Petite Campagne d`Egypte Egypte / Le Caire 30°2`N 31°14`E Hiver

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Petite Campagne d`Egypte Egypte / Le Caire 30°2`N 31°14`E Hiver
Petite Campagne d’Egypte
Egypte / Le Caire 30°2’N 31°14’E
Hiver 1963-1964
Le Caire, Pension Beau Site
Le maigre revenu athénien (voir «Athènes en demi-teintes») n’assure pas le viatique nécessaire, le Grand Tour amorcé ne se réalisera pas d’une traite. Saut à la dernière étape, l’Egypte. «Grand
tourisme», rupture de style dans le voyage, grâce à des appuis
gravitant autour de la Tourist Administration UAR 1. A peine posés, nous allons être choyés par divers personnels de cette vaste
administration, pour l’ensemble du voyage. D’emblée on nous délègue deux guides maison, MM. Hadib et Ali, en établissant tous
la paperasse requise par l’administration nassérienne pour nous
faciliter les déplacements et visites. Pour base Le Caire, Pension
Beau Site, 27 Soliman Pasha Street. Au cinquième étage de l’un
de ces vieux immeubles urbains, sur l’une des artères qui convergent vers la Place El Tahir. Deux ascenseurs vitrés et grinçants,
d’inquiétante lenteur. Rapidement repérés - Ah ! Switzerland,
good doctors ! - on y côtoie les habitants variés de l’immeuble. De
l’étage de la pension la vue donne sur les toitures terrasses des
immeubles qui font face. Des édicules de parpaings, de petites baraques, toute une vie autonome, et les chants matinaux des coqs.
Un peu de la stratification sociale des cairotes, si bien décrite plus
tard par Alaa El Aswany dans «L’immeuble Yacoubian»2 .
La vie au Caire est encore marquée du cosmopolitisme début de
siècle, avec sa petite bourgeoisie polyglotte et voyageuse. Atmosphère d’une ville du sud; venant d’Athènes où nous sommes installés, le mode de vie n’est guère différent. Nos hôtes se font un
plaisir de nous emmener, souvent en d’amicaux groupes, dans des
ballades urbaines entrecoupées de visites des musées et d’agapes
diverses. De nombreux cafés et restaurants animent les rues, les
grandes pâtisseries tea-room regorgent de leurs spécialités sucrées et collantes. Lieux de traditionnels rendez-vous d’après-midi, avant quelque séance dans l’un des nombreux cinémas où se
projettent les productions locales. Intrigue typique du moment,
sous-titrage superflu, une romance entre un ingénieur du barrage
d’Assouan et une guide pour touristes, dans une exaltation de la
modernité du pays. Il y a aussi quelques mémorables soirées dans
des cabarets animés de spectacles folkloriques et de danses orientales. Le whisky coule à flot dans des ambiances joyeuses et bon
enfant. Nous nous retrouvons à plusieurs reprises au night-club
de l’Hôtel Continental, dont le réveillon du 24 décembre, dans une
ambiance de cotillons et tournées de whisky. Contraste d’avec nos
Noël teintés indélébile de protestantisme.
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Vie d’apparente insouciance, avec des moyens limités, cela se
voit. Le pays est en mutation depuis la prise du pouvoir par Nasser en 1956, une époque touche à sa fin.
La Pension Beau Site offre son confort familial - running water
in all rooms & healthy meals - à une petite dizaine d’hôtes. Repas en commun dans la salle à manger au lourd mobilier de bois
sombre, vaisselier à vitrine abritant quelques services à café ottoman, longue table à nappe brodée, sur carrelage à damier noir/
banc. Dans un sabir anglo-italo-greco-français, on côtoie des personnages typés. Une cantatrice italienne, chaleureuse et volubile, qui pratique à l’Opéra4 , une peu diserte, sèche et vive vieille
fille, professeur de français, un vieux couple ralenti, qui ne quitte
guère sa chambre. Il y a aussi ce monsieur toujours souriant et
jovial, costume dépareillé portant montre à gousset sur gilet; il a
quelques activités extérieures, mystérieuses. Échappant à cette
lénifiante atmosphère d’un autre âge, nous allons, par incursions
aléatoires, nous immerger dans le tumulte de la ville. La Pension
Beau Site est en position centrale, au cœur de la ville européenne.
Archétype de la «ville coloniale duale», c’est sa partie à l’urbanisme haussmanien, voulue par le Khédive Ismaïl5 dans le cadre
des grands travaux concomitant à l’ouverture du canal de Suez6.
Ce schéma urbain sera amplifié par les réalisations des Britanniques7.Elle en est la moitié ouest, au contact du Nil, accolée, à
l’est, au Vieux Caire. Là subsiste un tissu urbain médiéval, une
ville arabo-musulmane; nous faisons la découverte de cet univers,
nous tombons sous le charme, qui va agir fort longtemps. Le Caire
est pour nous la première porte sur l’Orient, et sur l’Islam, dont
nous ne connaissons alors presque rien. Pour premier contact,
les rares fellahs, en centre ville, venus de Nubie. Souvent les gardiens d’immeubles, ces grands corps endormis sur le carrelage
des entrées sur lesquels on butte la nuit en rentrant. Et quelques
égarés en ville, se démarquant du costume occidental par leurs
longues galabieh de couleurs sombres et turbans blancs.
Les mosquées constituent l’élément primaire de cette introduction à l’art d’Orient. Leurs minarets - de l’arabe manara, phare
- en sont leurs repères. Ceux qui émergent dans des perspectives
variées de la Citadelle, silhouette pittoresque de la ville. Et sculptures minérales que sont ceux des mosquées Mohamed Ali, El Sultan Hassan - monumentale, toute de verticalité -, El Rifaï. Légèrement excentrée, la mosquée Ibn Touloun impose la rigueur de
son plan parfait et de sa rationalité architecturale, un peu sèche.
Moment fort, plus au nord, la visite de El Azar. Accueil aimable,
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on revêt des chaussons de toiles tenus par des bouts de ficelle. Escorte pour une visite commentée à travers les principaux espaces
publics de ce vaste ensemble. Dans une architecture de grande
cohérence, on traverse, sans restriction, des espaces distincts
dévolus à des fonctions religieuses, culturelles et sociales, fréquentés par une population de religieux et de laïcs. Nous retirons
une impression de calme studieux et d’ouverture de ce centre primordial de l’Islam8. Cette visite restera une positive et durable
introduction au monde islamique. L’étroite insertion de la mosquée dans le tissu urbain dense, le passage naturel entre le sacré
et le profane, l’organisation organique de la ville, constituent des
caractéristiques des villes d’islam. Nous les découvrons, et nous
les retrouverons bien souvent avec la même force, la même cohérence, du Maghreb à l’Inde Moghole, en terminant notre Voyage
en Orient musulman par l’Iran, l’Ouzbékistan, un demi-siècle plus
tard - avant la prise de contrôle de ces lieux par les fondamentalistes islamiques, qui en écarteront le voyageur occidental.
Khan el Khalili, le bazar des bazars, autre composant de la ville
arabo-musulmane. Nos déambulations urbaines se terminent
souvent là, fascinés par la densité des activités de ses ruelles,
passages et impasses. Le groupement des artisans par corporations, l’abondance des étalages, la convivialité qui domine les
échanges et les propos, cette atmosphère est séduisante. Pour
notre prise de contact, nous sommes escortés par nos hôtes, qui
nous inculquent les principes de la négociation; nous apprenons
qu’il y faut du temps, qu’il faut sacrifier au rite du verre de thé, et
nous devons apprendre aussi à évacuer nos réticences bien calvinistes à discuter le prix dans des postures parfois exagérées. La
musique fait partie du décor urbain, elle sort des postes radio du
fond des boutiques, des entassements de marchandises. Cette musique populaire arabo-musulmane, enivrante, lancinante, nous
apparaît cependant terriblement répétitive dans ses harmonies
et ses rythmes; ce sont d’autres codes musicaux que nous devons
approcher. Les mélopées d’Oum Khalsoum9 sont omniprésentes,
et bien qu’il nous manque la compréhension des textes, nous saisissons l’importance de cette artiste pour les Egyptiens, le véritable culte qui lui est porté. Dans une moindre mesure, cela nous
ramène à la Grèce et Theodorakis10, deux artistes engagés à des
degrés divers, qui se font face de part et d’autre de la Méditerranée.
Souvent, en fin de journée, nous allons déambuler au coucher du
soleil sur la rive du Nil; les grands hôtels offrent leurs terrasses.
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Passé le pont Kasr El Nil, il y a les espaces plus détendus de
Gezireh. Jardins, terrains de sports, et partout des cafés. Dans
quelque bâtiment officiel au pied de El Borg, la tour située à la
point sud symbole de modernité, on nous fait visiter avec fierté
une exposition consacrée à l’URSS, dont l’Egypte s’enorgueillit de
son aide. L’aménagement de l’île a constitué une étape importante du développement de type occidental du Caire. Comme l’on
été Guizèh, sur la rive gauche, puis la cité satellite d’Héliopolis.
Sociétés et fonds européens en sont majoritairement les ingrédients11. Avant que le Caire ne devienne ce monstre urbain ingérable.
Prise de contact avec les strates de l’histoire de l’Egypte, superposées par celles de l’Islam et du Proche Orient; complexe empilement. Le Musée Égyptien est évidement l’institution phare,
il a la priorité. Le lourd bâtiment12 est en situation privilégiée,
monument structurant de la ville moderne. La richesse des collections entassées dans les réserves, l’histoire de la «Découverte
de l’Egypte» qui est sous-jacente à l’institution ainsi que les personnalités qui l’ont animée pour la gloire de l’archéologie française13, imposent évidemment le respect. Mais l’atmosphère
poussiéreuse et la banalité de la présentation déçoivent rapidement. C’est dans cette attitude que nous parcourons les tristes
salles, sans plus. A l’opposé, nous tombons sous le charme du Palais - musée de Méhémet Ali14 . Dans cet ensemble de bâtiments
disséminés aux quatre coins d’un vaste parc, parterres traités
en jardin botanique et ombragé de vénérables arbres, règne une
esthétique nouvelle pour nous. Malgré l’abondance, la variété et
la sophistication des détails architecturaux et des éléments décoratifs - appareillage de la pierre, modénature, menuiseries, moucharabiehs, ferronnerie, faïences, et tapis - il n’y a rien de mièvre.
Dans les intérieurs, des salles à hauts plafonds sculptés et peints
forment des suites d’espaces fonctionnels. C’est un style cohérent, les dernières expressions de l’art ottoman, touchant à ses
extrêmes. Cette ouverture initiatrice sera complétée par la visite
quelques jours plus tard du Musée Islamique. Trop forte densité
d’objets, mais bien en place. La limite du genre est franchie, écueil
des fins de styles, la décadence de cet art se voit dans le Palais
d’Abdine, la dernière résidence de Farouk15. Les lieux sont restés
en l’état depuis sa fuite le 26 juillet 1952, le calendrier en fait foi,
lors du coup d’État militaire des colonels Naguib et Nasser. Le responsable du palais nous escorte dans la visite, et faisant quelques
commentaires teintés d’humour et de mépris, sur ce ramassis ostentatoire de mauvais goût, de kitsch, qui complète l’impression
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négative laissée par ce potentat.
Immersion dans la chrétienté d’Orient à Kasr el-Chamah, l’enceinte qui enferme, au Vieux-Caire, le quartier copte. Site sévère,
comme, nous le constaterons dans les décennies à venir, apparaissent toujours les lieux chrétiens en Islam. Les murailles romaines corsètent un ensemble disparate et dense d’églises et
couvents de diverses obédiences, grecque orthodoxe, grecque
catholique, copte catholique; il y a aussi une synagogue juive. Les
édifices dédiés aux Coptes orthodoxes dominent. Tous Gens du
Livre, n’excluant pas de profondes et millénaires inimitiés. Les
Coptes sont partie intégrante de l’histoire complexe de l’Egypte,
ils sont devenus une minorité, repoussée dans un communautarisme fiévreux, qui ne va que s’amplifier sous les poussées islamistes des décennies à venir. Sébastien de Courtois dira en 201116
: «(…) Cette communauté souffre de ne pas être comprise, elle redoute les changements, le nouveau fondamentalisme qui souffle
sur les braises du Proche-Orient. Ils sont pourtant l’Egypte, son
altérité indispensable (…)». Au moment de notre passage, l’antagonisme islam / christianisme en Egypte est encore modéré. Il
dégénérera, 50 ans plus tard, lors du «Printemps arabe égyptien»,
le retour des Frères musulmans alors interdits, et la montée de
l’islamisme. L’Egypte va perdre l’une de ses qualités, et l’un de ses
attraits, le multiculturalisme.
On accède à ce microcosme par un impressionnant dispositif de
défense organisé entre deux tours romaines, celles de la forteresse
construite par Trajan en 98. Le ton est donné. Ce n’est pas au jardin de Sœur Sourire que l’on aboutit, mais à celui du Musée Copte.
L’institution, fondée au début du XXe, constitue le centre de documentation quasi complète du monde copte. La bâtiment, inauguré
en 1920, resserre tous les artefacts disponibles et trouvés de la
communauté copte. Les menuiseries, portes, fenêtres, moucharabiehs et boiseries proviennent d’églises et maisons coptes démolies. Comme toute communauté minoritaire, les Coptes se vouent
frénétiquement à la mise en valeur de leur histoire et de leurs
arts. Les recherches et la collecte se poursuivent, c’est dire le foisonnement de l’exposition. A nos regards, l’ensemble domine par
ses pesanteurs et hybrides lourdeurs, bien peu d’élégance dans
cette esthétique. Et c’est d’une affligeante tristesse; la contrition,
ADN du monothéisme.
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Egyptologie / égyptomanie
C’est sans trop d’efforts que nous passons, historiquement, de la
Grèce à l’Egypte, fraîchement nourris que nous sommes de l’enseignement classique, traditionnel, de l’histoire de l’architecture.
Les deux forts volumes du Choisy17 prennent une place importante dans nos bagages, au sens propre et figuré, ils ont été potassés au cours des études et de la préparation du voyage, ils sont
encore régulièrement consultés. Aussi la visite des monuments
et ruines classiques n’apportera pas de grandes surprises; nous
sommes dans cette tournure d’esprit qui consiste à venir conforter in situ les idées préconçues, l’a priori qui nous a été inculqué.
La visite des sites permet tout de même et heureusement d’élargir la réflexion sur divers angles, par exemple sur le rapport aux
lieux des ensembles monumentaux, et qui ne faisait certainement
pas partie des cahiers des charges des architectes de l’Antiquité.
Et puis il y a, pour nous, le dilemme entre archéologie et histoire
de l’architecture. Les champs de ruines ne nous apparaissent pas
suffisamment parlants, explicites, nous en sommes souvent frustrés, nous privilégions les sites où les constructions sont encore
dressées, voire même reconstituées. Le cas extrême de Cnossos,
en Crête, nous convient parfaitement, alors qu’il fait hurler au
sacrilège les tenant d’une archéologie minimaliste dans ses interventions, bien que de toute évidence les moyens de cette reconstitution aient été assez grossiers18.
L’Egypte offre évidemment ses grands monuments spectaculaires, d’une architecture massive, écrasante, et fascine les visiteurs depuis les temps anciens. Le butin scientifique et artistique,
extraordinaire somme de notes et dessins19, ramené par Napoléon de sa Campagne d’Egypte est pour beaucoup dans l’intérêt
général que l’Egypte va susciter au cours des siècles. Jean-Claude
Simoën20 distingue l’égyptologie, étude scientifique, de l’égyptomanie : «(…) mais cela n’empêcha pas l’égyptomanie de précéder
l’égyptologie et de la prolonger en devenant la source même d’un
«inconvénient» déjà séculaire : le tourisme. Après la Terre Sainte,
l’Egypte, avec ses «mystères», constitue la principal destination
de l’Occidental depuis des siècles.» Vérification faite sur place,
nous ne serons pas amateurs, ni d’égyptologie ni d’égyptomanie.
Et nous tenterons, tant que faire se peut, d’échapper à «l’inconvénient du tourisme».
Wikimedia
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Dans un lent trajet par une succession de bus, mais aussi finalement en taxi, nous allons à plusieurs reprises et à différentes
heures du jour à Guizèh. Lors d’une première visite, un matin,
et au terme d’une heure d’attente, on nous informe que le site
est fermé au public : visite officielle de Chou En-Lai, accompagné
de Nasser; nous avions déjà subi Tito et Khrouchtchev à Kotor
(voir «Les miliciens»). Nous reviendrons aussi un soir pour assister au spectacle Son et Lumières, une évocation en quarante cinq
minutes de 4’000 ans d’histoire. La longue et rectiligne Rue de
Guizèh met en perspective les trois grandes pyramides, dans une
composition mainte fois illustrée, mais pas moins impressionnante. Les puissants volumes apparaissent dans un lavis rose
clair, vibrant dans l’air chargé de sable rose. Le Plateau de Guizèh
est depuis fort longtemps dévolu au tourisme, nous n’y échappons
pas, les bakchichs se succèdent d’un monument à l’autre et il faut
des efforts pour échapper, dans une bonne humeur générale et
sourires, à toutes les sollicitations des guides et marchands. Nous
cédons aussi au rituel de la photo sur un chameau, affublé d’un
keffieh de guingois…nous prenons la chose au second degré, sans
le sérieux que Pierre Loti mettait à ses déguisements. Aux sites
archéologiques du sud du plateau, l’atmosphère est plus calme
et Sakkarah, Memphis se visitent dans de meilleures conditions,
avec ce rapport étrange entre le formalisme de ces gigantesques
compositions et la présence prégnante du désert.
Excursions
Le séjour au Caire est entrecoupé de quelques excursions. Nous
sommes en hiver, horaires et fréquences des transports publics
restreints, ce qui nous jouera quelques tours. C’est le cas à Suez.
Nous voulons aller à Aïn Sokhna, petite station thermale sur la
Mer Rouge, mais il n’y a pas de service de car en hiver. Restons à
Suez, louons un fiacre. Une jument poussive nous trimballe dans
la ville assoupie, nous sommes frigorifiés, anesthésiés, et nous ne
profitons pas de cette ballade.
C’est à des places sur les roues du car que nous faisons les 100
kilomètres qui mènent à Medinet el-Fayoum. Paysage minéral
aux effets étonnants, jeux graphiques du sable, mirages. Premier
trajet dans un désert, de premières images de ce milieu fascinant,
qui va nous attirer de nombreuses fois par la suite. Le Fayoum,
première oasis, d’un coup l’abondance de la verdure, les champs
abondamment irrigués, les réseaux de canaux, les cocotiers, les
chameaux, la vie rurale. Poursuite du parcours en taxi jusqu’au
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Lac Karoun, les restes de l’antique Lac Moeris. Il y a un hôtel, fraîcheur et tranquillité sous de magnifiques arbres, repas de soles
du lac.
Alexandrie. Trajet dans le froid, un volet d’aération reste bloqué
ouvert dans le car rustique de marque soviétique. Route parsemée de chameaux, des tentes, des chèvres broutant le sable,
beaucoup de postes et bases militaires. Similitudes entre les espaces désertiques et nos espaces de neige en haute montagne;
une fascination s’installe. On attendait beaucoup de cette ville
mythique, mais son temps de gloire est passé. Période de transition, la révolution a déjà poussé à l’exil nombres de familles, des
pans entiers des diverses composantes du cosmopolitisme exemplaire d’Alexandrie ont déjà disparus, les derniers envisagent
l’exode. A Athènes, nous avons beaucoup entendu sur la situation, par des collègues de travail, des voisins d’immeubles, Grecs
d’Egypte de plusieurs générations, qui on quitté ce lieu privilégié
sur les rives de Mare Nostrum. Ces gens n’étaient pas tous des
exploiteurs, il y avait aussi nombre de petits commerçants, d’artisans, entretenant des activités et savoir-faire, qui vont disparaître de la façade nord de l’Afrique - et du continent en général.
L’urbanisme et l’architecture, mais aussi les devantures des commerces, les cafés, forment un panorama figé d’un temps arrêté.
Il y a de belles perspectives, les corniches ont de l’allure, bordées
de façades ouvragées. Signes d’abandon, de pauvreté résurgente.
L’impression d’une ville vieillotte, assoupie, domine. Il y a bien un
peu d’animation en fin de journées, mais rien de comparable avec
le Caire, où nous nous sentons plus à l’aise, et avons pris quelques
repères et habitudes. Ballade à pied jusqu’au Palais de Ras el -Tin,
la résidence alexandrine de Farouk, dans le même mauvais goût
que son domaine cairote. L’acculturation de ces nababs orientaux
n’est pas d’aujourd’hui. Mais site admirable à la pointe du cap
homonyme, entre les deux baies, les deux ports. Beau parcours le
long de la mer, de longues plages désertes, où l’Office du tourisme
installe de disgracieux cabanons, pour joindre Montazeh, 20 km
à l’est. Lieu d’une autre ex-résidence de Farouk. Les jardins sont
magnifiques, c’est l’attraction du site. Luxuriants, un luxuriant
jardin botanique méditerranéen. Il y a aussi des cultures, des vergers, nous assistons à la cueillette des oranges. Nous retournerons plus vite que prévu au Caire. L’atmosphère générale ne nous
stimule pas pour approfondir la visite de cette Alexandrie, qui va
nous laisser une impression de regrets.
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Louxor
Train de nuit, plus de place en wagon-lit, grosse bousculade pour
l’accès aux 2e classes, un contrôleur nous pousse vers un wagon
qui semble être une 1e. Seuls un moment, dans le confort. Un jeune
monsieur bien mis rejoint le compartiment, on engage la conversation en français. Ingénieur, débutant dans la carrière diplomatique. Il négocie pour nous de rester en Première, nous invite au
wagon restaurant; leçon d’hospitalité. Froide nuit, on empile tous
les vêtements de notre bagage. Le magnifique lever du jour sur la
campagne égyptienne nous sort de notre somnolence, nous avons
hâte d’arriver. Quatorze heures de train, début de matinée. Nous
faisons l’ouverture du bureau de l’Office du Tourisme, dont notre
contact local est le directeur.
Tout est organisé, nous traversons le Nil en felouque pour aller
prendre nos quartiers «rive gauche», à la («très modeste», Guide
Bleu21 dixit) Rest House de el-Gournah, sise à côté du Ramesseum. Ancienne ferme transformée en maison d’hôte, elle est
tenue par un personnage connu à la ronde, de belle prestance,
Abd el-Rassoul; nous faisons connaissance autour du traditionnel
thé. Abdel Amid Yachia, directeur de l’Office du Tourisme nous y
accueille en famille : sa femme, son beau-frère et sa belle-sœur,
Gamal et Fadia. Deux jeunes couples chaleureux avec lesquels
nous allons partager notre étape, entre visites des sites, ballades,
et repas. Cet encadrement va nous offrir l’opportunité d’une prise
de contact avec la jeune classe moyenne égyptienne, pleine d’espoirs, de dynamisme, complètement immergée dans la modernité occidentale. On ne peut imaginer que 40 ans plus tard la joie
de vivre, la spontanéité de cette société seront étouffées sous le
poids des ukases intégristes. Abdel Amid est de haute stature,
corpulent, il en impose, en plus de son rang dans la hiérarchie
du tourisme local. C’est dire que nous avons les accès facilités à
l’extrême pour toutes les visites.
C’est dans cet équipage que nous allons effectuer le tour complet
des sites, en commençant par la Vallée des Rois. Retour à pieds
par le sentier de montagne, qui offre de superbes vues en contreplongée sur le Temple de Hatshepsout. C’est l’une des images les
plus fortes de ruines, mais aussi d’architecture pure, qui va rester en mémoire. Le rapport au site, l’étagement des esplanades
au pied du relief, les relations spatiales, sont d’une force rarement vue. Il y a du monde partout, le tourisme n’est pas encore
une industrie, mais cela ne saurait tarder. Se sont joint à nous un
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couple allemand, lui rédacteur à Die Welt, puis plus tard dans la
journée, aux Tombes des Reines, une équipe de la TV italienne.
Cette présence nous vaut l’accès à la tombe de Néfertari, d’ordinaire fermée au public. Nous partageons le soir, fourbus, un dîner
champêtre éclairé aux lampes à pétrole, où les pigeons grillés
ajoutent au pittoresque. Dans la belle ambiance, les Italiens nous
proposent de faire, demain, de la figuration pour leur documentaire; nous sommes tout jeunes et en bonne santé, donc - encore
- photogéniques…
S’il y a quelqu’un de photogénique, c’est bien notre hôte, qui acceptera volontiers de poser pour quelques vues dans son jardin,
après avoir revêtu une galabieh élégante et un turban immaculé,
lors d’une dernière visite sur ses terres. Nous déambulons sur
les levées entre étroits champs de mil, canaux d’irrigation alimentés par une belle sakieh, jardin potager ombragé de palmes,
pigeonniers et greniers. Un aperçu de la vie rurale de la vallée
du Nil, aux us et coutumes millénaires. Abd el-Rasoul est polyvalent, un peu agriculteur par tradition, un peu «dans le tourisme»
avec sa Rest House, et surtout pilleur de tombes, de tradition familiale. Le métier semble parfaitement respectable, bien qu’avec
des hauts et des bas. Il fouillait encore récemment une nouvelle
tombe, lorsque le Gouvernement lui intima l’ordre d’arrêt; mais
aujourd’hui il est ravi, il reçoit l’autorisation de continuer. Avant
de nous quitter, il nous offrira, extrait d’une besace extirpée de
son dépôt, une pièce ptolémaïque.
De retour à Louxor, rive droite, nos hôtes nous accueillent dans
leur maison, et c’est en leur joyeuse compagnie que nous allons, à
vélos, au Temple de Karnak. Nos amis d’ici et de ce moment sont
en vacances, aussi il règne un esprit léger au sein de notre petit
groupe, les plaisanteries fusent, on rit beaucoup et sans retenue.
Nous tranchons sur les air sérieux des autres touristes qui visitent scrupuleusement les sites archéologiques, sourcils froncés
et documentations en mains. Les soirs, alternance de formidables
kebab maison, et de dîners plus formels au Winter Palace, bien
que la bonne humeur et la spontanéité dominent tout et partout.
Assouan
C’est toujours avec nos hôtes de Louxor que nous poursuivons
vers Assouan, à une demi-heure de vol. Avec style, c’est au réputé Cataract Hotel que l’on nous installe; le futur New Cataract
est en construction. L’un des hôtels mythiques du Proche-Orient,
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que l’on connaîtra avant, des années plus tard, le Baron à Alep
et le Palmyra à Baalbek. Chambre somptueuse avec balcon sur
le Nil, paysage parfait, animé de quelques lentes felouques évoluant devant l’Ile Kitchener. Il y aura aussi un coucher de soleil
en technicolor, avant que l’on se répande dans le vaste et haut lit
à baldaquin, à l’abri des grandes moustiquaires.
Notre cornaquage VIP nous permet la visite du chantier du Haut
Barrage, en compagnie du chef de la police locale. Énorme opération réalisée par l’ingénierie soviétique, avec des milliers de bras
de fellahs. Infrastructure majeure pour l’Egypte22, symbole de
progrès, marqueur d’un tournant historique après les années de
stagnation sous la royauté. Des années plus tard, le Lac Nasser,
censé régulariser le cours du Nil et assurer une irrigation régulière aux plaines cultivées, se révélera être la cause de graves dérèglements hydrologiques et climatiques. Mais nous n’en sommes
pas là, dans la fierté de cette «pharaonique» (sic) réalisation, que
l’on nous dit, de manière très optimiste, être à 130 jours de la
fin de son gros-oeuvre. Installés dans la jeep du chef de la police,
qui se fait cicérone, nous passons partout, dans l’immensité de
ce chantier exceptionnel. Nous traversons même l’un des vastes
conduits en béton par lesquels l’eau sera forcée vers les turbines. Seul bémol, photo interdite, nous ne ramènerons donc pas
d’images de cette visite exceptionnelle.
Toujours au chapitre des grands travaux, nous faisons la visite
obligée à la carrière des obélisques, dédale de granit, qui pose la
traditionnelle question : comment ont-ils fait ? Les explications
détaillées existent, mais ces exploits antiques nous laissent toujours bouche bée. Visite écourtée, le retour rapide au bien nommé
Cataract Hotel s’impose…Tourista, fidèle compagne d’Orient.
Les organes assagis, belle et calme journée le lendemain, largement sur le Nil, dans une température idoine. Le discret Nubien à
la barre de la felouque tire des bords sur le plan d’eau étale, une
très faible brise permet toutes les manœuvres. Nous nous laissons balader, en parfaits touristes. Accostage à l’Ile Kitchener,
à côté d’Éléphantine. Magnifique jardin tropical, mais aussi jardin botanique, où des biologistes font des essais. Nous prenons le
thé, écoutant distraitement leurs doctes explications. Il y a pires
conditions de travail. Des sons nous attirent dans les profondeurs
du jardin, un groupe de musicien joue d’instruments traditionnels. Pour nous, on leur demande de sortir des frais ombrages,
«pour la photo»; tout se passe avec le sourire. Journée de paresse
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orientale, où l’on prolongera par une longue sieste le déjeuner sur
la terrasse panoramique du Cataract. Paysage idéal, bien que largement modelé par les travaux des hommes. Le plan d’eau est né
des premiers barrages, Première Cataracte domptée. Fin de journée au souk, où un bel artisanat nous attire. Françoise acquière
deux tapis de coton tissé, dont les larges rayures constitueront,
longtemps, le fond de décor de nos successives demeures. La
bonne bouille du fellah, qui vend vraisemblablement ici le travail
des femmes de sa maisonnée, interdit toute tentative de marchandage; nous ne sommes pas face aux roublards marchands de
Khan el Khalili.
Abou Simbel
A force de lambiner, depuis le Caire, entre indolentes ballades et
longues agapes, le calendrier se rétrécit subitement. Il ne nous
reste qu’une journée dans les parages, pour un aller-retour express
à Abou Simbel, en hydroglisseur. Sacrilège, c’est avec honte que
nous nous résolvons à emprunter ce moyen de déplacement, machine infernale pour touristes pressés. Levés à l’aube, le chantier
du barrage prend des allures de décor d’opéra fantastique sous
ses projecteurs. Encore une fois l’administration locale à bien fait
les choses, en nous réservant les meilleures places. Défilement
en panorama rapide du paysage, un guide-cicérone commente au
micro les monuments et temples divers qui apparaissent dans les
cases que forment les vitres; BD hachée. Progressivement les villages se font plus rares, et le désert domine. Tout va trop vite,
dans cet engin qui tape, secoue et laisse un sillage agité dans le
fleuve. Il y fait chaud malgré une climatisation, et nombre de passagers somnolent. Nous sommes au contraire très attentif, nous
aimerions pouvoir poser le regard, arrêter cette machine qui file
à 65 km/heure. Françoise, dans son enthousiasme, croit tout de
même voir un crocodile sur la berge, je lui laisse son illusion; ce
sera, longtemps, objet de taquineries.
Arrivée en fin de matinée. Abou Simbel dans son site originel, à
quelques semaines du début du découpage des temples, pour ce
gigantesque travail de déplacement de l’ensemble monumental.
On oublie immédiatement les inconvénients du voyage-express,
saisis par la pureté du site, dense et étroit. Le Nil domine, bordé
rive droite par le désert. A gauche, à environ cinquante mètres,
une barre rocheuse, cette falaise dans laquelle sont taillés les deux
temples, dans des rapports spatiaux et d’échelle parfaits. D’une
très grande simplicité, dans le tout minéral, les quelques arbres
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qui formaient un premier plans aux images anciennes ont été récemment abattus, pour faire place au chantier. Ramsès II domine,
en majesté. La façade est inscrite dans un presque carré, 38 m. de
large sur 33 m. de hauteur. Il est séparé par un éperon rocheux
qui s’avance en proue vers la rive, du temple dédié à Néfertari, sa
petite et potelée épouse, exprimée en dimensions plus modestes.
Tout est relatif en Egypte, on est évidemment dans du grand monumental. Les strates de la roche forment les liens naturels entre
ces puissants artefacts, la composition géologique, le grain de la
roche, semblent participer de l’échelle de la composition, c’est
surprenant. Les intérieurs - fresques, hiéroglyphes - n’offrent,
en leur état, qu’un intérêt secondaire par rapport aux merveilles
vues à Louxor. Cette architecture en creux, art cavernicole, est
curieuse, quand bien même l’organisation spatiale réponde aux
mêmes principes que les temples-terrasses, construits librement.
L’espace interne va en se rétrécissant, dans les trois dimensions
sur un sol en pente régulière, aboutissant à l’espace le plus restreint, le sanctuaire. A Abou Simbel (l’Ibsamboul des anciens), ce
parti architectural est exprimé plus nettement qu’ailleurs, nous
disent les érudits. En tous les cas le «parti» est franc et spectaculaire. La lecture de la coupe longitudinale est éloquente, dans le
rapport entre la hauteur de la façade-portique et la profondeur de
temple, 63 m.
Nous n’avons pas le loisir de nous évader dans des considérations
trop approfondies, il y a du monde, le temps de l’escale est limité.
Redevenant touristes, et en compagnie d’un concitoyen rencontré à bord, nous faisons la visite dans le sens contraire du groupe
principal des visiteurs - ce qui deviendra une règle dans nos futurs voyages. Je suis contraint de prendre un maximum de vues
en un minimum de temps, sans trop d’égards quant aux angles de
vues, ni aux réglages des trois appareils dont je m’encombre - et
pour lesquels Françoise portera obligeamment la sacoche, pour la
première et la dernière fois…
Klaxon du bateau, on s’engouffre à bord de ce bus aquatique,
navrés d’une si brève visite à ce site extraordinaire, dont on ne
sait, pour l’instant, ce que donneront les ambitieux travaux de
déplacement qui s’amorcent. Retour vers Assouan, partagés
entre garder en mémoire les meilleures images de cette courte
visite, et préoccupations pour la suite de la journée, qui n’est pas
finie. Nous devons prendre le train de 18 h.00 pour le retour de
nuit sur le Caire. Heureuse surprise, nos hôtes Egyptiens font une
démonstration d’efficacité, nos bagages prêts dans un taxi, billets
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et réservations en ordre pour des couchettes dans un wagon-lit
(hongrois) tout neuf. Nous n’avons que cinq minutes sur le quai
de la gare pour échanger, confus en remerciements, avec les aimables collaborateurs locaux de la Tourist Administration UAR.
Nos hôtes, Abdel Amid et son épouse, sont, eux, déjà rentrés à
Louxor, nous nous étions quittés la veille.
16 heures de chemin de fer, derniers jours au Caire, Pension BeauSite. Excursion à Memphis / Saqquara et les pyramides à degrés.
Le site est moins impressionnant que Guizeh, mais chargé d’un
gros symbole. La grande pyramide est le premier bâtiment connu
à ce jour qui comporte le nom de son architecte….
Du retour dans la violente climatisation du wagon hongrois, R.
ramène une sérieuse grippe. Il faut donc faire un effort pour répondre à l’aimable invitation de Gamal. Train métropolitain, au
bout de la ligne. On s’attend mutuellement une demi-heure sur
les quais, de chaque côté du convoi à l’arrêt, avant de se retrouver. Nouveau quartier en chantier, des villas en ordre contigu, alignées. Gamal X. est officier dans l’armée, fier de son statut, de sa
villa et de tout ce qu’elle contient. Intéressante immersion dans
cet univers d’une classe montante du pays, où entre meubles tourmentés et dorés, frigidaire d’imposantes dimensions en évidence
dans l’entrée, saturation de rideaux de satin, lustres de plastique
et tableaux chromos, trône un présentoir de médailles et photos
militaires - Gamal est capitaine parachutiste. Nous n’avons fort
heureusement pas abordé la problématique «armée», au cours
des journées passées en la charmante compagnie de ce couple, à
peine plus âgé que nous.
Retour
Départ matinal, parcours jalonné de gendarmes tous les cinq
mètres. A l’aéroport, gabegie. Fanfares, compagnies en grandes
tenues de toutes les armes, de la police, des pompiers; il y a des
pionniers, des lycéens, les cadets militaires, le grand étalage.
Alors que nous faisons la queue pour le check-in, Nasser passe
dans l’allée, entouré d’une garde prétorienne. Il va accueillir Ben
Bella l’Algérien à la descente de son avion; Hussein de Jordanie
puis Bourguiba le Tunisien vont suivre. Une conférence sur Israël
débute; il y en aura d’autres.
De retour à Athènes, nos commentaires enthousiastes sur
l’Egypte et les Egyptiens laisseront nos interlocuteurs Grecs
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d’Egypte sceptiques. Les rancœurs de part et d’autre de la Méditerranée seront longues à se dissiper, si jamais elles se dissipent,
Inch’Allah.
Notes
1. UAR-United Arab Republic. A l’instigation et sous le leadership de Nasser, la République
Arabe Unie fut une tentative de fédération sur fond de socialisme arabe, réunissant l’Egypte
et la Syrie de 1958 à 1961. L’Egypte conserva l’appellation jusqu’en 1971.
2. Alaa El Aswany : L’immeuble Yacoubian. Actes Sud. 2006
3. Gamal Abdel Nasser (1918-1970). Seul candidat, élu second Président de la République
en 1956. La république a été instituée en 1953 suite au coup d’état militaire du Mouvement
des officiers libres de 1952, destituant le roi Farouk 1er. Nasser entreprend la nationalisation des industries, lance une réforme agraire et de vastes travaux d’infrastructures. Cette
révolution provoquera l’exode de nombreuses familles liées à l’ancien système, propriétaires
terriens, industriels et affairistes divers.
4. L’Opéra du Caire, le premier opéra d’Afrique, est édifié par le khédive Ismaïl, grand amateur d’art lyrique, à l’occasion de l’ouverture du Canal de Suez. Inauguré le 1er novembre
1869 , Aïda de Verdi devait y être créé, mais c’est Rigoletto qui est au programme. Verdi
ayant pris du retard dans son travail, pour cause, la guerre de 1870. Le bâtiment sera détruit
par un incendie en 1971, reconstruit, avec des fonds japonais. Un nouveau bâtiment est
inauguré en 1988.
5. Ismaïl Pacha (1830 -1895) vice-roi puis khédive d’Égypte, régna du 18 janvier 1863 au 8
août 1879. Dès le début de son règne le Khédive manifeste son goût pour le progrès technique et l’urbanisme et apporte des innovations : en 1865 une compagnie est chargée de
l’adduction des eaux, 1867 voit le début de l’éclairage urbain. Son séjour à Paris, au moment
de l’exposition universelle de 1867, lui permet de découvrir «l’haussmanisme triomphant.»
de la capitale française. Il veut donner à l’inauguration du canal de Suez, un retentissement
mondial et décide de transformer sa propre capitale. Le court délai qu’il s’impose (moins de
deux ans) lui interdit de remodeler la ville ancienne. Il pouvait, par contre, plaquer à sa limite
occidentale, entre la ville elle-même et les bords du Nil, une façade susceptible d’impressionner ses visiteurs européens. Ainsi se trouvent définis le caractère et les limites de l’opération
d’urbanisme. L’aménagement porte sur 250 hectares : tout un réseau de nouvelles rues
reliant entre elles une douzaine de places est tracé. Une gare est construite, un pont jeté sur
le Nil, quelques centaines d’immeubles sortent de terre, un opéra inauguré etc...
6. Canal de Suez. Percé entre 1859 et 1869, vaste opération technique mais aussi financière
et politique, menée par le diplomate retraité français Ferdinand de Lesseps.
7. La Grande Bretagne domine l’Égypte à partir de 1882. Le développement du Caire traduit
les changements apportés dans le pays. L’Egypte est maintenant totalement indépendante
de la Sublime Porte. Elle devient le centre de l’administration coloniale, le siège de grandes
administrations étrangères.
8. Université Al Azar. Fondée par la mosquée construite en 969. Principale université
d’étude de l’islam.
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9. Oum Khalsoum (?-1975), l»Astre de l’Orient», considérée comme la plus grande chanteuse
du monde arabe. Ses funérailles le 6 février 1975 provoquèrent l’un des plus grands rassemblements populaires de l’Egypte, avec un cortège de 3 millions de personnes s’étendant sur
un kilomètre et demi à travers le Caire.
10. Mikis Theodorakis (1925), compositeur, chanteur et intellectuel Grec. Figure importante
de la gauche grecque, il assume brièvement, à plusieurs reprises, des fonctions politiques.
La Dictature des colonels l’oblige à la clandestinité, puis à l’exil en France de 1970 à 1974.
11. Héliopolis est créée à partir de 1905 par la Heliopolis Oasis Company, du baron Empain,
industriel belge. Conçu à l’origine comme un vaste lotissement de villas entourées de jardins,
d’architecture art déco kitsch. Le baron Empain se fait construire un palais de style khmer,
parmi des constructions inspirées de temples hindous. D’abord ville destinée aux étrangers,
Héliopolis va constituer l’extension planifiée la plus importante du Caire. Composées de plusieurs quartiers, elle s’étend en 1937 sur 16’000 hectares, compte 50’000 habitants en
1947, et 100’000 en 1954.
12. Musée Egyptien. Inauguré en 1902, sur les plans de l’architecte Marcel Bourgnon (18581911), désigné sur concours de projets. Le style Beaux-Arts décadent est consubstantiel de
l’architecture officielle française de l’époque.
13. Le Musée Egyptien est l’un des plus grands musées du monde, populaire par le Trésor
de Toutankhamon. Il a été fondé par Auguste Mariette (1821-1881), également créateur du
Service des antiquités de l’Egypte, l’une des grandes figures de l’aventure de l’archéologie
au XIXe siècle: il repère le Sphinx, découvre le Temple d’Edfou, le Scribe du Louvre et collecte 15’000 objets. En 1872, il a environ 3’000 ouvriers sous ses ordres dans les fouilles
en Egypte. Gaston Maspero (1846-1916), un autre grand nom de l’archéologie française,
participe à l’important enrichissement des collections. La direction du musée reste française
jusqu’en 1952, date à laquelle elle est confiée à un Egyptien.
14. Mehemet Ali (1804-1849) vice-roi d’Egypte, d’origine albanaise. Vassal du sultan ottoman, il mène une politique indépendante, lève une armée et entre en guerre contre le sultan,
conquérant la Palestine et la Syrie. Il entreprend de vastes réformes et est considéré comme
le fondateur de l’Egypte moderne; il lance l’idée du Canal de Suez.
15. Farouk 1er (1920-1965). Avant-dernier roi d’Egypte - son fils Fouad II, né en 1952
règne un an de 1952 à 1953 -. Arrière arrière petit-fils de Mehemet Ali. Détrôné par le coup
d’État militaire de Nasser / Naguib le 23 juillet 1952. Fini ses jours à Monaco, dont il obtient
la nationalité.
16. Sébastien de Courtois : Éloge du voyage. Sur les tracs d’Arthur Rimbaud. Edt. Nil.Paris.
2013. S. de Courtois, historien spécialiste des chrétiens d’Orient.
17. Auguste Choisy : Histoire de l’architecture. 2 vol. édit. 1954. Vincent, Fréal. Paris.
18. L’archéologue anglais John Arthur Evans (1851-1941) achète les ruines de Cnossos en
1900. Il entreprend des fouilles puis des reconstructions au Palais de Cnossos (env. 1500 av.
JC) poussant l’anastylose, l’art de la reconstruction d’antiquités, à des extrêmes, menant à
des interprétations controversées. Dans ce qui semble avoir été une fièvre constructive, des
moyens grossiers ont été mis en œuvre, du béton est largement apparent dans l’ouvrage.
16
19. Lors de l’expédition d’Égypte, 1798 -1801, Bonaparte emmène avec lui une commission de savants composée d’ingénieurs, de littérateurs, de naturalistes, de dessinateurs, de
musiciens et d’imprimeurs. Au retour, huit d’entre eux sont chargés de la publication de leurs
travaux. L’ouvrage, Description de l’Égypte, ou Recueil des observations et des recherches
qui ont été faites en Égypte pendant l’expédition de l’Armée française comporte dix volumes
de textes et treize volumes de planches : Le summum du genre «carnets de voyages». Ill.
vignette couverture livre dans site web.
20. Jean-Claude Simoën : L’épopée de l’archéologie. Savants et aventuriers. 2008. Fayard.
Paris. Page 138
21. Nous avons comme source de documentation «terrain» le Guide Bleu, dans sa formule des
années 50. En l’occurrence l’édition de 1956, réimpression 1962, refonte des précédentes
dont la première remontait à 1900. Dans le format compact de 10 x 15 cm, mais tout de
même sur 560 pages et 120 pages d’introduction, on dispose d’une somme d’informations remarquable, rédigées, par d’érudits spécialistes, en une langue de qualité, concise
et expressive. Il faut de bons yeux, le corps de texte est en petits caractères (police taille
env. 9, selon les dénomination actuelles). Les nombreux plans annexes, dépliants comme
ceux in texto sont d’une grande clarté, en noir, gris et blanc, graphisme sobre et efficace.
50 ans après (en 2014), rédigeant à partir des notes d’époque, la consultation de ce Guide
Bleu fait, à nouveau, constater l’indigence des guides actuels, malgré l’évolution des moyens
graphiques.
22. Le haut barrage d’Assouan, avec une hauteur de 111 mètres, sa largeur de près de
3600 mètres à la base et sa retenue de 169 milliards de mètres cubes, est l’un des plus
grands barrages au monde. Depuis son inauguration finalement en 1971, sous le règne de
Anouar el-Sadate, l’Egypte a pu accroître considérablement son rendement agricole, et la
production d’électricité couvre les 10% des besoins du pays.
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