Dépistage et prévention des mutilations sexuelles féminines

Transcription

Dépistage et prévention des mutilations sexuelles féminines
UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE
(PARIS 6)
FACULTE DE MEDECINE SAINT ANTOINE
ANNEE 2007
N°2007PA06G057
THESE
POUR LE
DOCTORAT EN MEDECINE
MEDECINE GENERALE
PAR
Mme WEHENKEL Milena
Née le 13/05/1975 à Luxembourg
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 30/10/2007
DEPISTAGE ET PREVENTION
DES MUTILATIONS
SEXUELLES FEMININES ET
DE LEURS COMPLICATIONS
EN MEDECINE GENERALE
DIRECTEUR DE THESE : DR CASTANEDO GERALD
PRESIDENT DE THESE : PR BENIFLA JEAN - LOUIS
1
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier le Pr Benifla, le Pr Grimprel, le Pr
Perretti, le Dr Ndiaye-Antonetti et le Dr Castanedo pour avoir accepté de
faire partie de mon jury et de me sacrifier un peu de leur précieux
temps.
Je remercie mille fois le Dr Piet et Mme Rivera pour leur accueil
chaleureux, leurs paroles encourageantes et leur aide qui m’ont été d’un
grand secours.
Merci Gérald d’avoir été mon directeur de thèse et surtout de m’avoir
appris les rudiments de notre beau métier qu’est la médecine générale.
Tout mon amour à mes parents qui ont relu et corrigé cette thèse et qui
m’ont toujours soutenue pendant ces longues années d’études.
J’embrasse très fort mes deux chères amies Sonia et Isa, l’une pour
m’avoir « relooké » mes schémas, l’autre pour m’avoir initiée aux joies
d’Excel et compagnie et pour ses bons conseils sans lesquels je n’aurais
jamais fini cette thèse.
Merci aussi à Remy pour la mise en page du questionnaire et à Paule
pour ses encouragements et son aide à la saisie.
Merci au GAMS pour m’avoir permis de consulter sa bibliographie.
Merci à tous ceux qui m’ont poussée à bosser et qui m’ont soutenue par
leur amitié : Céline, Mous, Henri, Caro, Elsa, Olivier, Francine,
Jacqueline, Eddie, Bénédicte, la famille Casals et mes deux futurs
associés Deyan et Paul.
A Nagnouma ...
2
»La description de ce corps mutilé fait appel à mon
corps qu'on mutile, à mon corps qu'on écorche ... Ce
qui est ressenti n'est pas seulement un sentiment
moral, pas seulement la pitié, la révolte,
l’indignation.
Non, c'est mon corps qui sursaute, résiste, repousse
ce qui s'attaque à son désir, à sa jouissance, à ses
images.
Mon corps, ton corps, mutilés.
Toi, moi, pareilles, courant le même risque. Moi, toi
dans le corps violées, ton sang, mon sang mêlés. Le
corps aurait-il son mot à dire?
Il renâcle, il exprime, il parle. Mon corps hystérique.
Mon corps de femme....Pas d'arme, pas de parole
adéquate. Sur le corps des femmes, sur leur sexe
tranché, néant....La réalité serait-elle indécente à
l'univers des idées?"
Séverine Auffret dans " Des couteaux contre des
femmes"
3
1) INTRODUCTION…………………………………….. 6
2) LES MUTILATIONS SEXUELLES FEMININES
2.1 BREF APERCU HISTORIQUE …………………………………......... 8
2.2 LA POSITION DES RELIGIONS ……………………………………… 10
2.3 LA JUSTIFICATION IDEOLOGIQUE ………………………………… 13
2.4 LA REPARTITION GEOGRAPHIQUE ………………………………… 15
2.5 LA TERMINOLOGIE UTILISEE ………………………………………. 21
2.6 L’ANATOMIE DES ORGANES GENITAUX EXTERNES ……….. 22
2.7 LES DIFFERENTS TYPES DE MUTILATIONS
SEXUELLES FEMININES ……………………………………………….. 31
2.8 LES AUTEURS DES MUTILATIONS ……………………………….. 32
2.9 LES COMPLICATIONS ………………………………………………… 34
2.10 LA MEDICALISATION ……………………………………………….. 37
2.11 LE CADRE LEGISLATIF …………………………………………….. 38
2.12 LA PREVENTION ………………………………………………………. 45
2.13 LA CHIRURGIE REPARATRICE …………………………………….. 59
3) L’ENQUETE
3.1 QUESTIONS ET OBJECTIFS ………………………………………… 62
3.2 METHODE ……………………………………………………………….. 62
3.3 RESULTATS ………………………………………………………………. 65
3.4 ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS ……………………. 87
3.5 CRITIQUE ………………………………………………………………….. 93
4) CONCLUSION ……………………………………… 95
5) PROPOSITIONS................................................96
6) BIBLIOGRAPHIE …………………………………. 98
7) ANNEXES …………………………………………. 102
4
Petit lexique des abréviations utilisées:
PMI: protection maternelle et infantile
ONU: organisation des nations unies
GAMS: groupe pour l’abolition des mutilations
sexuelles et autres
pratiques néfastes à la santé des femmes et des enfants
MFPF: mouvement français pour le planning familial
OGE: organes génitaux externes
MGF: mutilations génitales féminines
MSF: mutilations sexuelles féminines
OMS: organisation mondiale de la santé
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1) INTRODUCTION
Les mutilations sexuelles féminines: 100 à 140 millions de femmes et
fillettes dans le monde, un tiers de la population africaine, une femme
excisée toutes les quatre minutes; en France, 65000 femmes et
fillettes seraient concernées dont 19000 uniquement en Ile- DeFrance...
A côté de cela, tout au long de mes études de médecines où on m'a
appris à reconnaître et soigner les pathologies courantes mais aussi
les maladies rares, pas un seul cours sur les mutilations sexuelles
féminines. Aucun mot dans les livres de médecine les plus utilisés en
gynécologie et en pédiatrie pour nous enseigner cette pathologie
induite par l'homme et pour nous aider à soigner les femmes qui en
sont victimes et à protéger les fillettes encore intactes ...
Lors de nos cours d'anatomie, on "oublie" de nous enseigner
l'anatomie exacte du clitoris et sa physiologie alors que tout étudiant
en médecine saura décrire la verge et son fonctionnement. On nous
apprend à prendre en charge les problèmes érectiles et sexuels
masculins mais le plaisir féminin et ses pathologies sont absent de
nos cours.
Ma première confrontation à des femmes excisées s'est faite lors de
mes stages d'externe puis d'interne généraliste en gynécologie à
l'hôpital Tenon, à Paris. Tous les jours je voyais et examinais des
femmes africaines, il me semblait bien que leurs vulves n'étaient pas
comme celles des femmes européennes, mais jamais aucun de mes
chefs ne m'a expliqué en quoi elles étaient différentes, il n'y a jamais
eu ni staff ni cours sur les mutilations sexuelles féminines. Un jour
une jeune femme africaine se présente aux urgences pour savoir où
elle pourrait se faire reconstruire. J'étais incapable de l'informer, mes
collègues internes en gynéco, mes chefs et les infirmières de même.
Seule une sage femme a su me retrouver les coordonnées du GAMS
par internet pour les remettre à cette femme. A l'époque j'avais une
externe qui était très sensibilisée au sujet et qui m'a appris beaucoup
et m'a ouvert les yeux. J'ai ensuite eu des discussions avec une amie
de mon frère, jeune femme d'origine malienne, étudiante en
psychologie et excisée en France, bébé, dans les années 80. Elle
voulait se faire reconstruire et avait pris rendez-vous avec le Dr
Foldès.
C'est ainsi qu'à pris forme l'idée d'une thèse sur ce sujet. Cette thèse
n'a pas la prétention d‘être exhaustive, je voudrais qu'elle soit un de
ces grains de sable qui participent à la lutte pour l'abolition des
mutilations sexuelles féminines en montrant d'un côté que les
mutilations sexuelles ne sont pas qu'un problème de femme africaine
mais que l'idéologie qui a conduit à ces pratiques horribles ne nous
6
est pas si étrangère que ça et d'un autre côté essayer de faire un état
des lieux concernant les connaissances et attitudes des généralistes
sur ce sujet.
J'ai voulu m'informer, regrouper des informations pour en faire
bénéficier les autres, et savoir pourquoi ce sujet était passé sous
silence lors de nos études. Par mon étude, j'ai essayé de répondre à
quelques questions simples. J'ai voulu savoir si les généralistes sont
confrontés à des femmes mutilées, s'ils recherchent la mutilation chez
les femmes potentiellement concernées, où en sont leurs
connaissances à ce sujet, seraient ils prêts à s'en occuper, savent-ils
prendre en charge et orienter vers des spécialistes ces femmes et
surtout sont-il assez vigilants concernant les fillettes à risque et
connaissent-ils la démarche à suivre si l'une de leurs petites patientes
doit se faire exciser?
En tant que médecins généralistes, nous nous retrouvons souvent en
première ligne pour dépister et soigner toutes sortes de maux mais
nous passons certainement à côté des nombreuses souffrances et
pathologies induites par l'excision.
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2) LES MUTILATIONS SEXUELLES
FEMININES
2.1Bref aperçu historique6, 8, 9, 14, 23, 25, 26, 27
L’origine exacte des MSF est inconnue mais elles semblent exister
depuis les débuts de l’humanité. Pour certains l’Egypte ancienne
serait le berceau des mutilations génitales dès 5000 -6000 avant notre
ère et elles se seraient ensuite répandues en Afrique et au Moyen
Orient. L’infibulation, la mutilation la plus radicale, est encore appelée
« excision pharaonique ».
L’excision aurait aussi été d’usage courant durant toute la
protohistoire (histoire des premières civilisations utilisant le métal
sans avoir de tradition écrite). La découverte de deux momies
féminines présentant des cicatrices génitales évocatrices d’infibulation
en 1915 et en 1920 dans les tourbières d’Allemagne du Nord semble
confirmer cette hypothèse.
La première mention écrite d’excisions se retrouve dans un texte
d’Hérodote (484 -425 avant notre ère) intitulé « L’enquête » et l’auteur
y évoque le fait qu’Egyptiens, Ethiopiens, Colchidiens et Phéniciens
effectuaient des infibulations. L’excision est aussi évoquée dans des
papyrus datant de l’époque des Ptolémées (Égypte, 3e siècle avant
notre ère ; 15e papyrus grec du British Museum). Des textes gréco byzantins montrent que l’infibulation féminine était une coutume très
répandue au Moyen Orient qui se serait ensuite généralisée en Arabie
à l’époque pré-islamique. Pour les médecins gréco-byzantins l’excision
évite l’infidélité et la masturbation et maintient les femmes chastes et
soumises.
Dans la Rome Antique, les esclaves de sexe féminin portaient un ou
plusieurs anneaux passant à travers des grandes lèvres pour les
empêcher d’avoir des rapports sexuels. Parfois ces anneaux étaient
reliés entre eux par un cadenas. Les esclaves masculins, dont les
célèbres gladiateurs, avaient le prépuce transpercé par une agrafe en
forme d’anneau. Leurs maîtres voulaient éviter ainsi qu’ils gaspillent
leur énergie avec les femmes. L’étymologie du mot infibulation
viendrait du mot latin « fibula » qui désigne une agrafe.
L’argument esthétique pour justifier les mutilations génitales
féminines apparaît très tôt. Soranos, médecin grec exerçant à Rome et
à Alexandrie sous le règne de l’empereur Trajan (53-117 avant notre
ère), considérait que la vulve était une difformité honteuse qu’il fallait
8
éradiquer au scalpel. Avicenne, célèbre médecin arabo-andalous (9801037), décrivait le clitoris comme une proéminence devant être
corrigée par la chirurgie.
Un théologien du Moyen Age, disciple d’Avicenne, Albert le Grand
(1200 -1280) préconise l’excision parce que le clitoris représente une
tentation conduisant les femmes à toutes sortes d’excès sexuels dont
la masturbation jusqu’à syncope. Ambroise Paré (1515 - 1590),
chirurgien des rois de France, exprime sa crainte que des organes
génitaux externes féminins surdéveloppés puissent gêner le travail de
l’organe mâle lors du coît. En 1698 le médecin De Launay attribue la
responsabilité des habitudes saphiques de certaines femmes à des
clitoris tellement hypertrophiés qu’ils pourraient remplacer l’organe
sexuel masculin et engrosser d’autres femmes.
En Afrique le premier témoignage écrit concernant l’excision remonte
à 1606, mais la pratique remonte certainement à l’époque
préislamique.
Au 18e siècle, le chirurgien français Dionis effectuait sur demande
des maris des résections clitoridiennes pour faire de leurs épouses des
« femmes de devoir ». Une secte russe, les Skoptzy, apparue au 18e
siècle, pratiquait des mutilations sexuelles sur les deux sexes :
castration pour les hommes, clitoridectomie et mastectomie uni- ou
bilatérale pour les femmes.
Au 19e siècle, le Dr Isaac Baker Brown, chirurgien et gynécologue, fut
exclu de la société d’obstétrique de Londres pour avoir pratiqué plus
de 50 excisions. Il était persuadé que l’hystérie et d’autres maladies
mentales étaient causées par la masturbation. Dans son ouvrage « On
the curability of certain forms of insanity, epilepsy, catalepsy and
hysteria in females », il recommande la clitoridectomie pour le
traitement de ces maux.
En France, Vidal De Cassis utilise l’infibulation pour la cure de
fistules vésico-vaginales. Lors d’un débat de la société de chirurgie de
Paris en janvier 1864 l’illustre Broca signale avoir infibulé (sans
clitoridectomie) une fillette de 5 ans pour la guérir de sa
« nymphomanie ». Un de ses collègues voulait exciser la petite ce qui
lui avait semblé trop radical. En 1900, le Dr Pouillet recommandait la
cautérisation des parties génitales sensibles pour les jeunes filles
enclines à se manueliser. En Angleterre, à la même époque,
l’infibulation est utilisée pour traiter la masturbation chez les garçons.
En France et en Angleterre, clitoridectomies, cautérisations génitales,
infibulations, ovariectomies et hystérectomies sont réalisées jusque
dans les années 1920 pour « lutter contre le vice masturbatoire,
l’hystérie et autres désordres mentaux ». Ce n’est que vers 1930 que
les obstétriciens cesseront de recommander ces opérations. Aux Etats
9
- Unis, l’ « Orificial Surgery Society » plaide pour l’ablation du clitoris
car « le diable y loge ». Aux U.S.A. les excisions prennent fin en 1925,
et la dernière clitoridectomie recensée en Europe est celle d’une petite
anglaise de 5 ans, en 1948.
Néanmoins, en Occident, des actes pouvant être classés parmi les
MSF continuent à exister. En 1978, un gynécologue de Dayton, Ohio,
le Dr James C. Burt, propose comme traitement de la frigidité une
opération qui consiste à sectionner le muscle pubo-coccygien, à
réduire le capuchon clitoridien et à resserrer l’orifice vaginal, ceci
pour restructurer le vagin afin que la verge en érection vienne
directement stimuler le clitoris. La circoncision du clitoris est réalisée
depuis 1950 aux Etats Unis, par des chirurgiens plastiques, pour
augmenter les capacités orgasmiques de la patiente. Actuellement,
une mode américaine est en train de se répandre en Europe. Certaines
femmes, jugeant leurs organes génitaux externes inesthétiques,
recourent à des chirurgiens pour se faire réduire les grandes ou
petites lèvres, voire le capuchon clitoridien. Paradoxalement, certains
chirurgiens qui réparent des femmes africaines excisées pour des
raisons « coutumières » vont modifier l’aspect des organes génitaux
externes de femmes européennes, cette fois-ci pour des raisons
d’esthétique (par exemple le chirurgien munichois Dr Schaff)
2.2 La position des religions
15, 8, 9
Les MSF ont été faites tout au long de l’histoire de l’humanité, et on
peut en retrouver un peu partout dans le monde. Néanmoins, de nos
jours, elles sont majoritairement pratiquées en Afrique Noire et en
Égypte. Elles se pratiquent dans ces pays aussi bien chez les
musulmans que chez les juifs, chrétiens ou animistes.
JUDAISME
Les juifs de l’ancienne Abyssinie, l’actuelle Ethiopie, les avaient
comme coutume. Leur émigration massive en Israël vers 1970 les y a
fait renoncer. Les coptes égyptiens comme les chrétiens africains
continuent à mutiler leurs filles.
CHRISTIANISME
L’Eglise catholique était traditionnellement opposée aux MSF, toute
modification du corps de l’être humain étant un péché vis - à - vis de
l’œuvre créatrice de Dieu. Cependant, lors de la colonisation, les MSF
ne font pas polémique en Europe. En effet l’Eglise préférait ne pas
risquer de perdre ses nouveaux convertis en Afrique. Au 18e siècle
certains missionnaires jésuites s’attaqueront au problème en essayant
d’interdire les MSF chez leurs ouailles. Ils échouent, non seulement
les hommes refusent d’épouser les femmes indemnes, mais en plus
l’Eglise perd de nombreux membres. Le Vatican décide de « préférer
10
les âmes aux organes sexuels » et avalise les mutilations en tant que
pratique médicalement nécessaire vu « l’hypertrophie des sexes des
négresses ».
Au début du 20e siècle, à l’initiative des Eglises anglicanes et de
mouvements de missionnaires, de nouvelles oppositions contre les
MSF se forment en Afrique, en particulier au Kenya et au Nigeria. En
1929 le pouvoir colonial britannique interdit au Kenya la polygamie et
l’excision. Jomo Kenyatta, leader politique issu de l’ethnie gikuyu,
prend position en faveur de l’excision. La lutte contre l’excision est à
ce moment-là assimilé à l’appareil colonial d’oppression et elle est
perçue comme un outil de destruction de la culture africaine. En 1948
il prend la tête de la révolte des Mau-Mau, mouvement révolutionnaire
et nationaliste. En 1964 il sera le premier président du Kenya
indépendant. Pour une longue durée la lutte contre l’excision sera
considérée comme une ingérence intolérable de l’Occident même par
certains mouvements féministes africains.
ISLAM
L’Islam est né en Arabie et son prophète, Mahomet, est né à la Mecque
et mort à Médine en 632. Le Coran, le livre sacré des musulmans,
compte 144 chapitres appelés sourates dans lesquels on ne retrouve
aucune mention des MSF. A côté du Coran existent les recueils de la
Sunna (tradition en arabe), qui comportent les paroles et gestes de
Mahomet ou hadiths, et ces recueils sont complétés par les fatwa, avis
écrits ou oraux, émis par des autorités religieuses. Les fatwa
indiquent le comportement à suivre pour se conformer à la volonté
divine. Selon les défenseurs des MSF, certains hadiths rapporteraient
une discussion entre Mahomet et une exciseuse. Le prophète aurait
dit à cette dernière: « Si tu coupes, n’exagères pas car cela rend plus
rayonnant le visage et c’est plus agréable pour le mari ». Il aurait aussi
prétendu que l’excision est le mérite des filles et qu’elle les embellit.
Ces hadiths sont cependant considérés comme dhaif, c'est-à-dire que
leur authenticité est jugée faible et aucune prescription religieuse
n’oblige les musulmans à exciser leurs filles.
Nombreux sont les érudits religieux musulmans condamnant les
MSF : au Sénégal, l’Association Nationale des Imams et Oulémas
Sénégalais (ANIOS), au Soudan, le docteur en droit musulman Ali
Hashim Al Siraj, en Somalie, au Mali, au Burkina Faso, en Érythrée,
en Éthiopie beaucoup de leaders religieux prennent une part active à
la lutte contre les MSF. Le Dr Taha Ba’asher, conseiller régional de
l’OMS, écrit sur l’excision: « Il est remarquable de constater que cette
coutume n’est plus observée dans d’importants pays arabes tels que
l’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam et centre des Terres Saintes (…)
Une partie de la confusion qui est apparue au sujet de l’interprétation
religieuse provient sans doute de la généralisation à la femme de la
circoncision masculine. »
11
Le mufti du Soudan indiquait déjà clairement en 1946 que les mots
« embellissement, recommandable, préférable » n’impliquaient pas une
obligation. Par contre infliger une souffrance ou une blessure à autrui
est en contradiction avec les principes de l’Islam. En octobre 1979,
lors d’un séminaire organisé par le Planning Familial au Caire, une
commission de chefs religieux a souligné l’absence de fondement
religieux à cette coutume.
Cependant la controverse reste vive et l’exemple de l’Egypte qui abrite
l’université Al Azhar, haute autorité religieuse, illustre bien l’ambiguïté
des dirigeants religieux musulmans par rapport à ce sujet. L’imam
d’Al Azhar, le cheikh Mohammed Sayyed Tantawi et son prédécesseur
Mahmoud Shaltout se sont opposés à l’excision. Le Conseil d’ Etat
égyptien a motivé son décret de 1997 contre l’excision par des
références religieuses claires. Plusieurs personnalités importantes de
la Confrérie des Frères Musulmans se sont prononcées contre
l’excision alors que d’autres membres tout aussi connus prônent la
modération.
Le mufti Nasr Farid Wassal reste par contre prudent: « La Sunna
n’exige pas plus l’excision qu’elle ne l’interdit. L’Islam laisse décider
les personnes compétentes en la matière, c.à.d. les médecins. » Le Dr
Ahmed Suleiman de l’Université du Caire défend l’excision car « elle
est source de pudeur, d’honneur et d’équilibre psychologique. » Le Dr
Mohammed Abou Leila, conférencier en recherche islamique à Al
Azhar, estime « que le prophète a confirmé cette coutume, dont nous
avons hérité en tant que musulmans. »
En ce qui concerne les MSF, la confusion entre coutume et préceptes
religieux est évidente, surtout dans les régions rurales et pauvres où
l’ignorance est encore grande. Cette coutume ancestrale a été
transmise de génération en génération et a fini par être assimilé à tort
aux commandements du prophète Mahomet. Les défenseurs de ces
pratiques considèrent que tout ce qui n’est pas expressément interdit
est permis, surtout que l’excision existe depuis longtemps dans les
pays concernés et fait partie de la tradition. Cependant le droit
musulman autorise de mettre fin à une coutume basée sur l’ignorance
quelle que soit sa forme ou sa justification.
En novembre 2005 s’est tenu à Rabat, au Maroc, une conférence
islamique des ministres chargés de l’enfance, organisée conjointement
avec l’organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la
culture (ISESCO), l’UNICEF, et l’organisation de la conférence
islamique. Plus de 20 organisations arabes et islamiques et 50
ministres chargés de l’enfance de pays musulmans étaient
représentés. L’élimination de certaines pratiques traditionnelles
néfastes souvent associées à tort à l’Islam comme les mariages
précoces, les MSF, la discrimination des filles dans l’éducation, étaient
12
à l’ordre du jour. A l’issue de cette conférence, une déclaration
prônant la fin de ces pratiques a été adoptée.
Le Comité Inter-Africain de lutte contre les pratiques traditionnelles
néfastes aux femmes et aux enfants estime que la religion est souvent
utilisée à mauvais escient et par commodité pour justifier les
mutilations génitales féminines. Lors d’un symposium de leaders
religieux qui s’est tenu en Gambie en 1998, ces derniers ont affirmé
que ni l’Islam ni le Christianisme ne permettent la destruction de tout
organe humain en bonne santé.
Les MSF sont une forme de violence particulièrement brutale, dont
l’apparition précède de loin le Christianisme et l’Islam. Elles sont un
des nombreux exemples de détournement des principes religieux pour
servir les intérêts machistes et soumettre la femme.
2.3 La justification idéologique
2, 9, 8,14
- la justification religieuse :
L’excision est une pratique antérieure à l’Islam transmise de
génération en génération et considérée comme une pratique courante
musulmane faisant partie de la tradition musulmane, qui, même si
elle n’est pas obligatoire, est fortement recommandée.
(cf chapitre religion)
- la prophylaxie
Les arguments à visée prophylactique sont des préceptes moraux
imbriqués à des préjugés d’ordre esthétique. Ils reposent sur une
vieille croyance selon laquelle le sexe féminin, béant et fait de replis,
serait plus réceptif aux microbes et aux saletés. La décence des
organes génitaux féminins, où rien ne doit pendre ni dépasser, serait
valorisée.
L’excision serait donc une mesure d’hygiène protégeant la femme
d’éventuelles infections génitales et elle éviterait la formation d’odeurs
nauséabondes prétendument sécrétées par les vulves à « l’état
sauvage ». Elle embellirait aussi la femme en la débarrassant des
« laides » proéminences tels que le clitoris et les lèvres
-le renoncement à l’androgynie et à la bisexualité primitives
Une fille, pour devenir une femme complète, doit renoncer à ce qui
rappelle en elle des vestiges de l’autre sexe. C’est le cas du clitoris
considéré comme un pénis atrophié, dressé comme une petite épée à
l’entrée du vagin et qui pourrait gêner les rapports sexuels avec
l’homme, voire même blesser ou tuer le futur enfant lors de son
passage par la filière génitale. Le clitoris devra donc être coupé pour
qu’il ne se dresse pas en rival devant la verge et pour favoriser la
13
fertilité.
En somme, en pratiquant l’excision et l’infibulation, les cultures
répondent aux interrogations et aux fantasmes infantiles de la fille Suis-je une fille? Comment devenir une femme? - en privilégiant la
réalité sur les fantasmes et en la confirmant dans la castration.
L’argument de fertilité justifiant l’excision est donc fondé sur la
nécessité de renforcer le rôle féminin de la femme en gommant en elle
tout reliquat de masculinité et toute nostalgie des pouvoirs afférents
au masculin.
- l’argument en faveur de la protection de la virginité
La première motivation évoquée pour légitimer l’excision et
l’infibulation est le souci de s’assurer de la virginité de la fille en
excisant ses organes sexuels et en cousant son sexe. La sacralisation
de la virginité est un processus psychique quasi-universel.
L’infibulation est considérée par ceux qui la pratiquant comme la
meilleure garantie des filles contre toute approche masculine et aussi
un moyen de leur garder la liberté, voire d’être protégées des viols
pour les femmes gardant des troupeaux loin de leurs villages.
Si l’excision ne rend pas le sexe féminin impénétrable au sexe mâle,
les modèles et paroles maternelles l’accompagnant instillent chez les
filles la croyance que son sexe est vulnérable et en permanence
menacé mais que l’excision le protège: « l’excision vous aidera à vous
préserver contre les garçons »
-la mainmise sur la sexualité féminine
Un argument rarement évoqué mais sous-jacent aux interventions sur
le sexe féminin a toujours été le contrôle des pulsions sexuelles de la
femme, car derrière la multiplicité des raisons ou rationalisations pour
justifier les MSF, prévaut le fantasme que la femme est un être
dangereux pour l’homme et l’ordre masculin, dangereuse par la force
de ses pulsions et par son absence de contrôle.
En imposant une mainmise sur le corps féminin, l’homme a d’abord
vu en elle la pourvoyeuse de progéniture garantissant la perpétuation
de l’espèce. L’excision comme l’infibulation sont des moyens de
contrôle et de répression des pulsions féminines jugées insatiables.
Derrière ce contrôle a toujours percé l’angoisse de l’homme devant les
incertitudes de sa paternité. Par ailleurs, la femme, en investissant le
clitoris, organe le plus accessible à la caresse solitaire, risque de
détourner son intérêt pour le vagin et donc devenir une mauvaise
partenaire, difficile à satisfaire, et qui n’aura pas suffisamment investi
son vagin, organe de reproduction la préparant à son futur rôle de
mère.
14
Les coutumes qui prônent l’excision ont donc pour but non-avoué de
brider cette autonomie de la jouissance féminine, « si prête à se
transformer en folie ou en délire » et si redoutable pour l’ordre
patriarcal.
Une femme intacte est considérée comme une prostituée, une femme
de petite vertu et elle sera la plupart du temps dans l’impossibilité de
se trouver un mari.
2.4 La répartition géographique
D’après un rapport de l’UNICEF de 2005, 100 à 140 millions de
femmes et de fillettes ont été mutilées dans le monde, soit 1/3 de la
population africaine. Chaque année 3 millions de fillettes risquent de
l’être.
- Afrique10 : (figure 1)
28 pays d’Afrique pratiquent les MSF avec des taux de prévalence
allant de 5 à 98%, pouvant être extrêmement variable à l’intérieur
d’un même pays, en fonction des ethnies, du lieu de résidence (milieu
rural ou urbain) et du niveau socio-éducatif.
Les pays africains suivants sont concernés :
Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République de Centrafrique, Côte
d’Ivoire, Guinée Conakry , Guinée Bissau, Djibouti, Egypte, Erythrée,
Ethiopie, Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger,
Nigeria, Ouganda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tanzanie,
Tchad, Togo, République démocratique du Congo.
Il semblerait que l’infibulation soit pratiquée uniquement en Afrique.
15
FIGURE 1
16
Prévalence des MSF dans les pays concernés
PAYS
Bénin
Burkina Faso
Centrafrique
Côte d'Ivoire
Egypte
Ethiopie
Erythree
Guinée Conakry
Guinée Bissau
Kenya
Mali
Mauritanie
Niger
Nigeria
Somalie
Soudan
Tanzanie
Togo
Tchad
Gambie
Ghana
Libéria
Sénégal
Sierra Léone
Cameroun
RDC
Djibouti
Ouganda
PREVALENCE
17%
77%
43%
45%
96%
80%
89%
96%
50%
32%
92%
71%
2%
19%
98 -100%
89%
15%
12%
45%
80%
5%
60%
28%
90%
15-45% (selon l'ethnie)
5%
98(86%infibulations,12%autres
types)
5%
SOURCE/ANNEE
DHS/2001
DHS/2003
DHS/1994,1995
DHS/1998,1999
DHS/2005
DHS/2000
DHS/2002
DHS/2005
OMS
DHS/2003
DHS/2001
DHS/2000,2001
DHS/2006
DHS/2003
DHS/1982,1993
DHS/1989,1990
DHS/2004,2005
DHS,OMS/1996
DHS/2004
OMS/1985
DHS/2003
DHS/1984
DHS/2005
UNICEF/1997
DHS/2004
UNICEF
UNICEF
OMS
17
Péninsule arabique10 :
Concernant les MSF de type 2, elles existent dans la péninsule
arabique avec une prévalence de 23% au Yémen (DHS 97).
L’infibulation y est pratiquée par les immigrés somaliens. Les MSF se
font aussi dans la Tihama (région littorale de la Mer Rouge),
l’Hadramaout (région du golfe d’Aden), localement à Lahj, Aden et
Abyan, dans la région du Dhofar (sultanat d’Oman), dans l’archipel de
Bahrein et dans les Emirats Arabes Unis.
Elles existeraient aussi dans la région sud-ouest d’Arabie Saoudite.
Asie10 :
Les MSF se retrouvent en Malaisie, parmi les Malais de Singapour et
d’Australie, en Indonésie et seraient aussi pratiquées par certaines
sectes en Inde et au Pakistan.
Récemment a été découvert un foyer jusqu’alors inconnu, le Kurdistan
Irakien1, et se pose donc la question d’existence de MSF chez d’autres
populations Kurdes mais il n’existe encore aucune étude à ce sujet.
Néanmoins les MSF sont nettement moins répandues en Asie qu’en
Afrique, la plupart du temps il s’agit de mutilations très limitées,
quasi symboliques, et elles seraient en nette régression, surtout en
Inde.
Amérique du sud10 :
Il existerait des excisions chez certaines tribus d’Indiens en Amazonie,
au Pérou, au Brésil, en Colombie et au Mexique.
Australie, Etats-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande10:
Les MSF se retrouvent parmi les ressortissants immigrés de pays les
pratiquant.
Europe
10,14
:
Les populations ayant les MSF comme coutume continuent à les
reproduire dans leurs pays d’accueil, notamment en France, en
Belgique, en Italie , en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suisse, au
Danemark et en Suède.
On estime à 160 000-240 000 le nombre de femmes et fillettes
mutilées ou menacées de l’être pour l’ensemble des pays de l’Union
Européenne. La France est en tête de ces pays, suivie par l’Italie,
l’Allemagne et le Royaume Uni.
18
Situation en France17,18 : (figure 2)
Au premier janvier 2002, une étude réalisée par le GAMS évaluait à
30.000 les femmes et à 35.000 les fillettes et adolescentes mutilées
ou menacées de l‘être. On en vient donc à un chiffre de 65.000
femmes concernées en France !
Les départements les plus concernés sont ceux d’Ile- de - France,
suivis des Bouches du Rhône, de l’Eure, du Nord, de l’Oise, du Rhône
de la Seine Maritime et de la région PACA. Au 01/01/2OO2,
uniquement en Ile- de -France, 19.000 jeunes filles étaient excisées ou
menacées de l’être. Ces chiffres sous-estiment certainement l’ampleur
du problème, la réalisation de statistiques fiables étant très difficile.
Les populations qui excisent le plus en France sont surtout les
Maliens (Dogons, Malinkés, Bambaras) et les Sénégalais (Toucouleurs,
Peuls), cependant on peut aussi rencontrer des femmes mutilées
originaires des pays suivants: Cameroun, Egypte, Mauritanie,
Tanzanie, Guinée, Sierra -Léone, Niger, Nigeria (les Yorabas, Ibos,
Hausas), République Centrafricaine, Gambie, Somalie (les Midgaans),
Burkina-Faso (les Gourmanthes de Haute - Volta), Ouganda (les
Gusiis), Tchad (les Saras), Côte d’Ivoire (les Oubis), Kenya (les
Kikuyus).
Il y a peu de femmes infibulées en France et elles sont majoritairement
originaires de pays comme la Somalie, le Soudan, le Mali, le Sud de
l’Égypte, l’Éthiopie, le Nord du Kenya et le Nigeria.
.
19
FIGURE 2
20
2.5 La terminologie utilisée
La conférence régionale du Comité Inter -Africain a adopté en 1990 le
terme de mutilations génitales féminines (MGF) pour désigner toute
pratique non thérapeutique consistant à enlever partiellement ou
totalement certaines parties des OGE (organes génitaux externes)
féminins.
L’Académie Nationale de Médecine en France adopte en mai 2004 le
terme de mutilations sexuelles féminines (MSF), effectivement, les
MGF mutilant non seulement l’appareil génital féminin mais aussi la
sexualité de ces femmes, avec des répercussions loco -régionales mais
aussi psycho -sexuelles.
Le terme « excision » est plus utilisé pour désigner la clitoridectomie
seule.
Définition (selon l’OMS40)
Les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les
interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes
génitaux externes de la femme où les lésions de ces organes sont
pratiquées pour des raisons religieuses ou culturelles ou pour toute
autre raison, non thérapeutique.
Pour certains les MSF sont aussi désignées par le terme erroné de
« circoncision féminine ».
21
2.6 L’anatomie des organes génitaux externes de
la femme7
La vulve est un organe étendu, situé en grande partie entre les
cuisses. Elle comprend le mont du pubis, les grandes et petites lèvres,
le vestibule, les corps érectiles et les glandes vulvaires (figure 3).
Mont du pubis
C’est une saillie arrondie, triangulaire à sommet inférieur, située
devant la symphyse pubienne et limitée latéralement par les plis
inguinaux. Recouvert de poils, il se compose essentiellement d’une
couche cellulo - adipeuse de 35 mm d’épaisseur en continuité avec
celle de l’abdomen et des grandes lèvres. Les fibres terminales des
ligaments ronds de l’utérus s’y perdent ainsi que dans les grandes
lèvres.
Lèvres vulvaires
Grandes lèvres
Elles limitent la fente vulvaire. Elles ont une épaisseur de 2 cm
environ, augmentant avec l’obésité. Leur face externe, plus foncée et
poilue, est limitée latéralement par le sillon génito-fémoral. Leur face
interne, rosée, lisse et humide, est glabre dans sa partie profonde et
parsemée de quelques poils follets dans la partie marginale.
Leurs extrémités se réunissent pour former en avant la commissure
antérieure et en arrière la commissure postérieure, distante de l’anus
de 2,5 cm environ. La fossette vestibulaire déprime la surface de la
commissure postérieure.
Les grandes lèvres sont formées d’un revêtement cutané pourvu de
fibres musculaires lisses ou dartos labial et du corps adipeux labial.
C’est une formation fibro-graisseuse riche en vaisseaux et un organe
semi-érectile renforcé par les fibres élastiques qui l’amarrent au fascia
criblé, au prépuce du clitoris et au centre tendineux du périnée.
Petites lèvres
Elles limitent le vestibule et sont épaisses de 3mm environ.
D’apparence muqueuse, elles tendent à s’atrophier après la
ménopause. Chez l’adulte, elles font souvent saillie en dehors de la
fente vulvaire (50%): elles prennent alors une coloration brune, plus
foncée pendant la grossesse. Dans 30% des cas, elles affleurent les
grandes lèvres.
22
Leurs extrémités antérieures
se dédoublent en deux replis
secondaires : un repli antérieur passant au-dessus du corps du
clitoris pour former le prépuce clitoridien, et un repli postérieur qui se
fixe sur la face inférieure du clitoris pour former le frein du clitoris.
Leurs extrémités postérieures se réunissent souvent pour constituer le
frein vulvaire (fourchette vulvaire), dont la mobilisation transmise au
prépuce, participe à l’excitation mécanique du clitoris.
Les petites lèvres sont formées d’un revêtement cutané glabre et sans
graisse, emprisonnant une lame fibro-élastique riche en neurofibres et
en vaisseaux rappelant les corps érectiles. Très élastiques, elles
présentent une remarquable réserve d’allongement, mise à profit en
chirurgie reconstructrice vaginale.
Sillon interlabial
Interposé entre une grande et une petite lèvre, il répond dans sa
partie antérieure, au cours de la palpation, au pilier du clitoris.
Vestibule
Prolongeant la fente vulvaire, c’est un espace virtuel profond de 6 à 7
cm. Le vestibule urétral présente l’orifice urétral externe situé audessus de la carina urétrale du vagin qui termine la colonne vaginale
antérieure. Il est bordé de chaque côté par les orifices des glandes
para- urétrales.
Le vestibule du vagin est séparé du vagin par l’orifice vaginal ou
introït. Celui-ci est fermé par l’hymen chez la vierge. Le sillon
vestibulaire sépare l’hymen des petites lèvres. L’hymen est un repli
muqueux transversal et incomplet dont la face vulvaire est lisse et la
face vaginale irrégulière. Sa résistance et sa forme sont très variables.
Au premier coït complet l’hymen se déchire et les lambeaux cicatrisés
forment les caroncules hyménaux. Ces caroncules se déchirent de
nouveau lors de l’accouchement et deviennent plus irrégulières,
formant les caroncules myrtiformes.
Clitoris (figure 4)
Dédié entièrement au plaisir, cet organe est essentiel à la vie sexuelle
féminine. Il est formé de deux corps érectiles pairs, les corps
caverneux et les bulbes vestibulaires. Il comprend trois parties: les
piliers, le corps et le gland.
23
Piliers du clitoris
Formés de la partie postérieure des corps caverneux, ils sont longs de
3 cm, et s’attachent sur la partie moyenne de la face interne des
branches ischio-pubiennes. Ils s’adossent sous la symphyse pubienne
pour former le corps du clitoris. Un septum incomplet médian
marque cette fusion. Ils sont recouverts par les muscles ischiocaverneux.
Corps du clitoris
Il monte plus ou moins haut, devant la symphyse pubienne, puis
s’infléchit (coude du clitoris) pour se porter en bas. Cette première
portion, avant l’inflexion, est aussi appelé hampe du clitoris.
Il est solidement maintenu au niveau de son coude par le ligament
suspenseur du clitoris. Celui-ci se détache de la ligne blanche et de la
symphyse pubienne, se dédouble pour entourer latéralement et en bas
le corps du clitoris. Il donne des expansions latérales vers l’host
urétral externe (ou ligament pubo-urétral). Le corps est recouvert par
le prépuce du clitoris.
Gland du clitoris
Extrémité libre du clitoris, il est renflé, conique et mousse. Il est
constitué de tissu érectile spongieux provenant des bulbes
vestibulaires.
Fascia clitoridien
Plus épais sur les piliers et le corps, il est riche en neurorécepteurs.
Bulbes vestibulaires
Ils cernent les bords latéraux et antérieurs de l’orifice vaginal et sont
fixés au fascia inférieur du diaphragme uro-génital. Ils sont ovoïdes et
mesurent chacun 3,5 cm de longueur. Leurs extrémités postérieures
sont en contact avec les glandes vestibulaires majeures. Leurs
extrémités antérieures, amincies, s’unissent pour former la
commissure bulbaire qui présente une expansion de tissu érectile
pour le gland du clitoris. Par ailleurs, la commissure bulbaire est
solidarisée au corps du clitoris par le plexus veineux intermédiaire qui
unit la circulation veineuse des corps érectiles.
Les faces inférieures des bulbes vestibulaires sont cachées par les
muscles bulbo-spongieux. Ils sont constitués d’un tissu érectile
spongieux, analogue au corps spongieux masculin.
24
Glandes vulvaires
Elles sont nombreuses et s’atrophient rapidement à la ménopause.
Glandes vestibulaires mineures
Ce sont des glandes sébacées et sudoripares disséminées à la surface
des grandes lèvres essentiellement et occasionnellement sur la face
externe des petites lèvres. Leur sécrétion participe à la formation du
smegma.
Glandes para- urétrales (glandes de Skène)
Elles correspondent aux deux plus volumineuses glandes urétrales
dont les canaux excréteurs s’ouvrent de chaque côté de l’ostium
externe de l’urètre.
Glandes vestibulaires majeures (glandes de Bartholin)
Elles se projettent sur la moitié postérieure des lèvres. Ce sont des
glandes mucipares ovoïdes, longues d’environ 1,5 cm. Leur face
médiale répond à la paroi vulvaire. Leur face latérale est adjacente au
bulbe vestibulaire et au muscle bulbo spongieux. Le bord supérieur
est en rapport avec le fascia inférieur du diaphragme uro-génital. Le
conduit excréteur, long de 1 à 2 cm, se porte en avant et médialement
pour s’ouvrir dans le sillon vestibulaire à 5 et 7 heures. C’est une
glande tubulo-alvéolaire, dont les lobes sont séparés par des
myofibrilles lisses. Elles sont facilement palpables lorsqu’elles sont
dilatées.
Vascularisation
Artères
Une ligne horizontale, passant par le gland du clitoris, divise la vulve
en deux territoires artériels:
- le territoire antérieur est vascularisé par les artères pudendales
externes supérieure et inférieure, branches de l’artère fémorale, et
accessoirement par une branche terminale de l’artère obturatrice et
par l’artère funiculaire;
- le territoire postérieur est sous la dépendance de l’artère pudendale
interne qui donne en particulier les artères dorsale et profonde du
clitoris, urétrale, bulbaire et des rameaux pour les glandes
vestibulaires majeures.
25
Veines
Le drainage du mont du pubis, du prépuce et de la partie antérieure
des lèvres se fait par les veines pudendales externes vers la grande
veine saphène. Le drainage du clitoris, des bulbes vestibulaires et de
la partie postérieure des lèvres se fait par les veines pudendales
internes. Les anastomoses entre les veines vulvaires et les plexus
veineux pelviens sont nombreuses.
Lymphatiques
La vulve est recouverte d’un riche réseau lymphatique dont le relais
principal est constitué de nœuds inguinaux superficiels supérieurs
médians et inférieurs. Ces derniers sont anastomosés avec les nœuds
inguinaux superficiels supéro-latéraux. Ils se drainent dans les
nœuds inguinaux profonds, situés sous le fascia criblé et dans le
canal fémoral, et dans les noeuds iliaques externes. Le drainage
iliaque interne est accessoire, sauf pour le clitoris.
Innervation
- somatique
Le nerf somatique principal de la vulve est le nerf pudendal qui
innerve les deux tiers postérieurs des grandes lèvres, des petites
lèvres, le bulbe et le clitoris. Les branches génitales des nerfs iliohypogastrique, ilio-inguinal et génito-fémoral innervent le mont du
pubis et le tiers antérieur des grandes lèvres. Ces nerfs forment par
ailleurs, autour de la vulve, une sorte d'aura sensitive précédant la
stimulation vulvaire.
- végétative
Les nerfs végétatifs proviennent des plexus hypogastriques inférieurs
qui donnent, en particulier, les nerfs caverneux.
- neurorécepteurs vulvaires
Dans les formations tégumentaires sont situés essentiellement les
extérocepteurs. Dans les formations sous-cutanées se localisent les
corpuscules génitaux près et dans les corps érectiles; dans les
muscles et les fascias sont situés les propriocepteurs. La grande
richesse de la vulve en neurorécepteurs comparée au vagin fait d'elle
le véritable organe sexuel de la femme.
26
Anatomie fonctionnelle
La vulve est très sensible aux oestrogènes qui améliorent sa trophicité
et la rendent plus étoffée et de coloration plus foncée. Elle intervient
dans trois fonctions: la miction, l'accouchement et le coït.
Vulve et miction
Au cours de la miction, le jet urinaire sortant du méat est canalisé par
les petites lèvres qui le dirigent. La proximité de la vulve et de l'anus
favorise la colonisation du vestibule par des germes d'origine
intestinale qui remontent l'urètre et déclenchent la cystite.
Vulve et accouchement
Pendant l'accouchement, l'orifice vulvaire se déplisse et se distend.
Chez la primipare, la déchirure des vestiges hyménaux donne un léger
saignement. La présentation continuant sa progression comprime la
vulve qui s'amincit davantage, en particulier au niveau de la
commissure postérieure. C'est à ce niveau que siègent les déchirures
vulvo-périnéales.
Réactions sexuelles de la vulve
Les lèvres vulvaires, en raison de leur structure, se comportent
comme deux corps érectiles entourant le vestibule.
Les grandes lèvres, sous l'action de la contraction du dartos et de la
mise en tension des fibres élastiques, s'amenuisent et s'aplatissent
contre le périnée au cours de la phase d'excitation, dégageant ainsi le
vestibule. Le retour à la configuration normale après l'orgasme est
plus rapide chez la nullipare.
Les petites lèvres subissent des modifications plus profondes,
dénommées
"réactions de la peau sexuelle". Elle est
pathognomonique de l'imminence de l'orgasme. Pendant la phase de
l'excitation, les petites lèvres se déplissent, s'épaississent et se
dressent. A la phase de plateau, elles virent au rouge foncé, plus
intense chez la nullipare.
L'activité sécrétrice des glandes vestibulaires majeures est un facteur
négligeable dans la lubrification de la vulve, car elles n'émettent que
deux à trois gouttes durant la phase en plateau. La lubrification
vulvaire est dévolue à la transsudation vulvo-vaginale.
Les corps érectiles se dilatent et se congestionnent. En phase
d'excitation, on note un allongement et une dilatation du corps et du
gland. Pendant la phase en plateau et pendant l'orgasme, ils se
rétractent, puis reprennent rapidement leur morphologie et leur
topographie normales.
27
Le corps est le foyer principal de la réponse sexuelle. La stimulation
de ses récepteurs au cours du coït est directe et indirecte par la
traction du prépuce provoquée par l'étirement rythmique des petites
lèvres sous l'action du pénis qui déprime le frein vulvaire.
28
FIGURE 3
29
FIGURE 4
30
2.7 Les différents types de mutilations sexuelles
féminines10,40
Il existe différentes MSF dont on sait qu’elles sont encore pratiquées
de nos jours. L’OMS les classe de la façon suivante :
Type 1 : excision du capuchon clitoridien avec ou sans excision partielle
ou totale de la hampe du clitoris
A noter : la circoncision féminine vraie, dite à minima, appelée
« sunna », tradition en arabe, consiste dans la résection du seul
capuchon ou prépuce clitoridien. Elle serait courante chez les
populations musulmanes d’Indonésie et de Malaisie. Mais, en fait elle
est extrêmement rare : la mutilation étant pratiquée chez des filles
pré-pubères, voire des bébés, la petitesse des OGE fait que le clitoris
est presque toujours lésé.
Type 2 : excision de la hampe du clitoris avec excision partielle ou totale
des petites lèvres
Le type 2 avec excision des petites lèvres, la plus courante des MSF,
est très répandu en Afrique Noire et pratiquée dans environ 80% des
cas.
Type 3 : infibulation
Infibulation, aussi appelée « circoncision pharaonique» ou « mutilation
soudanaise », est la plus radicale des MSF. Elle comporte la résection
de la hampe du clitoris avec l’ablation partielle ou totale des petites
lèvres avec ensuite avivement, puis suture des grandes lèvres pour
fermer l’orifice vulvo-vaginal, en laissant uniquement un petit pertuis
à l’extrémité postérieure de la vulve pour l’écoulement des urines et
du sang menstruel. L’infibulation est surtout pratiquée dans la corne
de l’Afrique (Djibouti, Somalie, Nord du Soudan), mais elle existe
également en Egypte, Ethiopie, dans le nord du Kenya, au Mali et au
Nigéria. Elle représente environ 15% des MSF.
Type 4 : autres procédés
Autres procédés, regroupant toute une série de variantes :
- Scarifications par piqûres, perforations ou incisions du clitoris et/ou
des petites et des grandes lèvres.
-Cautérisation du clitoris, notamment par carbonisation du clitoris et
des tissus environnants à l’aide de braises provenant d’un arbre sacré
31
(Kenya).
-Grattage de l’orifice vaginal (angurya cuts) ou incision du vagin
(gishiri cuts).
- Introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin,
pour provoquer des saignements ou pour le resserrer.
- Etirement du clitoris et/ou des lèvres.
- Introcision ou épisiotomie coutumière, pratiquée par certains
arborigènes en Australie (pour faciliter la pénétration de jeunes filles à
peine pubères, par leurs maris souvent bien plus âgés).
-trachléotomie coutumière consistant en l’amputation du col utérin.
2.8 Les auteurs des mutilations2,10,11,13,23,24
Il existe bien des variantes de cérémonies d’excision mais toutes ont
en commun le caractère initiatique. Néanmoins, depuis que la lutte
contre les MSF s’intensifie et que de nombreux pays africains les
interdisent, ce caractère initiatique se perd, les mutilations se faisant
de plus en plus tôt, parfois sur des nouvelles-nées.
L’âge, auquel on mutile les filles est très variable d’un pays à l’autre,
d’une ethnie à l’autre et à l’intérieur d’une ethnie d’une génération à
l’autre. Les mutilations peuvent être faites à tous les âges:
- chez les nouvelles-nées à partir du septième jour
- chez les fillettes, avant leurs premières menstruations
- chez les adolescentes
- chez les femmes adultes après une première maternité, en cas de
stérilité, avant le mariage sur demande du mari ou de sa famille (p.ex.
les Massai au Kenya excisent peu de temps avant les noces).
La tendance actuelle dans les pays d’origine est à l’abaissement très
marqué de l’âge, de plus en plus de pays africains adoptant des lois
interdisant les MSF et les rendant donc illégales.
En France, au contraire, les services de PMI ne voient plus que de
rares cas de bébés mutilés et la plupart du temps il s’agit d’enfants
mutilées au pays. Cependant, il est à craindre qu’il y ait un regain de
mutilations commises sur des préadolescentes ou des adolescentes,
ces groupes d’âges échappant à l’œil vigilant des médecins de PMI.
Traditionnellement les MSF sont intégrées dans toute une cérémonie
rituelle. Les jeunes filles intactes d’un même village sont regroupées
puis emmenées à l’écart du village, dans un lieu secret. Pendant une
période plus ou moins longue, elles seront initiées par des danses, des
chants et autres rituels à leur vie future de femmes adultes.
32
Parfois on leur administre des substances hypnogènes pour les
abrutir et les rendre plus dociles.
La cérémonie elle-même se déroule souvent de nuit, dirigée par des
femmes appelées « exciseuses ». Ces « exciseuses » sont des
matrones, sans aucune qualification à part qu’elles sont issues de
familles transmettant leur technique d’excision de génération en
génération et/ou qu’elles appartiennent à des castes particulières,
telles que p. ex. celle des forgerons au Mali et au Sénégal. Ces femmes
sont grassement rémunérées par les familles des futures excisées et
elles occupent une position importante dans leur société. Les filles
non-excisées ne pourront pas être mises sur le marché du mariage et
risquent de devenir des parias.
Lors de la réalisation de la mutilation, plusieurs femmes maintiennent
fermement écarté les jambes de leur victime pendant que l’exciseuse
prend son couteau rituel (servant à toutes les excisions) ou un
morceau de verre voire de lame à raser, saisit le clitoris avec les doigts
ou des pinces en bois et se met à trancher dans le vif. Cette opération
se réalise dans des conditions d’hygiène désastreuses, sans aucune
asepsie ni anesthésie. La douleur est sensée initier les fillettes aux
souffrances faisant partie de la vie de femme et celles qui n’arrivent
pas à se retenir d’hurler, de pleurer ou de se débattre sont la risée du
village et la honte de leurs parents.
En cas d’infibulation, après exérèse du clitoris et des petites lèvres,
les grandes lèvres sont avivées, suturées (p.ex. avec des épines ou
des colles végétales) et il est introduit un morceau de bois entre les
berges des moignons pour qu’il persiste un minime orifice, nécessaire
à l’écoulement des urines et du sang menstruel.
A la fin de la procédure, ce qui reste des organes génitaux externes est
enduit d’une mixture à base de graisse végétale ou animale, de
cendres, d’argile voire même de bouse de vache. Chaque exciseuse a
sa propre recette. Ensuite les jambes de l’enfant sont liées ensemble
pour limiter ses mouvements et elle est soumise à un régime
constipant et pauvre en liquides. Tout ceci afin de favoriser la
cicatrisation et aussi pour éviter, en cas d’infibulation, la désunion
des sutures.
Vu l’étroitesse de l’orifice résiduel chez les femmes infibulées, celles -ci
devront être désinfibulées avant leur premier rapport sexuel. Ceci sera
à la charge du mari (avec un couteau s’il n’y arrive pas avec sa verge).
S’il échoue, l’exciseuse pourra de nouveau officier. Au moment de
l’accouchement les femmes seront « ouvertes » puis recousues en postpartum et ainsi de suite ….
Dans certains pays les MSF sont faites par des barbiers, ceux qui
rasent les hommes, circoncisent les garçons et arrachent les dents…
33
Dans beaucoup de pays, du personnel soignant (infirmiers, médecins,
sages-femmes) se rend complice de ces pratiques en les médicalisant.
A savoir que les fillettes issues de familles urbaines et aisées auront la
« chance » d’être mutilées par du personnel « compétent » alors que les
fillettes pauvres et/ou vivant en milieu rural se feront charcuter par
des exciseuses. La médicalisation, même si elle diminue les risques,
maintient ces coutumes inhumaines empreintes de misogynie et en
plus renforce la discrimination entre riches et pauvres.
En ce qui concerne la France, les excisions se faisaient
clandestinement, dans des cuisines ou des salles de bain, sur des
bâches en plastique, souvent à la chaîne, avec des lames à raser, du
désinfectant et des pommades antiseptiques et cicatrisantes. Depuis
les procès des années 80- 90 qui aboutirent à des condamnations de
plusieurs exciseuses et familles à des peines de prison les excisions
réalisées en France se font rares. Il semblerait que certaines
exciseuses, vivant en Belgique ou en Angleterre, fassent des
déplacements afin d’exciser des fillettes en France ou que les parents
leur amènent les filles. La plupart du temps cependant, les jeunes
filles vivant en France seront excisées en Afrique, lors de séjours de
vacances.
2.9 Les complications10,37
- Complications immédiates :
§ Douleur extrême pouvant aller jusqu’au choc neurogénique.
§ Blessures des organes de voisinage suite aux mouvements de
défense de la fillette :
.Plaie
de
l’urètre
avec
rétention
aigue
d’urine.
. Plaie du vagin.
. Plaie du périnée postérieur.
. Plaie du rectum avec, parfois, fistule recto -vaginale.
§ Hémorragie parfois très abondante par section des 2 artères
caverneuses et de l’artère dorsale du clitoris, pouvant aller jusqu’au
choc hémorragique avec collapsus.
§ Décès.
- Complications à court et à moyen terme :
§ Infections aigues locales : abcès, phlegmons, adénites suppurées.
34
§ Infections régionales et générales : infections urinaires et
gynécologiques, septicémie, tétanos, gangrène gazeuse, contamination
par le VIH et les hépatites B et C.
§ Rétention d’urine (hématome, douleur, lésions de l’urètre).
§ Accolement des petites lèvres.
§ Cicatrices chéloïdes.
§ Kystes épidermiques secondaires à l’inclusion traumatique d’un
fragment d’épiderme ou à l’occlusion de glandes sébacées; ces kystes
peuvent être très gênants par leur taille, devenir douloureux,
s’inflammer, se surinfecter.
§ Développement d’un névrome du nerf dorsal du clitoris avec
hyperesthésie douloureuse de la zone clitoridienne, rendant parfois
impossible la position assise jambes croisées du fait de la douleur.
§ Anémie.
§ Décès par l’une de ces complications.
- Complications à long terme :
§ Rétention chronique d’urine ou incontinence urinaire.
§ Infections urinaires basses et hautes récidivantes, pouvant aboutir à
l’insuffisance rénale.
§ Infections génitales chroniques ou à répétition.
§ Hématocolpos (surtout si infibulation).
§ Dysménorrhée.
§ Dyspareunie.
§ Douleurs chroniques (névrome, cicatrices …).
§ Diminution, voire absence de plaisir sexuel.
§ Hypofertilité, stérilité.
- Complications psychologiques :
§ Névroses d’angoisse et autres syndromes dépressifs, parfois sévères
avec suicides.
35
§ Troubles de la personnalité, cauchemars, hallucinations.
§ Problèmes de couple, frigidité.
- Complications obstétricales34:
Elles varient en fonction des conditions de l’accouchement et du type
de mutilation.
§ En Afrique :
Du côté maternel :
# Augmentation de la durée du travail.
# Augmentation du nombre de césariennes.
# Augmentation du nombre de déchirures du périnée et de leur
étendue.
# Augmentation du nombre d’hémorragies du post-partum.
# Augmentation du nombre de fistules vésico-vaginales et rectovaginales.
# Augmentation du nombre d’infections du post-partum.
Du côté de l’enfant :
# Augmentation du nombre de scores d’Apgar faibles.
# Augmentation des réanimations néonatales.
# Augmentation de la mortinatalité.
# Augmentation de la mortalité néonatale précoce.
# Augmentation de la mortalité des prématurés.
# Augmentation des séquelles psychomotrices.
§ En France:
Les lésions sont essentiellement des déchirures du périnée antérieur
ou postérieur au moment du dégagement de la tête, malgré les
épisiotomies.
36
2.10 La médicalisation8,17,18,24,27
Certains défenseurs « modernes » des MSF se proposent de
médicaliser ces pratiques c’est-à-dire de les faire en milieu médical,
sous anesthésie pour limiter la douleur et avec l’asepsie nécessaire
pour éviter des infections. Il y aurait aussi moins de risques
concernant les hémorragies et les lésions accidentelles des organes de
voisinage, l’opération étant faite par des chirurgiens.
Ceci se fait déjà de façon courante, notamment au Mali, au Sénégal et
en Égypte. En Italie, un chirurgien d’origine soudanaise le Dr Omar
Abdulkadir, qui dirige à l’hôpital Carregi de Florence un service
s’occupant des complications des MSF, proposait, pour limiter les
complications, une excision médicale qui consistait en une incision
limitée, d’autres proposent des piqûres symboliques du clitoris.
Certains aussi admettent l’idée de réinfibuler des femmes après
l’accouchement.
En 1999, des médecins berlinois ont été inculpés pour avoir assisté à
des excisions, voire les avoir réalisées, mais les poursuites ont
rapidement cessé. En Suisse, certains médecins auraient accepté de
réinfibuler des femmes et en Angleterre, des cliniques privées ont été
suspectées de faire des excisions médicalisées.
Rappelons cependant que la médecine n’a pas pour vocation de
mutiler des individus, de surcroît des enfants, sans motif médical très
sérieux. Et même si l’excision ne se limitait qu’à un geste symbolique,
le médecin se rendrait quand même complice de cette idéologie qui
interdit tout plaisir sexuel à la femme et la cantonne dans un rôle
purement reproductif.
L’OMS, le CI-AF, le Conseil National de l’Ordre des Médecins, la
Fédération
Internationale
des
Gynécologues-Obstétriciens
et
récemment la Société Américaine de Pédiatrie dénoncent formellement
la médicalisation des MSF. Selon l’OMS « la mutilation génitale
féminine, ne peut pas être pratiquée par des professionnels de la
santé, quelle que soit la forme ou le cadre, notamment dans les
hôpitaux ou autres établissements médicaux ». En France, tout
membre du corps médical acceptant de mutiler ou de réinfibuler une
femme est passible de poursuites pénales.
37
2.11 Le cadre législatif
La France et le Burkina Faso sont actuellement les deux seuls pays à
faire des procès pour punir les MSF.
2.11.1 La situation en France
Historique11,17,18
1970: premières mesures de rapprochement familial des immigrés et
premières MSF pratiquées sur le territoire français
1974: "Terre des Hommes" dénonce les MSF dans un article du
"Monde", ce qui conduit à un début de prise de conscience de
l'existence de telles pratiques en France
1979: premier procès pour une excision ayant entraîné le décès de la
petite fille : l'exciseuse est condamnée à un an de prison avec sursis
pour homicide involontaire
13/07/1982: mort de la petite Bobo, 3 mois, suite à une hémorragie
massive après excision : première véritable médiatisation de l'excision
1982: création du CAMS (commission pour l'abolition des MSF) se
portant partie civile dans les procès; création du GAMS (groupe des
femmes pour l'abolition des MSF et autres pratiques nuisibles à la
santé des femmes et des enfants)
1983: groupe de travail réunissant des membres du Ministère de la
Santé et de la Justice, des associations, le CAMS et le GAMS, Inter Services Migrants et des médecins avec les objectifs suivants :
- quelles mesures prendre pour empêcher les MSF?
- faut-il créer une loi spécifique ?
En fait cette loi existe déjà. Le 20/08/1980 un arrêt de la Cour de
Cassation a jugé que "le clitoris et les lèvres de la vulve sont des
organes érectiles féminins: leur absence à la suite de violences
constitue une mutilation"; d'après l'article 312-3 du code pénal une
mutilation est un crime et jugé par la Cour d'Assises. A savoir que cet
arrêt faisait suite à l'excision, en dehors de tout contexte culturel,
qu'une mère bretonne avait fait subir à sa fille. Les MSF seront
désormais jugées en tant que crime, sans distinction d'origine ni
spécificité culturelle.
juin 1983: déclaration du Regroupement des Travailleurs Maliens en
France (RTMF): "Message pour la cessation de la pratique de l'excision
des bébés sur le territoire français"
38
Jusqu'en 1984: les affaires d'excision sont jugées par le tribunal
correctionnel sous divers chefs d'inculpation (homicide involontaire,
coups et blessures volontaires, non-assistance à personne en danger)
1988: première affaire de MSF jugée à la Cour d' Assises (depuis une
quarantaine de procès d'excision ont tous été jugés aux Assises)
1991: procès de l'exciseuse Aramata Sakho, déjà condamnée en 1984
à de la prison avec sursis pour le décès d'une fillette; cette fois-ci elle
sera condamnée à 5 ans de prison ferme pour plusieurs excisions et
rejugée pour la mort de la petite Mariam avec une condamnation à un
an ferme et 4 ans avec sursis.
8/1/1993: première condamnation à prison ferme (5 ans dont 1
ferme) pour une mère ayant fait exciser ses 2 filles
1993: début d'une vaste campagne d'information et de prévention
basée sur la plaquette et l'affiche "Nous protégeons nos petites filles",
campagne menée par les médecins de PMI avec des associations.
Depuis 1994: une circulaire ministérielle inscrit la prévention des
MSF dans les orientations d'action des départements accueillant les
populations concernées (circ. 94/42 DPMB du19/12/94)
décembre 2001: une famille malienne obtient le statut de réfugié pour
protéger leur fillette de l'excision, de même pour une mère somalienne
ayant fui avec sa fille pour lui épargner l’infibulation ; possibilité
d'obtenir le statut de réfugié pour cette raison, à l'OFPRA (office
français de protection des réfugiés et apatrides ) et au
CRR
(commission de recours des réfugiés): il existe des dossiers "protection
de l'excision", "il faut que cette femme soit mère d'une fille non-excisée
mineure et qu'elle s'oppose à son excision en cas de retour au pays
d'origine; être excisée et que la demande s'articule sur les stigmates de
cette persécution ne suffit pas en soi".
Législation française actuelle16,17,18
Il n'existe pas de loi spécifique mais depuis cet arrêt de la Cour de
cassation en 1983, les MSF sont reconnues comme une mutilation,
donc un crime jugé par la Cour d'Assises. Le 04/04/2006 la loi a été
revue et le délai de prescription allongé.
Les MSF peuvent actuellement être poursuivies et sanctionnées en
matière criminelle au titre:
- de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité
permanente, infraction punie de 10 ans d'emprisonnement et de
150.000 euros d'amende (article 222-9 du code pénal) et de 15 ans de
39
réclusion criminelle lorsque ces violences sont commises à l'encontre
de mineurs de quinze ans (article 222-10 du code pénal) ou à
l'encontre d'une personne dont la vulnérabilité, due à son âge, à une
maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à
un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur.
- de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner,
infraction punie de 15 ans de réclusion criminelle (article 222-7 du
code pénal) et réprimée à hauteur de 20 ans de réclusion criminelle
lorsqu'elle concerne des mineurs (article 222-8 du code pénal). La
peine encourue est portée à 20 ans de réclusion criminelle lorsque
l'infraction définie à l'article 222-9 est commise par un ascendant
légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant
autorité sur mineur.
- Une action en justice peut également être engagée au titre de
violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, conformément
à l'article 222-12 du code pénal qui prévoit une sanction de 5 ans
d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende lorsque l'infraction
est commise contre un mineur de moins de 15 ans.
Comme c'est déjà le cas pour l'inceste (viol et crime sur mineur) , le
délai de prescription en matière d'action publique, article 7 du code de
procédure pénale s'agissant des crimes et article 8 concernant les
délits, a été porté à 20 ans à compter de la majorité de la victime pour:
- les crimes de violences ayant entraîné une mutilation ou une
infirmité permanente commis sur mineurs (article 222-10 du code
pénal)
- les délits de violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours
commis sur mineurs (article 222-12 du code pénal)
Ce qui veut dire qu'une victime d'excision pourra déposer plainte
jusqu'à ses 38 ans, la majorité étant à 18 ans en France.
Les MSF pratiquées à l'étranger
Une excision constatée au retour de vacances doit aussi être signalée
car elle donnera lieu à des poursuites dès lors que la victime est
française ou qu'elle réside habituellement en France. En effet la
modification de la loi en avril 2006 a introduit un nouvel article 22216-2 dans le code pénal. Cet article a pour objectif d'étendre
l'application de la loi française, sanctionnant ces pratiques, aux
mineures de nationalité étrangère résidant habituellement en France
et qui sont victimes à l'étranger d'actes de mutilations sexuelles. Très
précisément, l'article 222-16-2 prévoit que "dans le cas où les crimes
et les délits prévus par les articles 222-8, 222-10, 222-12" - soit
respectivement des violences ayant entraîné la mort, une mutilation
ou une ITT supérieure à 8 jours ( ce qui correspond aux qualificatifs
pouvant être retenus pour sanctionner les cas de mutilations
sexuelles ) - "sont commis à l'étranger sur une victime mineure
40
résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est
applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7" de ce
même code qui exige normalement que la victime soit de nationalité
française.
Les dispositions générales visées à l'article 113-8 du code pénal qui
prévoit que préalablement à l'engagement de toute poursuite d'un délit
commis à l'étranger une plainte, soit de la victime, soit de ses ayant
droit, ou une dénonciation de l'Etat étranger est nécessaire, ne sont
pas applicables pour l'infraction prévue par l'article 222-12 de ce
même code, à savoir les violences ayant entraîné une ITT supérieure à
huit jours.
Remarque:
Sans entrer dans le détail, est français:
- l'enfant dont au moins un des deux parents est français
- l'enfant né en France avant le 1/1/1994
Ceux qui sont nés après cette date ont vocation à la nationalité
française et il appartient aux juridictions de trancher la question.
Le devoir des professionnels en cas de mutilation sexuelle
Légalement, en présence d'une excision constatée sur une mineure,
toute personne donc tout professionnel, a une obligation de
signalement aux autorités judiciaires et administratives. L'abstention
est susceptible d'entraîner des poursuites judiciaires. C'est ce qui
résulte de l'article 434-3 du code pénal:
"Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de
mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligées à un mineur de
15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en
raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience
physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en
informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 5 ans
d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende".
Les personnes soumises au secret professionnel sont relevées de ce
secret par l'article 226-14 du code pénal, lorsqu'il s'agit d'informer "les
autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de
sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles (...) infligées à
un mineur (...)".
La loi du 2/1/2004 supprime l'exigence de minorité de 15 ans et
précise que "le signalement aux autorités compétentes effectué dans
les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet d'aucune
sanction disciplinaire". En dehors des considérations légales, il faut
réaliser que l'absence de signalement d'une MSF vide non seulement
de sens tout message préventif mais cautionne aussi d'ultérieures
mutilations chez des fillettes de l'entourage de la victime.
41
L'intervention du juge à titre préventif
Selon l'article 375 du Code Civil le Juge des Enfants peut être saisi
dès lors que la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en
danger, ce qui est incontestablement le cas pour un projet d'excision.
Les professionnels informés d'un tel projet notamment lors d'un
voyage en Afrique doivent saisir le Juge des Enfants ou le procureur
chargé des mineurs. Après avoir convoqué les parents, le juge peut
prendre toute mesure appropriée, comme de retirer temporairement
l'enfant aux parents ou d'interdire sa sortie du territoire français.
2.11.2 La situation africaine13,14,17,18,31
Sous la pression d'ONG et de mouvements de femmes africaines et
occidentales, l'ONU ainsi qu'un nombre croissant de pays
reconnaissent aujourd'hui les MSF comme une coutume néfaste à la
santé des femmes et des enfants et une atteinte aux droits humains
fondamentaux.
En cinq décennies, plusieurs conventions internationales, assorties de
plans d'action ont été adoptés par l'ONU avec pour objectif d'aboutir à
l'élimination totale des MSF. Le protocole de Maputo, relatif aux droits
des femmes, marque un tournant décisif.
Quelques dates clés:
-1952: l'ONU s'interroge sur les " coutumes qui consistent à soumettre
les filles à des opérations rituelles."
-1975:l'OMS écrit
catastrophiques."
que
"certains
rites
ont
des
conséquences
-1979: premier séminaire international sur "les pratiques
traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants" organisé
par le Bureau régional pour la Méditerranée Orientale de l'OMS
-1981: entrée en vigueur de la convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des
femmes (CEDAW) qui condamne la discrimination à l'égard des
femmes et demande aux états membres dans son article 2f à s'engager
"à prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions
législatives pour modifier ou abroger toute loi, disposition
règlementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination
à l'égard des femmes". Cette convention a été ratifiée par tous les pays
africains où se pratiquent les MSF sauf la Mauritanie, l'Ouganda, la
Somalie, le Soudan et le Tchad.
42
-Depuis 1981: L’OMS et l’UNICEF proposent une
gouvernements qui cherchent à prévenir ces pratiques.
aide
aux
-1984: fondation du Comité Inter -africain pour l'élimination des
pratiques traditionnelles nuisibles à la santé des femmes et des
enfants (CI-AF) qui a des branches dans 24 pays d'Afrique où se font
les MSF
-1986: entrée en vigueur de la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples qui stipule dans son article 4: "la personne humaine
est inviolable; tout être humain a le droit au respect de sa vie et à
l'intégrité physique et morale de sa personne; nul ne peut être privé
arbitrairement de ce droit." Tous les pays où se font les MSF ont ratifié
ce texte.
- Fin des années 80:au niveau international les MSF sont reconnues
comme une en violation des droits des femmes et des enfants et non
plus comme un problème culturel.
-1990: entrée en vigueur de la convention universelle des droits de
l'enfant qui déclare dans son article 24: "Les Etats parties
reconnaissent le droit de l'enfant de jouir du meilleur état de santé
possible"- et préconise dans l'article 24-3 :"Les Etats parties prennent
toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants." Tous les Etats
ont ratifie cette convention sauf la Somalie et les USA.
-1999: entrée en vigueur de la charte africaine des droits et du bien
être de l'enfant qui dans son article 21 appelle les Etats à prendre
"toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les
pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du
bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal
de l'enfant, en particulier les coutumes et pratiques préjudiciables à la
santé voire à la vie de l'enfant."
-2001: résolution condamnant les MSF adoptée par le Parlement
Européen
-2003: adoption par l'ONU, à l'initiative du CI-AF, d'une "Journée
Mondiale d'action et de lutte contre les MSF", célébrée tous les ans le
6 février.
-juillet 2003: signature au Mozambique par 37 états africains, du
Protocole de Maputo
Ce protocole rend illégale la pratique de l'excision, accorde le droit de
vote aux femmes à tous les scrutins, fixe l'âge minimum du mariage à
18 ans et garantit aux femmes d'Afrique le droit de propriété et de
bénéficier d'héritages. Il interdit par des mesures législatives assorties
de sanctions toutes les formes de MSF, la scarification, la
43
médicalisation et la paramédicalisation des MSF et toutes les autres
pratiques néfastes telles que le gavage.
Ce protocole a suscité les réserves de l'Egypte et de la Libye qui
estimaient qu'il n'était pas conforme à la Charia, le droit islamique.
-en 2005: 15 Etats ont ratifié le Protocole de Maputo et il entre en
vigueur dans les pays suivants: Mali, Nigeria, Sénégal, Libye,
Comores, Djibouti, Rwanda, Lesotho, Afrique du Sud, Cap Vert,
Gambie, Malawi, Namibie, Togo, Bénin.
Pays
-
-
africains ayant une loi spécifique contre les MSF:
Bénin : 2003
Burkina Faso : 1997
Côte d’Ivoire : 1998
Djibouti : 1995
Egypte : 1997, MSF interdites même avec le consentement de la
victime et de ses parents, sauf s’il y a nécessité médicale ;
depuis juillet 2007 interdiction définitive à tout membre du
corps médical de pratiquer des MSF
Ghana : 1994
Guinée Conakry : 2001
Kenya : 1982
Libéria : 1994
République Centrafricaine : 1996
Sénégal : 1998
Sierra Léone : 1953
Somalie : 1978
Soudan : 1946, interdiction de l’infibulation
Tanzanie : 1998
Togo : 1998
2.11.3 Pays interdisant les MSF dans le reste du
monde13,17,18
+USA:1996
+Canada:1997
+Australie: interdiction de l'infibulation en 1996
+Europe: Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France
(1983), Grèce, Luxembourg, Norvège, Pays Bas (1993), Portugal,
Royaume Uni (1985), Suède (1982), Suisse (1983)
44
2.12 La prévention
2.12.1 : en France
En 1981, un groupe de travail réuni par Yvette Roudy, alors Ministre
des Droits des Femmes, a mis en relations les services de l'Etat, les
associations franco-africaines en contact avec les populations
concernées. Ceci afin de fournir et dispenser les éléments de
connaissance indispensables pour orienter une politique de
prévention adaptée. Cette politique consistait surtout dans
l'information des familles à risque et l'application de la loi pénale. A
cette même période étaient en cours plusieurs procès pour MSF. La loi
du 10/07/1989 sur la protection de l'enfance a rappelé l'obligation de
signalement faite au personnel ayant connaissance de violences
exercées contre
mineur de moins de 15 ans. De ces diverses
juridictions se sont progressivement dégagées les lois contre les MSF
citées dans le chapitre "législation".
Depuis le début des années 80, les services de PMI et des associations
regroupant des femmes africaines et françaises mènent des actions
d'éducation et de prévention. La Seine-Saint Denis est un
département pionnier en ce qui concerne la lutte contre les MSF et le
succès remporté contre les excisions (quasi-disparition de nouveaux
cas d'excisions de bébés) démontre l'efficacité et le bien-fondé de la
politique de prévention et d'éducation. Celles-ci, pour être pleinement
efficaces, peuvent et doivent se faire à plusieurs niveaux, notamment
au niveau de l'Etat, des personnels de santé et des associations avec
une collaboration active de ces 3 niveaux.
2.12.1.1 L'Etat17,18,35
Dans une première approche les pouvoirs publics français ont
soutenu et financé des actions éducatives d'associations et d'organes
agissant dans le domaine de l'éducation à la santé, puis une brochure
a été réalisée en 1992 par la Préfecture de Région. Cette brochure qui
s'appelait initialement "Nous protégeons nos petites filles" a été
réalisée à l'initiative de Mme Catherine Morbois, déléguée régionale
aux Droits des Femmes et à l'Egalité en Ile de France et elle résulte du
travail d'un groupe pilote réunissant médecins experts de PMI et les
associations à l'oeuvre sur le terrain (GAMS, CAMS, MFPF, CIMADE).
Ce livret a rapidement été repris au niveau national et a rencontré un
très vif succès en France et à l'étranger, de façon à avoir dû être
réédité plusieurs fois en 1993. Il a été réclamé dans de nombreux
départements en France et dans une vingtaine de pays étrangers, pays
d'immigration et pays africains.
45
Cette brochure (annexe 3) a été adoptée en Allemagne où elle a été
traduite en plusieurs langues africaines.
Elle a été réactualisée en 2003 sous le nom de " Protégeons nos petites
filles de l'excision "(cf. annexe) et est disponible auprès des déléguées
régionales et des chargées de mission départementales aux Droits des
Femmes et à l'Egalité attachées aux cabinets des préfets dans tous les
départements, à la Direction de la Population et de la Migration, au
service santé de l'OMI (office des migrations internationales) et dans
les associations partenaires.
La campagne initiée avec cette brochure avait comme objectif:
- prévenir la pratique des MSF en Ile de France
-informer les familles concernées de l'interdiction de ces pratiques en
France et du risque pénal encouru par l’auteur et les complices (effet
préventif des procès)
-fournir aux personnels de PMI et aux lieux d'accueil des populations
africaines un matériel d'information pour faciliter le débat et la
sensibilisation
-accompagner l'action répressive par une action d'éducation au plus
près du terrain
- faciliter le travail des interprètes présents dans les lieux publics pour
transmettre une information qui ne se limite pas à l'énoncé de
l'interdit pénal
-renforcer dans leur détermination les parents immigrés qui protègent
leurs petites filles et refusent pour elles la mutilation
-faire connaître les politiques mises en oeuvre en Afrique pour aboutir
à l'abandon des pratiques mutilatoires.
A la suite de cette initiative et de ses retombées, une circulaire
ministérielle (circulaire DPM 94/42 du 19/12/94) inscrit la prévention
des MSF dans les orientations d'action des départements accueillant
les populations concernées. Cette prévention, faite avec l'aide
d'interprètes culturels convaincus, est désormais incluse dans le
programme pour l'intégration du Conseil National pour l'Intégration
des Populations Immigrées. En application de directives nationales,
dans chaque département, les préfets mettent en place et animent des
commissions départementales d'action contre les violences faites aux
femmes placées sous leur autorité.
Ces instances regroupent l'ensemble des institutions de l'Etat (justice,
police, action sociale, éducation nationale, emploi), les collectivités
territoriales, les associations de lutte contre les violences faites aux
femmes, l'Ordre des Médecins, le Barreau des Avocats, les services
médico-judiciaires. Leur mission vise à traiter, prendre en charge et
prévenir ces violences constitutives d'infractions délictuelles et
criminelles. Dans le cadre de sous-commissions "Prévention des MSF",
elles suscitent et soutiennent la mise en place d'actions de formation
des personnels et d'information des familles.
46
PARTENAIRES ET RELAIS DE LA PREVENTION DES MSF
a) Les collectivités territoriales
Elles sont en charge de la protection de l'enfance et de la gestion des
structures qui s'y rattachent; elles ont un rôle déterminant dans le
développement des actions, leurs personnels sont généralement très
demandeurs de formation et de matériel pédagogique. Les initiatives
départementales se développent avec le soutien des commissions
départementales d'action contre les violences faites aux femmes,
présidées par les préfets de département. Depuis 25 ans, notamment
dans les consultations de PMI, des associations regroupant des
femmes africaines et françaises mènent des actions d'éducation et de
prévention.
b) Le Fonds d'Action Sociale pour les Travailleurs et leurs Familles
(FASILD )
Il a pour mission de contribuer à l'intégration des personnes
immigrées et développe des programmes dans les domaines de la
santé, de la famille et de la petite enfance et concourt financièrement
à la mise en oeuvre de politiques de prévention des MSF
(circulaire DPM 95/94 du 19/12/94 relative à l'intégration des
populations immigrées)
c) Le corps médical
Les médecins de PMI ont été les premiers relais de l'action préventive
qui s'est prioritairement attachée à protéger les petites filles. En juin
2004, l'Académie Nationale de Médecine a présenté une série de
recommandations visant à favoriser l'implication du corps médical
français qu'il s'agisse de généralistes, de gynéco -obstétriciens ou de
pédiatres.
d) Les interprètes et médiateurs culturels
Leur action est essentielle de par leur proximité avec le public
concerné qui permet un échange approfondi avec les familles les plus
conservatrices.
e) Le Haut Conseil à l'Intégration (HCI)
Dans un avis rendu au premier ministre le 2/7/7, le HCI préconise la
promulgation de dispositions législatives pénales permettant de
poursuivre des auteurs ou complices de MSF pratiquées à l'étranger
sur des fillettes ou des femmes résidant habituellement en France.
47
f) La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE)
Les services de l'Etat (DDASS, Droits des Femmes, Education
Nationale : promotion de la santé en faveur des élèves) travaillent en
étroite concertation pour susciter des initiatives et concevoir des
actions destinées à mieux informer et mobiliser les services
institutionnels locaux. Les actions s'appuient sur la participation
active des associations de femmes africaines particulièrement
mobilisées sur ce thème. En Ile de France, cette collaboration s'inscrit
dans le cadre des commissions départementales d'action contre les
violences faites aux femmes présidées par les préfets de département.
g) Les organismes d'accueil des populations migrantes
Les services de l'OMI sont particulièrement demandeurs de
publications et de moyens pédagogiques pour informer les primo arrivants et les familles rejoignantes de l'interdit légal et de la
nécessité de protéger les fillettes de la mutilation.
2.12.1.2 Les instances médicales14,28,32
Avec une formation spécifique, les médecins et tous les soignants
pourront avoir un rôle important en matière de prévention. En
connaissant les populations à risque, la façon dont sont pratiquées les
mutilations, les arguments présentés par les familles pour les
perpétuer, les soignants auront la possibilité d'aborder le sujet avec
les parents, de prendre en charge les conséquences psycho-médicales
des mutilations déjà existantes et de prendre les dispositions légales
nécessaires. Par ailleurs le personnel médical ne doit pas hésiter à
recourir aux interprètes et médiateurs culturels.
Les lieux et les moments de la prévention
+lors des consultations prénatales:
Le soignant voit que la femme est excisée, il pourra aborder le sujet
avec elle pour lui proposer une prise en charge adaptée, surtout il
devra l'interroger sur son projet pour l'enfant à venir, s'il s'agit d'un
bébé de sexe féminin, et lui signifier clairement l'interdiction, lui
rappeler les lois françaises et lui expliquer la nocivité des MSF !
+lors de l'examen de la nouvelle- née à la maternité:
Il est important que le pédiatre montre aux parents qu'il s'intéresse
aux OGE du bébé, signaler l'intégrité de ces derniers aux parents et le
noter dans le dossier médical et avoir une discussion approfondie avec
les deux parents pour leur expliquer le fonctionnement et l'importance
d'une vulve saine, signaler à nouveau l'interdit et rappeler les lois.
48
+lors des consultations de PMI19 :
L'information systématique des familles et les actions de prévention
réalisées dans les structures de PMI, le signalement aux autorités des
constats d'excision ont permis en France de réduire notablement les
MSF; cependant les enfants terminent leur suivi en PMI à 5 ans et les
fillettes à risque sont sans surveillance; il est à craindre qu'il y ait un
regain de MSF à partir de cet âge-là, surtout à partir de la puberté et
dans des contextes de mariages forcés, même si on espère que les
parents auront eu le temps d'intérioriser les messages de prévention;
pour le moment il n'y a pas de recul nécessaire et il n'y a pas d'études
réalisées à ce sujet.
+lors des consultations de pédiatrie et des examens par les médecins
des crèches28
+lors des consultations en médecine générale
+lors du suivi en médecine scolaire
+lors de consultations au Planning Familial
+lors des consultations de gynéco- obstétrique (pour les mères mais
aussi pour toute la génération des jeunes filles encore mutilées et qui
ont besoin d'une attention particulière car c'est souvent l'occasion
pour elles soit de découvrir leur mutilation soit d'être rassurées ou
informées quant à la possibilité d’une prise en charge spécifique).
Il est important que tout au long de l'enfance et de l'adolescence des
filles risquant d'être mutilées le personnel soignant soit vigilant,
surveille les OGE de ces enfants et soit ouvert à la discussion et à
l'information des parents mais qu'il
n'hésite pas à faire un
signalement préventif, surtout si un voyage au pays se prépare avec la
notion d'un fête spéciale pour les filles. Le soignant doit être à la
disposition des parents pour leur permettre de comprendre pourquoi
ils ne doivent pas mutiler leurs filles, leur donner les outils de
résistance par rapport à la pression familiale, il doit savoir examiner
des femmes et filles mutilées pour leur expliquer leur état, les soigner
dans la limite de ses compétences et ensuite savoir les adresser pour
prise en charge spécifique (chirurgie réparatrice, prise en charge
pluridisciplinaire des complications, suivi obstétrical adapté). Il est
important aussi de noter une MSF dans les antécédents gynécoobstétricaux du dossier médical et de le rappeler dans les courriers
aux spécialistes concernés (p.ex. gyneco-obstétriciens, sages- femmes,
psychologues, psychiatres, urologues etc).
49
RECOMMANDATIONS DE L 'ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE
VISANT A L'ERADICATION DES MSF (JUIN 2004)10
1) Améliorer les connaissances
- sur l'ampleur et les caractéristiques des MSF constatées en France
(observations sociales, médicales et judiciaires)
-favoriser les enquêtes et les recherches dans les différents pays sur
les MSF
-inscrire les MSF dans la nomenclature internationale des maladies de
l'OMS (CIM)
-inscrire les conséquences des MSF au programme des études
médicales, de la FMC et plus généralement de l'enseignement de tous
les personnels de santé
2) Favoriser la diffusion des connaissances au sein du corps médical
- notamment auprès des professionnels appartenant aux secteurs
concernés : santé, éducation, action sociale, justice, médias
-développer la publicité autour des décisions de justice : sanctions
pénales et dommages et intérêts
-faire connaître les mesures éducatives et répressives prises dans les
pays d'origine pour éradiquer les MSF
-impliquer dans cette lutte les personnalités influentes au sein des
communautés
-faire connaître les structures sociales et associatives menant une
action dans ce domaine
3) Renforcer et améliorer les pratiques médicales
-conformément aux directives de l'OMS aucun professionnel de santé
ne doit pratiquer une forme de MSF quelle qu'elle soit
-toujours penser à la possibilité d'une MSF lors d'une consultation
pour troubles urinaires ou gynécologiques lorsque la patiente est
originaire d'un pays à risque
-lors de la consultation d'une femme ayant subi une mutilation:
l'informer de l'existence de la mutilation et en évoquer avec elle les
différents aspects (risques, interdiction légale, protection des fillettes à
naître, évolution dans les pays d'origine vers l'abolition), rechercher
les séquelles: douleurs, infections, difficultés sexuelles, informer sur la
possibilité d'envisager une réparation chirurgicale
-lorsque la consultante est enceinte ou vient d'accoucher d'une fille,
rappeler les dispositions légales concernant les MSF
-à l'occasion de tout examen médical dans une famille exposée à ce
risque, informer les parents des procédures de protection de l'enfant
(signalement à la justice) en insistant sur les risques et les séquelles
des MSF: -ne pas omettre l'examen de la vulve, -rappeler aux parents
l'interdiction légale et les conséquences
judiciaires de la mutilation,
-rappeler ses effets délétères sur la santé, -la constatation d'une MSF
chez une mineure doit faire l'objet d'un signalement auprès du
Procureur de la République (articles 434.3, 113.7, 226.14 du code
pénal)
50
4) Améliorer les conditions de prise en charge des femmes excisées et
/ou infibulées
-en renforçant la recherche et la promotion des connaissances
anatomiques et des techniques chirurgicales de réparation
-en obtenant l'inscription à la nomenclature CCAM de tous les actes
de correction des MSF
5) Inviter les Autorités Nationales à mettre en oeuvre des politiques
efficaces de prévention
-rappeler aux pouvoirs publics qu'ils doivent informer les migrants à
l'arrivée et à la sortie du territoire national, en particulier sur l'interdit
et les conséquences judiciaires des MSF
-obtenir une harmonisation européenne en matière d'information et de
prévention des MSF
2.12.1.3 Les associations12
Ne seront citées ici que les associations les plus impliquées dans la
lutte contre les MSF et qui ont réalisé des actions éducatives dans de
nombreuses structures.
a) Le GAMS
Le Groupe pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles et autres
pratiques affectant la santé des femmes et des enfants est constitué
de femmes africaines et françaises ayant des compétences dans les
champs de la santé, du social, de l'éducation et une longue expérience
de prévention des MSF. Il a été crée en 1982 et est financé par le
service des Droits des Femmes et de l'Egalité et le FASILD. Il mène des
actions de prévention auprès des populations immigrées en France, de
sensibilisation et d'information des professionnels sociaux et médico sociaux, éducateurs et enseignants. Il organise également des
journées de réflexion, des séminaires, participe à des émissions
radiophoniques, télévisées et met à la disposition des personnes
intéressées des ressources documentaires. Il est la section française
du comité interafricain.
b) La section française du CAMS
La Commission pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles a été créée
en 1982 par une Sénégalaise, Awa Thiam, auteur de "La parole aux
négresses". La CAMS se distingue des autres associations travaillant
dans ce domaine en ce qu'elle mène également son combat sur le
terrain judiciaire en se portant partie civile lorsque des cas d'excisions
sont connus en France. Ainsi une vingtaine de procès ont eu lieu
devant la Cour d'Assises. La CAMS poursuit aussi un but éducatif et a
produit différents matériels pédagogiques.
51
Elle s'implique aussi à l'étranger par ses luttes nombreuses, par la
diffusion de son matériel et sa participation à des réunions
internationales.
c) Le MFPF
Le Mouvement français pour le planning familial est un mouvement
féministe d'éducation populaire qui accueille et informe le public sur
les questions de sexualité. Il est agrée comme organisme formateur de
personnels concernés par ces thèmes et il lutte également au niveau
national, européen et mondial pour l'abolition des MSF.
2.12.2 En Afrique13,24,39,40,41,42
Dans de nombreux pays d'Afrique se sont constituées des associations
qui combattent les MSF et elles ont déjà réussi à "faire déposer le
couteau" à de nombreuses exciseuses. Les autorités les soutiennent
de plus en plus, conscientes de l'effet délétère des MSF sur la santé
des femmes et des enfants et qui présentent donc un frein au
développement de leur pays. Par ailleurs de nombreuses conférences
ont eu lieu sur le sujet et les organismes internationaux tels que
l’OMS, l’UNICEF ou l’ONU s'intéressent de près au problème.
Sous la pression d'ONG et de mouvements de femmes africaines et
occidentales, l'ONU ainsi qu'un nombre croissant de pays
reconnaissent aujourd'hui les MSF comme une pratique traditionnelle
néfaste à la santé des femmes et des enfants et une atteinte aux droits
humains fondamentaux. En cinq décennies, plusieurs conventions
internationales assorties de plans d'action ont été adoptées par l'ONU
avec pour objectif d'aboutir à l'éradication totale des MSF.
Au niveau international, les textes adoptés après la Conférence
Internationale sur les femmes à Nairobi en 1985 recommandent aux
gouvernements et aux communautés plusieurs mesures et stratégies
en vue d'éliminer les MSF et d'assurer une assistance aux femmes et
aux filles qui en sont victimes. Parmi ces textes signalons la
"Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes" (1985), la "Convention relative aux droits des
enfants" (1989), la "Déclaration sur l'élimination de la violence à
l'égard des femmes " (1993), la "Déclaration de Bejing" (adoption du
terme de mutilations sexuelles, remplaçant le terme de mutilations
génitales en 1995) et la déclaration faite à la suite de la « Conférence
sur la population » faite au Caire (1994). Le protocole de Maputo relatif
aux droits des femmes marque un tournant décisif.
L'ONU a adopté en 2003 une journée mondiale de lutte contre les MSF
fixée au 6 février. Le Comité Inter -Africain (CI-AF) de lutte contre les
pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des femmes et des
enfants créé en 1984 fait la promotion des comités nationaux qui sont
52
chargés d'agir dans chaque pays, de suivre l'entrée en vigueur de la
législation relative aux MSF, d'assurer une éducation sanitaire
appropriée en vue de sensibiliser le public aux dangers des MSF et
d'élaborer des programmes destinés aux agents de la santé, de même
qu'aux praticiens et praticiennes de la médecine traditionnelle pour
les dissuader de mutiler les femmes. Le CI-AF compte 27 comités
nationaux à l'oeuvre dans chacun des pays africains ayant pour
coutume les MSF ainsi que dans plusieurs pays d'immigration
africaine.
En France et en Belgique, il existe des sections du GAMS, faisant
partie du CI-AF; au Pays Bas on trouve la « Foundation For Women's
Health, Research and Development » (FORWARD); au Royaume Uni le
« London Black Women's Health Action Project » (LBWHAP) qui
s'occupe entre autres de MSF; en Suède, le Conseil National des
Associations des Femmes Immigrées (RIFFI) se penche sur le sujet. A
travers ces comités, les Africaines mettent au point différentes
stratégies et agissent activement pour l'élimination des MSF. Le CI-AF
coordonne et impulse en collaboration avec de nombreuses autres
instances de très nombreux programmes mis en oeuvre pays par pays
en utilisant de multiples moyens:
-campagnes d'information en ville et en milieu rural: programmes
radiophoniques, émissions télévisées, expositions, débats
-organisation de sessions de sensibilisation pour les personnels de
santé, les professionnels sociaux, les enseignants ainsi que les leaders
traditionnels et religieux
-actions de reconversion des exciseuses
-organisation et suivi de consultations de nourrissons avec en priorité
la prévention des MSF
-diffusion de matériel d'information: débats accompagnant la
projection du film "La Duperie", pièces de théâtre, tracts, affiches et
plaquettes d'information
-organisation de rencontres locales, régionales, nationales régulières
pour évaluer l'action, coordonner et impulser les initiatives
-soutien apporté aux initiatives villageoises par exemple lors de
l'organisation de cérémonies d'abandon de la pratique de l'excision.
La section française du CI-AF, le GAMS en partenariat
pouvoirs publics français a développé une collaboration
avec les comités nationaux du CI-AF dans les pays
francophone: Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée
Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal.
avec les
soutenue
d'Afrique
Conakry,
Cette collaboration a pour objet, dans le cadre de la formation
continue, de mettre à la disposition des professionnels sociaux et
médico-sociaux de ces pays les moyens de connaître les pratiques des
MSF et leurs conséquences et de mettre en oeuvre une prévention
efficace. Elle a également permis de soutenir le premier programme de
reconversion des exciseuses en Afrique de l'Ouest francophone,
53
notamment au Mali, et de développer un programme sous-régional de
prévention des MSF (Bénin, Burkina Faso, Mali, Côte d'Ivoire).
Ce travail de coopération Nord-Sud effectué par le GAMS permet
également de protéger efficacement les fillettes et adolescentes
résidant en France et menacées d'excision ou de mariages forcés lors
de séjours au pays d'origine. Les missions d'évaluation effectuées sur
place par le GAMS depuis 1995 permettent de dresser un bilan très
positif des avancées déjà réalisées et de la progression en Afrique de la
volonté d'abandonner ces pratiques.
En milieu rural comme en zone urbaine, les déléguées du GAMS ont
été impressionnées de rencontrer des hommes et des femmes très
activement engagés dans la lutte d'éradication des MSF. De plus, ces
militants ont été confortés dans leur action par de nombreux chefs
coutumiers, en particulier dans le delta du Niger.
Grâce à la campagne de sensibilisation sur les méfaits des MSF et de
la pression du lobby issu du CI-AF, de nombreux gouvernements
africains et occidentaux ont promulgué des lois interdisant les MSF.
Par ailleurs un réseau de femmes africaines, appelé FAH 2015, agit
depuis 1995 pour l'éradication des MSF avec comme horizon l'année
2015, date à laquelle elles espèrent voir définitivement disparaître les
MSF; ce réseau est constitué de femmes africaines actives dans les
domaines de la recherche et du développement humain (sociologues,
travailleuses sociales, communicatrices etc.)
Quelques exemples de luttes de terrain pour éradiquer les MSF
Sénégal13:
L'ONG " Tostan" (éclosion en Wolof) a initié une longue campagne de
sensibilisation, en collaboration avec l'UNICEF et le gouvernement du
Sénégal. Des femmes et des hommes des groupes ethniques mandé et
peul ont été initiés aux modules sur les droits humains, le processus
de résolution de problèmes, l'hygiène de base, la santé de la personne
et le développement du jeune enfant.
Ils ont procédé à leur tour à une sensibilisation et à une mobilisation
sociale sur le sujet de l'excision dans les villages environnants .En
octobre 2001, 140 villages du Sénégal Oriental ont fait une déclaration
commune d'abandon de l'excision. Les communautés ayant renoncé
par des déclarations publiques aux pratiques d'excision et de mariage
précoce ont ensuite organisé des comités de suivi pour assurer le
respect de ces décisions.
54
Mali13,37 :
A Bamako, la capitale du Mali, se trouvent les locaux de l' ASOPT
(association malienne pour le suivi et l'orientation des pratiques
traditionnelles) qui mène depuis 10 ans son combat contre l'excision.
Les équipes de cette association travaillent dans la région de Bamako
ainsi que dans celle de Kayes, au sud-ouest du pays. Elles parcourent
les villages et expliquent les conséquences néfastes de l'excision sur la
santé des femmes. Elles informent à l'aide d'un mannequin très
réaliste composé d'éléments mobiles, ce qu'est un sexe non-excisé,
excisé, infibulé. Elles montrent des photos, réalisées par un de leurs
militants, le Dr Touré, gynécologue.
Après les réunions, dans chaque village sont nommés des jeunes,
"personnes-relais volontaires", chargés de vérifier que les informations
ont été bien comprises, transmises à tous les habitants et débattues
au conseil des chefs. L'équipe reviendra quelque temps après pour
connaître la décision du village. A l'heure actuelle, la majorité des
villages a décidé d'abandonner l'excision. L'association ne se contente
pas de faire de la sensibilisation, elle prend aussi en charge
financièrement les opérations pour les femmes souffrant de
complications médicales. L'AMSOPT a également créé des activités
génératrices de revenus pour plus de 25 exciseuses qui ont "posé le
couteau". Elles animent une petite coopérative de fabrication de savon
et de teinture et elles font à leur tour de la sensibilisation. D'autres
associations mènent un travail similaire, soutenues par le Ministère
de la Famille et de l'Enfant, et par des bailleurs de fonds
internationaux.
Cependant, dans ce pays profondément traditionaliste et musulman,
le chantier est vaste, sachant que la confusion entre excision et
religion est grande. Le travail des associations est donc aussi
d'informer les chefs religieux et de les convaincre de prêcher contre les
MSF. Le Mali a voté et ratifié le protocole de Maputo et son
gouvernement montre la volonté de s'engager contre ces coutumes
cruelles. Des associations, des députés, des personnalités poussent
leurs dirigeants à voter une loi interdisant enfin l'excision.
Kenya13
La loi interdit les MSF, mais la tradition continue à se perpétuer,
surtout chez les Massaï au Nord du pays. Lois Towon a été l'une des
premières femmes massaï à refuser l'excision de sa fille ce qui lui a
valu l'exil. Elle est ensuite rentrée pour mener le combat contre ces
pratiques. Elle a créé un centre de refuge pour les jeunes filles qui
fuient la mutilation et les mariages précoces et elle organise des
formations, aidée par un ami infirmier.
55
Elle sillonne les villages pour sensibiliser la population rurale et est en
permanence à la recherche de subventions pour gérer son centre et
permettre une bonne scolarisation de ses protégées. Pour elle la
solution du problème des coutumes néfastes à la santé des femmes
passe obligatoirement par la scolarisation des femmes et elle espère
qu'un jour son peuple abandonnera ces pratiques inhumaines.
Elle souhaite que d'autres ONG ainsi que des organisations
internationales la rejoignent dans son combat pour accélérer
l'éradication des MSF.
Burkina Faso13,31
A Ouagadougou, l'Agence internationale de la Francophonie (AIF) a
organisé en 2004 un forum sous-régional sur les violences envers les
femmes réunissant une centaine de communicateurs traditionnels, en
présence de Coumba Touré, présidente du GAMS. L'enjeu de cette
rencontre était de convaincre les griots, dont l'influence est majeure
au sein de la société, de la nécessité d'abandonner l'excision et de les
encourager à travailler avec les associations et les radios rurales afin
de combattre ces pratiques. Ainsi des griots originaires d'une dizaine
de pays, détenteurs de la tradition, se sont-ils publiquement engagés
pour promouvoir l'abolition des MSF et autres violences
traditionnellement infligées aux femmes.
Au Burkina Faso, l'excision est interdite par la loi depuis 1987, et
sous la présidence de Thomas Sankara (1949-1987) des campagnes
nationales ont été initiées. Les MSF sont actuellement passibles de
prison et d'amendes et il existe un numéro de téléphone, SOSexcision, permettant d'avertir les autorités si une fillette doit se faire
mutiler. Malgré cela, la coutume a la peau dure et n'est pas encore
éradiquée, elle est cependant en forte diminution.
Le CERFI (centre d'études, de recherche et de formation islamique), en
association avec le comité national de lutte contre l'excision, forme 60
jeunes enseignants des madrassas (écoles coraniques). C'est par eux
qu'est censé passer l'éradication complète des MSF, en sensibilisant
les jeunes générations et en démontant l'argument selon lequel la
religion exigerait l'excision.
Djibouti13,24
Les 2 et 3/2/2005 à Djibouti une importante conférence sub régionale a été organisée par " Pas de Paix sans Justice ". A cette
occasion, le premier ministre de Djibouti a annoncé la ratification par
son pays du protocole de Maputo. Dans un pays où l'incidence des
MSF est très élevée (98 %), cette annonce fait suite à un intense débat
entre les représentants des gouvernements de la région, les chefs
religieux et les acteurs de la société civile.
56
Ainsi Djibouti est le 9e pays africain à s'engager pour les droits de la
femme et son intégrité physique. Actuellement, l'excision y est
passible de 5 ans de prison et de fortes amendes mais aucun procès
n'a encore eu lieu.
2.12.3 En Europe3,10,17,18
A la suite de diverses rencontres organisées par les instances
européennes, l'élaboration d'un programme européen de prévention
est en cours. Il permet la collaboration entre différents organismes,
organise l'échange et la concertation sur les méthodologies d'action. Le
GAMS coordonne ce programme avec deux partenaires, la Belgique et
l'Italie.
La coordination de 8 pays permet qu'une quinzaine d'associations de
pays européens, en majorité membres d'Euronet-MGF (réseau
européen pour la prévention et l'éradication des pratiques
traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants),
participent à ce programme.
Par ailleurs le Parlement Européen reconnaît depuis 2001 le droit
d’asile pour les femmes et jeunes filles fuyant leur pays pour éviter
d’être mutilées.
2.12.4 Dans le monde17,18
Notons qu'au Québec, où les MSF sont expressément interdites, les
membres du CI-AF-Québec mènent une lutte intense contre les MSF,
en particulier en élaborant une approche globale par rapport à ce
phénomène auprès des populations québecquoise et canadienne,
surtout concernant les organisations et réseaux de femmes. Le but est
d'éviter des idées préconçues et des condamnations hâtives qui ne
feraient que se braquer les ressortissants et ressortissantes de pays
qui mutilent et qui entraîneraient des résistances quant à l'abandon
de cette coutume. Les membres du CI-AF -Québec aident aussi les
médecins canadiens confrontés au problème des femmes mutilées et
ils agissent aux côtés des avocats de défense de femmes menacées de
MSF et qui demandent le statut de réfugiée au Canada.
2.12.5 Pour agir contre les MSF12,14,17,18:
Qui contacter en France ?
-permanences téléphoniques nationales:
allô enfance maltraitée, numéro d'urgence gratuit 24hrs/24: 119
fil santé jeunes, tél: 0800235236
57
-institutions de protection de l'enfance:
services départementaux de l'aide sociale à l'enfance(ASE)
tribunal des mineurs
services départementaux de PMI
-associations:
GAMS: 66 rue des Grands Champs, 75020 Paris, tél: 0143481087
CAMS: 6 place Saint Germain des Prés, 75006 Paris, tél: 0145490400
MFPF: 4 square Sainte Irénée, 75011 Paris
Inter Service Migrants: interprètes médiateurs à la disposition des
professionnels, 251 rue du Faubourg Saint Martin, 75010 Paris, tél:
0153265250
Interprétariat par téléphone: 0153265262 (24 hrs/24,7 jrs/7)
Qui contacter en Afrique?
Comité Inter -Africain de lutte contre les pratiques ayant un effet
néfaste sur la santé des femmes et des enfants (CI-AF), Bureau de
liaison Europe, 145 rue de Lausanne, 1202 Genève, Suisse, tél:
0041227312420 ; [email protected]
Matériel didactique
- Plaquette « Protégeons nos petites filles de l'excision », www.femmesegalite.gouv.fr
- Dépliant « Agir face aux mutilations sexuelles féminines », à
récupérer à la délégation régionale aux Droits des Femmes et à
l'Egalité en Ile de France
Filmographie
- « Le pari de Bintou », disponible au CAMS
- « Femmes assises sous le couteau », disponible au GAMS
- « La duperie », s'adresser au GAMS
- « Bilakoro », s’adresser à Mr De Fonseca et Mme Gazin,
[email protected], tél : 0142230610
Qui contacter en Europe ?
- Euronet-MGF, Amazone vzw-asbl, rue du Méridien, Middaglijnstraat
10-14, 1210 Bruxelles, Belgique ; [email protected]
- GAMS Belgique, rue Brialmont, 11, 1210 Bruxelles, Belgique, tél:
0032/022194340 ; [email protected]
58
2.13 La chirurgie réparatrice8
La chirurgie réparatrice du clitoris a été mise au point par le Dr Pierre
Foldès, chirurgien urologue, qui a entre autres travaillé avec Mère
Teresa et pour Médecins du monde, notamment en Afrique, où il a été
confronté aux mutilations sexuelles féminines et à leur cortège de
complications. Il a commencé par essayer de soigner les complications
les plus graves, les fistules recto – vaginales, et responsables souvent
de la marginalisation voire du suicide des femmes qui en souffrent. De
fil en aiguille, il en est venu à élaborer des techniques de plus en plus
précises pour soigner les différentes complications des MSF et pour
essayer de reconstituer une vulve fonctionnelle. La technique de
chirurgie plastique reconstructrice du clitoris a été développée à partir
des techniques plastiques de reconstruction pénienne.
2.13.1 Différents types de chirurgie réparatrice10,29,38 :
Réfection du clitoris:
On peut l'envisager dans quasiment toutes les formes de mutilation. Il
s'agit d'une chirurgie plastique reconstructrice du clitoris lui-même
sans transposition d'autres tissus. Dans un premier temps le
chirurgien reprend la cicatrice pour aller libérer le moignon clitoridien
qui la plupart du temps se retrouve refoulé en haut et en arrière,
parfois adhérent au périoste pré-pubien et enfermé dans une gangue
scléreuse qui le rend insensible aux stimulations externes. Cette
adhérence à l'os est souvent responsable de douleurs permanentes,
invalidantes et méconnues de la patiente qui les considère comme
normales. Elle concourt aussi aux dyspareunies des femmes mutilées.
Le chirurgien commence donc par libérer les adhérences en restant
près de l'os et à individualiser les genoux clitoridiens. Si nécessaire, la
section des ligaments des corps clitoridiens peut être complétée plus
bas. Ensuite est disséqué l'apex du moignon d'amputation et la
couche cicatricielle, porteuse de névromes, est recoupée. Ainsi est
dégagée une tranche saine du corps érectile, normalement innervée et
vascularisée, dont sera reconstitué un néo-gland qui sera implanté en
position anatomique. Une interposition dorsale de tissus graisseux ou
caverneux va prévenir la remontée du gland lors de la cicatrisation.
Désinfibulation
Le chirurgien reprend la suture labiale et reconstitue de façon plus ou
moins fidèle la partie antérieure des nymphes (= petites lèvres).
Dans le cas des grandes circoncisions pharaoniques, c'est à dire lors
d'infibulations étendues, il faut parfois libérer les grandes lèvres voire
des adhérences internes des régions crurales.
59
Chirurgie traitant les complications vulvaires
- exérèse de kystes par inclusion (par abcédation, surinfection ou
obstruction aseptique des glandes de skène): geste facile
- exérèse de cicatrices chéloïdes parfois exubérantes et envahissantes:
geste compliqué car lésions étendues et récidivantes
-exérèse de névromes: geste facile
Chirurgie des complications obstétricales
Les complications obstétricales sont de gravité variable selon que la
femme mutilée a déjà accouché en Afrique ou qu'elle est primipare et
va accoucher en France. Il peut y avoir des déchirures vulvopérinéales étendues, difficiles à prendre en charge à posteriori car
elles se sont faites sur une vulve sclérosée et rétractée. Elles
nécessitent souvent des plasties et des reconstructions vulvaires.
La complication majeure est la fistule vésico-vaginale, créée par la
stagnation de la tête et l'ischémie prolongée des tissus en phase
d'expulsion. En Afrique, elles sont responsables de l'exclusion sociale
des femmes qui en souffrent. Il existe trois types, en fonction de
l'étendue des lésions et de leur siège.
Les fistules dites simples sont accessibles à une fermeture classique
avec interposition ou greffe de Marcius.Les fistules graves, emportant
totalement le trigone vésical jusqu' aux orifices urétéraux, nécessitent
des techniques compliquées de plastie vaginales, avec tubulisation
trigonale ou allongement de l'urètre. Les fistules peuvent récidiver et
nécessitent un suivi régulier. Par ailleurs, il existe aussi des fistules
recto-vaginales et des cloaques pelviens qui peuvent nécessiter des
dérivations vésicales ou digestives et sont la plupart du temps abordés
par voie haute.
2.13.2 Adresses de chirurgie réparatrice4,36
Je ne citerai que les endroits connus officiellement pour prendre en
charge des femmes mutilées. Il est possible que certains chirurgiens
commencent à s'en occuper de façon ponctuelle, mais les endroits
cités ci-dessous maîtrisent les techniques et essayent de développer la
prise en charge des femmes mutilées pour qu'elle devienne
multidisciplinaire.
Les Etats Unis, la Suisse (Dr Varadi, Genève) et l'Italie proposent
aussi des chirurgies réparatrices aux femmes mutilées. Les Italiens
font certaines opérations au laser. Le Mali semble être en cours de
développer la chirurgie réparatrice.
Au Burkina Faso deux chirurgiens, le Dr Madzou (congolais) et son
élève le Dr Ouedrago, forment 25 gynécologues à la chirurgie
réparatrice.
60
Dans la région parisienne:
- clinique de Saint Germain en Laye : Dr Foldès
- hôpital Robert Ballanger à Aulnay sous Bois : Dr Saint Léger
- hôpital Bichat: Dr Faucher
- pôle Rothschild - Trousseau: service du Pr Benifla (il y a une prise en
charge pluridisciplinaire: une consultation initiale avec Mme
Louboutin, sage femme, une consultation " prise en charge de la
douleur" par un infirmier spécialisé, une consultation avec la
psychologue Mme Peenaert et la sexologue et gynécologue le Dr
Toutlemonde et la chirurgie réalisée par le Pr Benifla ou le Dr
Demaria)
- le CHIC de Créteil: service du Pr Paniel
- hôpital de Montreuil : le Dr Antonetti- Ndiaye, en collaboration avec
le Dr Toutlemonde, est en train de créer un pôle multidisciplinaire de
réparation vulvaire, qui devrait être opérationnel dès janvier 2008
En Province:
- hôpital d'Angers: Dr Mazouz
- hôpital de Nantes: Dr Jean Philippe
En ce qui concerne la réparation clitoridienne simple, la patiente est
hospitalisée de 24 à 72 heures et on lui propose un arrêt de travail de
15 jours à sa sortie. Elle sera revue idéalement par le chirurgien à j15,
le premier, troisième et sixième mois après l'intervention puis
annuellement. La réparation clitoridienne est prise en charge par la
sécurité sociale depuis novembre 2003.
Par ailleurs une enquête nationale a débuté en mars 2007. Elle
s’intitule « Projet ExH : excision et handicap » et est dirigée par l’
Université Paris 1 en collaboration avec l’INED (institut national
d’études démographiques). Elle cherche à mesurer les conséquences
des MSF en matière de santé et de comprendre l’histoire de celles –ci
pour évaluer les besoins en chirurgie réparatrice.
61
3) L'ENQUETE
3.1 Questions, objectifs
L'enquête que présentée dans ce chapitre a comme but de répondre à
quelques questions simples :
-les médecins généralistes ont-ils des connaissances de base sur les
MSF?
-se sentent-ils concernés par ce sujet, y sont-ils sensibilisés?
-sont-ils confrontés à des femmes mutilées?
-savent-ils prendre en charge ces femmes et les orienter vers une prise
en charge spécialisée si nécessaire?
-sont-ils suffisamment vigilants concernant les fillettes à risque et
savent-ils quoi faire s'il y a menace de MSF pour une de leurs jeunes
patientes?
3.2 Méthode
3.2.1 Sélection
J'ai décidé d'étudier la population des médecins généralistes des 12e,
18e, 19e et 20e arrondissements. J'ai choisi cette zone géographique
pour plusieurs raisons. D'abord parce que ces quartiers ont une forte
population d'origine africaine, ce que j'ai voulu étayer par des
statistiques sur l'immigration. J'ai essayé de les trouver auprès de
l'OMI, de l'INSEE, des mairies d'arrondissements et de la Préfecture de
Paris, mais je n'ai pas réussi à avoir des chiffres fiables.
Ensuite j'ai aussi choisi cette partie de Paris car je vis depuis 10 ans
dans le 20e, j'ai fait des stages hospitaliers dans le 12e (Trousseau, St
Antoine), dans le 19e (Robert Debré), dans le 20e (Tenon, Croix St
Simon) et j'y ai fait mes stages chez le praticien (Dr Castanedo, Dr
Elbaz) et plusieurs remplacements. J'y ai rencontré et soigné de
nombreux patients d'origine africaine et il me semble évident qu’une
bonne partie de la patientèle des généralistes de ces quartiers soit
d'origine africaine.
Je n'ai pas fait de sélection particulière concernant les médecins, mon
but étant d'obtenir un maximum de réponses, et j'ai donc envoyé mon
questionnaire à tous les médecins généralistes de ces 4
arrondissements en écrivant à tous ceux qui étaient répertoriés dans
les pages jaunes.
La population sélectionnée se composait de 477 généralistes dont 147
femmes et 330 hommes, donc 30,8% de femmes et 69,2% d'hommes.
La répartition selon les arrondissements était presque homogène en
nombre (109 dans le 12e, 127 dans le 18e, 127 dans le 19e et 114
dans le 20e) et la proportion de 1/3 de femmes, 2/3 d'hommes se
retrouvait sur les 4 arrondissements.
62
3.2.2 Le matériel
Avec l'aide du Dr Castanedo, du Dr Piet et de Mme Rivera,
biostatisticienne, j'ai élaboré un questionnaire (annexe 2). Ce
questionnaire était anonyme, se composait de 28 questions fermées,
dont 5 étaient à choix multiple et 22 à choix simple (oui/non), de 1
question ouverte et d'un espace libre qui laissait aux médecins la
possibilité de s'exprimer librement sur leur vécu quant aux MSF et de
donner des commentaires.
Le questionnaire tenait sur deux pages et était subdivisé en 5
"chapitres". La première partie se composait de 3 questions (sexe, âge,
arrondissement d'exercice) pour définir le profil des médecins étudiés.
La deuxième partie comportait 4 questions pour savoir si les médecins
connaissaient les pays qui mutilent et savoir s'ils avaient déjà vu des
femmes mutilées et si oui, quel était l'âge de ces femmes.
La troisième partie évaluait en 12 questions les connaissances des
médecins (ont-ils eu une formation, connaissent-ils les différents types
de MSF et leurs complications , savent-ils qu'il existe une chirurgie
réparatrice et qu'elle est prise en charge par la sécurité sociale, à quel
âge pensent-ils que se font les MSF) et leur approche clinique (saventils diagnostiquer une MSF, la recherchent-ils activement et si oui
comment, notent-ils les MSF comme atcd gynéco-obstétrical,
interrogent-ils les femmes sur les conséquences des MSF sur leur vie
de couple ,leur sexualité et savent-ils orienter ces femmes).
La quatrième partie étudiait en 5 questions l'attitude des médecins
vis- à - vis du sujet des MSF (se sentent ils concernés, regrettent-ils
l'absence de formation et en veulent ils une, lorsqu'ils découvrent
qu'une de leurs patientes est mutilée en parlent-ils avec elle et si non,
pourquoi pas?) et 4 autres questions servaient à évaluer la vigilance
des médecins vis à vis des fillettes à risque et leur démarche en cas de
découverte d'une mutilation chez une mineure et d'une MSF en cours
de préparation.
La cinquième partie laissait la part libre aux médecins pour
s'exprimer, me communiquer leurs expériences et me donner leurs
commentaires.
3.2.3 Méthode d'observation
Mon enquête est une enquête d'opinion, faite par l'intermédiaire de ce
questionnaire que j'ai envoyé aux 477 généralistes des quatre
arrondissements sélectionnés. La durée de l'étude était de 6 semaines,
elle commençait le 31 mai 2007 et se clôturait le 15 juillet 2007.
63
J'ai fixé la fin de l'enquête de façon aléatoire, en fonction du flux des
réponses. A savoir que j'ai eu une majorité de réponses les 3
premières semaines et qu'il n'y avait ensuite plus que des retours
ponctuels (à partir du 16/07 au 01/10 je n'ai plus qu'eu 3 réponses
qui n'ont pas été intégrées dans mon étude).
En ce qui concerne l'envoi du questionnaire, j'avais constitué une
enveloppe contenant le questionnaire en recto -verso, une lettre
(annexe 1) où je me présentais et expliquais mon étude, une enveloppe
de réponse pré -timbrée et libellée à mon adresse et un dépliant sur
les MSF (annexe 4).
Dans ma lettre je demandais d’abord au médecin de remplir le
questionnaire, puis de consulter le dépliant "Agir face aux mutilations
sexuelles féminines" qui contenait diverses informations sur les MSF
et la conduite à tenir en cas d'excision en préparation (cf annexes).
Le but de cette démarche était de faire à la fois mon étude et une
campagne de sensibilisation.
3.2.4 Méthode d'évaluation
J'ai dépouillé tous les questionnaires en recueillant le nombre de
réponses et le type de réponse pour chaque question. J'ai d'abord
recueilli les réponses globales de tout l'échantillon puis j'ai subdivisé
en fonction du sexe, de l'âge et des arrondissements. Finalement je
n'ai gardé que l'analyse en fonction du sexe, l'analyse en fonction des
arrondissements étant sans intérêt et l'analyse en fonction de l'âge
n'étant pas vraiment possible, 3 classes d'âge sur 5 étant peu
représentées, et ne permettant donc pas de tirer des conclusions
valables. Pour certaines questions, quand il n'y avait pas de différence
notable entre les deux sexes, je n'ai noté que les résultats globaux.
J'ai ensuite saisi mes résultats sur excel et transformé manuellement
mes nombres de médecins en pourcentages. L'analyse de mon
questionnaire constitue une étude descriptive.
Les QCM ont été analysés de 2 façons:
- descriptive: nombre de médecins ayant répondu à chaque réponse,
ce qui fait qu'il n'y a pas de 100%, un médecin ayant pu donner
plusieurs réponses.
- combinée: nombre de médecins ayant uniquement coché une
réponse ou ayant choisi une certaine combinaison de réponses, ce qui
permet d'obtenir un 100%.
La seule question ouverte, celle sur l'âge supposé auquel se font les
MSF, a été analysée en regroupant les réponses des médecins en
plusieurs catégories d'âge. J'ai regroupé la petite enfance et les 0-5
ans, l'enfance et les 0-10 ans, la préadolescence et les 8-15 ans et les
adolescents avec les mineurs de plus de 15 ans et de moins de 18 ans.
J'ai analysé cette question uniquement de façon descriptive et il n'y a
donc pas de 100%.
64
3.3 Les résultats
3.3.1 Profil de la population étudiée
a) Population étudiée
Sur les 477 généralistes auxquels j'ai écrit, 152 m'ont renvoyé des
questionnaires exploitables. 2 médecins m'ont renvoyé des enveloppes
contenant uniquement les dépliants de prévention, 1 médecin m'a
renvoyé le questionnaire barré avec comme seul commentaire " je ne
pratique pas d'excisions", 2 médecins m'ont répondu qu'ils n'étaient
plus en exercice et 15 courriers sont revenus l’adresse étant inexacte
ou le cabinet n'existant plus.
Les 152 réponses valables constituent 31,9% de la population cible.
b) Répartition selon le sexe
95 médecins sont de sexe masculin, 57 de sexe féminin:
P rofil:répartition s elon le s exe
38%
ho m m es
fem m es
62%
65
c)Age
Globalement les tranches d'âge les plus représentées sont les 40 à 49
ans (49 médecins/32,2%) et les 50 à 59 ans (76/50%).Les 30 à 39 ans
constituent 9,2% du total (14 médecins) et les 60 à 75 ans font 8,2%
du total (13 médecins)
Age des femmes médecin
pourcentage
45,00%
42,10%
40,30%
40,00%
35,00%
30,00%
25,00%
pourcentage
20,00%
15,00%
12,30%
10,00%
3,50%
5,00%
1,80%
0,00%
30-39
40-49
50-59
60-69
70-75
tranches d'âge
Age des hommes médecin
pourcentage
60,00%
55,80%
50,00%
40,00%
30,00%
20,00%
pourcentage
26,30%
7,40%
9,50%
1%
10,00%
0,00%
30-39
40-49
50-59
60-69
70-75
tranches d'âge
66
d) Arrondissements
arrondissement
12e
18e
19e
20e
nombre
40
39
36
37
pourcentage
26,30%
25,70%
23,70%
24,30%
3.3.2 Les patients
a)Les médecins connaissent-ils les pays où se pratiquent les MSF?
Pourcentage de médecins connaissant les pays où se font les MSF
11%
oui
non
89%
67
b) Les médecins ont-ils rencontré des femmes mutilées dans leur
patientèle?
-médecins ayant déjà constaté des MSF dans leur patientèle:
Pourcentage des m édecins ayant constaté des MSF
70 ,0 0 %
63,20%
6 0 ,0 0 %
50 ,0 0 %
4 0 ,0 0 %
31,60%
pourc entage
hommes
3 0 ,0 0 %
f emmes
2 0 ,0 0 %
10 ,0 0 %
0 ,0 0 %
hommes
f emmes
- médecins n'ayant jamais constaté de MSF dans leur patientèle:
68,4% des hommes
36,8% des femmes
Cette sous-population de médecins n'ayant jamais vu de patiente
mutilée:
- savent-ils diagnostiquer les MSF?
oui
femmes
hommes
non
23,80%
35,40%
62%
64,60%
-recherchent-ils une MSF chez des femmes originaires des pays
concernés?
oui
femmes
hommes
non
9,50%
18,50%
90,50%
80%
68
-examinent-ils de façon systématique les organes génitaux externes de
tous les enfants?
oui
femmes
hommes
non
38,10%
29,20%
52,40%
70,80%
c)Age des femmes mutilées rencontrées par les généralistes:
Parmi les 152 médecins, 66 médecins soit 43,4% du total, ont
rencontré des femmes mutilées :
- de ces 66 médecins 30 sont des hommes (45,5%) et ils constituent
31,6% des médecins masculins.
- de ces 66 médecins 36 sont des femmes (54,5%) et elles constituent
63,2% des médecins féminins.
Nombre de médecins ayant rencontré des femmes mutilées des classes
d'âge suivantes:
-0 à 5 ans:5 médecins dont 4 hommes, 1 femme (13,3%/2,8%)
-mineures de plus de 5 ans:7 médecins dont 3 hommes, 4 femmes
(10%/11%)
-femmes adultes en âge de procréer: 60 médecins dont 26 hommes ,34
femmes (86,7%/94,4%)
-femmes ménopausées: 18 médecins dont 7 hommes et 11 femmes
(23,3%/30,6%)
Pourcentage de médecins ayant répondu les combinaisons suivantes:
- 3% n'ont rencontré que des 0 à 5 ans
- 2% n'ont rencontré que des mineures de plus de 5 ans
- 63% n'ont rencontré que des femmes en âge de procréer
- 2% n'ont rencontré que des femmes ménopausées
- 3% ont rencontré des mineures de plus de 5 ans et des femmes
adultes en âge de procréer
- 18% ont rencontré des femmes adultes en âge de procréer et des
femmes ménopausées
- 9%: autres combinaisons
d) Où ont -été mutilées les mineures rencontrées par les généralistes?
Sur les 66 médecins qui ont rencontré des femmes mutilées 11
médecins, dont 6 hommes et 5 femmes, ont rencontré des mineures
mutilées; ces 11 médecins constituent 16,7% de la totalité des
médecins en contact avec des femmes mutilées ; les 6 généralistes
masculins constituent 20% des hommes ayant rencontré des
patientes mutilées ; les 5 généralistes féminins constituent 13,9% des
femmes ayant rencontré des patientes mutilées.
69
Répartition géographique de ces médecins:
arr
18e
19e
20e
nombre
2
5
4
pourcent
18,20%
45,50%
36,30%
Nombre de médecins ayant rencontré des mineures mutilées:
- en France: 1 (9%)
- lors d'un séjour au pays: 8 (73%)
- avant leur arrivée en France: 9 (82%)
Pourcentage de médecins ayant rencontré:
- uniquement des mineures mutilées lors d'un séjour au pays: 18%
- uniquement des mineures mutilées avant leur arrivée en France:
27%
- des mineures mutilées avant leur arrivée en France et lors d'un
séjour au pays: 46%
- des mineures mutilées en France, lors d'un séjour au pays et avant
leur arrivée en France: 9%
3.3.3 Les connaissances des médecins
a)Ont-ils eu une formation sur les MSF?
P o u rce n ta g e d e m é d e c in s q u i o n t e u u n e fo rm a tio n s u r le s M SF
13%
oui
non
87%
70
b) Connaissent-ils les différents types de MSF?
P o u rc e n t a g e d e m é d e c in s q u i c o n n a is s e n t le s d iffé re n t s t y p e s d e M S F
49%
o ui
no n
51%
c)Savent-ils diagnostiquer les MSF?
Savez-vous diagnostiquer une MSF?
70,00%
61,40%
60,00%
50,50%
49,50%
50,00%
40,00%
31,60%
homme
femme
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions: 7% des femmes, 0% des hommes
71
d) Connaissent-ils les complications des MSF?
Pourcentage de médecins connaissant les complications des MSF
90,00%
77,20%
80,00%
65,30%
70,00%
60,00%
50,00%
homme
femme
40,00%
32,60%
30,00%
21,10%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions:1,7% des femmes, 2,1% des hommes
e) Les médecins recherchent-ils une MSF chez une femme originaire d'un
pays concerné?
Pourcentage de médecins qui recherchent une MSF et ses complications
chez une femme originaire d'un pays concerné
80,00%
71,60%
70,00%
54,40%
60,00%
43,90%
50,00%
homme
femme
40,00%
25,30%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions:1,7% des femmes, 3,1% des hommes
72
f) Comment recherchent-ils la MSF?
M éthodes diagnos tiques c hez les hom m es
44%
47%
INTERR
EX CLIN
LES 2
d
9%
Méthodes diagnostiques chez les fem mes
16%
40%
INTERR
EX CLIN
LES 2
44%
73
g) Les médecins interrogent-ils les femmes sur les conséquences des
MSF sur leur sexualité et leur vie de couple?
Pourcentage de médecins qui interrogent les femmes sur le
retentissement des MSF sur leur vie intime
80,00%
71,60%
70,00%
56,10%
60,00%
50,00%
33,40%
homme
femme
40,00%
21,00%
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions:10,5% des femmes, 7,4% des hommes
h) Notent-ils les MSF dans les antécédents gynéco- obstétricaux de la
patiente?
Pourcentage de médecins notant les MSF parmi les atcd de la patiente
60,00%
55,80%
54,40%
50,00%
36,80%
36,80%
40,00%
femmes
hommes
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions: 8,8% des femmes, 7,4% des hommes
74
i) Pourcentage de médecins qui connaissent la chirurgie réparatrice:
oui
nombre
pourcent
non
109
71,70%
abstentions
39
25,70%
4
2,60%
j) Pourcentage de médecins qui savent qu'elle est prise en charge par la
sécurité sociale:
oui
nombre
pourcentage
non
57
37,50%
abstentions
91
59,90%
4
2,60%
k) Pourcentage de médecins qui savent orienter les femmes mutilées
vers une prise en charge spécialisée:
hommes
femmes
oui
43(45,2%)
17(29,8%)
non
47(49,5%)
36(63,2%)
abstention
5(5,3%)
4(7%)
l) A quel âge pensent-ils que se font les MSF?
142 médecins ont répondu donc 93,4% des médecins, le taux
d'abstention est à 6,2%.
Il n'y a pas de 100% car certains médecins ont donné plusieurs
réponses:
Âge
0à5
6à10
0à 10
8à15(prépub)
16à18(puberté)
mineurs
ne sait pas
tous âges,selon ethnie
nombre
25
50
25
22
3
4
8
5
pourcent
16,00%
33,00%
16,00%
14,00%
2,00%
3,00%
5,00%
3,00%
La majorité des médecins situent l'âge auquel se font les MSF dans les
quinze premières années de la vie: 33% pensent qu'elles se font entre
6 et 10 ans, 16% de 0 à 5 ans, 16% de 0 à 10 ans et 14% en
prépuberté.
75
3.3.4 L'attitude des médecins vis à vis des MSF
a)Les médecins se sentent ils concernés par le problème des MSF?
Pourcentage de médecins se sentant concernés par les MSF
90,00%
82,50%
80,00%
70,50%
70,00%
60,00%
50,00%
femme
homme
40,00%
25,30%
30,00%
14%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions: 3,5% des femmes, 4,2% des hommes
b) Regrettent-ils l'absence de formation sur ce sujet?
hommes
femmes
oui
55(57,9%)
39(68,4%)
non
27(28,4%)
8(14%)
abstention
13(13,7%)
10(17,6%)
c) Sont-ils intéressés par une FMC sur les MSF?
femmes
hommes
oui
40(70,2%)
57(60%)
non
43(28,3%)
32(33,7%)
abstention
12(7,9%)
6(6,3%)
76
d) Les médecins font-ils un examen systématique des organes génitaux
externes de tous les enfants, les deux sexes confondus?
P ourc entage de m édec ins ex am inant s y s tém atiquem ent les OGE des
enfants
29%
o ui
no n
71%
e) Sont-ils plus vigilants vis à vis de fillettes dont la mère est mutilée?
Pourcentage de médecins plus vigilants concernant les fillettes dont la
mère est mutilée
60,00%
50,90%
46,40%
50,00%
36,80%
35,10%
40,00%
femmes
hommes
30,00%
20,00%
10,00%
0,00%
oui
non
Abstentions: 14% des femmes, 16,8% des hommes
77
f) Sont-ils plus vigilants vis à vis de fillettes dont les parents sont
originaires d'un pays qui pratique les MSF?
Pourcentage de médecins plus vigilants pour les fillettes dont les parents
sont originaires d'un pays qui pratique les MSF
70 ,0 0 %
61,40%
6 0 ,0 0 %
51,60%
50 ,0 0 %
37,90%
4 0 ,0 0 %
28,10%
femmes
hommes
3 0 ,0 0 %
2 0 ,0 0 %
10 ,0 0 %
0 ,0 0 %
oui
non
Abstentions: 10,5% des femmes et des hommes
g) Lorsqu'ils découvrent une MSF chez une patiente, abordent-ils le sujet
avec elle?
femmes
hommes
oui
39(68,4%)
41(43,2%)
non
7(12,3%)
27(28,4%)
abstention
11(19,3%)
27(28,4%)
h) S'ils ne le font pas, pourquoi?
28,3% des médecins ont répondu (43 sur 152 médecins) dont:
- 33,7% des hommes (32 sur 95 hommes)
- 19,3% des femmes (11 sur 57 femmes)
Pourcentage de médecins ayant répondu:
- par respect, égard vis – à - vis de la patiente: 51% (22 médecins)
- par manque de temps: 16% (7 médecins ; 6 hommes =19% des
hommes ayant répondu et 1 femme = 9% des femmes ayant répondu)
- par méconnaissance du sujet: 40% (17 médecins)
- par pudeur: 18% (8 médecins ; 7 hommes =22% des hommes ayant
répondu et 1 femme=9% des femmes ayant répondu)
78
- parce que ne se sentant pas concerné: 5% (2 médecins)
- ne sait pas: 10% (4 médecins)
- autres raisons: 12% (5 médecins)
Sous autres raisons, les médecins mettent:
- la barrière linguistique
- les différences culturelles
- le manque de savoir faire
- l'absence de demande exprimée par la patiente
- l'absence de climat de confiance: présence du mari, premières
consultations
- la nécessité d'avoir vu la patiente à plusieurs reprises pour avoir des
échanges plus intenses
i) Quelle est l'attitude des médecins s'ils découvrent une mutilation chez
une patiente mineure?
80 des 152 médecins = 52,6% du total ont répondu, dont:
- 28 sur 57 femmes = 49,2% des femmes
- 52 sur 95 hommes= 56% des hommes
Pourcentage de médecins ayant répondu:
- discussion avec les parents, rappel des lois françaises: 77% (57
médecins)
- prudence particulière pour les autres fillettes de la famille: 58% (43
médecins;68% des femmes et 47% des hommes ayant répondu)
- signalement PMI: 42% (31 médecins; 46% des femmes et 35% des
hommes ayant répondu)
- signalement au Procureur: 20% (15 médecins)
- rien: 5% (4 médecins)
En comptant les réponses selon le type de combinaison que donnent
les médecins:
- 20% ne font que discuter avec les parents et leur rappellent les lois
françaises (7% des femmes et 26% des hommes ayant répondu)
- 22% discutent, rappellent les lois et sont plus prudents pour les
autres fillettes (28% des femmes et 19% des hommes ayant répondu)
- 18% discutent, surveillent la fratrie et signalent à la PMI (25% des
femmes et 13% des hommes ayant répondu)
- 8% font juste un signalement PMI (4% des femmes et 10% des
hommes ayant répondu)
- 6% font juste un signalement au Procureur
- 5% ne font que surveiller la fratrie
- 5% discutent avec les parents, surveillent la fratrie, signalent à la
PMI et au Procureur
- 4% ne font rien
- 2% surveillent la fratrie et signalent à la PMI
- 10% ont choisi d'autres combinaisons, et ces 10% signalent tous soit
à la PMI soit au Procureur, voire les deux.
79
j) Quelle attitude auraient les médecins s'ils apprenaient qu'une
patiente mineure risque de se faire exciser?
134 des 152 médecins= 88,2% du total ont répondu, dont:
- 49 des 57 femmes= 86% des femmes
- 85 des 95 hommes = 89,5% des hommes
Pourcentage de médecins ayant répondu:
- non-ingérence: 2,2% (3 médecins)
- discussion: 79,8% (107 médecins ; 87,8% des femmes et 75,3% des
hommes ayant répondu)
- appel du 119: 13,4% (18 médecins)
- signalement PMI: 37,3% (50 médecins)
- signalement au Procureur: 36,6% (49 médecins)
Réponses combinées:
- 32% de discussion seule
- 14% discutent et signalent à la PMI
- 13% discutent et signalent au Procureur
- 8% discutent et signalent à la PMI et au Procureur
- 7% signalent à la PMI
- 7% signalent au Procureur
- 17% de combinaisons diverses dont 9% contiennent un signalement
(PMI et/ou Procureur)
- 1% de non-ingérence
- 1% d'appel du119 seul
80
3.3.5
Propositions,
commentaires,
expériences des médecins
suggestions,
Médecins de sexe masculin
-âge et arrondissement inconnus
"Je pars du principe de ne pas me mêler des coutumes ethniques d'une
population, car l'expérience m'a appris que lorsqu'on se mêle des
affaires des autres, famille, pays, on fait plus de mal que de bien. Ceci
est valable et absolu pour les personnes ayant vécu chez eux :
étrangers), par contre pour les personnes de naissance dans le territoire
français mais vivant dans un milieu africain, on doit informer et imposer
nos idées et lois."
- 54 ans, 75012:
"Chère consoeur, le choix d'un questionnaire binaire est-il le bon choix
pour faire une étude qualitative? Il y a plusieurs questions où j'avais
envie d'avoir le choix de ne pas savoir ou de nuancer la réponse qui
n'est pas toujours blanche ou noire."
-47 ans, 75012:
"Pas de personnes originaires de pays concernés dans ma clientèle; la
formation devrait être obligatoire."
- 50 ans, 75012:
"Il s'agit d'usages et de coutumes ancestrales issues de l'Islam. Ces
usages sont moins prononcés ailleurs dans le monde qu'en Afrique. Les
résidents en France originaires de ces pays savent que la législation
française interdit ces mutilations, mais passent outre car c'est plus
grave de conséquences pour eux de ne pas respecter les coutumes que
de ne pas respecter la loi du pays d'accueil. On espère les faire changer
dans leur opinion un jour ....les punir c'est injuste."
-40ans, 75012 :
"Pour ma part je ne suis pas confronté à cette situation en raison de la
population dont je m'occupe actuellement et antérieurement la situation
de remplaçant. Première confrontation à ce sujet lors de consultations
de suivi de grossesse avec un obstétricien pratiquant des réparations
clitoridiennes."
-35 ans, 75012:
"Sujet très important, difficile et complexe qui nécessite une formation et
en particulier les conseils de praticiens expérimentés pour éviter de
graves erreurs (" barrière culturelle"). Merci de m'en dire un peu plus."
-71 ans, 75012, autrefois Afrique noire et occidentale:
"Une éducation adaptée viendra peut-être à bout de ces pratiques."
81
-38 ans, 75012, a eu des patientes adultes mutilées :
"Toucher directement ces femmes à l'arrivée, ou là où elles séjournent.
Multiplier les points de contact."
-59 ans ,75018:
"J'ai le sentiment d'être un médecin plutôt ouvert aux problèmes
psychologiques et socio-culturels, or en 29 ans d'exercice je n'ai jamais
été confronté en le sachant à ceux qui font l'objet de votre thèse. Il est
intéressant de se demander pourquoi, et peut être votre travail
apportera-t-il des éléments de réponse. Est-ce parce que je suis un
homme? Parce que les femmes concernées perçoivent, peut-être à tort,
une trop grande différence de culture? Ou, de façon plus triviale, parce
que les évènements ont fait que je ne suis jamais entré dans un réseau
(vous n'ignorez sans doute pas que pour les pathologies ou les
situations particulières le fonctionnement du réseau est capital)? Si vos
recherches apportent un éclaircissement dans ce sens, cela m'intéresse.
P.S: Comme vous le préconisiez, j'ai d'abord rempli le questionnaire et ai
pris ensuite connaissance du dépliant. Je le garde précieusement.
Merci"
Note sur attitude à avoir si une excision se prépare: "D'abord
discussion avec les parents et si échec j'appellerais le Conseil de l'Ordre
pour savoir comment je pourrais signaler le fait mais je ne resterais pas
les bras croisés."
- 52 ans, 75018:
"Sujet difficile"
-50 ans ,75018:
"Pour un généraliste masculin exerçant à Paris, l'abord de ces questions
est quasi-impossible:
- par manque de temps et pudeur si le motif de la consultation n'est pas
d'ordre gynécologique
-par la difficulté à réaliser un examen gynécologique même si la
patiente consulte pour un motif gynécologique
-52 ans, 75018:
"Disponible pour plus d'information."
-60 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées:
"Pas du tout le désir de m'occuper de ce problème; horrifiant!"
-59 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées:
"Les femmes originaires des pays étrangers doivent être informées sur
les habitudes et les lois françaises et accepter de s'y soumettre...; il
s'agit d'un problème socio-culturel, religieux, ethnique et médical (s'il y a
souffrance de l'individu moral ou psychique)."
82
- 59 ans, 75018, a eu des patientes adultes mutilées:
"Bravo pour le choix de votre sujet et bon courage pour l'exercice de la
médecine générale que j'ai personnellement hâte de cesser (vous
comprendrez vite pourquoi)."
- 43 ans, 75019, a eu des patientes majeures et des mineures de plus
de 5 ans mutilées:
"Importance de la formation des médecins : FMC, troisième cycle"
- 58 ans, 75019, a eu des patientes majeures et des mineures de
moins de 5 ans mutilées:
"Je pense que la prise de conscience des mères africaines notamment
est en bonne voie. La plupart connaissent les conséquences juridiques,
un peu les conséquences sur la santé, et ceci grâce à une répétition des
informations à notre disposition et dans certains pays africains le relais
peut se faire via des associations militantes."
- 58 ans, 75019, a eu des patientes adultes mutilées :
"Concernant le signalement de l'excision, ce n'est pas si facile à
déclencher, ça dépendra des réactions des parents et de leur
coopération ou non. En fait une situation plus facile, plus fréquente est
celle d'une discussion avec les adultes, femmes et hommes, à propos de
leurs enfants filles afin de prévenir le problème. Lors d'une consultation
pédiatrique, parfois dans un contexte d'urgence il est difficile d'aborder
le sujet très très difficile des MSF. Il faut beaucoup de psychologie, de
patience et bien juger la situation favorable pour en parler et avoir en
face de soi des oreilles qui peuvent entendre et comprendre, sinon les
gens disparaissent..."
- 52 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées:
"Sur le peu d'expérience que j'ai, ça semble intéresser les femmes
d'aborder le sujet...à suivre."
- 58 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées:
"A l'origine le problème des MSF n'est pas un problème médical.
Intéressons-nous aux femmes qui le refusent en les aidant à combattre
durement ces pratiques barbares dans les pays où elles ont lieu."
- 48 ans, 75020, a eu des patientes adultes mutilées:
"Une plus large diffusion de l'information au public sur comment lutter
contre la violence sexiste."
- 59 ans, 75020 :
"Effectivement nous médecins généralistes devons être très vigilants. Le
problème est le relationnel."
83
- 48 ans, 75020, a eu des patientes adultes et des mineures de moins
de 5 ans mutilées:
"En nette régression depuis 5 ans, pas de nouvelle fillette mutilée vue
depuis: changement de comportement ou dissimulation?"
Médecins de sexe féminin
-60 ans, 75012:
« La première chose serait de pouvoir en parler librement avec nos
confrères et nos consoeurs d'origine africaine qui exercent, étudient ou
se forment sur notre territoire. Le sujet est tabou, totalement pour
eux....Ayant un peu travaillé en Afrique, j'ai conscience de ce problème.
Ne faisant absolument pas de pédiatrie, je ne peux que constater hélas
les dégâts chez les adultes. J'ai vu cette année en Afrique de l'Ouest
des informations couplées "Sida et prévention des MSF". »
- 54 ans, 75012:
"C'est rude et on a des lacunes!"
- 56 ans, 75012:
"Voyage au Burkina Faso où la prévention contre les MSF est active,
notamment par l'Eglise catholique."
-59 ans, 75012 :
"Proposer des FMC pour formation et rappel de la loi, cours dans le
troisième cycle de DES de médecine générale."
-56 ans, 75012 :
"J'ai très peu d'enfants qui ont cette pathologie, d'abord parce que je
suis secteur deux puis parce que les pédiatres nous ont enlevé tous les
enfants."
-53 ans, 75012:
"Je n'ai été confronté qu'une seule fois au problème des MSF; la patiente
souffrait à chaque moment de sa vie génitale (dyspareunie) et lors des
accouchements. Je n'ai pas su l'adresser à un confrère spécialisé pour
un avis quant à une chirurgie réparatrice."
- 43 ans, 75012 :
"Aucune expérience dans ce domaine, je n'ai pas de patients d'origine
africaine dans ma patientèle."
- 44 ans, 75012 :
"Sujet très délicat, culturel qui ne peut qu'être abordé en discussion
libre, d'information et d'éclairement."
84
- 55 ans, 75018:
"J'examine les organes génitaux des nourrissons au premier examen,
chez les enfants plus grands je ne le fais pas car ça pourrait être
traumatisant psychologiquement, je n'ai donc pas la possibilité de
dépister les enfants plus grands. Les parents connaissent la loi
française et les mutilations se font lors de "vacances" au pays. Le
médecin n'est évidemment pas informé."
- 55 ans, 75018:
"Votre questionnaire ne me concerne pas directement car je n'ai
pratiquement pas de femmes africaines dans ma clientèle et aucune
mutilée."
- 56 ans, 75018:
"Divulguer plus de connaissances...je ne savais pas que la réparation
était prise en charge par la sécurité sociale même si celles que j'ai fait
faire l'ont été...une affiche dans chaque cabinet!"
- 54 ans, 75019:
"Je veux bien des recommandations mais pas de formation."
- 57 ans , 75019:
"Juste merci de rappeler au médecin qui ne se sent pas concerné, d'être
vigilant car les petits enfants d'Afrique consultent pour des problèmes
non liés à la sphère génitale et l'examen n'est pas fait."
- 46 ans, 75019:
"Je reçois beaucoup d'Egyptiens et j'informe et je discute énormément
avec les femmes mais surtout les hommes en leur expliquant l'anatomie
et le système physiologique des femmes."
- 44 ans ,75019:
"Jamais aucune patiente n'a abordé le sujet avec moi et moi, il est vrai,
je n'ai jamais eu l'occasion de poser la question, soit le contexte ne s'y
prêtait pas, soit la consultation n'avait aucun rapport et il aurait été
difficile d'aborder "comme cela" le sujet. Du coup, certaines de vos
questions posent comme préambule que j'aie découvert la mutilation, j'ai
répondu NON mais bien évidemment si cela avait été le cas j'aurais
abordé le sujet et j'aurais été plus vigilante sur la fratrie."
- 35 ans, 75019 :
"Un sujet intéressant dont j'ai entendu parler récemment (discussion
avec collègue, article sur internet). Je pense qu'une prise de conscience
globale est nécessaire, même si le sujet est difficile à aborder. Je n'ai
encore jamais eu de contact personnel avec de tels cas. Une aide à la
prise en charge serait utile. Merci d'avoir fourni le dépliant joint. Bon
courage pour ce travail."
85
- 73 ans, 75020:
"Je n'ai aucune expérience en la matière. J'ai juste rencontré une
patiente excisée qui voulait avoir des enfants et demandait réparation."
- 51 ans, 75020:
"Les MSF se font à tous les âges. J'ai des patientes qui s'en
souviennent, qui ont été mutilées à l'âge de 6 -7 ans, d'autres ne se
souviennent de rien. J'ai aussi une patiente qui a été "retouchée" le jour
du mariage (elle a 50 ans); souvent les patientes ne se plaignent pas de
troubles de la sexualité. La toilette à l'intérieur du vagin très fréquente
(prière ,5*/jour) cause plus de dyspareunie et de sécheresse vaginale.
J'ai observé des excisions très incomplètes faites sous AG. J'ai informé
les patientes qu'elles n'étaient pas mutilées. Les parents des fillettes
que je vois savent qu'ils risquent la prison avec l'excision. Si la fille part
en vacances au pays, la famille là-bas fait pression. Le film "Moolade"
n'est pas vu par les Africaines. Il faut aussi que les hommes africains
acceptent d'épouser une femme non-excisée. La polygamie en France,
les mariages arrangés sont des souffrances moins visibles mais
réelles."
- 53 ans, 75020:
"C'est effectivement un sujet auquel je n'ai pas beaucoup pensé, je n'ai
pas été assez vigilante."
- 49 ans, 75020:
"Je me sens absolument coupable de ce manque de connaissance d'où
l'absence d'intérêt et de recherche systématique. Mais je vais essayer
de m'y intéresser de plus près. Merci pour la plaquette et bon courage
pour la thèse."
- 49 ans, 75020:
" Encore beaucoup à apprendre"
- 36 ans, 75020:
"Plus d'infos!"
- 42 ans, 75020:
"Malheureusement nous ne sommes pas au courant (et les filles non
plus) quand ces pratiques sont prévues. J'ai vu le film sur les MSF il y a
deux ans avec la discussion qui suivait avec le chirurgien qui les opère
...Ca m'avait ouvert les yeux et il faut en parler librement et surtout dire
que c'est interdit en France et que les parents le respectent après."
86
3.4 Analyse et discussion des résultats
3.4.1 Les médecins sont-ils confrontés à des femmes
mutilées ?
31,6% des hommes et 63,2% des femmes disent avoir vu des patientes
mutilées. Les généralistes féminins semblent donc rencontrer deux
fois plus de femmes mutilées que leurs confrères masculins, et ceci
pourrait s’expliquer de plusieurs façons :
-les femmes africaines consultent de préférence des médecins
féminins
- les femmes excisées parlent plus facilement de ce sujet à une autre
femme, parler de sujets aussi intimes avec un homme, même s’il est
médecin, constitue un tabou
- les femmes médecins sont plus sensibilisées au sujet et l’abordent
donc plus facilement
- les femmes médecins font plus de gynécologie
Ces médecins ont majoritairement rencontré des femmes mutilées
adultes et en âge de procréer :
- 86,7% des hommes médecins ayant rencontré des MSF
- 94,4% des femmes médecins ayant rencontré des MSF
16,7% de médecins généralistes (11 médecins) ayant vu des MSF
disent avoir rencontré des mineures mutilées :
- 20% des hommes ayant rencontré des MSF
- 13,9% des femmes ayant rencontré des MSF
Les hommes sembleraient donc être plus vigilants concernant les
enfants.
Concernant les médecins qui ont vu des mineures victimes d’une
MSF :
- 82% d’entre eux ont rencontré des filles mutilées avant leur arrivée
en France
- 73% d’entre eux ont rencontré des filles mutilées lors d’un séjour au
pays
Le nombre de médecins est trop faible pour pouvoir supposer qu’il n’y
a presque plus d’excisions réalisées en France, même si ces chiffres
concordent avec ce que constatent les médecins de PMI et les
associations de lutte contre les MSF19, 14 .
68,4% des hommes et 36,8% des femmes déclarent ne pas
constaté de MSF dans leur patientèle.
avoir
La question qui s’impose est : les médecins qui déclarent ne pas avoir
rencontré de femmes excisées savent-ils diagnostiquer une MSF et la
recherchent- ils activement ?
87
De ces médecins hommes qui n’auraient pas rencontré de patiente
mutilée :
- 64,4% disent ne pas savoir diagnostiquer une MSF
- 80% ne recherchent pas l’existence d’une MSF
- 70,8% n’examinent pas les OGE des enfants de façon
systématique
Du côté des médecins femmes qui n’auraient pas constaté de MSF
dans leur patientèle :
- 62% disent ne pas savoir les diagnostiquer
- 90,5% ne les recherchent pas
- 52,4% n’examinent pas systématiquement les OGE des enfants
Il en ressort clairement que les médecins, hommes comme femmes,
qui disent ne pas avoir de femmes mutilées comme patientes ne
savent pas diagnostiquer les MSF et ne les recherchent pas de façon
active, ni chez les femmes adultes ni chez les enfants.
3.4.2 Les médecins ont-ils des connaissances de base
sur les MSF ?
Seulement 13% des médecins disent avoir eu une formation sur les
MSF, néanmoins :
- 89% des médecins disent connaître les pays où se font les MSF
- 51% des médecins pensent connaître les différents types de
MSF
- 49,5% des hommes et 61,4% des femmes pensent savoir
diagnostiquer les MSF
- 65,3% des hommes et 77,2% des femmes pensent connaître les
complications des MSF
- 71,7% des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice
- 37,5% des médecins savent qu’elle est prise en charge par la
sécurité sociale
- concernant l’âge auquel se feraient les MSF, la majorité des
médecins pense qu’elles se font entre la naissance et le début de
la puberté
Peu de généralistes ont eu une formation officielle sur les MSF mais ils
ont des connaissances de base sur ce sujet pour plus de la moitié
d’entre eux et il ne leur est donc pas inconnu. Ils savent dans quels
pays les femmes se font mutiler et ils arrivent à correctement situer
l’âge auquel se font la plupart des MSF.
Malgré l’absence de formation, plus de la moitié des médecins
s’estiment capables de diagnostiquer les différents types de MSF et
leurs complications. Les médecins femmes semblent être plus
compétents à ce niveau que les hommes.
88
La majorité des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice
mais qu’un tiers des médecins sait qu’elle est remboursée.
Il en ressort que :
- les médecins généralistes ont la possibilité de reconnaître la
population à risque concernant les MSF en connaissant l’origine
géographique de leurs patients et les médecins généralistes
savent que les mutilations se font avant l’adolescence ; ils
peuvent donc reconnaître les mineures qui devront bénéficier
d’une vigilance particulière et les femmes avec lesquelles il
faudra aborder le sujet
- les médecins pensent connaître les différentes mutilations et ils
pensent pouvoir diagnostiquer les MSF et leurs complications ;
ils auraient donc les compétences pour examiner les femmes,
leur expliquer leur état, dépister les complications et les prendre
en charge, pour surveiller les enfants et si nécessaire signaler
l’existence d’une mutilation
- les médecins connaissent l’existence de la chirurgie réparatrice
et peuvent donc la proposer à leurs patientes mutilées mais
qu’un tiers sait qu’elle est prise en charge par la sécurité
sociale, ce qui peut faire que les médecins hésitent à la
proposer.
3.4.3 Les médecins se sentent-ils concernés par ce
sujet ? Qu’en pensent-ils? Quelle est leur attitude vis à
vis de ce sujet ?
-
82,5% des femmes et 70,5% des hommes se sentent concernés
68,4% des femmes et 57,9% des hommes regrettent l’absence de
formation
70,2% des femmes et 60% des hommes seraient intéressés par
une formation sur les MSF
68,4% des femmes et 43,2% des hommes abordent le sujet de la
mutilation avec la patiente s’ils en découvrent une chez elle ;
s’ils n’en parlent pas c’est majoritairement parce qu’ils ont peur
de manquer de respect à la patiente ou par égard pour la
patiente (51%) et parce qu’ils ne connaissent pas le sujet et/ou
la façon de l’aborder (40%) ; le manque de temps (16%) et la
gêne (18%) sont des arguments peu utilisés par les médecins
pour expliquer pourquoi ils n’abordent pas cette question
Les médecins se sentent donc concernés par le dépistage et la
prévention des MSF, ils regrettent l’absence de formation et en
voudraient une.
S’ils découvrent une mutilation, les médecins femmes abordent à
68,4% le sujet, les hommes ont plus difficultés, ils n’en discutent
avec la patiente que pour 43,2% des médecins.
89
Les médecins qui passent sous silence le constat de la mutilation
se taisent majoritairement par égard pour la patiente et parce qu’ils
estiment ne pas assez connaître ce sujet.
L’analyse des commentaires des médecins permet en plus de faire
ressortir les idées suivantes :
- les médecins ne se sentent pas suffisamment formés ni informés
sur ce sujet mais le sujet les intéresse
- ils pensent ne pas être suffisamment vigilants, regrettent de ne
pas s’en être occupé jusqu’à présent ou de ne pas avoir su le
faire quand le problème se posait
- ils trouvent que c’est un sujet très délicat, difficile à aborder et
nécessitant une formation préalable, beaucoup de psychologie
ainsi que l’existence d’une relation de confiance avec les
patientes concernées, certains expriment leur crainte de perdre
des patientes en abordant le sujet
- ils voudraient être formés sur ce sujet et pouvoir bénéficier des
conseils de praticiens expérimentés dans ce domaine
- ils pensent qu’il faudrait une plus large diffusion des
informations pour sensibiliser à ce sujet
- ils pensent que la lutte contre les MSF passe surtout par
l’éducation des populations concernées et par la prise de
conscience des mères africaines et des médecins africains ; ils
se rendent compte du rôle qu’ils ont à jouer dans l’éducation de
leurs patientes
- certains pensent que c’est un problème culturel plus que
médical, qu’il ne faut pas se mêler des coutumes des autres,
certains sont « horrifiés », les médecins se sentent globalement
plutôt démunis vis- à- vis de ce sujet et ne savent pas forcément
comment l’aborder
- certains hommes expriment la difficulté qu’ils ressentent à
aborder des problèmes gynécologiques
3.4.4 Les médecins savent-ils détecter, prendre en
charge et orienter les femmes mutilées ?
- 49,5% des hommes et 61,4% des femmes pensent savoir
diagnostiquer une MSF
- 25,3% des hommes et 43,9% des femmes recherchent activement
une MSF et ses complications chez une femme potentiellement
concernée
- les hommes recherchent les MSF soit en interrogeant la patiente ou
en l’interrogeant et en l’examinant
- les femmes recherchent les MSF soit en examinant la patiente soit
en l’interrogeant et en l’examinant
90
Les taux de médecins qui disent savoir diagnostiquer des MSF me
semblent assez bons, si on tient compte du manque de formation à ce
sujet et ils semblent donc être capables de détecter les femmes
mutilées. Cependant, ce qui nuance ces résultats est le fait que même
si les médecins savent diagnostiquer, ils sont nettement moins
nombreux à ensuite les rechercher.
Concernant les méthodes diagnostiques, il ne me semble pas étonnant
que les hommes examinent moins que leurs consoeurs, mais la
fiabilité de l’interrogatoire seul n’est pas forcément bonne30, une
femme excisée peut ne pas être au courant de sa mutilation ou au
contraire peut vouloir la dissimuler.
- 65,3% des hommes et 77,2% des femmes connaissent les
complications des MSF
- 21,9% des hommes et 33,4% des femmes interrogent les
patientes mutilées sur le retentissement de la mutilation sur
leur vie de couple et sur leur sexualité
- 36,8% des hommes et 54,4% des femmes notent les MSF
comme antécédent gynéco-obstétrical
- 71,7% des médecins savent qu’il existe une chirurgie réparatrice
- 45,2% des hommes et 29,8% des femmes savent orienter une
patiente mutilée vers une prise en charge spécialisée
Ces résultats laissent supposer que les médecins sont capables de
prendre en charge les femmes mutilées : ils connaissent les
complications des MSF et ils savent qu’il y a des traitements. Mais ils
ne sont que peu nombreux à interroger la patiente sur le
retentissement psycho – sexuel et à noter la mutilation comme
antécédent .Les femmes médecins notent plus souvent la MSF comme
antécédent. Est-ce parce qu’elles ont mieux assimilé le fait qu’une
MSF est une pathologie ? Ou tout simplement parce que c’est plus
facile pour elles de poser des questions à ce sujet ?
Il ne suffit pas que le médecin connaisse les répercussions qu’ont les
MSF sur la santé globale de la femme si ensuite il n’utilise pas ce
savoir ; noter la mutilation comme antécédent est un geste simple à
faire qui permet de structurer la démarche diagnostique (relation
cause à effet de certaines pathologies liées à la mutilation), qui permet
d’ orienter de façon plus adaptée ces femmes et qui permettra au
médecin d’être vigilant concernant le risque de mutilation pour les
filles de cette patiente.
S’enquérir de la sexualité de la patiente et de sa vie de couple, si elle
est mutilée, n’est pas un manque de pudeur, mais une nécessité pour
pouvoir proposer des traitements à la patiente, surtout qu’un taux
élevé de médecins connaît l’existence de la chirurgie réparatrice.
91
Bien que les connaissances générales des médecins soient bonnes sur
le sujet étudié, ils ne sont pas nombreux à savoir orienter les
patientes et les hommes savent mieux orienter que les femmes.
3.4.5 Les médecins savent-ils reconnaître les fillettes à
risque et connaissent ils la conduite à tenir face au
risque d’excision et lors de la découverte d’une
mutilation chez une mineure?
-
89% des médecins connaissent les pays où se font les MSF
la majorité des médecins situent l’âge auquel se font les MSF de
la naissance jusqu’à la puberté
36,8% des hommes et 50,9% des femmes sont plus vigilants
pour les enfants de mères mutilées
37,9% des hommes et 61,4% des femmes sont plus vigilants
pour les enfants dont les parents viennent de pays où se font les
MSF
29% des médecins font un examen systématique des OGE de
tous les enfants
Les médecins savent quels sont les pays qui mutilent, ils savent quelle
est la tranche d’âge de filles à risque mais ils n’examinent pas
suffisamment les vulves des filles. Ils ne se donnent donc pas la
possibilité de surveiller correctement les enfants à risque, ni de faire
de la prévention en montrant aux parents que cette région du corps
intéresse le médecin et qu’il veille à ce qu’elle ne soit pas mutilée. Par
ailleurs les femmes savent mieux évaluer quelles filles sont à risque
que les hommes, mais elles n’examinent pas plus les OGE des enfants
que les hommes.
Par contre les médecins savent très bien ce qu’ils doivent faire quand
ils découvrent une MSF chez une mineure :
- 77% des médecins interrogés discutent avec les parents et leur
rappellent les lois françaises
- 58% des médecins interrogés redoublent de vigilance pour les
autres fillettes de la fratrie
- 49% pensent à faire un signalement (PMI et/ou Procureur)
Et ils connaissent la conduite à tenir en cas de menace de MSF :
- 79,8% des médecins essaieraient de dissuader les parents de
mutiler leur fille
- 58% feraient un signalement (PMI et/ou Procureur)
92
3.5 Critique
Le taux de réponse de 31,9% est un bon taux de réponse
statistiquement parlant et l’échantillon étudié est représentatif de ma
population cible.
Le remplissage du questionnaire était bon : il était excellent pour les
trois premières parties mais il était moins bon pour la dernière partie,
les taux d’abstention allant de 10% à 47%.Ceci peut s’expliquer par le
fait que le questionnaire était long et que les médecins se lassaient
progressivement.
La longueur du questionnaire est un défaut qui me semble évident,
mais j’ai voulu faire un inventaire assez complet des connaissances et
attitudes des médecins généralistes vis à vis des mutilations sexuelles
féminines, et je n’ai pas réussi à réduire d’avantage le nombre de
questions.
Une des grosses difficultés d’interprétation de ce questionnaire
résidait dans les questions à choix multiple, que j’ai dû recompter et
réanalyser plusieurs fois. J’ai eu du mal à exposer les résultats de ces
questions de façon simple et brève.
J’ai rencontré le même type de problème avec la seule question
ouverte (âge auquel se feraient les MSF selon les médecins), et
finalement je n’ai pu donner qu’une appréciation globale en analyse de
ces résultats. A posteriori, je pense que j’aurais dû transformer cette
question ouverte en question à choix multiple ou au mieux en
question à réponse simple.
D’un autre côté, comme me le rappelle un confrère dans les
commentaires, une enquête constituée presque exclusivement de
questions fermées enlève la possibilité de nuancer certaines réponses
et peut ainsi fausser l’appréciation globale. L’objectif de ma thèse
n’était cependant pas de faire une étude exhaustive des connaissances
exactes des médecins sur les MSF ni de faire une étude sociologique
sur les comportements, préjugés et croyances des médecins sur le
même sujet. Ce serait certes très intéressant et pourrait constituer le
sujet d’une autre thèse.
Les connaissances des médecins sur le sujet abordé me semblent
anormalement bonnes : s’agit-il d’un biais de sélection ? Les médecins
qui ont répondu sont peut-être les médecins les plus sensibilisées et
donc les mieux informés sur ce sujet ?
Les mauvais résultats obtenus par les médecins quant à l’examen
systématique des organes génitaux externes de tous les enfants me
semblent très biaisés, ma question étant mal formulée. Je voulais
93
savoir si les médecins pensent à examiner régulièrement les sexes des
jeunes enfants et je me rends bien compte par ma propre expérience
professionnelle qu’il est difficile d’examiner à cet endroit les grands
enfants et les préadolescents et qu’il n’est pas non plus possible de
soulever la culotte des plus petits à chaque consultation.
Les très nettes différences entre hommes et femmes ne m’étonnent
pas, les MSF étant des pratiques qui s’attaquent à l’identité même de
la femme. Un médecin femme osera aussi plus facilement aborder un
sujet touchant de si près à la sexualité féminine et par ailleurs il est
évident que des femmes issues de milieux ou pays traditionnalistes
s’adresseront de préférence à des médecins féminins pour aborder des
problèmes gynécologiques.
Une question qui me semble importante et que j’ai oublié de poser est
si les médecins généralistes interrogés font de la gynécologie.
Un autre problème que j’ai rencontré lors de mes recherches pour
cette thèse est le fait qu’il n’y a que très peu de bibliographies
médicales françaises sur le sujet des mutilations sexuelles féminines.
Je n’ai pas non plus réussi à avoir des statistiques fiables sur la
répartition des immigrés d’origine africaine sur les quatre
arrondissements étudiés.
Cependant, malgré certains défauts évidents de mon questionnaire et
de mon étude je pense avoir rempli l’objectif que je m’étais fixé et je
crois avoir réussi à répondre aux questions que je me posais en début
d’étude.
94
4) CONCLUSION
En lançant cette étude j’ai voulu savoir quelles étaient les
connaissances et attitudes des médecins généralistes des 12e, 18e, 19e
et 20e arrondissements parisiens vis –à- vis des mutilations sexuelles
féminines. J’ai essayé de résumer le contenu de mon questionnaire en
cinq questions auxquelles j’ai réussi à répondre.
Des réponses à ces interrogations découlent plusieurs conclusions :
- malgré l’absence de formation, les connaissances générales des
médecins sur les MSF sont bonnes
- le sujet les intéresse mais les inquiète, surtout parce qu’ils ne
s’estiment pas suffisamment formés ; le sujet en lui même est
par ailleurs compliqué et touche à des domaines aussi variés et
intriqués que la coutume, la religion, la sexualité, les différences
culturelles
- les médecins sont confrontés à des patientes mutilées mais les
femmes médecins le sont d’avantage que leurs confrères
- parmi les médecins qui affirment ne jamais avoir vu de patiente
mutilée, la plupart avouent ne pas savoir diagnostiquer et/ou
ne pas examiner les patientes potentiellement concernées, le
nombre de médecins qui consultent des femmes excisées est
donc certainement supérieur aux chiffres retrouvés dans cette
thèse
- les médecins connaissent bien la marche à suivre s’ils
découvraient qu’une de leurs patientes mineures est mutilée ou
devra l’être
- les médecins possèdent de connaissances suffisantes pour
dépister les patientes mutilées et leur proposer une prise en
charge, ainsi que pour surveiller les enfants à risques mais ils
ne le font pas suffisamment
Les mutilations sexuelles féminines sont un fléau pour plusieurs
millions de femmes et fillettes dans le monde et participent à la forte
mortalité et morbidité des femmes et enfants sur le continent africain.
Le continent africain se mobilise de plus en plus pour éradiquer ces
pratiques ancestrales et cruelles, mais ce problème touche aussi les
pays d’émigration des populations africaines et nous en France y
sommes confrontés de plus en plus.
Il est absolument indispensable que ce sujet soit enfin intégré dans le
programme des études médicales, car comme nous l’avons vu les MSF
touchent approximativement 65 000 femmes et fillettes en France.
Nous ne pouvons plus nous cacher derrière l’argument culturel, les
souffrances infligées et les complications sont beaucoup trop
lourdes de conséquences !
95
Après tout, en Europe, de nombreuses coutumes dangereuses ont
aussi été reléguées dans les vitrines des musées.
Par ailleurs, les MSF ne sont pas un problème culturel purement
africain, elles ont existé un peu partout au monde et à travers
l’histoire humaine. Même en France, il n’y a pas si longtemps,
d’illustres confrères mutilaient des femmes et les raisons invoquées
pour les justifier n’étaient pas différentes de celles données encore
aujourd’hui pour pérenniser ces pratiques.
5) LES PROPOSITIONS
Voici quelques propositions pour améliorer nos pratiques en médecine
générale, pour mieux dépister, soigner les femmes déjà mutilées et
surtout pour prévenir des MSF sur des mineures :
Il faut parler aux femmes potentiellement concernées :
1) Sont-elles mutilées ?
2) En souffrent- elles ? Quelles sont les complications ? Comment se
passent leurs rapports sexuels ?
3) Se souviennent- elles de la réalisation de l’excision et de la
douleur l’accompagnant?
4) Lui expliquer qu’il existe des solutions pour la soigner !
5) A- t- elle des filles et si oui quels sont ces projets quant à l’excision
de ces dernières ? Quels seraient ses projets si elle allait donner
naissance à une fille ?
6) Lui rappeler la législation en France, insister sur les risques
médicaux encourus par ses filles si elle voulait les faire exciser !
7) Evaluer le degré de protection qu’elle pourra fournir à ses filles si sa
famille ou son mari voulaient les exciser contre sa volonté : sait-elle
s’affirmer, sait-elle à qui demander de l’aide ou est-elle complètement
soumise et passive et se dédouane - t -elle de toute responsabilité ?
8) Lui donner les adresses et coordonnées utiles et lui proposer des
certificats attestant de l’intégrité des OGE de ses filles et rappelant
l’interdiction de l’excision en France, qu’elle pourra montrer à la
famille au pays ! Lui dire de ne pas hésiter à s’adresser à nous si elle
craignait une excision pour ses enfants !
Il faut examiner les femmes mutilées :
Un examen clinique complet nous permettra de mesurer l’importance
de la mutilation et d’expliquer à la femme ce qui lui a été fait
96
Il faut être vigilant concernant les enfants de mères mutilées
et/ou dont les parents sont originaires de pays qui mutilent
1) Vérifier si possible par un examen clinique l’absence de MSF
chez une mère qui dit ne pas avoir été mutilée : la véracité de
ses dires nous donnera des indications quant à la vigilance à
avoir pour ses filles
2) Examiner les fillettes à risque, regarder leurs vulves
régulièrement et à chaque fois que cela est possible : les parents
doivent savoir qu’on s’intéresse à cet endroit et qu’une MSF sera
remarquée !
3) Se méfier particulièrement des périodes de vacances, s’enquérir
s’ils comptent partir au pays et leur rappeler les lois !
4) Au moindre doute quant à une possible excision en
préparation : signaler !
5) Ne pas hésiter non plus à contacter les associations luttant
contre les MSF qui nous aideront à convaincre les parents de la
nocivité des MSF et qui en plus ont des relais dans de
nombreux pays africains permettant une coopération francoafricaine dans ce domaine.
6) Ne pas oublier de signaler par ailleurs toute MSF constatée chez
une mineure, et redoubler de vigilance pour les soeurs de la
victime !
7) Expliquer aux parents l’importance d’un appareil génital intact
et les conséquences des MSF, démonter l’argumentaire
religieux : Non, l’Islam ne prescrit pas l’excision !
Soigner les femmes mutilées et leur proposer une prise en charge
spécialisée
1) Il existe des solutions simples tels que les lubrifiants vaginaux
pour soulager les douleurs aux rapports.
2) Mentionner la mutilation comme antécédent pathologique dans
les courriers aux spécialistes : urologue, gynéco-obstétricien,
psychologue, psychiatre
3) Adresser les femmes aux spécialistes de la prise en charge des
complications des MSF : douleur, réparation, psychologues,
sexologues
4) Proposer la chirurgie réparatrice, en premier lieu pour soigner la
femme mais aussi en acte de prévention des excisions : il est
important de désigner la mutilation comme responsable des
diverses souffrances de la femme et de lui faire savoir que c’est
curable ! Une femme « réparéé », soulagée de ses souffrances ne
voudra plus les infliger à ses filles !
97
6) BIBLIOGRAPHIE
1. « Première Journée Humanitaire sur la santé des femmes dans le
monde », organisée par GSF, 8.3.2006, dossier de presse.
2. “Mutilée”, le témoignage de Khady Koïta, Editions Pocket, 2005
3. “Pour en finir avec les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES”,
colloque de l’Institut Pasteur organisé par le Ministère de la Santé et
des Solidarités, 4.12.2006, dossier de presse.
4. « Burkina Faso : un gynécologue congolais « répare » les excisions »,
interview du Dr Madzou, voir sous www.afrik.com, article 10464
5. « Excision », article de C. Solano et P. Foldès, N° 109 des Réalités
en gynécologie-obstétrique, mars 2006.
6. « L’Orgasme et l’Occident, une histoire du plaisir, du XVIe siècle à
nos jours » par Robert Muchembled, Editions du Seuil, août 2005
7. « Anatomie opératoire : gynécologie et obstétrique » par Pierre
Kamina, éd. Maloine, 2000
8. « Victoire sur l’excision. Pierre Foldès, le chirurgien qui redonne
l’espoir aux femmes mutilées » par Hubert Prolongeau, Ed. Albin
Michel 2006
9. « L’excision » par Françoise Couchard, collection que sais-je ? PUF
2003
10. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES. Un autre crime
contre l’humanité. Connaître, prévenir, agir », supplément au Bulletin
de l’Académie nationale de médecine, séance du 10.6.2004, 188, N° 6
11. « Exciseuse », entretien avec Hawa Gréou, réalisé par Natacha
Henry et Linda Weil-Curiel, Editions City, 2007.
12. « Femmes assises sur le couteau » par Dr M.H. Franjou et Isabelle
Gillette, Editions GAMS, Paris 1995
13. « Nos filles ne seront pas excisées » par le GAMS, ouvr. collectif,
2006
98
14. « Excisions, mutilations sexuelles », dossiers techniques du service
de PMI de Seine St. Denis, réunis par Dr E. Piet, Annie Helias, Patricia
Iturria, Gisèle Breese, 3 tomes parus en 1990, 1992, 2005.
15. « MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES, les religions sont-elles
impliquées ? », document publié par Sabreen Al Rassace, Amnesty
international, 2005
16. « Agressions sexuelles, violences à enfants », nouveau code pénal,
textes de loi, circulaires, par le Dr E. Piet, médecin départemental
des PMI, Seine St. Denis, mai 2007.
17. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES », repères
documentaires édité par le Service des Droits des Femmes et de
l’Egalité », déc. 2006
18. « MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES en Ile de France, prise
en charge et prévention » par Catherine Morbois et Nathalie Nebout,
Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité », Préfecture
de la Région de l’Ile de France, Paris, 2005.
19. « Pratique des médecins de protection infantile de Seine St. Denis
en matière de prévention des MUTILATIONS SEXUELLES
FÉMININES », thèse de médecine générale soutenue par Amara Donia,
Faculté de médecine « Léonard de Vinci » de Bobigny, 6.7 2006.
20. « L’Excision. Il faut que cela cesse à une génération », mémoire
présenté en vue de l’obtention du diplôme d’Etat de sage-femme par
D. Blimding , Ecole de sages-femmes de Lyon, promotion 1998-2002.
21. « Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES » par M.Cl.
Soumaré, travail de fin d’études à l’IFSI de Laon, promotion 19972000
22. « La Sage-Femme et les Mutilations Génitales Féminines » par
Sandy Grima, Ecole de sages-femmes de Marseille, promotion 20002004
23. « Les Mutilations Génitales », mémoire de sages-femmes par
Véronique Galy, UFR de médecine, Paris Ouest, Ecole de sagesfemmes, région Ile de France, Centre hospitalier intercommunal,
promotion 1987-1991
24. « Excision », émission de télévision, soirée Théma sur Arte,
6.2.2007
25. « Bouches cousues. Les MUTLATIONS SEXUELLES FEMININES et
le milieu médical » par Renée Saurel, Ed. Tierce 1985
99
26. « Des couteaux contre des femmes. De l’excision » par Séverine
Auffret, préface de Benoîte Groult, Edition des Femmes, 1983.
27. « Health Care in Europe for Women with Genital Mutilations » par
E. Laye, R.-A. Powell, G. Nienhuis, P. Claeys, M. Temmerman,
30.9.2004
28. “Les MUTILATIONS SEXUELLES FÉMININES » par C. ReySalomon, D. Do Quang, Unité médico-judiciaire d’enfants, Hôpital
d’enfants A. Trousseau, 27.10.2004, Archives de Pédiatrie, vol. 12,
Issue 3, 2005, p.347-350.
29. « Chirurgie plastique reconstructrice du clitoris après mutilations
sexuelles » par P. Foldès, Centre Hospitalier de St. Germain en Laye,
Progrès en Urologie, 2004, N° 14, p. 47-50
30. “ Reliability of self reported form of female genital mutilation and
WHO classification, cross selectional study “ par S. Elmusharaf, N.
Elhadi, L. Almrock, BMJ 2006; 333; 124 (15. July)
31. « Comment l’excision recule au Burkina Faso » par Hubert
Prolongeau, Le Monde Diplomatique, août 2006.
32. « Protégeons nos petites filles de l’excision », voir Annexes
33. « Des mutilations sexuelles féminines en France » par Dr E. Piat,
Revue Gynécologie Internationale, tome 8, N°5, mai 1999.
34. « Les complications obstétricales des mutilations génitales
féminines » par Roger Henrion, La Revue de Praticien Gynécologique et
Obstétrique, N° 111, mars 2007.
35. « Etude et propositions sur la pratique des MUTILATIONS
SEXUELLES FÉMININES en France », 30.4.2004, Commission
Nationale Consultative des Droits de l’Homme.
36. « Un chirurgien répare les femmes excisées » par Isabelle
Carboneschi, Supplément de « Le Temps », Suisse, 22.03.2005
37. « Mali : pour une loi interdisant les MUTILATIONS SEXUELLES
FÉMININES », Action femmes, juillet 2004
38. « Résultats de la réparation chirurgicale du clitoris après
mutilation sexuelle : 453 cas », par P. Foldès et C. Louis-Sylvestre,
15.5.2006, Gynécologie, obstétrique et fertilité, 34, 1137-1141
39. « Il faut mettre fin aux mutilations génitales féminines »,
communiqué de presse de l’UNICEF, « La situation des femmes et des
100
filles, faits et chiffres », 6.2.2005
40. « Mutilations génitales féminines », aide mémoire N° 241 de
l’Organisation Mondiale de la Santé, Genève 2000.
41. « Mutilations sexuelles féminines », déclaration commune OMS/
UNICEF/ FNUAP, Genève 1997.
42. « Feminal Genital Mutilation, an overview », OMS, Genève 1998.
101
7) ANNEXES
ANNEXE 1
102
ANNEXE 2 (RECTO)
103
ANNEXE 2 (VERSO)
104
105
ANNEXE 3
106
107
108
109
110
111
112
113
ANNEXE 4 RECTO
114
ANNEXE 4 VERSO
115
RESUME
En Ile - de - France 19000 femmes et fillettes seraient excisées ou à
risque de l’être. Pourtant ce sujet n’est pas abordé lors de nos études
médicales.
J’ai voulu savoir quelles étaient les attitudes et connaissances des
médecins généralistes vis – à - vis des mutilations sexuelles
féminines.
Sont-ils confrontés aux femmes mutilées ?
S’occupent- ils de la prévention de l’excision des jeunes filles ? Saventils prendre en charge les femmes mutilées ?
Pour répondre à ces questions j’ai fait une étude par questionnaire
anonyme que j’ai envoyé aux généralistes des 12e, 18e, 19e et 20e
arrondissements parisiens.
Il en ressort que les médecins ayant répondu ont de bonnes
connaissances et sont sensibilisé sur ce sujet mais qu’ils ne sont pas
suffisamment vigilant quant aux risques de mutilation ni ne prennent
suffisamment en charge les femmes mutilées.
En fin de thèse, je donne quelques propositions simples pour
améliorer le dépistage et la prévention des MSF et de leurs
complications. J’insiste aussi sur la nécessité d’enfin intégrer ce sujet
dans nos études de médecine.
MOTS CLES
-
excision (ethnologie) - - prévention
mutilations sexuelles
excision (ethnologie) - - dépistage
médecins généralistes
clitoris - -chirurgie
116

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