elementele discursului în opera terre des hommes de antoine de

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elementele discursului în opera terre des hommes de antoine de
ELEMENTELE DISCURSULUI ÎN OPERA TERRE DES HOMMES DE
ANTOINE DE SAINT EXUPERY
LES MARQUES DU DISCOURS DANS TERRE DES HOMMES
D’ ANTOINE DE SAINT EXUPERY
Lector univ .dr.Luca Alexandru , Universitatea Petru Maior, Târgu Mureş
Terre des Hommes nu constituie o povestire liniară , în sensul în care ar fi o
juxtapunere de povestiri ci o legătură tematică şi structurală , aşa cum vom încerca să o
dovedim. Timpurile verbale cel mai des folosite sunt imperfectul care implică atât
anterioritatea cât şi simultaneitatea în povestire, cât şi prezentul indicativ care presupune
recursul la sistemul discursului care regizează efectiv scrierea operei şi asigură un factor
de coeziune al operei , în ciuda aparentei sale discontinuităţi structurale. Această formulă
scoate în evidenţă meditaţia subiectivă al unui « eu » al enunţării, persoană gramaticală
pe care se plasează enunţurile şi asigură coeziunea acolo unde totul pare împrăştiat sau
risipit.
Activitatea memoriei subiectului ghidează în acest fel naraţiunea şi se instalează ca un
factor de emancipare a discursului în raport cu povestea trăită.
« C’était en 1926. Je venais d’entrer comme jeune pilote de ligne à la Société
Latécoère, qui assura, avant l’Aéropostale, puis Air France la liaison Toulouse-Dakar ».1
La narration commence à la première personne et l’auteur a opté pour une évocation
rétrospective. La mention d’une date, les noms des lieux, associés aux déictiques ce/je
fournissent un cadre bien fixé au récit, permettant ainsi de repérer avec précision le
narrateur, l’espace et le temps des événement racontés.
La première phrase, d’une importance extrême, pose un fixage temporel : le
moment où les événements racontés sont censés se dérouler, associé, dès la phrase
suivante, au motif de l’entrée dans le domaine des futurs déplacements. Il est à remarquer
1
A.de Saint-Exupéry, Terre des Hommes,Gallimard,Paris,1939, p. 173.
1
que ce lieu, identifié par le nom de Société Latécoère, dépasse la fiction référentielle du
récit et acquiert un rôle fonctionnel dans la mesure où il constitue la porte d’accès à
l’espace général de l’action : les vols entre Toulouse et Dakar, toponymes qui balisent le
trajet, en parfait accord sémantique avec le référent posé dans le titre du chapitre : La
ligne.
Le recours au système du discours régit effectivement l’écriture de l’œuvre et
assure un facteur de cohésion à Terre des hommes, malgré son apparente discontinuité
structurale. Cette formule révèle en outre la médiation subjective d’un
je de
l’énonciation, personne grammaticale sur laquelle viennent se placer les énoncés et
assurent la cohésion là où tout semble dissipé ou éparpillé. L’activité de la mémoire du
sujet guide de cette façon la narration et s’installe comme un facteur d’émancipation du
discours par rapport à l’histoire vécue. L’alternance des deux systèmes peut être décelée
dans le chapitre narrant le premier courrier et elle est renforcée par la présence des
déictiques qui renvoient à la subjectivité du locuteur. Leur relevé rend compte de cette
présence du sujet du discours et donc d’un narrateur sujet central de l’énonciation, qui
remplit le rôle de médiatiser les rapports entre le passé et le présent : « Les moteurs à
cette époque-là, n’offraient point la sécurité qu’offrent les moteurs d’aujourd’hui ».2
« Quand je sortais de ce bureau »3 « Ce vieil omnibus a disparu, mais son austérité, son
inconfort sont restés dans mon souvenir. Et je me souviens d’avoir appris, trois ans plus
tard la mort du pilote L’écrivain. »4 « Ainsi voyage aujourd’hui l’équipage » 5« Je me
souviens aussi de l’une de ces heures où l’on franchit les lisières du monde réel »
6
De ces citations, on peut déceler de multiples marques signalant le rapprochement
d’un temps du discours et d’un temps de l’histoire. Il est à souligner, tout d’abord
l’emploi des pronoms personnels et du système verbal. L’emploi du pronom je, auquel il
faut associer la forme verbale me souviens suppose une intense activité mémorielle. Ce
type de construction renvoie au moment de la narration et montre que celle-ci est
dépendante d’une conscience qui restitue, subjectivement, les événements dans le but
2
Ibidem , p. 186.
Ibidem, p. 175.
4
Ibidem, p. 178.
5
Ibidem, p. 180.
6
Ibidem, p. 181.
3
2
précis de leur conférer un sens supérieur qui conduira par la suite à des réflexions qui
vont être capitales pour l’œuvre de l’auteur.
Dans Terre des hommes, les irruptions récurrentes du temps de l’écriture
témoignent de la souplesse dont l’auteur et le narrateur se rencontrent dans le temps de
l’écriture. Mais d’autres procédés encore informent sur la présence d’un je-narrateur,
organisateur des expériences fragmentées d’une vie en les unifiant suivant une démarche
créatrice qui le fait forger un espace narratif et discursif sui generis.
La narration prend dans Terre des hommes une dynamique de juxtaposition de
branches narratives indépendantes qui contredit le terme de roman qu’on a attribué à cette
œuvre. Sur ce point, la composition du second chapitre Les camarades par son caractère
hybride, en offre un bon exemple sans que jamais le narrateur n’abdique de son statut de
médiateur de la narration. Après l’évocation sommaire de l’ouverture de la ligne africaine
Casablanca –Dakar et l’épisode de la captivité de Mermoz par les Maures, dans un récit
dominé par l’emploi de la troisième personne, de l’imparfait et du passé simple : « Les
moteurs d’alors ne résistaient guère, une panne livra Mermoz aux Maures ; ils hésitèrent
à le massacrer, le gardèrent quinze jours prisonnier, puis le revendirent. Et Mermoz reprit
ses courriers au-dessus des mêmes territoires »7, le narrateur qui sait tout, enchaîne un
autre récit, projeté déjà sur un espace géographique opposé, situé sur un autre niveau
temporel mais racontant les exploits du même Mermoz : « Lorsque s’ouvrit la ligne
d’Amérique, Mermoz, toujours à l’avant –garde fut chargé d’étudier le tronçon de
Buenos-Aires à Santiago et, après un pont sur le Sahara, de bâtir un pont au-dessus des
Andes. Mermoz essayait pour les autres ».8
Terre des hommes a la particularité qu’il s’agit d’un récit de déplacement en
avion où la plupart des éléments sont traités en termes d’espace. Le récit est construit sur
des traversées en avion et les personnages travaillent dans un métier qui les fait parcourir
des étendues, affrontant l’espace et ses dangers, qu’il s’agisse de l’océan, du désert, des
montagnes, des conditions atmosphériques dans ce qu’elles ont d’extrême - tempête,
chaleur, froid.
7
8
Ibidem, p. 186.
Ibidem, p. 186.
3
Mais une autre idée vient s’ajouter aux traits déjà cités du trajet et qui souligne
les dangers auxquels s’exposent les pilotes : la disparition : « Ces années entretenaient
avec science notre respect. Mais de temps à autre, respectable pour l’éternité, l’un d’eux
ne rentrait pas. » 9 C’est ce qui préfigure les disparitions de Mermoz, celle de Guillaumet
et le récit de l’accident d’avion en plein désert saharien subi par le narrateur et son
compagnon Prévot.
Ces différents trajets et leurs dangers réciproques s’enchaînent donc au fil des
récits où le narrateur intervient souvent comme personnage- actant – mais parfois comme
simple conteur-narrant des histoires. Nous allons tâcher de saisir la particularité du
mouvement narratif et discursif dans le cadre de ce même chapitre. Considérant le rapport
entre les énoncés et l’énonciation, il nous faut dégager la situation énonciative du
narrateur, engagé dans son discours et la façon dont il
manipule les structures
temporelles, spatiales et actoriales qui véhiculent la progression du récit. Emile
Benveniste donnait la définition de l’énonciation comme : « la mise en fonctionnement
de la langue par un acte individuel d’utilisation ».10 « Il faudrait aussi distinguer
l’énonciation parlée de l’énonciation écrite, celle-ci se met sur deux plans : l’écrivain
s’énonce en écrivant et, à l’intérieur de son écriture, il fait des individus s’énoncer».11
Reprenant maintenant le texte, et à la lumière de ces notions, vérifions comment au
segment racontant le silence qui se fit dans la radio de Mermoz se juxtapose un autre
segment, renvoyant à l’instance énonciative qui prend à sa charge l’explication de la
différence dans la conception de la durée dans l’aviation. Il s’agit d’une structure hybride
dans la mesure où le segment narratif est entremêlé du discours de l’auteur qui intervient
dans l’histoire. C’est ce que dit, notamment, l’emploi du passé simple- temps privilégié
de l’histoire : « Puis le silence se fit/…/Tous les postes de radio
de la ligne /…/
commencèrent leur veillé dans l’angoisse ».12
Le passage au présent relève du discours : « Si dix minutes de retard n’ont guère
de sens dans la vie journalière, elles prennent dans l’aviation postale une lourde
9
Ibidem, p. 188.
E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, Paris, 1966, tome I, p., 166.
11
Ibidem, p .172.
12
A . de Saint Exupéry, op. cit. , p. 187.
10
4
signification ».13 La fusion du narrateur dans l’inclusif nous, procédé à travers lequel il
ramène l’expérience à soi-même, l’utilisation de la forme interrogative, modalité
spécifique du discours, expriment sa participation subjective : « Lequel d’entre nous n’a
point connu ces espérances de plus en plus fragiles, ce silence qui empire de minute en
minute comme une maladie fatale ? »14
Par cette inclusion, même lorsque le narrateur s’efface comme personnage, il
continue à appartenir à l’univers du récit. Mais d’autres moyens sont mis en œuvre pour
faire coïncider de plus près l’histoire et le discours, le discours et le vécu. Ainsi le montre
le segment qui suit le précédent, où la transition de l’histoire au discours devient plus
nette par un recours massif au système du présent de l’énonciation, moment où le
narrateur dégage une réflexion de cet événement passé : « Quand un camarade meurt
ainsi, sa mort paraît encore un acte qui est dans l’ordre du métier, et tout d’abord, blesse
peut-être moins qu’une autre mort
La narration s’organise à partir de l’instance énonciative dont le discours est en
prise constante sur l’histoire. Le sujet de l’énonciation renforce son propos, tout en
accentuant le caractère rétrospectif de l’évocation. Saint-Exupéry raconte, en fait, avec sa
mémoire ; il rapporte l’accident légendaire de Guillaumet dans la Cordillère des Andes et
les recherches auxquelles il avait lui-même participé. En premier plan, nous avons le récit
des impressions du narrateur : « Et lorsque, de nouveau, je me glissais entre les murs et
les piliers géants des Andes, il me semblait, non plus te rechercher, mais veiller ton corps,
en silence, dans une cathédrale de neige ».15
L’annonce de la rescapée de l’aviateur, la rencontre émouvante après cinq jours
et quatre nuits de marche dans la neige sont rapportées par l’auteur-témoin : « C’est alors
que tu exprimas, et ce fut ta première phrase intelligible, un remarquable orgueil
d’homme : ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait ».16 L’accident
est raconté par le narrateur et c’est à travers son regard rétrospectif qu’est rapportée
l’aventure de Guillaumet. En effet, l’invocation de ce dernier, implicite dans la forme
pronominale tu, renvoie à un interlocuteur, soit à la voix du narrateur.
13
Ibidem, p. 187.
Ibidem, p. 188.
15
Ibidem, p. 194.
16
Ibidem, p.192.
14
5
Il faut souligner l’utilisation particulière dans ce contexte du pronom tu, qui
permet au narrateur de maintenir l’équilibre entre l’histoire et le discours. Si, comme
anaphore grammaticale de Guillaumet, ce pronom revêtit le rôle d’interlocuteur au sein
du discours du narrateur mais il se trouve aussi engagé dans l’histoire, fait qui nous
permet de mieux suivre son déroulement.
Une fois encore la voix du narrateur premier s’estompe au profit d’un discours
second ; celui du narrateur homodiégétique qui intervient comme personnage de
l’histoire, je, témoin et garant de l’épisode narré : « J’’avais failli me faire coincer, nous
disais-tu, mais je n’étais pas convaincu encore. On rencontre des courants descendants au
dessus des nuages qui paraissent stables »17.
Bien que la forme dialogique pure soit abandonnée, l’échange entre les pronoms
je et tu se maintient par le biais de l’interpellation qui renvoie au passé, à partir du présent
de l’énonciation. Le narrateur pénètre sans réserves dans la conscience du tu pour en
restituer les pensées même s’il se trouve au-delà du rôle de participant à l’histoire. Le
lecteur se trouve en présence de l’évocation du tu par le narrateur et donc dans la
présence d’un échange entre je et tu et assiste à un échange dialogique entre le je qui est
le protagoniste de l’histoire, Guillaumet, dont la présence est relevée par les formes
pronominales je, me, m’a, et le je qui représente le narrateur dont la présence dans
l’histoire se manifeste par le pronom me.
Il ressort ainsi la quête d’un sens à la vie de Guillaumet à celles des camarades.
Comme des hommes en général. Saint Exupéry la définit à travers le geste cognitif de
l’écriture qui l’amène à forger la notion de communauté. L’épanouissement de l’homme
ne semble réalisable qu’au sein d’une communauté, s’affranchissant de la vie médiocre
par le dépassement de lui-même.
Dans Terre des Hommes le temps, l’espace, les personnages n’obéissent toujours
pas à un rapport narratif fondé sur une chronologie ou sur la linéarité d’une narration,
tendance vers laquelle la tradition romanesque oblige ce genre littéraire. L’auteur
s’affranchit de certaines règles propres au roman, fait qui met en difficulté l’effort de
définir aisément cet ensemble de récits. Ainsi, si l’on applique à l’étude de cette œuvre le
terme « espace », celui –ci dépasse de bien loin la dimension thématique et en acquiert
17
Ibidem, p. 41.
6
une dimension allégorique qui pourrait être le déchiffrement d’un nouvel espace
romanesque. Terre des Hommes, par la générosité des termes abordés, par la dimension
humaine et morale, est d’une complexité et d’une profondeur qui envoûte le lecteur et
réussit à le convertir à un effort de se surpasser, de devenir et de rester, au –delà des
vicissitudes et des difficultés, Homme.
BIBLIOGRAPHIE :
1. Exupéry, A., De, Terre des Hommes, Gallimard, Paris, 1939 ;
2. Autrand , M., Une lecture de Terre des Hommes, dans Saint Exupéry, le sens
d’une vie, Le cherche midi éditeur , Paris, 1994 ;
3. François, C., L’esthétique de Saint Exupéry, Delachaux et Niestle, Paris, 1957 ;
4. Gascht, A., L’humanisme cosmique d’Antoine de Saint Exupéry, Stainforth,
Bruxelles, Paris, 1957 ;
5. Gerbod, F., Notice de Lettre à un otage, in Œuvres Complètes, II, 1994 ;
6. Gide, A., A. de Saint Exupéry, Albert, Liège, 1951 ;
7. Huguet, J., Saint Exupéry ou l’enseignement du désert, La Colombe, Paris, 1956 ;
8. Vet, C., Univers du discours et univers d’énonciation : les temps du passé et du
futur, Langue française, 67,1985, p.38-58.
ELEMENTELE DISCURSULUI ÎN OPERA TERRE DES HOMMES DE ANTOINE
DE SAINT EXUPERY
REZUMAT
Lect. Univ. dr.ALEXANDRU LUCA Univ. Petru Maior
Terre des Hommes nu constituie o povestire liniară , în sensul în care ar fi o
juxtapunere de povestiri ci o legătură tematică şi structurală , aşa cum vom încerca să o
dovedim. Timpurile verbale cel mai des folosite sunt imperfectul care implică atât
7
anterioritatea cât şi simultaneitatea în povestire, cât şi prezentul indicativ care presupune
recursul la sistemul discursului care regizează efectiv scrierea operei şi asigură un factor
de coeziune al acesteia , în ciuda aparentei sale discontinuităţi structurale. Această
formulă scoate în evidenţă meditaţia subiectivă al unui « eu » al enunţării, persoană
gramaticală pe care se plasează enunţurile şi asigură coeziunea acolo unde totul pare
împrăştiat sau risipit.
Activitatea memoriei subiectului ghidează în acest fel naraţiunea şi se instalează
ca un factor de emancipare a discursului în raport cu povestea trăită.
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