Littérature Jeunes Adultes

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Littérature Jeunes Adultes
Rencontre salon du livre de Montreuil 2 décembre 2013
Littérature jeunes adultes : nouveaux romans, nouveaux lecteurs !
Avec
Tibo Bérard, directeur de la collection Exprim’ chez Sarbacane
Eva Grynszpan, Nathan
Glenn Tavennec, directeur de la collection R chez Robert Laffont
Modérateur : Changement de lectorat ou initiative des éditeurs ?
Tibo Bérard : Exprim’ créée en 2006. Terme « Young adults » apparu en 2008-2009.
Aujourd’hui, terme connu du lectorat. TB ne voulait pas publier des livres formatés pour ados
mais livres qui plaisent à plein de monde, livres qui fracassent ! En cela, créer sa collection
chez un éditeur jeunesse était plus simple car perçoit les éditeurs jeunesse comme un terrain
d’expérimentation. YA : une façon de ranger les livres ensemble mais ils peuvent aussi être en
littérature générale. C’est aussi une façon de chercher des voies d’entrée pour le livre.
Eva Nathan : YA : appellation américaine car depuis longtemps déjà, les Américains ont
l’habitude d’une forte segmentation de la littérature. YA : ados et « vieux jeunes ».
Aujourd’hui, YA différents de ceux d’il y a 20 ans. Adolescence et YA : âge beaucoup plus
marqué, moyens de communication différents etc.
Glenn Robert Laffont : « jeunes adultes » : oxymore. Problème de dénomination. Avant :
éditeur qui s’appelle par exemple Gallimard JEUNESSE : ados considèrent que ça n’est pas
pour eux, adultes également. Pourquoi catégoriser les littératures ? Exemple de Jules Verne :
plaît aux enfants et aux adultes mais le mettre en bibliothèque verte (ce qu’a fait Hetzel,
l’éditeur, vers la fin de la vie de J.Verne) l’excluait des lectures possibles des adultes.
Attention aux collections YA trop précises avec âge 18-25 ans : à 17 ou à 26 ans, on ne peut
pas les lire ?! Attention à la catégorisation, au jugement de valeur sur ce qui est populaire.
Aujourd’hui, Nathan, Exprim’ et R de Robert Laffont veulent réparer les effets négatifs de la
segmentation. Mais nécessaire tout de même de mettre une étiquette car besoin de se
distinguer !
TB : veut défendre une littérature populaire, transgenre (non-identifié comme SF par
exemple). Plaisir de la narration, du conte, à l’anglo-saxonne.
Nathan : réhabiliter le storytelling, le feuilleton, ce qui n’exclut pas le style.
TB : auteurs français publiés chez Exprim’ ne savaient pas où envoyer leurs manuscrits.
Auteurs Exprim’ n’écrivent pas pour les ados mais veulent fracasser la littérature française.
Nathan : auteurs qui écrivent avec le public ado en tête.
TB : attention à ça car cela peut donner des textes trop marqués « ados », notamment au
niveau des dialogues. Plutôt écrire avec en tête l’ado qu’ils ont été, ce qui est très différent
d’écrire pour les ados. A lancé Exprim’ par goût de la langue : usage explosif de la langue.
RLaffont : bonne idée d’Exprim’ : proposer des playlists dans les romans = univers immersif.
Relations avec les journalistes : n’ont pas compris que La 5ème vague de Rick Yancey était
dans une collection ados/YA ! Pareil pour Nos étoiles contraires de John Green : visuel de
couv’ n’est pas identifié « roman ado » ainsi les adultes n’ont pas compris qu’il s’agissait d’un
roman ado donc l’ont lu !!
Nathan : nouveau rapport au lecteur qui est très connecté. Facile de faire une rencontre
d’auteur avec classes dans le cadre de l’EducNat car public captif mais beaucoup plus difficile,
sans prescription, de faire venir ce public à une rencontre d’auteurs. Préfèrent contacts
virtuels via blogs, Facebook. Nouveau rapport avec les auteurs : avoir plus que le livre. Le cas
pour Vincent Villeminot avec Réseau(x) : lecteurs veulent textes inédits, vidéos, contenu
numérique. Autre contenu éditorial sur Internet et pas seulement approche marketing.
TB : voit ce développement des blogs depuis 2 ans. Bloggeurs entre 17 et 30 ans. C’est une
vrai mafia ! se lancent des challenges de lectures, ont un vocabulaire propre : PAL, wishlist
etc. Super bien au niveau commercial bien sûr mais « problème » de ces bloggeurs : passent
uniquement par Amazon. N’ont pas une culture de la librairie indépendante. Librairies et
bibliothèques auraient des projets à mener au niveau des bloggeurs. Sinon, pour auteurs,
bloggeurs = retour de « vrais gens ». Auteurs comprennent aujourd’hui que c’est aussi
important d’avoir une critique sur certains blogs qu’un article dans Libé.
RLaffont : quand blogs descendent les livres, éditeur est content. N’avoir que des critiques
positives, ça n’est pas possible.
Nathan : attention tout de même ! bloggeurs = nouveaux journalistes. Les éditeurs leur
envoient des livres gratuitement. Restent honnêtes et sincères, disent quand ils n’ont pas
aimé mais peuvent être aussi un peu influencés.
TB : Espace du blog = espace de liberté. On parle des livres quand on le souhaite et non pas
seulement à leur sortie.
Modérateur : quels genres sont représentés dans vos collections ?
Nathan : tous les genres. Réalisme contemporain, dystopie, thrillers…Auteurs français et
étrangers. Revoir le genre « filles » : n’aiment pas cette classification sexuée, envie d’avoir un
autre discours.
RLaffont : lecteurs ne se posent pas la question des genres. Livres transgenres, on s’extrait du
ghetto des genres, hybridation. Se pose ensuite la question en librairies et bibliothèques : où
classe-t-on ces romans ?
TB : au début d’Exprim’, voulait mettre des étiquettes sur tous les romans de la collection :
« roman punk », « écriture hip hop ». Le fait moins maintenant car de toutes façons, les
journalistes ne comprennent pas !
Modérateur : savez-vous qui achètent vos livres ?
RLaffont : page Facebook peut être un indicateur. Cf les suiveurs, les commentaires. Lecteurs
ne veulent plus être passifs. Grosse interaction sur FB mais Twitter peu utilisé pour les
romans. Grâce aux contacts on voit la répartition par sexe, toujours la même depuis des
années : 80 % filles / 20% garçons. Garçons par contre peuvent être beaucoup plus dingues
de lectures que les filles.
TB : filles plus jeunes/garçons plus âgés : 20 ans Souvent fans d’un auteur (S.King, J.Ellroy).
Leur parler « d’Ellroy Français » pour les accrocher. Plus belles rencontres : en Lycée Pro,
face à des classes de garçons. S’emparent des sujets, des livres. Font de superbes analyses des
livres, mieux qu’en classes littéraires.
RLaffont : garçons cherchent des livres qui les bouleversent. Apparaît dans les retours de
lectures des garçons. Idée que le livre peut changer la vie.
Nathan : appels de profs de lycées pro qui ont envie de parler de littérature YA à leurs élèves :
nouvelle approche des profs, nouvelles envies.
TB : déteste aspect pédago des livres mais si on peut analyser les livres et faire comprendre
aux élèves que les auteurs sont vivants, que les livres sont bouleversants alors intérêt d’avoir
une approche fouillée. Profs n’avaient pas envisagé que leurs élèves verraient autant de
choses dans les livres Exprim’ : réelle analyse littéraire possible !
Modérateur : pour revenir sur le titre du débat : nouveaux lecteurs ?
RLaffont : pour l’anecdote : il existe des clubs de lecture en maisons de retraite où l’on parle
de littérature YA ! Pourquoi ? Car on s’évade !
Questions du public : comment faire venir les ados à un club de lecture hors temps scolaire
ou à une rencontre avec auteurs ?
Nathan : problème de l’échange frontal avec l’auteur car ne fonctionne pas avec ados et YA.
Vraiment difficile hors classe. (Vincent Villeminot est très bien face à une classe.)
TB : rencontres ados/auteurs : fort pour élèves mais aussi pour auteurs. Ça n’est pas parce
qu’on a lu plus de livres dans sa vie qu’on lit mieux. Ados ne lisent pas « moins bien ».
Auteurs s’en rendent vraiment compte en rencontrant les classes. Remarque d’un ado à un
auteur : « votre livre m’a démoli » : remarques très directes, moins courantes avec un public
adultes.
RLaffont : ados n’ont en rien à faire des adultes ! blogs, FB : sont entre eux, n’ont pas envie
d’être chaperonnés. Pour les rencontres autour de leurs lectures : ce qui marche le mieux :
quand il y a peu d’adultes. Par exemple, un seul adulte en retrait, ça suffit. Qu’ont les adultes
à offrir à la nouvelle génération ?? Savoir être discrets, les laisser entre eux. Pareil pour les
auteurs : doivent être discrets, ne pas trop s’immiscer et répondre sur les blogs trop souvent.
Question du public : quid de la loi 1949 sur les publications pour la jeunesse ?
TB : ne fait apparaître la loi sur les romans Exprim’. Précédent : DoAdo du Rouergue. Ne
censure rien mais retravaille beaucoup les textes avec les auteurs.
Nathan : la met sur les livres YA. Mais ne s’interdit rien : toujours une question de point de
vue.

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