Zoom sur une irréductible de la photo argentique

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Zoom sur une irréductible de la photo argentique
23
24 heures | Mardi 28 juin 2011
Photographie
Truus Salomon-de Jong écoute ses clients, leur conseille un cadrage, un changement de luminosité. PHILIPPE MAEDER
Zoom sur une irréductible
de la photo argentique
Rencontre avec
Truus Salomonde Jong, une des
dernières artisanes
photographes
à proposer des
tirages classiques
Alain Walther
De son enfance batave, Truus Salomon-de Jong a gardé un doux
accent chuintant et de grands
yeux à jamais étonnés par la
beauté du monde. Comme si elle
revenait une fois de plus d’une
promenade au bord de la mer du
Nord. Mais c’était hier.
Changement d’époque
Aujourd’hui, Truus Salomon-de
Jong photographie des vaches suisses sur l’alpage et tire ses photos
sur de beaux papiers. Depuis vingthuit ans, elle tient une boutique à
nulle autre semblable. Truus est la
dernière à développer dans son
magasin films, diapositives, plaques anciennes, même le noirblanc, et du numérique, évidemment.
Les temps ont changé. L’œil
s’est converti à la vision des photos
sur écran d’ordinateur. Truus l’a,
comme d’autres, constaté. Les
clients tirent moins sur papier.
Pourtant, dans son laboratoire ou
son studio, ils continuent de passer. Ce sont des quidams, des musées, des entreprises de renom,
des professionnels, et même des
représentants des générations initiés à l’argentique qui ne veulent,
ni ne peuvent changer. Tous ont
encaissé la révolution du numérique, tous l’appellent à l’aide pour
des travaux particuliers. Truus sait
les écouter, leur conseiller un recadrage, un changement de luminosité. Voilà pourquoi elle reste
une artisane.
«Le travail est dur et demande
un grand investissement de
temps, explique la photographe,
mais c’est le prix à payer pour la
qualité.» Pour les gens très pressés – voire stressés – Truus tient à
leur disposition une borne de développement automatique. Autre
dada de la photographe, la retouche de documents anciens. Et,
comme si cela ne suffisait pas,
quand elle a du temps libre, Truus
se plonge dans des archives…
photographiques.
Un trésor en argentique
Il y a dix ans décédait une vieille
dame, fondatrice avec son époux,
André «Dorka» Weisz, d’une
agence de presse sur la Côte
d’Azur. «C’était ma tante Edith.
Elle a laissé des dizaines de milliers de tirages et de clichés à restaurer et à classer.» Le Festival de
Cannes et ses vedettes, Pablo et
Françoise Picasso à la plage, Michel Simon chez lui. Un trésor en
argentique.
Les derniers endroits où l’on tire
U Il y a un quart de siècle, ils
étaient une trentaine d’artisans
photographes. Il y a trente mois,
ils en restaient quatorze.
Aujourd’hui dans la capitale
vaudoise, seuls deux artisans
photographes pratiquent l’art de
du tirage chimique en
laboratoire. Rien à voir avec le
développement d’un film que
l’on envoie dans une enveloppe
quelque part en Suisse ou en
Europe. Il revient une semaine
plus tard, après un tirage à la
machine (Migros, Fnac,
Interdiscount…). Rien à voir non
plus avec les bornes
automatiques où l’on branche
son «input» numérique.
Les deux derniers artisans
sont fiers de leurs particularités.
Outre Truus Salomon-de Jong
(av. Tissot 17), Luc Nusslé
(Photo Maxim au
Grand-Chêne 2) pratique encore
le développement et le tirage
maison tout en chimique (sauf le
noir-blanc).
Quant à Photo-Vision, qui
devra quitter son magasin à la
rue Centrale 7 en 2014? La
succursale lausannoise de la
chaîne a encore un labo maison,
mais a renoncé au tirage
chimique pour passer au tirage
à jet d’encre.

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