La parabole des talents (Mt 25.14-30)

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La parabole des talents (Mt 25.14-30)
Groupe œcuménique
Sarrebourg
12 mars 2013
La parabole des talents (Mt 25.14-30)
Note : Cette analyse a été réalisée suite à la réunion du groupe œcuménique de Sarrebourg du 12 mars
2013. Elle est le fruit de réflexions et de recherches personnelles, nourries d'éléments apportés durant
la réunion par d'autres membres du groupe.
 Texte
Il en sera comme d'un homme qui en partant pour un voyage appela ses serviteurs, et leur confia
ses biens. 15 Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité
et il partit en voyage. 16 Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir et en
gagna cinq autres. 17 De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. 18 Celui
qui n'en avait reçu qu'un alla faire un trou dans la terre et cacha l'argent de son maître.
19 Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et leur fit rendre compte. 20 Celui qui avait reçu
les cinq talents s'approcha en apportant cinq autres talents et dit : Seigneur, tu m'avais confié cinq
talents, en voici cinq autres que j'ai gagnés. 21 Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as
été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. 22 Celui qui
avait reçu les deux talents s'approcha aussi et dit : Seigneur, tu m'avais confié deux talents, en voici
deux autres que j'ai gagnés. 23 Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu
de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. 24 Celui qui n'avait reçu qu'un
talent s'approcha ensuite et dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu
n'as pas semé, et qui récoltes où tu n'as pas répandu ; 25 j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent
dans la terre ; voici, prends ce qui est à toi. 26 Son maître lui répondit : Serviteur mauvais et
paresseux, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé, et que je récolte où je n'ai pas répandu ;
27 il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers, et à mon retour j'aurais retiré ce qui est à
moi avec un intérêt. 28 Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents. 29 Car on
donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a.
30 Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des
grincements de dents.
14
Source : La Sainte Bible : nouvelle version Segond révisée. Villiers-le-Bel : Société biblique
française, 1978.
 Contexte
Cette parabole est précédée de celle dite des dix vierges, ou des vierges folles et vierges sages,
introduite par cette annonce : « Alors le Royaume des Cieux sera semblable à... ». Il est donc
essentiel de la replacer dans la perspective, qui introduit une comparaison à caractère didactique
entre le Royaume de Dieu et des situations que l'on peut rencontrer dans le royaume des hommes.
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 Structure
Ce texte comporte quatre parties cohérentes :
1)
2)
3)
4)
v. 14-15 : la confiance et le départ du maître
v. 16-18 : le travail des serviteurs
v. 19-28 : le retour du maître et la sentence
v. 29-30 : la conclusion de la parabole
 La confiance et le départ du maître (v. 14-15)
Il en sera comme d'un homme qui en partant pour un voyage appela ses serviteurs, et leur confia
ses biens. 15 Il donna cinq talents à l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité
et il partit en voyage.
14
L'homme dont il est question confie tous ses biens à trois serviteurs. Il s'agit d'une grande fortune,
puisqu'un talent représente à lui seul 6000 Francs-Or1. Dans une traduction en français courant,
on trouve, au lieu de 5 talents, 500 pièces d'or, au lieu de 2 talents, 200 pièces d'or, et au lieu d'un
talent, 100 pièces d'or2.
Le terme grec οίκέτης, que la Bible Segond traduit par « serviteurs », est le même que celui utilisé
pour désigner les esclaves3. Cela peut nous sembler étrange, mais dans l'Antiquité, certains
esclaves se voyaient investis de missions importantes. Le choix de cette scène n'est donc pas
fortuit. Tout comme le maître de la parabole, Dieu confie des talents même aux plus misérables. Il
nous confie sa Création, son Royaume. Le verbe que l'on trouve ici traduit par « confier », signifie
également « livrer » ; les talents confiés par le maître évoquent donc également le Christ livré sur
la Croix pour le salut du monde4.
L'expression « à chacun selon sa capacité » signifie littéralement « selon sa puissance »5 (δύναμις).
Cette formule est intéressante, car elle renvoie par antithèse à la faiblesse de l'homme, à son état de
pécheur.
Le départ du maître est, lui aussi, très symbolique. Il s'agit clairement d'une métaphore de la mort
du Christ et de son ascension. Voilà donc les trois serviteurs restés seuls, avec une mission à
accomplir, dont le maître se garde bien, tout du moins dans le récit, de préciser la nature.
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Tob
Segond, 1997 (en français courant)
Segond, 1978
Information donnée lors de la réunion du groupe œcuménique.
Segond, 1978 (voir note)
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 Le travail des serviteurs (v. 16-18)
Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir et en gagna cinq autres. 17 De
même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. 18 Celui qui n'en avait reçu qu'un
alla faire un trou dans la terre et cacha l'argent de son maître.
16
Selon les traductions, le serviteur qui a reçu cinq talents « s'en alla les faire valoir »6 ou « s'occupa
de les faire valoir »7. Deux nuances de sens qui insistent l'une sur la notion d'espace : le serviteur
de Dieu s'engage sur le Chemin, au sens réel et figuré, et l'autre, sur la notion d'investissement
temporel : il se consacre à faire valoir ses talents. En revanche, le troisième serviteur méprise
l'unique talent qui lui a été confié, et l'enterre.
La Bible Segond de 1978 nous indique en note que « dans cette parabole, le même mot grec est
traduit tantôt par maître, tantôt par seigneur »8. C'est par lui que l'image prend tout son sens, par
cette comparaison entre le maître sur terre et le Maître dans les cieux. Sans un niveau de lecture
métaphorique, le maître peut sembler impitoyable, et la morale du récit purement injuste. Par
cette parabole, Jésus nous invite à être fidèle à Dieu à travers les dons que l'on a reçus de lui, et
qu'il ne nous faut pas gâcher. Chacun doit s'engager à faire grandir le royaume de Dieu malgré les
risques et selon ses aptitudes.
Il semble d'ailleurs que le mot « talent » ait pris son sens figuré au XVIIe siècle, en référence
précisément à cette parabole9. Par talent, on entend une « disposition naturelle ou acquise »10, ce
qui résume à merveille le mécanisme à l'œuvre dans cette parabole. En effet, c'est en faisant
fructifier les talents reçus initialement que les hommes pourront voir naître en eux d'autres
talents, de nouvelles dispositions.
Saint Jean Chrysostome, dans ses commentaires du discours eschatologique de Jésus, définit le
telent comme « tout ce par quoi chacun peut contribuer à l'avantage de son frère, soit en le soutenant
de son autorité, soit en l'aidant de son argent, soit en l'assistant de ses conseils, soit en lui rendant tous
les autres services qu'il est capable de lui rendre »11 Il ajoute ensuite : « Rien n'est plus agréable à
Dieu que de sacrifier sa vie à l'utilité publique de tous ses frères. C'est pour cela que Dieu nous a
honorés de la raison... »12
Cette allusion à la raison peut être mise en lien avec le courant de pensée catholique dit
moderniste, ou des Lumières, qui reconnaît la nécessité pour l'homme d'user de sa raison, à
condition que celle-ci, reconnue comme un don de Dieu, reste subordonnée à la foi, et ne
devienne pas un objet de vanité13. En tant que telle, elle devient au contraire stérilisante, au même
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Tob
Liturgie catholique
Segond 1978 (voir note). Il s'agit vraisemblablement du terme κύριος, à l'origine du Kyrie liturgique.
DUBOIS J., MITTERAND H., DAUZAT A. Dictionnaire étymologique et historique du Français. Paris : Larousse,
1995. p. 749.
Id. Ibid.
Portail catholique sur les fins dernières. Le discours eschatologique de Jésus commenté par saint Jean
Chrysostome. Homélie 78 [en ligne]. <http://eschatologie.free.fr/docseglise/commentairespatrologie/4matt24.htm>
(consulté le 18 mars 2013).
Id. Ibid.
A ce sujet, voir GEFFRÉ Cl. La modernité : un défi pour le christianisme et l'Islam [en ligne].
<http://www.culture-et-foi.com/texteliberateur/claude_geffre.htm> (consulté le 5 avril 2013). « Il est incontestable
que dans un premier temps, la version dominante des rapports du christianisme et de la modernité fut celle de leur
exclusion réciproque. C’est surtout vrai du christianisme sous la forme du catholicisme romain. Le catholicisme
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titre que la corruption, qui s'oppose elle aussi à la logique du bien public14.
Ainsi, la fécondité n'est pas nécessairement celle de la chair. Elle peut être créativité des mains, de
l'esprit, services rendus à la communauté... autant de manières pour l'homme de servir Dieu et
son prochain dans le respect de la diversité des vocations de chacun, sans oublier que ces dons lui
viennent du Créateur, et qu'il serait vain et dangereux de s'en glorifier.
Le Seigneur nous invite également à savoir découvrir les talents des autres, à les mettre en valeur.
 Le retour du maître et la sentence (v. 19-28)
Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et leur fit rendre compte. 20 Celui qui avait reçu
les cinq talents s'approcha en apportant cinq autres talents et dit : Seigneur, tu m'avais confié cinq
talents, en voici cinq autres que j'ai gagnés. 21 Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as
été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. 22 Celui qui
avait reçu les deux talents s'approcha aussi et dit : Seigneur, tu m'avais confié deux talents, en voici
deux autres que j'ai gagnés. 23 Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu
de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. 24 Celui qui n'avait reçu qu'un
talent s'approcha ensuite et dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu
n'as pas semé, et qui récoltes où tu n'as pas répandu ; 25 j'ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent
dans la terre ; voici, prends ce qui est à toi. 26 Son maître lui répondit : Serviteur mauvais et
paresseux, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé, et que je récolte où je n'ai pas répandu ;
27 il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers, et à mon retour j'aurais retiré ce qui est à
moi avec un intérêt. 28 Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents.
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Le retour du maître n'est autre qu'une annonce du retour du Christ en gloire. La situation décrite
rappelle la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18.23). Il y est question d'« un roi qui voulut
faire rendre compte à ses serviteurs ». Littéralement, on pourrait traduire cette expression par
« voulut soulever le compte avec ses serviteurs »15, comme si Dieu soulevait notre âme pour voir ce
que nous cachons en dessous. C'est bel et bien du Jugement Dernier dont il est question ici, d'où le
caractère impitoyable du maître. Un moine du nom de Frère Elie en parle en ces termes : « un
jugement de salut à ceux à qui le Seigneur a confié dons et talents à faire fructifier durant son
absence. »16 Il conclut en affirmant que « cette parabole de Jésus oriente [...] notre attention sur le
temps qui s'étend entre son ascension au ciel et son retour dans la gloire, temps où l'homme a à
s'investir pour recevoir au jour du Jugement la couronne du salut. »17.
Le premier serviteur est qualifié de « fidèle en peu de choses »18 ou « fidèle pour peu de choses »19,
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s’est voulu résolument anti-moderne dans la mesure où la raison des Lumières sapait l’autorité de la révélation et
de la tradition [...]. [...] Après la crise moderniste, [...] il a fallu attendre Vatican II pour procéder à des
discernements et comprendre que la sécularisation ne s’identifie pas nécessairement au sécularisme athée, que la
liberté de conscience ne compromettait pas fatalement les droits d’une vérité objective. »
Réflexion apportée lors de la réunion du groupe œcuménique.
Segond, 1978 (voir note)
Frère Élie. Homélie du 17 novembre 2004 [en ligne]. <http://www.homelies.fr/homelie,,719.html> (page consultée
le 5 avril 2013).
Id. Ibid.
Segond, 1978 ; Tob
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suivant les traductions. L'emploi de la préposition « pour » met l'accent sur la notion d'échange.
La Bible Tob nous invite à « noter le paradoxe qui qualifie de peu de choses la somme énorme qui lui
a été confiée »20. On remarque également que le maître tient mot pour mot le même discours à
l'homme à qui il a confié cinq talents, et à l'homme qui n'en a reçu que deux. L'un comme l'autre
ont reçu, d'après lui, « peu de choses », et ont autant de mérite à ses yeux. En vérité, le Seigneur ne
compte pas : l'essentiel est de faire du fruit. La religieuse exégète Sœur Jeanne d'Arc l'exprime
d'ailleurs par cette phrase émouvante : « Tout le trésor du monde est si peu en face de la joie du
Seigneur »21.
« Je t'établirai sur beaucoup »22 est parfois remplacé par « je t'en confierai beaucoup »23. Nous
avons donc à la fois la notion de confiance accordée par Dieu aux hommes – Dieu « croit » en
nous, en notre capacité à le servir, comme nous avons foi en lui – mais également l 'assurance d'un
don ferme et stable, qui n'est pas sans évoquer celui du Royaume de Dieu.
De même, on trouve tantôt la formule « viens te réjouir avec ton maître »24, tantôt « entre dans la
joie de ton maître »25, cette dernière étant plus chargée de sens. Ainsi, le Seigneur ouvre les portes
de son Royaume à celui qui suit le chemin tracé, celui de la Vie Éternelle.
Pour qualifier le maître et en même temps se justifier, l'esclave désobéissant n'hésite pas à
employer des qualificatifs osés. Trois éditions différentes de la Bible, à savoir la traduction
officielle de la liturgie catholique, la Segond de 1978 et la Tob, s'accordent sur cette formulation :
« je savais que tu es un homme dur »26. Or, les règles de la concordance des temps voudraient, en
toute logique, que l'on formule cette phrase autrement : « Je savais que tu étais un homme dur ».
Pourquoi une telle licence au niveau de la conjugaison ? Y aurait-il dans cette réplique une
volonté de rappeler la notion de permanence divine en toute chose, de nous renvoyer au « Je suis
[celui qui suis] » ou au qualificatif « l'Éternel », formules par lesquelles peut être décodé le
tétragramme27 ?
Pourtant, on constate que le maître ne se défend pas, n'essaye pas, quant à lui, de se justifier. Au
contraire, il donne même l'impression d'appuyer les propos de son esclaves : « Tu savais que je
moissonne où je n'ai pas semé, et que je récolte où je n'ai pas répandu . » Ce fait interpelle, mais peut
s'expliquer par la suite de la réplique : « Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers », qui
renvoie au rôle du serviteur. Ce que Dieu avait a semé, il l'a semé en nous, et c'est notre rôle,
ensuite, de répandre le grain dont il nous a fait don. Mais au bout du compte, rien ne nous
appartient, ni les talents dont nous disposons, ni leur fruit. Tout, sans exception, revient à notre
Créateur, comme nous le montrent les différentes formules proposées en traduction des vers 20 et
22 : « tu as ce qui t'appartient »28, « prends ce qui est à toi »29, ou encore « le voici, tu as ton bien »30.
Le « mauvais serviteur » fait état de sa peur (v. 25 : « j'ai eu peur »31, « par peur, je suis allé cacher
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Tob
Citation recueillie lors de la réunion du groupe œcuménique.
Segond, 1978 ; Tob
Liturgie catholique
Tob
Segond, 1978 ; Liturgie catholique
Liturgie catholique ; Segond, 1978 ; Tob
Sur le « Je suis... », voir BEECHAM R. Bible Studies for Growth in God. Je suis [en ligne].
<http://growthingod.org.uk/JeSuis.htm> (consulté le 3 avril 2013).
Liturgie
Segond, 1978. L'apparat critique précise que la traduction littérale serait : « voici : tu as ce qui est à toi ».
Tob
Segond, 1978
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ton talent dans la terre »32). On le trouve d'ailleurs qualifié tantôt de « paresseux »33, tantôt de
« timoré »34. Polysémie intéressante, car tandis que l'esclave utilise sa peur pour se justifier,
refuser d'admettre sa faute, le maître la lui présente en retour comme un défaut, et même la cause
de sa chute. Ainsi, il est inutile de tricher avec Dieu, car il sait ce qu'il y a au fond de nous.
Il est curieux de constater que « timoré » est l'adjectif employé a contrario de « fidèle », celui dont
sont honorés les deux autres serviteurs. La peur serait-elle donc l'antithèse de la foi ? Est-ce par
crainte que l'on refuse d'accueillir la grâce divine, que l'on s'empresse de l'enterrer comme
l'esclave enterre son talent ?
 La conclusion de la parabole (v. 29-30)
Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même
ce qu'il a. 30 Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des
grincements de dents.
29
L'apparat critique de la Bible Tob voit dans le vers 29 une justification de la sentence prononcée
au vers 28, par laquelle « Jésus, à l'aide d'un proverbe, montre à la fois la rigueur du jugement et
l'inépuisable largesse de Dieu »35. On serait tenté, là encore, de trouver la sentence injuste, car si un
homme n'a rien, est-ce sa faute ? Or, qualifier l'homme d'un talent de quelqu'un qui n'a rien peut,
parallèlement, sembler contradictoire, de même que le fait de vouloir « ôter même ce qu'il a » à
« celui qui n'a rien ». Il a pourtant bien reçu quelque chose, à plus forte raison si on parle de le lui
enlever. Mais s'il n'a rien, n'est-ce pas parce qu'il s'est débarrassé de ce qu'il avait, qu'il s'en est
déresponsabilisé ? Le vers conclusif, dans certaines traductions, parle d'ailleurs du serviteur
comme d'un « bon à rien »36; c'est donc bien des actes dont il est question ici, et non des dons.
Enfin, la description sur laquelle s'achève la parabole, celle des « ténèbres du dehors où il y aura
des pleurs et des grincements de dents », si elle peut paraître, là encore, terrible et impitoyable,
évoque le désespoir de l'homme sans Dieu, de l'homme qui tourne le dos à la Lumière, qui refuse
de se laisser habiter par l'Esprit-Saint. Si le jugement présenté est aussi rigoureux, c'est peut-être
parce qu'ainsi que l'annonce Jésus, « tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais
le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. »37
Cynthia FABRY
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Tob
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