La culture de la garance au cours des siècles

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La culture de la garance au cours des siècles
ARTICLE
MPS – SL
La garance des teinturiers
Auteurs :
Sophie De Reguardati et William Barthe, enseignants de physiquechimie
Fabrice Arnault, ethnobotaniste et chargé de mission au Jardin des
Plantes
La culture de la garance
au cours des siècles
2012
La garance des teinturiers est vraisemblablement originaire
de Perse et de la partie orientale du bassin méditerranéen. Son
utilisation est ancienne comme l’attestent des textiles de lin datant
du 11e siècle avant notre ère. Les Grecs et les Romains antiques
l’emploient pour différents usages, en teinture mais aussi en peinture
et en médecine. Sa culture s’accroît et se répand sur le pourtour
méditerranéen ainsi qu’en Europe occidentale. Son essor est notamment
dû au développement de la production de laine. La chute de l’Empire Roman
n’entraîne pas son déclin. Sous Dagobert, la garance se vend pour l’exportation
sur le marché de Saint-Denis. Elle figure dans le capitulaire De Villis, édicté par
Charlemagne, sous le nom de Warentiam (carolingien), warentia (bas latin). A
partir du Xe siècle, le développement de la draperie en Europe permet l’expansion
de la culture des principales plantes tinctoriales et donc de la plante. Mais les guerres
civiles et étrangères des XVIe et XVIIe siècles font disparaître la garance de France. Sa
culture avait été tentée sous le règne de Louis XIV.
Dans ce but, Colbert avait promulgué une instruction sur la culture et l’emploi de la
garance. Un édit royal exonérait de l’impôt toute personne qui la cultiverait dans les anciens
marais asséchés. En 1754, Jean Althen commença des essais de culture à Saint-Chamond, puis
les renouvela à partir de 1763 avec plus de réussite dans le Comtat avec l’appui du marquis
de Caumont, premier consul d’Avignon. Il n’y eut cependant aucun essor significatif à cause
des importations du Levant. Mais les guerres de la Révolution ayant entravé le commerce, les
cultivateurs se lancèrent dans cette culture qui se développa pour atteindre son maximum vers
1860. Au XVIIIe siècle, le Vaucluse devient alors le principal producteur de garance (la moitié de
la production mondiale).
Musée de l’armée - 51 Boulevard de La Tour Maubourg - 75007 Paris
Source : Encyclopédie de la langue française
Ce sont les progrès de la chimie qui amenèrent, au XIXe siècle, la disparition de la garance.
L’alizarine, sa substance colorante, fut identifiée en 1826. Le 25 juin 1869, quelques heures
avant l’Anglais Perkin, Graebe et Liebermann, deux chimistes
allemands firent breveter un procédé permettant de la
fabriquer artificiellement. En peu d’années, le prix de revient
pu être réduit au point de n’atteindre plus que le dixième
environ de celui de la garance naturelle, à pouvoir colorant
égal, et encore s’agissait-il d’alizarine pure, alors que le
produit naturel devait d’abord être débarrassé d’autres
substances colorantes, sous peine de ne pas obtenir un rouge
franc.
Actuellement, on la rencontre encore en Europe au bord des
routes et des haies, dans les régions où elle a été autrefois cultivée.
Dans l’histoire de la teinture, la garance tient une place
particulière car elle est la principale source de « vrai rouge ».
Elle s’est imposée en raison de la diversité des couleurs qu’elle
permet d’obtenir, soit seule, soit en combinaison avec d’autres
teintures. L’industrie de la draperie au Moyen Âge lui garantit le
succès.
La teinture du coton est maîtrisée depuis longtemps en Inde.
Par la suite, les techniques se sont diffusées au Moyen et
Proche-Orient avant d’atteindre l’Europe occidentale au XVIIIe
siècle.
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La teinture comportait une très longue préparation de la fibre pour
qu’elle assimile le maximum de coloration du bain final de teinture.
La pollution et la puanteur étaient alors prégnantes.
La teinture de la laine est également une pratique ancienne chez les
teinturiers du Bassin méditerranéen et du Moyen-Orient avant d’être
propagée en Europe.
Exemples d’utilisation historique de la garance :
En août 1914, les fantassins français portent encore les pantalons
rouge garance, devenus leur signe distinctif depuis 1829.
La tenture de la Dame à la Licorne, qui constitue l’ensemble le plus prestigieux du
Musée de Cluny, a été tissée en Flandre au XVème siècle, à partir de cartons réalisés
à Paris. Sur les six tentures, cinq expriment une apologie des sens, alors que la sixième
montre la jeune femme déposer un collier dans un coffre, signe de renoncement aux plaisirs
de ce monde.
Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge - 6 place Paul Painlevé - 75005 Paris
Source : Malissin Pierre-Emmanuel et Valdes Frédéric
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