 1994), réduire l’incertitude inhérente aux échanges et
apporter des solutions à de nombreuses externalités, en proposant une assurance contre les
différentes formes d’insécurité qui émergent alors : pauvreté, violence… (North et Commons
1992). Ainsi définie, la culture paysanne, peut être perçue comme une institution à part
entière, appelée à évoluer avec son environnement.
I.3. La culture paysanne sur un sentier de dépendance : 1914-1950
La culture paysanne, telle qu’elle apparaît à la fin du XIXe siècle peut donc être
considérée comme un cadre institutionnel capable d'offrir au monde agricole, un pouvoir de
négociation dont il ne bénéficiait pas auparavant et qu'il entend bien pérenniser. Tentant de
maintenir une culture paysanne dans les carcans d’une agriculture traditionnelle, les différents
acteurs du monde agricole vont cependant expérimenter un sentier de dépendance (path
dependence) dont il sera difficile de sortir avant 1950. A la veille de la première guerre
mondiale, l’agriculture française montre en effet des caractéristiques, qu’elle tentera de
conserver, malgré un environnement très agité, jusqu’à la seconde guerre mondiale
I.3.1. Un environnement très agité
Protégé par une politique douanière sélective, le monde agricole se sent investi d’une
véritable mission publique : garantir une autosuffisance alimentaire. Fondée sur de trop
nombreuses exploitations de taille insuffisante, l’agriculture ne peut cependant pas accéder à
un progrès technique décisif. Elle fonde donc essentiellement sa croissance sur le travail
familial et une extension des surfaces cultivées (Mounier, 1992), mais se heurte assez
rapidement à de nombreuses contradictions. La première apparait lorsque le tocsin sonne, à la
fin du mois de juillet 1914. Trois millions d’agriculteurs sont appelés aux champs de bataille,
tandis que l’agriculture a toujours fondé son développement sur la main d’œuvre et que la
moisson demande des bras dans les champs de blé.
Les femmes s’organisent, aidés des plus jeunes, des aînés, puis des migrants et des
prisonniers. Mais les chevaux sont réquisitionnés et les produits industriels vers lesquels on
commençait à se tourner font défaut. Les exploitations doivent réduire leur production au
13
L’importance donnée au vote rural lors des élections de 1889 conduit ainsi la France à revenir vers des
mesures très protectionnistes, en particulier le tarif « Méline », qui dés 1892 est l’un des plus élevés au monde.
8
minimum de subsistance. Craignant que la rareté de l’offre se traduise par une augmentation
douloureuse des prix pour la population, les autorités libèrent aussitôt les importations de blé
et de farines et instaurent, sur le marché domestique, un système de réquisition et de taxation
des denrées de base, qui découragent finalement une partie des exploitations céréalières
préférant se tourner vers des productions moins contrôlées comme le lait ou la viande (Auge
Laribe,1923). Lorsque les paysans rentrent de la première guerre, ils ne sont naturellement
plus les mêmes et ont le sentiment que la nation leur doit beaucoup, à la fois parce qu’ils ont
été nombreux à combattre, mais aussi parce que, pendant ce temps, leur famille a continué à
travailler pour nourrir la population.
Dans un nouveau contexte inflationniste14 qui soutient leurs revenus et affaiblit les taux
d’intérêts, ils décident d'accroître leur propriété et se spécialiser dans les productions les plus
rentables sur leur territoires. Récusant les propos citadins, rendant les paysans responsables de
la vie chère, l’agriculture française ne remet pas en question son organisation productive,
misant donc toujours plus sur la terre et le travail que sur le capital. La crise va cependant
mettre un terme à ce malentendu, car la déflation touche bientôt tous les produits agricoles y
compris la viande, et le lait et l’Etat semble bien incapable d’endiguer ce mouvement baissier
des prix et des revenus agricoles15. Cette diminution des revenus agricole relance donc
l’exode rural et la diminution du nombre de journaliers renforce le modèle d’une exploitation
familiale moyenne (10-50 ha), qui ne peut se moderniser que très lentement16.
Par ailleurs, devenu moins nombreux17, le monde paysan perd de son pouvoir politique.
Les autorités publiques semblent désormais davantage préoccupées par l’inflation et le
pouvoir d’achat des populations urbaines. Bientôt, la seconde guerre mondiale éclate. Les
conditions de production se détériorent. 500 000 agriculteurs sont faits prisonniers, les
chevaux et le carburant sont réquisitionnés. L’approvisionnement en engrais et en produits
phytosanitaires est pratiquement interrompu. La surface cultivée diminue et la production
chute de façon spectaculaire18. Amputée par les exportations imposées par l’Allemagne, cette
production doit de surcroît être vendue à des prix trop faibles pour encourager la livraison des
produits agricoles sur les circuits officiels. Des filières d’approvisionnement parallèles se
développent, sur lesquels les prix sont parfois multipliés par cinq. Les citadins pensent, avec
rancœur, que les paysans en profitent.
I.3.b. Mais une culture paysanne prise au piège d’un sentier de dépendance.
14
Entre 1914 et 1918, la France connait des taux d'inflation annuels proches de 20 %. Malgré une courte pause
entre 1921 et 1922, l’inflation ne sera véritablement maîtrisée qu'avec la politique de stabilisation monétaire
menée par Poincaré en 1926 (Asselain J.C. et al., 2002)
15
Entre 1931 et 1935, le prix du blé diminue ainsi de 50% (A. Moulin, 1988). Parallèlement, la législation
renforçant les assurances sociales dés 1928 et les hausses de salaires instituées par le Front Populaire en 1936
enchérissent la main d’œuvre, alors que celle-ci représente un coût de production déterminant dans l’agriculture.
Aussi, même si l’Etat garantit un prix minimum pour le blé, rachète les excédents et tente de barrer l’entrée du
marché agricole, le revenu moyen des paysans s’écarte peu à peu du revenu moyen global.
16
Dés 1892, l'exode des journaliers et des métayers contribuent à diminuer le nombre de grandes fermes
(supérieures à 100 hectares). Ce sont les exploitations moyennes qui s’en sortent le mieux en comptant sur la
main d’œuvre familiale.
17
Dés 1925, les actifs agricoles représentent moins de 50% de la population active française ; leur part ne sera
plus que de 36% dix ans plus tard. (A. Moulin, 1988).
18
Entre 1938 et 1944, les productions de lait et de blé baissent ainsi respectivement de 30% et de 20%. La
production de pomme de terre, traditionnellement ancrée, dans la zone occupée chute de 40% (A. Moulin, 1988.
9
Malgré tous les évènements qui secouent le monde paysan au début du XXe siècle, les
campagnes s’efforcent de maintenir l’organisation productive sur lesquels s’est construite la
culture paysanne, à la fin du XIXe siècle, et qui a permis au monde paysan de se montrer,
jusque là, suffisamment uni face aux politiques, pour obtenir de nombreuses mesures de
protection. Mais la première guerre mondiale semble sonner le glas de cet environnement.
Elle montre en effet les carences d’une organisation productive qui ne s’est pas suffisamment
modernisé. Par ailleurs, l’inflation et la démographie rurale contribuent à éloigner les
campagnes des attentions politiques. Elles attirent même, de la part de la société globale, des
regards accusateurs. Les paysans n’ont-ils pas profité des circonstances politiques pour éluder
la modernisation que nécessitait la garantie d’une autosuffisance alimentaire ?
Si nous avons précédemment défini la culture paysanne comme une véritable institution,
il est difficile de ne pas opérer, ici, de parallèle avec l’analyse northienne du sentier de
dépendance (path dependence). Les caractéristiques qui définissaient la population rurale et
son environnement politico-économique au XIXe siècle ont en effet fait naître une culture du
travail agricole, définie de façon à réduire les coûts des paysans face à la mondialisation et à
l’industrialisation ; elle a permis de préserver leurs droits de propriété et d’optimiser leur
situation dans un environnement donné. En 1914 pourtant, cet environnement change. Les
traits qui caractérisaient la culture paysanne, en particulier l’importance accordée au travail de
l’homme, ne sont plus adaptés. Mais le changement implique un effort de modernisation qui
semble tellement coûteux qu'il est refusé, tant que le monde rural ne perçoit pas l’importance
des gains à en retirer. Sur un marché peu concurrentiel, les agents ne sont en effet pas incités à
investir dans de nouvelles façons de fonctionner (North,1981, 2005).
Si les techniques modernes font leur percée dans le monde agricole avant la première
guerre mondiale, de nombreuses fermes refusent donc de revoir leurs méthodes de travail,
lorsque le machinisme remet en cause la place de l'Homme dans l’organisation du travail, un
des piliers de la culture paysanne. Au début des années 20, l’Etat se lance pourtant dans un
vaste programme de modernisation, fondé notamment sur l’électrification. Mais, vingt ans
plus tard, si la quasi-totalité des communes est électrifiée, de nombreuses fermes isolées sont
oubliées et l’utilisation de l'électricité dans les exploitations demeure encore relativement
faible. On accuse le paysan de s’opposer à la modernité. Mais c’est un fait, dés les années 20,
la paysannerie connaît des difficultés qui ne peuvent pas être résolues au seul moyen de
l'électricité.
La chute des prix agricole fait monter la colère dans les campagnes et de nombreux
mouvements19, espèrent à nouveau fédérer les différents acteurs du monde rural pour faire
entendre leur voix .La culture paysanne telle qu’elle a été instituée à la fin du XIX e tente de
s’imposer à nouveau. Le terme de « paysan est exploité, à différentes fins, par les différents
courants politiques. En 1940, le gouvernement de Pétain présente ainsi le monde rural comme
le fondement de la société, et crée une organisation, la Corporation paysanne, pour assurer son
19
Notons, par exemple, le Parti Agraire et Paysan Français (1927), le Conseil Paysan Français (1927), la
Confédération Générale des Paysans Travailleurs (1929), la Jeunesse Agricole Catholique (1929), la
Confédération Nationale Paysanne (1933)…Jusqu’au dorgerisme et ses chemises vertes (1929)
10
unité et de défendre ses intérêts20. Dans les faits cependant, les attentions de l’Etat s’avèrent
bien trop superficielles, pour faire face aux nombreuses difficultés que connaît le monde rural.
Sans véritable appui, le monde rural comprend qu’il doit évoluer…
II. L’évolution de la culture paysanne : de 1950 à aujourd’hui
Enfermée dans un sentier de dépendance depuis la fin du XIXe siècle, la culture
paysanne amorce un processus de réelle restructuration, à la fin de la seconde guerre
mondiale. Si cette évolution peut être analysée comme le sentier emprunté par une institution
informelle, contrainte d’évoluer sous l’influence de différents facteurs, ce chemin semble
cependant bien loin d’être linéaire.
II.1. 1950 : une indispensable modernisation et une nouvelle unité culturelle
Comme toute évolution institutionnelle, l’évolution de la culture du travail agricole
semble déterminée par de nombreux facteurs économiques et historiques. Mais parmi eux,
deux semblent particulièrement influents : l’intentionnalité des acteurs économiques et la
mutation des droits de propriété.
II.1.a. Les conditions du changement : intentionnalité et mutation des droits de
propriété.
A la fin de la guerre, la France compte de nombreuses pertes humaines et une perte
matérielle considérable. Une grande partie du capital foncier est détruit, tandis que le capital
financier est considérablement entamé. Soucieux de retrouver au plus vite les conditions
d’une indépendance économique, puis d’une réouverture au commerce extérieur, l'Etat
instaure donc une nouvelle politique agricole qui, crée de nouvelles incitations et modifie
formellement le cadre institutionnel du travail agricole. Pour que l’agriculture devienne plus
productive, la modernisation est en effet devenue incontournable. Or celle-ci nécessite un
meilleur taux d’équipement et donc un agrandissement des exploitations. Deux évolutions qui
correspondent à une mutation importante des droits de propriété21.
Pour encourager l’équipement des exploitations, l’Etat modifie tout d’abord le statut du
métayage et du fermage22. Il propose également de garantir les débouchés agricole23, afin de
montrer aux exploitants qu’ils peuvent prendre le risque de s’équiper, sans craindre pour leurs
20
Cette corporation voit le jour par la loi du 2 décembre 1940 et doit réunir tous les acteurs attachés au travail de
la terre : agriculteurs, métayers, journaliers… Cependant, son contrôle par l'Etat affaiblit considérablement sa
légitimité (Duby et Wallon, 1976)
21
Les droits de propriété sont considérés par les institutionnalistes, comme un élément fondamental dans
construction institutionnelle. Ils définissent en effet la façon dont des actifs peuvent être acquis et mis à profit. Ils
conditionnent donc énormément l’efficacité du système d’allocation des ressources.
22
Promulgué le 13 avril 1946, ce statut contribue à protéger le fermier et le métayer, pour les encourager à
investir. Il garantit ainsi une durée minimum de sa location de 9 ans, le droit au renouvellement au bail, un droit
de préemption en cas de vente du bien loué et enfin, à la fin du contrat de location et en cas de non
renouvellement de celui-ci, une indemnité de plus-value qui le dédommage des investissements réalisés sur le
bien loué, s'ils ne sont pas encore amortis.
23
En particulier, en 1960, avec le Fonds de Régularisation et d'Orientation des Marchés Agricoles (FORMA)
puis le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie agricole(FEOGA)
11
revenus. Enfin des coopératives sont conçues pour faciliter l’achat, puis l’usage collectif de
matériel24. Par ailleurs, dés 1946, l’Etat organise un transfert de foncier des exploitations les
moins performantes vers celles qui semblent montrer les plus fortes marges de gains de
productivité et qui peuvent ainsi atteindre une taille critique. Une telle réforme institutionnelle
nécessite naturellement l’autorité publique (P. Dockes, 1998). Mais, cette intervention de
l’Etat n’est cependant pas une condition suffisante.
Pour que les règles du jeu qui régissent le comportement de plusieurs millions
d’individus changent, il faut en effet qu’une partie des acteurs concernés, considérés comme
des entrepreneurs au sens de Schumpeter, soutiennent ce changement. Il faut non seulement
qu’ils aient réellement l’intention de modifier leur comportement, mais il faut aussi qu'ils
aient les moyens d’altérer leur environnement institutionnel, pour y imprimer la marque de
leurs préférences (North, 2005), qu'ils aient le pouvoir d'imposer cette vision des choses au
reste de la population agricole. L’intentionnalité25 des acteurs est effectivement un élémentmoteur du changement institutionnel (North, 1993). Si l’on considère la culture du travail
agricole comme une véritable institution depuis la fin du XIXe siècle, force est de constater
qu’elle ne s’apprête effectivement à changer qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, sous
l’influence de jeunes agriculteurs issus de régions où l'accès au foncier est devenu difficile26.
Ces jeunes agriculteurs ne correspondent certes plus aux notables qui avaient formé les
premiers syndicats agricoles, pour faire entendre les intérêts du monde rural dans les plus
hautes sphères administratives. Il s’agit au contraire de moyens exploitants, souvent issus de
la Corporation, qui formeront, dés 1954, le Centre National de Jeunes Agriculteurs (CNJA)27,
et qui se montrent très actifs pour promouvoir l’entreprise agricole et inciter les exploitations
à s’agrandir. En employant plus particulièrement la notion de superficie minimum
d’installation28, ils parviennent ainsi à réorganiser les droits de propriété pour libérer des
terres à destination des agriculteurs capables de se moderniser29. Comme tout changement
institutionnel, cette redistribution des droits de propriété n'est pas neutre, car elle se réalise
naturellement au détriment de certains propriétaires (North, 2005), mais elle se fonde sur un
assez large consensus auprès des agriculteurs moyens qui encouragent l’exode agricole en
espèrant pouvoir ainsi s’agrandir (De Crisenoy, 1988). ,
II.1.b. Une culture du travail agricole tournée vers l’entreprenariat et la productivité
L'augmentation de la taille des exploitations facilite naturellement la mécanisation30.
L'agriculture profite également des innovations de l'industrie qui redécouvre les agriculteurs
24
On peut naturellement songer ici aux Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole
La nature de l’intentionnalité demeure, chez North, une question fondamentale Elle semble dépendre de la
façon dont les agents perçoivent les problèmes qu’ils rencontrent et entendent y répondre. Elle dépend donc
naturellement de leur rationalité (North, 1993), c’est-à-dire de leur capacité à retenir la solution qui leur semble
la plus satisfaisante et permet d'intégrer des caractéristiques spécifiques aux individus, telles que leurs objectifs
ou leurs dotations en information (Chabaud, Parthenay et Perez 2005).
26
On dénombre alors de nombreuses petites exploitations fondées principalement sur l’élevage.
27
Puis la FNSEA en 1960
28
En dessous d'une superficie définie, par arrêté ministériel pour chaque département,, les exploitants sont
incités à prendre leur retraite ou à changer d'activité.
29
Pour éviter la surenchère des gros exploitants sur ces terres libres, l’Etat permet même aux syndicats, par le
biais de la SAFER ou de la loi complémentaire de 1962, de contrôler le marché foncier en leur accordant un droit
de préemption en cas de vente.
30
De 1938 à 1955, les tracteurs passent de 35.000 à 305.000 et il y en aura encore un million de plus, vingt ans
plus tard (Moulin, 1988).
25
12
comme des clients à séduire : engrais, pesticides, amélioration biologique des variétés
végétales et animales ne tardent pas à se traduire par un rendement accru des surfaces
cultivées (Bairoch, 1988). Ces différentes innovations modifient considérablement le travail
agricole, mais en soutenant la production industrielle, elles favorisent également encore
l’exode agricole et donc la concentration des terres en des exploitations de plus grande taille.
Cet exode rural est certes voulu par l'Etat et les syndicats agricoles qui défendent l'idée d'une
productivité fondée sur de plus grandes exploitations, mais il teinte immanquablement
l'évolution de la culture paysanne, puisque ceux qui demeure attachés à la terre ne constituent
plus tout la même population qu'avant la guerre.
Les plus petits exploitants sont partis et ceux qui restent ne sont plus forcément animés
par le même idéal de stabilité et de conservatisme. Au contraire, les jeunes agriculteurs ont à
coeur de moderniser l'agriculture et de l'inscrire dans la course au rendement qui marque les
"Trente Glorieuses". Il s'agit alors d'être reconnu, non plus comme des paysans, mais
véritablement comme des chefs d'entreprise, mobilisant de réelles connaissances théoriques et
techniques au même titre que d'autres entrepreneurs, dans d'autres secteurs économiques.
Cette parité entre l'agriculture et les autres secteurs d'activité est d'ailleurs clairement
affirmée, dans le premier article de la loi d’orientation agricole du 5 août 1960. Elle est censée
correspondre également à un même niveau de revenu. Peu à peu, le terme de paysan est donc
rejeté, au profit de l "exploitant", de l"agriculteur", ou de "l'entrepreneur agricole"... (Mayaud
2002).
Comme à la fin du XIXe, l'unité culturelle du travail agricole s’affirme bien plus
professionnelle que territoriale. Il faut souligner qu’elle est en grande partie fondée sur
l’activité des syndicats qui semblent aisément pouvoir faire évoluer les règles du jeu (Hervieu
et alii., 2010). Mais ces acteurs sont-ils suffisamment représentatifs du monde rural ? Rien
n’est moins sûr. Dès la fin de la guerre et jusqu’en 1961, la majorité des représentants élus au
sein de ces syndicats agricoles proviennent en effet de la Corporation Paysanne et intègrent
donc naturellement l’idée d’une participation active de l’Etat dans leur activité. C’est le début
de la cogestion. Ce pouvoir politique n’est cependant pas pleinement désintéressé (North,
2005). Faisant évoluer la culture paysanne vers plus de professionnalisme et plus de politique,
il ne garantit donc pas que ce changement institutionnel soit effectivement la solution la plus
efficace, pour répondre aux difficultés de l’agriculture (Prévost 2010)
II.2. La culture paysanne au cœur de nouvelles mutations : 1970-1990
Interagissant couramment avec les autorités publiques, les syndicats agricoles
contribuent à définir une culture paysanne de plus en plus professionnelle et politique. Il s’agit
certes de défendre au mieux les intérêts des agriculteurs, mais la montée des coûts de
transaction semble appeler un véritable changement institutionnel, une évolution différente,
de la culture paysanne.
II.2.a. La culture paysanne : une institution confrontée à des coûts de transaction
croissants : 1970-1990
Avec le ralentissement de la croissance au début des années 70, le travail économisé
grâce aux gains de productivité agricole ne parvient plus à se réallouer, aussi facilement
qu'avant, dans des secteurs industriels, désormais en crise. L’exode rural, qui apparaissait
jusque-là indispensable, devient donc inquiétant et l'Etat préfère encourager l’installation des
13
jeunes agriculteurs, pour maintenir un modèle d’exploitation familiale moyenne qui n’est pas
remis en question. Contraints, pour survivre, de toujours rechercher une productivité
croissante, les agriculteurs doivent cependant, pour s’installer, justifier d’une formation
professionnelle toujours plus exigeante, et adopter de plus en plus, des processus de
production standardisés et industrialisés. Cette professionnalisation croissante du travail
agricole détermine naturellement la culture paysanne.
Cette professionnalisation et le modèle de production agricole qu’elle retient commence
cependant à poser question. Les externalités négatives du productivisme agricole, sur
l’environnement ou la structure sociale des territoires, suscitent en effet de plus en plus
d'interrogations au sein de la population et des autorités publiques31. Par ailleurs, la rentabilité
du capital semble étouffer et exiger des débouchés plus larges (Bertrand, 1983).
Quantitativement, l’agriculture peut s'ouvrir aux marchés extérieurs : la logique productiviste
qu’elle suit depuis près de vingt ans dégage des excédents. Mais la forte productivité du
travail ne suffit pas à compenser l’augmentation des coûts de production et si l’Etat garantit
des prix suffisants aux agriculteurs français32, les marchés extérieurs semblent beaucoup
moins généreux (Allaire et Boyer,1995).
Alors que la présence des syndicats agricoles dans les mouvances politiques a permis à
l’agriculture d’évoluer dans un marché relativement protégé jusqu’à la fin des années 60,
l’importance des coûts de transaction qui caractérisent le marché agricole au début des années
80 appelle, de toute évidence, un changement institutionnel. Mais la culture paysanne semble
avoir bien des difficultés à sortir de ce nouveau chemin de dépendance.
II.2.b. La multi-fonctionnalité : la remise en cause d’une identité
Face aux coûts de transaction croissants qui rendent de plus en plus difficile, non
seulement les échanges entre l'agriculture française et les marchés extérieurs, mais aussi les
échanges entre l'agriculture française et le reste de la société, L’Etat comprend la nécessité
d'intervenir (Rollinat, 1997). Il faut que dire que l'agriculture pèse de plus en plus sur le
budget. Dés 1984, l’Etat français décide donc de limiter son soutien tarifaire en compensant
par des aides directes aux producteurs et d'encourager une réduction de l’offre, en mettant en
œuvre des droits à produire, tels que les quotas laitiers, répartis de telle façon que l’ensemble
du territoire soit utilisé par des exploitations familiales (Barthélemy, David, 1999). Un an plus
tard, en 1985, la Commission Européenne s’effraie également des excédents structurels et du
poids de l’agriculture dans le budget européen. Elle suggère de rapprocher les prix agricoles
européens des prix mondiaux.
En 1986, avec l’ouverture de l’Uruguay Round, le besoin de s’adapter à l’ouverture des
échanges se fait encore plus pressant. Aucun accord ne peut en effet être conclu, avant la fin
du cycle de négociation. L'Europe comprend qu’elle réformer le secteur agricole. En 1992, la
Politique Agricole Commune oblige donc les agriculteurs à geler une partie de leurs terres,
31
La population française, ayant de moins en moins d'attache avec le monde agricole, se désolidarise de lui,
lorsqu'il faut trouver un responsable aux pollutions de l'environnement, tandis que l'Etat affirme ses
préoccupations environnementales, dés 1971, en créant le premier Ministère de l’Environnement en France, et
que l’Europe réfléchit déjà aux conséquences de l’activité agricole sur la qualité des eaux.
32
Au moment où les cours du pétrole et des monnaies se montrent particulièrement volatils, les gouvernements
français doivent envisager une politique de désinflation. Seuls les prix agricoles demeurent administrés par les
différents ministres de l'Agriculture européens.
14
encourage des mesures agri-environnementales et officialise une baisse des prix agricoles,
qu’elle tente de compenser par des aides directes. Les agriculteurs s’inquiètent. Le gel des
terres leur semble absurde et le contrôle qu’on leur impose pour bénéficier des aides leur
pèse33. Cette réforme accomplie, l’Europe peut cependant reprendre les négociations
internationales et, affichant les efforts consentis, peut s’attacher à limiter l'accès des produits
extérieurs à son marché agricole (De Gasquet, 2002).
Pour justifier ce protectionnisme, l’Union européenne tente en effet de démontrer que
l'agriculture n’est pas un secteur de production comme les autres. A la fois productrice de
biens et de services, elle est un facteur essentiel dans l’aménagement du territoire et la
préservation de l’environnement. Elle est " multifonctionnelle". Pour donner de la crédibilité à
cette stratégie, le Règlement relatif au Développement Rural complète la Politique Agricole
Commune et incite les agriculteurs à revoir leur organisation pour se tourner davantage vers
des actions environnementales plus rémunératrices. L’attribution des aides est désormais
soumises à des conditions nouvelles, liées au respect de l’environnement, des animaux, et de
la santé publique. Dans un contexte politique qui commence à condamner la surexploitation
des ressources naturelles, la multi-fonctionnalité de l’agriculture est entérinée par le Conseil
européen de Göteborg en juin 2001 et est également reconnu dans les débats à l'OMC.
La multifonctionnalité justifie donc le souci des Etats de protéger l'agriculture et donne
désormais à l’agriculteur, une nouvelle légitimité sociale en le présentant comme un acteur
véritablement préoccupé de développement durable et de sécurité alimentaire. Mais cette
nouvelle orientation correspond à un véritable changement institutionnel qui ne va pas
forcément de soi. Les agriculteurs ont en effet l’impression qu’on leur demande de changer
d'identité, de métier : de producteurs intensifs, ils doivent désormais, sur commandes
d’administrations françaises ou européennes, se montrer comme des aménageurs de
territoires, préoccupés d’écologie (Maynaud, 2010)… Avec une interrogation supplémentaire:
sont-ils les seuls à pouvoir véritablement investir le rural de cette façon ? Et si non, que
devient leur identité ?
II.3. La culture paysanne aujourd’hui.
Face à cette évolution commanditée de l'agriculture vers la multifonctionnalité, le
monde agricole hésite. Montrant une certaine dépendance au sentier productiviste défini dans
l'après-guerre, la culture paysanne évolue ainsi lentement vers une identité plus territoriale
que professionnelle et reflète finalement toute la complexité du travail agricole.
II.3.a Le travail agricole sur un nouveau sentier de dépendance ?
Lors de la Conférence de Cancun, en 2003, les pays exportateurs de produits agricoles34
estiment que la multi-fonctionnalité de l'agriculture n’est qu’une feinte des pays riches, pour
justifier leurs soutiens à l'agriculture. Face à ses protestations, l'OMC réaffirme donc la
nécessité de libéraliser les marchés. L’Union européenne tente alors d'intégrer son agriculture
au marché mondial, mais la diversité des agricultures européennes l’oblige à laisser une
certaine marge de manœuvre aux Etats membres. Certains (Royaume Uni, Allemagne) vont
33
Pour obtenir les aides promises par l’Europe, les agriculteurs doivent en effet déclarer, chaque année,
l’importance de leurs surfaces, la nature des cultures implantées, et ils risquent des pénalités en cas de
déclaration erronée ou tardive.
34
En particulier le G 21, constitué notamment du Brésil, de la Chine, de l’Inde, et de, l’Afrique du Sud
15
alors concevoir l’ouverture à la concurrence comme une obligation faite aux organisations
agricoles d’investir dans la connaissance et de s’orienter vers nouveaux modes de production ,
mais d'autres, dont la France tenteront de limiter au maximum l’impact de ce règlement, pour
maintenir un modèle de production datant des années 60 (Boinon et al., 2007), refusant ainsi
de modifier leurs perceptions des choix qui s’offrent à eux, modification qui semblent au
cœur du changement institutionnel (North, 1992)
Comme au XIXe siècle, les syndicats agricoles majoritaire semblent jouent un rôle
déterminant dans ce refus, tentant de maintenir à tout prix, une culture qui, telle qu'elle s'est
reconstruire après la seconde guerre mondiale, montre ses limites quand il s'agit de défendre
aujourd'hui les intérêts des agriculteurs. Mais cette culture justifie leur pouvoir politique. Pour
expliquer cet immobilisme, ce sentier de dépendance (« path dependence »), nous pourrions
donc évoquer "l'imperfection des marchés politiques » déjà soulignée par North (1990).
Certes, les services agricoles se développent depuis 1992, laissant penser que l’agriculture
change de logique (Allaire et Boyer, 1995), mais ils ne remettent pas tant en cause le cadre
institutionnel de l'agriculture fondé sur le fordisme et la co-gestion des années cinquante.
Si ces services agricoles recouvrent en effet de nouvelles activités reliant plus
directement les agriculteurs aux consommateurs (tourisme vert, vente de produits locaux35…),
ils incluent également les services rendus aux industries agro-alimentaires (différenciation des
produits,…) et les services demandés par les agriculteurs eux-mêmes, pour accroître leurs
productivité (services vétérinaires, matériel et travaux agricoles, informatique…) 36. Rien ne
garantit donc que l'importance croissante de ces services signe la fin d'une agriculture
productiviste (OCDE, 2001, Gaignette et Nieddu, 2000). Ces services sont parfois davantage
envisagés, par les partenaires de l'OMC, comme une tentative de s’affranchir de la
concurrence internationale (Valceschini, Mazé, 2000). Dans un contexte où l'on tente de
concevoir la production agricole à un niveau mondial et urbain (Hervieu et alii, 2010),
l'exploitation d'une nouvelle demande des consommateurs, la mise en place de labels, les
contrôle d'appellations des produits alimentaires peuvent effectivement être un moyen de
résister et de "relocaliser" les productions.
II.3.b. Un nécessaire changement institutionnel.
Si le développement des services n'annonce donc pas forcément une révolution du
travail agricole, il montre cependant l'avènement de nouvelles relations entre les
consommateurs, les agriculteurs, les industriels de la transformation et les autres producteurs
de services (vétérinaires, informatiques, agricoles…). Or ces nouvelles relations d'échange
appellent certainement une révision des modes de coordination, donc de nouvelles règles
institutionnelles, pour réduire les situations d'incertitudes, les coûts de transaction inhérents à
cette nouveauté. Quelle forme peut alors prendre ce changement institutionnel ? Comment
peut-il s'opérer et sur quels acteurs peut-il s'appuyer ?
Les syndicats ont joué un rôle décisif la construction institutionnelle de la culture
paysanne. Le changement institutionnel ne peut donc manquer de les toucher. L’unité
35
Si le nombre d’exploitations agricoles offrant ces services a augmenté depuis 1980, elles ne représentent
encore qu'une part limitée des exploitations françaises animées par des agriculteurs relativement jeunes et dotés
d'un niveau de formation supérieur à la moyenne. (Agreste, 2008)
36
Voir D. Galliano (2000) et L. Hébrard 2001
16
syndicale qui avait fondé l'unité paysanne à la fin du XIXe siècle et pendant les Trente
Glorieuses", semble déjà être plus fragile. Dés le mois de mai 1982, lorsque plusieurs milliers
d’agriculteurs se réunissent dans les régions, pour manifester leur difficultés et faire
reconnaître leur diversité, puis en 2001, lorsque la Cour des Comptes souligne les carences de
l’Association Nationale pour le Développement Agricole, les autorités prennent effectivement
conscience que la réalité complexe du monde rural n’est pas suffisamment représentée dans
les syndicats majoritaires agricoles. Aujourd'hui, les financements publics reconnaissent une
pluralité d'organismes agricoles qui défendent, tous, différentes représentations de
l'agriculture. Représentant des entrepreneurs aux intérêts divergents, ces syndicats spécialisés
ne semblent donc plus travailler à une culture paysanne commune.
Si ces multiples identités professionnelles ne semblent plus pouvoir faire corps dans
une unique figure paysanne, doit-on cependant conclure à un éclatement de la culture
paysanne ? Peut-être pas. Si l'on peut sans doute distinguer aujourd'hui plusieurs mondes
agricoles qui coexistent, et si l'exploitation familiale n'est plus la structure de production
fondamentale d'antan, force est de constater que "la dimension familiale reste dominante", en
agriculture (Hervieu, 2010) et c'est sans doute sur cet axe que demeure la culture paysanne.
Même si, naturellement la famille a bien changé, elle semble en effet rester au cœur du travail
agricole, comme si le travail de la terre ne pouvait pas se concevoir sans un minimum
d'affectivité. Contrairement au XIXe et au XXe siècle, la culture paysanne pourrait donc
aujourd'hui se reconstruire sur cette solidarité-là, sur un attachement commun à la famille et
une terre (Lacombe et Delord, 1990). L'institution deviendrait alors moins professionnelle,
mais davantage axée sur une notion de territoire.
Conclusion :
Si l'on peut définir une institution comme un ensemble de règles, même informelles
conçues pour limiter les coûts de transactions et faciliter la coordination des agents (North et
Common, 1992), la culture du travail agricole nous semble bien pouvoir être considérée
comme telle : une institution informelle liées à un groupe particulier, une identité reliée au
travail de la terre et conçue comme une règle du jeu particulière, permettant à différents
acteurs du monde rural de s’unir pour défendre leurs intérêts. Portée en gestation pendant des
siècles, elle n’apparaît cependant qu’au 19e siècle : elle représente alors une construction
institutionnelle censée répondre au développement de coûts de transactions trop lourds pour le
monde rural, lorsque la révolution économique impose une nouvelle division du travail.
En considérant la culture paysanne comme une institution informelle, on peut alors
porter un nouvel éclairage sur son histoire, composée de périodes d’évolution et de
dépendance au sentier. Les évolutions sont souvent rendues nécessaire par des phénomènes
exogènes tels que la guerre, l'ouverture au commerce extérieur et la croissance des coûts de
transaction, mais elles dépendent également de l'intentionnalité des agents, de leur volonté de
modifier leurs comportements pour répondre aux nouvelles opportunités qui apparaissent dans
leur environnement. Ainsi, lorsque les acteurs du monde rural ne perçoivent pas les gains à
attendre d'un tel changement, l'institution n'évolue pas. La culture paysanne s'enferme ainsi, à
plusieurs reprises dans une dépendance au sentier (path dependency) dont elle ne sort qu'avec
douleur, après la seconde guerre mondiale et au cours des années 1990-2000.
17
Parce qu'il s'agit d'une institution informelle, la culture paysanne a besoin de temps pour
changer. Le changement n'interviendra que lorsque des acteurs ayant un pouvoir suffisant (en
nombre, en pouvoir de négociation…) perçoivent qu'une réorganisation des échanges
pourraient être bénéfiques, en particulier lorsqu'il s'agit de faire face à une concurrence accrue
(North, 1992). Ces agents qui soutiennent ainsi le changement institutionnel peuvent être des
individus (par exemple les jeunes agriculteurs des années 50) ou des organisations (syndicats,
Etat). Dans les deux cas cependant, ces moteurs du changement porteront des représentations
particulières du monde et les imposeront à travers les nouvelles formes contractuelles, les
nouvelles règles qu'ils proposent.
Le changement institutionnel, et plus précisément l'évolution de la culture paysanne, ne
garantit donc une solution socialement efficace; il traduit simplement un mode d'adaptation
des acteurs et de leurs représentations à un environnement changeant, en fonction de la
perception d'agents-moteurs et d'organisations disposant suffisamment d'autorité. Si l'on
considère la culture du travail agricole comme une véritable institution en pleine évolution,
nous ne manquerons donc de souligner sa trajectoire non linéaire. Après avoir vanté les gains
de productivité d'entrepreneurs agricoles ultra-modernes, on semble ainsi sacraliser le paysan
et ses chevaux…Pourtant, un pilier semble demeurer inébranlable dans la culture paysanne :
c'est l'attachement au territoire et à la famille (Lacombe et Delord, 1990).
Notes
1
1. Discours prononcé lors de la Séance Publique de la Société d’Agriculture de Mâcon, le 1 er septembre 1839.
Lamartine est alors député et Président du Conseil Général de Saône et Loire
1
On retiendra, à titre d’exemple, M. Weber (1923), C. Levi-Strauss (1958), G. Hofstede (1993) ou encore F.
Trompenaars et P. Woolliams (2003).
1
F. Demier (2000) précise qu'en "1840, 75% des français sont ruraux et parmi eux, les trois quarts vivent du
travail de la terre".
1
Nous reprendrons ici la sémantique northienne pour définir une institution comme un ensemble de règles
formelles (lois, statuts...) ou informelles (tabous, conventions,...) conçues pour limiter les coûts de transactions et
faciliter la coordination des agents. (North et Common, 1992).
1
Contrairement aux cadres d'analyse proposés par O. Williamson (1994), M. Granovetter (2005) ou K.Polanyi
(1983), North nous permet de sortir d’une ancestrale opposition entre le marchand et le non marchand, qui ne
nous semble plus refléter pleinement la réalité des interactions humaines. Selon nous, l'Etat ne peut pas être
présenté uniquement comme une force opposée au marché : même chez les Classiques (Ricardo, 1817), il
intervient lorsque le marché est menacé. Son autorité (« enforcement ») peut donc tout à fait être complémentaire
aux mécanismes marchands, par exemple quand il veille à la bonne exécution des contrats ou à la limitation des
monopoles.
1
On peut ici se référer à la définition qu’en donne P. Larousse (1876) ou à la façon dont les frères Goncourt
évoquent les « paysans » dans leur Journal (1892).
1
Plusieurs écrivains, tels que G. Sand, dépeignent ainsi le paysan comme l’archetype de l’homme droit et fiable.
1
On étend donc la surface cultivée et on redécouvre des techniques anciennes, telles que l’assolement 1, qui
demeurent moins coûteuses que les dernières innovations industrielles (engrais ou machine)s... Dés 1840, la
production agricole augmente fortement. J.C. Toutain (1993) retient ainsi une croissance annuelle de la
production agricole de 7,1% entre 1840 et 1890.
1
L’agriculture française bénéficie ainsi de mesures protectionnistes pendant toute la première moitié du XIX e
siècle. Sous l’impulsion de nobles « agromanes », elle profite de ce rempart protecteur, pour développer de
nouvelles cultures (betterave, pomme de terre), de nouvelles techniques (chaulage…) qui contribuent à
augmenter la productivité agricole de telle façon qu'elle peut compenser la baisse des prix pour assurer aux
agriculteurs un revenu croissant jusqu'en 1879 (Duby et Wallon, 1976).
1
L’amélioration des transports facilite sensiblement l'acheminement de produits agricole concurrents (EtatsUnis, Russie…). Or face à cette concurrence, les progrès réalisés dans l’agriculture française, majoritairement
constituée de petites exploitations, sont bien trop faibles et le solde des échanges agricoles s’avère rapidement
déficitaire pour de nombreuses denrées telles que les céréales ou le sucre. (Duby et Wallon, 1976)
1
F. Braudel (1979) décrit l'évolution de l'économie par un schéma tripartite fondé sur une économie "horsmarché", puis sur un marché des petits producteurs avant de devenir un véritable marché capitaliste, chacun de
ces systèmes étant caractérisé par une organisation particulière de la production et une attitude spécifique.
18
1
Pour une analyse du syndicalisme agricole, voir J. Vercherand, 2009.
L’importance donnée au vote rural lors des élections de 1889 conduit ainsi la France à revenir vers des mesures
très protectionnistes, en particulier le tarif « Méline », qui dés 1892 est l’un des plus élevés au monde.
1
Entre 1914 et 1918, la France connait des taux d'inflation annuels proches de 20 %. Malgré une courte pause
entre 1921 et 1922, l’inflation ne sera véritablement maîtrisée qu'avec la politique de stabilisation monétaire
menée par Poincaré en 1926 (Asselain J.C. et al., 2002)
1
Entre 1931 et 1935, le prix du blé diminue ainsi de 50% (A. Moulin, 1988). Parallèlement, la législation
renforçant les assurances sociales dés 1928 et les hausses de salaires instituées par le Front Populaire en 1936
enchérissent la main d’œuvre, alors que celle-ci représente un coût de production déterminant dans l’agriculture.
Aussi, même si l’Etat garantit un prix minimum pour le blé, rachète les excédents et tente de barrer l’entrée du
marché agricole, le revenu moyen des paysans s’écarte peu à peu du revenu moyen global.
1
Dés 1892, l'exode des journaliers et des métayers contribuent à diminuer le nombre de grandes fermes
(supérieures à 100 hectares). Ce sont les exploitations moyennes qui s’en sortent le mieux en comptant sur la
main d’œuvre familiale.
1
Dés 1925, les actifs agricoles représentent moins de 50% de la population active française ; leur part ne sera
plus que de 36% dix ans plus tard. (A. Moulin, 1988).
1
Entre 1938 et 1944, les productions de lait et de blé baissent ainsi respectivement de 30% et de 20%. La
production de pomme de terre, traditionnellement ancrée, dans la zone occupée chute de 40% (A. Moulin, 1988.
1
Notons, par exemple, le Parti Agraire et Paysan Français (1927), le Conseil Paysan Français (1927), la
Confédération Générale des Paysans Travailleurs (1929), la Jeunesse Agricole Catholique (1929), la
Confédération Nationale Paysanne (1933)…Jusqu’au dorgerisme et ses chemises vertes (1929)
1
Cette corporation voit le jour par la loi du 2 décembre 1940 et doit réunir tous les acteurs attachés au travail de
la terre : agriculteurs, métayers, journaliers… Cependant, son contrôle par l'Etat affaiblit considérablement sa
légitimité (Duby et Wallon, 1976)
1
Les droits de propriété sont considérés par les institutionnalistes, comme un élément fondamental dans
construction institutionnelle. Ils définissent en effet la façon dont des actifs peuvent être acquis et mis à profit. Ils
conditionnent donc énormément l’efficacité du système d’allocation des ressources.
1
Promulgué le 13 avril 1946, ce statut contribue à protéger le fermier et le métayer, pour les encourager à
investir. Il garantit ainsi une durée minimum de sa location de 9 ans, le droit au renouvellement au bail, un droit
de préemption en cas de vente du bien loué et enfin, à la fin du contrat de location et en cas de non
renouvellement de celui-ci, une indemnité de plus-value qui le dédommage des investissements réalisés sur le
bien loué, s'ils ne sont pas encore amortis.
1
En particulier, en 1960, avec le Fonds de Régularisation et d'Orientation des Marchés Agricoles (FORMA) puis
le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie agricole(FEOGA)
1
On peut naturellement songer ici aux Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole
1
La nature de l’intentionnalité demeure, chez North, une question fondamentale Elle semble dépendre de la
façon dont les agents perçoivent les problèmes qu’ils rencontrent et entendent y répondre. Elle dépend donc
naturellement de leur rationalité (North, 1993), c’est-à-dire de leur capacité à retenir la solution qui leur semble
la plus satisfaisante et permet d'intégrer des caractéristiques spécifiques aux individus, telles que leurs objectifs
ou leurs dotations en information (Chabaud, Parthenay et Perez 2005).
1
On dénombre alors de nombreuses petites exploitations fondées principalement sur l’élevage.
1
Puis la FNSEA en 1960
1
En dessous d'une superficie définie, par arrêté ministériel pour chaque département,, les exploitants sont incités
à prendre leur retraite ou à changer d'activité.
1
Pour éviter la surenchère des gros exploitants sur ces terres libres, l’Etat permet même aux syndicats, par le
biais de la SAFER ou de la loi complémentaire de 1962, de contrôler le marché foncier en leur accordant un droit
de préemption en cas de vente.
1
De 1938 à 1955, les tracteurs passent de 35.000 à 305.000 et il y en aura encore un million de plus, vingt ans
plus tard (Moulin, 1988).
1
La population française, ayant de moins en moins d'attache avec le monde agricole, se désolidarise de lui,
lorsqu'il faut trouver un responsable aux pollutions de l'environnement, tandis que l'Etat affirme ses
préoccupations environnementales, dés 1971, en créant le premier Ministère de l’Environnement en France, et
que l’Europe réfléchit déjà aux conséquences de l’activité agricole sur la qualité des eaux.
1
Au moment où les cours du pétrole et des monnaies se montrent particulièrement volatils, les gouvernements
français doivent envisager une politique de désinflation. Seuls les prix agricoles demeurent administrés par les
différents ministres de l'Agriculture européens.
1
Pour obtenir les aides promises par l’Europe, les agriculteurs doivent en effet déclarer, chaque année,
l’importance de leurs surfaces, la nature des cultures implantées, et ils risquent des pénalités en cas de
déclaration erronée ou tardive.
1
En particulier le G 21, constitué notamment du Brésil, de la Chine, de l’Inde, et de, l’Afrique du Sud
1
19
1
Si le nombre d’exploitations agricoles offrant ces services a augmenté depuis 1980, elles ne représentent
encore qu'une part limitée des exploitations françaises animées par des agriculteurs relativement jeunes et dotés
d'un niveau de formation supérieur à la moyenne. (Agreste, 2008)
1
Voir D. Galliano (2000) et L. Hébrard 2001
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