Eclairages - Etudes économiques du Crédit Agricole
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Eclairages - Etudes économiques du Crédit Agricole
Eclairages Eclairages Direction des Études Économiques Mensuel - N°125 Septembre 2008 Matières premières agricoles (2e partie) Hausse des cours : les gagnants et les perdants Flambée des cours des matières premières agricoles : le poids de la crise financière et des investisseurs 1 Matières premières agricoles : hausse des cours et formation des prix alimentaires, le cas de la France Matières premières agricoles : hausse des cours. Comment nourrir le monde ? Interview de Bernard Bachelier, directeur de FARM 8 11 Flambée des cours des matières premières agricoles : le poids de la crise financière et des investisseurs Les cours des matières premières sont en hausse continue depuis 2001. Ce mouvement s’est amplifié en 2007, plus particulièrement à partir du second semestre, après le déclenchement de la crise financière. Le renchérissement des prix des matières premières, qui s’inscrit en tendance depuis le début de la décennie s’explique par un déséquilibre croissant entre une demande dynamique, en particulier venant des pays émergents, et une offre qui répond plus lentement, avec en sus une baisse des stocks. D’autres facteurs spécifiques, tels la production de biocarburants qui dope la demande de certaines cultures vivrières (maïs, graines de colza, …), des taxes sur les exportations de certains produits, ou encore des aléas climatiques ou géopolitiques, ont certes pu également jouer. Mais ceci ne suffit pas à expliquer la récente accélération des cours. D’où l’idée de mesurer ici les rôles respectifs de la crise financière, de la baisse des taux d’intérêt, de la faiblesse du dollar et des investisseurs financiers (alias des spéculateurs) dans ce boom récent. La crise financière : simple choc ou facteur amplificateur ? Si la hausse tendancielle des prix des matières premières depuis 2001 s’explique par un déséquilibre croissant entre une demande mondiale dynamique, en particulier des pays émergents, et une offre rigide à court terme, sur fond de baisse des stocks, le rebond observé depuis le second semestre 2007 est difficile à expliquer par ces seuls fondamentaux. On note en outre qu’il coïncide avec le déclenchement de la crise des subprime et avec sa contagion à la plupart des autres segments des marchés financiers. Les deux phénomènes semblent donc liés, même si les canaux de transmission ne sont pas évidents. Du rôle des taux d’intérêt et de la chute du dollar Les effets de la crise financière sur les marchés des matières premières sont en effet contre intui- tifs. Comment peut-on expliquer que les prix des matières premières flambent, au moment même où les perspectives de croissance de l’économie mondiale s’assombrissent, synonymes d’une demande anticipée moins forte ? En principe, à offre inchangée, les cours devraient être soumis à des pressions baissières. On a en fait observé un Graphique 1 mouvement de sens contraire, au US$/bCrise financière: Fed Funds et prix du pétrole % 12 moins pendant 160 140 10 quelque temps, 120 certaines évolu- 100 8 tions financières 80 6 induites par la 60 4 crise ayant indi- 40 2 rectement affecté, 20 0 0 à la fois, l’offre et 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 la demande de Prix du baril de pétrole (WTI) Taux des Fed Funds (ech. dr.) matières premièSources : Datastream, Crédit Agricole SA res. Plus préciséN°125 – Septembre 2008 1 Eclairages Graphiques 2 & 3 Crise financière : dollar et pétrole (corrélation glissante sur deux ans des variations hebdomadaires) 0,2 0,1 0,0 -0,1 -0,2 -0,3 -0,4 88 90 92 94 96 98 00 Sources : Datastream, Crédit Agricole SA 02 04 06 08 ment, la transmission de la crise financière aux marchés des matières premières semble s’être opérée via les mouvements des taux d’intérêt et du dollar que cette crise financière exerce. Crise financière : dollar et pétrole D’abord, l’assouplissement de la 120 U sd 2008 politique moné100 taire de la Fed, 80 en réponse à la 60 crise financière, a 40 U sd 2001 influencé la dyna20 U sd 2008 - usd 2001 mique des prix 0 01 02 03 04 05 06 07 08 des matières prePrix du baril en usd 2008 (WTI) mières de pluPrix du baril en usd 2001 Ecart entre les prix 2008 - 2001 sieurs manières1. Sources : D atastream, Crédit Agricole SA Toutes choses égales par ailleurs, une baisse des taux d’intérêt 1. Voir Frankel (2006), « The entraîne en effet une hausse des cours, en dimieffect of Monetary Policy on Real Commodities Prices », nuant le coût de détention des stocks. Elle réduit NBER WP 12713. également l’attractivité des actifs monétaires, ce 2. Voir Borensztein et Reinqui peut pousser les investisseurs à s’en détourner hart (1994), “The Macroeconomic Determinants of Comau profit d’actifs liés aux matières premières, jugés modity Prices”, IMF Staff plus rémunérateurs. Si on prend l’exemple du péPaper, juin ; et l’annexe 1.2. du Chapitre 1 des Perspectitrole, sur le graphique 1, on constate que son prix ves de l’Economie Mondiale bondit au moment de la forte baisse des taux des du FMI (WEO) d’Avril 2008. Fed Funds (- 325 pdb en sept mois, dont -75 pdb u$/b 140 Tableau 1 Influence des variations des variables macroéconomiques sur les mouvements des cours des matières premières (période d'estimation : 1990 - fin 2007) Or Variation retardée… Spot Cycle OCDE Cycle Asie Taux court US Dollar Spot Cycle OCDE Cycle Asie Taux court US Dollar Pétrole Cuivre Blé Maïs 0,793 0,238 0,669 0,477 0,004 0,089 0,007 0,011 0,058 0,419 … 1 trimestre 0,028 0,042 0,129 0,028 0,283 0,016 0,404 0,009 0,153 0,044 0,032 0,535 0,021 0,826 0,073 0,288 1,000 0,143 0,971 0,005 0,291 0,839 0,169 0,726 0,032 … 1 an 0,317 0,964 0,158 0,727 0,128 0,361 0,905 0,206 0,414 0,013 0,834 0,914 0,468 0,217 0,484 Source : estimations des auteurs En gras en bleu : significatif. Les statistiques sont les risques de première espèce. Statistique < 0,10 : la variation retardée de la variable macroéconomique contient de l'information sur la variation observée du prix des matières premières à la période t. 2 N°125 – Septembre 2008 septembre-octobre 2007). Sur plus longue période, on constate que cette relation négative n’a pas toujours été vérifiée. Entre 2004 et 2006 notamment, la normalisation des taux des Fed Funds (passés de 1% à 5,25% en juin 2006) est intervenue sur fond de hausse continue du prix du pétrole et des matières premières en général. Ensuite, la dépréciation du dollar, résultant de la crise financière et des baisses des taux de la Fed, a contribué à l’augmentation du prix des matières premières. La transmission des mouvements du dollar vers les prix du pétrole se fait également via plusieurs canaux, impliquant des ajustements de l’offre et/ou de la demande, et donc du prix2. La plupart de ces produits sont en effet libellés en dollar, de sorte que sa dépréciation induit mécaniquement une déformation du pouvoir d’achat relatif entre des producteurs et des consommateurs hors zone dollar. Une dépréciation du billet vert stimule le pouvoir d’achat des consommateurs dans les pays hors zone dollar, ce qui accroît la demande émanant de ces pays. Elle réduit en même temps les revenus en monnaies locales des pays producteurs hors zone dollar, ce qui crée des pressions sur les prix. Les effets de transmission transitent également par un canal financier. La baisse du billet vert diminue le rendement en monnaie étrangère des actifs financiers libellés en dollar. Les investisseurs se portent alors vers les matières premières comme actifs de substitution qui donnent un rendement plus élevé. Par ailleurs, l’affaiblissement du dollar accroît le coût des intrants libellés en d’autres monnaies, ce qui renchérit l’inflation importée aux Etats-Unis. Les matières premières sont alors recherchées comme actif de couverture contre le risque inflationniste. Comme l’illustrent les graphiques 2 et 3, on observe une corrélation négative (plus ou moins forte) entre les variations à court terme du dollar et du prix du pétrole. Cette relation s’est renforcée sur la période récente, et plus généralement depuis 2002 dans la forte dépréciation du dollar. Cette relation laisse penser qu’une partie de la hausse du prix du pétrole est imputable à la dépréciation du dollar. Si le dollar était resté à son niveau de 2001, le prix du baril aurait normalement dû se situer autour de 90 USD en avril 2008, soit 20 USD en deçà du niveau observé. En d’autres termes, les mouvements du dollar expliqueraient environ 20 % de la hausse du prix du baril observée depuis 2002 (cf. graphique supra). Eclairages Quelle est l’influence réelle des facteurs macroéconomiques ? L’analyse précédente suggère que la crise financière et ses effets sur les taux et le dollar ont été une source potentielle de tensions sur les marchés des matières premières. Ceci permet de justifier ex-post les fluctuations du prix du baril. Reste à savoir si les mouvements des taux d’intérêt aux Etats-Unis et/ou la dépréciation du dollar ont été les seuls contributeurs aux hausses des cours. Les corrélations observées sur la période récente peuvent n’être que ponctuelles, et/ou le fait du hasard. Pour évaluer l’influence réelle des variations des taux d’intérêt et du dollar sur les évolutions des cours des matières premières à court terme, il faut donc regarder sur une période plus longue. Nous testons ces relations sur la période 1990 - fin 2007. Outre ces variables, nous évaluons également l’influence des cycles d’activité dans les pays développés et dans les pays émergents sur les cours des matières premières à court terme. ment (après un trimestre). Les cycles d’activité dans les pays OCDE influent également sur les variations des cours du pétrole, mais aussi du cuivre, après un trimestre. En revanche, les cours des matières premières agricoles sont très peu sensibles aux variations de la demande dans les pays avancés. Au total, ces résultats confortent l’analyse évoquée plus haut, selon laquelle les mouvements de taux et du dollar depuis la crise financière ont pu agir sur les fluctuations des prix de certaines matières premières à court terme. L’importance des mouvements de la demande mondiale, en particulier celle émanant des pays émergents, est également confirmée. Enfin, on notera, qu’à l’exception de l’or, les variations des prix spot des autres matières premières retenues sont influencées par leurs évolutions passées. Ceci traduit sans doute l’influence de « bruits » ou d’activités spéculatives sur ces marchés (par exemple, des comportements chartistes de certains opérateurs de marché fondant une partie de leurs anticipations sur les mouvements passés du cours). Le tableau 1 montre les résultats des tests de l’influence des variations des différentes variables macroéconomiques sur les fluctuations des cours des matières premières à court terme (un et qua- Le rôle des investisseurs financiers tre trimestres). et de la spéculation On constate que les variations du dollar exercent une influence sur les mouvements des Les facteurs macroéconomiques peuvent explicours des matières premières à court terme. El- quer les tendances, et même une partie des variales affectent en particulier les évolutions des prix tions des prix des matières premières sur un horidu blé, du maïs et de l’or à horizon d’un trimes- zon plus ou moins court. Néanmoins, d’autres tre. Les effets d’une baisse du dollar sur les prix facteurs entrent en jeu pour expliquer leurs flucdu pétrole mettent plus de temps avec un déca- tuations à très court terme (mensuels, hebdomalage d’environ une année. Ceci suggère que les daires et journaliers). En particulier, l’attrait des ajustements de l’offre et de la demande mettent matières premières comme actif financier s’est en moyenne plus de temps avant d’impliquer un fortement renforcé depuis le début des années mouvement des prix du pétrole. Ce résultat mon- 2000, ce qui a pu contribuer à la hausse des tre en outre que les fluctuations des cours du pé- cours. trole observées récemment sont Test de prévisibilité des variations des prix des matières premières exceptionnelles. Les variations Pour évaluer l’influence des variables macroOù X t-1 est un vecteur de variables connues des taux d’intérêt à court terme économiques sur les évolutions à court terme avant la période t susceptibles de permettre de américains influencent également des prix des matières premières, nous utilisons prévoir la variation des prix des matières preles mouvements des prix du pé- l’approche proposée par Hamilton (2008)1. Ce mières au trimestre t. Le test consiste à vérifier trole et du cuivre à court terme test consiste à vérifier si les variations passées la significativité du coefficient. Ce dernier est de différentes variables macroéconomiques significatif lorsque la probabilité associée à (un trimestre). contiennent de l’information sur l’évolution à la l’hypothèse nulle (absence de relation statistiLes cycles d’activité ont un impact sur les fluctuations de court terme des prix des matières premières. Les cours du pétrole et des matières premières agricoles (blé et maïs) sont sensibles à l’évolution de l’activité dans les pays asiatiques et ce très rapide- période courante du prix du pétrole. Autrement dit, est-ce que les mouvements passés des variables peuvent aider à la prévision des évolutions du cours. Nous avons élargi l’approche aux autres prix des matières premières et à plusieurs variables macroéconomiques. Nous avons estimé la régression suivante sur la période 1990 – fin 2007 : ∆ p t = β ′x t − 1 + ε t que) est inférieure à 0,10 (cf. tableau infra). Les variables testées sont les variations retardées (1 et 4 trimestres) du prix spot, du taux court américain (3 mois), du taux de change effectif nominal du dollar, de la production industrielle des pays OCDE ou de la production industrielle moyenne asiatique (Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Taiwan). 1. Hamilton J. D. (2008), “Understanding Crude oil Prices”. N°125 – Septembre 2008 3 Eclairages L’importance croissante des investisseurs financiers La principale source d’information sur les activités de marchés des matières premières vient du Commitments of Traders (COT), publié par la Commission de contrôle des marchés à terme aux Graphiques 4 & 5 Etats-Unis (CFTC, Positions spéculatives - Pétrole brut milliers Commodity FutuPositions totales et non commerciales = courtes +longues contrats res Trading Com3300 mission). Celui-ci 2800 fournit chaque 2300 semaine (mardi) 1800 les statistiques 1300 des contrats à ter800 mes des acteurs 300 -200 commerciaux et 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 non commerciaux Totales N on commerciales sur les matières Sources : N ymex, Bloomberg, Crédit Agricole SA premières aux Positions spéculatives - Blé milliers Etats-Unis (cf. contrats Positions totales et non commerciales = courtes +longues Eclairages N° 1200 124)3. 1000 Le COT montre 800 que le nombre de 600 contrats commer400 ciaux et non com200 merciaux a considérablement aug0 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 menté depuis le Totales N on commerciales début de la déSources : CEI, Bloomberg, Crédit Agricole SA cennie. On consGraphiques 6 & 7 tate que le nomPositions spéculatives - Pétrole brut bre de positions m illiers positions longues nettes non commerciales = solde positif $/b co ntrats longues nettes 160 150 non commercia125 140 100 les – dites posi120 75 100 tions spéculatives 50 80 – a fortement aug25 60 0 menté en termes 40 -25 absolus, ce qui 20 -50 peut être le signe -75 0 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 d’un accroissePosition nette Tendance (filtre H P) WTI (dr.) ment d’une activiSources : N ymex, Bloomberg, Crédit Agricole SA té spéculative sur Positions spéculatives et prix spot ces marchés. De (corrélations glissantes des variations milliers plus, leur part contrats hebdomadaires sur 24 semaines) 1,0 dans le total des 0,8 contrats à terme 0,6 0,4 (courts plus longs) 0,2 est également en 0,0 -0,2 forte hausse. La -0,4 part des contrats -0,6 non commerciaux -0,8 -1,0 sur le pétrole (sur 00 01 02 03 04 05 06 07 08 le Nymex) est P ét role Maïs Blé S ources : CE I, Bloombe rg , Crédit Agricole SA passée de 8 % en 4 N°125 – Septembre 2008 1997 à plus de 16 % en 2007. Sur les autres matières premières, comme le blé notamment, où la part des contrats non commerciaux était déjà élevée, elle a également continué à augmenter, passant de 20 % à plus de 25 % au cours de la même période. Le développement de l’activité sur les marchés à termes a pu affecter les évolutions des cours. Selon le CFTC, les prix de plusieurs matières premières (notamment agricoles) sur les marchés au comptant (« spot ») et sur les marchés des contrats à livraison différée (« forward ») sont en effet basés sur les prix des contrats à termes (« futures »)4. D’ailleurs, on observe une corrélation positive entre les évolutions des positions nettes non commerciales (spéculatives) et les fluctuations des cours de la plupart des matières premières. Cette relation semble s’être renforcée sur la période récente. Les positions spéculatives nettes sur le pétrole ont augmenté de 156 % entre septembre 2007 et mars 2008 (le pic le plus récent). Au cours de cette période, le baril de pétrole (WTI) a bondi de plus de 30 USD. Sur les marchés des autres matières premières, comme le blé ou le maïs, on observe des évolutions identiques. Tous ces éléments suggèrent un accroissement de l’activité spéculative sur les marchés des matières premières sur la période récente. Les investisseurs sur indices : nouveaux investisseurs ou simples spéculateurs ? Pour certaines matières premières, la distinction entre acteurs commerciaux et non commerciaux est devenue obsolète. Les pratiques de trading ont fortement évolué, de sorte qu’il est devenu de plus en plus difficile de distinguer les acteurs en se basant uniquement sur le fait qu’ils réalisent des opérations de couverture ou non. Depuis janvier 2007, la CFTC a ainsi décidé de publier un rapport supplémentaire (COT Supplemental Reports) distinguant une nouvelle catégorie d’acteurs (uniquement sur les marchés des futurs sur matières premières agricoles) qui fait des choix d’allocation d’actifs en s’appuyant sur des indices composites de matières premières – « Index Traders ». La stratégie d’investissement de ces intervenants consiste en particulier à allouer leurs fonds en se basant sur des indices composites représentatifs de la performance d’un panier de contrats à terme sur matières premières, du type Standard & Poor – Goldman Sachs Commodity Index ou Dow Jones – AIG Commodity Index. Ces investisseurs pouvaient auparavant être classés dans les catégories non-commerciales ou Eclairages commerciales. Les investisseurs issus de la catégorie non-commerciale sont essentiellement les gestionnaires d’actifs, les fonds de pensions, les fonds souverains et les autres investisseurs institutionnels. Ces derniers considèrent les matières premières comme une classe d’actifs à part entière. Ils pratiquent généralement une gestion passive, consistant à répliquer les performances des grands indices de matières premières. Les acteurs issus de la catégorie commerciale sont ceux dont les positions reflètent en grande partie les opérations de couverture de transactions impliquant des indices de matières premières. Cette nouvelle catégorie d’acteurs peut avoir perturbé les marchés des matières premières et contribué à amplifier la hausse des cours. Une communication récente devant le Sénat américain explique comment la demande de contrats futurs de ces nouveaux investisseurs explique en partie la hausse récente des prix spot5. Plusieurs raisons sont avancées : • Les décisions de placement de ces investisseurs institutionnels sont motivées essentiellement par des considérations d’allocations d’actifs. Le prix importe peu. L’absence de sensibilité aux évolutions des prix accroît l’impact de leurs achats sur les prix des matières premières ; • Les marchés de contrats à terme sur les matières premières sont étroits. Des mouvements importants de fonds de ces investisseurs vers ces marchés à terme peuvent avoir un impact fort sur les prix ; • La stratégie de ces investisseurs consiste à acheter des contrats futurs et à renouveler leurs positions longues. Ceci suggère qu’ils anticipent des hausses de prix à long terme. Le dernier point est important. Il permet sans doute de mieux comprendre le débat autour de la question de savoir si la hausse des prix des matières premières résulte ou non de la spéculation. En effet, si on s’en tient à la définition de la CFTC, le spéculateur sur les marchés à terme des matières premières est défini comment étant « un acteur qui ne réalise pas des opérations de couverture, mais intervient sur le marché dans le but de réaliser des profits en pariant sur les évolutions des cours ». Ce spéculateur « traditionnel » aura plutôt tendance à avoir un horizon d’investissement très court (hebdomadaire, journalier ou intrajournalier). En outre, une fois l’objectif de profit réalisé, la position est liquidée. Les investisseurs institutionnels, se basant sur les indices composites sur matières premières, ne Graphique 8 sont pas dans Matières premières et marchés actions cette logique (corrélation glissante sur deux ans puisqu’ils conserdes variations hebdomadaires) vent des posi- 0,4 0,3 tions longues et 0,2 stables et ceci 0,1 0,0 q u e l l e s q u e -0,1 -0,2 soient les évolu-0,3 tions des prix. Le -0,4 terme de spécu- -0,5 88 90 92 94 96 98 00 02 04 06 08 lation avec sa Corrélation entre les indices MSCI monde et S&P GSCI Commodity connotation Sources : Datastream, Crédit Agricole SA « court termiste » paraît ici impropre dans la mesure où il s’agit 3. Les acteurs commerciaux effectuent essentiellement d’un pari à long terme sur l’orientation haussière des opérations de couverture du prix des matières premières. Ces nouveaux (producteurs, fournisseurs, ou commerçants investisseurs misent sur la poursuite d’une crois- courtiers détenant des matières presance dynamique dans les pays émergents, donc mières ou entreprises de Les acteurs sur le maintien d’une forte demande de matières transformation). non commerciaux premières. Par ailleurs, une partie de ces opéra- (institutions ou particuliers) teurs réalisent des investissements de long terme réalisent des opérations n’ayant pas de liens directs sur ces marchés afin de diversifier leurs porte- avec les matières premières feuilles face aux aléas boursiers. Dans ce cas, il (production ou vente) et intervenant sur le marché ne s’agit pas de pure spéculation, mais au pour des motifs autres que des opérations de couverture. contraire de gestion diversifiée. Quelles sont les motivations de ces nouveaux investisseurs financiers ? Plusieurs facteurs financiers peuvent avoir motivé les décisions d’investissement sur les marchés des matières premières. Le retournement des marchés boursiers, entre 2000 et 2002, a sans doute été un catalyseur en poussant les investisseurs à rechercher d’autres actifs plus rémunérateurs. Les marchés à termes de matières premières présentent également l’avantage d’assurer une bonne diversification des portefeuilles vu la décorrélation historique de leur rendement avec ceux des autres classes d’actifs (actions et obligations). Le tableau 2 présente l’estimation de plusieurs variables financières qui ont pu influencer les décisions d’investissement sur les marchés des matières premières depuis 2001, en distinguant deux sous périodes : le début du boom des prix en 2001-2004 et la nouvelle phase d’accélération en 2005-20086. Formellement, il s’agit de régresser le ratio des positions spéculatives sur les positions ouvertes totales sur différentes variables financières qui traduisent l’arbitrage des investisseurs entre différentes classes d’actifs (diversification, couple risque/rendement, couverture…). Les résultats font apparaître les éléments suivants : • les motifs d’investissement diffèrent beaucoup Leurs opérations sur les marchés à termes consistent à parier sur les évolutions des cours. Autrement dit, il s’agit de spéculateurs. Voir http:// w w w . c f t c . g o v / educationcenter/ economicpurpose.html. 4. “Futures contracts are often relied on for price discovery as well as for hedging. In many physical commodities (especially agricultural commodities), cash market participants base spot and forward prices on the futures prices that are “discovered” in the competitive, open auction market of a futures exchange”. http:// w w w . c f t c . g o v / educationcenter/ economicpurpose.html 5. Voir Masters M. (2008), Testimony before the Committee on Homeland Security and Governmental Affairs, United States Senate, 20 mai. 6. Nous retenons la méthodologie de Domanski et Heath (2007), « Financial Investors and Commodity Markets », revue trimestrielle de la BRI, avril. N°125 – Septembre 2008 5 Eclairages Tableau 2 Estim ation des déterm inants de l'activité spéculative sur les m archés des m atières prem ières (1) Période: 01/2001 - 12/2004 S igne Rendement (2) Roll (3) Volatilité (4) Taux d'interêt (5) Corrélation bourse (6) Inflation anticipée (7) R² + + + Or Pétrole Cuivre Blé Ma ïs coefficients coefficients coefficients coefficients coefficients -0,31 0,06 0,10 1,00 0,26 -3,38 1,35 -0,26 0,30 0,89 -8,44 -0,40 -0,10 14,22 14,31 -3,69 -0,07 -2,40 -15,82 -9,65 -0,20 0,00 0,16 -0,11 -0,26 0,04 -0,05 0,08 -0,05 0,27 0,60 0,57 0,65 0,55 0,49 Estim ation des déterm inants de l'activité spéculative sur les m archés des m atières prem ières (1) Période: 01/2005 - 04/2008 S igne Rendement (2) Roll (3) Volatilité (4) Taux d'interêt (5) Corrélation bourse (6) Inflation anticipée (7) R² + + + Or Pétrole Cuivre Blé Ma ïs coefficients coefficients coefficients coefficients coefficients 0,26 0,03 0,17 0,11 0,13 -2,16 0,35 -1,11 -1,93 1,17 0,26 -13,00 -2,52 2,92 3,29 1,95 -0,45 -0,12 -24,16 5,01 -0,60 -0,06 -0,32 0,17 0,21 0,14 0,00 0,04 0,29 0,04 0,49 0,25 0,73 0,79 0,60 gère que les investisseurs se tournent davantage vers ces matières premières pour se couvrir contre le risque inflation. Quelle est l’influence de la spéculation ? L’analyse des corrélations ne suffit pas pour établir si les fortes variations des cours des matières premières observées sur la période récente sont le résultat d’une activité spéculative ou si c’est le contraire. Pour appréhender le sens de la relation, nous avons donc effectué des tests de « causalité au sens de Granger » entre mouvements des positions spéculatives et évolutions des cours de plusieurs catégories de matières premières sur les dix dernières années7. Source : Bloomberg, D ata stre am, Estimations CA En g ra s en bleu : sig nificatif et signe correct ; en gras en noir : significa tif mais signe incorre ct. Afin de préciser l’influence de la spéculation, les tests ont été effectués sur trois (3) : Roll : rendement de s renouv elleme nts des positions futures passées (mm 20 mois (spot - prix futur 3 mois) /spot) sous-périodes correspondant à des fluctua(4) : Volatilité : écarts-ty pes glissants sur 20 mois de la v ariation hébdomadaire du future 3 mois (5) : Taux d'inté rê t : moyenne des taux 3 mois U S , U EM et U K tions plus ou moins importantes à la fois (6) : Corré lation bourse : Corrélations glissantes sur 5 ans de s glisseme nts annue l du spot et du MS CI monde des cours et des positions spéculatives. La (7) : Inflation anticipé e : écart entre le s taux 10 indé xé s e t nominal U S première sous-période est caractérisée par selon les matières premières. Les variables signifi- une relative stabilité de l’évolution des prix des catives et/ou avec le signe attendu ne sont pas les matières premières (1997-2001) ; dans la deuxième, les cours enregistrent une hausse promêmes pour toutes les matières premières. gressive et modérée (2001-2005) ; dans la troi• La recherche de diversification de long terme semble avoir été un motif important d’investisse- sième (2005-début 2008), les prix flambent. ment sur les marchés à terme du pétrole, de l’or et du cuivre au cours de la période récente Les résultats des tests de causalité suggèrent que, (2005-2008). La corrélation entre les rendements sur les trois sous-périodes, les mouvements spédes matières premières (indice composite S&P culatifs n’ont pas déterminé les variations des GSCI) et les marchés actions (MSCI monde) res- prix spot. Pour quasiment toutes les matières presort avec un signe négatif. Pour les positions spé- mières retenues, les mouvements des positions culatives sur les matières premières agricoles en spéculatives ne font que suivre les fluctuations revanche, l’opportunité de diversification par rap- des cours. En d’autres termes, c’est la hausse des 7. Les tests de causalité au port aux marchés actions semble plutôt avoir prix qui influence les positions prises sur les sens de Granger entre X et Y mesurent en fait si l’informamarchés des matières premières, non le joué juste après le krach boursier (2001-2004). tion contenue dans la variacontraire. Les spéculateurs auraient ainsi simple• Les stratégies d’investissement à court terme ont ble X précède celle contenue davantage joué au début de la hausse des cours ment parié sur la poursuite des tendances obserdans la variable Y et vice versa. Ainsi, on dira que X des matières premières (2001-2004). Pour toutes vées sur les prix courants. cause Y au sens de Granger, les matières premières, le coefficient des taux si la prévision de Y à partir de son évolution passée peut d’intérêt à court terme, qui est un coût d’opportu- Sur la période récente, le pétrole fait figure d’exêtre améliorée en tenant nité pour l’investisseur, a le signe négatif attendu. ception. En effet, les tests montrent une double compte des valeurs passées de X. Il ne s’agit en aucun cas Les positions spéculatives répondent aux varia- causalité entre les mouvements des cours du péd’une causalité au sens usuel. tions de rendements à court terme (variations trole et variations des positions spéculatives. La Plus formellement, les tests mensuelles des prix spot) surtout au cours de la hausse du prix du pétrole et la spéculation s’alide causalité sont effectués à l’aide d’un modèle vectoriel première période (coefficient plus élevé avec le mentent mutuellement. Dit autrement, les spécuautorégressif (VAR) avec deux signe attendu). Ceci est surtout vrai pour le blé et lateurs pétroliers parient sur des hausses de retards. Pour chaque matière première, le modèle comle maïs. cours, ce qui fait monter les prix et alimentent prend les positions spéculati• Le coefficient des anticipations inflationnistes de nouvelles positions spéculatives et ainsi de ves et le prix courant (spot) est positif, ce qui indique que les matières pre- suite… Pour les autres matières premières, l’or et de chaque mardi. Les tests effectués avec la moyenne du mières sont bien utilisées pour se couvrir contre le blé notamment, même sur la période récente, cours du lundi et du mardi l’inflation. On note que les coefficients des prix les positions spéculatives suivent les évolutions donnaient qualitativement les mêmes résultats. du pétrole et de l’or sont significatifs, ce qui sug- des cours, non l’inverse. On obtient les mêmes (1) : Variable dépendante : ratio positions nette s non comme rciales/postions ouverte s totale s (2) : Rendement : Variation mensue lle du spot 6 N°125 – Septembre 2008 Eclairages conclusions lorsque des tests sont effectués sur l’écart entre le cours et sa tendance, calculée à l’aide d’un filtre HP. Ce dernier test est sans doute plus pertinent pour appréhender les phénomènes purement spéculatifs. On peut en effet penser que la spéculation ne joue qu’à la marge, les fondamentaux guidant la tendance. Il convient enfin de préciser que les positions non commerciales prennent en considération les investisseurs sur indices (notamment les fonds de pensions ou gestionnaires d’actifs) qui, comme on l’a vu plus haut, ont un comportement qui ne peut être assimilé à une activité spéculative au sens strict. Conclusion En définitive, la hausse récente des cours des différentes catégories de matières premières est liée à une conjonction de facteurs. Les fondamentaux (demande dynamique face à une offre plus ou mois rigide) ont joué un rôle central en guidant la tendance haussière. Fort de ces évolutions tendancielles les investisseurs, ont alors choisi d’accroître leur exposition aux matières premières. Ceci a été, également pour eux une manière d’échapper à la déprime régnant sur la plupart des autres marchés (actions, crédit, immobilier, etc.). L’ensemble a pu être un accélérateur de tendance. Cependant, l’accroissement de l’activité sur les marchés à terme des matières premières n’a généralement pas influencé le prix courant des matières premières. Les résultats des tests de causalité montrent que les évolutions de cours ont précédé celles des positions spéculatives. Ainsi, la hausse des prix des matières premières s’explique essentiellement par les mouvements des fondamentaux. D’autres facteurs exogènes (aléas climatiques, géopolitiques, etc.) ont pu jouer, mais seulement à la marge. Le pétrole fait alors figure d’exception. Les tests statistiques montrent, et de manière significative, que la spéculation a bien joué un rôle sur les évolutions récentes des cours. Donc, si l’accélération récente de la hausse des prix du pétrole résulte en partie de l’activité spéculative sur les marchés à terme, une correction est à attendre. Surtout au moment où les fondamentaux vont dans le sens d’une baisse des prix à court terme. Le ralentissement économique à l’œuvre devrait finir par induire une baisse de la demande globale, synonyme de pétrole moins cher. Il convient dans tous les cas de rester prudent, le terrain de la prévision de prix des matières pre- mières étant particulièrement glissant… On peut à cet égard noter que l’identification du rôle des investisseurs financiers à la hausse des cours des matières premières est rendue difficile par le manque d’informations. La CFTC ne publie ses statistiques qu’une fois par semaine (chaque mardi), ce qui ne permet pas d’appréhender l’activité spéculative qui peut être intense en fréquence quotidienne et intra-journalière. Par ailleurs, les données détaillées par acteurs, notamment les « traders sur indice » ne sont pas accessibles pour la plupart des matières premières (sauf agricoles), alors que plusieurs éléments montrent leur importance croissante. Olivier BIZIMANA [email protected] Isabelle JOB [email protected] Tableaux 3 & 4 Tests de Causalité au sens de Granger : cours des matières premières et positions spéculatives Causalité positions spéculatives vers prix de l'or prix de l'or vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du pétrole prix du pétrole vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du cuivre prix du cuivre vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du blé prix du blé vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du ma ïs prix du ma ïs vers positions spéculatives 06/1/1997 01/01/2001 01/01/2001 27/12/2004 1/03/2005 2/04/2008 0,157 0,577 0,548 0,058 0,061 0,010 0,094 0,126 0,095 0,043 0,527 0,037 0,907 0,184 0,435 0,799 0,305 0,006 0,037 0,000 0,747 0,568 0,095 0,048 0,827 0,742 0,336 0,082 0,751 0,138 Source : estimations des auteurs En gras en bleu : significatif. Les statistiques sont les risques de première espèce. Statistique < 0,10 : la causalité va de la première variable vers la seconde Causalité au sens de Granger: écart prix spot - tendance (Filtre HP) et positions spéculatives 06/1/1997 01/01/2001 Causalité positions spéculatives vers prix de l'or prix de l'or vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du pétrole prix du pétrole vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du cuivre prix du cuivre vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du blé prix du blé vers positions spéculatives positions spéculatives vers prix du ma ïs prix du ma ïs vers positions spéculatives 0,126 0,018 0,584 0,000 0,173 0,000 0,123 0,001 0,755 0,818 01/01/2001 - 1/03/2005 27/12/2004 2/04/2008 0,303 0,000 0,643 0,000 0,741 0,002 0,328 0,000 0,789 0,054 0,674 0,024 0,080 0,015 0,207 0,353 0,348 0,009 0,193 0,802 Source : estimations des auteurs En gras en bleu : significatif. Les statistiques sont les risques de première espèce. Statistique < 0,10 : la causalité va de la première variable vers la seconde N°125 – Septembre 2008 7 Eclairages Matières premières agricoles : hausse des cours et formation des prix alimentaires, le cas de la France La hausse des cours des matières premières agricoles induit, au moins partiellement, une hausse du prix des produits alimentaires. L’évolution récente des prix de certains produits symboliques a frappé les esprits par son ampleur. Dans un pays développé, c’est le pouvoir d’achat des catégories sociales les plus fragiles qui est touché en premier lieu et l’on reparle d’inflation. Les négociations de prix entre fournisseurs et distributeurs sur le marché alimentaire sont en porte-à-faux vis-à-vis de ces évolutions. Face à des nécessités nouvelles, les cadres institués tant pour les relations commerciales que pour les structures de distribution paraissent de plus en plus étroits. conditions générales de ventes (fournisseurs) non discriminatoires. Une hausse soudaine et atypique des prix alimentaires marque les négociations commerciales 2008 1. Soit le prix catalogue du fournisseur stipulé par ses conditions générales de ventes (CGV), net i) de remise ii) de ristourne iii) de coopération commerciale. Le seuil de revente à perte défini par la loi Galland étant un prix de facture, il s’agissait essentiellement d’un prix net de remise, de ce fait de plus en plus éloigné du prix de transaction réel entre fournisseur et distributeur à mesure que la coopération commerciale, inapparente sur facture de livraison et donc non déductible, s’est développée. La coopération commerciale constitutive des « marges arrières » a pu atteindre un niveau moyen de l’ordre de 33 % du prix net fournisseur. Fin février 2008, l’INC publiait, à l’approche du salon de l’agriculture, une enquête qui mettait en évidence l’envolée des tarifs en magasins de produits alimentaires de base, répertoriés auprès des enseignes de la grande distribution : de 5 à 48 % de hausses de prix en trois mois, entre novembre 2007 et janvier 2008. Aussitôt, les pouvoirs publics diligentaient une série d’enquêtes afin notamment de savoir qui, des industriels ou des distributeurs, était responsable de cette flambée des prix. La DGCCRF enquêtera sur le terrain et attribuera aux hausses tarifaires de la campagne 2008 une proportion plus réduite que celle décrite par l’INC via son magazine « 60 millions de consommateurs ». Car il y a bien en France une notion de « campagne » pour les prix alimentaires, issus de négociations annuelles encadrées dans leur calendrier et dans leurs procédures par la loi, par le titre IV du Code de commerce. Depuis 2004, des efforts constants sont faits pour simplifier, voire démanteler cet édifice qui régit les relations entre fournisseurs et distributeurs, sur deux socles : l’interdiction de la revente à perte ; l’existence de Graphique 1 Indice des prix à la consommation, indice d'ensemble et indice des prix alimentaires 135 130 125 Dans le but de régler le problème de l’inflation alimentaire, un phénomène dont l’ampleur serait spécifique à la France, les pouvoirs publics ont décidé d’éliminer tous les mécanismes opaques qui permettraient aux acteurs du commerce d’élaborer des niveaux de prix sans justification économique. La réforme dite de « modernisation de l’économie » est débattue devant le parlement depuis le 2 juin. Elle devrait notamment introduire la possibilité pour les centrales d’achat de négocier librement les tarifs proposés par les industriel : négocier le prix dit « triple net »1, prix de vente réel des fournisseurs, à l’identification complexe. On a déjà observé en France une hausse des prix alimentaires, atypique, distincte des évolutions générales des prix, à l’occasion – probablement – du passage à l’euro. Dès janvier 2001, les prix alimentaires ont divergé sur une période qui a pris fin à l’automne 2004. C’est un phénomène extérieur au marché qui ouvre et ferme la période : en septembre 2004, les pouvoirs publics enjoignent aux partenaires de la négociation commerciale d’agir sur le prix consommateur des produits de grande consommation (accords Sarkozy). A chaque fois, un phénomène catalyseur déclenche une évolution plus durable des niveaux de prix, ceuxci étant orientés soit par des stratégies de part de marché, soit par des phénomènes d’anticipation ou de précaution (cf. graphique 1). 120 115 110 105 N°125 – Septembre 2008 janv-08 avr- 08 IPC produits alimentaires boissons Source : Insee ; indice des prix alimentaires et boissons hors boissons alcoolisées 8 juil-07 juil-06 janv-07 janv-06 juil-05 janv-05 juil-04 juil-03 Prix à la consommation Ensemble janv-04 janv-03 juil-02 juil-01 janv-02 janv-01 juil-00 janv-00 100 A partir de l’automne 2007, un « choc tarifaire » semble s’esquisser, comparable à celui du printemps 2001. Rien d’étonnant en principe, puisqu’en amont les matières premières agricoles n’ont jamais été aussi chères depuis longtemps. Au travers de l’indice des prix agricoles à la production (IPPAP), la hausse globale des prix des matières premières agricoles est de plus de 22 % entre Eclairages mars 2007 et mars 2008. Les industriels réagissent sur leurs tarifs. Leur indice de prix à la production enregistre une hausse de 9,2 % sur la même période. Enfin l’indice des prix à la consommation, l’indice des commerçants, progresse de 5,6 % de mars 2007 à mars 2008. Importantes en elles-mêmes, ces hausses ont surtout la caractéristique de rompre avec une période de modération des prix relatifs, fréquemment orientés à la baisse depuis fin 2004 (cf. graphique 2). Ces hausses paraissent cohérentes avec l’idée que les matières premières représenteraient en moyenne 50 % du prix de vente des industriels de l’agroalimentaire en France 2 . Cette « moyenne », recouvrant des situations très diverses, paraît très élevée s’agissant en tout cas des pays développés où le degré de transformation des produits de base est élevé. Un rapport récent3 évoque une fourchette de 25 à 35 % du prix de vente pour la part des produits agricoles dans les denrées alimentaires. Le blé ne rentre ainsi que pour 5 à 6 % du prix d’une baguette, représentatif pour l’essentiel d’une prestation de service, composante qui joue un rôle amortisseur puissant par rapport aux fluctuations des coûts matières (cf. graphique 3). Par contre, le litre de lait en rayon ne pourra cacher sa proximité avec la matière première et son statut de produit frais, quel que soit le fournisseur, quel que soit le circuit de distribution. La répercussion de la hausse du coût de la matière lait est immédiate ; si elle est lissée en période de faible fluctuation, les variations de grande amplitude sont répercutées à environ 50 % dans le prix final du produit consommateur (cf. graphique 4). Cependant tout lien direct entre le prix des matières premières agricoles et le prix des produits alimentaires est particulièrement délicat à établir dans une période de hausse généralisée des matières premières non agricoles, utilisées comme intrants dans les emballages par exemple, ainsi surtout que du coût de l’énergie et des transports. Si on se réfère aux instruments les plus éprouvés pour suivre l’évolution des prix, on peut supposer une répercussion quasi-complète des hausses de prix des matières premières agricoles, de l’énergie, du transport et du stockage, mais pas véritablement de dérive au-delà de l’ajustement de prix relatif, dérive inflationniste telle que la suggère, parmi d’autres, la communication de l’INC. C’est ponctuellement que certains produits ont pu illustrer ce type de dérive. Graphique 2 Indices des prix : prix à la production (agriculture et IAA) et prix à la consommation (alimentaire) 2,0% Janvier 2005 - mars 2008 (glissement mensuel de la moyenne 12 mois) 1,5% 1,0% 0,5% 0,0% -0,5% -1,0% janv-05 mai-05 sept-05 janv-06 mai-06 sept-06 janv-07 mai-07 sept-07 janv-08 Prix agricoles Production Source : Insee, Crédit Agricole S.A. Prix des IAA Par ailleurs, la transmission des hausses de prix matière au prix final indique qu’il y a tentative de maintien des marges dans la filière aval, tant chez les industriels que chez les distributeurs. Ce maintien des marges reste possible tant que les évolutions des volumes vendus ne sont pas sanctionnées. Le discours des pouvoirs publics est de souligner que les hausses de prix alimentaires sont inférieures sur les marchés voisins (notamment en Allemagne). Les hausses imputées ici aux matières premières y seraient donc mieux absorbées4. Ce sont les insuffisances des mécanismes concurrentiels en France qui sont visées, de manière specta- IPC alimentation 2. Diverses sources industrielles. 3. OCDE / FAO Perspectives agricoles 2008-2017. 4. Pour les acteurs de l’aval industriel, les coûts matière convergent vers des prix de marché mondiaux et sont donc largement comparables. Graphiques 3 & 4 Céréales et pain prix à la production - prix à la consommation (grlissement mensuel de la moyenne 12 mois; janvier 2006-mars 2008) 6,0% 4,0% 2,0% 0,0% -2,0% janv-06 mai-06 sept-06 janv-07 mai-07 sept-07 janv-08 Céréales production Pain consommation Source : Insee, Crédit Agricole S.A. Prix du lait : cours à la production et prix à la consommation (février 2001-avril 2008) (glissement mensuel de la moyenne 12 mois) 3,0% 2,5% 2,0% 1,5% 1,0% 0,5% 0,0% -0,5% -1,0% févr-01 févr-02 févr-03 févr-04 févr-05 févr-06 févr-07 févr-08 Lait matière Indice prix production Source : Insee, Crédit Agricole S.A. IPC consommation Lait UHT 1/2 écremé au litre N°125 – Septembre 2008 9 Eclairages Graphique 5 Tendances des prix alimentaires en France (hyper, supermarchés et discount). Catégories de produits PGC et produits frais 8 % annuel en glissement mensuel 6 4 niveaux inconnus depuis l’origine de cet instrument de mesure et très proches pour toutes les catégories de produits (en glissement annuel, en mars 2008 : +3,57 % pour les marques, +3,8 % pour les MDD, + 4,7 % pour les produits premiers prix de la grande distribution). 2 0 -2 -4 Marques nationales Premiers prix HDiscount Réferentiel total avr-08 janv-08 oct-07 juil-07 avr-07 janv-07 oct-06 juil-06 avr-06 janv-06 oct-05 juil-05 avr-05 janv-05 oct-04 juil-04 -6 MDD Sources : AC Nielsen Panel Intl. via LSA, Crédit Agricole S.A. 5. Les MDD représentent globalement 25 à 30 % du chiffre d’affaires alimentaire des grands distributeurs généralistes. culaire, en prenant pour exemple des régions frontalières comme l’Alsace où les consommateurs sont nombreux à prendre le chemin de l’Allemagne, meilleur marché, pour leurs courses hebdomadaires. De telles comparaisons supposent évidemment des produits comparables, et il s’agira essentiellement des produits des grandes marques internationales. Est-ce l’anticipation d’une libéralisation des négociations tarifaires qui conduit à ce train de hausses ? Des évolutions convergentes de toutes les catégories de produits illustrent le caractère atypique des hausses récentes Il est possible de différencier les évolutions tarifaires des grandes marques nationales ou internationales, des produits aux marques de distributeurs (MDD), des produits de la filière hard discount. Longtemps, les évolutions ont été divergentes entre, d’une part, les grandes marques dont les prix sont négociés par la distribution, et d’autre part, les produits dont les prix sont directement contrôlés par les filières de distribution. Alternativement, chacune des catégories joue sur l’évolution des prix pour prendre ou reprendre des parts de marché à l’autre. Les prix des grandes marques par exemple ont baissé de mai 2006 à mai 2007, pendant que les assortiments concurrents étaient orientés à la hausse (cf. graphique 5). Il est significatif de voir les évolutions converger à partir de l’automne 2007, la fin d’année marquant effectivement une hausse ponctuelle à des 10 N°125 – Septembre 2008 Par ailleurs, les prix des gammes, à produits comparables ou substituables se hiérarchisent selon les grandes marques, les plus chères, les MDD (de 25 à 35 % inférieures aux prix des marques industrielles), les produits de hard discount (de 15 à 25 % inférieurs aux prix des MDD). L’incidence des hausses de coûts matières sera donc théoriquement plus forte sur les produits d’entrée de gamme, la hiérarchie des prix étant établie par l’intégration des coûts de services et de marketing croissants entre les premiers prix et les hauts de gamme. Le fait que les différentes gammes connaissent des taux de revalorisation comparables sur la période récente mettrait donc en relief l’action des grandes marques5. Par construction, la structure de leurs prix de revient implique en effet que les hausses tarifaires actuelles font plus que compenser la hausse de la composante matières premières. Seules les grandes marques sont concernées par les négociations commerciales au sens du titre IV du Code de commerce. S’agirait-il de nouveau du « principe de précaution », remobilisé à la veille d’un bouleversement réglementaire qui, s’il aboutit, renforcera le pouvoir de négociation de la distribution ? Cette stratégie se trouverait fortuitement contemporaine de la hausse du coût des matières premières. Pour les grandes marques industrielles et pour la distribution organisée, les enjeux à court terme de l’évolution des prix alimentaires sont certainement dominés par les perspectives de libéralisation quasi totale de la négociation commerciale, plus que par l’orientation des prix agricoles. L’expérience suggère que le coût des matières premières agricoles n’a jamais été aussi bas dans la valeur des produits alimentaires. Les industriels de la filière ont vécu sur la neutralité de la plupart de ces coûts pendant de longues années. Ils auront probablement à s’adapter sur la longue durée à la volatilité accrue du prix des matières premières agricoles. Noël ISORNI [email protected] Eclairages Matières premières agricoles : hausse des cours. Comment nourrir le monde ? Interview de Bernard Bachelier, directeur de FARM FARM est une initiative portée par un groupe d’entreprises en vue de contribuer à la promotion de l’agriculture et des filières agroalimentaires des pays en développement. FARM a été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 20 février 2006. La mission des fondateurs de FARM est de mettre leurs expériences, leurs analyses et leurs capacités d’action au service de ces nouveaux acteurs que sont les organisations professionnelles agricoles, dans les pays du Sud. Cette démarche devrait conduire à une nouvelle approche de la production agricole qui sera aussi une contribution à une agriculture durable à l’échelle de la planète. La fondation FARM concerne tous les pays en développement et vise plus particulièrement les pays les moins avancés (PMA) et les pays AfriqueCaraïbes-Pacifique (ACP) avec lesquels l’Union européenne (UE) entretient des relations de partenariat spécifique. - Avant la hausse des cours des denrées agricoles, leur bas prix était considéré comme une des causes majeures de la sous-alimentation mondiale. Mais maintenant que ces prix ont beaucoup monté, on assiste à des émeutes de la faim : qu'en conclure ? investissements dans l'agriculture, par manque d'intérêt des bailleurs de fonds : selon la Banque mondiale, l'agriculture ne bénéficie plus que de 4 % de l'aide publique au développement, au lieu de 12 % vers 1990. Dans les pays africains, l'agriculture représente aussi une part très faible des budgets nationaux : ceci résulte de l'influence du FMI sur les choix budgétaires. On assiste aujourd'hui à une rupture psychologique importante. Précédemment, l'idée dominante était que les prix resteraient bas, qu'il n'y avait pas de problème de pénurie mais un problème économique, la faim étant liée à la pauvreté. Désormais, même s'il est probable que les prix ne restent pas à un niveau aussi élevé que les sommets atteints dernièrement, l'analyse n'est plus la même : il y a un risque de rareté récurrent. Bernard Bachelier : les émeutes sont le fait d'une population urbaine, qui dépend pour son alimentation de produits importés, parce que la production est insuffisante sur place ou parce que les habitudes alimentaires se sont orientées dans ce sens. Et dans les villes, les émeutes apparaissent plus facilement. L'Afrique de l'Ouest a augmenté sa production, mais celle-ci plafonne. Les prix alimentaires ont augmenté particulièrement vite en zone urbaine. Par exemple, les brisures de riz thaï étaient moins chères que le riz produit le long du fleuve Sénégal, mais leur prix a augmenté très vite, le cours mondial en hausse étant encore amplifié par les négociants. Au niveau mondial, l'analyse des causes évolue : les biocarburants ont tout de suite été attaqués, d'une façon assez idéologique ; c'est moins le cas aujourd'hui. L'augmentation de la population et le développement économique des grands pays émergents qui veulent manger davantage de viande jouent un rôle, mais les statistiques ne sont pas très nettes à ce sujet. L'offre aussi est en cause, avec la réussite des politiques malthusiennes des pays développés qui ont abouti à une baisse des stocks. La production, sans se réduire, a plafonné : la récolte de riz a longtemps augmenté de 2 % par an, puis seulement de 1 %. Ce qui se passe en Chine a ici un poids réel : il y a substitution de cultures maraîchères (notamment pour l'exportation) au riz, et le pays n'est plus excédentaire dans cette céréale. Il faut beaucoup insister sur le décrochement des Voir http://www.fondation-farm.org - Les cultures vivrières bénéficient-elles de la hausse des prix ? Bernard Bachelier : On commence à constater des augmentations de prix pour les produits locaux. FARM abordera ce sujet dans une conférence fin novembre 2008 : comment les évolutions des prix mondiaux se transmettent-elles aux cours locaux ? L'INRA et le CIRAD travaillent sur cette question. Les statistiques ne sont pas encore disponibles. Les premières enquêtes donnent des résultats hétérogènes : au Mali, le mil et le sorgho ont augmenté en particulier à cause de mauvaises récoltes. Le prix désormais plus élevé des produits importés permet aux producteurs locaux d'augmenter les leurs ou de vendre plus, mais il leur faut pour cela des stocks et un accès au marché : ce n'est pas le cas partout. Par exemple, le riz sénégalais était jusqu'ici plus cher que le riz importé, mais meilleur : il avait donc un marché, qui restait N°125 – Septembre 2008 11 Eclairages limité. Le débouché peut augmenter, mais avec un délai. L'augmentation des prix agricoles mondiaux reste une chance pour les produits locaux. - Comment obtenir un développement de la production agricole dans les pays les plus pauvres ? Quels aspects sont prioritaires ? 1. APE : accords de partenariat économique entre les pays ACP (Afrique, Caraïbes Pacifique) et l'Union européenne. Bernard Bachelier : on peut aider les producteurs locaux à réagir à ces marchés porteurs. A moyen ou long terme ce sont la politique agricole et la relance des investissements qui doivent jouer. On notera que dans le contexte actuel de déréglementation, les outils d'Etat ne sont plus disponibles, il faut travailler avec les entités privatisées. Mais nous cherchons des mesures d'urgence permettant de réagir plus rapidement. Celles-ci pourraient être fondées sur la fourniture d'intrants : engrais, mais aussi semences, petite irrigation, et crédit. En deux campagnes il est possible d'obtenir des résultats, comme cela a été expérimenté récemment au Malawi avec des engrais subventionnés. La question de la volatilité des prix est sérieuse, même avec des prix hauts. La constitution de stocks d'intervention publics a selon les experts un effet relatif. La gestion du risque pourrait être assurée grâce aux assurances d'une part et aux marchés à terme d'autre part, à la place des dispositifs publics. Mais en cas de calamité naturelle, les fonds publics restent nécessaires, et plus généralement, les assurances de marché ne semblent pas viables sans un soutien public. Pour l'instant, un seul exemple de nouveau dispositif de lissage semble en cours d'élaboration : le fonds destiné au coton, organisé en partenariat avec l'AFD. L'intervention de filières autour des producteurs peut jouer un grand rôle : ces organisations pro- fessionnelles doivent intervenir dans la constitution de stocks, la commercialisation et la gestion des risques. - La déréglementation va-t-elle être plus poussée, dans le cadre des négociations OMC ? Est-ce souhaitable ? Bernard Bachelier : un phénomène très inquiétant est en train de se produire : certains pays suppriment actuellement des taxes existantes à l'importation, de façon à faire baisser le prix des produits alimentaires sur le marché intérieur. Si ceci persiste, l'accord régional de partenariat risque d'être très compromis. L'idée, en particulier dans la négociation avec l'UE pour les accords de partenariat1, est d'organiser de grandes régions avec un marché intérieur et un tarif douanier commun autour de ce marché, ce qui est autorisé par l'OMC pour les produits sensibles. Le débat portait en particulier sur le niveau de ce tarif commun, 20 % seulement ou 50 % comme le demandent les paysans. Si la suppression des tarifs, solution à court terme, s'implante, cette construction est remise en question. Au total, la suppression des soutiens internes au niveau mondial paraît irréaliste, car les pays développés veulent continuer à concilier leurs objectifs : limiter les prix à la consommation, tout en ayant des produits de qualité et en conservant une agriculture facteur de cohésion sociale et gérant les espaces. Mais ceci suppose qu'un transfert de fonds ait lieu aussi vers les pays à agriculture pauvre, où existe un fort risque alimentaire et un risque de migration. La France a ainsi des responsabilités de premier plan en Afrique. Propos recueillis par Catherine Mollière [email protected] Directeur de la publication : Jean-Paul Betbèze Rédaction en chef : Jean-Paul Betbèze — Denis Lauras Réalisation et secrétariat d’édition : Véronique Champion-Faure Crédit Agricole S.A.– Direction des Études Économiques 75710 PARIS cedex 15 — Fax : +33 1 43 23 24 68 Copyright Crédit Agricole S.A. — ISSN 1248 - 2188 Contact : [email protected] Internet : http://www.credit-agricole.com - Etudes Economiques Abonnez-vous gratuitement à nos publications électroniques Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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