Dépistage et prévention des mutilations sexuelles féminines
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Dépistage et prévention des mutilations sexuelles féminines
UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6) FACULTE DE MEDECINE SAINT ANTOINE ANNEE 2007 N°2007PA06G057 THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE MEDECINE GENERALE PAR Mme WEHENKEL Milena Née le 13/05/1975 à Luxembourg PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 30/10/2007 DEPISTAGE ET PREVENTION DES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES ET DE LEURS COMPLICATIONS EN MEDECINE GENERALE DIRECTEUR DE THESE : DR CASTANEDO GERALD PRESIDENT DE THESE : PR BENIFLA JEAN - LOUIS 1 REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier le Pr Benifla, le Pr Grimprel, le Pr Perretti, le Dr Ndiaye-Antonetti et le Dr Castanedo pour avoir accepté de faire partie de mon jury et de me sacrifier un peu de leur précieux temps. Je remercie mille fois le Dr Piet et Mme Rivera pour leur accueil chaleureux, leurs paroles encourageantes et leur aide qui m’ont été d’un grand secours. Merci Gérald d’avoir été mon directeur de thèse et surtout de m’avoir appris les rudiments de notre beau métier qu’est la médecine générale. Tout mon amour à mes parents qui ont relu et corrigé cette thèse et qui m’ont toujours soutenue pendant ces longues années d’études. J’embrasse très fort mes deux chères amies Sonia et Isa, l’une pour m’avoir « relooké » mes schémas, l’autre pour m’avoir initiée aux joies d’Excel et compagnie et pour ses bons conseils sans lesquels je n’aurais jamais fini cette thèse. Merci aussi à Remy pour la mise en page du questionnaire et à Paule pour ses encouragements et son aide à la saisie. Merci au GAMS pour m’avoir permis de consulter sa bibliographie. Merci à tous ceux qui m’ont poussée à bosser et qui m’ont soutenue par leur amitié : Céline, Mous, Henri, Caro, Elsa, Olivier, Francine, Jacqueline, Eddie, Bénédicte, la famille Casals et mes deux futurs associés Deyan et Paul. A Nagnouma ... 2 »La description de ce corps mutilé fait appel à mon corps qu'on mutile, à mon corps qu'on écorche ... Ce qui est ressenti n'est pas seulement un sentiment moral, pas seulement la pitié, la révolte, l’indignation. Non, c'est mon corps qui sursaute, résiste, repousse ce qui s'attaque à son désir, à sa jouissance, à ses images. Mon corps, ton corps, mutilés. Toi, moi, pareilles, courant le même risque. Moi, toi dans le corps violées, ton sang, mon sang mêlés. Le corps aurait-il son mot à dire? Il renâcle, il exprime, il parle. Mon corps hystérique. Mon corps de femme....Pas d'arme, pas de parole adéquate. Sur le corps des femmes, sur leur sexe tranché, néant....La réalité serait-elle indécente à l'univers des idées?" Séverine Auffret dans " Des couteaux contre des femmes" 3 1) INTRODUCTION…………………………………….. 6 2) LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES 2.1 BREF APERCU HISTORIQUE …………………………………......... 8 2.2 LA POSITION DES RELIGIONS ……………………………………… 10 2.3 LA JUSTIFICATION IDEOLOGIQUE ………………………………… 13 2.4 LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE ………………………………… 15 2.5 LA TERMINOLOGIE UTILISEE ………………………………………. 21 2.6 L’ANATOMIE DES ORGANES GENITAUX EXTERNES ……….. 22 2.7 LES DIFFERENTS TYPES DE MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES ……………………………………………….. 31 2.8 LES AUTEURS DES MUTILATIONS ……………………………….. 32 2.9 LES COMPLICATIONS ………………………………………………… 34 2.10 LA MEDICALISATION ……………………………………………….. 37 2.11 LE CADRE LEGISLATIF …………………………………………….. 38 2.12 LA PREVENTION ………………………………………………………. 45 2.13 LA CHIRURGIE REPARATRICE …………………………………….. 59 3) L’ENQUETE 3.1 QUESTIONS ET OBJECTIFS ………………………………………… 62 3.2 METHODE ……………………………………………………………….. 62 3.3 RESULTATS ………………………………………………………………. 65 3.4 ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS ……………………. 87 3.5 CRITIQUE ………………………………………………………………….. 93 4) CONCLUSION ……………………………………… 95 5) PROPOSITIONS................................................96 6) BIBLIOGRAPHIE …………………………………. 98 7) ANNEXES …………………………………………. 102 4 Petit lexique des abréviations utilisées: PMI: protection maternelle et infantile ONU: organisation des nations unies GAMS: groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles et autres pratiques néfastes à la santé des femmes et des enfants MFPF: mouvement français pour le planning familial OGE: organes génitaux externes MGF: mutilations génitales féminines MSF: mutilations sexuelles féminines OMS: organisation mondiale de la santé 5 1) INTRODUCTION Les mutilations sexuelles féminines: 100 à 140 millions de femmes et fillettes dans le monde, un tiers de la population africaine, une femme excisée toutes les quatre minutes; en France, 65000 femmes et fillettes seraient concernées dont 19000 uniquement en Ile- DeFrance... A côté de cela, tout au long de mes études de médecines où on m'a appris à reconnaître et soigner les pathologies courantes mais aussi les maladies rares, pas un seul cours sur les mutilations sexuelles féminines. Aucun mot dans les livres de médecine les plus utilisés en gynécologie et en pédiatrie pour nous enseigner cette pathologie induite par l'homme et pour nous aider à soigner les femmes qui en sont victimes et à protéger les fillettes encore intactes ... Lors de nos cours d'anatomie, on "oublie" de nous enseigner l'anatomie exacte du clitoris et sa physiologie alors que tout étudiant en médecine saura décrire la verge et son fonctionnement. On nous apprend à prendre en charge les problèmes érectiles et sexuels masculins mais le plaisir féminin et ses pathologies sont absent de nos cours. Ma première confrontation à des femmes excisées s'est faite lors de mes stages d'externe puis d'interne généraliste en gynécologie à l'hôpital Tenon, à Paris. Tous les jours je voyais et examinais des femmes africaines, il me semblait bien que leurs vulves n'étaient pas comme celles des femmes européennes, mais jamais aucun de mes chefs ne m'a expliqué en quoi elles étaient différentes, il n'y a jamais eu ni staff ni cours sur les mutilations sexuelles féminines. Un jour une jeune femme africaine se présente aux urgences pour savoir où elle pourrait se faire reconstruire. J'étais incapable de l'informer, mes collègues internes en gynéco, mes chefs et les infirmières de même. Seule une sage femme a su me retrouver les coordonnées du GAMS par internet pour les remettre à cette femme. A l'époque j'avais une externe qui était très sensibilisée au sujet et qui m'a appris beaucoup et m'a ouvert les yeux. J'ai ensuite eu des discussions avec une amie de mon frère, jeune femme d'origine malienne, étudiante en psychologie et excisée en France, bébé, dans les années 80. Elle voulait se faire reconstruire et avait pris rendez-vous avec le Dr Foldès. C'est ainsi qu'à pris forme l'idée d'une thèse sur ce sujet. Cette thèse n'a pas la prétention d‘être exhaustive, je voudrais qu'elle soit un de ces grains de sable qui participent à la lutte pour l'abolition des mutilations sexuelles féminines en montrant d'un côté que les mutilations sexuelles ne sont pas qu'un problème de femme africaine mais que l'idéologie qui a conduit à ces pratiques horribles ne nous 6 est pas si étrangère que ça et d'un autre côté essayer de faire un état des lieux concernant les connaissances et attitudes des généralistes sur ce sujet. J'ai voulu m'informer, regrouper des informations pour en faire bénéficier les autres, et savoir pourquoi ce sujet était passé sous silence lors de nos études. Par mon étude, j'ai essayé de répondre à quelques questions simples. J'ai voulu savoir si les généralistes sont confrontés à des femmes mutilées, s'ils recherchent la mutilation chez les femmes potentiellement concernées, où en sont leurs connaissances à ce sujet, seraient ils prêts à s'en occuper, savent-ils prendre en charge et orienter vers des spécialistes ces femmes et surtout sont-il assez vigilants concernant les fillettes à risque et connaissent-ils la démarche à suivre si l'une de leurs petites patientes doit se faire exciser? En tant que médecins généralistes, nous nous retrouvons souvent en première ligne pour dépister et soigner toutes sortes de maux mais nous passons certainement à côté des nombreuses souffrances et pathologies induites par l'excision. 7 2) LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES 2.1Bref aperçu historique6, 8, 9, 14, 23, 25, 26, 27 L’origine exacte des MSF est inconnue mais elles semblent exister depuis les débuts de l’humanité. Pour certains l’Egypte ancienne serait le berceau des mutilations génitales dès 5000 -6000 avant notre ère et elles se seraient ensuite répandues en Afrique et au Moyen Orient. L’infibulation, la mutilation la plus radicale, est encore appelée « excision pharaonique ». L’excision aurait aussi été d’usage courant durant toute la protohistoire (histoire des premières civilisations utilisant le métal sans avoir de tradition écrite). La découverte de deux momies féminines présentant des cicatrices génitales évocatrices d’infibulation en 1915 et en 1920 dans les tourbières d’Allemagne du Nord semble confirmer cette hypothèse. La première mention écrite d’excisions se retrouve dans un texte d’Hérodote (484 -425 avant notre ère) intitulé « L’enquête » et l’auteur y évoque le fait qu’Egyptiens, Ethiopiens, Colchidiens et Phéniciens effectuaient des infibulations. L’excision est aussi évoquée dans des papyrus datant de l’époque des Ptolémées (Égypte, 3e siècle avant notre ère ; 15e papyrus grec du British Museum). Des textes gréco byzantins montrent que l’infibulation féminine était une coutume très répandue au Moyen Orient qui se serait ensuite généralisée en Arabie à l’époque pré-islamique. Pour les médecins gréco-byzantins l’excision évite l’infidélité et la masturbation et maintient les femmes chastes et soumises. Dans la Rome Antique, les esclaves de sexe féminin portaient un ou plusieurs anneaux passant à travers des grandes lèvres pour les empêcher d’avoir des rapports sexuels. Parfois ces anneaux étaient reliés entre eux par un cadenas. Les esclaves masculins, dont les célèbres gladiateurs, avaient le prépuce transpercé par une agrafe en forme d’anneau. Leurs maîtres voulaient éviter ainsi qu’ils gaspillent leur énergie avec les femmes. L’étymologie du mot infibulation viendrait du mot latin « fibula » qui désigne une agrafe. L’argument esthétique pour justifier les mutilations génitales féminines apparaît très tôt. Soranos, médecin grec exerçant à Rome et à Alexandrie sous le règne de l’empereur Trajan (53-117 avant notre ère), considérait que la vulve était une difformité honteuse qu’il fallait 8 éradiquer au scalpel. Avicenne, célèbre médecin arabo-andalous (9801037), décrivait le clitoris comme une proéminence devant être corrigée par la chirurgie. Un théologien du Moyen Age, disciple d’Avicenne, Albert le Grand (1200 -1280) préconise l’excision parce que le clitoris représente une tentation conduisant les femmes à toutes sortes d’excès sexuels dont la masturbation jusqu’à syncope. Ambroise Paré (1515 - 1590), chirurgien des rois de France, exprime sa crainte que des organes génitaux externes féminins surdéveloppés puissent gêner le travail de l’organe mâle lors du coît. En 1698 le médecin De Launay attribue la responsabilité des habitudes saphiques de certaines femmes à des clitoris tellement hypertrophiés qu’ils pourraient remplacer l’organe sexuel masculin et engrosser d’autres femmes. En Afrique le premier témoignage écrit concernant l’excision remonte à 1606, mais la pratique remonte certainement à l’époque préislamique. Au 18e siècle, le chirurgien français Dionis effectuait sur demande des maris des résections clitoridiennes pour faire de leurs épouses des « femmes de devoir ». Une secte russe, les Skoptzy, apparue au 18e siècle, pratiquait des mutilations sexuelles sur les deux sexes : castration pour les hommes, clitoridectomie et mastectomie uni- ou bilatérale pour les femmes. Au 19e siècle, le Dr Isaac Baker Brown, chirurgien et gynécologue, fut exclu de la société d’obstétrique de Londres pour avoir pratiqué plus de 50 excisions. Il était persuadé que l’hystérie et d’autres maladies mentales étaient causées par la masturbation. Dans son ouvrage « On the curability of certain forms of insanity, epilepsy, catalepsy and hysteria in females », il recommande la clitoridectomie pour le traitement de ces maux. En France, Vidal De Cassis utilise l’infibulation pour la cure de fistules vésico-vaginales. Lors d’un débat de la société de chirurgie de Paris en janvier 1864 l’illustre Broca signale avoir infibulé (sans clitoridectomie) une fillette de 5 ans pour la guérir de sa « nymphomanie ». Un de ses collègues voulait exciser la petite ce qui lui avait semblé trop radical. En 1900, le Dr Pouillet recommandait la cautérisation des parties génitales sensibles pour les jeunes filles enclines à se manueliser. En Angleterre, à la même époque, l’infibulation est utilisée pour traiter la masturbation chez les garçons. En France et en Angleterre, clitoridectomies, cautérisations génitales, infibulations, ovariectomies et hystérectomies sont réalisées jusque dans les années 1920 pour « lutter contre le vice masturbatoire, l’hystérie et autres désordres mentaux ». Ce n’est que vers 1930 que les obstétriciens cesseront de recommander ces opérations. Aux Etats 9 - Unis, l’ « Orificial Surgery Society » plaide pour l’ablation du clitoris car « le diable y loge ». Aux U.S.A. les excisions prennent fin en 1925, et la dernière clitoridectomie recensée en Europe est celle d’une petite anglaise de 5 ans, en 1948. Néanmoins, en Occident, des actes pouvant être classés parmi les MSF continuent à exister. En 1978, un gynécologue de Dayton, Ohio, le Dr James C. Burt, propose comme traitement de la frigidité une opération qui consiste à sectionner le muscle pubo-coccygien, à réduire le capuchon clitoridien et à resserrer l’orifice vaginal, ceci pour restructurer le vagin afin que la verge en érection vienne directement stimuler le clitoris. La circoncision du clitoris est réalisée depuis 1950 aux Etats Unis, par des chirurgiens plastiques, pour augmenter les capacités orgasmiques de la patiente. Actuellement, une mode américaine est en train de se répandre en Europe. Certaines femmes, jugeant leurs organes génitaux externes inesthétiques, recourent à des chirurgiens pour se faire réduire les grandes ou petites lèvres, voire le capuchon clitoridien. Paradoxalement, certains chirurgiens qui réparent des femmes africaines excisées pour des raisons « coutumières » vont modifier l’aspect des organes génitaux externes de femmes européennes, cette fois-ci pour des raisons d’esthétique (par exemple le chirurgien munichois Dr Schaff) 2.2 La position des religions 15, 8, 9 Les MSF ont été faites tout au long de l’histoire de l’humanité, et on peut en retrouver un peu partout dans le monde. Néanmoins, de nos jours, elles sont majoritairement pratiquées en Afrique Noire et en Égypte. Elles se pratiquent dans ces pays aussi bien chez les musulmans que chez les juifs, chrétiens ou animistes. JUDAISME Les juifs de l’ancienne Abyssinie, l’actuelle Ethiopie, les avaient comme coutume. Leur émigration massive en Israël vers 1970 les y a fait renoncer. Les coptes égyptiens comme les chrétiens africains continuent à mutiler leurs filles. CHRISTIANISME L’Eglise catholique était traditionnellement opposée aux MSF, toute modification du corps de l’être humain étant un péché vis - à - vis de l’œuvre créatrice de Dieu. Cependant, lors de la colonisation, les MSF ne font pas polémique en Europe. En effet l’Eglise préférait ne pas risquer de perdre ses nouveaux convertis en Afrique. Au 18e siècle certains missionnaires jésuites s’attaqueront au problème en essayant d’interdire les MSF chez leurs ouailles. Ils échouent, non seulement les hommes refusent d’épouser les femmes indemnes, mais en plus l’Eglise perd de nombreux membres. Le Vatican décide de « préférer 10 les âmes aux organes sexuels » et avalise les mutilations en tant que pratique médicalement nécessaire vu « l’hypertrophie des sexes des négresses ». Au début du 20e siècle, à l’initiative des Eglises anglicanes et de mouvements de missionnaires, de nouvelles oppositions contre les MSF se forment en Afrique, en particulier au Kenya et au Nigeria. En 1929 le pouvoir colonial britannique interdit au Kenya la polygamie et l’excision. Jomo Kenyatta, leader politique issu de l’ethnie gikuyu, prend position en faveur de l’excision. La lutte contre l’excision est à ce moment-là assimilé à l’appareil colonial d’oppression et elle est perçue comme un outil de destruction de la culture africaine. En 1948 il prend la tête de la révolte des Mau-Mau, mouvement révolutionnaire et nationaliste. En 1964 il sera le premier président du Kenya indépendant. Pour une longue durée la lutte contre l’excision sera considérée comme une ingérence intolérable de l’Occident même par certains mouvements féministes africains. ISLAM L’Islam est né en Arabie et son prophète, Mahomet, est né à la Mecque et mort à Médine en 632. Le Coran, le livre sacré des musulmans, compte 144 chapitres appelés sourates dans lesquels on ne retrouve aucune mention des MSF. A côté du Coran existent les recueils de la Sunna (tradition en arabe), qui comportent les paroles et gestes de Mahomet ou hadiths, et ces recueils sont complétés par les fatwa, avis écrits ou oraux, émis par des autorités religieuses. Les fatwa indiquent le comportement à suivre pour se conformer à la volonté divine. Selon les défenseurs des MSF, certains hadiths rapporteraient une discussion entre Mahomet et une exciseuse. Le prophète aurait dit à cette dernière: « Si tu coupes, n’exagères pas car cela rend plus rayonnant le visage et c’est plus agréable pour le mari ». Il aurait aussi prétendu que l’excision est le mérite des filles et qu’elle les embellit. Ces hadiths sont cependant considérés comme dhaif, c'est-à-dire que leur authenticité est jugée faible et aucune prescription religieuse n’oblige les musulmans à exciser leurs filles. Nombreux sont les érudits religieux musulmans condamnant les MSF : au Sénégal, l’Association Nationale des Imams et Oulémas Sénégalais (ANIOS), au Soudan, le docteur en droit musulman Ali Hashim Al Siraj, en Somalie, au Mali, au Burkina Faso, en Érythrée, en Éthiopie beaucoup de leaders religieux prennent une part active à la lutte contre les MSF. Le Dr Taha Ba’asher, conseiller régional de l’OMS, écrit sur l’excision: « Il est remarquable de constater que cette coutume n’est plus observée dans d’importants pays arabes tels que l’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam et centre des Terres Saintes (…) Une partie de la confusion qui est apparue au sujet de l’interprétation religieuse provient sans doute de la généralisation à la femme de la circoncision masculine. » 11 Le mufti du Soudan indiquait déjà clairement en 1946 que les mots « embellissement, recommandable, préférable » n’impliquaient pas une obligation. Par contre infliger une souffrance ou une blessure à autrui est en contradiction avec les principes de l’Islam. En octobre 1979, lors d’un séminaire organisé par le Planning Familial au Caire, une commission de chefs religieux a souligné l’absence de fondement religieux à cette coutume. Cependant la controverse reste vive et l’exemple de l’Egypte qui abrite l’université Al Azhar, haute autorité religieuse, illustre bien l’ambiguïté des dirigeants religieux musulmans par rapport à ce sujet. L’imam d’Al Azhar, le cheikh Mohammed Sayyed Tantawi et son prédécesseur Mahmoud Shaltout se sont opposés à l’excision. Le Conseil d’ Etat égyptien a motivé son décret de 1997 contre l’excision par des références religieuses claires. Plusieurs personnalités importantes de la Confrérie des Frères Musulmans se sont prononcées contre l’excision alors que d’autres membres tout aussi connus prônent la modération. Le mufti Nasr Farid Wassal reste par contre prudent: « La Sunna n’exige pas plus l’excision qu’elle ne l’interdit. L’Islam laisse décider les personnes compétentes en la matière, c.à.d. les médecins. » Le Dr Ahmed Suleiman de l’Université du Caire défend l’excision car « elle est source de pudeur, d’honneur et d’équilibre psychologique. » Le Dr Mohammed Abou Leila, conférencier en recherche islamique à Al Azhar, estime « que le prophète a confirmé cette coutume, dont nous avons hérité en tant que musulmans. » En ce qui concerne les MSF, la confusion entre coutume et préceptes religieux est évidente, surtout dans les régions rurales et pauvres où l’ignorance est encore grande. Cette coutume ancestrale a été transmise de génération en génération et a fini par être assimilé à tort aux commandements du prophète Mahomet. Les défenseurs de ces pratiques considèrent que tout ce qui n’est pas expressément interdit est permis, surtout que l’excision existe depuis longtemps dans les pays concernés et fait partie de la tradition. Cependant le droit musulman autorise de mettre fin à une coutume basée sur l’ignorance quelle que soit sa forme ou sa justification. En novembre 2005 s’est tenu à Rabat, au Maroc, une conférence islamique des ministres chargés de l’enfance, organisée conjointement avec l’organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO), l’UNICEF, et l’organisation de la conférence islamique. Plus de 20 organisations arabes et islamiques et 50 ministres chargés de l’enfance de pays musulmans étaient représentés. L’élimination de certaines pratiques traditionnelles néfastes souvent associées à tort à l’Islam comme les mariages précoces, les MSF, la discrimination des filles dans l’éducation, étaient 12 à l’ordre du jour. A l’issue de cette conférence, une déclaration prônant la fin de ces pratiques a été adoptée. Le Comité Inter-Africain de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes aux femmes et aux enfants estime que la religion est souvent utilisée à mauvais escient et par commodité pour justifier les mutilations génitales féminines. Lors d’un symposium de leaders religieux qui s’est tenu en Gambie en 1998, ces derniers ont affirmé que ni l’Islam ni le Christianisme ne permettent la destruction de tout organe humain en bonne santé. Les MSF sont une forme de violence particulièrement brutale, dont l’apparition précède de loin le Christianisme et l’Islam. Elles sont un des nombreux exemples de détournement des principes religieux pour servir les intérêts machistes et soumettre la femme. 2.3 La justification idéologique 2, 9, 8,14 - la justification religieuse : L’excision est une pratique antérieure à l’Islam transmise de génération en génération et considérée comme une pratique courante musulmane faisant partie de la tradition musulmane, qui, même si elle n’est pas obligatoire, est fortement recommandée. (cf chapitre religion) - la prophylaxie Les arguments à visée prophylactique sont des préceptes moraux imbriqués à des préjugés d’ordre esthétique. Ils reposent sur une vieille croyance selon laquelle le sexe féminin, béant et fait de replis, serait plus réceptif aux microbes et aux saletés. La décence des organes génitaux féminins, où rien ne doit pendre ni dépasser, serait valorisée. L’excision serait donc une mesure d’hygiène protégeant la femme d’éventuelles infections génitales et elle éviterait la formation d’odeurs nauséabondes prétendument sécrétées par les vulves à « l’état sauvage ». Elle embellirait aussi la femme en la débarrassant des « laides » proéminences tels que le clitoris et les lèvres -le renoncement à l’androgynie et à la bisexualité primitives Une fille, pour devenir une femme complète, doit renoncer à ce qui rappelle en elle des vestiges de l’autre sexe. C’est le cas du clitoris considéré comme un pénis atrophié, dressé comme une petite épée à l’entrée du vagin et qui pourrait gêner les rapports sexuels avec l’homme, voire même blesser ou tuer le futur enfant lors de son passage par la filière génitale. Le clitoris devra donc être coupé pour qu’il ne se dresse pas en rival devant la verge et pour favoriser la 13 fertilité. En somme, en pratiquant l’excision et l’infibulation, les cultures répondent aux interrogations et aux fantasmes infantiles de la fille Suis-je une fille? Comment devenir une femme? - en privilégiant la réalité sur les fantasmes et en la confirmant dans la castration. L’argument de fertilité justifiant l’excision est donc fondé sur la nécessité de renforcer le rôle féminin de la femme en gommant en elle tout reliquat de masculinité et toute nostalgie des pouvoirs afférents au masculin. - l’argument en faveur de la protection de la virginité La première motivation évoquée pour légitimer l’excision et l’infibulation est le souci de s’assurer de la virginité de la fille en excisant ses organes sexuels et en cousant son sexe. La sacralisation de la virginité est un processus psychique quasi-universel. L’infibulation est considérée par ceux qui la pratiquant comme la meilleure garantie des filles contre toute approche masculine et aussi un moyen de leur garder la liberté, voire d’être protégées des viols pour les femmes gardant des troupeaux loin de leurs villages. Si l’excision ne rend pas le sexe féminin impénétrable au sexe mâle, les modèles et paroles maternelles l’accompagnant instillent chez les filles la croyance que son sexe est vulnérable et en permanence menacé mais que l’excision le protège: « l’excision vous aidera à vous préserver contre les garçons » -la mainmise sur la sexualité féminine Un argument rarement évoqué mais sous-jacent aux interventions sur le sexe féminin a toujours été le contrôle des pulsions sexuelles de la femme, car derrière la multiplicité des raisons ou rationalisations pour justifier les MSF, prévaut le fantasme que la femme est un être dangereux pour l’homme et l’ordre masculin, dangereuse par la force de ses pulsions et par son absence de contrôle. En imposant une mainmise sur le corps féminin, l’homme a d’abord vu en elle la pourvoyeuse de progéniture garantissant la perpétuation de l’espèce. L’excision comme l’infibulation sont des moyens de contrôle et de répression des pulsions féminines jugées insatiables. Derrière ce contrôle a toujours percé l’angoisse de l’homme devant les incertitudes de sa paternité. Par ailleurs, la femme, en investissant le clitoris, organe le plus accessible à la caresse solitaire, risque de détourner son intérêt pour le vagin et donc devenir une mauvaise partenaire, difficile à satisfaire, et qui n’aura pas suffisamment investi son vagin, organe de reproduction la préparant à son futur rôle de mère. 14 Les coutumes qui prônent l’excision ont donc pour but non-avoué de brider cette autonomie de la jouissance féminine, « si prête à se transformer en folie ou en délire » et si redoutable pour l’ordre patriarcal. Une femme intacte est considérée comme une prostituée, une femme de petite vertu et elle sera la plupart du temps dans l’impossibilité de se trouver un mari. 2.4 La répartition géographique D’après un rapport de l’UNICEF de 2005, 100 à 140 millions de femmes et de fillettes ont été mutilées dans le monde, soit 1/3 de la population africaine. Chaque année 3 millions de fillettes risquent de l’être. - Afrique10 : (figure 1) 28 pays d’Afrique pratiquent les MSF avec des taux de prévalence allant de 5 à 98%, pouvant être extrêmement variable à l’intérieur d’un même pays, en fonction des ethnies, du lieu de résidence (milieu rural ou urbain) et du niveau socio-éducatif. Les pays africains suivants sont concernés : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République de Centrafrique, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry , Guinée Bissau, Djibouti, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouganda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, République démocratique du Congo. Il semblerait que l’infibulation soit pratiquée uniquement en Afrique. 15 FIGURE 1 16 Prévalence des MSF dans les pays concernés PAYS Bénin Burkina Faso Centrafrique Côte d'Ivoire Egypte Ethiopie Erythree Guinée Conakry Guinée Bissau Kenya Mali Mauritanie Niger Nigeria Somalie Soudan Tanzanie Togo Tchad Gambie Ghana Libéria Sénégal Sierra Léone Cameroun RDC Djibouti Ouganda PREVALENCE 17% 77% 43% 45% 96% 80% 89% 96% 50% 32% 92% 71% 2% 19% 98 -100% 89% 15% 12% 45% 80% 5% 60% 28% 90% 15-45% (selon l'ethnie) 5% 98(86%infibulations,12%autres types) 5% SOURCE/ANNEE DHS/2001 DHS/2003 DHS/1994,1995 DHS/1998,1999 DHS/2005 DHS/2000 DHS/2002 DHS/2005 OMS DHS/2003 DHS/2001 DHS/2000,2001 DHS/2006 DHS/2003 DHS/1982,1993 DHS/1989,1990 DHS/2004,2005 DHS,OMS/1996 DHS/2004 OMS/1985 DHS/2003 DHS/1984 DHS/2005 UNICEF/1997 DHS/2004 UNICEF UNICEF OMS 17 Péninsule arabique10 : Concernant les MSF de type 2, elles existent dans la péninsule arabique avec une prévalence de 23% au Yémen (DHS 97). L’infibulation y est pratiquée par les immigrés somaliens. Les MSF se font aussi dans la Tihama (région littorale de la Mer Rouge), l’Hadramaout (région du golfe d’Aden), localement à Lahj, Aden et Abyan, dans la région du Dhofar (sultanat d’Oman), dans l’archipel de Bahrein et dans les Emirats Arabes Unis. Elles existeraient aussi dans la région sud-ouest d’Arabie Saoudite. Asie10 : Les MSF se retrouvent en Malaisie, parmi les Malais de Singapour et d’Australie, en Indonésie et seraient aussi pratiquées par certaines sectes en Inde et au Pakistan. Récemment a été découvert un foyer jusqu’alors inconnu, le Kurdistan Irakien1, et se pose donc la question d’existence de MSF chez d’autres populations Kurdes mais il n’existe encore aucune étude à ce sujet. Néanmoins les MSF sont nettement moins répandues en Asie qu’en Afrique, la plupart du temps il s’agit de mutilations très limitées, quasi symboliques, et elles seraient en nette régression, surtout en Inde. Amérique du sud10 : Il existerait des excisions chez certaines tribus d’Indiens en Amazonie, au Pérou, au Brésil, en Colombie et au Mexique. Australie, Etats-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande10: Les MSF se retrouvent parmi les ressortissants immigrés de pays les pratiquant. Europe 10,14 : Les populations ayant les MSF comme coutume continuent à les reproduire dans leurs pays d’accueil, notamment en France, en Belgique, en Italie , en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suisse, au Danemark et en Suède. On estime à 160 000-240 000 le nombre de femmes et fillettes mutilées ou menacées de l’être pour l’ensemble des pays de l’Union Européenne. La France est en tête de ces pays, suivie par l’Italie, l’Allemagne et le Royaume Uni. 18 Situation en France17,18 : (figure 2) Au premier janvier 2002, une étude réalisée par le GAMS évaluait à 30.000 les femmes et à 35.000 les fillettes et adolescentes mutilées ou menacées de l‘être. On en vient donc à un chiffre de 65.000 femmes concernées en France ! Les départements les plus concernés sont ceux d’Ile- de - France, suivis des Bouches du Rhône, de l’Eure, du Nord, de l’Oise, du Rhône de la Seine Maritime et de la région PACA. Au 01/01/2OO2, uniquement en Ile- de -France, 19.000 jeunes filles étaient excisées ou menacées de l’être. Ces chiffres sous-estiment certainement l’ampleur du problème, la réalisation de statistiques fiables étant très difficile. Les populations qui excisent le plus en France sont surtout les Maliens (Dogons, Malinkés, Bambaras) et les Sénégalais (Toucouleurs, Peuls), cependant on peut aussi rencontrer des femmes mutilées originaires des pays suivants: Cameroun, Egypte, Mauritanie, Tanzanie, Guinée, Sierra -Léone, Niger, Nigeria (les Yorabas, Ibos, Hausas), République Centrafricaine, Gambie, Somalie (les Midgaans), Burkina-Faso (les Gourmanthes de Haute - Volta), Ouganda (les Gusiis), Tchad (les Saras), Côte d’Ivoire (les Oubis), Kenya (les Kikuyus). Il y a peu de femmes infibulées en France et elles sont majoritairement originaires de pays comme la Somalie, le Soudan, le Mali, le Sud de l’Égypte, l’Éthiopie, le Nord du Kenya et le Nigeria. . 19 FIGURE 2 20 2.5 La terminologie utilisée La conférence régionale du Comité Inter -Africain a adopté en 1990 le terme de mutilations génitales féminines (MGF) pour désigner toute pratique non thérapeutique consistant à enlever partiellement ou totalement certaines parties des OGE (organes génitaux externes) féminins. L’Académie Nationale de Médecine en France adopte en mai 2004 le terme de mutilations sexuelles féminines (MSF), effectivement, les MGF mutilant non seulement l’appareil génital féminin mais aussi la sexualité de ces femmes, avec des répercussions loco -régionales mais aussi psycho -sexuelles. Le terme « excision » est plus utilisé pour désigner la clitoridectomie seule. Définition (selon l’OMS40) Les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme où les lésions de ces organes sont pratiquées pour des raisons religieuses ou culturelles ou pour toute autre raison, non thérapeutique. Pour certains les MSF sont aussi désignées par le terme erroné de « circoncision féminine ». 21 2.6 L’anatomie des organes génitaux externes de la femme7 La vulve est un organe étendu, situé en grande partie entre les cuisses. Elle comprend le mont du pubis, les grandes et petites lèvres, le vestibule, les corps érectiles et les glandes vulvaires (figure 3). Mont du pubis C’est une saillie arrondie, triangulaire à sommet inférieur, située devant la symphyse pubienne et limitée latéralement par les plis inguinaux. Recouvert de poils, il se compose essentiellement d’une couche cellulo - adipeuse de 35 mm d’épaisseur en continuité avec celle de l’abdomen et des grandes lèvres. Les fibres terminales des ligaments ronds de l’utérus s’y perdent ainsi que dans les grandes lèvres. Lèvres vulvaires Grandes lèvres Elles limitent la fente vulvaire. Elles ont une épaisseur de 2 cm environ, augmentant avec l’obésité. Leur face externe, plus foncée et poilue, est limitée latéralement par le sillon génito-fémoral. Leur face interne, rosée, lisse et humide, est glabre dans sa partie profonde et parsemée de quelques poils follets dans la partie marginale. Leurs extrémités se réunissent pour former en avant la commissure antérieure et en arrière la commissure postérieure, distante de l’anus de 2,5 cm environ. La fossette vestibulaire déprime la surface de la commissure postérieure. Les grandes lèvres sont formées d’un revêtement cutané pourvu de fibres musculaires lisses ou dartos labial et du corps adipeux labial. C’est une formation fibro-graisseuse riche en vaisseaux et un organe semi-érectile renforcé par les fibres élastiques qui l’amarrent au fascia criblé, au prépuce du clitoris et au centre tendineux du périnée. Petites lèvres Elles limitent le vestibule et sont épaisses de 3mm environ. D’apparence muqueuse, elles tendent à s’atrophier après la ménopause. Chez l’adulte, elles font souvent saillie en dehors de la fente vulvaire (50%): elles prennent alors une coloration brune, plus foncée pendant la grossesse. Dans 30% des cas, elles affleurent les grandes lèvres. 22 Leurs extrémités antérieures se dédoublent en deux replis secondaires : un repli antérieur passant au-dessus du corps du clitoris pour former le prépuce clitoridien, et un repli postérieur qui se fixe sur la face inférieure du clitoris pour former le frein du clitoris. Leurs extrémités postérieures se réunissent souvent pour constituer le frein vulvaire (fourchette vulvaire), dont la mobilisation transmise au prépuce, participe à l’excitation mécanique du clitoris. Les petites lèvres sont formées d’un revêtement cutané glabre et sans graisse, emprisonnant une lame fibro-élastique riche en neurofibres et en vaisseaux rappelant les corps érectiles. Très élastiques, elles présentent une remarquable réserve d’allongement, mise à profit en chirurgie reconstructrice vaginale. Sillon interlabial Interposé entre une grande et une petite lèvre, il répond dans sa partie antérieure, au cours de la palpation, au pilier du clitoris. Vestibule Prolongeant la fente vulvaire, c’est un espace virtuel profond de 6 à 7 cm. Le vestibule urétral présente l’orifice urétral externe situé audessus de la carina urétrale du vagin qui termine la colonne vaginale antérieure. Il est bordé de chaque côté par les orifices des glandes para- urétrales. Le vestibule du vagin est séparé du vagin par l’orifice vaginal ou introït. Celui-ci est fermé par l’hymen chez la vierge. Le sillon vestibulaire sépare l’hymen des petites lèvres. L’hymen est un repli muqueux transversal et incomplet dont la face vulvaire est lisse et la face vaginale irrégulière. Sa résistance et sa forme sont très variables. Au premier coït complet l’hymen se déchire et les lambeaux cicatrisés forment les caroncules hyménaux. Ces caroncules se déchirent de nouveau lors de l’accouchement et deviennent plus irrégulières, formant les caroncules myrtiformes. Clitoris (figure 4) Dédié entièrement au plaisir, cet organe est essentiel à la vie sexuelle féminine. Il est formé de deux corps érectiles pairs, les corps caverneux et les bulbes vestibulaires. Il comprend trois parties: les piliers, le corps et le gland. 23 Piliers du clitoris Formés de la partie postérieure des corps caverneux, ils sont longs de 3 cm, et s’attachent sur la partie moyenne de la face interne des branches ischio-pubiennes. Ils s’adossent sous la symphyse pubienne pour former le corps du clitoris. Un septum incomplet médian marque cette fusion. Ils sont recouverts par les muscles ischiocaverneux. Corps du clitoris Il monte plus ou moins haut, devant la symphyse pubienne, puis s’infléchit (coude du clitoris) pour se porter en bas. Cette première portion, avant l’inflexion, est aussi appelé hampe du clitoris. Il est solidement maintenu au niveau de son coude par le ligament suspenseur du clitoris. Celui-ci se détache de la ligne blanche et de la symphyse pubienne, se dédouble pour entourer latéralement et en bas le corps du clitoris. Il donne des expansions latérales vers l’host urétral externe (ou ligament pubo-urétral). Le corps est recouvert par le prépuce du clitoris. Gland du clitoris Extrémité libre du clitoris, il est renflé, conique et mousse. Il est constitué de tissu érectile spongieux provenant des bulbes vestibulaires. Fascia clitoridien Plus épais sur les piliers et le corps, il est riche en neurorécepteurs. Bulbes vestibulaires Ils cernent les bords latéraux et antérieurs de l’orifice vaginal et sont fixés au fascia inférieur du diaphragme uro-génital. Ils sont ovoïdes et mesurent chacun 3,5 cm de longueur. Leurs extrémités postérieures sont en contact avec les glandes vestibulaires majeures. Leurs extrémités antérieures, amincies, s’unissent pour former la commissure bulbaire qui présente une expansion de tissu érectile pour le gland du clitoris. Par ailleurs, la commissure bulbaire est solidarisée au corps du clitoris par le plexus veineux intermédiaire qui unit la circulation veineuse des corps érectiles. Les faces inférieures des bulbes vestibulaires sont cachées par les muscles bulbo-spongieux. Ils sont constitués d’un tissu érectile spongieux, analogue au corps spongieux masculin. 24 Glandes vulvaires Elles sont nombreuses et s’atrophient rapidement à la ménopause. Glandes vestibulaires mineures Ce sont des glandes sébacées et sudoripares disséminées à la surface des grandes lèvres essentiellement et occasionnellement sur la face externe des petites lèvres. Leur sécrétion participe à la formation du smegma. Glandes para- urétrales (glandes de Skène) Elles correspondent aux deux plus volumineuses glandes urétrales dont les canaux excréteurs s’ouvrent de chaque côté de l’ostium externe de l’urètre. Glandes vestibulaires majeures (glandes de Bartholin) Elles se projettent sur la moitié postérieure des lèvres. Ce sont des glandes mucipares ovoïdes, longues d’environ 1,5 cm. Leur face médiale répond à la paroi vulvaire. Leur face latérale est adjacente au bulbe vestibulaire et au muscle bulbo spongieux. Le bord supérieur est en rapport avec le fascia inférieur du diaphragme uro-génital. Le conduit excréteur, long de 1 à 2 cm, se porte en avant et médialement pour s’ouvrir dans le sillon vestibulaire à 5 et 7 heures. C’est une glande tubulo-alvéolaire, dont les lobes sont séparés par des myofibrilles lisses. Elles sont facilement palpables lorsqu’elles sont dilatées. Vascularisation Artères Une ligne horizontale, passant par le gland du clitoris, divise la vulve en deux territoires artériels: - le territoire antérieur est vascularisé par les artères pudendales externes supérieure et inférieure, branches de l’artère fémorale, et accessoirement par une branche terminale de l’artère obturatrice et par l’artère funiculaire; - le territoire postérieur est sous la dépendance de l’artère pudendale interne qui donne en particulier les artères dorsale et profonde du clitoris, urétrale, bulbaire et des rameaux pour les glandes vestibulaires majeures. 25 Veines Le drainage du mont du pubis, du prépuce et de la partie antérieure des lèvres se fait par les veines pudendales externes vers la grande veine saphène. Le drainage du clitoris, des bulbes vestibulaires et de la partie postérieure des lèvres se fait par les veines pudendales internes. Les anastomoses entre les veines vulvaires et les plexus veineux pelviens sont nombreuses. Lymphatiques La vulve est recouverte d’un riche réseau lymphatique dont le relais principal est constitué de nœuds inguinaux superficiels supérieurs médians et inférieurs. Ces derniers sont anastomosés avec les nœuds inguinaux superficiels supéro-latéraux. Ils se drainent dans les nœuds inguinaux profonds, situés sous le fascia criblé et dans le canal fémoral, et dans les noeuds iliaques externes. Le drainage iliaque interne est accessoire, sauf pour le clitoris. Innervation - somatique Le nerf somatique principal de la vulve est le nerf pudendal qui innerve les deux tiers postérieurs des grandes lèvres, des petites lèvres, le bulbe et le clitoris. Les branches génitales des nerfs iliohypogastrique, ilio-inguinal et génito-fémoral innervent le mont du pubis et le tiers antérieur des grandes lèvres. Ces nerfs forment par ailleurs, autour de la vulve, une sorte d'aura sensitive précédant la stimulation vulvaire. - végétative Les nerfs végétatifs proviennent des plexus hypogastriques inférieurs qui donnent, en particulier, les nerfs caverneux. - neurorécepteurs vulvaires Dans les formations tégumentaires sont situés essentiellement les extérocepteurs. Dans les formations sous-cutanées se localisent les corpuscules génitaux près et dans les corps érectiles; dans les muscles et les fascias sont situés les propriocepteurs. La grande richesse de la vulve en neurorécepteurs comparée au vagin fait d'elle le véritable organe sexuel de la femme. 26 Anatomie fonctionnelle La vulve est très sensible aux oestrogènes qui améliorent sa trophicité et la rendent plus étoffée et de coloration plus foncée. Elle intervient dans trois fonctions: la miction, l'accouchement et le coït. Vulve et miction Au cours de la miction, le jet urinaire sortant du méat est canalisé par les petites lèvres qui le dirigent. La proximité de la vulve et de l'anus favorise la colonisation du vestibule par des germes d'origine intestinale qui remontent l'urètre et déclenchent la cystite. Vulve et accouchement Pendant l'accouchement, l'orifice vulvaire se déplisse et se distend. Chez la primipare, la déchirure des vestiges hyménaux donne un léger saignement. La présentation continuant sa progression comprime la vulve qui s'amincit davantage, en particulier au niveau de la commissure postérieure. C'est à ce niveau que siègent les déchirures vulvo-périnéales. Réactions sexuelles de la vulve Les lèvres vulvaires, en raison de leur structure, se comportent comme deux corps érectiles entourant le vestibule. Les grandes lèvres, sous l'action de la contraction du dartos et de la mise en tension des fibres élastiques, s'amenuisent et s'aplatissent contre le périnée au cours de la phase d'excitation, dégageant ainsi le vestibule. Le retour à la configuration normale après l'orgasme est plus rapide chez la nullipare. Les petites lèvres subissent des modifications plus profondes, dénommées "réactions de la peau sexuelle". Elle est pathognomonique de l'imminence de l'orgasme. Pendant la phase de l'excitation, les petites lèvres se déplissent, s'épaississent et se dressent. A la phase de plateau, elles virent au rouge foncé, plus intense chez la nullipare. L'activité sécrétrice des glandes vestibulaires majeures est un facteur négligeable dans la lubrification de la vulve, car elles n'émettent que deux à trois gouttes durant la phase en plateau. La lubrification vulvaire est dévolue à la transsudation vulvo-vaginale. Les corps érectiles se dilatent et se congestionnent. En phase d'excitation, on note un allongement et une dilatation du corps et du gland. Pendant la phase en plateau et pendant l'orgasme, ils se rétractent, puis reprennent rapidement leur morphologie et leur topographie normales. 27 Le corps est le foyer principal de la réponse sexuelle. La stimulation de ses récepteurs au cours du coït est directe et indirecte par la traction du prépuce provoquée par l'étirement rythmique des petites lèvres sous l'action du pénis qui déprime le frein vulvaire. 28 FIGURE 3 29 FIGURE 4 30 2.7 Les différents types de mutilations sexuelles féminines10,40 Il existe différentes MSF dont on sait qu’elles sont encore pratiquées de nos jours. L’OMS les classe de la façon suivante : Type 1 : excision du capuchon clitoridien avec ou sans excision partielle ou totale de la hampe du clitoris A noter : la circoncision féminine vraie, dite à minima, appelée « sunna », tradition en arabe, consiste dans la résection du seul capuchon ou prépuce clitoridien. Elle serait courante chez les populations musulmanes d’Indonésie et de Malaisie. Mais, en fait elle est extrêmement rare : la mutilation étant pratiquée chez des filles pré-pubères, voire des bébés, la petitesse des OGE fait que le clitoris est presque toujours lésé. Type 2 : excision de la hampe du clitoris avec excision partielle ou totale des petites lèvres Le type 2 avec excision des petites lèvres, la plus courante des MSF, est très répandu en Afrique Noire et pratiquée dans environ 80% des cas. Type 3 : infibulation Infibulation, aussi appelée « circoncision pharaonique» ou « mutilation soudanaise », est la plus radicale des MSF. Elle comporte la résection de la hampe du clitoris avec l’ablation partielle ou totale des petites lèvres avec ensuite avivement, puis suture des grandes lèvres pour fermer l’orifice vulvo-vaginal, en laissant uniquement un petit pertuis à l’extrémité postérieure de la vulve pour l’écoulement des urines et du sang menstruel. L’infibulation est surtout pratiquée dans la corne de l’Afrique (Djibouti, Somalie, Nord du Soudan), mais elle existe également en Egypte, Ethiopie, dans le nord du Kenya, au Mali et au Nigéria. Elle représente environ 15% des MSF. Type 4 : autres procédés Autres procédés, regroupant toute une série de variantes : - Scarifications par piqûres, perforations ou incisions du clitoris et/ou des petites et des grandes lèvres. -Cautérisation du clitoris, notamment par carbonisation du clitoris et des tissus environnants à l’aide de braises provenant d’un arbre sacré 31 (Kenya). -Grattage de l’orifice vaginal (angurya cuts) ou incision du vagin (gishiri cuts). - Introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin, pour provoquer des saignements ou pour le resserrer. - Etirement du clitoris et/ou des lèvres. - Introcision ou épisiotomie coutumière, pratiquée par certains arborigènes en Australie (pour faciliter la pénétration de jeunes filles à peine pubères, par leurs maris souvent bien plus âgés). -trachléotomie coutumière consistant en l’amputation du col utérin. 2.8 Les auteurs des mutilations2,10,11,13,23,24 Il existe bien des variantes de cérémonies d’excision mais toutes ont en commun le caractère initiatique. Néanmoins, depuis que la lutte contre les MSF s’intensifie et que de nombreux pays africains les interdisent, ce caractère initiatique se perd, les mutilations se faisant de plus en plus tôt, parfois sur des nouvelles-nées. L’âge, auquel on mutile les filles est très variable d’un pays à l’autre, d’une ethnie à l’autre et à l’intérieur d’une ethnie d’une génération à l’autre. Les mutilations peuvent être faites à tous les âges: - chez les nouvelles-nées à partir du septième jour - chez les fillettes, avant leurs premières menstruations - chez les adolescentes - chez les femmes adultes après une première maternité, en cas de stérilité, avant le mariage sur demande du mari ou de sa famille (p.ex. les Massai au Kenya excisent peu de temps avant les noces). La tendance actuelle dans les pays d’origine est à l’abaissement très marqué de l’âge, de plus en plus de pays africains adoptant des lois interdisant les MSF et les rendant donc illégales. En France, au contraire, les services de PMI ne voient plus que de rares cas de bébés mutilés et la plupart du temps il s’agit d’enfants mutilées au pays. Cependant, il est à craindre qu’il y ait un regain de mutilations commises sur des préadolescentes ou des adolescentes, ces groupes d’âges échappant à l’œil vigilant des médecins de PMI. Traditionnellement les MSF sont intégrées dans toute une cérémonie rituelle. Les jeunes filles intactes d’un même village sont regroupées puis emmenées à l’écart du village, dans un lieu secret. Pendant une période plus ou moins longue, elles seront initiées par des danses, des chants et autres rituels à leur vie future de femmes adultes. 32 Parfois on leur administre des substances hypnogènes pour les abrutir et les rendre plus dociles. La cérémonie elle-même se déroule souvent de nuit, dirigée par des femmes appelées « exciseuses ». Ces « exciseuses » sont des matrones, sans aucune qualification à part qu’elles sont issues de familles transmettant leur technique d’excision de génération en génération et/ou qu’elles appartiennent à des castes particulières, telles que p. ex. celle des forgerons au Mali et au Sénégal. Ces femmes sont grassement rémunérées par les familles des futures excisées et elles occupent une position importante dans leur société. Les filles non-excisées ne pourront pas être mises sur le marché du mariage et risquent de devenir des parias. Lors de la réalisation de la mutilation, plusieurs femmes maintiennent fermement écarté les jambes de leur victime pendant que l’exciseuse prend son couteau rituel (servant à toutes les excisions) ou un morceau de verre voire de lame à raser, saisit le clitoris avec les doigts ou des pinces en bois et se met à trancher dans le vif. Cette opération se réalise dans des conditions d’hygiène désastreuses, sans aucune asepsie ni anesthésie. La douleur est sensée initier les fillettes aux souffrances faisant partie de la vie de femme et celles qui n’arrivent pas à se retenir d’hurler, de pleurer ou de se débattre sont la risée du village et la honte de leurs parents. En cas d’infibulation, après exérèse du clitoris et des petites lèvres, les grandes lèvres sont avivées, suturées (p.ex. avec des épines ou des colles végétales) et il est introduit un morceau de bois entre les berges des moignons pour qu’il persiste un minime orifice, nécessaire à l’écoulement des urines et du sang menstruel. A la fin de la procédure, ce qui reste des organes génitaux externes est enduit d’une mixture à base de graisse végétale ou animale, de cendres, d’argile voire même de bouse de vache. Chaque exciseuse a sa propre recette. Ensuite les jambes de l’enfant sont liées ensemble pour limiter ses mouvements et elle est soumise à un régime constipant et pauvre en liquides. Tout ceci afin de favoriser la cicatrisation et aussi pour éviter, en cas d’infibulation, la désunion des sutures. Vu l’étroitesse de l’orifice résiduel chez les femmes infibulées, celles -ci devront être désinfibulées avant leur premier rapport sexuel. Ceci sera à la charge du mari (avec un couteau s’il n’y arrive pas avec sa verge). S’il échoue, l’exciseuse pourra de nouveau officier. Au moment de l’accouchement les femmes seront « ouvertes » puis recousues en postpartum et ainsi de suite …. Dans certains pays les MSF sont faites par des barbiers, ceux qui rasent les hommes, circoncisent les garçons et arrachent les dents… 33 Dans beaucoup de pays, du personnel soignant (infirmiers, médecins, sages-femmes) se rend complice de ces pratiques en les médicalisant. A savoir que les fillettes issues de familles urbaines et aisées auront la « chance » d’être mutilées par du personnel « compétent » alors que les fillettes pauvres et/ou vivant en milieu rural se feront charcuter par des exciseuses. La médicalisation, même si elle diminue les risques, maintient ces coutumes inhumaines empreintes de misogynie et en plus renforce la discrimination entre riches et pauvres. En ce qui concerne la France, les excisions se faisaient clandestinement, dans des cuisines ou des salles de bain, sur des bâches en plastique, souvent à la chaîne, avec des lames à raser, du désinfectant et des pommades antiseptiques et cicatrisantes. Depuis les procès des années 80- 90 qui aboutirent à des condamnations de plusieurs exciseuses et familles à des peines de prison les excisions réalisées en France se font rares. Il semblerait que certaines exciseuses, vivant en Belgique ou en Angleterre, fassent des déplacements afin d’exciser des fillettes en France ou que les parents leur amènent les filles. La plupart du temps cependant, les jeunes filles vivant en France seront excisées en Afrique, lors de séjours de vacances. 2.9 Les complications10,37 - Complications immédiates : § Douleur extrême pouvant aller jusqu’au choc neurogénique. § Blessures des organes de voisinage suite aux mouvements de défense de la fillette : .Plaie de l’urètre avec rétention aigue d’urine. . Plaie du vagin. . Plaie du périnée postérieur. . Plaie du rectum avec, parfois, fistule recto -vaginale. § Hémorragie parfois très abondante par section des 2 artères caverneuses et de l’artère dorsale du clitoris, pouvant aller jusqu’au choc hémorragique avec collapsus. § Décès. - Complications à court et à moyen terme : § Infections aigues locales : abcès, phlegmons, adénites suppurées. 34 § Infections régionales et générales : infections urinaires et gynécologiques, septicémie, tétanos, gangrène gazeuse, contamination par le VIH et les hépatites B et C. § Rétention d’urine (hématome, douleur, lésions de l’urètre). § Accolement des petites lèvres. § Cicatrices chéloïdes. § Kystes épidermiques secondaires à l’inclusion traumatique d’un fragment d’épiderme ou à l’occlusion de glandes sébacées; ces kystes peuvent être très gênants par leur taille, devenir douloureux, s’inflammer, se surinfecter. § Développement d’un névrome du nerf dorsal du clitoris avec hyperesthésie douloureuse de la zone clitoridienne, rendant parfois impossible la position assise jambes croisées du fait de la douleur. § Anémie. § Décès par l’une de ces complications. - Complications à long terme : § Rétention chronique d’urine ou incontinence urinaire. § Infections urinaires basses et hautes récidivantes, pouvant aboutir à l’insuffisance rénale. § Infections génitales chroniques ou à répétition. § Hématocolpos (surtout si infibulation). § Dysménorrhée. § Dyspareunie. § Douleurs chroniques (névrome, cicatrices …). § Diminution, voire absence de plaisir sexuel. § Hypofertilité, stérilité. - Complications psychologiques : § Névroses d’angoisse et autres syndromes dépressifs, parfois sévères avec suicides. 35 § Troubles de la personnalité, cauchemars, hallucinations. § Problèmes de couple, frigidité. - Complications obstétricales34: Elles varient en fonction des conditions de l’accouchement et du type de mutilation. § En Afrique : Du côté maternel : # Augmentation de la durée du travail. # Augmentation du nombre de césariennes. # Augmentation du nombre de déchirures du périnée et de leur étendue. # Augmentation du nombre d’hémorragies du post-partum. # Augmentation du nombre de fistules vésico-vaginales et rectovaginales. # Augmentation du nombre d’infections du post-partum. Du côté de l’enfant : # Augmentation du nombre de scores d’Apgar faibles. # Augmentation des réanimations néonatales. # Augmentation de la mortinatalité. # Augmentation de la mortalité néonatale précoce. # Augmentation de la mortalité des prématurés. # Augmentation des séquelles psychomotrices. § En France: Les lésions sont essentiellement des déchirures du périnée antérieur ou postérieur au moment du dégagement de la tête, malgré les épisiotomies. 36 2.10 La médicalisation8,17,18,24,27 Certains défenseurs « modernes » des MSF se proposent de médicaliser ces pratiques c’est-à-dire de les faire en milieu médical, sous anesthésie pour limiter la douleur et avec l’asepsie nécessaire pour éviter des infections. Il y aurait aussi moins de risques concernant les hémorragies et les lésions accidentelles des organes de voisinage, l’opération étant faite par des chirurgiens. Ceci se fait déjà de façon courante, notamment au Mali, au Sénégal et en Égypte. En Italie, un chirurgien d’origine soudanaise le Dr Omar Abdulkadir, qui dirige à l’hôpital Carregi de Florence un service s’occupant des complications des MSF, proposait, pour limiter les complications, une excision médicale qui consistait en une incision limitée, d’autres proposent des piqûres symboliques du clitoris. Certains aussi admettent l’idée de réinfibuler des femmes après l’accouchement. En 1999, des médecins berlinois ont été inculpés pour avoir assisté à des excisions, voire les avoir réalisées, mais les poursuites ont rapidement cessé. En Suisse, certains médecins auraient accepté de réinfibuler des femmes et en Angleterre, des cliniques privées ont été suspectées de faire des excisions médicalisées. Rappelons cependant que la médecine n’a pas pour vocation de mutiler des individus, de surcroît des enfants, sans motif médical très sérieux. Et même si l’excision ne se limitait qu’à un geste symbolique, le médecin se rendrait quand même complice de cette idéologie qui interdit tout plaisir sexuel à la femme et la cantonne dans un rôle purement reproductif. L’OMS, le CI-AF, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, la Fédération Internationale des Gynécologues-Obstétriciens et récemment la Société Américaine de Pédiatrie dénoncent formellement la médicalisation des MSF. Selon l’OMS « la mutilation génitale féminine, ne peut pas être pratiquée par des professionnels de la santé, quelle que soit la forme ou le cadre, notamment dans les hôpitaux ou autres établissements médicaux ». En France, tout membre du corps médical acceptant de mutiler ou de réinfibuler une femme est passible de poursuites pénales. 37 2.11 Le cadre législatif La France et le Burkina Faso sont actuellement les deux seuls pays à faire des procès pour punir les MSF. 2.11.1 La situation en France Historique11,17,18 1970: premières mesures de rapprochement familial des immigrés et premières MSF pratiquées sur le territoire français 1974: "Terre des Hommes" dénonce les MSF dans un article du "Monde", ce qui conduit à un début de prise de conscience de l'existence de telles pratiques en France 1979: premier procès pour une excision ayant entraîné le décès de la petite fille : l'exciseuse est condamnée à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire 13/07/1982: mort de la petite Bobo, 3 mois, suite à une hémorragie massive après excision : première véritable médiatisation de l'excision 1982: création du CAMS (commission pour l'abolition des MSF) se portant partie civile dans les procès; création du GAMS (groupe des femmes pour l'abolition des MSF et autres pratiques nuisibles à la santé des femmes et des enfants) 1983: groupe de travail réunissant des membres du Ministère de la Santé et de la Justice, des associations, le CAMS et le GAMS, Inter Services Migrants et des médecins avec les objectifs suivants : - quelles mesures prendre pour empêcher les MSF? - faut-il créer une loi spécifique ? En fait cette loi existe déjà. Le 20/08/1980 un arrêt de la Cour de Cassation a jugé que "le clitoris et les lèvres de la vulve sont des organes érectiles féminins: leur absence à la suite de violences constitue une mutilation"; d'après l'article 312-3 du code pénal une mutilation est un crime et jugé par la Cour d'Assises. A savoir que cet arrêt faisait suite à l'excision, en dehors de tout contexte culturel, qu'une mère bretonne avait fait subir à sa fille. Les MSF seront désormais jugées en tant que crime, sans distinction d'origine ni spécificité culturelle. juin 1983: déclaration du Regroupement des Travailleurs Maliens en France (RTMF): "Message pour la cessation de la pratique de l'excision des bébés sur le territoire français" 38 Jusqu'en 1984: les affaires d'excision sont jugées par le tribunal correctionnel sous divers chefs d'inculpation (homicide involontaire, coups et blessures volontaires, non-assistance à personne en danger) 1988: première affaire de MSF jugée à la Cour d' Assises (depuis une quarantaine de procès d'excision ont tous été jugés aux Assises) 1991: procès de l'exciseuse Aramata Sakho, déjà condamnée en 1984 à de la prison avec sursis pour le décès d'une fillette; cette fois-ci elle sera condamnée à 5 ans de prison ferme pour plusieurs excisions et rejugée pour la mort de la petite Mariam avec une condamnation à un an ferme et 4 ans avec sursis. 8/1/1993: première condamnation à prison ferme (5 ans dont 1 ferme) pour une mère ayant fait exciser ses 2 filles 1993: début d'une vaste campagne d'information et de prévention basée sur la plaquette et l'affiche "Nous protégeons nos petites filles", campagne menée par les médecins de PMI avec des associations. Depuis 1994: une circulaire ministérielle inscrit la prévention des MSF dans les orientations d'action des départements accueillant les populations concernées (circ. 94/42 DPMB du19/12/94) décembre 2001: une famille malienne obtient le statut de réfugié pour protéger leur fillette de l'excision, de même pour une mère somalienne ayant fui avec sa fille pour lui épargner l’infibulation ; possibilité d'obtenir le statut de réfugié pour cette raison, à l'OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides ) et au CRR (commission de recours des réfugiés): il existe des dossiers "protection de l'excision", "il faut que cette femme soit mère d'une fille non-excisée mineure et qu'elle s'oppose à son excision en cas de retour au pays d'origine; être excisée et que la demande s'articule sur les stigmates de cette persécution ne suffit pas en soi". Législation française actuelle16,17,18 Il n'existe pas de loi spécifique mais depuis cet arrêt de la Cour de cassation en 1983, les MSF sont reconnues comme une mutilation, donc un crime jugé par la Cour d'Assises. Le 04/04/2006 la loi a été revue et le délai de prescription allongé. Les MSF peuvent actuellement être poursuivies et sanctionnées en matière criminelle au titre: - de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, infraction punie de 10 ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende (article 222-9 du code pénal) et de 15 ans de 39 réclusion criminelle lorsque ces violences sont commises à l'encontre de mineurs de quinze ans (article 222-10 du code pénal) ou à l'encontre d'une personne dont la vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur. - de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, infraction punie de 15 ans de réclusion criminelle (article 222-7 du code pénal) et réprimée à hauteur de 20 ans de réclusion criminelle lorsqu'elle concerne des mineurs (article 222-8 du code pénal). La peine encourue est portée à 20 ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction définie à l'article 222-9 est commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur mineur. - Une action en justice peut également être engagée au titre de violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, conformément à l'article 222-12 du code pénal qui prévoit une sanction de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise contre un mineur de moins de 15 ans. Comme c'est déjà le cas pour l'inceste (viol et crime sur mineur) , le délai de prescription en matière d'action publique, article 7 du code de procédure pénale s'agissant des crimes et article 8 concernant les délits, a été porté à 20 ans à compter de la majorité de la victime pour: - les crimes de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente commis sur mineurs (article 222-10 du code pénal) - les délits de violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours commis sur mineurs (article 222-12 du code pénal) Ce qui veut dire qu'une victime d'excision pourra déposer plainte jusqu'à ses 38 ans, la majorité étant à 18 ans en France. Les MSF pratiquées à l'étranger Une excision constatée au retour de vacances doit aussi être signalée car elle donnera lieu à des poursuites dès lors que la victime est française ou qu'elle réside habituellement en France. En effet la modification de la loi en avril 2006 a introduit un nouvel article 22216-2 dans le code pénal. Cet article a pour objectif d'étendre l'application de la loi française, sanctionnant ces pratiques, aux mineures de nationalité étrangère résidant habituellement en France et qui sont victimes à l'étranger d'actes de mutilations sexuelles. Très précisément, l'article 222-16-2 prévoit que "dans le cas où les crimes et les délits prévus par les articles 222-8, 222-10, 222-12" - soit respectivement des violences ayant entraîné la mort, une mutilation ou une ITT supérieure à 8 jours ( ce qui correspond aux qualificatifs pouvant être retenus pour sanctionner les cas de mutilations sexuelles ) - "sont commis à l'étranger sur une victime mineure 40 résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7" de ce même code qui exige normalement que la victime soit de nationalité française. Les dispositions générales visées à l'article 113-8 du code pénal qui prévoit que préalablement à l'engagement de toute poursuite d'un délit commis à l'étranger une plainte, soit de la victime, soit de ses ayant droit, ou une dénonciation de l'Etat étranger est nécessaire, ne sont pas applicables pour l'infraction prévue par l'article 222-12 de ce même code, à savoir les violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours. Remarque: Sans entrer dans le détail, est français: - l'enfant dont au moins un des deux parents est français - l'enfant né en France avant le 1/1/1994 Ceux qui sont nés après cette date ont vocation à la nationalité française et il appartient aux juridictions de trancher la question. Le devoir des professionnels en cas de mutilation sexuelle Légalement, en présence d'une excision constatée sur une mineure, toute personne donc tout professionnel, a une obligation de signalement aux autorités judiciaires et administratives. L'abstention est susceptible d'entraîner des poursuites judiciaires. C'est ce qui résulte de l'article 434-3 du code pénal: "Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligées à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende". Les personnes soumises au secret professionnel sont relevées de ce secret par l'article 226-14 du code pénal, lorsqu'il s'agit d'informer "les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles (...) infligées à un mineur (...)". La loi du 2/1/2004 supprime l'exigence de minorité de 15 ans et précise que "le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune sanction disciplinaire". En dehors des considérations légales, il faut réaliser que l'absence de signalement d'une MSF vide non seulement de sens tout message préventif mais cautionne aussi d'ultérieures mutilations chez des fillettes de l'entourage de la victime. 41 L'intervention du juge à titre préventif Selon l'article 375 du Code Civil le Juge des Enfants peut être saisi dès lors que la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger, ce qui est incontestablement le cas pour un projet d'excision. Les professionnels informés d'un tel projet notamment lors d'un voyage en Afrique doivent saisir le Juge des Enfants ou le procureur chargé des mineurs. Après avoir convoqué les parents, le juge peut prendre toute mesure appropriée, comme de retirer temporairement l'enfant aux parents ou d'interdire sa sortie du territoire français. 2.11.2 La situation africaine13,14,17,18,31 Sous la pression d'ONG et de mouvements de femmes africaines et occidentales, l'ONU ainsi qu'un nombre croissant de pays reconnaissent aujourd'hui les MSF comme une coutume néfaste à la santé des femmes et des enfants et une atteinte aux droits humains fondamentaux. En cinq décennies, plusieurs conventions internationales, assorties de plans d'action ont été adoptés par l'ONU avec pour objectif d'aboutir à l'élimination totale des MSF. Le protocole de Maputo, relatif aux droits des femmes, marque un tournant décisif. Quelques dates clés: -1952: l'ONU s'interroge sur les " coutumes qui consistent à soumettre les filles à des opérations rituelles." -1975:l'OMS écrit catastrophiques." que "certains rites ont des conséquences -1979: premier séminaire international sur "les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants" organisé par le Bureau régional pour la Méditerranée Orientale de l'OMS -1981: entrée en vigueur de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) qui condamne la discrimination à l'égard des femmes et demande aux états membres dans son article 2f à s'engager "à prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives pour modifier ou abroger toute loi, disposition règlementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes". Cette convention a été ratifiée par tous les pays africains où se pratiquent les MSF sauf la Mauritanie, l'Ouganda, la Somalie, le Soudan et le Tchad. 42 -Depuis 1981: L’OMS et l’UNICEF proposent une gouvernements qui cherchent à prévenir ces pratiques. aide aux -1984: fondation du Comité Inter -africain pour l'élimination des pratiques traditionnelles nuisibles à la santé des femmes et des enfants (CI-AF) qui a des branches dans 24 pays d'Afrique où se font les MSF -1986: entrée en vigueur de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples qui stipule dans son article 4: "la personne humaine est inviolable; tout être humain a le droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne; nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit." Tous les pays où se font les MSF ont ratifié ce texte. - Fin des années 80:au niveau international les MSF sont reconnues comme une en violation des droits des femmes et des enfants et non plus comme un problème culturel. -1990: entrée en vigueur de la convention universelle des droits de l'enfant qui déclare dans son article 24: "Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible"- et préconise dans l'article 24-3 :"Les Etats parties prennent toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants." Tous les Etats ont ratifie cette convention sauf la Somalie et les USA. -1999: entrée en vigueur de la charte africaine des droits et du bien être de l'enfant qui dans son article 21 appelle les Etats à prendre "toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l'enfant, en particulier les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé voire à la vie de l'enfant." -2001: résolution condamnant les MSF adoptée par le Parlement Européen -2003: adoption par l'ONU, à l'initiative du CI-AF, d'une "Journée Mondiale d'action et de lutte contre les MSF", célébrée tous les ans le 6 février. -juillet 2003: signature au Mozambique par 37 états africains, du Protocole de Maputo Ce protocole rend illégale la pratique de l'excision, accorde le droit de vote aux femmes à tous les scrutins, fixe l'âge minimum du mariage à 18 ans et garantit aux femmes d'Afrique le droit de propriété et de bénéficier d'héritages. Il interdit par des mesures législatives assorties de sanctions toutes les formes de MSF, la scarification, la 43 médicalisation et la paramédicalisation des MSF et toutes les autres pratiques néfastes telles que le gavage. Ce protocole a suscité les réserves de l'Egypte et de la Libye qui estimaient qu'il n'était pas conforme à la Charia, le droit islamique. -en 2005: 15 Etats ont ratifié le Protocole de Maputo et il entre en vigueur dans les pays suivants: Mali, Nigeria, Sénégal, Libye, Comores, Djibouti, Rwanda, Lesotho, Afrique du Sud, Cap Vert, Gambie, Malawi, Namibie, Togo, Bénin. Pays - - africains ayant une loi spécifique contre les MSF: Bénin : 2003 Burkina Faso : 1997 Côte d’Ivoire : 1998 Djibouti : 1995 Egypte : 1997, MSF interdites même avec le consentement de la victime et de ses parents, sauf s’il y a nécessité médicale ; depuis juillet 2007 interdiction définitive à tout membre du corps médical de pratiquer des MSF Ghana : 1994 Guinée Conakry : 2001 Kenya : 1982 Libéria : 1994 République Centrafricaine : 1996 Sénégal : 1998 Sierra Léone : 1953 Somalie : 1978 Soudan : 1946, interdiction de l’infibulation Tanzanie : 1998 Togo : 1998 2.11.3 Pays interdisant les MSF dans le reste du monde13,17,18 +USA:1996 +Canada:1997 +Australie: interdiction de l'infibulation en 1996 +Europe: Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France (1983), Grèce, Luxembourg, Norvège, Pays Bas (1993), Portugal, Royaume Uni (1985), Suède (1982), Suisse (1983) 44 2.12 La prévention 2.12.1 : en France En 1981, un groupe de travail réuni par Yvette Roudy, alors Ministre des Droits des Femmes, a mis en relations les services de l'Etat, les associations franco-africaines en contact avec les populations concernées. Ceci afin de fournir et dispenser les éléments de connaissance indispensables pour orienter une politique de prévention adaptée. Cette politique consistait surtout dans l'information des familles à risque et l'application de la loi pénale. A cette même période étaient en cours plusieurs procès pour MSF. La loi du 10/07/1989 sur la protection de l'enfance a rappelé l'obligation de signalement faite au personnel ayant connaissance de violences exercées contre mineur de moins de 15 ans. De ces diverses juridictions se sont progressivement dégagées les lois contre les MSF citées dans le chapitre "législation". Depuis le début des années 80, les services de PMI et des associations regroupant des femmes africaines et françaises mènent des actions d'éducation et de prévention. La Seine-Saint Denis est un département pionnier en ce qui concerne la lutte contre les MSF et le succès remporté contre les excisions (quasi-disparition de nouveaux cas d'excisions de bébés) démontre l'efficacité et le bien-fondé de la politique de prévention et d'éducation. Celles-ci, pour être pleinement efficaces, peuvent et doivent se faire à plusieurs niveaux, notamment au niveau de l'Etat, des personnels de santé et des associations avec une collaboration active de ces 3 niveaux. 2.12.1.1 L'Etat17,18,35 Dans une première approche les pouvoirs publics français ont soutenu et financé des actions éducatives d'associations et d'organes agissant dans le domaine de l'éducation à la santé, puis une brochure a été réalisée en 1992 par la Préfecture de Région. Cette brochure qui s'appelait initialement "Nous protégeons nos petites filles" a été réalisée à l'initiative de Mme Catherine Morbois, déléguée régionale aux Droits des Femmes et à l'Egalité en Ile de France et elle résulte du travail d'un groupe pilote réunissant médecins experts de PMI et les associations à l'oeuvre sur le terrain (GAMS, CAMS, MFPF, CIMADE). Ce livret a rapidement été repris au niveau national et a rencontré un très vif succès en France et à l'étranger, de façon à avoir dû être réédité plusieurs fois en 1993. Il a été réclamé dans de nombreux départements en France et dans une vingtaine de pays étrangers, pays d'immigration et pays africains. 45 Cette brochure (annexe 3) a été adoptée en Allemagne où elle a été traduite en plusieurs langues africaines. Elle a été réactualisée en 2003 sous le nom de " Protégeons nos petites filles de l'excision "(cf. annexe) et est disponible auprès des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux Droits des Femmes et à l'Egalité attachées aux cabinets des préfets dans tous les départements, à la Direction de la Population et de la Migration, au service santé de l'OMI (office des migrations internationales) et dans les associations partenaires. La campagne initiée avec cette brochure avait comme objectif: - prévenir la pratique des MSF en Ile de France -informer les familles concernées de l'interdiction de ces pratiques en France et du risque pénal encouru par l’auteur et les complices (effet préventif des procès) -fournir aux personnels de PMI et aux lieux d'accueil des populations africaines un matériel d'information pour faciliter le débat et la sensibilisation -accompagner l'action répressive par une action d'éducation au plus près du terrain - faciliter le travail des interprètes présents dans les lieux publics pour transmettre une information qui ne se limite pas à l'énoncé de l'interdit pénal -renforcer dans leur détermination les parents immigrés qui protègent leurs petites filles et refusent pour elles la mutilation -faire connaître les politiques mises en oeuvre en Afrique pour aboutir à l'abandon des pratiques mutilatoires. A la suite de cette initiative et de ses retombées, une circulaire ministérielle (circulaire DPM 94/42 du 19/12/94) inscrit la prévention des MSF dans les orientations d'action des départements accueillant les populations concernées. Cette prévention, faite avec l'aide d'interprètes culturels convaincus, est désormais incluse dans le programme pour l'intégration du Conseil National pour l'Intégration des Populations Immigrées. En application de directives nationales, dans chaque département, les préfets mettent en place et animent des commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes placées sous leur autorité. Ces instances regroupent l'ensemble des institutions de l'Etat (justice, police, action sociale, éducation nationale, emploi), les collectivités territoriales, les associations de lutte contre les violences faites aux femmes, l'Ordre des Médecins, le Barreau des Avocats, les services médico-judiciaires. Leur mission vise à traiter, prendre en charge et prévenir ces violences constitutives d'infractions délictuelles et criminelles. Dans le cadre de sous-commissions "Prévention des MSF", elles suscitent et soutiennent la mise en place d'actions de formation des personnels et d'information des familles. 46 PARTENAIRES ET RELAIS DE LA PREVENTION DES MSF a) Les collectivités territoriales Elles sont en charge de la protection de l'enfance et de la gestion des structures qui s'y rattachent; elles ont un rôle déterminant dans le développement des actions, leurs personnels sont généralement très demandeurs de formation et de matériel pédagogique. Les initiatives départementales se développent avec le soutien des commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes, présidées par les préfets de département. Depuis 25 ans, notamment dans les consultations de PMI, des associations regroupant des femmes africaines et françaises mènent des actions d'éducation et de prévention. b) Le Fonds d'Action Sociale pour les Travailleurs et leurs Familles (FASILD ) Il a pour mission de contribuer à l'intégration des personnes immigrées et développe des programmes dans les domaines de la santé, de la famille et de la petite enfance et concourt financièrement à la mise en oeuvre de politiques de prévention des MSF (circulaire DPM 95/94 du 19/12/94 relative à l'intégration des populations immigrées) c) Le corps médical Les médecins de PMI ont été les premiers relais de l'action préventive qui s'est prioritairement attachée à protéger les petites filles. En juin 2004, l'Académie Nationale de Médecine a présenté une série de recommandations visant à favoriser l'implication du corps médical français qu'il s'agisse de généralistes, de gynéco -obstétriciens ou de pédiatres. d) Les interprètes et médiateurs culturels Leur action est essentielle de par leur proximité avec le public concerné qui permet un échange approfondi avec les familles les plus conservatrices. e) Le Haut Conseil à l'Intégration (HCI) Dans un avis rendu au premier ministre le 2/7/7, le HCI préconise la promulgation de dispositions législatives pénales permettant de poursuivre des auteurs ou complices de MSF pratiquées à l'étranger sur des fillettes ou des femmes résidant habituellement en France. 47 f) La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE) Les services de l'Etat (DDASS, Droits des Femmes, Education Nationale : promotion de la santé en faveur des élèves) travaillent en étroite concertation pour susciter des initiatives et concevoir des actions destinées à mieux informer et mobiliser les services institutionnels locaux. Les actions s'appuient sur la participation active des associations de femmes africaines particulièrement mobilisées sur ce thème. En Ile de France, cette collaboration s'inscrit dans le cadre des commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes présidées par les préfets de département. g) Les organismes d'accueil des populations migrantes Les services de l'OMI sont particulièrement demandeurs de publications et de moyens pédagogiques pour informer les primo arrivants et les familles rejoignantes de l'interdit légal et de la nécessité de protéger les fillettes de la mutilation. 2.12.1.2 Les instances médicales14,28,32 Avec une formation spécifique, les médecins et tous les soignants pourront avoir un rôle important en matière de prévention. En connaissant les populations à risque, la façon dont sont pratiquées les mutilations, les arguments présentés par les familles pour les perpétuer, les soignants auront la possibilité d'aborder le sujet avec les parents, de prendre en charge les conséquences psycho-médicales des mutilations déjà existantes et de prendre les dispositions légales nécessaires. Par ailleurs le personnel médical ne doit pas hésiter à recourir aux interprètes et médiateurs culturels. Les lieux et les moments de la prévention +lors des consultations prénatales: Le soignant voit que la femme est excisée, il pourra aborder le sujet avec elle pour lui proposer une prise en charge adaptée, surtout il devra l'interroger sur son projet pour l'enfant à venir, s'il s'agit d'un bébé de sexe féminin, et lui signifier clairement l'interdiction, lui rappeler les lois françaises et lui expliquer la nocivité des MSF ! +lors de l'examen de la nouvelle- née à la maternité: Il est important que le pédiatre montre aux parents qu'il s'intéresse aux OGE du bébé, signaler l'intégrité de ces derniers aux parents et le noter dans le dossier médical et avoir une discussion approfondie avec les deux parents pour leur expliquer le fonctionnement et l'importance d'une vulve saine, signaler à nouveau l'interdit et rappeler les lois. 48 +lors des consultations de PMI19 : L'information systématique des familles et les actions de prévention réalisées dans les structures de PMI, le signalement aux autorités des constats d'excision ont permis en France de réduire notablement les MSF; cependant les enfants terminent leur suivi en PMI à 5 ans et les fillettes à risque sont sans surveillance; il est à craindre qu'il y ait un regain de MSF à partir de cet âge-là, surtout à partir de la puberté et dans des contextes de mariages forcés, même si on espère que les parents auront eu le temps d'intérioriser les messages de prévention; pour le moment il n'y a pas de recul nécessaire et il n'y a pas d'études réalisées à ce sujet. +lors des consultations de pédiatrie et des examens par les médecins des crèches28 +lors des consultations en médecine générale +lors du suivi en médecine scolaire +lors de consultations au Planning Familial +lors des consultations de gynéco- obstétrique (pour les mères mais aussi pour toute la génération des jeunes filles encore mutilées et qui ont besoin d'une attention particulière car c'est souvent l'occasion pour elles soit de découvrir leur mutilation soit d'être rassurées ou informées quant à la possibilité d’une prise en charge spécifique). Il est important que tout au long de l'enfance et de l'adolescence des filles risquant d'être mutilées le personnel soignant soit vigilant, surveille les OGE de ces enfants et soit ouvert à la discussion et à l'information des parents mais qu'il n'hésite pas à faire un signalement préventif, surtout si un voyage au pays se prépare avec la notion d'un fête spéciale pour les filles. Le soignant doit être à la disposition des parents pour leur permettre de comprendre pourquoi ils ne doivent pas mutiler leurs filles, leur donner les outils de résistance par rapport à la pression familiale, il doit savoir examiner des femmes et filles mutilées pour leur expliquer leur état, les soigner dans la limite de ses compétences et ensuite savoir les adresser pour prise en charge spécifique (chirurgie réparatrice, prise en charge pluridisciplinaire des complications, suivi obstétrical adapté). Il est important aussi de noter une MSF dans les antécédents gynécoobstétricaux du dossier médical et de le rappeler dans les courriers aux spécialistes concernés (p.ex. gyneco-obstétriciens, sages- femmes, psychologues, psychiatres, urologues etc). 49 RECOMMANDATIONS DE L 'ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE VISANT A L'ERADICATION DES MSF (JUIN 2004)10 1) Améliorer les connaissances - sur l'ampleur et les caractéristiques des MSF constatées en France (observations sociales, médicales et judiciaires) -favoriser les enquêtes et les recherches dans les différents pays sur les MSF -inscrire les MSF dans la nomenclature internationale des maladies de l'OMS (CIM) -inscrire les conséquences des MSF au programme des études médicales, de la FMC et plus généralement de l'enseignement de tous les personnels de santé 2) Favoriser la diffusion des connaissances au sein du corps médical - notamment auprès des professionnels appartenant aux secteurs concernés : santé, éducation, action sociale, justice, médias -développer la publicité autour des décisions de justice : sanctions pénales et dommages et intérêts -faire connaître les mesures éducatives et répressives prises dans les pays d'origine pour éradiquer les MSF -impliquer dans cette lutte les personnalités influentes au sein des communautés -faire connaître les structures sociales et associatives menant une action dans ce domaine 3) Renforcer et améliorer les pratiques médicales -conformément aux directives de l'OMS aucun professionnel de santé ne doit pratiquer une forme de MSF quelle qu'elle soit -toujours penser à la possibilité d'une MSF lors d'une consultation pour troubles urinaires ou gynécologiques lorsque la patiente est originaire d'un pays à risque -lors de la consultation d'une femme ayant subi une mutilation: l'informer de l'existence de la mutilation et en évoquer avec elle les différents aspects (risques, interdiction légale, protection des fillettes à naître, évolution dans les pays d'origine vers l'abolition), rechercher les séquelles: douleurs, infections, difficultés sexuelles, informer sur la possibilité d'envisager une réparation chirurgicale -lorsque la consultante est enceinte ou vient d'accoucher d'une fille, rappeler les dispositions légales concernant les MSF -à l'occasion de tout examen médical dans une famille exposée à ce risque, informer les parents des procédures de protection de l'enfant (signalement à la justice) en insistant sur les risques et les séquelles des MSF: -ne pas omettre l'examen de la vulve, -rappeler aux parents l'interdiction légale et les conséquences judiciaires de la mutilation, -rappeler ses effets délétères sur la santé, -la constatation d'une MSF chez une mineure doit faire l'objet d'un signalement auprès du Procureur de la République (articles 434.3, 113.7, 226.14 du code pénal) 50 4) Améliorer les conditions de prise en charge des femmes excisées et /ou infibulées -en renforçant la recherche et la promotion des connaissances anatomiques et des techniques chirurgicales de réparation -en obtenant l'inscription à la nomenclature CCAM de tous les actes de correction des MSF 5) Inviter les Autorités Nationales à mettre en oeuvre des politiques efficaces de prévention -rappeler aux pouvoirs publics qu'ils doivent informer les migrants à l'arrivée et à la sortie du territoire national, en particulier sur l'interdit et les conséquences judiciaires des MSF -obtenir une harmonisation européenne en matière d'information et de prévention des MSF 2.12.1.3 Les associations12 Ne seront citées ici que les associations les plus impliquées dans la lutte contre les MSF et qui ont réalisé des actions éducatives dans de nombreuses structures. a) Le GAMS Le Groupe pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles et autres pratiques affectant la santé des femmes et des enfants est constitué de femmes africaines et françaises ayant des compétences dans les champs de la santé, du social, de l'éducation et une longue expérience de prévention des MSF. Il a été crée en 1982 et est financé par le service des Droits des Femmes et de l'Egalité et le FASILD. Il mène des actions de prévention auprès des populations immigrées en France, de sensibilisation et d'information des professionnels sociaux et médico sociaux, éducateurs et enseignants. Il organise également des journées de réflexion, des séminaires, participe à des émissions radiophoniques, télévisées et met à la disposition des personnes intéressées des ressources documentaires. Il est la section française du comité interafricain. b) La section française du CAMS La Commission pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles a été créée en 1982 par une Sénégalaise, Awa Thiam, auteur de "La parole aux négresses". La CAMS se distingue des autres associations travaillant dans ce domaine en ce qu'elle mène également son combat sur le terrain judiciaire en se portant partie civile lorsque des cas d'excisions sont connus en France. Ainsi une vingtaine de procès ont eu lieu devant la Cour d'Assises. La CAMS poursuit aussi un but éducatif et a produit différents matériels pédagogiques. 51 Elle s'implique aussi à l'étranger par ses luttes nombreuses, par la diffusion de son matériel et sa participation à des réunions internationales. c) Le MFPF Le Mouvement français pour le planning familial est un mouvement féministe d'éducation populaire qui accueille et informe le public sur les questions de sexualité. Il est agrée comme organisme formateur de personnels concernés par ces thèmes et il lutte également au niveau national, européen et mondial pour l'abolition des MSF. 2.12.2 En Afrique13,24,39,40,41,42 Dans de nombreux pays d'Afrique se sont constituées des associations qui combattent les MSF et elles ont déjà réussi à "faire déposer le couteau" à de nombreuses exciseuses. Les autorités les soutiennent de plus en plus, conscientes de l'effet délétère des MSF sur la santé des femmes et des enfants et qui présentent donc un frein au développement de leur pays. Par ailleurs de nombreuses conférences ont eu lieu sur le sujet et les organismes internationaux tels que l’OMS, l’UNICEF ou l’ONU s'intéressent de près au problème. Sous la pression d'ONG et de mouvements de femmes africaines et occidentales, l'ONU ainsi qu'un nombre croissant de pays reconnaissent aujourd'hui les MSF comme une pratique traditionnelle néfaste à la santé des femmes et des enfants et une atteinte aux droits humains fondamentaux. En cinq décennies, plusieurs conventions internationales assorties de plans d'action ont été adoptées par l'ONU avec pour objectif d'aboutir à l'éradication totale des MSF. Au niveau international, les textes adoptés après la Conférence Internationale sur les femmes à Nairobi en 1985 recommandent aux gouvernements et aux communautés plusieurs mesures et stratégies en vue d'éliminer les MSF et d'assurer une assistance aux femmes et aux filles qui en sont victimes. Parmi ces textes signalons la "Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes" (1985), la "Convention relative aux droits des enfants" (1989), la "Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes " (1993), la "Déclaration de Bejing" (adoption du terme de mutilations sexuelles, remplaçant le terme de mutilations génitales en 1995) et la déclaration faite à la suite de la « Conférence sur la population » faite au Caire (1994). Le protocole de Maputo relatif aux droits des femmes marque un tournant décisif. L'ONU a adopté en 2003 une journée mondiale de lutte contre les MSF fixée au 6 février. Le Comité Inter -Africain (CI-AF) de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des femmes et des enfants créé en 1984 fait la promotion des comités nationaux qui sont 52 chargés d'agir dans chaque pays, de suivre l'entrée en vigueur de la législation relative aux MSF, d'assurer une éducation sanitaire appropriée en vue de sensibiliser le public aux dangers des MSF et d'élaborer des programmes destinés aux agents de la santé, de même qu'aux praticiens et praticiennes de la médecine traditionnelle pour les dissuader de mutiler les femmes. Le CI-AF compte 27 comités nationaux à l'oeuvre dans chacun des pays africains ayant pour coutume les MSF ainsi que dans plusieurs pays d'immigration africaine. En France et en Belgique, il existe des sections du GAMS, faisant partie du CI-AF; au Pays Bas on trouve la « Foundation For Women's Health, Research and Development » (FORWARD); au Royaume Uni le « London Black Women's Health Action Project » (LBWHAP) qui s'occupe entre autres de MSF; en Suède, le Conseil National des Associations des Femmes Immigrées (RIFFI) se penche sur le sujet. A travers ces comités, les Africaines mettent au point différentes stratégies et agissent activement pour l'élimination des MSF. Le CI-AF coordonne et impulse en collaboration avec de nombreuses autres instances de très nombreux programmes mis en oeuvre pays par pays en utilisant de multiples moyens: -campagnes d'information en ville et en milieu rural: programmes radiophoniques, émissions télévisées, expositions, débats -organisation de sessions de sensibilisation pour les personnels de santé, les professionnels sociaux, les enseignants ainsi que les leaders traditionnels et religieux -actions de reconversion des exciseuses -organisation et suivi de consultations de nourrissons avec en priorité la prévention des MSF -diffusion de matériel d'information: débats accompagnant la projection du film "La Duperie", pièces de théâtre, tracts, affiches et plaquettes d'information -organisation de rencontres locales, régionales, nationales régulières pour évaluer l'action, coordonner et impulser les initiatives -soutien apporté aux initiatives villageoises par exemple lors de l'organisation de cérémonies d'abandon de la pratique de l'excision. La section française du CI-AF, le GAMS en partenariat pouvoirs publics français a développé une collaboration avec les comités nationaux du CI-AF dans les pays francophone: Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal. avec les soutenue d'Afrique Conakry, Cette collaboration a pour objet, dans le cadre de la formation continue, de mettre à la disposition des professionnels sociaux et médico-sociaux de ces pays les moyens de connaître les pratiques des MSF et leurs conséquences et de mettre en oeuvre une prévention efficace. Elle a également permis de soutenir le premier programme de reconversion des exciseuses en Afrique de l'Ouest francophone, 53 notamment au Mali, et de développer un programme sous-régional de prévention des MSF (Bénin, Burkina Faso, Mali, Côte d'Ivoire). Ce travail de coopération Nord-Sud effectué par le GAMS permet également de protéger efficacement les fillettes et adolescentes résidant en France et menacées d'excision ou de mariages forcés lors de séjours au pays d'origine. Les missions d'évaluation effectuées sur place par le GAMS depuis 1995 permettent de dresser un bilan très positif des avancées déjà réalisées et de la progression en Afrique de la volonté d'abandonner ces pratiques. En milieu rural comme en zone urbaine, les déléguées du GAMS ont été impressionnées de rencontrer des hommes et des femmes très activement engagés dans la lutte d'éradication des MSF. De plus, ces militants ont été confortés dans leur action par de nombreux chefs coutumiers, en particulier dans le delta du Niger. Grâce à la campagne de sensibilisation sur les méfaits des MSF et de la pression du lobby issu du CI-AF, de nombreux gouvernements africains et occidentaux ont promulgué des lois interdisant les MSF. Par ailleurs un réseau de femmes africaines, appelé FAH 2015, agit depuis 1995 pour l'éradication des MSF avec comme horizon l'année 2015, date à laquelle elles espèrent voir définitivement disparaître les MSF; ce réseau est constitué de femmes africaines actives dans les domaines de la recherche et du développement humain (sociologues, travailleuses sociales, communicatrices etc.) Quelques exemples de luttes de terrain pour éradiquer les MSF Sénégal13: L'ONG " Tostan" (éclosion en Wolof) a initié une longue campagne de sensibilisation, en collaboration avec l'UNICEF et le gouvernement du Sénégal. Des femmes et des hommes des groupes ethniques mandé et peul ont été initiés aux modules sur les droits humains, le processus de résolution de problèmes, l'hygiène de base, la santé de la personne et le développement du jeune enfant. Ils ont procédé à leur tour à une sensibilisation et à une mobilisation sociale sur le sujet de l'excision dans les villages environnants .En octobre 2001, 140 villages du Sénégal Oriental ont fait une déclaration commune d'abandon de l'excision. Les communautés ayant renoncé par des déclarations publiques aux pratiques d'excision et de mariage précoce ont ensuite organisé des comités de suivi pour assurer le respect de ces décisions. 54 Mali13,37 : A Bamako, la capitale du Mali, se trouvent les locaux de l' ASOPT (association malienne pour le suivi et l'orientation des pratiques traditionnelles) qui mène depuis 10 ans son combat contre l'excision. Les équipes de cette association travaillent dans la région de Bamako ainsi que dans celle de Kayes, au sud-ouest du pays. Elles parcourent les villages et expliquent les conséquences néfastes de l'excision sur la santé des femmes. Elles informent à l'aide d'un mannequin très réaliste composé d'éléments mobiles, ce qu'est un sexe non-excisé, excisé, infibulé. Elles montrent des photos, réalisées par un de leurs militants, le Dr Touré, gynécologue. Après les réunions, dans chaque village sont nommés des jeunes, "personnes-relais volontaires", chargés de vérifier que les informations ont été bien comprises, transmises à tous les habitants et débattues au conseil des chefs. L'équipe reviendra quelque temps après pour connaître la décision du village. A l'heure actuelle, la majorité des villages a décidé d'abandonner l'excision. L'association ne se contente pas de faire de la sensibilisation, elle prend aussi en charge financièrement les opérations pour les femmes souffrant de complications médicales. L'AMSOPT a également créé des activités génératrices de revenus pour plus de 25 exciseuses qui ont "posé le couteau". Elles animent une petite coopérative de fabrication de savon et de teinture et elles font à leur tour de la sensibilisation. D'autres associations mènent un travail similaire, soutenues par le Ministère de la Famille et de l'Enfant, et par des bailleurs de fonds internationaux. Cependant, dans ce pays profondément traditionaliste et musulman, le chantier est vaste, sachant que la confusion entre excision et religion est grande. Le travail des associations est donc aussi d'informer les chefs religieux et de les convaincre de prêcher contre les MSF. Le Mali a voté et ratifié le protocole de Maputo et son gouvernement montre la volonté de s'engager contre ces coutumes cruelles. Des associations, des députés, des personnalités poussent leurs dirigeants à voter une loi interdisant enfin l'excision. Kenya13 La loi interdit les MSF, mais la tradition continue à se perpétuer, surtout chez les Massaï au Nord du pays. Lois Towon a été l'une des premières femmes massaï à refuser l'excision de sa fille ce qui lui a valu l'exil. Elle est ensuite rentrée pour mener le combat contre ces pratiques. Elle a créé un centre de refuge pour les jeunes filles qui fuient la mutilation et les mariages précoces et elle organise des formations, aidée par un ami infirmier. 55 Elle sillonne les villages pour sensibiliser la population rurale et est en permanence à la recherche de subventions pour gérer son centre et permettre une bonne scolarisation de ses protégées. Pour elle la solution du problème des coutumes néfastes à la santé des femmes passe obligatoirement par la scolarisation des femmes et elle espère qu'un jour son peuple abandonnera ces pratiques inhumaines. Elle souhaite que d'autres ONG ainsi que des organisations internationales la rejoignent dans son combat pour accélérer l'éradication des MSF. Burkina Faso13,31 A Ouagadougou, l'Agence internationale de la Francophonie (AIF) a organisé en 2004 un forum sous-régional sur les violences envers les femmes réunissant une centaine de communicateurs traditionnels, en présence de Coumba Touré, présidente du GAMS. L'enjeu de cette rencontre était de convaincre les griots, dont l'influence est majeure au sein de la société, de la nécessité d'abandonner l'excision et de les encourager à travailler avec les associations et les radios rurales afin de combattre ces pratiques. Ainsi des griots originaires d'une dizaine de pays, détenteurs de la tradition, se sont-ils publiquement engagés pour promouvoir l'abolition des MSF et autres violences traditionnellement infligées aux femmes. Au Burkina Faso, l'excision est interdite par la loi depuis 1987, et sous la présidence de Thomas Sankara (1949-1987) des campagnes nationales ont été initiées. Les MSF sont actuellement passibles de prison et d'amendes et il existe un numéro de téléphone, SOSexcision, permettant d'avertir les autorités si une fillette doit se faire mutiler. Malgré cela, la coutume a la peau dure et n'est pas encore éradiquée, elle est cependant en forte diminution. Le CERFI (centre d'études, de recherche et de formation islamique), en association avec le comité national de lutte contre l'excision, forme 60 jeunes enseignants des madrassas (écoles coraniques). C'est par eux qu'est censé passer l'éradication complète des MSF, en sensibilisant les jeunes générations et en démontant l'argument selon lequel la religion exigerait l'excision. Djibouti13,24 Les 2 et 3/2/2005 à Djibouti une importante conférence sub régionale a été organisée par " Pas de Paix sans Justice ". A cette occasion, le premier ministre de Djibouti a annoncé la ratification par son pays du protocole de Maputo. Dans un pays où l'incidence des MSF est très élevée (98 %), cette annonce fait suite à un intense débat entre les représentants des gouvernements de la région, les chefs religieux et les acteurs de la société civile. 56 Ainsi Djibouti est le 9e pays africain à s'engager pour les droits de la femme et son intégrité physique. Actuellement, l'excision y est passible de 5 ans de prison et de fortes amendes mais aucun procès n'a encore eu lieu. 2.12.3 En Europe3,10,17,18 A la suite de diverses rencontres organisées par les instances européennes, l'élaboration d'un programme européen de prévention est en cours. Il permet la collaboration entre différents organismes, organise l'échange et la concertation sur les méthodologies d'action. Le GAMS coordonne ce programme avec deux partenaires, la Belgique et l'Italie. La coordination de 8 pays permet qu'une quinzaine d'associations de pays européens, en majorité membres d'Euronet-MGF (réseau européen pour la prévention et l'éradication des pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants), participent à ce programme. Par ailleurs le Parlement Européen reconnaît depuis 2001 le droit d’asile pour les femmes et jeunes filles fuyant leur pays pour éviter d’être mutilées. 2.12.4 Dans le monde17,18 Notons qu'au Québec, où les MSF sont expressément interdites, les membres du CI-AF-Québec mènent une lutte intense contre les MSF, en particulier en élaborant une approche globale par rapport à ce phénomène auprès des populations québecquoise et canadienne, surtout concernant les organisations et réseaux de femmes. Le but est d'éviter des idées préconçues et des condamnations hâtives qui ne feraient que se braquer les ressortissants et ressortissantes de pays qui mutilent et qui entraîneraient des résistances quant à l'abandon de cette coutume. Les membres du CI-AF -Québec aident aussi les médecins canadiens confrontés au problème des femmes mutilées et ils agissent aux côtés des avocats de défense de femmes menacées de MSF et qui demandent le statut de réfugiée au Canada. 2.12.5 Pour agir contre les MSF12,14,17,18: Qui contacter en France ? -permanences téléphoniques nationales: allô enfance maltraitée, numéro d'urgence gratuit 24hrs/24: 119 fil santé jeunes, tél: 0800235236 57 -institutions de protection de l'enfance: services départementaux de l'aide sociale à l'enfance(ASE) tribunal des mineurs services départementaux de PMI -associations: GAMS: 66 rue des Grands Champs, 75020 Paris, tél: 0143481087 CAMS: 6 place Saint Germain des Prés, 75006 Paris, tél: 0145490400 MFPF: 4 square Sainte Irénée, 75011 Paris Inter Service Migrants: interprètes médiateurs à la disposition des professionnels, 251 rue du Faubourg Saint Martin, 75010 Paris, tél: 0153265250 Interprétariat par téléphone: 0153265262 (24 hrs/24,7 jrs/7) Qui contacter en Afrique? Comité Inter -Africain de lutte contre les pratiques ayant un effet néfaste sur la santé des femmes et des enfants (CI-AF), Bureau de liaison Europe, 145 rue de Lausanne, 1202 Genève, Suisse, tél: 0041227312420 ; [email protected] Matériel didactique - Plaquette « Protégeons nos petites filles de l'excision », www.femmesegalite.gouv.fr - Dépliant « Agir face aux mutilations sexuelles féminines », à récupérer à la délégation régionale aux Droits des Femmes et à l'Egalité en Ile de France Filmographie - « Le pari de Bintou », disponible au CAMS - « Femmes assises sous le couteau », disponible au GAMS - « La duperie », s'adresser au GAMS - « Bilakoro », s’adresser à Mr De Fonseca et Mme Gazin, [email protected], tél : 0142230610 Qui contacter en Europe ? - Euronet-MGF, Amazone vzw-asbl, rue du Méridien, Middaglijnstraat 10-14, 1210 Bruxelles, Belgique ; [email protected] - GAMS Belgique, rue Brialmont, 11, 1210 Bruxelles, Belgique, tél: 0032/022194340 ; [email protected] 58 2.13 La chirurgie réparatrice8 La chirurgie réparatrice du clitoris a été mise au point par le Dr Pierre Foldès, chirurgien urologue, qui a entre autres travaillé avec Mère Teresa et pour Médecins du monde, notamment en Afrique, où il a été confronté aux mutilations sexuelles féminines et à leur cortège de complications. Il a commencé par essayer de soigner les complications les plus graves, les fistules recto – vaginales, et responsables souvent de la marginalisation voire du suicide des femmes qui en souffrent. De fil en aiguille, il en est venu à élaborer des techniques de plus en plus précises pour soigner les différentes complications des MSF et pour essayer de reconstituer une vulve fonctionnelle. La technique de chirurgie plastique reconstructrice du clitoris a été développée à partir des techniques plastiques de reconstruction pénienne. 2.13.1 Différents types de chirurgie réparatrice10,29,38 : Réfection du clitoris: On peut l'envisager dans quasiment toutes les formes de mutilation. Il s'agit d'une chirurgie plastique reconstructrice du clitoris lui-même sans transposition d'autres tissus. Dans un premier temps le chirurgien reprend la cicatrice pour aller libérer le moignon clitoridien qui la plupart du temps se retrouve refoulé en haut et en arrière, parfois adhérent au périoste pré-pubien et enfermé dans une gangue scléreuse qui le rend insensible aux stimulations externes. Cette adhérence à l'os est souvent responsable de douleurs permanentes, invalidantes et méconnues de la patiente qui les considère comme normales. Elle concourt aussi aux dyspareunies des femmes mutilées. Le chirurgien commence donc par libérer les adhérences en restant près de l'os et à individualiser les genoux clitoridiens. Si nécessaire, la section des ligaments des corps clitoridiens peut être complétée plus bas. Ensuite est disséqué l'apex du moignon d'amputation et la couche cicatricielle, porteuse de névromes, est recoupée. Ainsi est dégagée une tranche saine du corps érectile, normalement innervée et vascularisée, dont sera reconstitué un néo-gland qui sera implanté en position anatomique. Une interposition dorsale de tissus graisseux ou caverneux va prévenir la remontée du gland lors de la cicatrisation. Désinfibulation Le chirurgien reprend la suture labiale et reconstitue de façon plus ou moins fidèle la partie antérieure des nymphes (= petites lèvres). Dans le cas des grandes circoncisions pharaoniques, c'est à dire lors d'infibulations étendues, il faut parfois libérer les grandes lèvres voire des adhérences internes des régions crurales. 59 Chirurgie traitant les complications vulvaires - exérèse de kystes par inclusion (par abcédation, surinfection ou obstruction aseptique des glandes de skène): geste facile - exérèse de cicatrices chéloïdes parfois exubérantes et envahissantes: geste compliqué car lésions étendues et récidivantes -exérèse de névromes: geste facile Chirurgie des complications obstétricales Les complications obstétricales sont de gravité variable selon que la femme mutilée a déjà accouché en Afrique ou qu'elle est primipare et va accoucher en France. Il peut y avoir des déchirures vulvopérinéales étendues, difficiles à prendre en charge à posteriori car elles se sont faites sur une vulve sclérosée et rétractée. Elles nécessitent souvent des plasties et des reconstructions vulvaires. La complication majeure est la fistule vésico-vaginale, créée par la stagnation de la tête et l'ischémie prolongée des tissus en phase d'expulsion. En Afrique, elles sont responsables de l'exclusion sociale des femmes qui en souffrent. Il existe trois types, en fonction de l'étendue des lésions et de leur siège. Les fistules dites simples sont accessibles à une fermeture classique avec interposition ou greffe de Marcius.Les fistules graves, emportant totalement le trigone vésical jusqu' aux orifices urétéraux, nécessitent des techniques compliquées de plastie vaginales, avec tubulisation trigonale ou allongement de l'urètre. Les fistules peuvent récidiver et nécessitent un suivi régulier. Par ailleurs, il existe aussi des fistules recto-vaginales et des cloaques pelviens qui peuvent nécessiter des dérivations vésicales ou digestives et sont la plupart du temps abordés par voie haute. 2.13.2 Adresses de chirurgie réparatrice4,36 Je ne citerai que les endroits connus officiellement pour prendre en charge des femmes mutilées. Il est possible que certains chirurgiens commencent à s'en occuper de façon ponctuelle, mais les endroits cités ci-dessous maîtrisent les techniques et essayent de développer la prise en charge des femmes mutilées pour qu'elle devienne multidisciplinaire. Les Etats Unis, la Suisse (Dr Varadi, Genève) et l'Italie proposent aussi des chirurgies réparatrices aux femmes mutilées. Les Italiens font certaines opérations au laser. Le Mali semble être en cours de développer la chirurgie réparatrice. Au Burkina Faso deux chirurgiens, le Dr Madzou (congolais) et son élève le Dr Ouedrago, forment 25 gynécologues à la chirurgie réparatrice. 60 Dans la région parisienne: - clinique de Saint Germain en Laye : Dr Foldès - hôpital Robert Ballanger à Aulnay sous Bois : Dr Saint Léger - hôpital Bichat: Dr Faucher - pôle Rothschild - Trousseau: service du Pr Benifla (il y a une prise en charge pluridisciplinaire: une consultation initiale avec Mme Louboutin, sage femme, une consultation " prise en charge de la douleur" par un infirmier spécialisé, une consultation avec la psychologue Mme Peenaert et la sexologue et gynécologue le Dr Toutlemonde et la chirurgie réalisée par le Pr Benifla ou le Dr Demaria) - le CHIC de Créteil: service du Pr Paniel - hôpital de Montreuil : le Dr Antonetti- Ndiaye, en collaboration avec le Dr Toutlemonde, est en train de créer un pôle multidisciplinaire de réparation vulvaire, qui devrait être opérationnel dès janvier 2008 En Province: - hôpital d'Angers: Dr Mazouz - hôpital de Nantes: Dr Jean Philippe En ce qui concerne la réparation clitoridienne simple, la patiente est hospitalisée de 24 à 72 heures et on lui propose un arrêt de travail de 15 jours à sa sortie. Elle sera revue idéalement par le chirurgien à j15, le premier, troisième et sixième mois après l'intervention puis annuellement. La réparation clitoridienne est prise en charge par la sécurité sociale depuis novembre 2003. Par ailleurs une enquête nationale a débuté en mars 2007. Elle s’intitule « Projet ExH : excision et handicap » et est dirigée par l’ Université Paris 1 en collaboration avec l’INED (institut national d’études démographiques). Elle cherche à mesurer les conséquences des MSF en matière de santé et de comprendre l’histoire de celles –ci pour évaluer les besoins en chirurgie réparatrice. 61 3) L'ENQUETE 3.1 Questions, objectifs L'enquête que présentée dans ce chapitre a comme but de répondre à quelques questions simples : -les médecins généralistes ont-ils des connaissances de base sur les MSF? -se sentent-ils concernés par ce sujet, y sont-ils sensibilisés? -sont-ils confrontés à des femmes mutilées? -savent-ils prendre en charge ces femmes et les orienter vers une prise en charge spécialisée si nécessaire? -sont-ils suffisamment vigilants concernant les fillettes à risque et savent-ils quoi faire s'il y a menace de MSF pour une de leurs jeunes patientes? 3.2 Méthode 3.2.1 Sélection J'ai décidé d'étudier la population des médecins généralistes des 12e, 18e, 19e et 20e arrondissements. J'ai choisi cette zone géographique pour plusieurs raisons. D'abord parce que ces quartiers ont une forte population d'origine africaine, ce que j'ai voulu étayer par des statistiques sur l'immigration. J'ai essayé de les trouver auprès de l'OMI, de l'INSEE, des mairies d'arrondissements et de la Préfecture de Paris, mais je n'ai pas réussi à avoir des chiffres fiables. Ensuite j'ai aussi choisi cette partie de Paris car je vis depuis 10 ans dans le 20e, j'ai fait des stages hospitaliers dans le 12e (Trousseau, St Antoine), dans le 19e (Robert Debré), dans le 20e (Tenon, Croix St Simon) et j'y ai fait mes stages chez le praticien (Dr Castanedo, Dr Elbaz) et plusieurs remplacements. J'y ai rencontré et soigné de nombreux patients d'origine africaine et il me semble évident qu’une bonne partie de la patientèle des généralistes de ces quartiers soit d'origine africaine. Je n'ai pas fait de sélection particulière concernant les médecins, mon but étant d'obtenir un maximum de réponses, et j'ai donc envoyé mon questionnaire à tous les médecins généralistes de ces 4 arrondissements en écrivant à tous ceux qui étaient répertoriés dans les pages jaunes. La population sélectionnée se composait de 477 généralistes dont 147 femmes et 330 hommes, donc 30,8% de femmes et 69,2% d'hommes. La répartition selon les arrondissements était presque homogène en nombre (109 dans le 12e, 127 dans le 18e, 127 dans le 19e et 114 dans le 20e) et la proportion de 1/3 de femmes, 2/3 d'hommes se retrouvait sur les 4 arrondissements. 62 3.2.2 Le matériel Avec l'aide du Dr Castanedo, du Dr Piet et de Mme Rivera, biostatisticienne, j'ai élaboré un questionnaire (annexe 2). Ce questionnaire était anonyme, se composait de 28 questions fermées, dont 5 étaient à choix multiple et 22 à choix simple (oui/non), de 1 question ouverte et d'un espace libre qui laissait aux médecins la possibilité de s'exprimer librement sur leur vécu quant aux MSF et de donner des commentaires. Le questionnaire tenait sur deux pages et était subdivisé en 5 "chapitres". La première partie se composait de 3 questions (sexe, âge, arrondissement d'exercice) pour définir le profil des médecins étudiés. La deuxième partie comportait 4 questions pour savoir si les médecins connaissaient les pays qui mutilent et savoir s'ils avaient déjà vu des femmes mutilées et si oui, quel était l'âge de ces femmes. La troisième partie évaluait en 12 questions les connaissances des médecins (ont-ils eu une formation, connaissent-ils les différents types de MSF et leurs complications , savent-ils qu'il existe une chirurgie réparatrice et qu'elle est prise en charge par la sécurité sociale, à quel âge pensent-ils que se font les MSF) et leur approche clinique (saventils diagnostiquer une MSF, la recherchent-ils activement et si oui comment, notent-ils les MSF comme atcd gynéco-obstétrical, interrogent-ils les femmes sur les conséquences des MSF sur leur vie de couple ,leur sexualité et savent-ils orienter ces femmes). La quatrième partie étudiait en 5 questions l'attitude des médecins vis- à - vis du sujet des MSF (se sentent ils concernés, regrettent-ils l'absence de formation et en veulent ils une, lorsqu'ils découvrent qu'une de leurs patientes est mutilée en parlent-ils avec elle et si non, pourquoi pas?) et 4 autres questions servaient à évaluer la vigilance des médecins vis à vis des fillettes à risque et leur démarche en cas de découverte d'une mutilation chez une mineure et d'une MSF en cours de préparation. La cinquième partie laissait la part libre aux médecins pour s'exprimer, me communiquer leurs expériences et me donner leurs commentaires. 3.2.3 Méthode d'observation Mon enquête est une enquête d'opinion, faite par l'intermédiaire de ce questionnaire que j'ai envoyé aux 477 généralistes des quatre arrondissements sélectionnés. La durée de l'étude était de 6 semaines, elle commençait le 31 mai 2007 et se clôturait le 15 juillet 2007. 63 J'ai fixé la fin de l'enquête de façon aléatoire, en fonction du flux des réponses. A savoir que j'ai eu une majorité de réponses les 3 premières semaines et qu'il n'y avait ensuite plus que des retours ponctuels (à partir du 16/07 au 01/10 je n'ai plus qu'eu 3 réponses qui n'ont pas été intégrées dans mon étude). En ce qui concerne l'envoi du questionnaire, j'avais constitué une enveloppe contenant le questionnaire en recto -verso, une lettre (annexe 1) où je me présentais et expliquais mon étude, une enveloppe de réponse pré -timbrée et libellée à mon adresse et un dépliant sur les MSF (annexe 4). Dans ma lettre je demandais d’abord au médecin de remplir le questionnaire, puis de consulter le dépliant "Agir face aux mutilations sexuelles féminines" qui contenait diverses informations sur les MSF et la conduite à tenir en cas d'excision en préparation (cf annexes). Le but de cette démarche était de faire à la fois mon étude et une campagne de sensibilisation. 3.2.4 Méthode d'évaluation J'ai dépouillé tous les questionnaires en recueillant le nombre de réponses et le type de réponse pour chaque question. J'ai d'abord recueilli les réponses globales de tout l'échantillon puis j'ai subdivisé en fonction du sexe, de l'âge et des arrondissements. Finalement je n'ai gardé que l'analyse en fonction du sexe, l'analyse en fonction des arrondissements étant sans intérêt et l'analyse en fonction de l'âge n'étant pas vraiment possible, 3 classes d'âge sur 5 étant peu représentées, et ne permettant donc pas de tirer des conclusions valables. Pour certaines questions, quand il n'y avait pas de différence notable entre les deux sexes, je n'ai noté que les résultats globaux. J'ai ensuite saisi mes résultats sur excel et transformé manuellement mes nombres de médecins en pourcentages. L'analyse de mon questionnaire constitue une étude descriptive. Les QCM ont été analysés de 2 façons: - descriptive: nombre de médecins ayant répondu à chaque réponse, ce qui fait qu'il n'y a pas de 100%, un médecin ayant pu donner plusieurs réponses. - combinée: nombre de médecins ayant uniquement coché une réponse ou ayant choisi une certaine combinaison de réponses, ce qui permet d'obtenir un 100%. La seule question ouverte, celle sur l'âge supposé auquel se font les MSF, a été analysée en regroupant les réponses des médecins en plusieurs catégories d'âge. J'ai regroupé la petite enfance et les 0-5 ans, l'enfance et les 0-10 ans, la préadolescence et les 8-15 ans et les adolescents avec les mineurs de plus de 15 ans et de moins de 18 ans. J'ai analysé cette question uniquement de façon descriptive et il n'y a donc pas de 100%. 64 3.3 Les résultats 3.3.1 Profil de la population étudiée a) Population étudiée Sur les 477 généralistes auxquels j'ai écrit, 152 m'ont renvoyé des questionnaires exploitables. 2 médecins m'ont renvoyé des enveloppes contenant uniquement les dépliants de prévention, 1 médecin m'a renvoyé le questionnaire barré avec comme seul commentaire " je ne pratique pas d'excisions", 2 médecins m'ont répondu qu'ils n'étaient plus en exercice et 15 courriers sont revenus l’adresse étant inexacte ou le cabinet n'existant plus. Les 152 réponses valables constituent 31,9% de la population cible. b) Répartition selon le sexe 95 médecins sont de sexe masculin, 57 de sexe féminin: P rofil:répartition s elon le s exe 38% ho m m es fem m es 62% 65 c)Age Globalement les tranches d'âge les plus représentées sont les 40 à 49 ans (49 médecins/32,2%) et les 50 à 59 ans (76/50%).Les 30 à 39 ans constituent 9,2% du total (14 médecins) et les 60 à 75 ans font 8,2% du total (13 médecins) Age des femmes médecin pourcentage 45,00% 42,10% 40,30% 40,00% 35,00% 30,00% 25,00% pourcentage 20,00% 15,00% 12,30% 10,00% 3,50% 5,00% 1,80% 0,00% 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 tranches d'âge Age des hommes médecin pourcentage 60,00% 55,80% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% pourcentage 26,30% 7,40% 9,50% 1% 10,00% 0,00% 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 tranches d'âge 66 d) Arrondissements arrondissement 12e 18e 19e 20e nombre 40 39 36 37 pourcentage 26,30% 25,70% 23,70% 24,30% 3.3.2 Les patients a)Les médecins connaissent-ils les pays où se pratiquent les MSF? Pourcentage de médecins connaissant les pays où se font les MSF 11% oui non 89% 67 b) Les médecins ont-ils rencontré des femmes mutilées dans leur patientèle? -médecins ayant déjà constaté des MSF dans leur patientèle: Pourcentage des m édecins ayant constaté des MSF 70 ,0 0 % 63,20% 6 0 ,0 0 % 50 ,0 0 % 4 0 ,0 0 % 31,60% pourc entage hommes 3 0 ,0 0 % f emmes 2 0 ,0 0 % 10 ,0 0 % 0 ,0 0 % hommes f emmes - médecins n'ayant jamais constaté de MSF dans leur patientèle: 68,4% des hommes 36,8% des femmes Cette sous-population de médecins n'ayant jamais vu de patiente mutilée: - savent-ils diagnostiquer les MSF? oui femmes hommes non 23,80% 35,40% 62% 64,60% -recherchent-ils une MSF chez des femmes originaires des pays concernés? oui femmes hommes non 9,50% 18,50% 90,50% 80% 68 -examinent-ils de façon systématique les organes génitaux externes de tous les enfants? oui femmes hommes non 38,10% 29,20% 52,40% 70,80% c)Age des femmes mutilées rencontrées par les généralistes: Parmi les 152 médecins, 66 médecins soit 43,4% du total, ont rencontré des femmes mutilées : - de ces 66 médecins 30 sont des hommes (45,5%) et ils constituent 31,6% des médecins masculins. - de ces 66 médecins 36 sont des femmes (54,5%) et elles constituent 63,2% des médecins féminins. Nombre de médecins ayant rencontré des femmes mutilées des classes d'âge suivantes: -0 à 5 ans:5 médecins dont 4 hommes, 1 femme (13,3%/2,8%) -mineures de plus de 5 ans:7 médecins dont 3 hommes, 4 femmes (10%/11%) -femmes adultes en âge de procréer: 60 médecins dont 26 hommes ,34 femmes (86,7%/94,4%) -femmes ménopausées: 18 médecins dont 7 hommes et 11 femmes (23,3%/30,6%) Pourcentage de médecins ayant répondu les combinaisons suivantes: - 3% n'ont rencontré que des 0 à 5 ans - 2% n'ont rencontré que des mineures de plus de 5 ans - 63% n'ont rencontré que des femmes en âge de procréer - 2% n'ont rencontré que des femmes ménopausées - 3% ont rencontré des mineures de plus de 5 ans et des femmes adultes en âge de procréer - 18% ont rencontré des femmes adultes en âge de procréer et des femmes ménopausées - 9%: autres combinaisons d) Où ont -été mutilées les mineures rencontrées par les généralistes? Sur les 66 médecins qui ont rencontré des femmes mutilées 11 médecins, dont 6 hommes et 5 femmes, ont rencontré des mineures mutilées; ces 11 médecins constituent 16,7% de la totalité des médecins en contact avec des femmes mutilées ; les 6 généralistes masculins constituent 20% des hommes ayant rencontré des patientes mutilées ; les 5 généralistes féminins constituent 13,9% des femmes ayant rencontré des patientes mutilées. 69 Répartition géographique de ces médecins: arr 18e 19e 20e nombre 2 5 4 pourcent 18,20% 45,50% 36,30% Nombre de médecins ayant rencontré des mineures mutilées: - en France: 1 (9%) - lors d'un séjour au pays: 8 (73%) - avant leur arrivée en France: 9 (82%) Pourcentage de médecins ayant rencontré: - uniquement des mineures mutilées lors d'un séjour au pays: 18% - uniquement des mineures mutilées avant leur arrivée en France: 27% - des mineures mutilées avant leur arrivée en France et lors d'un séjour au pays: 46% - des mineures mutilées en France, lors d'un séjour au pays et avant leur arrivée en France: 9% 3.3.3 Les connaissances des médecins a)Ont-ils eu une formation sur les MSF? P o u rce n ta g e d e m é d e c in s q u i o n t e u u n e fo rm a tio n s u r le s M SF 13% oui non 87% 70 b) Connaissent-ils les différents types de MSF? P o u rc e n t a g e d e m é d e c in s q u i c o n n a is s e n t le s d iffé re n t s t y p e s d e M S F 49% o ui no n 51% c)Savent-ils diagnostiquer les MSF? Savez-vous diagnostiquer une MSF? 70,00% 61,40% 60,00% 50,50% 49,50% 50,00% 40,00% 31,60% homme femme 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions: 7% des femmes, 0% des hommes 71 d) Connaissent-ils les complications des MSF? Pourcentage de médecins connaissant les complications des MSF 90,00% 77,20% 80,00% 65,30% 70,00% 60,00% 50,00% homme femme 40,00% 32,60% 30,00% 21,10% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions:1,7% des femmes, 2,1% des hommes e) Les médecins recherchent-ils une MSF chez une femme originaire d'un pays concerné? Pourcentage de médecins qui recherchent une MSF et ses complications chez une femme originaire d'un pays concerné 80,00% 71,60% 70,00% 54,40% 60,00% 43,90% 50,00% homme femme 40,00% 25,30% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions:1,7% des femmes, 3,1% des hommes 72 f) Comment recherchent-ils la MSF? M éthodes diagnos tiques c hez les hom m es 44% 47% INTERR EX CLIN LES 2 d 9% Méthodes diagnostiques chez les fem mes 16% 40% INTERR EX CLIN LES 2 44% 73 g) Les médecins interrogent-ils les femmes sur les conséquences des MSF sur leur sexualité et leur vie de couple? Pourcentage de médecins qui interrogent les femmes sur le retentissement des MSF sur leur vie intime 80,00% 71,60% 70,00% 56,10% 60,00% 50,00% 33,40% homme femme 40,00% 21,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions:10,5% des femmes, 7,4% des hommes h) Notent-ils les MSF dans les antécédents gynéco- obstétricaux de la patiente? Pourcentage de médecins notant les MSF parmi les atcd de la patiente 60,00% 55,80% 54,40% 50,00% 36,80% 36,80% 40,00% femmes hommes 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions: 8,8% des femmes, 7,4% des hommes 74 i) Pourcentage de médecins qui connaissent la chirurgie réparatrice: oui nombre pourcent non 109 71,70% abstentions 39 25,70% 4 2,60% j) Pourcentage de médecins qui savent qu'elle est prise en charge par la sécurité sociale: oui nombre pourcentage non 57 37,50% abstentions 91 59,90% 4 2,60% k) Pourcentage de médecins qui savent orienter les femmes mutilées vers une prise en charge spécialisée: hommes femmes oui 43(45,2%) 17(29,8%) non 47(49,5%) 36(63,2%) abstention 5(5,3%) 4(7%) l) A quel âge pensent-ils que se font les MSF? 142 médecins ont répondu donc 93,4% des médecins, le taux d'abstention est à 6,2%. Il n'y a pas de 100% car certains médecins ont donné plusieurs réponses: Âge 0à5 6à10 0à 10 8à15(prépub) 16à18(puberté) mineurs ne sait pas tous âges,selon ethnie nombre 25 50 25 22 3 4 8 5 pourcent 16,00% 33,00% 16,00% 14,00% 2,00% 3,00% 5,00% 3,00% La majorité des médecins situent l'âge auquel se font les MSF dans les quinze premières années de la vie: 33% pensent qu'elles se font entre 6 et 10 ans, 16% de 0 à 5 ans, 16% de 0 à 10 ans et 14% en prépuberté. 75 3.3.4 L'attitude des médecins vis à vis des MSF a)Les médecins se sentent ils concernés par le problème des MSF? Pourcentage de médecins se sentant concernés par les MSF 90,00% 82,50% 80,00% 70,50% 70,00% 60,00% 50,00% femme homme 40,00% 25,30% 30,00% 14% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions: 3,5% des femmes, 4,2% des hommes b) Regrettent-ils l'absence de formation sur ce sujet? hommes femmes oui 55(57,9%) 39(68,4%) non 27(28,4%) 8(14%) abstention 13(13,7%) 10(17,6%) c) Sont-ils intéressés par une FMC sur les MSF? femmes hommes oui 40(70,2%) 57(60%) non 43(28,3%) 32(33,7%) abstention 12(7,9%) 6(6,3%) 76 d) Les médecins font-ils un examen systématique des organes génitaux externes de tous les enfants, les deux sexes confondus? P ourc entage de m édec ins ex am inant s y s tém atiquem ent les OGE des enfants 29% o ui no n 71% e) Sont-ils plus vigilants vis à vis de fillettes dont la mère est mutilée? Pourcentage de médecins plus vigilants concernant les fillettes dont la mère est mutilée 60,00% 50,90% 46,40% 50,00% 36,80% 35,10% 40,00% femmes hommes 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% oui non Abstentions: 14% des femmes, 16,8% des hommes 77 f) Sont-ils plus vigilants vis à vis de fillettes dont les parents sont originaires d'un pays qui pratique les MSF? Pourcentage de médecins plus vigilants pour les fillettes dont les parents sont originaires d'un pays qui pratique les MSF 70 ,0 0 % 61,40% 6 0 ,0 0 % 51,60% 50 ,0 0 % 37,90% 4 0 ,0 0 % 28,10% femmes hommes 3 0 ,0 0 % 2 0 ,0 0 % 10 ,0 0 % 0 ,0 0 % oui non Abstentions: 10,5% des femmes et des hommes g) Lorsqu'ils découvrent une MSF chez une patiente, abordent-ils le sujet avec elle? femmes hommes oui 39(68,4%) 41(43,2%) non 7(12,3%) 27(28,4%) abstention 11(19,3%) 27(28,4%) h) S'ils ne le font pas, pourquoi? 28,3% des médecins ont répondu (43 sur 152 médecins) dont: - 33,7% des hommes (32 sur 95 hommes) - 19,3% des femmes (11 sur 57 femmes) Pourcentage de médecins ayant répondu: - par respect, égard vis – à - vis de la patiente: 51% (22 médecins) - par manque de temps: 16% (7 médecins ; 6 hommes =19% des hommes ayant répondu et 1 femme = 9% des femmes ayant répondu) - par méconnaissance du sujet: 40% (17 médecins) - par pudeur: 18% (8 médecins ; 7 hommes =22% des hommes ayant répondu et 1 femme=9% des femmes ayant répondu) 78 - parce que ne se sentant pas concerné: 5% (2 médecins) - ne sait pas: 10% (4 médecins) - autres raisons: 12% (5 médecins) Sous autres raisons, les médecins mettent: - la barrière linguistique - les différences culturelles - le manque de savoir faire - l'absence de demande exprimée par la patiente - l'absence de climat de confiance: présence du mari, premières consultations - la nécessité d'avoir vu la patiente à plusieurs reprises pour avoir des échanges plus intenses i) Quelle est l'attitude des médecins s'ils découvrent une mutilation chez une patiente mineure? 80 des 152 médecins = 52,6% du total ont répondu, dont: - 28 sur 57 femmes = 49,2% des femmes - 52 sur 95 hommes= 56% des hommes Pourcentage de médecins ayant répondu: - discussion avec les parents, rappel des lois françaises: 77% (57 médecins) - prudence particulière pour les autres fillettes de la famille: 58% (43 médecins;68% des femmes et 47% des hommes ayant répondu) - signalement PMI: 42% (31 médecins; 46% des femmes et 35% des hommes ayant répondu) - signalement au Procureur: 20% (15 médecins) - rien: 5% (4 médecins) En comptant les réponses selon le type de combinaison que donnent les médecins: - 20% ne font que discuter avec les parents et leur rappellent les lois françaises (7% des femmes et 26% des hommes ayant répondu) - 22% discutent, rappellent les lois et sont plus prudents pour les autres fillettes (28% des femmes et 19% des hommes ayant répondu) - 18% discutent, surveillent la fratrie et signalent à la PMI (25% des femmes et 13% des hommes ayant répondu) - 8% font juste un signalement PMI (4% des femmes et 10% des hommes ayant répondu) - 6% font juste un signalement au Procureur - 5% ne font que surveiller la fratrie - 5% discutent avec les parents, surveillent la fratrie, signalent à la PMI et au Procureur - 4% ne font rien - 2% surveillent la fratrie et signalent à la PMI - 10% ont choisi d'autres combinaisons, et ces 10% signalent tous soit à la PMI soit au Procureur, voire les deux. 79 j) Quelle attitude auraient les médecins s'ils apprenaient qu'une patiente mineure risque de se faire exciser? 134 des 152 médecins= 88,2% du total ont répondu, dont: - 49 des 57 femmes= 86% des femmes - 85 des 95 hommes = 89,5% des hommes Pourcentage de médecins ayant répondu: - non-ingérence: 2,2% (3 médecins) - discussion: 79,8% (107 médecins ; 87,8% des femmes et 75,3% des hommes ayant répondu) - appel du 119: 13,4% (18 médecins) - signalement PMI: 37,3% (50 médecins) - signalement au Procureur: 36,6% (49 médecins) Réponses combinées: - 32% de discussion seule - 14% discutent et signalent à la PMI - 13% discutent et signalent au Procureur - 8% discutent et signalent à la PMI et au Procureur - 7% signalent à la PMI - 7% signalent au Procureur - 17% de combinaisons diverses dont 9% contiennent un signalement (PMI et/ou Procureur) - 1% de non-ingérence - 1% d'appel du119 seul 80 3.3.5 Propositions, commentaires, expériences des médecins suggestions, Médecins de sexe masculin -âge et arrondissement inconnus "Je pars du principe de ne pas me mêler des coutumes ethniques d'une population, car l'expérience m'a appris que lorsqu'on se mêle des affaires des autres, famille, pays, on fait plus de mal que de bien. Ceci est valable et absolu pour les personnes ayant vécu chez eux : étrangers), par contre pour les personnes de naissance dans le territoire français mais vivant dans un milieu africain, on doit informer et imposer nos idées et lois." - 54 ans, 75012: "Chère consoeur, le choix d'un questionnaire binaire est-il le bon choix pour faire une étude qualitative? Il y a plusieurs questions où j'avais envie d'avoir le choix de ne pas savoir ou de nuancer la réponse qui n'est pas toujours blanche ou noire." -47 ans, 75012: "Pas de personnes originaires de pays concernés dans ma clientèle; la formation devrait être obligatoire." - 50 ans, 75012: "Il s'agit d'usages et de coutumes ancestrales issues de l'Islam. Ces usages sont moins prononcés ailleurs dans le monde qu'en Afrique. Les résidents en France originaires de ces pays savent que la législation française interdit ces mutilations, mais passent outre car c'est plus grave de conséquences pour eux de ne pas respecter les coutumes que de ne pas respecter la loi du pays d'accueil. On espère les faire changer dans leur opinion un jour ....les punir c'est injuste." -40ans, 75012 : "Pour ma part je ne suis pas confronté à cette situation en raison de la population dont je m'occupe actuellement et antérieurement la situation de remplaçant. Première confrontation à ce sujet lors de consultations de suivi de grossesse avec un obstétricien pratiquant des réparations clitoridiennes." -35 ans, 75012: "Sujet très important, difficile et complexe qui nécessite une formation et en particulier les conseils de praticiens expérimentés pour éviter de graves erreurs (" barrière culturelle"). Merci de m'en dire un peu plus." -71 ans, 75012, autrefois Afrique noire et occidentale: "Une éducation adaptée viendra peut-être à bout de ces pratiques." 81 -38 ans, 75012, a eu des patientes adultes mutilées : "Toucher directement ces femmes à l'arrivée, ou là où elles séjournent. Multiplier les points de contact." -59 ans ,75018: "J'ai le sentiment d'être un médecin plutôt ouvert aux problèmes psychologiques et socio-culturels, or en 29 ans d'exercice je n'ai jamais été confronté en le sachant à ceux qui font l'objet de votre thèse. Il est intéressant de se demander pourquoi, et peut être votre travail apportera-t-il des éléments de réponse. Est-ce parce que je suis un homme? Parce que les femmes concernées perçoivent, peut-être à tort, une trop grande différence de culture? Ou, de façon plus triviale, parce que les évènements ont fait que je ne suis jamais entré dans un réseau (vous n'ignorez sans doute pas que pour les pathologies ou les situations particulières le fonctionnement du réseau est capital)? Si vos recherches apportent un éclaircissement dans ce sens, cela m'intéresse. P.S: Comme vous le préconisiez, j'ai d'abord rempli le questionnaire et ai pris ensuite connaissance du dépliant. Je le garde précieusement. Merci" Note sur attitude à avoir si une excision se prépare: "D'abord discussion avec les parents et si échec j'appellerais le Conseil de l'Ordre pour savoir comment je pourrais signaler le fait mais je ne resterais pas les bras croisés." - 52 ans, 75018: "Sujet difficile" -50 ans ,75018: "Pour un généraliste masculin exerçant à Paris, l'abord de ces questions est quasi-impossible: - par manque de temps et pudeur si le motif de la consultation n'est pas d'ordre gynécologique -par la difficulté à réaliser un examen gynécologique même si la patiente consulte pour un motif gynécologique -52 ans, 75018: "Disponible pour plus d'information." -60 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées: "Pas du tout le désir de m'occuper de ce problème; horrifiant!" -59 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées: "Les femmes originaires des pays étrangers doivent être informées sur les habitudes et les lois françaises et accepter de s'y soumettre...; il s'agit d'un problème socio-culturel, religieux, ethnique et médical (s'il y a souffrance de l'individu moral ou psychique)." 82 - 59 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées: "Bravo pour le choix de votre sujet et bon courage pour l'exercice de la médecine générale que j'ai personnellement hâte de cesser (vous comprendrez vite pourquoi)." - 43 ans, 75019, a eu des patientes majeures et des mineures de plus de 5 ans mutilées: "Importance de la formation des médecins : FMC, troisième cycle" - 58 ans, 75019, a eu des patientes majeures et des mineures de moins de 5 ans mutilées: "Je pense que la prise de conscience des mères africaines notamment est en bonne voie. La plupart connaissent les conséquences juridiques, un peu les conséquences sur la santé, et ceci grâce à une répétition des informations à notre disposition et dans certains pays africains le relais peut se faire via des associations militantes." - 58 ans, 75019, a eu des patientes adultes mutilées : "Concernant le signalement de l'excision, ce n'est pas si facile à déclencher, ça dépendra des réactions des parents et de leur coopération ou non. En fait une situation plus facile, plus fréquente est celle d'une discussion avec les adultes, femmes et hommes, à propos de leurs enfants filles afin de prévenir le problème. Lors d'une consultation pédiatrique, parfois dans un contexte d'urgence il est difficile d'aborder le sujet très très difficile des MSF. Il faut beaucoup de psychologie, de patience et bien juger la situation favorable pour en parler et avoir en face de soi des oreilles qui peuvent entendre et comprendre, sinon les gens disparaissent..." - 52 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées: "Sur le peu d'expérience que j'ai, ça semble intéresser les femmes d'aborder le sujet...à suivre." - 58 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées: "A l'origine le problème des MSF n'est pas un problème médical. Intéressons-nous aux femmes qui le refusent en les aidant à combattre durement ces pratiques barbares dans les pays où elles ont lieu." - 48 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées: "Une plus large diffusion de l'information au public sur comment lutter contre la violence sexiste." - 59 ans, 75020 : "Effectivement nous médecins généralistes devons être très vigilants. Le problème est le relationnel." 83 - 48 ans, 75020, a eu des patientes adultes et des mineures de moins de 5 ans mutilées: "En nette régression depuis 5 ans, pas de nouvelle fillette mutilée vue depuis: changement de comportement ou dissimulation?" Médecins de sexe féminin -60 ans, 75012: « La première chose serait de pouvoir en parler librement avec nos confrères et nos consoeurs d'origine africaine qui exercent, étudient ou se forment sur notre territoire. Le sujet est tabou, totalement pour eux....Ayant un peu travaillé en Afrique, j'ai conscience de ce problème. Ne faisant absolument pas de pédiatrie, je ne peux que constater hélas les dégâts chez les adultes. J'ai vu cette année en Afrique de l'Ouest des informations couplées "Sida et prévention des MSF". » - 54 ans, 75012: "C'est rude et on a des lacunes!" - 56 ans, 75012: "Voyage au Burkina Faso où la prévention contre les MSF est active, notamment par l'Eglise catholique." -59 ans, 75012 : "Proposer des FMC pour formation et rappel de la loi, cours dans le troisième cycle de DES de médecine générale." -56 ans, 75012 : "J'ai très peu d'enfants qui ont cette pathologie, d'abord parce que je suis secteur deux puis parce que les pédiatres nous ont enlevé tous les enfants." -53 ans, 75012: "Je n'ai été confronté qu'une seule fois au problème des MSF; la patiente souffrait à chaque moment de sa vie génitale (dyspareunie) et lors des accouchements. Je n'ai pas su l'adresser à un confrère spécialisé pour un avis quant à une chirurgie réparatrice." - 43 ans, 75012 : "Aucune expérience dans ce domaine, je n'ai pas de patients d'origine africaine dans ma patientèle." - 44 ans, 75012 : "Sujet très délicat, culturel qui ne peut qu'être abordé en discussion libre, d'information et d'éclairement." 84 - 55 ans, 75018: "J'examine les organes génitaux des nourrissons au premier examen, chez les enfants plus grands je ne le fais pas car ça pourrait être traumatisant psychologiquement, je n'ai donc pas la possibilité de dépister les enfants plus grands. Les parents connaissent la loi française et les mutilations se font lors de "vacances" au pays. Le médecin n'est évidemment pas informé." - 55 ans, 75018: "Votre questionnaire ne me concerne pas directement car je n'ai pratiquement pas de femmes africaines dans ma clientèle et aucune mutilée." - 56 ans, 75018: "Divulguer plus de connaissances...je ne savais pas que la réparation était prise en charge par la sécurité sociale même si celles que j'ai fait faire l'ont été...une affiche dans chaque cabinet!" - 54 ans, 75019: "Je veux bien des recommandations mais pas de formation." - 57 ans , 75019: "Juste merci de rappeler au médecin qui ne se sent pas concerné, d'être vigilant car les petits enfants d'Afrique consultent pour des problèmes non liés à la sphère génitale et l'examen n'est pas fait." - 46 ans, 75019: "Je reçois beaucoup d'Egyptiens et j'informe et je discute énormément avec les femmes mais surtout les hommes en leur expliquant l'anatomie et le système physiologique des femmes." - 44 ans ,75019: "Jamais aucune patiente n'a abordé le sujet avec moi et moi, il est vrai, je n'ai jamais eu l'occasion de poser la question, soit le contexte ne s'y prêtait pas, soit la consultation n'avait aucun rapport et il aurait été difficile d'aborder "comme cela" le sujet. Du coup, certaines de vos questions posent comme préambule que j'aie découvert la mutilation, j'ai répondu NON mais bien évidemment si cela avait été le cas j'aurais abordé le sujet et j'aurais été plus vigilante sur la fratrie." - 35 ans, 75019 : "Un sujet intéressant dont j'ai entendu parler récemment (discussion avec collègue, article sur internet). Je pense qu'une prise de conscience globale est nécessaire, même si le sujet est difficile à aborder. Je n'ai encore jamais eu de contact personnel avec de tels cas. Une aide à la prise en charge serait utile. Merci d'avoir fourni le dépliant joint. Bon courage pour ce travail." 85 - 73 ans, 75020: "Je n'ai aucune expérience en la matière. J'ai juste rencontré une patiente excisée qui voulait avoir des enfants et demandait réparation." - 51 ans, 75020: "Les MSF se font à tous les âges. J'ai des patientes qui s'en souviennent, qui ont été mutilées à l'âge de 6 -7 ans, d'autres ne se souviennent de rien. J'ai aussi une patiente qui a été "retouchée" le jour du mariage (elle a 50 ans); souvent les patientes ne se plaignent pas de troubles de la sexualité. La toilette à l'intérieur du vagin très fréquente (prière ,5*/jour) cause plus de dyspareunie et de sécheresse vaginale. J'ai observé des excisions très incomplètes faites sous AG. J'ai informé les patientes qu'elles n'étaient pas mutilées. Les parents des fillettes que je vois savent qu'ils risquent la prison avec l'excision. Si la fille part en vacances au pays, la famille là-bas fait pression. Le film "Moolade" n'est pas vu par les Africaines. Il faut aussi que les hommes africains acceptent d'épouser une femme non-excisée. La polygamie en France, les mariages arrangés sont des souffrances moins visibles mais réelles." - 53 ans, 75020: "C'est effectivement un sujet auquel je n'ai pas beaucoup pensé, je n'ai pas été assez vigilante." - 49 ans, 75020: "Je me sens absolument coupable de ce manque de connaissance d'où l'absence d'intérêt et de recherche systématique. Mais je vais essayer de m'y intéresser de plus près. Merci pour la plaquette et bon courage pour la thèse." - 49 ans, 75020: " Encore beaucoup à apprendre" - 36 ans, 75020: "Plus d'infos!" - 42 ans, 75020: "Malheureusement nous ne sommes pas au courant (et les filles non plus) quand ces pratiques sont prévues. J'ai vu le film sur les MSF il y a deux ans avec la discussion qui suivait avec le chirurgien qui les opère ...Ca m'avait ouvert les yeux et il faut en parler librement et surtout dire que c'est interdit en France et que les parents le respectent après." 86 3.4 Analyse et discussion des résultats 3.4.1 Les médecins sont-ils confrontés à des femmes mutilées ? 31,6% des hommes et 63,2% des femmes disent avoir vu des patientes mutilées. Les généralistes féminins semblent donc rencontrer deux fois plus de femmes mutilées que leurs confrères masculins, et ceci pourrait s’expliquer de plusieurs façons : -les femmes africaines consultent de préférence des médecins féminins - les femmes excisées parlent plus facilement de ce sujet à une autre femme, parler de sujets aussi intimes avec un homme, même s’il est médecin, constitue un tabou - les femmes médecins sont plus sensibilisées au sujet et l’abordent donc plus facilement - les femmes médecins font plus de gynécologie Ces médecins ont majoritairement rencontré des femmes mutilées adultes et en âge de procréer : - 86,7% des hommes médecins ayant rencontré des MSF - 94,4% des femmes médecins ayant rencontré des MSF 16,7% de médecins généralistes (11 médecins) ayant vu des MSF disent avoir rencontré des mineures mutilées : - 20% des hommes ayant rencontré des MSF - 13,9% des femmes ayant rencontré des MSF Les hommes sembleraient donc être plus vigilants concernant les enfants. Concernant les médecins qui ont vu des mineures victimes d’une MSF : - 82% d’entre eux ont rencontré des filles mutilées avant leur arrivée en France - 73% d’entre eux ont rencontré des filles mutilées lors d’un séjour au pays Le nombre de médecins est trop faible pour pouvoir supposer qu’il n’y a presque plus d’excisions réalisées en France, même si ces chiffres concordent avec ce que constatent les médecins de PMI et les associations de lutte contre les MSF19, 14 . 68,4% des hommes et 36,8% des femmes déclarent ne pas constaté de MSF dans leur patientèle. avoir La question qui s’impose est : les médecins qui déclarent ne pas avoir rencontré de femmes excisées savent-ils diagnostiquer une MSF et la recherchent- ils activement ? 87 De ces médecins hommes qui n’auraient pas rencontré de patiente mutilée : - 64,4% disent ne pas savoir diagnostiquer une MSF - 80% ne recherchent pas l’existence d’une MSF - 70,8% n’examinent pas les OGE des enfants de façon systématique Du côté des médecins femmes qui n’auraient pas constaté de MSF dans leur patientèle : - 62% disent ne pas savoir les diagnostiquer - 90,5% ne les recherchent pas - 52,4% n’examinent pas systématiquement les OGE des enfants Il en ressort clairement que les médecins, hommes comme femmes, qui disent ne pas avoir de femmes mutilées comme patientes ne savent pas diagnostiquer les MSF et ne les recherchent pas de façon active, ni chez les femmes adultes ni chez les enfants. 3.4.2 Les médecins ont-ils des connaissances de base sur les MSF ? Seulement 13% des médecins disent avoir eu une formation sur les MSF, néanmoins : - 89% des médecins disent connaître les pays où se font les MSF - 51% des médecins pensent connaître les différents types de MSF - 49,5% des hommes et 61,4% des femmes pensent savoir diagnostiquer les MSF - 65,3% des hommes et 77,2% des femmes pensent connaître les complications des MSF - 71,7% des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice - 37,5% des médecins savent qu’elle est prise en charge par la sécurité sociale - concernant l’âge auquel se feraient les MSF, la majorité des médecins pense qu’elles se font entre la naissance et le début de la puberté Peu de généralistes ont eu une formation officielle sur les MSF mais ils ont des connaissances de base sur ce sujet pour plus de la moitié d’entre eux et il ne leur est donc pas inconnu. Ils savent dans quels pays les femmes se font mutiler et ils arrivent à correctement situer l’âge auquel se font la plupart des MSF. Malgré l’absence de formation, plus de la moitié des médecins s’estiment capables de diagnostiquer les différents types de MSF et leurs complications. Les médecins femmes semblent être plus compétents à ce niveau que les hommes. 88 La majorité des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice mais qu’un tiers des médecins sait qu’elle est remboursée. Il en ressort que : - les médecins généralistes ont la possibilité de reconnaître la population à risque concernant les MSF en connaissant l’origine géographique de leurs patients et les médecins généralistes savent que les mutilations se font avant l’adolescence ; ils peuvent donc reconnaître les mineures qui devront bénéficier d’une vigilance particulière et les femmes avec lesquelles il faudra aborder le sujet - les médecins pensent connaître les différentes mutilations et ils pensent pouvoir diagnostiquer les MSF et leurs complications ; ils auraient donc les compétences pour examiner les femmes, leur expliquer leur état, dépister les complications et les prendre en charge, pour surveiller les enfants et si nécessaire signaler l’existence d’une mutilation - les médecins connaissent l’existence de la chirurgie réparatrice et peuvent donc la proposer à leurs patientes mutilées mais qu’un tiers sait qu’elle est prise en charge par la sécurité sociale, ce qui peut faire que les médecins hésitent à la proposer. 3.4.3 Les médecins se sentent-ils concernés par ce sujet ? Qu’en pensent-ils? Quelle est leur attitude vis à vis de ce sujet ? - 82,5% des femmes et 70,5% des hommes se sentent concernés 68,4% des femmes et 57,9% des hommes regrettent l’absence de formation 70,2% des femmes et 60% des hommes seraient intéressés par une formation sur les MSF 68,4% des femmes et 43,2% des hommes abordent le sujet de la mutilation avec la patiente s’ils en découvrent une chez elle ; s’ils n’en parlent pas c’est majoritairement parce qu’ils ont peur de manquer de respect à la patiente ou par égard pour la patiente (51%) et parce qu’ils ne connaissent pas le sujet et/ou la façon de l’aborder (40%) ; le manque de temps (16%) et la gêne (18%) sont des arguments peu utilisés par les médecins pour expliquer pourquoi ils n’abordent pas cette question Les médecins se sentent donc concernés par le dépistage et la prévention des MSF, ils regrettent l’absence de formation et en voudraient une. S’ils découvrent une mutilation, les médecins femmes abordent à 68,4% le sujet, les hommes ont plus difficultés, ils n’en discutent avec la patiente que pour 43,2% des médecins. 89 Les médecins qui passent sous silence le constat de la mutilation se taisent majoritairement par égard pour la patiente et parce qu’ils estiment ne pas assez connaître ce sujet. L’analyse des commentaires des médecins permet en plus de faire ressortir les idées suivantes : - les médecins ne se sentent pas suffisamment formés ni informés sur ce sujet mais le sujet les intéresse - ils pensent ne pas être suffisamment vigilants, regrettent de ne pas s’en être occupé jusqu’à présent ou de ne pas avoir su le faire quand le problème se posait - ils trouvent que c’est un sujet très délicat, difficile à aborder et nécessitant une formation préalable, beaucoup de psychologie ainsi que l’existence d’une relation de confiance avec les patientes concernées, certains expriment leur crainte de perdre des patientes en abordant le sujet - ils voudraient être formés sur ce sujet et pouvoir bénéficier des conseils de praticiens expérimentés dans ce domaine - ils pensent qu’il faudrait une plus large diffusion des informations pour sensibiliser à ce sujet - ils pensent que la lutte contre les MSF passe surtout par l’éducation des populations concernées et par la prise de conscience des mères africaines et des médecins africains ; ils se rendent compte du rôle qu’ils ont à jouer dans l’éducation de leurs patientes - certains pensent que c’est un problème culturel plus que médical, qu’il ne faut pas se mêler des coutumes des autres, certains sont « horrifiés », les médecins se sentent globalement plutôt démunis vis- à- vis de ce sujet et ne savent pas forcément comment l’aborder - certains hommes expriment la difficulté qu’ils ressentent à aborder des problèmes gynécologiques 3.4.4 Les médecins savent-ils détecter, prendre en charge et orienter les femmes mutilées ? - 49,5% des hommes et 61,4% des femmes pensent savoir diagnostiquer une MSF - 25,3% des hommes et 43,9% des femmes recherchent activement une MSF et ses complications chez une femme potentiellement concernée - les hommes recherchent les MSF soit en interrogeant la patiente ou en l’interrogeant et en l’examinant - les femmes recherchent les MSF soit en examinant la patiente soit en l’interrogeant et en l’examinant 90 Les taux de médecins qui disent savoir diagnostiquer des MSF me semblent assez bons, si on tient compte du manque de formation à ce sujet et ils semblent donc être capables de détecter les femmes mutilées. Cependant, ce qui nuance ces résultats est le fait que même si les médecins savent diagnostiquer, ils sont nettement moins nombreux à ensuite les rechercher. Concernant les méthodes diagnostiques, il ne me semble pas étonnant que les hommes examinent moins que leurs consoeurs, mais la fiabilité de l’interrogatoire seul n’est pas forcément bonne30, une femme excisée peut ne pas être au courant de sa mutilation ou au contraire peut vouloir la dissimuler. - 65,3% des hommes et 77,2% des femmes connaissent les complications des MSF - 21,9% des hommes et 33,4% des femmes interrogent les patientes mutilées sur le retentissement de la mutilation sur leur vie de couple et sur leur sexualité - 36,8% des hommes et 54,4% des femmes notent les MSF comme antécédent gynéco-obstétrical - 71,7% des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice - 45,2% des hommes et 29,8% des femmes savent orienter une patiente mutilée vers une prise en charge spécialisée Ces résultats laissent supposer que les médecins sont capables de prendre en charge les femmes mutilées : ils connaissent les complications des MSF et ils savent qu’il y a des traitements. Mais ils ne sont que peu nombreux à interroger la patiente sur le retentissement psycho – sexuel et à noter la mutilation comme antécédent .Les femmes médecins notent plus souvent la MSF comme antécédent. Est-ce parce qu’elles ont mieux assimilé le fait qu’une MSF est une pathologie ? Ou tout simplement parce que c’est plus facile pour elles de poser des questions à ce sujet ? Il ne suffit pas que le médecin connaisse les répercussions qu’ont les MSF sur la santé globale de la femme si ensuite il n’utilise pas ce savoir ; noter la mutilation comme antécédent est un geste simple à faire qui permet de structurer la démarche diagnostique (relation cause à effet de certaines pathologies liées à la mutilation), qui permet d’ orienter de façon plus adaptée ces femmes et qui permettra au médecin d’être vigilant concernant le risque de mutilation pour les filles de cette patiente. S’enquérir de la sexualité de la patiente et de sa vie de couple, si elle est mutilée, n’est pas un manque de pudeur, mais une nécessité pour pouvoir proposer des traitements à la patiente, surtout qu’un taux élevé de médecins connaît l’existence de la chirurgie réparatrice. 91 Bien que les connaissances générales des médecins soient bonnes sur le sujet étudié, ils ne sont pas nombreux à savoir orienter les patientes et les hommes savent mieux orienter que les femmes. 3.4.5 Les médecins savent-ils reconnaître les fillettes à risque et connaissent ils la conduite à tenir face au risque d’excision et lors de la découverte d’une mutilation chez une mineure? - 89% des médecins connaissent les pays où se font les MSF la majorité des médecins situent l’âge auquel se font les MSF de la naissance jusqu’à la puberté 36,8% des hommes et 50,9% des femmes sont plus vigilants pour les enfants de mères mutilées 37,9% des hommes et 61,4% des femmes sont plus vigilants pour les enfants dont les parents viennent de pays où se font les MSF 29% des médecins font un examen systématique des OGE de tous les enfants Les médecins savent quels sont les pays qui mutilent, ils savent quelle est la tranche d’âge de filles à risque mais ils n’examinent pas suffisamment les vulves des filles. Ils ne se donnent donc pas la possibilité de surveiller correctement les enfants à risque, ni de faire de la prévention en montrant aux parents que cette région du corps intéresse le médecin et qu’il veille à ce qu’elle ne soit pas mutilée. Par ailleurs les femmes savent mieux évaluer quelles filles sont à risque que les hommes, mais elles n’examinent pas plus les OGE des enfants que les hommes. Par contre les médecins savent très bien ce qu’ils doivent faire quand ils découvrent une MSF chez une mineure : - 77% des médecins interrogés discutent avec les parents et leur rappellent les lois françaises - 58% des médecins interrogés redoublent de vigilance pour les autres fillettes de la fratrie - 49% pensent à faire un signalement (PMI et/ou Procureur) Et ils connaissent la conduite à tenir en cas de menace de MSF : - 79,8% des médecins essaieraient de dissuader les parents de mutiler leur fille - 58% feraient un signalement (PMI et/ou Procureur) 92 3.5 Critique Le taux de réponse de 31,9% est un bon taux de réponse statistiquement parlant et l’échantillon étudié est représentatif de ma population cible. Le remplissage du questionnaire était bon : il était excellent pour les trois premières parties mais il était moins bon pour la dernière partie, les taux d’abstention allant de 10% à 47%.Ceci peut s’expliquer par le fait que le questionnaire était long et que les médecins se lassaient progressivement. La longueur du questionnaire est un défaut qui me semble évident, mais j’ai voulu faire un inventaire assez complet des connaissances et attitudes des médecins généralistes vis à vis des mutilations sexuelles féminines, et je n’ai pas réussi à réduire d’avantage le nombre de questions. Une des grosses difficultés d’interprétation de ce questionnaire résidait dans les questions à choix multiple, que j’ai dû recompter et réanalyser plusieurs fois. J’ai eu du mal à exposer les résultats de ces questions de façon simple et brève. J’ai rencontré le même type de problème avec la seule question ouverte (âge auquel se feraient les MSF selon les médecins), et finalement je n’ai pu donner qu’une appréciation globale en analyse de ces résultats. A posteriori, je pense que j’aurais dû transformer cette question ouverte en question à choix multiple ou au mieux en question à réponse simple. D’un autre côté, comme me le rappelle un confrère dans les commentaires, une enquête constituée presque exclusivement de questions fermées enlève la possibilité de nuancer certaines réponses et peut ainsi fausser l’appréciation globale. L’objectif de ma thèse n’était cependant pas de faire une étude exhaustive des connaissances exactes des médecins sur les MSF ni de faire une étude sociologique sur les comportements, préjugés et croyances des médecins sur le même sujet. Ce serait certes très intéressant et pourrait constituer le sujet d’une autre thèse. Les connaissances des médecins sur le sujet abordé me semblent anormalement bonnes : s’agit-il d’un biais de sélection ? Les médecins qui ont répondu sont peut-être les médecins les plus sensibilisées et donc les mieux informés sur ce sujet ? Les mauvais résultats obtenus par les médecins quant à l’examen systématique des organes génitaux externes de tous les enfants me semblent très biaisés, ma question étant mal formulée. Je voulais 93 savoir si les médecins pensent à examiner régulièrement les sexes des jeunes enfants et je me rends bien compte par ma propre expérience professionnelle qu’il est difficile d’examiner à cet endroit les grands enfants et les préadolescents et qu’il n’est pas non plus possible de soulever la culotte des plus petits à chaque consultation. Les très nettes différences entre hommes et femmes ne m’étonnent pas, les MSF étant des pratiques qui s’attaquent à l’identité même de la femme. Un médecin femme osera aussi plus facilement aborder un sujet touchant de si près à la sexualité féminine et par ailleurs il est évident que des femmes issues de milieux ou pays traditionnalistes s’adresseront de préférence à des médecins féminins pour aborder des problèmes gynécologiques. Une question qui me semble importante et que j’ai oublié de poser est si les médecins généralistes interrogés font de la gynécologie. Un autre problème que j’ai rencontré lors de mes recherches pour cette thèse est le fait qu’il n’y a que très peu de bibliographies médicales françaises sur le sujet des mutilations sexuelles féminines. Je n’ai pas non plus réussi à avoir des statistiques fiables sur la répartition des immigrés d’origine africaine sur les quatre arrondissements étudiés. Cependant, malgré certains défauts évidents de mon questionnaire et de mon étude je pense avoir rempli l’objectif que je m’étais fixé et je crois avoir réussi à répondre aux questions que je me posais en début d’étude. 94 4) CONCLUSION En lançant cette étude j’ai voulu savoir quelles étaient les connaissances et attitudes des médecins généralistes des 12e, 18e, 19e et 20e arrondissements parisiens vis –à- vis des mutilations sexuelles féminines. J’ai essayé de résumer le contenu de mon questionnaire en cinq questions auxquelles j’ai réussi à répondre. Des réponses à ces interrogations découlent plusieurs conclusions : - malgré l’absence de formation, les connaissances générales des médecins sur les MSF sont bonnes - le sujet les intéresse mais les inquiète, surtout parce qu’ils ne s’estiment pas suffisamment formés ; le sujet en lui même est par ailleurs compliqué et touche à des domaines aussi variés et intriqués que la coutume, la religion, la sexualité, les différences culturelles - les médecins sont confrontés à des patientes mutilées mais les femmes médecins le sont d’avantage que leurs confrères - parmi les médecins qui affirment ne jamais avoir vu de patiente mutilée, la plupart avouent ne pas savoir diagnostiquer et/ou ne pas examiner les patientes potentiellement concernées, le nombre de médecins qui consultent des femmes excisées est donc certainement supérieur aux chiffres retrouvés dans cette thèse - les médecins connaissent bien la marche à suivre s’ils découvraient qu’une de leurs patientes mineures est mutilée ou devra l’être - les médecins possèdent de connaissances suffisantes pour dépister les patientes mutilées et leur proposer une prise en charge, ainsi que pour surveiller les enfants à risques mais ils ne le font pas suffisamment Les mutilations sexuelles féminines sont un fléau pour plusieurs millions de femmes et fillettes dans le monde et participent à la forte mortalité et morbidité des femmes et enfants sur le continent africain. Le continent africain se mobilise de plus en plus pour éradiquer ces pratiques ancestrales et cruelles, mais ce problème touche aussi les pays d’émigration des populations africaines et nous en France y sommes confrontés de plus en plus. Il est absolument indispensable que ce sujet soit enfin intégré dans le programme des études médicales, car comme nous l’avons vu les MSF touchent approximativement 65 000 femmes et fillettes en France. Nous ne pouvons plus nous cacher derrière l’argument culturel, les souffrances infligées et les complications sont beaucoup trop lourdes de conséquences ! 95 Après tout, en Europe, de nombreuses coutumes dangereuses ont aussi été reléguées dans les vitrines des musées. Par ailleurs, les MSF ne sont pas un problème culturel purement africain, elles ont existé un peu partout au monde et à travers l’histoire humaine. Même en France, il n’y a pas si longtemps, d’illustres confrères mutilaient des femmes et les raisons invoquées pour les justifier n’étaient pas différentes de celles données encore aujourd’hui pour pérenniser ces pratiques. 5) LES PROPOSITIONS Voici quelques propositions pour améliorer nos pratiques en médecine générale, pour mieux dépister, soigner les femmes déjà mutilées et surtout pour prévenir des MSF sur des mineures : Il faut parler aux femmes potentiellement concernées : 1) Sont-elles mutilées ? 2) En souffrent- elles ? Quelles sont les complications ? Comment se passent leurs rapports sexuels ? 3) Se souviennent- elles de la réalisation de l’excision et de la douleur l’accompagnant? 4) Lui expliquer qu’il existe des solutions pour la soigner ! 5) A- t- elle des filles et si oui quels sont ces projets quant à l’excision de ces dernières ? Quels seraient ses projets si elle allait donner naissance à une fille ? 6) Lui rappeler la législation en France, insister sur les risques médicaux encourus par ses filles si elle voulait les faire exciser ! 7) Evaluer le degré de protection qu’elle pourra fournir à ses filles si sa famille ou son mari voulaient les exciser contre sa volonté : sait-elle s’affirmer, sait-elle à qui demander de l’aide ou est-elle complètement soumise et passive et se dédouane - t -elle de toute responsabilité ? 8) Lui donner les adresses et coordonnées utiles et lui proposer des certificats attestant de l’intégrité des OGE de ses filles et rappelant l’interdiction de l’excision en France, qu’elle pourra montrer à la famille au pays ! Lui dire de ne pas hésiter à s’adresser à nous si elle craignait une excision pour ses enfants ! Il faut examiner les femmes mutilées : Un examen clinique complet nous permettra de mesurer l’importance de la mutilation et d’expliquer à la femme ce qui lui a été fait 96 Il faut être vigilant concernant les enfants de mères mutilées et/ou dont les parents sont originaires de pays qui mutilent 1) Vérifier si possible par un examen clinique l’absence de MSF chez une mère qui dit ne pas avoir été mutilée : la véracité de ses dires nous donnera des indications quant à la vigilance à avoir pour ses filles 2) Examiner les fillettes à risque, regarder leurs vulves régulièrement et à chaque fois que cela est possible : les parents doivent savoir qu’on s’intéresse à cet endroit et qu’une MSF sera remarquée ! 3) Se méfier particulièrement des périodes de vacances, s’enquérir s’ils comptent partir au pays et leur rappeler les lois ! 4) Au moindre doute quant à une possible excision en préparation : signaler ! 5) Ne pas hésiter non plus à contacter les associations luttant contre les MSF qui nous aideront à convaincre les parents de la nocivité des MSF et qui en plus ont des relais dans de nombreux pays africains permettant une coopération francoafricaine dans ce domaine. 6) Ne pas oublier de signaler par ailleurs toute MSF constatée chez une mineure, et redoubler de vigilance pour les soeurs de la victime ! 7) Expliquer aux parents l’importance d’un appareil génital intact et les conséquences des MSF, démonter l’argumentaire religieux : Non, l’Islam ne prescrit pas l’excision ! Soigner les femmes mutilées et leur proposer une prise en charge spécialisée 1) Il existe des solutions simples tels que les lubrifiants vaginaux pour soulager les douleurs aux rapports. 2) Mentionner la mutilation comme antécédent pathologique dans les courriers aux spécialistes : urologue, gynéco-obstétricien, psychologue, psychiatre 3) Adresser les femmes aux spécialistes de la prise en charge des complications des MSF : douleur, réparation, psychologues, sexologues 4) Proposer la chirurgie réparatrice, en premier lieu pour soigner la femme mais aussi en acte de prévention des excisions : il est important de désigner la mutilation comme responsable des diverses souffrances de la femme et de lui faire savoir que c’est curable ! Une femme « réparéé », soulagée de ses souffrances ne voudra plus les infliger à ses filles ! 97 6) BIBLIOGRAPHIE 1. « Première Journée Humanitaire sur la santé des femmes dans le monde », organisée par GSF, 8.3.2006, dossier de presse. 2. “Mutilée”, le témoignage de Khady Koïta, Editions Pocket, 2005 3. “Pour en finir avec les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES”, colloque de l’Institut Pasteur organisé par le Ministère de la Santé et des Solidarités, 4.12.2006, dossier de presse. 4. « Burkina Faso : un gynécologue congolais « répare » les excisions », interview du Dr Madzou, voir sous www.afrik.com, article 10464 5. « Excision », article de C. Solano et P. Foldès, N° 109 des Réalités en gynécologie-obstétrique, mars 2006. 6. « L’Orgasme et l’Occident, une histoire du plaisir, du XVIe siècle à nos jours » par Robert Muchembled, Editions du Seuil, août 2005 7. « Anatomie opératoire : gynécologie et obstétrique » par Pierre Kamina, éd. Maloine, 2000 8. « Victoire sur l’excision. Pierre Foldès, le chirurgien qui redonne l’espoir aux femmes mutilées » par Hubert Prolongeau, Ed. Albin Michel 2006 9. « L’excision » par Françoise Couchard, collection que sais-je ? PUF 2003 10. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES. Un autre crime contre l’humanité. Connaître, prévenir, agir », supplément au Bulletin de l’Académie nationale de médecine, séance du 10.6.2004, 188, N° 6 11. « Exciseuse », entretien avec Hawa Gréou, réalisé par Natacha Henry et Linda Weil-Curiel, Editions City, 2007. 12. « Femmes assises sur le couteau » par Dr M.H. Franjou et Isabelle Gillette, Editions GAMS, Paris 1995 13. « Nos filles ne seront pas excisées » par le GAMS, ouvr. collectif, 2006 98 14. « Excisions, mutilations sexuelles », dossiers techniques du service de PMI de Seine St. Denis, réunis par Dr E. Piet, Annie Helias, Patricia Iturria, Gisèle Breese, 3 tomes parus en 1990, 1992, 2005. 15. « MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES, les religions sont-elles impliquées ? », document publié par Sabreen Al Rassace, Amnesty international, 2005 16. « Agressions sexuelles, violences à enfants », nouveau code pénal, textes de loi, circulaires, par le Dr E. Piet, médecin départemental des PMI, Seine St. Denis, mai 2007. 17. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES », repères documentaires édité par le Service des Droits des Femmes et de l’Egalité », déc. 2006 18. « MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES en Ile de France, prise en charge et prévention » par Catherine Morbois et Nathalie Nebout, Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité », Préfecture de la Région de l’Ile de France, Paris, 2005. 19. « Pratique des médecins de protection infantile de Seine St. Denis en matière de prévention des MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES », thèse de médecine générale soutenue par Amara Donia, Faculté de médecine « Léonard de Vinci » de Bobigny, 6.7 2006. 20. « L’Excision. Il faut que cela cesse à une génération », mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme d’Etat de sage-femme par D. Blimding , Ecole de sages-femmes de Lyon, promotion 1998-2002. 21. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES » par M.Cl. Soumaré, travail de fin d’études à l’IFSI de Laon, promotion 19972000 22. « La Sage-Femme et les Mutilations Génitales Féminines » par Sandy Grima, Ecole de sages-femmes de Marseille, promotion 20002004 23. « Les Mutilations Génitales », mémoire de sages-femmes par Véronique Galy, UFR de médecine, Paris Ouest, Ecole de sagesfemmes, région Ile de France, Centre hospitalier intercommunal, promotion 1987-1991 24. « Excision », émission de télévision, soirée Théma sur Arte, 6.2.2007 25. « Bouches cousues. Les MUTLATIONS SEXUELLES FEMININES et le milieu médical » par Renée Saurel, Ed. Tierce 1985 99 26. « Des couteaux contre des femmes. De l’excision » par Séverine Auffret, préface de Benoîte Groult, Edition des Femmes, 1983. 27. « Health Care in Europe for Women with Genital Mutilations » par E. Laye, R.-A. Powell, G. Nienhuis, P. Claeys, M. Temmerman, 30.9.2004 28. “Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES » par C. ReySalomon, D. Do Quang, Unité médico-judiciaire d’enfants, Hôpital d’enfants A. Trousseau, 27.10.2004, Archives de Pédiatrie, vol. 12, Issue 3, 2005, p.347-350. 29. « Chirurgie plastique reconstructrice du clitoris après mutilations sexuelles » par P. Foldès, Centre Hospitalier de St. Germain en Laye, Progrès en Urologie, 2004, N° 14, p. 47-50 30. “ Reliability of self reported form of female genital mutilation and WHO classification, cross selectional study “ par S. Elmusharaf, N. Elhadi, L. Almrock, BMJ 2006; 333; 124 (15. July) 31. « Comment l’excision recule au Burkina Faso » par Hubert Prolongeau, Le Monde Diplomatique, août 2006. 32. « Protégeons nos petites filles de l’excision », voir Annexes 33. « Des mutilations sexuelles féminines en France » par Dr E. Piat, Revue Gynécologie Internationale, tome 8, N°5, mai 1999. 34. « Les complications obstétricales des mutilations génitales féminines » par Roger Henrion, La Revue de Praticien Gynécologique et Obstétrique, N° 111, mars 2007. 35. « Etude et propositions sur la pratique des MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES en France », 30.4.2004, Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. 36. « Un chirurgien répare les femmes excisées » par Isabelle Carboneschi, Supplément de « Le Temps », Suisse, 22.03.2005 37. « Mali : pour une loi interdisant les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES », Action femmes, juillet 2004 38. « Résultats de la réparation chirurgicale du clitoris après mutilation sexuelle : 453 cas », par P. Foldès et C. Louis-Sylvestre, 15.5.2006, Gynécologie, obstétrique et fertilité, 34, 1137-1141 39. « Il faut mettre fin aux mutilations génitales féminines », communiqué de presse de l’UNICEF, « La situation des femmes et des 100 filles, faits et chiffres », 6.2.2005 40. « Mutilations génitales féminines », aide mémoire N° 241 de l’Organisation Mondiale de la Santé, Genève 2000. 41. « Mutilations sexuelles féminines », déclaration commune OMS/ UNICEF/ FNUAP, Genève 1997. 42. « Feminal Genital Mutilation, an overview », OMS, Genève 1998. 101 7) ANNEXES ANNEXE 1 102 ANNEXE 2 (RECTO) 103 ANNEXE 2 (VERSO) 104 105 ANNEXE 3 106 107 108 109 110 111 112 113 ANNEXE 4 RECTO 114 ANNEXE 4 VERSO 115 RESUME En Ile - de - France 19000 femmes et fillettes seraient excisées ou à risque de l’être. Pourtant ce sujet n’est pas abordé lors de nos études médicales. J’ai voulu savoir quelles étaient les attitudes et connaissances des médecins généralistes vis – à - vis des mutilations sexuelles féminines. Sont-ils confrontés aux femmes mutilées ? S’occupent- ils de la prévention de l’excision des jeunes filles ? Saventils prendre en charge les femmes mutilées ? Pour répondre à ces questions j’ai fait une étude par questionnaire anonyme que j’ai envoyé aux généralistes des 12e, 18e, 19e et 20e arrondissements parisiens. Il en ressort que les médecins ayant répondu ont de bonnes connaissances et sont sensibilisé sur ce sujet mais qu’ils ne sont pas suffisamment vigilant quant aux risques de mutilation ni ne prennent suffisamment en charge les femmes mutilées. En fin de thèse, je donne quelques propositions simples pour améliorer le dépistage et la prévention des MSF et de leurs complications. J’insiste aussi sur la nécessité d’enfin intégrer ce sujet dans nos études de médecine. MOTS CLES - excision (ethnologie) - - prévention mutilations sexuelles excision (ethnologie) - - dépistage médecins généralistes clitoris - -chirurgie 116