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Le Rossel 2015 se trouve parmi ces cinq écrivains Dernière délibération et proclamation du prix le mardi 1er décembre Juan Francesco d’Outremont Pittau « Compte « Tête-Dure » à rebours » © D.R. Gérard Mans « Poche de noir » © HERMANCE TRIAY. Charly Delwart « Chut » L’intrigue La Grèce en crise. La narratrice, 15 ans, décide de ne plus parler. Elle écrit. Dans son cahier. Sur les murs de la ville. Elle recrée un art poétique monumental. La cité redevient un lieu de parole sans qu’il soit besoin de prononcer une seule syllabe. Les premiers mots À son tour elle a terminé de lire, me regarde. Après avoir dit qu’elle voulait une vie trépidante (et expliqué à quoi cela ressemblait), elle a refermé son carnet et s’est tournée vers moi car, après elle et les autres, il restait moi. La veille mon père m’avait dit que, si la situation du pays empirait, je serais un jour conductrice de bus pour Chinois ou Indiens, pour leur faire visiter la ville, ce qu’il resterait d’Athènes. Les fixant l’une après l’autre, me demandant ce qu’elles feraient elles, guides dans d’autres bus, vendeuses de souvenirs, à la fois cela semblait excessif comme issue. Je ne sais pas au juste ce que je fais là, un cahier sur mes genoux, mais c’est la règle. La raison de pourquoi on est là. © D. R. L’intrigue Une jeune femme lui propose un mail chaque lundi avec un feuilleton culinaire. Judas s’abonne. Il lui promet de lui écrire chaque jour durant un an. Un compte à rebours où il parlera d’amour, de Dumas, du lac Léman, de la Volvo 850 Break, et au bout duquel il la demandera en mariage. L’intrigue Un tableau de Caravage qui a disparu, un gardien de musée au Palais de la mer en Charente-Maritime, passionné de poulpes, seiches et calmars, retrouvé mort à Zagreb, écrasé entre deux étagères à archives, un cadavre de pieuvre à côté du sien. Charles Bernard enquête à travers l’Europe. Les premiers mots Le vingt-cinq janvier de cette année-là, Judas KlausThauman reçoit un message électronique d’une jeune femme croisée un an auparavant. Le mail lui rappelle les circonstances de cette rencontre – c’était lors d’un festival de théâtre de rue à Fribourg pour lequel elle avait réalisé un film sur un de ses numéros de trapèze volant, projeté deux nuits de suite sur la façade d’une agence de la Banque Cantonale – et se propose de lui faire parvenir « Gamelle », un recueil de recettes à préparer en milieu carcéral qu’elle dédie aux membres des Brigades Rouges. Compilation dont elle fait parvenir chaque lundi une nouvelle fiche et cela à une centaine d’internautes. Dans quel but ? Pour, dit-elle, échapper à la grisaille de cette fin janvier… Les premiers mots Un jour, il s’était mis à parler seul. Sans arrêt. Devant les autres et avec lui-même. Pour quelle raison ? Raymond n’en savait juste rien. Les gens l’observaient tel une bête dont la gueule écume. Ses mots faisaient rempart autour de lui. Tenant à distance. En respect. Comme la coulée de lave rougeoyante décourage les intrépides de l’ascension du volcan. C’était un samedi. Il y avait affluence au Palais de la mer. Une journée de congé. Les visiteurs s’étaient déplacés en famille. On avait pris ses tickets et déjà des pas nerveux se faisaient entendre sur les grandes dalles du couloir à l’étage. Chacun voulait être le premier à coller son nez sur les vitres des aquariums. Voir les pieuvres de près. roman roman Chut CHARLY DELWART Seuil 171 p., 17 € ebook 11,99 € Compte à rebours JUAN D’OUTREMONT Onlit 230 p., 16 € ebook 7,99 € roman Poche de noir GÉRARD MANS Maelstrom 280 p., 16 € © MARIE ANDRÉ. © FRANÇOISE LISON-LEROY. Eugène Savitzkaya « Fraudeur » L’intrigue Tête-Dure, c’est le surnom que sa mère lui a donné, a six ans. On est en 1962, en pleine crise des missiles cubains. Le gamin suit le monde des adultes, avec cette menace de guerre d’un côté et la guerre que se font ses parents. Tête-Dure observe avec inquiétude son univers qui semble se déglinguer. L’intrigue Fraudeur est un garçon de 14-15 ans qui vit la vie autrement. Son univers est celui de la nature, des sensations, des goûts, c’est l’odeur du foin et la douceur des plumes de poitrine des poules. Ses pensées s’échappent parfois de la Hesbaye pour s’ancrer à l’Est, où sont nés ses géniteurs, où l’on parle vodka, sauna, pirojki. Les premiers mots L’Indien, rouge cru des pieds jusqu’à la dernière plume de son chapeau de guerre, s’élance sur ses mocassins silencieux. Sans poids sur le balatum, sa foulée est courte. Il ne respire pas. Il n’en a pas besoin. Ça y est ! il a atteint le pied de la table ; il attend un peu, puis repart avec agilité vers la chaise debout dans la pénombre chaude des rideaux. Ses muscles sont luisants. De peur ou de sueur. Il s’approche de la chaise. Jette son regard à gauche et à droite. Rien de suspect. Se relâche. Un doute, pourtant, doit lui triturer les tripes, car tout est trop calme. Tout est beaucoup trop calme. Son corps, malgré lui, retrouve sa tension première, se raidit dans une crispation nerveuse de tous les membres. Les premiers mots S’étant frotté la tête contre un pubis poilu, le fou se promène la tignasse en pétard, les cheveux embroussaillés comme de l’étoupe. N’ayant ni hauteur ni forme, le fou n’a non plus d’épaisseur et pas plus de consistance que de couleur. Il n’a ni nom ni matricule ni argent ni ventricule. S’il court, il s’arrête aussitôt. S’il se lève, il se recouche illico. Éveillé, il dort. Endormi, il veille. N’ayant ni maison ni charrette, il n’a pas de balais ni de serpillière. Il n’est ni vivant ni mort, il n’est ni froid ni chaud. Il n’a ni père ni mère, il n’a ni patrie ni havre. N’ayant pas de portefeuille, il n’a ni carte ni crédit. N’étant d’aucun parti ni d’aucune confrérie, il ne porte ni drapeau ni étendard ni rosette. roman roman Tête-Dure FRANCESCO PITTAU Les Carnets du dessert de lune dessertlune @gmail.com 100 p., 12,50 € Fraudeur EUGÈNE SAVITZKAYA Minuit 166 p., 14,50 € ebook 9,99e 1