Beyond Disruption

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Beyond Disruption
Beyond
Disruption
POINT DE VUE
Encore un livre sur le changement ? Incontestablement. Mais point de recettes toutes faites dont la
littérature marketing nous inonde. Jean Marie Dru creuse ici un sillon, assurément provocateur, sur
l’obligation de bousculer l’ordre établi. Partout dans le monde, des entreprises le suivent. Parce que cela
leur réussit !
1996 : Publication de Disruption. Jean-Marie Dru y
bouscule le microcosme pubard-marketer en prônant la fin des idées reçues et autres conventions
qui régissent la marque. « Cassez les habitudes, sortez des
sentiers battus, donnez une vision radicalement nouvelle à
votre produit, à votre service ». Sept ans après, force est de
constater que cette démarche n’est pas seulement juste, elle
est obligatoire. Et loin de se limiter au marketing, la rupture
doit désormais s’étendre à toutes les niveaux de l’entreprise.
L’auteur
Jean-Marie Dru est
Président & CEO de
TBWA\Worldwide, classé
parmi les dix plus
grands réseaux publicitaires mondiaux. Basé
aujourd’hui à New-York,
Jean-Marie Dru, HEC, a
co-fondé en 1984 à
Paris l’agence BDDP, laquelle a fusionné en 1998
avec TBWA. Il est aussi l’auteur de 2 ouvrages sur
les stratégies publicitaires et marketing : Le saut
créatif (Lattès, 1985) et Disruption : Overturning
Conventions ans Shaking Up the Marketplace
(John Wiley, & Sons, 1996).
Pour rédiger ce livre Jean-Marie Dru a fait appel à
des collaborateurs du monde entier appartenant au
réseau TBWA\ Worldwide.
Site internet de Disruption : www.disruption.com
Business Digest - N°124 - Novembre 2002
■
LE CONTEXTE DE LA RUPTURE
Reconnaître qu’il est temps de bouleverser
l’ordre établi
Toute entreprise fait face un jour ou l’autre à un événement
qui soudain lui signifie qu’elle doit se réinventer. Encore fautil percevoir ce signe. Ce peut être lorsque nous nous sentons
invincibles. L’isolement nous guette, nous ne prenons pas
garde qu’un sursaut de dynamisme du marché nous rend vulnérable. Polaroïd, géant de la photographie, n’a pas su entrevoir le formidable potentiel de croissance que représentait la
photographie digitale, convaincu qu’un appareil photo ne saurait fonctionner sans film.
Ou alors lorsque des concurrents modifient les conventions
établies. Sur le marché américain très concurrentiel des soft
drinks, les Français Evian et Perrier ont su repérer l’aspiration
du consommateur pour une boisson saine, diététique. Attaqué
sur son marché, Pepsi fut le premier à répliquer avec sa
marque Aquafina. Coca-Cola a suivi quatre ans après.
Inscrit dans leur ADN
En parlant d’entreprises « disruptives », certains noms viennent immédiatement à l’esprit : Virgin, 3M, Apple, Nike,
Zara... Ces entreprises ne sont pas des passionnarias du changement à tout prix, elles sont juste viscéralement portées par
le désir d’agir différemment des autres. C’est-à-dire changer,
pour le meilleur, la manière dont se font habituellement les
choses. Pour définir la « disruption », Jean Marie Dru reprend
volontiers à son compte le slogan qu’il a créé lui-même pour
Apple : Think different.
LES ENTREPRISES DISRUPTIVES
Une conviction portée par des salariés moteurs
L’entreprise « disruptive » a les pieds sur terre.
Alliant passion et pragmatisme, elle veut affirmer au monde
entier sa personnalité non conventionnelle. Son engagement
ne reste pas confiné à l’étage de la Direction, il est largement
repris par les équipes proches du client.
L’enseigne Zara est connue pour l’optimisation de la gestion
de sa marchandise : zéro stock tout en renouvelant son assortiment deux fois par semaine (six semaines en moyenne chez ses
confrères). Son secret ? Zara a revalorisé la fonction jusqu’alors
passive de ses vendeurs en leur confiant un rôle d’analyste
financier. Ils sont chargés de diffuser et de commenter chaque
soir les données commerciales de leurs rayons. Cette remontée
d’informations en temps réel au siège social en Espagne est une
véritable gageure dans un groupe qui compte 515 boutiques à
travers le monde. Pionnier en la matière, le groupe a bousculé
les pratiques anciennes en matière d’inventaire.
L’entreprise disruptive fédère un cercle d’alliés frondeurs
Bousculer les conventions, c’est aussi regarder son marché
sous un angle nouveau. C’est-à-dire repenser la manière avec
laquelle on traite habituellement ses différents publics, pour
s’en faire des alliés. Un exemple ? Manchester United, le club
de football le plus riche au monde. A la question : « Qui fait
partie de l’équipe ? », les dirigeants répondent bien entendu
les joueurs, mais aussi les supporters, qui sont récompensés
pour leur fidélité. Un supporter passionné, c’est un avocat
combatif à la gloire du club, mais aussi un consommateur de
billets d’entrée, de magazines, de produits griffés, qui dépensera 10 fois plus qu’un sympathisant modéré. Ensemble, les
supporters forment un média puissant. Ils sont la marque.
IDENTIFIER LES PRATIQUES DINOSAURES
Le client-roi. Après vous être focalisé sur le produit,
vous redécouvrez le client. En dialoguant avec lui,
vous allez connaître ses véritables attentes et besoins. Soit,
mais n’a t-on pas inversé le problème ? Interrogé, le client va
en effet vous préciser ce qu’il veut. Mais il va fonder son avis
sur des expériences antérieures, familières, logiques. Vous ne
surprenez pas quelqu’un en lui délivrant ce qu’il demande. Le
client ne cesse de vous dire « Osez, étonnez-moi, surprenezmoi ». Alors cessez de le faire travailler et servez-lui « l’Idée »,
celle qui va l’enchanter. Vous serez à ses yeux un héros et non
un acteur de plus sur le marché.
Part de marché ?
Face à l’explosion de produits « me-too » (285 marques de
baskets, 300 marques d’ordinateur), raisonner en parts de
marché est dépassé. Mieux vaut s’interroger : ma marque estelle à l’esprit du consommateur ? Supposons que vous vendiez
des montres de sport. Au moment de succomber, votre prospect va arbitrer entre le plaisir de posséder cette montre et...
la traite mensuelle d’un cabriolet, un an d’abonnement à un
Spa ou tout autre achat valorisant son image. Contrairement
aux apparences, votre marché ne se confine pas à celui des
montres, mais s’étend à tout ce qui élève le statut identitaire
de la personne. Ceci a des répercussions sur la manière dont
vous allez communiquer. Est-il utile d’exposer la montre ?
Faut-il la montrer avec d’autres produits valorisant l’estime de
soi ? Doit-on se cantonner aux rayons horlogerie ? Faut-il se
rapprocher des réseaux sélectifs qui vendent parfums, vêtements de luxe et même voitures ?
glossaire
CONVENTIONS
Croyances et idées préconçues sur lesquelles nous
fondons notre comportement et nos valeurs. Parce
qu’elle ne s’appuie pas sur des faits précis, une
convention peut être mise au défi.
DISRUPTION
Mode de pensée qui défie les conventions établies
et crée pour les clients des visions nouvelles,
capables de faire grandir plus vite leurs marques.
COMMENT PRATIQUER UNE « DISRUPTION » ?
Nouveaux supports, audiences fragmentées, la
consommation média a littéralement volé en éclat
depuis trois ans. Un plan média ne se construit plus comme
avant. Trop cher. ll nous faut désormais redoubler de finesse.
Jusqu’alors, l’aspect opérationnel (quand communiquer et
où ?) se décidait après avoir répondu aux questions : pourquoi,
à qui et quoi ? Mais les certitudes sont trompeuses.
A qui ? Difficile de cibler juste, lorsque la cliente Gucci
choisira peut-être EasyJet pour descendre à Nice. Quand ?
Mails et portables nous rendent joignables partout et tout le
temps, travail et loisirs sont décloisonnés. La ligne de tir pour
capter l’attention d’un client est étroite. Où ? A cette question,
il faut répondre "partout", tant la profusion de médias oblige à
répondre présent là où le client le veut, quand il le désire. Au
final, une révision complète de nos classiques…
REPENSER LES CONNECTIONS
Quand l’idée prime
Au lieu de partir du client, partons de l’idée qui
matérialise la rupture. Exemple : par convention, les marques
d’alcool assoient leur légitimité sur le couple tradition-provenance (vodka russe, whisky écossais). Renversant la perspective, la marque de vodka Absolut se positionne en icône de la
modernité. Elle donne carte blanche à de nombreux artistes
qui, inspirés par la bouteille, la détournent pour en faire une
pièce de collection en série limitée. Partout dans le monde, la
marque rivalise d’audace pour créer l’événement, autour de
personnalités et de lieux branchés qui agissent comme
ambassadeurs de la marque. Une alchimie audacieuse des
ressources – créateurs, lieux de fête, médias publicitaires – sublime l’image et permet à Absolut de se vendre
20 % plus cher.
La convergence des ressources
S’affranchir de la cible permet de choisir les supports et
moyens de promotion (publicité générale, marketing direct,
packaging, promotion, RP, publicité interactive...) en fonction
Novembre 2002 - N°124 - Business Digest■
de leurs capacités à exprimer les trois fondements d’une
marque :
1) la réputation (le rôle que joue la marque dans la société)
2) son identité (ses convictions, souvent exprimées par un
spot TV)
3) son relationnel (déployé notamment par le Marketing Direct).
La méthodologie pour mettre en place une « disruption »
s’articule en trois phases : science, art et technologie.
Science - Quel est le contexte ? Comment, quand, où et à quel
rythme la marque parle-t-elle à ses publics ? Ce travail d’analyse, de modélisation et de simulation des données d’audience, va nous permettre de sélectionner les meilleurs canaux de
communication.
Art - Place à la créativité. On dessine la Carte de la Relation
Client afin que chaque audience, avec ses particularités, soit
exposée à « l’idée disruptive ».
Technologie - Il s’agit d’être opportuniste et de choisir les
moyens d’actions en fonction de leurs capacités à amplifier le
message de la manière la plus économique qui soit.
Dans ce livre s’expriment deux opinions principales qui
relèvent du simple bon sens. La première est de constater que
la vie elle-même est faite d’une succession d’interruptions et
d’accidents, de conflits et de tensions. Qu’on le veuille ou
non, la vie n’est pas linéaire. Il nous faut toujours nous
remettre en cause, revoir nos jugements, nos modes de pensées pour évoluer. L’entreprise doit le comprendre aussi, si elle
veut protéger ses marques des signes du vieillissement. Elle
doit sans cesse faire preuve d’initiatives, accepter le risque,
réviser quelques dogmes. Enfin, la rupture nous force à voir le
monde comme il est, pas comme nous souhaiterions qu’il soit.
Bonne nouvelle, cette démarche, douloureuse à priori, est en
réalité un agent de croissance formidable. Parce qu’elle signi-
à lire
CONVERGENCE
MARKETING
Strategies for Reaching
the New Hybrid Consumer
Yoram Wind - Vijay
Mahajan
with Robert E. Gunther
Financial Times - Prentice Hall -2002
La « révolution » Internet ne s’est pas
déroulée tout à fait comme prévu. Il est
loin le temps des business model basés
sur le « tout-internet », décrivant un
cyber-consommateur tout puissant
dépensant sans compter sur les sites du
Business Digest - N°124 - Novembre 2002
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Le schéma stratégique
de McDonald’s
La séquence Convention/Disruption/Vision est un
guide stratégique pour chaque marque. C’est un
catalyseur qui conduit la marque vers sa vision.
Convention : personne ne raffole de l’entreprise à
priori. Nous devons les séduire par une marque
inventive.
Disruption : McDonald’s prend la parole sur des
sujets comme la sécurité alimentaire ou l’emploi à
travers ses campagnes publicitaires.
Vision : McDonald’s est redevable de ses clients.
S’ils ont des inquiétudes, il est du devoir de l’entreprise d’être transparent avec eux.
fie faire mieux avec moins, donner plus de valeur et de substance à l’existant, vendre plus parce que la marque et l’entreprise se sont rendues plus séduisantes. Cela demande disciple et imagination. La rupture se nourrit des deux. ■
monde entier. Ces modèles oubliaient
une seule chose -- la réalité humaine -et c’est la raison pour laquelle ils ont
échoué. En même temps, on ne peut
ignorer les profonds changements amenés par Internet. Aujourd’hui, deux professeurs de marketing de renommée
mondiale – Yoram Wind et Vijay
Mahajan – démontrent que nous
sommes entrés dans le Marketing de la
Convergence. Le consommateur n’est
pas tout offline ou tout Internet. Il est
un centaure, un client hybride qui noue
des relations offline comme online. Il
navigue avec aisance dans un magasin
comme sur Internet. Avant tout, il est un
être humain, avec ses émotions, ses
valeurs, ses envies.
D’après le livre de Jean-Marie Dru,
Beyond Disruption
John Wiley and Sons, avril 2002
BUZZ MARKETING
De Stambouli et Briones
Ed. Organisation, 2002
Les
habitudes
de
consommation ont changé, donc le marketing doit
changer lui aussi, mais dans ses
moyens, pas dans ses fins. Ces moyens,
quels sont-ils ? Nouveaux outils de communication, nouveaux supports sur lesquels viennent se greffer des comportement sociaux ancestraux mais dont la
propagation se trouve grâce à eux décuplée. Le mimétisme, la logique de l’influence réciproque sont en effet communs à tous les individus. Combinez-les
avec Internet et les nouvelles technologies, vous obtenez le buzz marketing.