Les âges de la vie

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Les âges de la vie
Les âges de la vie
Voir M5, p. 99
Les textes précédés du signe * sont donnés en français.
Les références aux textes apparaissent dans le dossier.
1.
les âges de la vie
2.
Infantia
une politique nataliste
La naissance
Les petits enfants
3.
4.
Pueritia
*la « bulla »
A l’école
*La dénatalité cause la perte des Etats
*Les prolétaires
*Les allocations familiales
Avoir une nombreuse descendance : un sujet de
fierté
La marâtre nature
Faire-part de naissance
*Un petit être qui découvre le monde
Le maître d’école ridiculisé
Les maîtres vénérés
Adulescentia
le temps des amours
Etre parents
5.
Juventus
Le mariage
*L’amour des parents
Quelles qualités requises par les parents ?
Ne pas donner le mauvais exemple
*L’éducation se dégrade
Ne pas être trop sévère
*Surveiller l’éducation des siens
Les trois formes de mariage
Un discours sur le mariage
Célibataires mis à l’amende !
La vie conjugale
Un modèle d’amour conjugal
*Fidélité des femmes envers leurs maris
Contre les femmes
*La thérapie familiale
La déesse Viriplaca
Portraits de femmes
*Les femmes savantes
Les ivrognesses
Les empoisonneuses
Le divorce
Le premier divorce à Rome
La frénésie de divorcer
Viviane Durussel, mai 2010
page 1
6.
Seniores
*La journée d’un vieillard (Pline, Ep. 3, 1)
La transmission des valeurs ancestrales
Les honneurs rendus aux vieillards
7.
Senectus
Non aux vieillards aigris !
*Anecdote de Sophocle âgé
8.
La mort
Mort des petits enfants
Mort des jeunes gens
Les funérailles
La fête des morts
Le suicide
1. Infans
5. Vir
9. Puella
13. Anus decrepita
Viviane Durussel, mai 2010
Les Perses
Epitaphe d’Erotion
Stèle de Visellia Firma
Les fils de Paul Emile
Douleur d’Octavie à la mort de Marcellus
Consolation à la mort de Tullia
Oraison funèbre de Metellus
Mort de Didon
Suicide de Caton d’Utique
2. Puer
6. Senex
10.Virgo
3.Adulescens
7. Silicernium
11.Mulier
4. Juvenis
8. Pupa
12.Vetula
page 2
1. Les âges de la vie
Pour que se conserve le savoir du monde antique, Isidore de Séville, un évêque espagnol (602-636)
compose une encyclopédie en 20 livres, les « Etymologies », où il parle un peu de tout, y compris des
âges de la vie, qu’il catalogue en six périodes. Il donne des différentes étapes de la vie humaine des
étymologies fantaisistes !
Isidore écrit dans un latin tardif : vocata est signifie bien « est appelée » !
1
Gradus aetatis sex sunt : infantia, pueritia, adulescentia, juventus, gravitas
2
atque senectus. Prima aetas infantia est, quae porrigitur in septem annis.
3
Secunda aetas [est] pueritia, id est purao et necdum ad generandum aptao.
4
Tertia [aetas est] adulescentia ad gignendum adultao, quae porrigitur usque
5
ad viginti octo annos. Quarta [aetas] juventus, firmissima omnium aetatum,
6
finienso in quinquagesimo anno. Quinta aetas senioris, id est gravitaso, quae
7
est declinatioo a juventute in senectutem. Quae aetas, a quinquagesimo anno
8
incipiens, septuagesimo terminaturo. Sexta aetas senectus, quae nullo
9
annorum tempore finitur, sed post quinque illas aetates quantumcumque
10
vitae senectuti deputatur. Senium autem est pars ultimao senectutis, sic dicta
11
quod sit terminus sextae aetatis.
1
gradus, us, m.
aetas, atis, f.
le degré, l’étape
la vie, la période de la vie
2/4
porrigo, is, ere, rexi, rectum
s’étendre
3
necdum
genero, as, are, rég.
pas encore
mettre au monde des enfants
4/15
gigno, is, ere, genui, genitum
procréer
4-5
usque ad + Acc.
jusqu’à
5
firmus, a, um
solide, résistant
6
quinquagesimus, a, um
senior, oris, m.
cinquantième
le vieillard (de 46-60 ans)
8
septuagesimus, a, um
septantième
9
finio, is, ire
quantumcumque + Gén.
borner, limiter
tout ce qui reste (de)
10/25
deputo, as, are, rég. (+ Dat.)
senium, i, n.
imputer à, assigner à
le grand âge
11
terminus, i, m.
le terme, la fin
Viviane Durussel, mai 2010
page 3
12
Infans dicitur homo primae aetatis, dictus autem infans quia adhuc fari nescit,
13
id est loqui non potest. Puer a puritateo vocatus est, quia purus est et necdum
14
lanuginem genarum habet. Puella est parvula. Adulescens dictus est quod sit
15
ad gignendum adultuso. Juvenis vocatus est quod juvare posse incipit. Vir
16
nuncupatus est quia major in eo vis est quam in feminis, unde et « virtus »
17
nomen accepit. Mulier vero a mollitie sic appellata est. Virgo a viridiori aetate
18
dicta est ; virago sic vocata est quia virum agit, hoc est opera viriliao facit et
19
masculinio vigoriso est. Senior est adhuc viridior. Senes per nimiam aetatem
20
ita delirant sicut pueri qui per infantiamo ignorant quid faciant. Senex autem
21
tantum maculinio generis est, sicut anus femininio, nam anus dicitur sola
22
mulier (aut vetula, quia vetustao). Senectutis [aetas] autem multa secum et
23
bona adfert et mala. Bona quia nos ab impotentissimis dominis liberato,
24
voluptatibus imponit modum, libidinis impetus frangit, sapientiam auget,
25
maturiora consilia dat. Mala autem quia senium miserrimum est debilitate et
26
odio.
26
d'après Isidore de Séville, Etymologies XI, 2, 1-30 (avec de larges coupures)
12
adhuc, adv.
for, faris, fari, fatus sum, dép.
pas encore
parler
13
necdum, adv.
ne ... pas encore
14
lanugo, inis, f.
genae, arum, f. pl.
parvulus, a, um
le duvet, la barbe naissante
les joues
tout petit
16
nuncupo, as, are, rég.
et, adv.
appeler
aussi
17
mollities, iei, f.
17/19
viridis, is, e
1. la souplesse, la flexibilité
2. la douceur, la sensibilité
3. la faiblesse de caractère, le manque d’énergie
vert = jeune, vigoureux
18
virago, inis, f.
la virago (= la femme-homme)
19
nimius, a, um
trop avancé, excessif
20
deliro, as, arre, rég.
sortir du sillon = perdre la tête
21
anus, us, f.
la vieille femme
22
vetula, ae, f.
la petite vieille
23
impotens, impotentis, 3 g.
immodéré, sans frein
25
maturus, a, um
debilitas, atis, f.
mûri par l’expérience
la faiblesse physique
odium, i, n.
ici : la conduite odieuse
Viviane Durussel, mai 2010
page 4
Document n° 1
Des termes spécifiques désignent les différents âges de la vie de l’enfant et de l’adulte. Pour les
hommes, ils correspondent à des étapes importantes de leur vie de citoyens et de soldats ; pour les
femmes, la distinction repose avant tout sur leur état civil.
Garçons et hommes
Filles et femmes.
INFANS
Ce terme s’applique aussi bien aux filles qu’aux garçons de
moins de 7 ans.
Pendant toute cette période, l’enfant est élevé par sa mère.
Après la naissance, le nouveau-né est déposé à terre devant son père. Si celui-ci le soulève (tollit), il est
admis dans la famille, sinon il est exposé (= abandonné). Le 8e jour pour les garçons, le 9e pour les filles
a lieu la cérémonie de purification (dies lustricus) à la suite de quoi l’enfant reçoit la « bulle », portebonheur d’or ou en cuir contenant des amuelettes et des formules magiques.
PUER
Jusqu’à 17 ans, le « puer » garde la toge
prétexte (bordée d’une bande poupre) et la
bulla.
De 7-11, les enfants (garçons et filles) vont
chez le ludi magister, qui leur apprend à
lire, écrire, compter.
Entre 12 et 15 ans, les garçons suivent les
cours du grammaticus : ils y apprennent le
grec et lisent les grands auteurs grecs et
latins.
De 15-17 ans, les garçons apprennent l’art
oratoire chez le rhetor.
PUELLA / VIRGO
ADULESCENS
A 17 ans, le garçon dépose la bulla et la toge
prétexte, qui sont consacrées aux dieux
Lares. La toge virile (toute blanche)
remplace la toge prétexte. La prise de la
toge virile s’accomplit en mars, aux fêtes de
Bacchus (Liberalia). Le jeune homme est
mobilisable et a le droit de vote.
UXOR / CONJUX
L’âge idéal du mariage est fixé à 12 ans : en
fait le mariage généralement a lieu plus tard.
La veille des noces, la future épouse
consacre aux dieux sa bulla et ses jouets de
fillette. Elle passe sous l’autorité de son
mari, mais ne change pas de nom.
JUVENIS
A partir de 30 ans, le jeune homme peut
être élu comme magistrat.
MATRONA
Bien que mineure du point de vue de la loi,
la matrona romaine est la compagne et la
collaboratrice de son mari. Elle partage avec
lui l’autorité sur ses enfants et les
domestiques, elle participe même aux
charges qu’il remplit dans la vie publique.
SENIOR
Les seniores peuvent encore être mobilisés
en cas de besoin, mais ils se consacrent
essentiellement à la vie de la cité.
ANUS
Ce terme désigne la femme âgée, qui ne peut
plus avoir d’enfants.
Les filles vont à l’école élémentaire avec les
garçons. Les filles de noble famille
poursuivent leurs études avec un professeur
privé qui leur enseigne les lettres grecques et
latines. Elles apprennent aussi à jouer de la
cithare, à chanter et à danser.
SENEX
A partir de 60 ans, le « senex » n’a plus
d’obligations militaires.
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page 5
Infantia
Infans dicitur homo primae aetatis,
dictus autem infans quia adhuc fari nescit,
id est loqui non potest.
Naissance, Plaque funéraire de Scribonia Attica, vers 140 (nécropole de Portus Ostia Antica)
Enfant au berceau, Monument funéraire de la nourrice Severina (Cologne)
Viviane Durussel, mai 2010
page 6
2. Infantia
Une politique nataliste
La dénatalité cause la perte des Etats
Rome avait vu la Grèce s’effrondrer devant elle et avait lu chez Polybe qu’une des causess de sa défaite
était la dénatalité.
Les gens de ce pays ont cédé à la vanité et à l’amour des biens matériels ; ils ont pris goût à la
vie facile et ne veulent plus se marier ou, quand ils le font, ils refusent de garder les enfants
qui leur naissent ou n’en élèvent tout au plus qu’un ou deux, afin de pouvoir les gâter durant
leur jeune âge et leur laisser ensuite une fortune importante ... Quand il n’y a qu’un ou deux
enfants, il suffit que la guerre en enlève un et la maladie un autre, pour que les foyers,
inévitablement, se vident.
Polybe XXXVI, 17
Les prolétaires
Servius Tullius, sixième roi de Rome (578-535 av. J.-C.), organise la société et l’armée romaines en
centuries, distinction fondée sur la fortune (le cens) des citoyens. Ceux qui n’ont rien donnent des
enfants à Rome.
Servius choisit avec soin même les noms et les termes à employer : il appela les riches
« assidui » (contribuables), d’après l’acte de payer l’impôt en as. Ceux qui possédaient moins
de mille cinq cents as ou qui n’avait comme cens que leur propre personne, il les nomma
« prolétaires », pour faire comprendre qu’on attendaient d’eux qu’ils soient « prolifiques »,
en donnant des enfants à la cité.
Cicéron, Rep. 2, 40
Les allocations familiales
Après la saignée des guerres civiles, Auguste fonde 28 colonies en Italie et encourage la natalité, en
accordant mille sescesterces aux plébéiens qui fondent famille.
Pour encourager partout les gens de mérite et les familles nombreuses de la classe populaire,
Auguste accordait les grades équestres à ceux qui les demandaient, simplement sur une
recommandation officielle de leur cité et, quand il visitait les régions de l’Italie, tout plébéien
fournissant la preuve qu’il avait des fils ou des filles recevait de lui mille sesterces par enfant.
Suétone, Aug. 46, 3, 2
Avoir une nombreuse descendance : un sujet de fierté
Junon demande à Eole, le roi des vents, de déclencher la tempête qui doit naufrager Enée et ses
compagnons. Pour le convaincre, elle lui offre Deiopée, la plus belle de ses Nymphes, qui le rendra père
d’une nombreuse descendance.
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page 7
69
Incute vim ventis submersasque obrue puppes,
70
aut age diversos et disjice corpora ponto.
71
Sunt mihi bis septem praestanti corpore Nymphae,
72
quarum quae forma pulcherrima Deiopea,
73
conubio jungam stabilio propriamoque dicabo,
74
omnes ut tecum meritis pro talibus annos
75
exigat et pulchra faciat te prole parentem.
= in ponto
pro talibus meritis
Virgile, Enéide 1, 69-75
69
incutio, is, ere, cussi, cussum
submergo, is, ere, mersi, mersum
obruo, is, ere, rui, rutum
puppis, is, f.
envoyer, inspirer
submerger
engloutir
(la poupe), le navire
70
diversus, a, um
disjicio, is, ere, jeci, jectum
pontus, i, m.
qui va dans toutes les directions
disperser
la mer
71
praestans, stantis, 3 g.
remarquable
72-73
quarum Deiopeam, quae pulcherrima forma est, jungam
73
conubium, i, n.
jungo, is, ere, junxi, junctum
dico, as, are, rég.
le mariage
joindre, unir
proclamer
74
merita, orum, n. pl.
les services
74-75
75
annos exigo, is, ere
proles, is, f.
passer sa vie
les enfants, la famille
La naissance
La marâtre nature
Voici comment Pline commence son livre sur l’Homme : « On commencera à juste titre par l’homme,
pour qui la nature semble avoir créé tout le reste, non sans grever ses nombreuses largesses d’un
grand, d’un terrible tribut, si bien qu’on ne peut décider au juste si elle est pour l’homme une bonne
mère ou une cruelle marâtre. »
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page 8
1
Homo unum animal est quod natura alienis velat opibus. Ceteris animantibus
2
varie tegimenta tribuito : carapaces, coquilles, peaux, piquants, poils, soies, crins,
3
duvet, plumage, écailles, toisons ; truncos etiam arboresque cortice a frigoribus et
4
caloreo tutata est. Natura hominem tantum nudumo et in nudao humo natali
5
die abjicit, ad vagitus statim et ploratumo nullumque aliud inter tot animalia
6
ad lacrimas (factum est), et has [lacrimas] protinus vitae principio. Ab hoc
7
lucis rudimento homo habet vincula quae ne animalia quidem excipiunt et
8
omnium membrorumo nexus. Itaque felicitero natus jacet manibus pedibusque
9
devinctis, flens animal ceteris imperaturum, et a suppliciis vitam auspicatur
10
ob unam tantum culpam, quia natum est.
d'après Pline l’Ancien, HN, 7, 2
1
velo, as, are
opes, opum, f. pl.
voiler, couvrir
les richesses
2
varie, adv.
de manières diverses
2
tegimentum, i, n.
tout ce qui sert à couvrir :
l’habit, la protection
3
truncus, i, m.
cortex, icis, m.
le tronc
l’écorce
4
frigus, oris, n.
tutor, aris, ari, dép. rég. ab
le froid, le gel
garder de, défendre de
5
natalis, is, e dies
abjicio, is, ere, jeci, jectum
vagitus, us, m.
statim, adv.
le jour de naissance
laisser là, rejeter
les cris, les vagissements
tout de suite, aussitôt
6
lacrima, ae, f.
protinus, adv.
principium, i, n.
la larme
immédiatement après
le début
7
rudimentum, i, n. (+ Gén.)
vinculum, i, n.
excipio, is, ere, cepi, ceptum
l’apprentissage, l’initiation
le lien
recevoir
8
nexus, us, m.
les nœuds, les entraves
9
devincio, is, ire, vinxi, vinctum
fleo, es, ere, flevi, fletum
auspicor, aris, ari, dép.
lier, attacher
pleurer
commencer
Faire-part de naissance
Le 17 juillet 65 vient au monde le fils de Cicéron et de Terentia. L’heueeux père s’empresse d’annoncer
la nouvelle à son ami Atticus. Puis il s’étend longuement sur ses manœuvres électorales.
1
Filiolo me auctum (esse) scito salva Terentia.
1
filiolus, i, m.
augeo, es, ere, auxi, auctum
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un petit garçon
augmenter
Cicéron, Att. 1, 2
page 9
scito (impératif futur)
salvus, a, um
tu sauras
sain et sauf
Les petits enfants
Un petit être qui découvre le monde
Cicéron nous livre un portrait psychologique de l’enfant qui témoigne d’une profone attention.
Les enfants qui viennent de naître gisent
comme si l’esprit leur faisait défaut.
Quand ils ont acquis un peu de force,
esprit et sens entrent en jeu : ils font des
efforts pour se mettre debout, se servent
de leurs mains, reconnaissent les
personnes qui les élèvent. Puis ils ont du
plaisir avec les enfants de leur âge ; ils se
mêlent à eux, se livrent à des jeux, se
laissent
Viviane Durussel, mai 2010
mener par des histoires. Ils sont
préoccupés de se qui se fait à la maison et
cherchent à tout savoir. Ils commencent à
faire leurs petites réflexions et à
apprendre. Ils tiennent à ne pas ignorer les
noms des gens qu’ils voient. Dans les
compétitions qu’ils ont avec ceux de leur
âge, avoir le dessus les transporte de joie,
avoir le dessous les paralyse.
Cicéron, De Finibus 5, 41
page 10
Pueritia
Puer a puritateo vocatus est,
quia purus est et necdum lanuginem genarum habet.
Puella est parvula.
Néron ou Britannicus ?
Un jeune Romain avec bulla et robe prétexte
Paris, Musée du Louvre
Viviane Durussel, mai 2010
Jeune fille
Paris, Musée du Louvre
page 11
La bulla
La « bulla » était un bijou en forme de cœur ou de croissant porté en sautoir. Sur son origine et sa
fonction, les auteurs anciens hésitent, comme nous pouvons le voir chez Plutarque.
Pourquoi met-on au cou des garçons des bijoux qu’on appelle « bulles » ?
Est-ce un des nombreux usages qui ont pour but d’honorer l’enlèvement
des Sabines et voulut-on distinguer ainsi les enfants qui naquirent d’elles ?
Ou bien est-ce pour honorer la bravoure de Tarquin ? On dit en effet que,
dans une bataille, ce prince, encore tout jeune, avait chargé les ennemis et
que, étant tombé de son cheval, il n’en avait pas soutenu moins
vigoureusement leur choc. Il reçut cet ornement du roi comme prix de sa
valeur.
Ou bien est-ce parce qu’autrefois il n’y avait rien de honteux à aimer les
jeunes garçons esclaves, ainsi que le témoignent encore maintenant les
comédies ? Or, comme on s’abstenait avec grand soin de toucher aux
enfants de condition libre et qu’il eût été difficile de les reconnaître s’ils
s’étaient trouvés nus, leur faisait-on porter une marque distinctive ?
Plutarque, Questions romaines, 101
A l’école
Le maître d’école
Le statut d’enseignant n’était guère enviable : méprisés par les parents, les maîtres étaient, de la part des
enfants, l’objet de toutes les insolences.
440
At nunc, priusquam septuennis est, si attingas eum manu,
441
extemplo puer paedagogoo tabula disrumpito caput.
442
Cum patrem adeas postulatum, puero sic dicit pater :
443
« Noster esto, dum te poteris defensareo injuria. »
444
Provocatur paedagogus : « Eho senex minimi preti,
= pretii
445
ne attigas puerum istac causa, quando fecit strenue. »
= ista
supin de but
Plaute, Les Bacchides, 440-445
440
septuennis, is, e
attingo, is, ere
âgé de 7 ans
toucher
441
extemplo, adv.
tabula, ae, f.
aussitôt
la tablette à écrire
442
postulo, as, are
se plaindre
443
esto
tu es
444
provoco, as, are, rég.
ne atti(n)gas
quando
strenue, adv.
provoquer, défier
ne touche pas
puisque
vivement
Ecolier.
Viviane Durussel, mai 2010
page 12
Sarcophage d’enfant, vers 140-150
apr. J.-C. Marbre
Paris, Louvre.
Tout autre écho dans la Vie de Marc-Aurèle, qui vénérait ses maîtres jusqu’à leur porter un véritable
culte.
1
Fuit a prima infantiao gravis. Ac ubi egressus est annis, qui nutricum foventur
2
auxilio, magnis praeceptoribuso traditus ad philosophiae scita pervenit.
3
Suivent les noms de ses maîtres et des disciplines qu’ils lui enseignaient. Quibus
4
omnibus ut disciplinarum auctoribus plurimum detulit.
5
Tantum autem honoris magistris suis detulit ut imagines eorum aureas in
6
larario haberet ac sepulchrao eorum aditu, hostiis, floribuso semper
7
honorareto.
Julius Capitolinus, Histoire Auguste II, 1-2 et III, 5
1
egredior, eris, i, egressus sum (+ Abl.) sortir de
nutrix, icis, f.
la nourrice
foveo, es, ere
choyer, dorloter
2
scitum, i, n.
auctor, oris, m.
les maximes, les principes
l’initiateur
4
defero + Dat.
ici : avoir du respect pour
5
aureus, a, um
d’or, en or
6
lararium, i, n.
aditus, us, m.
hostiae, arum, f. pl.
le laraire , la chapelle domestique
la visite
les victimes (d’un sacrifice)
Etre parents
L’amour des parents
Voici une vision caricaturale du rôle des parents : il était entendu traditionnellement que les mères
offraient à leurs enfants des trésors d’affection et d’indulgence que les pères ne devaient pas leur offrir.
Ne vois-tu pas quelle différence il y a entre la tendresse d’un père et celle d’une mère ? Le
père surveille ses enfants pour les envoyer au travail, ne tolère même pas qu’ils se reposent
les jours de fête, fait couler leur sueur, quand ce n’est pas leurs larmes. La mère, tout au
contraire, les couve dans son sein, les garde dans son ombre, défend qu’on les chagrine,
qu’on les fasse pleurer, qu’on les fatigue.
Sénèque, de la Providence II, 5
On trouve un autre point de vue chez Horace :
Comme fait un père pour son enfant, nous devons, nous, si un ami a quelque défaut, ne pas
en éprouver de dégoût. Un fils louche : son père l’appelle « Œil en coulisse » ; il le nomme
« Poulet » quand sa taille est ridiculement petite ; si l’enfant a les jambes tordues, s’il est mal
posé sur des talons difformes, il lui susurre les surnoms de « Cagneux » et de « Pied-Bot »
Horace, Satires I, 3, 43-50
Viviane Durussel, mai 2010
page 13
Quelles qualités requises par les parents ?
Les parents peuvent aider lers enfants, pour autant qu’ils soient eux-mêmes instruits.
1
In parentibus vero quam plurimum esse eruditioniso optaverim. Nec de
2
patribus tantum loquor: nam Gracchorum eloquentiaeo multum contulisse
3
accepimus Corneliam matrem, cujus doctissimus sermo in posteros quoque
4
est epistulis traditus. Laelia C. filia reddidit in loquendo paternam
5
elegantiamo et Hortensiae Q. filiae oratio, apud triumviroso habita, legitur non
6
tantum in sexuso honorem. Nec tamen ii parentes, quibus discere ipsis non
7
contigit, minorem curam docendi liberos habeant, sed sint propter hoc ipsum
8
ad cetera magis diligenteso.
d’après Quintilien, Institution oratoire I, 1, 6
1
quam plurimum (+ Gén.)
le plus possible de
2/4
loquor, eris, loqui, locutus sum, dép.
confero, fers, ferre, tuli, latum
parler
apporter
3
posteri, orum, m. pl.
les enfants
4
5
epistula, ae, f.
oratio, onis, f.
la lettre, la missive
le discours
7
contingit, contigit (+ Inf.)
il arrive (de faire qqch.)
Ne pas donner le mauvais exemple
Quintilien juge sévèrement les parents qui associent leurs jeunes enfants à leurs propres débauches.
Quoi d’étonnant si, quand ils arrivent à l’école, ils sont déjà amollis et pervertis ?
1
Utinam liberorum nostrorum mores non ipsi perderemuso ! Infantiamo statim
2
deliciis solvimus. Mollis illa educatioo, quam indulgentiamo vocamus, omnes
3
mentis et corporis nervos frangit. Quid non, adultuso, cupiet qui in purpuris
4
repsit ?
5
« conchylium» poscit. In lecticis crescunt. Gaudemus si quid licentius dixerint.
6
Verba ne poetiso quidem permittendao risuo et osculo accipimus. Nec mirum
7
(est) : nos docuimus, ex nobis audierunt. Nostras amicaso, nostros concubinoso
8
vident ; omne convivium obsceniso canticis strepit, pudenda dictu spectant.
9
Fit ex his consuetudo, inde natura. Discunt haec miseri antequam sciant vitia
10
esse : non accipiunt ex scholiso mala ista, sed in scholaso afferunt.
Nondum
prima
verba
facit,
jam
« coccum»
intellegit,
jam
d’après Quintilien, Institution oratoire I, 2, 6-8 (avec des coupures),
1
statim, adv.
Viviane Durussel, mai 2010
tout de suite, aussitôt
page 14
2
deliciae, arum, f. pl.
solvo, is, ere, solvi, solutum
mollis, is, e
les délices
amollir
souple, trop doux
3
nervus, i, m.
purpura, ae, f.
ici : la force
la pourpe
4
repso, is, ere, repsi, reptum
ramper, faire ses premiers pas
nondum, adv.
ne pas encore
coccum, i, n.
l’écarlate
5
conchylium, i, n.
lectica, ae, f.
licentius, adv.
la pourpre
la litère
trop librement
6
osculum, i, n.
mirus, a, um
le baiser
étonnant
8
canticum, i, n.
strepit <
pudenda dictu (Acc. n. pl.)
le chant, la chanson
inde, adv.
et ensuite
9
des choses honteuses à dire
L’éducation se dégrade
Les mères délaissent leurs enfants pour les confier à des nourrices. Tacite fait le bilan de la situation
dans les années 80 apr. J.-C.
Autrefois chacun faisait éduquer son fils non pas dans le réduit d'une nourrice achetée
comme esclave, mais sur les genoux et dans les bras de sa mère, dont la gloire était de
veiller à sa maison et d'être au service de ses enfants. On choisissait une parente plus âgée,
pour confier à ses moeurs irréprochables toute la descendance de la même famille ; devant
elle, il n'était permis ni de dire quelque chose qui parût indigne ni de faire quelque chose
qui ne parût pas honorable. Et elle réglait non seulement les études mais aussi les jeux des
enfants. C'est ainsi que, nous l'avons appris Cornélie présida à l'éducation des Gracques,
Aurélie à celle de César, Atia à celle d'Auguste. Cette discipline, cette sévérité visaient à ce
que la nature de chacun, pure, intacte, n'ayant été déformée par aucune dépravation,
s'approprie aussitôt de tout coeur des principes honorables.
Mais aujourd'hui, le nouveau-né est remis aux mains d'une misérable esclave grecque, à
laquelle on adjoint un ou deux de ses compagnons de servitude, les plus vils d'ordinaire, et
les plus incapables d'aucun emploi sérieux. Leurs contes et leurs préjugés sont les premiers
enseignements que reçoivent des âmes neuves et ouvertes à toutes les impressions. Nul
dans la maison ne prend garde à ce qu'il dit ni à ce qu'il fait en présence du jeune maître.
Faut-il s'en étonner ? Les parents même n'accoutument les enfants ni à la sagesse ni à la
modestie, mais à une dissipation, à une licence qui engendrent bientôt l'effronterie et le
mépris de soi-même et des autres. Mais Rome a des vices propres et particuliers, qui
saisissent en quelque sorte, dès le sein maternel, l'enfant à peine conçu : je veux dire
l'enthousiasme pour les histrions, le goût effréné des gladiateurs et des chevaux. Quelle
place une âme obsédée, envahie par ces viles passions, a-t-elle encore pour les arts
honnêtes ? Combien trouvez-vous de jeunes gens qui à la maison parlent d'autre chose ? et
quelles autres conversations frappent nos oreilles, si nous entrons dans une école ?
Tacite, Dialogue des orateurs, 29, 1-3
Ne pas être trop sévère ...
Pline écrit à l’un de ses amis pour lui raconter une scène dont il a été témoin et l’encourager à faire
preuve de bonté envers son fils.
Viviane Durussel, mai 2010
page 15
1
Castigabat quidam filium suum, quod paulo sumptuosius equos et canes
2
emeret. Huic ego juvene digresso (dixi) : « Heus tu ! numquamne fecisti quod
3
a patre corripi posset ? Fecisti, dico ? Non interdum facis quod filius tuus pari
4
gravitateo reprehendat ? Non omnes homines aliquo erroreo ducuntur ? Non
5
hic in illo sibi, in hoc alius indulget ? » Admonitus severitatiso exemploo haec
6
tibi pro amore mutuo scripsi, ne quando tu quoque filium tuum acerbius
7
duriusoque tractares. Cogita et illum puerum esse et te fuisse, atque ita hoc,
8
quod es pater, utere, ut memineris et te hominem esse et hominis patre. Vale.
d’après Pline, Ep. 9, 12, 1-2
1
castigo, as, are, rég.
quod + Subj.
sumptuosius, adv.
punir, châtier
sous prétexte que
à trop grands frais, en dépensant trop d’argent
2
digredior, eris, gredi, gressus sum
heus tu !
s’éloigner, s’en aller
hé toi !
3
corripio, is, ere, ripui, reptum
interdum, adv.
accuser, blâmer vivement
parfois, de temps en temps
5
sibi indulgeo, es, ere
admoneo, es, ere
avoir de la complaisance pour soi-même,
se pardonner à soi-même
avertir, prévenir
6
mutuus, a, um
quando = aliquando, adv.
acerbius, adv.
mutuel, réciproque
un jour, une fois
trop sévèrement
7
tracto, as, are, rég.
cogito, as, are, rég. + prop. inf.
traiter (quelqu’un)
songer (que), avoir à l’esprit (que)
8
utor, eris, uti + Abl.
user de, faire usage de
... mais surveiller l’éducation des siens
Non content de rebâtir Rome, Auguste a voulu restaurer l’ordre et a veillé scrupuleusement à la bonne
moralité des siens. Malheureusement ses efforts n’ont pas été couronnés de succès, puisque sa fille et sa
petite-fille ont fini leur vie en exil pour inconduite notoire.
Sa fille et ses belles-filles furent élevées avec tant de sévérité qu’il les habitua même au travail
de la laine et leur défendit de cacher la moindre de leurs paroles ou de leurs actions, qui toutes
devaient être relatées dans le journal de sa maison (diurni commentarii). Il leur interdit si
rigoureusement tout rapport avec des étrangers qu’il écrivit un jour à L. Vicinius, jeune
homme de la plus haute distinction : « Tu as pris une liberté excessive en venant saluer ma
fille à Baïes. » Quant à ses petits-fils, c’est-lui-même, la plupart du temps, qui leur enseigna
l’alphabet, la cryptographie, ou autres connaissances élémentaires, et il s’appliqua par-dessus
tout à leur faire imiter son écriture. Il ne manqua jamais, quand ils dînaient avec lui, de les
faire asseoir au pied de son lit et, lorsqu’ils l’accompagnaient en voyage, de les faire aller
devant lui en voiture ou chevaucher à ses côtés.
Suétone, Auguste 64, 5-6
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page 16
Adulescentia
Tertia aetas est adulescentia,
quae porrigitur usque ad viginti octo annos.
Adulescens dictus est eo quod sit ad gignendum adultuso.
Poète assis lisant. Fresque.
Pompéi, Maison de Ménandre.
Viviane Durussel, mai 2010
Poétesse (Sapho ?). Fresque.
Pompéi.
page 17
Le temps des amours
Viviane Durussel, mai 2010
page 18
Juventus
Quarta aetas juventus est, firmissima omnium aetatum,
finienso in quinquagesimo anno.
Le boulanger et sa femme. Fresque.
Pompéi, Maison de Terentius Neo (ou Paquius Proculus), exèdre.
Viviane Durussel, mai 2010
page 19
Le mariage
Le mariage était envisagé chez les Romains comme un devoir à la fois religieux et social. L’obligation de
prendre femme pour avoir des enfants découlait de la double nécessité de perpétuer le culte des morts et
d’assurer la continuité de la cité. Aussi le célibat semble-t-il, à l’origine, avoir été interdit par les lois et
le divorce autorisé si la femme n’avait pas d’enfants. Cette tradition de l’ancienne Rome d’obliger les
citoyens à se marier ne se perdit jamais complètement. Auguste par ses fameuses « Lois Juliennes »
récompensait les gens mariés selon le nombre de leurs enfants et infligeait des amendes aux célibataires.
Les trois forme de mariage (Gaius, Institutes 110, 114)
Les Romains connaissaient trois formes de mariages : le mariage par « usus » (par habitude) après
cohabitation d’une année entière, dépourvu de formalités ; le mariage par « confarreatio », ainsi appelé
parce que les deux époux offraient à Jupiter un gâteau d’épeautre, le « panis farreus ». Ce mariage était
célébré devant le Grand Pontife, c’était le mariage essentiellement religieux et patricien ; le mariage par
« coemptio », qui consistait en une vente fictive de la femme : c’était le mariage plébéien par excellence.
Voici les textes de lois.
1
Olim tribus modis in manum conveniebant feminae : usu, farreo, coemptione.
2
Usu in manum conveniebat (femina) quae continuo nupta perseverabato ; nam
3
velut annua possessioneo usucapiebatur, in familiamo viri transibat filiaeque
4
locum obtinebato. Itaque lege XII Tabularum cautum est ut si qua [femina]
5
nollet eo modo in manum mariti convenire, ea quotannis trinoctio abesset
6
atque eo modo usum cujusque anni interrumpereto. Sed hoc totum jus partim
7
legibus sublatum est , partim ipsa desuetudineo oblitteratum est.
8
Farreo in manum conveniunt per quoddam genus sacrificiio quod Jovi farreo
9
fit ; in quo farreus panis adhibetur, unde etiam « confarreatio » dicitur.
10
Complura cum certis et sollemnibus verbis, praesentibuso decem testibus,
11
aguntur et fiunt. Quod jus etiam nostris temporibus in usu est ; nam flamines
12
majores, item reges sacrorum, nisi ex farreatis nati non leguntur, ac ne ipsi
13
quidem sine confarreatione sacerdotium habere possunt.
14
Coemptione vero in manum conveniunt per mancipationem, id est quamdam
15
imaginariamo venditionemo ; nam adhibitis non minus quam quinque testibus
16
civibus romanis, asse emit is mulierem, cujus in manum convenit.
Gaius, Institutes 110, 114,
1
olim, adv.
tribus (Abl. pl.)
in manum convenire.
2
continuo, adv.
Viviane Durussel, mai 2010
autrefois
trois
passer sous la puis-sance de leur mari
sans interruption
page 20
nupta, ae, f.
la mariée
3
annuus, a, um
usucapio, is, ere
d’une année
acquétir par pos-session prolongée
4
caveo, ere, cavi, cautum. ut
stipuler que
5
quotannis, adv.
trinoctium, i, n.
chaque année
l’espace de 3 nuits
6
quique, quae, quodque
partim, adv.
chaque
en partie
7
tollo, is, ere, sustuli,
sublatum
oblittero, as, are, rég.
enlever
farreum, i, n.
le far, gâteau de farine
grossière
Dat. de Juppiter
8
Jovi
effacer, faire oublier
9/15 adhibeo, es, ere
employer
10
solennel, consacré
le témoin
sollemnis, is, e
testis, is, m.
11-12 flamines majores
les prêtres majeurs
12
item, adv.
de même
13
sacerdotium, i, n.
la dignité d’augure
14
mancipatio, onis, f.
la vente
16
as, assis, m.
l’as (= pièce d’une
valeur insignifiante)
Conjunctio manuum dans le mariage par
confarreatio
Un discours sur le mariage
Auguste fit, dit-on, lire au Sénat, ce discours de Métellus (vainqueur de Jugurtha en 109 av. J.-C., d’où
ce surnom de Numidicus) « Sur les mariages» (De ducendis uxoribus), en vue de lutter contre le
développement du célibat, dont les progrès lui paraissaient à juste titre inquiétants pour l’avenir de
l’empire.
Viviane Durussel, mai 2010
page 21
1
Multis et eruditiso viris audientibus, legebatur oratio Metelli Numidici, gravis
2
ac diserti viri, quam in censurao dixit « de ducendis uxoribus », cum populum
3
ad matrimonia capessenda adhortaretur. In ea oratione ita scriptum fuit : « Si
4
sine uxore esse possemus, Quirites, omnes ea molestia careremus ; sed
5
quoniam ita natura tradidit, ut nec cum illis satis commode, nec sine illis ullo
6
modo vivi possit, saluti perpetuae potius quam brevi voluptati consulendum
7
est. » Videbatur quibusdam Metellum censoremo, cui consilium esset ad
8
uxores
9
incommodisque perpetuiso rei uxoriae confiteri. [...] Titus autem Castricius
10
Metellum recte atque condigne esse locutum existimabat.
ducendas
populum
hortari,
non
oportuisse
de
molestia
d’après Aulu-Gelle, Nuits Attiques 1, 6 (avec des coupures)
2
disertus, a, um
« de ducendis uxoribus »
habile à parler
voir introduction
3
matrimonia capessere
adhortor, aris, ari, atus sum ad
contracter mariage
exhorter à
4
Quirites, um, m. pl.
molestia, ae, f.
les Quirites (= les citoyens romains de vieille
souche)
la charge, le désagrément
5
commode, adv.
agréablement
6
saluti perpetuae
brevi voluptati
consulo, is, ere + Dat.
traduisez par : au salut durable de la société
traduisez par : à notre intérêt personnel éphémère
veiller à
8
uxorem ducere
hortor, aris, ari ad + Acc.
se marier
encourager à
9
incommodum, i, n.
res uxoria
confiteor, eris, eri de + Abl.
Titus Castricius (vers 150 apr. J.-C.)
l’inconvénient
le mariage
avouer, reconnaître (qqch.)
l’un des maîtres d’Aulu-Gelle
10
condigne, adv.
loquor, eris, loqui, locutus sum, dép.
dignement
parler
Célibataires mis à l’amende !
« A quoi bon être actif hors de Rome si à l’intérieur on se conduit mal ? »
Dès 435 av. J.-C., on voit apparaître deux censeurs, choisis parmi les anciens consuls. En charge pour
18 mois, ils répertorient les citoyens selon leur fortune (census), recrutent les membres du Sénat, en
excluent les indignes ... et surveillent les mœurs. Les deux censeurs de l’an 403, Camille et Postumus,
infligeaient une amende symbolique (stips) aux citoyens qui, au terme de leur vie, n’avaient pas donné
d’enfants à Rome, et, s’ils osaient se plaindre, les invectivaient publiquement.
Viviane Durussel, mai 2010
page 22
1
Camillus et Postumus censoreso cives qui ad senectutem caelibes pervenerant
2
aera in aerarium deferre jusserunt. Existimabant eos iterum punirio dignos
3
esse, si quo modo queri sunt ausi, et ita increpebant : « Ut natura vobis
4
nascendi [legem scribit], ita gignendi legem scribit parentesque, vos alendo,
5
nepotum nutriendorum debito vos alligaverunt. Fortuna longam praestandi
6
hujus muneris advocationem vobis dedit, cum consumpti sunt anni vestri et
7
maritio et patris nomine vacui. Ite igitur et exsolvite stipem utilemo posteritatio
8
numerosae. »
d’après Valère Maxime 2, 9, 11,
1
senectus, utis, f.
caelebs, caelibis
la vieillesse
célibataire
2
aes, aeris, n.
aerarium, i, n.
deferre
iterum, adv.
la pièce de monnaie
le trésor public
verser
à nouveau, une seconde fois
3
quo modo
queri (infinitif dép.)
sunt ausi
increpo, as, are, rég.
= aliquo modo
se plaindre
traduisez par : ils osaient
interpeller, apostropher
4
nascor, eris, nasci, natus sum
gigno, is, ere, genui, genitum
alo, is, ere alui, altum
naître
mettre au monde des enfants
faire grandir, élever
5
nepotes, um, m. ou f. pl.
nutrio, is, ire, ivi, itum
debitum, i, n.
alligo, as, are + Abl.
praesto, as, are
les petits-enfants
nourrir
le devoir
astreindre à
remplir
6
advocatio, onis, f.
consumo, is, ere, sumpsi, sumptum
le délai, le répit
employer, épuiser
7
vacuus, a, um + Abl.
vide de, dépourvu de
exsolvo, is, ere, solvi, solutum + Acc. s’acquitter de
stips, stipis, f.
la petite pièce
8
numerosus, a, um
nombreux
La vie conjugale
Un modèle d’amour conjugal
Tiberius Sempronius Gracchus était très attaché à son épouse Cornelia, fille de Scipion l’Africain, et
préféra sauver la vie de sa femme au détriment de la sienne. De fait, il mourra jeune, en 153. Veuve,
Cornelia, mère de douze enfants, se consacrera à la gestion de son domaine et à l’éducation de ses
enfants. Elle passe pour le modèle d’une mère exemplaire.
Viviane Durussel, mai 2010
page 23
1
Tiberius Gracchus, anguibus domi suae mare ac femina captis, certior factus
2
est ab haruspiceo mare dimisso uxori ejus, femina [dimissa] ipsi celerem
3
mortem instare. Salutem conjugi potius quam sibi maluit : marem necari,
4
feminam dimitti jussit sustinuitque in conspectu suo ipsum interitu serpentiso
5
occidi. Corneliam nescio utrum feliciorem dixerim quod talem virum habuerit
6
an miseriorem quod amiserit.
d’après Valère Maxime 4, 6, 1,
1
anguis, is, m.
mar, maris, m.
le serpent
le mâle
1-2
certior fio, fis, fieri, factus sum
être informé
2/4
dimitto, is, ere, misi, missum
relâcher
2
celer, eris, 3 g.
rapide
3
insto, as, are + Dat.
neco, as, are, rég.
menacer
tuer
4
sustineo, es, ere, tinui, tentum
conspectus, us, m.
interitus, us, m.
accepter (que, de)
la vue
la mort
Fidélité des femmes envers leurs maris
Tertia Aemilia est l’épouse de Scipion l’Africain, le vainqueur d’Hannibal. Elle couvre les égarements de
son époux, pour éviter que la gloire du héros de Zama soit ternie par une liaison avec une petite
servante.
Voici donc Tertia Aemilia, la femme du premier Africain, la mère de Cornélie, mère des
Gracques ; elle avait tant de bonté et de patience que, tout en sachant bien que son mari aimait
l’une de ses jeunes servantes, elle le cacha, pour éviter que le vainqueur du monde, l’Africain,
un grand homme, ne soit accusé par une femme de ne pas savoir dominer ses sens. La
vengeance fut si étrangère à son esprit que, après la mort de l’Africain, elle affranchit la
servante et la donna en mariage à l’un de ses affranchis.
Valère-Maxime 6, 7, 1
Contre les femmes
Lors de la seconde guerre punique (218-20 av. J.-C), entra en vigueur la loi Oppia, instaurant toutes
sortes de restrictions pour soutenir l’effort de guerre. Sept ans après la fin de la guerre, la loi n’a pas
été abrogée et les femmes de Rome manifestent pour obtenir sa suppression. Partisan du maintien de la
rigueur, Caton l’Ancien fait un virulent discours : les femmes n’ont pas à se mêler de politique et leur
donner la parole met en péril l’ordre et la moralités publics.
Viviane Durussel, mai 2010
page 24
1
Majores nostri feminas nullam ne privatamo quidem rem agere sine tutore
2
voluerunt, in manu esse parentium, fratrum, virorum. Nos jam etiam eas rem
3
publicam capessere patimur et foro quoque et contionibus et comitiis
4
immisceri. Quid enim nunc aliud per vias et compita faciunt quam legem
5
abrogandamo [esse] censent ? Date frenos impotenti naturae et indomito
6
animali et sperate ipsas modum licentiae facturas esse. [...] Omnium rerum
7
libertatem, (immo licentiam, si vere volumus dicere), desiderant. Quid enim,
8
si hoc expugnaverint, non tentabunto ? Recensete omnia muliebra jura, quibus
9
licentiam earum adligaverint majores vestri per quaeque eas subjecerint viris.
d’après Tite-Live, Histoire romaine 34, 2, 2 (avec des coupures)
1
tutor, oris, m.
le tuteur, la personne responsable
2
in manu esse
être sous la puissance (juridique) de
2-3
rem publicam capessere
embrasser la vie politique
3
contio, onis, f.
comitia, orum, n. pl.
l’assemblée du peuple
les comices (= assemblée du peuple où l’on vote)
4
immisceo, es, ere + Dat.
compita, orum, n. pl.
se mêler à, s’immiscer dans
les carrefours
5
censeo, es, ere, censui, censum
frenos dare
impotens, impotentis, 3 g.
indomitus, a, um
conseiller, prescrire
lâcher la bride
qui n’est pas maître de soi, déchaîné
indompté, sauvage
6
modus, i, m.
licentia, ae, f.
la mesure
la liberté sans contrôle, les débordements
immo, adv.
vere, adv.
desidero, as, are, rég.
ou plutôt, ou mieux
franchement
désirer, rechercher
expugno, as, are, rég.
recenseo, es, ere, censui
muliebris, is, e
l’emporter, venir à bout (d’une
entreprise)
passer en revue
des femmes
adligo, as, are
per quaeque = et per quae
subjicio, is, ere, jeci, jectum +Dat.
attacher, lier, enchaîner
et par lesquels
soumettre à
8
9
La thérapie familiale
Quoi de mieux que l’ambiance chaleureuse d’un « repas de famille » (caristia) pour régler les conflits
dans la joie et la bonne humeur?
Nos ancêtres ont institué un type de festin solennel qu’ils ont appelé repas de famille et auquel
ne participaient que les parents par filiation ou alliance, pour permettre, en cas de conflit entre
personnes liées par de telles relations, de le résoudre au cours des cérémonies célébrées autour
de la table, dans l’allégresse et grâce à la présence de personnes qui invitaient à la
réconciliation.
Valère-Maxime 2, 1, 8
Viviane Durussel, mai 2010
page 25
La déesse Viriplaca (d’après Valère Maxime 2, 1, 6)
Les Romains avaient d’innombrables divinités, pour tous les actes de l’existence. Pour la vie conjugale,
il y avait Juno Pronuba (protectrice du mariage), Afferenda (qui assistait à la réception de la dot et des
cadeaux de noces), Manturna (qui obligeait l’épouse à rester dans la maison de son mari) et – si les
choses se gâtaient – Viriplaca (qui réconciliait les époux désunis).
1
Quotiens vero inter virum et uxorem aliquod jurgium intercesserat, in
2
sacellum Deae Viriplacae, quod est in Palatioo, veniebant et ibi invicem locuti
3
quae voluerant, contentione animorum depositao, concordes domum
4
revertebantur. Dea hoc nomen a placandis viris fertur accepisse. Quae
5
venerandao quidem et praecipuis exquisitisque sacrificiiso colenda est, quia
6
cotidianamo ac domesticamo pacem custodit.
d’après Valère Maxime 2, 1, 6
1
2
3
4
5
6
quotiens, subord. + Indicatif
jurgium, i, n.
intercedo, is, ere, cessi, cessum
sacellum, i, n.
invicem, indéclinable
locuti
contentio, onis, f.
concors, concordis
placo, as, are, rég.
praecipuus, a, um
exquisitus, a, um
custodio, is, ire, ii (ivi), itum
chaque fois que
la querelle
surgir
le petit sanctuaire, la chapelle
chacun à son tour
traduisez par : « ayant dit »
le conflit
d’accord, uni de cœur
apaiser
particulier, spécial
choisi, recherché
garder, conserver, protéger
Portraits de femmes
Les femmes savantes (Juvénal, Satires 6, 434-442 / 448--456)
Juvénal est stupéfait d’apprendre que son ami Postumus songe à se marier. Est-il devenu fou ? Point de
femme qui ne soit vicieuse ou insupportable : voici le thème que le poète va développer en une série de
petits portraits féroces.
Plus assommante encore est cette autre qui, à peine à table, loue Virgile, justifie Didon prête à
mourir, met les poètes en parallèle, les compare, suspend dans la balance Virgile d’un côté,
Homère de l’autre. Les grammairiene mettent bas les armes, les rhéteurs s’avouent vaincus,
tout le monde fait silence. Impossible à un avocat, à un crieur public, à une femme même, de
placer un mot, tant est dru le flot de ses paroles. On dirait un tintamarre de chaudrons et de
clochettes.
[...] Puisse la femme qui partage ta couche n’avoir pas de style à elle, ne pas décocher en
phrases arrondies l’enthymème tortueux, ignorer quelque chose en histoire et ne pas
comprendre tout ce qu’elle lit ! Je déteste une femme qui reprend et déroule sans cesse la
« Méthode » de Palaemon, sans manquer jamais aux règles du langage ; qui, férue d’érudition,
me cite des ers que je ne connais pas et qui relève chez une amie ignorante des fautes axquelles
des hommes ne feraient pas attention. Je veux qu’un mari puisse se permettre de lâcher un
solécisme.
Juvénal, Satires 6, 434-442/448-456
Viviane Durussel, mai 2010
page 26
Les ivrognesses
Comme le montrent les exemples que cite Pline, l’interdiction faite aux femmes de boire du vin date du
temps où les mœurs romaines avaient encore leur sévérité primitive.
1
Romae non licebat feminis vinum bibere. Invenimus, inter exemplao, Egnatii
2
Mecenii uxorem, quod vinum bibisset e dolio, interfectam esse a maritoo
3
eumque caedis a Romulo absolutum esse. Fabius Pictor in Annalibuso suis
4
scripsit matronamo, quod loculos in quibus erant vinariae cellae claves
5
resignavisset, a suis inedia mori coactam esse. Cato narravit fratres sororibus
6
et viros uxoribus osculum dare ut scirent an temetum olerent. Cn. Domitius
7
judex pronuntiavit mulierem videri pluso vini bibisse quam valetudinis causa,
8
viro inscienteo, ideoque eam pecunia multavit.
Pline l’Ancien, HN, 14, 14,
1/2/7
bibo, is, ere, bibi, bibitum
boire
1-2
Egnatius Mecenius
patricien qui vivait sous le règne de
Romulus
2
dolium, i, n.
la jarre, le tonneau
3
absolvo, is, ere, solvi, solutum + Gén. acquitter de l’accusation (de)
Fabius Pictor
historien, né vers 254 av. J.-C.
4
loculi, orum, m. pl.
vinaria cella, ae, f.
clavis, is, f.
la cassette, le coffret
la cave, le cellier
la clé
5
resigno, as, are, rég.
inedia, ae, f.
ouvrir
le manque de nourriture
6
osculum, i, n.
temetum, i, n.
oleo, es, ere
le baiser
le vin pur
sentir
7
pronuntio, as, are, rég.
valetudinis causa
rendre un arrêt (sens juridique)
pour sa santé
8
ideo, adv.
multo, as, are, rég. + Abl.
pour cette raison, à cause e cela
punir de
Les empoisonneuses (Valère Maxime 2, 5, 3)
Discours attribué à Camille
1
Veneficii quaestio, et moribus et legibus romanis ignota, compluriumo
2
matronarum patefacto scelere orta est. Quae, cum viros suos clandestinis
3
insidiis veneno interficerent, unius ancillae indicio protractae, pars capitali
4
judicio damnataeo sunt, quae centum et septuagenta (CLXX) explevit.
d’après Valère Maxime 2, 5, 3,
Viviane Durussel, mai 2010
page 27
1
veneficii quaestio, onis, f.
ignotus, a, um
2
patefacio, is, ere
orior, iris, oriri, ortus sum
clandestinus, a, um
3
insidiae, arum, f. pl
venenum, i, n.
ancilla, ae, f.
indicium, i, n.
protrahere
le procès pour
empoisonnement
inconnu
découvrir, dévoiler
avoir lieu pour la
première fois
qui se fait en
cachette
le piège
le poison
la servante
la dénonciation
dévoiler
3-4 capitale judicium, i, n.
la peine capitale
4
atteindre le
nombre de
expleo, es, ere, evi + Acc.
Les sorcières. Mosaïque de Pompéi. Musée
archéologique de Naples.
Le divorce
Le premier divorce à Rome
Dès le Ier siècle av. J.-C., les Romains divorçaient souvent. Pourtant cette coutume n’est apparue que
vers 230 av. J.-C., comme nous le raconte Valère Maxime, et commença par faire scandale.
1
Nullumo repudium inter uxorem et virum a condita Urbe usque ad
2
vicesimum et quingentesimum annum intercessit. Primum autem Sp.
3
Carvilius uxorem sterilitatiso causa dimisit. Qui quamquam tolerabilio ratione
4
motus videbatur reprehensione non caruit, quia ne cupiditatemo quidem
5
liberorum conjugalio fidei praeponi debere arbitrabantur.
d’après Valère Maxime 2, 1, 4
1
repudium, i, n.
ab ... usque ad ...
condo, is, ere, condidi, conditum
le divorce
depuis ... jusqu’à
fonder
2
vicesimus et quingentesimus
intercedo, is, ere, cessi, cessum
cinq cent vingtième
prendre place, avoir lieu
3
dimitto, is, ere, misi, missum
renvoyer
Viviane Durussel, mai 2010
page 28
4
reprehensio, onis, f.
le blâme, la critique
5
praepono, is, ere, posui, positum
arbitrabantur
placer avant, préférer à
traduisez par : on pensait
La frénésie de divorcer
Le poète satirique Juvénal dresse un portrait sombre des femmes. Si elles ne sont pas dépravées, elles
sont inconstantes !
La femme fait donc la loi à son mari. Mais bientôt elle abandonne ce royaume-là ; elle change
d’habitude. foule aux pieds le voile nuptial. Puis elle s’envole encore et s’en vient reprendre sa
place au lit qu’elle a dédaigné. [...] C’est ainsi qu’on additionne les maris, jusqu’à huit en cinq
automnes !
Juvénal, Satires 6, 224-230 (avec des coupres)
Déjà Sénèque critiquait avec mordant la coutume de divorcer, très en vogue à l’époque de Néron, aussi
chez les femmes.
1
Numquid jam ulla [femina] repudio erubescit, postquam illustres quaedam ac
2
nobiles feminae non consulum numero, sed maritorum [numero] annos suos
3
computant et exeunt matrimonii causa, nubunt repudii [causa] ?
Sénèque, de Benef. III, 16, 2
1
numquid ?
repudium, i, n.
erubesco, is, ere + Abl.
est-ce que par hasard ?
le divorce
rougir de
3
computare
matrimonium, i, n.
causa (précédé du Gén.)
nubo, is, ere
compter
le mariage
pour, en vue de
se marier
Viviane Durussel, mai 2010
page 29
Seniores
Quinta aetas senioris, id est gravitaso,
quae est declinatioo a juventute in senectutem.
Senior est adhuc viridior.
Portrait d’un homme âgé.
Buste. vers 110 apr. J.-C.
Genève, Musée d’art et d’histoire.
Viviane Durussel, mai 2010
Portrait d’une femme âgée.
Buste. vers 20 av. J.-C.
Rome, Palais Massimo.
page 30
La vieillesse
La journée d’un vieillard (Pline, Ep. 3, 1)
Discours attribué à Camille
1
extraits en français
,
2
3
4
La transmission des valeurs ancestrales
Les anciens (majores natu) sont les dépositaires des coutumes ancestrales (le mos majorum) et les
transmettent aux générations plus jeunes.
Il a été établi de tout temps que nos aînés nous apprennent non seulement par les oreilles,
mais aussi par les yeux les usages que nous devons ensuite pratiquer à notre tour et
transmettre, comme de main en main, à nos descendants. [...] A chacun l’auteur de ses jours
servait de maître et, à qui n’avait plus de père, les hommes illustres et plus âgés en tenaient
lieu.
Pline, Ep. 8, 14, 4 et 6
On trouve le même écho chez Valère-Maxime, qui oppose la formation par l’exemple (à travers les
carmina qui ont préparé l’épopée) à l’enseignement supérieur grec.
1
Majores natu in conviviis ad tibias egregia superiorum opera carmine
2
comprehensa pangebant, quo ad ea imitandao juventutem alacriorem
3
redderent. Quid splendidiuso, quid etiam utilius hoc certamine ? Juvenes canis
4
suum decus reddebant, defuncta viri cursu aetas ingredientes actuosam vitam
5
prosequabatur. Quas Athenas, quam scholamo, quae alienigena studia huic
6
domesticae disciplinaeo praetulerim ? Inde oriebantur Camilli, Scipiones,
7
Fabricii, Marcelli, Fabii, inde fulserunt Caesareso.
d’après Valère Maxime 2, 1, 10
1
tibia, ae, f.
superiores, um, m. pl.
opus, eris, n.
la flûte
les prédecesseurs
l’œuvre, les hauts faits
2
comprehendo, is, ere, di, sum
pango, is, ere, panxi, panctum
juventus, utis, f.
alacris, is, e ad + Acc.
exprimer
célébrer, chanter, louer
la jeunesse
empressé à
3
certamen, inis, n.
cani, orum, m. pl.
le concours
ceux qui ont les cheveux blancs
4
decus, oris, n.
defunctus, a, um + Abl.
cursus, us, m.
ingredior, eris, i, ingressus sum+ Acc.
la dignité, l’honneur
traduisez par : qui a aaccompli
ici . la carrière
entrer dans, commencer
Viviane Durussel, mai 2010
page 31
actuosus, , a, um
plein d’activité, actif
5
prosequor, eris, sequi, dép.
Athenae, arum, f. pl.
alinegenus, a a, um
accompagner
ici : les écoles d’Athènes, les universités
qui a lieu à l’étranger
6
praeferre
inde, adv.
orior, iris, oriri, ortus sum, dép.
préférer
de là
naître
7
fulgeo, es, ere, fulsi, fulsum
briller, se manifester avec éclat
Les honneurs rendus aux vieillards !
Après une vie vécue dignement, les aînés (majores natu) jouissent de l’auctoritas, c’est-à-dire du
prestige et des marques de déférence qui en découlent (reverentia).
1
Senectuti juventas ita cumulatum et circumspectum honoremo reddebat
2
tamquam majores natu adulescentium communes patres essent. Juvenes
3
senatus die aliquem ex patribus conscriptis aut propinquum aut paternum
4
amicum ad curiamo deducebant adfixique valvis exspectabant, donec
5
reducendi etiam officio fungerentur.
d’après Valère Maxime 2, 1, 9
1
juventas, atis, f.
cumulatus, a, um
circumspectus, a, umn
la jeunesse
accumulé, répété
plein de prévenance
2
tamquam, subord. + Subj.
comme si
3
pater conscriptus
le père conscrit = le sénateur
4
paternus, a, um
deducere
adfixus, a, um + Dat.
valvae, arum, f. pl.
donec+ Subj.
de son père
accompagner, escorter
placé devant
les deux battants de la porte, la porte
jusqu’à ce que
5
officio fungor, eris, i, functus sum + Abl. s’acquitter (du devoir de)
Viviane Durussel, mai 2010
page 32
Senectus
Sexta aetas senectus,
quae nullo annorum tempore finitur.
Senium autem est pars ultimao senectutis,
sic dicta quod sit terminus sextae aetatis.
Portrait d’un homme âgé.
Buste, Ier siècle av. J.-C. Marbre.
Rome, musée Torlonia.
Vieille femme.
Marbre.
Londres, British Museum.
.
Viviane Durussel, mai 2010
page 33
Non aux vieillards aigris
Les vieillards sont parfois difficiles à vivre, mais les défauts que cite Cicéron sont donnés comme propres
au caractère - et non à l’âge.
1
At sunt morosio et anxiio et iracundi et difficiles senes, si quaerimus, etiam
2
avario. Sed haec morum vitia sunt, non senectutis. Ac morositaso tamen et ea
3
vitia quae dixi habent aliquid excusationiso [...] quae probari posse videatur :
4
contemni se putant, despici, illudi ; praeterea in fragilio corpore odiosa omnis
5
offensioo est. [... ] Sic se res habet : ut enim non omne vinum, sic non omnis
6
natura vetustate coacescit. Severitatem in senectute probo, sed eam, sicut alia,
7
modicam ; acerbitatem nullo modo.
Cicéron, Cato Major 18, 65
1
iracundus, a, um
irascible, qui se met facilement en colère
2
senectus, utis, f.
la vieillesse
3
probo, as, are, rég.
démontrer, prouver
4
despicio, is, ere
illudo, is, ere + Acc.
praeterea, adv.
mépriser, regarder de haut
se moquer (de qqun)
de plus, en outre
6
vetustas, atis, f.
coacesco, is, ere
l’âge
devenir aigre, s’aigrir
7
acerbitas, atis, f.
l’aigreur
Viviane Durussel, mai 2010
page 34
Anecdote de Sophocle âgé
Cicéron mentionne une Loi des XII Tables qui frappe d’interdiction juridique les vieillards qui dissipent
leurs bien. Sophocle fut assigné en justice par ses fils pour cette raison et voilà comment il se défendit.
1
Sophocles ad summam senectutem tragoediaso fecit ; cum propter id studium
2
rem familiarem neglegereo videretur, a filiis in judicium vocatus est ut, ut
3
more nostro patribus male rem gerentibus interdici solet, sic illum quasi
4
desipientem a re familiari removerent judices. Tum senex dicitur eam fabulam
5
quam in manibus habebat et proxime scripserat, « Oedipum Coloneum »,
6
judicibus recitavisse quaesivisseque num illud carmen desipientis [carmen]
7
videretur. Quo recitato, sententiis judicum est liberatus.
d’après Cicéron, Cato Major 7, 22
1
Sophocles, is, m.
senectus, utis, f.
Sophocle
la vieillesse
2/4
res familiaris, rei familiaris, f.
judicium, i, n.
le patrimoine, les biens familiaux
le tribunal
3
interdici + Dat.
frapper d’interdiction
4/6
desipiens, entis
removere ab + Abl.
judex, icis, m.
gâteux, frappé de folie
ôter l’usage de
le juge
5
proxime, adv.
tout récemment
7
libero, as, are, rég.
ici . acquitter
Viviane Durussel, mai 2010
page 35
La mort
Quae si hoc tempore non periisset,
paucis post annis tamen ei moriendum fuisset,
quoniam homo nata erat.
Viviane Durussel, mai 2010
page 36
Mort des petits enfants
Les Perses
Chez les Perses, les pères ne voyaient pas leurs enfants avant qu’ils aient atteint l’âge de 7 ans.
1
Nam Persarumo admodum probabile institutum fuit quod liberos suos non
2
prius adspiciebant quam septimum annum implevissent, quo parvulorumo
3
amissionemo aequiore animo sustinerento.
Valère-Maxime 2, 6, 16
1
admodum. adv.
probabilis, is, e
institutum, i, n.
tout à fait, parfaitement
digne d’approbation, louable, recommandable
l’habitude
2
prius ... quam ...
septimus, a, um
impleo, es, ere, evi, etum
avant que
septième
remplir, accomplir
Epitaphe d’Erotion
Discours attribué à Camille
1
Hanc tibi, Fronto pater, genetrix Flaccilla, puellam
Relief funéraire en provenance
d’Ostie, représentant un
enfant et une chèvre.
oscula commendo deliciasque meas,
2
3
parvula ne nigras horrescat Erotion umbras
4
oraque Tartarei prodigiosa canis.
5
Impletura fuit sextae modo frigora brumae,
6
vixisset totidem ni minus illa dies.
7
Inter tam veteres ludat lasciva patronos
8
et nomen blaeso garriat ore meum.
9
Mollia non rigidus caespes tegat ossa nec illi,
terra, gravis fueris : non fuit illa tibi.
10
L’enfant porte une « bulle »
autour du cou
1
2
3
genetrix, icis, f.
osculum, i, n.
commendare, o
deliciae, arum, f. pl.
niger, gra, grum
horrescere,o + Acc.
Viviane Durussel, mai 2010
la mère
le baiser
confier, recommander
les délices, les douceurs
noir
s’effrayer de
page 37
4
5
6
7
8
9
9-10
Tartareus, a, um
canis, is, m.
implere, eo, plevi, pletum
frigus, oris, n.
bruma, ae, f.
totidem (adj. inv.)
ni minus
lascivus, a, um
patronus, i, m.
blaesus, a, um
garrire, io
rigidus, a, um
caespes, itis, m.
tegere,o
os, ossis, n.
nec … fueris
du Tartare, des Enfers
le chien
remplir, accomplir, achever
le froid, les frimas
l’hiver, l’année
autant de
à moins que, si
folâtre, gai
le protecteur
qui balbutie
dire en gazouillant
dur, rigide
le gazon, l’herbe
recouvrir
l’os
et ne sois pas (impératif)
Stèle de Visellia Firma (Regula Frei-Stolba et Anne Bielman : Musée romain
d'Avenches. Les Inscriptions, p. 60)
Ce sont peut-être les stèles funéraires qui expriment au plus juste les sentiments éprouvés lors de la
perte d’un enfant. Celle-ci a été trouve en décembre 1987 dans la nécropole d’En Chaplix à Avenches.
D(is) M(anibus s(acrum
Viselliae Firmae
Visel(lius) Firminus et
Julia Secunda parente(s)
infe(licissimi) vix(it) an(no) dieb(us) L
Mort des jeunes gens
Les fils de Paul Emile
Paul Emile, le vanqueur de Persée à Pydna (168) eut le malheur de perdre tous ses enfants.
Paul Emile représente aussi bien ce qui peut arriver de plus heureux que ce qui peut arriver
de plus malheureux à un père de famille, puisque de ses quatre fils, qui avaient une beauté
remarquable et d’excellentes dispositions, il a fait passer deux d’entre eux, par adoption, dans
la famille des Cornelii et des Fabii, en se privant d’eux de sa propre initiative. Les deux autres,
la fortune les lui a enlevés : l’un précéda le triomphe de son père par le cortège funèbre qui
l’amenait au tombeau quatre jours plus tôt ; l’autre, qu’on avait vu sur le char triomphal,
mourut trois jours plus tard. Ainsi cet homme, qui était allé jusqu’à faire cadeau de ses enfants
- tant ils étaient nombreux chez lui -, se trouva tout à coup sans un seul d’entre eux. Devant
cette situation, la force de son âme lui donna de quoi le supporter, le discours qu’il a prononcé
pour rendre compte de son activité devant le peuple, avec le passage suivant qu’il y a ajouté,
ne laisse rien de douteux à ce sujet : « Arrivé au sommet de la chance qui nous favorisait,
citoyens, je craignais que la fortune ne prépare quelque malheur et j’ai demandé à Jupiter Très
Bon Très Grand, à Junon Reine et à Minerve dans une prière de faire que, si quelque chose de
mauvais menaçait Rome, cela tombe tout entier sur ma famille. Donc tout est très bien. Les
Viviane Durussel, mai 2010
page 38
dieux ont exhaucé mes souhaits et fait en sorte que vous ayez à déplorer le sort qui me frappe,
plutôt que moi à pleurer sur le vôtre. »
Valère Maxime 5, 10, 2
Douleur d’Octavie à la mort de Marcellus
M. Claudius Marcellus, le fils d’Octavie, la sœur d’Auguste, adopté par Auguste, époux de Julie, la fille
de l’empereur, est un prince brillant, le successeur tout désigné d’Auguste.
Il meurt à Baïes en 23 av. J.-C. à l’âge de 19 ans. Octavie se retranche de la société humaine pour se
concentrer sur son chagrin farouche.
1
Octavia et Livia, altera soror Augusti, altera uxor, amiserant filios juvenes,
2
utraque spe futurio principis certa : Octavia [amiserat] Marcellum, cui et
3
avunculus et socer incumbere coeperat, in quem onus imperii reclinare
4
[coeperat], adulescentem animo alacrem, ingenio potentem, sed frugalitatiso
5
continentiaeoque
6
voluptatibus alienum, quantumcumque imponereo illi avunculus voluisset,
7
laturum. [...] Nullum finem flendi gemendique per omne vitae suae tempus
8
fecit [Octavia] nec ullas admisit voces salutare aliquid afferentes ; ne avocari
9
quidem se passa est, intenta in unam rem et toto animo affixa. Talis per
10
omnem vitam fuit, [...] secundam orbitatem judicans lacrimas amittere.
11
Nullam imaginem filii carissimi habere voluit, nullam sibi de illo fieri
12
mentionemo. Oderat omnes matres ...
non
mediocritero
admirandaeo,
patientem
laborum,
d’après Sénèque, ad Marciam consolationem, 2,
2
utraque ... certa
l’une et l’autre avaient un espoir certain de le
voir devenir prince
3
avunculus, i, m.
socer
incumbere + Dat.
reclinare (in + Acc.)
l’aïeul, le grand-oncle
le beau-père
se reposer sur
se décharger sur
4
alacer, cris, cre
vif
5
patiens, entis + Gén.
endurant à
6-7
quantumcumque ... laturum
capable de porter tout ce que
7
gemo, is, ere, gemui, itum
gémir
8
salutare aliquid
avoco, as, are
un soulagement à sa douleur
distraire
9
intentus, a, um (in + Acc.)
affixus, a, um (in + Acc.)
tourné vers
accroché à
10
secundam orbitatem
que ce serait perdre son fils une seconde fois
11
carus,, a, um
cher, chéri
Viviane Durussel, mai 2010
page 39
Consolation à l’occasion de la mort de Tullia
En 45, Tullia, la fille de Cicéron, meurt en couches à 31 ans. Sa mort causa un immense chagrin à
son père. Il lui arriva de tous côtés des lettres de consolation, mais aucune lettre ne dut le toucher
plus vivement que celle qu’il reçut de son vieil ami Servius Sulpicius, qui gouvernait alors la
Grèce. Voici ce qu’il lui dit : « De quel poids est la mort d’une jeune femme si l’on considère la
ruine de villes autrefois florissantes et la mort d’hommes célèbres et influents ?»
1
At vero malum est liberos amittere. [...] Volo tibi commemorare quae res mihi
2
non mediocremo consolationemo attulerit, si forte eadem res tibi dolorem
3
minuere possit. Ex Asia rediens cum ab Aegina ad Megaram navigaremo, coepi
4
regioneso circumcirca prospicere ; post me erat Aegina, ante me Megara, dextra
5
Piraeeus, sinistra Corinthuso, oppida quae quodam tempore florentissima
6
fuerunt, quae nunc prostrata et diruta ante oculos jacent. Coepi ego mecum sic
7
cogitare : « Heu ! nos homunculi indignamur, si quis nostrum interiit autad Fam.
8
IV, 5) occisus est, quorum vita brevior esse debet, cum in uno loco tot oppidorum
9
cadavera projecta jacent ? Visne tu te, Servi, cohibere et meminisse te hominem
10
esse natum ? » Crede mihi, ea cogitatione non mediocritero sum confirmatus. Si
11
tibi videtur, effice ut hoc idem ante oculos tibi proponas : modo uno tempore tot
12
viri clarissimi interierunt, de imperio populi romani tanta deminutio facta est,
13
omnes provinciae conquassatae sunt ; in unius mulierculae animula si jactura
14
facta est, tantopere commoveris ? Quae si hoc tempore non periisset, paucis post
15
annis tamen ei moriendum fuisset, quoniam homo nata erat.
d'après Cicéron, Lettres ad Familiares IV, 5 (avec des coupures),
1
vero, adv.
commemoro, as, are, rég.
vraiment, en vérité
évoquer, rappeler
3
minuo, is, ere, minui, minutum
Aegina, ae, f.
Megara, ae, f.
diminuer, alléger
Egine
Mégare
4
circumcirca, adv.
prospicio, is, ere
dextra, adv.
tout autour de moi
regarder, examiner
à droite
5
Piraeeus, i, m.
sinistra, adv.
florens, florentis, 3 g.
le Pirée (port d’Athènes)
à gauche
florissant, brillant
6
prosterno, is, ere, stravi, stratum
renverser, abattre
Viviane Durussel, mai 2010
page 40
diruo, is, ere, dirui, dirutum
démolir, détruire
6/9
jaceo, es, ere
ici : être en ruines
7
heu !
homunculus, i, m.
indignor, aris, ari, atus sum
hélas !
le petit homme
s’indigner, trouver révoltant
8/13 unus, a, um (Gén. : unius)
un seul
8
cadaver, eris, n.
le cadavre
9
projicio, is, ere, projeci, projectum
se cohibeo, es, ere
abandonner
se reprendre, se contenir
10
cogitatio onis, f.
confirmo, as, are, rég.
la pensée, la réflexion
affermir, réconforter
11
videtur
sibi proponere aliquid
modo, adv.
ici : il semble bon
se représenter (quelque chose)
il y a peu, récemment
12
de + Abl.
imperium, i, n.
deminutio, onis, f.
ici : de, du
ici : le pouvoir
l’affaiblissement
13
conquasso, as, are, rég.
in + Abl.
jactura, ae, f.
ébranler, bouleverser
ici : à propos de
la perte
14
tantopere, adv.
commoveris = moveris
à ce point, tellement
Etude du thème : comparaison avec d’autres textes
Après avoir traduit le texte de Cicéron, lisez cet extrait du Voyage au bout de la nuit, un
roman de Charles-Louis Ferdinand Céline (1932).
Le héros, Ferdinand, est découragé, entre autres parce que son ami Bébert vient de mourir.
.Au bord de la Seine, il achète un livre à une bouquiniste, les Essais de Montaigne, qu’il
« traduit » ainsi.
"Sous le pont, l'eau était devenue toute lourde. J'avais plus du tout envie d'avancer.
Aux boulevards, j'ai bu un café crème et j'ai ouvert ce bouquin qu'elle m'avait vendu.
En l'ouvrant, je suis tombé sur une page d'une lettre qu'il écrivait à sa femme le
Montaigne, justement pour l'occasion d'un fils à eux qui venait de mourir. Ca
m'intéressait immédiatement ce passage, probablement à cause des rapports que je
faisais tout de suite avec Bébert. Ah! qu’il lui disait le Montaigne, à peu près comme ça
à son épouse. T'en fais pas va, ma chère femme ! Il faut bien te consoler !... Ca
s'arrangera !... Tout s'arrange dans la vie... Et puis d'ailleurs, qu'il lui disait encore, j'ai
justement retrouvé hier dans des vieux papiers d'un ami à moi une certaine lettre que Plutarque
envoyait lui aussi à sa femme, dans des circonstances tout à fait pareilles aux nôtres... Et que je
l'ai trouvée si joliment bien tapée sa lettre, ma chère femme, que je te l'envoie sa lettre !... C'est
une belle lettre! D 'ailleurs je ne veux pas t'en priver plus longtemps, tu m'en diras des
nouvelles pour ce qui est de guérir ton chagrin!... Ma chère épouse ! Je te l'envoie la belle lettre !
Elle est un peu là comme lettre, celle de Plutarque !... On peut le dire ! Elle a pas fini de
t'intéresser !... Ah ! non ! Prenez-en connaissance ma chère femme ! Lisez-la bien ! Montrez-la
Viviane Durussel, mai 2010
page 41
aux amis. Et relisez-la encore ! Je suis bien tranquille à présent ! Je suis certain qu'elle va vous
remettre d'aplomb !... Vostre bon mari. Michel.
Voilà que je me dis moi, ce qu'on peut appeler du beau travail. Sa femme devait être
fière d'avoir un bon mari qui s'en fasse pas comme son Michel. Enfin, c'était leur affaire
à ces gens. On se trompe peut-être toujours quand il s'agit de juger le coeur des autres.
Peut-être qu'ils avaient vraiment du chagrin ? Du chagrin de l'époque ?
Questions
1.
l. 3-4 : ... une lettre qu’il écrivait à sa femme le Montaigne...
l. 10-11 : ... une certaine lettre que Plutarque envoyait lui aussi à sa femme, dans
des circonstances tout à fait pareilles aux nôtres ...
Cherchez dans une encyclopédie qui est Montaigne, qui est Plutarque.
Pourquoi Montaigne écrit-il à sa femme ?
Pourquoi lui envoie-t-il une lettre de Plutarque ?
2.
l. 6-8 (en gras) Montaigne n’écrit pas ce que cite Ferdinand : pourquoi Ferdinand
résume-t-il ainsi le contenu de la lettre de Montaigne ?
Trouvez un élément dans cette lettre qui nous fait comprendre qu’elle date du
XVIe siècle.
3.
Quels sont les arguments que donne Servius Sulpicius à Cicéron ?
Montaigne à sa femme ? Plutarque à la sienne ?
4.
Qu’en pensez-vous ? Sont-ils susceptibles d’apporter consolation et réconfort ?
Motivez votre réponse par des exemples actuels.
5.
Commentez le dernier paragraphe.
Qu’est-ce que du « chagrin de l'époque » ?
Qu’est-ce qui a changé ? Le chagrin ou l’époque ?
Viviane Durussel, mai 2010
page 42
Oraison funèbre de Metellus
Q. Metellus fait l’oraison fiunèbre de son père : selon lui, il a atteint les ix objectif auxquels peut
prétendre un homme de bien.
1
Q. Metellus in ea oratione quam habuit supremis laudibus patris sui L. Metelli
2
pontificiso, bis consulis dictatoriso, magistri equitum, qui primus elephantos
3
ex primo punico bello duxit in triumpho, scripsit eum decem maximas
4
optimasque
5
consummavisse : [dixit eum] voluisse primarium bellatorem esse, auspicio suo
6
maximas res geri, maximo honore uti, summa sapientia esse, summum
7
senatorem haberi, pecuniam magnam bono modo invenire, multos liberos
8
relinquere. Haec omnia ei contigerunt nec ulli alii post Romam conditam.
res,
in
quibus
quaerendis
sapientes
aetatem
exigerent,
d’après Pline l’Ancien, HN, 7, 139-140
1
supremae laudes, f. pl.
l’éloge funèbre
4
aetatem exigere (in)
passer sa vie à
5
consumo, as, are, rég.
primarius, a, um
bellator, oris, m.
auspicio suo
employer
de premier rang
le guerrier, le combattant
sous son commandement
6
uti + Abl.
recevoir
7
haberi
être tenu pour, considéré comme
8
contigit (+ Dat.)
il est arrivé, il arriva (à)
Viviane Durussel, mai 2010
page 43
La fête des morts (Ovide, Fastes 2, 533-556 / 565-570)
Entre le 13 et le 21 février on célébrait les Parentalia (fêtes annuelles en l’honneur des morts). Durant
cette période, les magistrats ne portaient pas les insignes de leur fonction, les temples étaient fermés, les
mariages interdits. Le dernier jour avaient lieu les Feralia : on apportait de la nourriture aux tombeaux,
destinée aux morts.
533
Est honor et tumulis animas placare paternaso,
534
parvaque in exstructas munera ferre pyras.
535
536
537
et = aussi
Parva petunt Manes : pietaso pro divite grata est
munere ; non avidos Styx habet ima deos.
Tegula porrectis satis est velata coronis
538
et sparsae fruges parcaque mica salis,
539
inque mero mollita Ceres violaeque solutae.
533
honor, oris, m.
tumulus, i, m.
placo, as, are, rég.
l’honneur (que l’on rend à)
le tombeau
apaiser
534
exstructus, a, um
pyra, ae, f.
édifié, élevé
le bûcher
535
Manes, ium, m. pl.
les âmes des morts, les Mânes
536
Styx, Stygis, féminin
imus, a, um
le Styx
profond
537
tegula, ae, f.
porrectus, a, um
velo, as, are, rég.
corona, ae, f.
la tuile
offert
couvrir
la couronne
538
sparsus, a, um
fruges, um, f. pl.
parcus, a, um
mica, ae, f.
sal, salis, n.
répandu
les produits de la terre
modeste, petit
la miette, le grain
le sel
539
merum, i, n.
mollitus, a, um
Ceres, eris, f.
viola, ae, f.
solutus, a, um
le vin
amolli, trempé
ici : le blé
la violette
épars
= in + que
Cimetière d’Isola sacra, près
d’Ostie. Pour les pauvres,
on se contentait d’enfoncer
le cou d’une amphore audessus de leur sépulture
pour pouvoir leur verser des
libations en offrande.
Viviane Durussel, mai 2010
page 44
Haec habeat media testa relicta via
540
541
nec majora veto, sed et his placabilis umbra est.
Adde preces positis et sua verba focis
542
543
= in media via
Hunc morem Aeneas, pietatiso idoneus auctor,
544
attulit in terras, juste Latine 1, tuas.
545
Ille patris Genio sollemnia donao ferebat :
546
hinc populi ritus edidicereo pios.
547
At quondam, dum longa gerunt pugnacibus armis,
bella, Parentales deseruere dies.
548
549
= (e)didicerunt
= deseruerunt
Non impuneo fuit ; nam dicitur omine ab isto
550
Roma suburbanis incaluisse rogis.
551
Vix equidem credo : bustis exisse feruntur
552
et tacitae questi tempore noctis avi
1
sujet : populi
= exiisse
540
testa, ae, f.
la cruche, l’amphore
541
placabilis, e
qui peut être apaisé
542
focus, i, m.
le foyer, le bûcher, l’autel
543
auctor, oris, m.
le modèle
545
genius, i, m.
sollemnis, e
le génie (dieu particulier à chacun)
solennel, consacré
546
hinc
ritus, us, m.
de là
la cérémonie religieuse
547
quondam, adv.
pugnax, acis, 3 g.
autrefois
belliqueux, acharné
548
Parentales (dies)
desero, is, ere, serui, sertum
les Parentales (cf. introduction)
abandonner, délaisser
549
550
omen, inis, n.
suburbanus, a, um
incalesco, is, ere, calui
rogus, i, m.
le présage
aux portes de la ville, voisin de la ville
s’enflammer
le bûcher funèbre
551
equidem
bustum, i, n.
quant à moi
le tombeau
552
tacitus, a, um
questi
avus, i, m.
silencieux
en faisant entendre des plaintes
l’aïeul, l’ancêtre
Latinus, fils du dieu Faunus et de la nymphe Marica, est un descendant de Saturne.
Roi du Latium, il accueille Enée et lui donne sa fille Lavinia en mariage.
Viviane Durussel, mai 2010
page 45
553
perque vias Urbis Latiosque ululasse per agros
554
deformes animas, vulgus inane, ferunt.
555
Post ea praeteriti tumulis redduntur honores
556
prodigiisque venit funeribusque modus.
[...]
565
Nunc animae tenues et corpora functa sepulcris
566
erranto, nunc posito pascitur umbra cibo.
567
Nec tamen haec ultra, quam tot de mense supersint
568
Luciferi, quot habent carmina nostra pedes.
569
570
Hanc, quia justa ferunt, dixere Feralia lucem ;
ultima placandis Manibus illa dies.
= ululavisse
= dixerunt
s.-e. : est
553 Latius, a, um
ululo, as, are, rég.
du Latium, latin
hurler
554 deformis, e
vulgus, i, n.
inanis, is, e
difforme, hideux
la foule, la multitude
vide, sans consistance = desfantômes
555 praeterire, eo, ii, itum
oublier, négliger
556 prodigium, i, n.
funus, eris, n.
modus, i, m.
l’événement prodigieux, le fléau
les funérailles, la mort violente
ici : la juste mesure, la limite convenable
565 tenuis, is, e
corpora functa sepulcris
mince, chétif, délicat
les corps dûment enterrés
566 pascor, eris, i + Abl.
se repaître de
567 ultra, adv.
mensis, is, m.
au-delà, plus loin
le mois
568 Lucifer, eri, m.
pes, pedis, m.
Lucifer, la planète de Vénus 2
le pied (d’un vers en poésie) 3
569 justum, i, n.
Feralia, ium, n. pl.
lux, lucis, f.
ce qui est juste, ce qui est dû
les Féralies (fêtes en l’honneur des morts)
ici : le jour
570 ultimus, a, um
placandis Manibus
le dernier
datif de but
2
Le « mois de Lucifer » est le mois de mars.
Un distique élégiaque contient 11 pieds (un hexamètre et un pentamètre) et de la
des Féralies (le 12 avant les calendes de mars) à la fin du mois, il y a 11 jours.
3
Viviane Durussel, mai 2010
fin
page 46
Le suicide de Caton d’Utique
xxxx
1
Tui quoque clarissimi excessus, Cato, Uticao monumentum est, in qua ex
2
fortissimis vulneribus tuis pluso gloriae quam sanguiniso manavit, siquidem,
3
constantissime in gladium incumbendo, magnum documentum dedisti,
4
quanto potior esse debeat probis dignitaso sine vita quam vita sine dignitate.
Valère Maxime 3, 2, 14,
1
excessus, us, m.
monumentum, i, n.
2
mano, as, are, rég.
siquidem
3
constantissime, adv.
incumbo, is, ere, cubui, cubitum
documentum, i, n.
4
quanto
probus, a, um
Viviane Durussel, mai 2010
page 47