la fiscalite des paris sportifs

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la fiscalite des paris sportifs
LA FISCALITE DES PARIS SPORTIFS
L’ouverture à la concurrence de certains secteurs du marché des jeux en ligne par la loi du 12 mai
2010 validée par la décision du Conseil constitutionnel comporte un chapitre XI intitulé «
Dispositions fiscales » 1.
Les nouvelles mesures fiscales d’accompagnement à la régulation des jeux en ligne sont importantes,
puisque l’ouverture à la concurrence permet aux Finances publiques de bénéficier de ressources
financières tout en garantissant une certaine moralité à ces paris accessibles au grand public, eu égard
à la fiscalisation des sommes mises en jeux.
La notion fiscale doit être entendue dans son sens le plus large, puisque le dispositif entré en vigueur
concerne aussi bien les prélèvements fiscaux que les prélèvements sociaux.
Cependant sur le plan strictement fiscal, on relèvera que le nouveau dispositif a reçu pour appellation :
« Prélèvement », alors qu’il est codifié dans un nouveau chapitre XX du titre II du code général des
impôts consacré principalement aux taxes assises sur le chiffre d’affaires et qui sont essentiellement
désignées comme taxes, contributions voire redevances. Dorénavant donc, des prélèvements ont pour
base taxable le chiffre d’affaires réalisé ( à savoir les mises sur les paris sportifs ).
Cette nouvelle création de catégories d’ « impositions de toute nature » ( l’ITN chère au Conseil
constitutionnel ) revient à faire preuve de taxinomie fiscale comme aime à le souligner le professeur
Gilbert Orsoni. 2
Le principe d’assujettissement aux prélèvements peut être résumé aux règles suivantes :
L’entreprise redevable souscrit une seule déclaration qui regroupe trois des quatre prélèvements
prévus par le législateur pour les paris sportifs :
- prélèvements institués au profit de l’Etat ;
- prélèvements institués au profit des organismes de sécurité sociale ;
- prélèvements institués au profit du centre national pour le développement du sport ( CNDS )
A ces taxations, doit être ajouté un droit fixe à acquitter pour l’obtention de l’agrément délivré par
l’Autorité de régulation des jeux en ligne.
Le prélèvement fiscal
L’article 47 de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux
d’argent et de hasard en ligne ( codifié à l’article 302 bis ZG du CGI ) a institué un prélèvement fiscal
pour les paris sportifs ( mais également sur les paris hippiques et les jeux de cercle en ligne ).
Ce prélèvement est dû par les personnes morales qui exploitent les paris sportifs et les opérateurs
agréés de paris sportifs en ligne (article 302 bis ZH du CGI ).
Il doit être déclaré et liquidé sur une déclaration n° 3330-SD, établie mensuellement, et la déclaration
doit être souscrite ( accompagnée du paiement ), dans les mêmes délais qu’en matière de taxes sur le
chiffre d’affaires, auprès du services impôts des entreprises du siège de l’entreprise ou à défaut du
principal établissement. L’entreprise redevable souscrit une seule déclaration qui regroupe les trois
prélèvements prévus par le législateur pour les paris sportifs : prélèvement fiscal, prélèvement social et
prélèvement institué au profit du centre national pour le développement du sport ( CNDS ) 3
1
Loi du 12 mai 2010 n° 2010-476, J.O. 13 mai 2010, p. 8881 ; décision du Conseil constitutionnel n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, J.O. du
13 mai 2010, p. 8897
2
Taxinomie fiscale, in Mélanges en l’honneur de Pierre Beltrame , par Gilbert Orsoni, professeur à l’Université Paul Cézanne, Aix-Marseille
II, doyen de la Faculté de Droit et de Science Politique, Presses universitaires d’Aix-Marseille,2010
3
Notice et déclaration n° 3330-SD sur : www.impôts.gouv.fr
1
Les procédures de recouvrement et de contrôle du prélèvement fiscal sont identiques à celles
applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires : mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges (
article 302 bis ZM du CGI ).
Les redevables établis dans un autre Etat membre de la communauté européenne souscrivent la
déclaration mensuelle auprès du service des impôts des entreprises étrangères de la direction des
résidents à l’étranger et des services généraux4.
Dans une instruction du 14 mai 2010, l’administration a commenté l’article 302 bis ZN du CGI qui
considère que lorsqu’une personne non établie en France est redevable du prélèvement fiscal, elle est
tenue de faire accréditer auprès de l’administration fiscale un représentant établi en France, qui
s’engage à remplir les formalités lui incombant et à acquitter le prélèvement à sa place. Il tient à la
disposition de l’administration fiscale ainsi que de l’Autorité de régulation des jeux en ligne la
comptabilité de l’ensemble des sessions de jeu et de pari en ligne. Cette instruction a notamment pour
objet de présenter la procédure d’accréditation du représentant 5
Le taux du prélèvement fiscal est de 5,7 % sur les sommes engagées par les parieurs, qu’il s’agisse des
paris sportifs existant depuis 1985 ( jeu appelé loto sportif et mis en place en 1985) ou bien désormais
des paris sportifs en ligne exploités par des personnes agréées par l’Autorité de régulation des jeux en
ligne.
Le prélèvement est assis sur le montant des sommes engagées par les joueurs et parieurs, ainsi que sur
les gains réinvestis sous forme de nouvelles mises.
Le prélèvement social
L’article 48 de la même loi a créé un prélèvement social sur les paris sportifs ( mais également un
prélèvement social sur les paris hippiques et les jeux de cercles en ligne ).
Ce prélèvement social a la caractéristique de se substituer à la CSG et la CRDS, ce qui exclut toute
affectation de ces impositions à une caisse sociale spécifique.6
Le taux du prélèvement social est de 1,8 % sur les sommes engagées par les parieurs ainsi que sur les
gains réinvestis par ces derniers.
Ce prélèvement est dû par la personne morale chargée de l’exploitation des paris sportifs, ainsi que par
les opérateurs de paris sportifs en ligne titulaires de l’agrément délivré par l’ARJEL. Les procédures
de recouvrement et de contrôle du prélèvement social sont identiques à celles applicables aux taxes sur
le chiffre d’affaires.
Les redevables établis dans un autre Etat membre de la communauté européenne souscrivent la
déclaration mensuelle auprès du service des impôts des entreprises étrangères de la direction des
résidents à l’étranger et des services généraux4.
Les prélèvements sur les partis sportifs au profit du CNDS
Antérieurement à la loi du 12 mai 2010, un prélèvement de 1,8 % ( 1,78 % avant 2008 ) était appliqué
aux mises effectuées sur les jeux organisés par la Française de jeux ( loto sportif compris ) et dont le
produit était affecté au CNDS : depuis le 1er janvier 2008, les ressources financières générées par ce
taux de 1,8 % sont plafonnées au bénéfice du CNDS à 163 millions d’euros ( le montant de ce plafond
est cependant indexé chaque année sur la prévision de l’indice des prix à la consommation hors tabac
retenue dans le projet de loi de finances.7
4
D.R.E.S.G. 10 rue du Centre TSA 20011 93465 Noisy-le-Grand cedex
Instruction du 14 mai 2010, 3 P-4-10, www.impôts.gouv.fr
6
Le prélèvement social a pour effet dans le nouveau dispositif de remplacer en tout ou partie la CSG et la CRDS qui étaient applicables
auparavant sur les jeux exploités par la Française des jeux et sur les sommes engagées en France au pari mutuel. Cependant la nouvelle
législation a maintenu la CSG sur une fraction des sommes misées sur les jeux exploités par la Française des jeux ( la fraction soumise à
CSG des sommes misées passant de 23 % à 25 % et le taux de la CSG prélevé est ramené de 9,5 % à 6,9 %.), en excluant cependant les
sommes misées sur les évènements sportifs. La CSG ainsi conservée n’est cependant plus affectée au financement de la Caisse
d’amortissement de la CNAM ; seule une partie de cette contribution ( 4,85 % ) est versée aux régimes obligatoires d’assurance maladie.
5
7
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010 instituant le prélèvement de 1,8 %, le droit de timbre qui était prévu à l’article 919 A du
CGI a été supprimé pour l’ensemble des jeux exploités par la Française des jeux, dont le loto sportif pour lequel le taux de cet impôt s’élevait
à 4,7 % des sommes engagées.
2
L’article 51 de la loi du 12 mai 2010 a ajouté un prélèvement complémentaire perçu au profit du
CNDS ( article 1609 tricies du CGI ), dont l’assiette est constituée des sommes engagées par les
parieurs, ainsi que par les gains réinvestis, dans les paris sportifs organisés et exploités, d’une part par
la Française des jeux et, d’autre part, par les opérateurs en ligne titulaires de l’agrément délivré par
l’ARJEL.
Le taux de ce prélèvement complémentaire a été fixé à 1,3 % par le législateur qui a néanmoins prévu
que ce taux serait porté à 1,5 % en 2011 et 1,8 % à partir de 2012.
La particularité de ce prélèvement complémentaire ( dont l’impact financier n’a pu être mesuré à ce
jour ) consiste dans l’affectation intégrale des prélèvements au financement du CNDS.
Les procédures de déclaration, recouvrement et contrôle sont identiques par ailleurs au prélèvement
fiscal et au prélèvement social.
Droit fixe
L’article 38 de la loi du 12 mai 2010 a également créé un droit fixe dû par les opérateurs de jeux ou de
paris en ligne soumis au contrôle de l’Autorité de régulation des jeux en ligne.
Contrairement aux prélèvements qui sont assis sur les mises des joueurs, le droit fixe est exigible lors
d’une demande d’agrément ou du renouvellement quinquennal de l’agrément.
Les taux de ce droit fixe ont été fixés par un décret du 14 mai 2010 et varient selon la nature de la
demande d’agrément ou de renouvellement d’agrément 8.
Ce droit fixe est recouvré et contrôlé selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions
qu’en matière de droit d’enregistrement.
Taxe sur la valeur ajoutée.
L’article 261 E, 2° modifié par l’article 53 de la loi du 12 mai 2010 stipule que le produit de
l’exploitation des paris sur les compétitions sportives est exonéré de TVA, à l’exception des
rémunérations perçues par les organisateurs et intermédiaires qui participent à l’organisation de ces
jeux.
Cependant, cette exonération qui est applicable aux opérations intervenues à compter du 13 mai 2010 (
date d’entrée en vigueur de la loi relative à l’ouverture et à la régulation du secteur des jeux d’argent et
de hasard en ligne ) est limitée dans le temps, à savoir pendant deux ans à compter de cette date
d’entrée en vigueur.
En effet, l’article 69 de la loi du 12 mai 2010 a prévu de procéder à un bilan intermédiaire ou point
d’étape un bilan de l’application de la loi, au terme d’une période de dix huit mois après l’entrée en
vigueur du texte législatif ( au plus tard le 31 décembre 2011 ).
La nécessité d’une fiscalité juste
Tout projet de loi qui introduit une dimension fiscale génère lors de la discussion parlementaire les
habituels conflits entre : trop d’impôts ou pas assez de ressources financières pour des secteurs ciblés
Dans le cadre de la préparation du texte relatif à la régulation des jeux d’argent et de hasard en ligne,
les mêmes conflits ont été mis en avant.
Sur un plan général , il est important de rappeler que la fiscalité prise dans son ensemble représente
une imposition de 8,8 % sur les mises des joueurs ou parieurs ( 5,7 % pour le prélèvement fiscal, 1,8
% pour le prélèvement social et 1,3 % pour le CNDS ) 8.
Quoiqu’il en soit, cette fiscalité répond à trois objectifs des pouvoirs publics :
8
Décret du 14 mai 2010, J.O. 15 mai 2010, p. 9051, codifié aux articles 313 BR, I , II et II de l’annexe III au CGI :
5 000 € si la demande porte sur un seul agrément ; 8 000 € pour deux agréments et 10 000 € lorsque la demande porte sur trois agréments.
Pour une demande de renouvellement de l’agrément le droit dû est fixé respectivement à : 2 500 €, 4 000 € et 5 000 €.
Par ailleurs, au 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle l’agrément a été accordé ou renouvelé, le droit fixe est de : 20 000 €
lorsque l’opérateur n’est titulaire que d’un seul droit ; 30 000 € pour deux agréments et 40 000 € pour trois agréments
8
Cette fiscalité globale passera à 9,3 % en 2012 lorsque le prélèvement effectué au profit du CNDS passera à 1,8 %. Nonobstant toute
adaptation de la législation sur la TVA après le rendez-vous de fin 2011 pour évaluer le dispositif fiscal.
3
1° Toute fiscalité aussi faible ou importante soit-elle répond en certaines circonstances à une
moralisation des circuits financiers, ne serait-ce que parce que les gains des jeux sont exonérés
d’impôts. Aussi, l’imposition des mises des joueurs et parieurs instaure un contre-poids par une
fiscalité qui n’est pas négligeable : rappelons que la fiscalité au taux global de 8,8 % est assise sur les
sommes mises en jeu, alors que les gains ( ou retours sur enjeux ) sont plafonnés à 80 % à 85 % Au
surplus, ce plafonnement des redistributions aux joueurs a pour effet de lutter contre les phénomènes
d’addiction.
Certes, une fiscalité trop lourde pourrait avoir pour effet de dissuader les joueurs de miser sur des sites
agréés, d’autant que la fiscalité applicable dans d’autres pays sur les jeux en lignes est moins élevée :
le taux d’imposition est de 0,5 % à Malte ; mais 15 % en Grande Bretagne ( depuis 2008 ) et environ
4,5 % en Italie et 10 % en Espagne.
Mais ces taux d’imposition ne sont pas comparables avec la fiscalité française : puisqu’en France ce
sont les sommes mises en jeux par les parieurs ou joueurs qui sont taxées ( comme en Italie ); alors
qu’en Grande Bretagne par exemple l’imposition est assise sur les produits bruts des jeux ( PBJ ), ce
qui équivaut à une taxation de 1,05 % sur les mises ( en raison d’un taux de retour sur enjeux ( TRJ )
de 93 %.
2° L’accroissement des ressources publiques est une nécessité des plus criantes actuellement et
l’ouverture des jeux en ligne donne l’occasion aux pouvoirs publics d’augmenter ses ressources
fiscales9.
Et ce qui a pu paraître inaperçu est la non affection d’une partie non négligeable des ressources
fiscales au besoin de la sécurité sociale, puisque pour certains jeux, CSG et CRDS ( dont les produits
étaient affectés à cette branche sociale ) ont été supprimés. Le prélèvement social pour partie est
désormais destiné au budget général de l’Etat ; seule une partie des produits conserve sa destinée
d’origine.10
3° Le financement du CNDS enfin doit être souligné puisque le prélèvement spécifique qui est établi à
son endroit lui est intégralement affecté. Alors qu’auparavant les produits des jeux destinés au CNDS
étaient plafonnés. Le CNDS étant appelé progressivement à contribuer fortement au financement du
sport en France, en complément au budget du sport du secrétariat d’Etat ; cette manne financière est
donc bienvenue.
Restera cependant à évaluer à la fin de l’année 2011, si le « produit fiscal » est à la hauteur des attentes
des pouvoirs publics.
9
Dans la séance du 8 octobre 2009 à l ‘Assemblé nationale, Eric Woerth, ministre du budget, répondait au président de séance : « La
fiscalité est nécessaire. D’une certaine façon, elle permet de financer les infrastructures. Elle entre dans le budget général de l’Etat pour
financer les politiques publiques en fonction des priorités du Gouvernement ».
10
Une partie du prélèvement social est néanmoins destinée au financement de la lutte contre la dépendance aux jeux, par l’intermédiaire de
l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ( INPES ) pour un montant de 10 millions d’euros.
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