Automate de l`ordinaire cherche à survivre

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Automate de l`ordinaire cherche à survivre
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Automate de l'ordinaire cherche à survivre
Looking for something and feeling alone…
Barbara Mavro Thalassitis, chorégraphe et danseuse, propose une performance en deux temps: Still Alive et Vanitas. Seule en scène, elle explore,
d’une part, le quotidien d’une femme dans toute sa lassitude et sa solitude et, d’autre part, la survivance possible de l’être humain.
Dans Still Alive , le décor est relativement sombre, comme l’histoire elle-même. Pour éclairer le plateau, un néon et des lampes recouvertes de sacs
en plastique, en fonctionnement alternatif. Sobriété des autres accessoires: une chaise, une table, trois matelas et... une femme seule. Les bruits du
quotidien de la bande sonore (eau qui coule, tic-tac de l’horloge, aspirateur en fonctionnement, cœur qui bat, pleurs de bébé, chien qui aboie, sirènes,
réveil qui sonne…) relient le huis clos de cette femme au monde extérieur et pragmatique.
I’m living in the middle of them. With peace and quiet. When I look at them, they make me alive (…) They make me think. I choose sometimes. I
try to pretend. Like everybody does. With patience...
Tels sont les cris sourds et étouffés d’une femme qui continue sa route en automate de l’ordinaire. Barbara Mavro Thalassitis évoque cette solitude et
cette survivance dans ses mouvements: elle se laisse tomber sur le lit, s’enfonce la tête dans le cadre de la table telle une autruche qui ne voudrait
pas voir et puis, se redresse malgré tout. Seule dans sa cuisine ou dans sa chambre, cette femme persiste dans ses gestes ordinaires: elle s’habille,
écoute de la musique… Elle danse en tentant d’oublier ses fantômes. Mais bientôt, les bruits s’assourdissent, elle tourbillonne dans ses émotions et
se met à nu (au propre comme au figuré), dans sa vulnérabilité et sa fragilité de femme. Elle courbe l’échine, se redresse, s’enlace comme pour se
rassurer. Elle se protège et se réconforte parce que personne n’est là pour le faire à sa place. Les autres, eux, sont dans ses mots. Ils la maintiennent
(sur)vivante dans une présence lointaine où finalement, elle ne trouve pas de place.
Sometimes, I make them laugh. Sometimes, they make me to the edge of nowhere. Sometimes, they kill me.
Still Alive , précisément... Mais pour combien de temps encore…?
Dans Vanitas, Barbara Mavro Thalassitis opte pour un décor à l’allure de damier futuriste où les six carrés blancs sont remplacés par le doré de
couvertures de survie. Son costume, composé à partir du même matériau, est complété d’un masque animal. Une souris? Et puis… des crânes au
sol. Chacun d’eux parle. Une langue différente. Elle en soulève quelques-uns pour les porter à son oreille droite, shoote dans d'autres, et accouche de
certains...
Dans Vanitas, l’accent est mis sur la survie de l’homme, dans tous ses comportements primitifs possibles. Et cela, avec grande lucidité et humour.
Entre cris et silences, entre mouvements rapides et ralentis, tout semble continuer perpétuellement: Teach me to fly. Sometimes, I live pleasure.
Sometimes, pain. (…) And again, and again, and again…
Le diptyque que forment Still live et Vanitas crée l’image mentale d’un recommencement possible pour l’homme, dans toute sa force et sa
vulnérabilité mélangées. Deux pièces tout à fait différentes dans leurs mise en scène, lumières et mouvements, pour une performance réussie, nette
et précise, sans bavure. Comme une note de légèreté dans un chant de désespoir.
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Ludivine Joinnot