Fusillés Prisme 14-18 - Malgré-Nous

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Fusillés Prisme 14-18 - Malgré-Nous
Région
MARDI 13 MAI 2014 33
14-18 Fusillés « pour l’exemple » : savoir
enfin combien, et comprendre pourquoi
Durant la Première
Guerre, l’armée
française a beaucoup
fusillé ses propres
soldats, en particulier
sur le front vosgien.
Le groupe informel
« Prisme 14-18 »
s’est constitué pour
travailler sur cette
question sensible, avec
l’ambition d’approcher
au plus près
la réalité statistique.
Puisqu’il s’agit de vie et d’honneur, la question des fusillés militaires ne peut être traitée à la
légère. Mais parce qu’il s’écrit
beaucoup de choses en la matière, dont beaucoup sont sujettes à
caution, que l’on se contredit sur
les chiffres comme sur leurs interprétations, que la rumeur revêt volontiers les oripeaux de la
vérité et qu’en outre d’importantes revendications se font jour –
Faut-il réhabiliter ces morts-ci ?
Les graver sur les monuments
707, dont 55 dans
le secteur vosgien
Baptisé « Prisme 14-18 », il s’est
agrégé autour de la personnalité
du général André Bach, saint-cyrien et historien patenté, qui a
rédigé des livres sur ce sujet.
En ce début de centenaire, le
groupe passe à une nouvelle étape : il a décidé, depuis quelques
jours, de rendre public ses travaux par le biais d’un blog internet (adresse à la fin de l’article). Sa
profession de foi : « Retrouver la
guerre et ceux qui l’ont vécue hors
des récits convenus par la confrontation scientifique et minutieuse des
sources. […] Loin des théories explicatives, brillantes ou pas, priorité
aux faits, aux chiffres. »
« Nous ne sommes pas un groupe de
pression, nous ne défendons pas de
thèse, nous ne voulons pas délivrer
Des mutilations aux exécutions
Dans près de 500 cas (sur ces
707) était mentionné, parmi
les motifs des condamnations
à mort, l’article 213 du code
de justice militaire ; c’est celui
qui sanctionne l’« abandon de
poste en présence de l’ennemi ».
« C’était un article un peu fourre-tout… », précise Éric Mansuy. Il recoupait en particulier
les cas de mutilation volontai-
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telle ou telle façon de penser », complète et insiste l’un de ses membres, Éric Mansuy, basé près de
l’Alsace et excellent connaisseur
du front vosgien. À partir des
faits, donc, chacun se forgera sa
propre opinion.
S’il s’agit ici de dire juste, il ne
s’agit pas forcément de tout dire :
ainsi, les noms ne figureront pas
sur ce site, pour ne pas risquer, y
est-il écrit, « de contrecoups douloureux dans certaines familles » ;
en revanche, ces informations
pourront être communiquées
personnellement aux familles
qui le souhaitent.
« Prisme 14-18 » rassemble pour
l’instant huit personnes, de profils et d’horizons divers. « On se
sent d’autant plus fort pour coopérer
que tout cela est informel et gratuit,
témoigne le général Bach sur le
blog du 36e RI (http://36ri.blogspot.fr). Notre seul lien est l’envie,
ensemble, de retrouver la vérité sur
cette guerre dont on souffre, une
vérité qui reste encore étouffée sous
des poncifs mémoriels. »
Si le nom du groupe ne fait pas
explicitement référence aux fusillés, c’est, ajoute Éric Mansuy,
« parce que l’on se donne la possibilité de travailler de façon globale sur
les mentalités ». Mais, pour l’heure, le blog délivre surtout des chiffres sous forme de tableaux
statistiques. Ainsi, selon les dernières recherches du Prisme, le
nombre total de fusillés après ju-
C’est une première…
et sans doute
une dernière : quatre
anciens incorporés
de force alsaciens
assisteront
aux cérémonies
du Débarquement,
le 6 juin, à Ouistreham.
Il aura donc fallu attendre 70 ans
pour que d’anciens Malgré-Nous
soient invités officiellement à des
cérémonies commémorant le
Débarquement allié, le 6 juin
1944, en Normandie. Ce sera le
cas ce 6 juin 2014 : quatre anciens
incorporés de force – deux originaires du Haut-Rhin et deux du
Bas-Rhin –, qui avaient tous réussi à déserter l’armée allemande,
en Normandie ou en Belgique,
pour rejoindre les camps alliés,
seront présents à la cérémonie
internationale prévue à Ouistreham à partir de 15 h. Dûment
accrédités, ils prendront place
dans la tribune des vétérans, en
présence des chefs d’État et de
gouvernement.
L’idée avait été fortement suggérée aux autorités françaises par
Jean Bézard, fondateur de l’association Solidarité normande aux
incorporés de force d’Alsace et de
Moselle (Snifam), qui se démène
depuis deux ans pour rapprocher
ces régions de l’Est et de l’Ouest
dans une même mémoire (nos
précédentes éditions).
Mais une fois le principe acté,
encore fallait-il le concrétiser…
L’idée a pu devenir réalité grâce à
l’implication de Gérard Michel,
Hervé de Chalendar
Le carré des fusillés, au cœur du cimetière communal de Husseren-Wesserling.
Mémoire Des Malgré-Nous aux
cérémonies du Débarquement
Dans la tribune
des vétérans
+'
re : le fait de se tirer dans la
main ou le pied pour être retiré du front.
Or le diagnostic de la justice
n’était pas toujours fiable : en
septembre 1914, à Verdun, on
a découvert au dernier moment qu’un soldat condamné
à mort pour mutilation possédait bien une balle allemande
fichée dans le bras…
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Bas-Rhin et trois du Haut-Rhin).
C’est au début de la guerre que la
justice militaire a été la plus sévère : l’écrasante majorité de ces
exécutions sont intervenues dans
les années 14-15. Mais après, on a
en particulier pu constater des
exécutions sommaires – de supérieurs envers leurs subordonnés
–, quand il fallait « forcer l’obéissance ». Celles-ci sont encore plus
compliquées à comptabiliser – et
comprendre – mais le groupe s’y
risque : il donne un bilan provisoire de 75 cas.
Reste une grande question en
suspens : pour l’instant, le chiffre
équivalent aux 707 fusillés français est, côté allemand, de seulement 48. Ainsi, dans l’autre
camp, on a fusillé quinze fois
moins ses propres soldats ! Pourquoi un tel différentiel ?
aux morts ? –, un groupe de chercheurs s’est constitué spontanément, depuis environ cinq ans,
avec l’ambition de dire ce qui s’est
passé de la façon la plus objective
(et donc la moins incontestable)
possible.
Jean Bézard et sa compagne Nicole devant une des plages
du Débarquement : Juno Beach, dans le Calvados. Ce Normand
a milité pour que des incorporés de force soient invités
officiellement aux 70 ans du 6 Juin 1944.
Archives Jean-Marc Loos
président de l’association Orphelins de pères Malgré-Nous d’Alsace-Moselle (OPMNAM) ; il organise ce déplacement avec l’appui
de l’Association des évadés et incorporés de force (Adeif). Le déplacement s’effectuera en minibus du 4 au 8 juin. Huit personnes devraient être du voyage : les
quatre Malgré-Nous, des membres de l’OPMNAM et de l’Adeif
et Marie Goerg-Lieby, présidente
de l’Association pour des études
sur la résistance intérieure alsacienne (Aeria).
Les quatre anciens incorporés de
force invités sont Maurice Stotz
(né en 1926 à Mulhouse), Daniel
Fischer (né en 1926 à Colmar),
Armand Klein (né en 1924 à Jetterswiller, près de Saverne) et René Gall (né en 1926 à Fegersheim, près de Strasbourg). Ce
dernier préside l’Adeif du BasRhin depuis le décès du général
Bailliard, survenu en juin 2013.
Deux de ces anciens MalgréNous logeront chez Jean Bézard,
qui réside justement près de
l’une des plages du Débarquement, à Saint-Aubin-sur-Mer.
Un détour auprès de
« l’Alsacien inconnu »
« On profitera aussi de ce séjour
pour aller déposer une gerbe sur la
tombe de l’Alsacien inconnu de Breteuil-sur-Iton, dans l’Eure », précise
Gérard Michel. Cet Alsacien dont
l’histoire n’a pas retenu le nom
fut sans doute un Malgré-Nous
qui avait été fusillé par son unité
après une tentative de désertion
(lire notre article du 6 avril 2013).
Les frais de ce déplacement sont
assurés par l’OPMNAM et l’Adeif
dans l’attente éventuelle de financements sollicités auprès de la
Région, des deux Départements
alsaciens et de la Fondation entente franco-allemande (Fefa).
H. de C.
Archives Darek Szuster
gement dans l’armée française se
monte à 707 pour la période 1418 (cinq autres cas datent de
1919). Tous sont avérés. Il pourra
y avoir quelques ajouts, mais désormais, s’avance le groupe, « on
n’est pas loin de l’exhaustivité ».
EN SAVOIR PLUS Sur le blog
du groupe « Prisme 14-18 » :
http://prisme1418.blogspot.fr
Sans oublier les
exécutions sommaires…
Ceci ne figure pas dans le blog,
mais Éric Mansuy précise que,
sur ce total, 55 ont concerné un
grand front vosgien incluant Belfort et la Haute-Saône. Alors que
les Alsaciens se trouvaient plutôt
dans l’armée d’en face, le chercheur en recense néanmoins
cinq sur les 707 (deux natifs du
La tombe d’un fusillé réhabilité :
celle du sergent Bourcier,
à la nécropole de Metzeral. DR
Des fleurs sur la sépulture
normande d’un Alsacien
L’association Solidarité
normande aux incorporés
de force d’Alsace-Moselle
(Snifam) a profité d’une
cérémonie qui s’est tenue
dimanche dans le cimetière
militaire allemand d’Orglandes (dans le département
de la Manche) pour fleurir
la tombe d’un ancien
incorporé de force alsacien.
Il s’agit d’Alphonse Haefflinger,
né le 28 juin 1920 et décédé le
24 juillet 1944, dans les semaines donc qui ont suivi le Débarquement. « Nous aurions aimé
également fleurir la sépulture de
Léon Haby, né en 1926 à Oberhergheim et décédé le 10 juillet
1944 à Monthuchon, près de
Coutances, mais sa tombe n’est
hélas pas identifiée… », précise
Jean Bézard, fondateur de la
Snifam.
Un préfet
et un diplomate
La Snifam a déposé au pied de
cette croix militaire, qui signale
la présence de deux autres soldats, un pot empli de terre d’Alsace, dans lequel sont plantées
des fleurs de Normandie. Ce
La tombe normande
d’Alphonse Haefflinger,
Alsacien et Malgré-Nous.
DR
pot est une poterie ornée du
drapeau français que la Snifam
a fait réaliser spécialement en
Alsace à la mémoire des Malgré-Nous.
Cette cérémonie sur le thème
de la réconciliation européenne
rassemblait notamment le préfet maritime de Cherbourg et
un diplomate de l’ambassade
d’Allemagne en France.
Hartmannswillerkopf La crypte fermée
Le Comité du monument national du Hartmannswillerkopf informe
le public que la crypte du site est fermée aux visiteurs pour une
durée de six semaines environ pour cause de travaux. La réouverture est programmée pour le 28 juin. Il s’agit en effet de réaliser un
ravalement de façade intérieure de la crypte, dans la perspective
notamment de la cérémonie du 3 août prochain où sera posée la
première pierre de l’Historial franco-allemand et inauguré le parcours scénographié, en présence des présidents français et allemands, François Hollande et Joachim Gauck. « Pour des raisons
climatiques, ces travaux qui doivent être réalisés en cette période de
printemps redonneront à la crypte toute sa splendeur d’origine », assure
le comité dans un communiqué.
L’esplanade du HWK, la nécropole et le champ de bataille sont
ouverts au public. Un parcours scénographié du champ de bataille
de 4,5 km est en cours de réalisation sur le site avec une fermeture
localisée des sentiers sur la partie sommitale du Hartmannswillerkopf impactée par les travaux de maçonnerie, de consolidation des
ouvrages existants, qui seront suivis d’ici la fin juin par la mise en
place de panneaux explicatifs trilingues des combats, des ouvrages
militaires, de la vie dans les tranchées, de la faune et de la flore, etc.