Cr colloque "L`ado dans tous ses états" Dr Xavier Pommereau
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Cr colloque "L`ado dans tous ses états" Dr Xavier Pommereau
Xavier Pommereau, psychiatre à Bordeaux, spécialiste des ados en crise EXPOSE INITIAL 900 000 ados en France, dont 15% vont très mal. D’abord un portrait robot de l’ado d’aujourd’hui (2015), l’ado normal, sachant que le fossé se creuse aujourd’hui tous les dix ans entre une génération et une autre (et non plus trente ans). Puis on parlera de ceux qui vont vraiment mal. 1 – Ados dans une société de consommation : consommer, c’est achever, détruire, consumer, c’est ingurgiter sans envie, sans besoin, sans limite, par habitude et contre la déprime. Prendre et consommer sans besoin donc prendre et jeter, par exemple la nourriture, les vêtements (Etre ado en Afrique, c’est évidemment très différent) Dans la société numérique, prendre et jeter, c’est zapper. Les ados jettent tout ce qui paraît sérieux, qui fait « adulte ». Du lundi au jeudi, scolarité = prise de tête. A partir du jeudi soir pour les étudiants, du vendredi soir pour les autres, c’est le lâchage. Il faut s’enivrer le plus vite possible. Après une sous-couche de bière (sous-couche comme en peinture), on s’enivre à la vodka car c’est le plus rapide, 13’ suffisent, ou au rhum morito. C’est ce qu’on appelle le « bingedrinking », qui peut mener au coma éthylique, et les filles le font désormais à l’égal des garçons. (Certains en bande enivrent les copains et les dévalisent ensuite) La sexualité : on prend et on jette, dans le domaine du sexe. En fait les ados sont sentimentaux, autant qu’autrefois, ils séparent le sentiment et le sexe. Le sexe c’est la viande, le plan cul, les « préli » … Ils connaissent ça (sans pénétration) dès 13-14 ans, et la première vraie fois , les enquêtes l’annoncent à 17 ans, mais c’est probablement un peu plus jeunes, 15-16 ans. Mais dans le domaine du sentiment, quand ils se déclarent en couple, gare ! Ils tiennent beaucoup à la fidélité et peuvent être très durs avec qui les trahit ! D’autre part, l’identité sexuelle est devenue modulable, on la choisit, on l’essaie, on peut choisir mais on peut cumuler, se réclamer « bi » … ça fait moderne ! Intellectuellement, ils ne sont pas idiots loin de là, ils sont polyvalents et peuvent réellement faire deux choses à la fois, mieux que les adultes, mais pas longtemps. S’ils sont concentrés 15’, il leur faut ensuite 15’ de récupération. Beaucoup d’intuition, peu de concentration. Or on ne peut pas inculquer le sens de l’effort à quelqu’un en l’absence de plaisir : on ne fait effort que pour quelque chose à quoi on tient et qui fait plaisir. Ils trouvent toujours le moyen de réduire la contrainte. Comment leur apprendre à réfléchir ? (C’est le but de clashback qu’on verra plus tard, qui leur ouvre la porte à une réflexion dans un contexte où ils ont du plaisir, où c’est ludique) Les grandes violences dans l’humanité c’est manger l’autre, dégommer l’autre (lui piquer sa place, le tuer), posséder l’autre (le violer, en faire sa chose, son esclave). Les parents sont beaucoup trop en quête de la reconnaissance de leurs enfants. Quand on est ado on ne peut pas être copain avec son parent. Le parent doit tenir le cap, montrer le cap … 2 – Les jeunes qui vont très mal Ils poussent le curseur plus loin, ils ne se contentent pas de faire des écarts en week-end, de temps en temps, ils font sans cesse des écarts, ils font le grand écart jusqu’à la déchirure. Quels écarts : - la fugue (je me casse … la métaphore soit toujours être prise à la lettre, ce faisant ils cassent en effet quelque chose) - le clash relationnel brutal , qui casse la relation - l’absentéisme scolaire et le torpillage des études - la « déchirure » par l’alcool et la drogue, on se déchire … jusqu’à en vomir - les problèmes cutanés, piercing et tatouage à outrance, et les scarifications (estafilades parallèles, ou brûlures par cigarettes, ou abrasions cutanées) … Les scarifications se font le plus souvent sur le poignet de la main non conductrice (à gauche pour les droitiers), quand elles se font ailleurs (la hanche etc ) c’est particulièrement inquiétant. - les boulimies et anorexies, les T.S. (tentatives de suicide) ça peut évoluer jusqu’à la schizophrénie, qui se déclare souvent vers les 15 ans. Les jeunes par ces comportement cherchent à attirer l’attention, ils ont besoin qu’on s’inquiète pour eux, qu’on fasse attention à leurs symptômes, pas qu’on ferme les yeux par indulgence en se disant que ça leur passera, besoin de percevoir notre inquiétude et notre attention … Lorsque les symptômes ci-dessus apparaissent avant 15 ans, ou/et qu’ils sont cumulés (plusieurs symptômes) ou/et qu’ils se répètent, ou/et qu’ils atteignent un maximum d’intensité, et que les symptômes des filles passent aux garçons et inversement, c’est particulièrement inquiétant. B – PRESENTATION DE CLASHBACK Jeu interactif. Une adolescente essaie d’obtenir de son père l’autorisation de se faire tatouer une salamandre sur la hanche. Deux ou trois phrases à choisir sont proposée au joueur qui joue le rôle de l’ado. La machine envoie la réponse du père, qui dépend de celle de l’ado. Le jeu s’arrête soit lorsque le fille a obtenu son autorisation, soit lorsque ça clashe ! Une analyse est fournie à partir des réponses de l’ado : son impulsivité, son adaptabilité … et deux autres critères … Ce qui intéresse beaucoup les ados. Le jeu lui-même invite au débat, à porter jugement sur l’attitude du père etc A voir sur internet, pour 25 euros C – TEMPS D’ECHANGE ENTRE L’AUDITOIRE ET L’INTERVENANT Question 1 dans l’auditoire : pouvez-vous nous parler de la confiance en soi, de l’estime de soi Réponse de Pommereau par la théorie de l’attachement, sans en donner le nom ni la référence à Bowlby. Il attribue à la mère biologique toute seule la capacité à créer chez le bébé un intérieur « tapissé de miel » (tapisserie toujours trouée par endroit mais …), qui donne à l’enfant son existence de sujet digne d’intérêt, sa confiance en lui, son lien indéfectible à la mère. (Je l’écris de mémoire, je n’ai pris aucune note, me trouvant en terrain connu et un peu en recul critique sur sa fixation sur le lien biologique). Question 2 dans l’auditoire : comment expliquer ces comportements des adolescents qui vont très mal ? Réponse immédiate de Xavier Pommereau : On entre en vrille dès qu’on est menacé dans son identité. Mais alors, qui est menacé ou atteint dans son identité ? Il s’agit - pour 15% environ (15% des 15% qui vont mal) d’enfants maltraités ou violés - d’enfants adoptés, en particulier les adoptés tardifs - d’enfants qui se heurtent à des secrets de famille, à des histoires de filiation bizarres et tues - d’enfants dont les parents ont connu des adolescences en vrille, et ça se rejoue à la génération suivante … - de quelques ados homos, certains pourtant acceptés par leur entourage, mais qui supportent mal de se sentir différents … (note de la rédactrice : un peu difficile de croire que ça fait 100% des ados qui vont mal, mais c’est ce qu’a dit l’orateur … Il me semble qu’il n’a pas mentionné les enfants issus de l’immigration, peut-être parce que ce n’est pas politiquement correct, il est probable pourtant que le sentiment d’être menacé dans son identité recouvre aussi ce public, dont certains ados vont mal, de fait) Question 2bis : Comment peut-on aider ces ados en crise d’identité ? Réponse : Par l’appartenance, ils ont besoin d’être reconnus dans leur souffrance, reconnus comme des individus séparés, dé fusionnés de leurs parents et en même temps besoin de se rattacher à un groupe d’appartenance qui les met en sécurité intérieure/. Les survivants d’Auschwitz, réduits à des numéros matricules dont atteints gravement dans leur identité, ont pu survivre pour certains grâce à la reconstitution de groupes d’appartenance, de même origine, grâce à des communautés. C’est un des problèmes de notre modernité : on gagne en liberté par rapport aux anciennes communautés villageoises dont on était un peu prisonniers, mais dès qu’on gagne en liberté, on perd en soutien par l’appartenance à un groupe. Il faut alors beaucoup de solidité intérieure